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Classiques Garnier

Compte rendu

  • Type de publication : Article de revue
  • Revue : Cahiers Tristan Corbière
    2022, n° 5
    . Relations
  • Auteur : Houzé (Benoît)
  • Pages : 383 à 384
  • Revue : Cahiers Tristan Corbière
  • Thème CLIL : 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
  • EAN : 9782406164937
  • ISBN : 978-2-406-16493-7
  • ISSN : 2608-5895
  • DOI : 10.48611/isbn.978-2-406-16493-7.p.0383
  • Éditeur : Classiques Garnier
  • Mise en ligne : 21/02/2024
  • Périodicité : Annuelle
  • Langue : Français
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Compte rendu

Thierry Roger, La Muse au couteau. Lecture des Amours jaunes de Tristan Corbière, Mont-Saint-Aignan, Presses Universitaires de Rouen et du Havre, coll. « Cours », 2019.

Il est rare quun chercheur déjà chevronné consacre un ouvrage entier à Corbière. Thierry Roger, spécialiste de Mallarmé et de la poésie moderne, a publié en 2019 un tel livre, destiné à lépoque aux candidats à lagrégation mais qui est appelé à rester une publication de référence. Il sagit de fait de lune des meilleures, si ce nest de la meilleure introduction à la lecture des Amours jaunes : Roger sest parfaitement saisi du cadre du « cours » dagrégation, synthétisant de nombreuses approches sur lœuvre tout en proposant un cadre de lecture original et stimulant, enrichi de multiples références à dautres poètes et à la théorie critique.

La poésie de Corbière est saisie dans son complexe « romantisme déromantisé », dans son riche rapport à la bohême, mais aussi, ponctuellement, par des échos contrastés que lauteur fait valoir dans les œuvres de Rimbaud, Laforgue et Mallarmé. Elle est également approchée comme participant de mouvements plus profonds de la modernité poétique, que Roger prenne à témoin Hugo Friedrich ou Michaïl Bakhtine et sa conceptualisation de lironie lyrique. Cette riche situation de lœuvre, qui permet de la lire « avec » des écritures très diverses, lintègre avec tact dans la littérature moderne, sans émousser ni caricaturer la radicalité de ses questionnements.

Roger parvient également à rendre compte denjeux que lon pourrait dire existentiels dans le recueil. Il rejoint là Henri Thomas et Serge Meitinger, mais par un cheminement qui lui est propre. Si la partie de louvrage qui rend compte de lamour-Corbière est peut-être la moins enthousiasmante et enthousiasmée de louvrage (la vision fréquente de la femme comme être « purement pulsionnel et instinctif » est « la partie la plus jaunie, aujourdhui, des Amours jaunes »), Roger parvient à relever 384dans des pièces très différentes laccession à ce quil nomme avec bonheur une « ascèse », un au-delà de lamour et de la lutte intersubjective.

Il y a donc une recherche humaine dans Les Amours jaunes, mais Roger propose de ne pas lapprocher comme une « quête de soi », qui rabattrait sur laventure poétique une problématique identitaire : « le problème littéraire et existentiel de Corbière reste centré à nos yeux moins sur la question de lidentité, sur laquelle la critique corbiérienne a beaucoup insisté, peut-être trop, que sur celles de la vérité et de la liberté. » En sappuyant notamment sur les références corbiériennes à la pensée et au mode de vie cyniques, Roger met à jour chez Tristan des résonances poétiques et philosophiques à ce double questionnement.

Benoît Houzé