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VENTES

L’exemplaire d’auteur « jonquille »
des Amours jaunes

Dans son article classique de 1985, Jean-Louis Debauve identifiait, dans divers catalogues de vente du xxe siècle, la majorité des neufs exemplaires de l’édition originale des Amours jaunes tirés sur papier jonquille1 : le no 7, sans dédicace, ayant appartenu à Sacha Guitry ; l’exemplaire du père du poète ; celui d’Albert de la Salle ; celui du beau-frère (le « gendre ») Aimé Vacher ; enfin deux ou trois exemplaires sans numéro, dédicace ni propriétaire mentionné. « À cette liste, précisait le critique, on peut encore ajouter l’exemplaire qu’a possédé l’auteur, bien qu’il ne nous soit pas parvenu2 ».

En effet, si l’on connaissait, depuis les travaux d’Ida Levi3, l’exemplaire personnel « papier Hollande » de Corbière – sur lequel il a tracé nombre d’ébauches, quelques pièces abouties et quelques petits dessins, le tout à la plume ou au crayon –, l’exemplaire « papier jonquille » qu’on pouvait imaginer Corbière gardant par devers soi parmi les neufs imprimés sur ce papier était resté introuvable.

Il semble qu’il ait fait (ou refait) surface : nous nous sommes rendu compte qu’un exemplaire jonquille, ni numéroté ni dédicacé, « justifié et signé au crayon par l’éditeur : “exemplaire d’auteur” » avait en effet été vendu en 20054 puis 20165 à Paris. Impossible de savoir s’il s’agit d’un 404exemplaire jusque-là non identifié par la critique ou les experts, voire jamais vendu, ou bien d’un des deux ou trois que Debauve dénombrait sans avoir sur eux d’informations précises. Corbière n’a, en tout cas, rien écrit sur cet exemplaire-là, alors qu’il s’est servi de son « Hollande » comme d’un brouillestament (mixte de cahier de brouillon et de testament poétique6).

Notons que seuls trois exemplaires jonquilles numérotés sont actuellement connus : le no 7 précédemment cité ; le no 5, provenant de la vente du bibliophile Paul-Louis Arnaudet du 3 décembre 1878 (il fut donc acquis très tôt après sa publication) et figurant dans la 4e vente Guérin (1986)7 ; le no 4 enfin, sans dédicace, que nous avons pu consulter en 2007 dans la collection privée où figurait notamment l’exemplaire d’auteur des Amours jaunes annoté par Corbière.

Une lettre de Tzara
évoquant Vacher-Corbière et Rousselot

Une lettre de Tristan Tzara au traducteur italien Leone Traverso, datée du 30 janvier 1954, le montre nuancé face à la querelle ouverte, contre lui et Jean Rousselot, par le petit-neveu de Corbière, Jean Vacher-Corbière, qui allait publier son Tristan Corbière, portrait de famille (Montecarlo, Regain) en 1955. Ce livre sera tout entier tourné contre les arrière-plans psychanalytiques (ressentiment du poète envers son père) et politiques (Édouard Corbière en parvenu trahissant la cause littéraire) des analyses des deux poètes8. Tzara faisait cependant bien la différence entre son texte et celui de Rousselot, comme le montre cet extrait de la lettre, le seul lisible sur la photographie du catalogue :

Dans le no d’aujourd’hui même du Figaro littéraire, le petit-fils [sic] de Corbière vient d’écrire un très long article sur son oncle [sic] qui présente un certain intérêt. Il essaie – pour sauver l’honorabilité (!) de la famille – de présenter 405un Corbière « non maudit », si je puis dire. Si ses attaques contre Rousselot me semblent en partie justifiées – ce dernier avait grossièrement grossi ma thèse – celles qui me sont destinée ne font que me renforcer […]9

Benoît Houzé