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Classiques Garnier

La vie de la Société Mérimée

  • Type de publication : Article de revue
  • Revue : Cahiers Mérimée
    2009, n° 1
    . varia
  • Auteur : Garcia (Michel)
  • Pages : 205 à 209
  • Revue : Cahiers Mérimée
  • Thème CLIL : 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
  • EAN : 9782812439230
  • ISBN : 978-2-8124-3923-0
  • ISSN : 2262-2098
  • DOI : 10.15122/isbn.978-2-8124-3923-0.p.0205
  • Éditeur : Classiques Garnier
  • Mise en ligne : 15/12/2009
  • Périodicité : Annuelle
  • Langue : Français
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EXCURSION EN TOURAINE
SUR LES PAS DE MÉRIMÉE

27 et 28 septembre 2008

Lors du colloque de Cerisy de septembre 2007 avait été retenu le principe d’organiser des excursions sur les pas de l’inspecteur général des Monuments historiques Mérimée. La première destination proposée était l’abbaye de Fontevraud, avec ses environs immédiats, Saumur et Chinon. Cette excursion a été préparée par Michel Garcia. Les participants ont pu apprécier son art de mesurer le temps imparti à la contemplation du paysage, à la visite des monuments historiques et à la conversation, et celui de choisir des guides particulièrement qualifiés. La Société Mérimée lui exprime ici ses remerciements.

La Rédaction

Samedi 27 septembre

Matinée

Deux monuments figuraient au programme de la matinée. Sur le chemin de Fontevraud, la première visite a été consacrée à la collégiale de Candes Saint-Martin, dont l’édifice actuel fut érigé

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par les Plantagenêts, peu avant d’être chassés par Philippe-Auguste de leurs possessions continentales du grand ouest. Cette imposante église était chargée de perpétuer le souvenir de saint Martin, qui mourut sur ce site en 394. Deux aspects principaux retinrent l’attention des visiteurs : les voûtes angevines du chœur ainsi que l’abondant décor sculpté de la nef et des bas-côtés ; le porche nord, conçu comme un dais de pierre à l’usage des souverains.

La visite de l’abbaye de Fontevraud occupa le reste de la matinée. On sait que cet ensemble avait fait l’objet d’une restauration systématique par les soins de son propriétaire, le Conseil régional des Pays de Loire. On s’est plus particulièrement intéressé aux partis-pris des restaurateurs, dans les constructions qui avaient eu le plus à souffrir de la présence d’une prison centrale du début du xixe siècle aux années 1960 : abbatiale, grand cloître, noviciat, lazaret.

Après-midi

Les visites de l’après-midi ont été organisées et guidées par Fabrice Masson, animateur de l’architecture et du patrimoine et responsable du service Ville d’Art et d’Histoire de Saumur.

Notre visite à Saumur a débuté par l’église Notre-Dame de Nantilly, œuvre majeure de l’art roman angevin, dont la partie la plus remarquable est la nef, des années 1110-1120, large de 11 mètres, couverte d’une voûte en berceau brisé. Ce monument a subi une première restauration au milieu du xixe siècle après que Prosper Mérimée eut souligné l’état alarmant de l’édifice : toiture délabrée, voûte lézardée, colonnes coupées à mi-hauteur, humidité, dallage brisé… L’architecte saumurois Charles Joly-Leterme fut chargé des premiers travaux de restauration.

Ensuite nous nous sommes rendus à Saint-Pierre, principale église de la ville close. Cet édifice avait été construit en deux campagnes à la charnière des xiie et xiiie siècles : le chœur et le transept datent des années 1180, et la nef du début du xiiie siècle. L’ensemble est

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couvert de voûtes domicales dites angevines ou Plantagenêt : l’église Saint-Pierre permet de suivre l’évolution de ce genre de voûtement typique de l’ouest de la France, entre 1180 et 1210 environ. Ici encore, Charles Joly-Leterme avait assuré les premiers travaux de restauration du monument à partir des années 1840, et reçut les éloges de Prosper Mérimée, en 1849, pour le souci d’authenticité qu’il avait porté à la restauration des chapiteaux anciens.

Non loin de Saint-Pierre, la chapelle Saint-Jean est aussi un exemple majeur du style gothique Plantagenêt. Ancienne chapelle d’une commanderie des Hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem, édifiée dans les années 1230, elle présente trois travées carrées couvertes de voûtes sur croisées d’ogives bombées dont les fines nervures reposent le long des murs sur des colonnettes de faible section. Dans le chœur, les nervures se subdivisent en liernes et tiercerons, donnant à la voûte un aspect arachnéen. Les intersections de nervures sont marquées par des clefs sculptées. L’édifice a été porté sur la liste des Monuments historiques dès 1862, après avoir été restauré par Charles Joly-Leterme.

Enfin, notre périple saumurois s’est achevé à Saint-Hilaire-Saint-Florent, où nous avons pu découvrir les derniers vestiges de l’abbaye de Saint-Florent. C’est en 1026 que débuta la construction de l’abbatiale, qui fut dédicacée en 1041, bien que les travaux se soient poursuivis après cette date. L’église, un des plus somptueux monuments de l’Anjou, fut remaniée au xiie siècle puis au xvsiècle. Elle fut démolie au début du xixe siècle. Il n’en subsiste aujourd’hui qu’une remarquable crypte romane (vers 1060) et le narthex, ou « galilée », de la fin du xiie siècle, couvert d’une superbe voûte à huit pans dont les nervures retombent sur des chapiteaux magnifiquement ouvragés.

À proximité de ces vestiges, l’actuelle église Saint-Barthélemy n’est autre que l’ancienne chapelle des hôtes, destinée aux pèlerins qui venaient honorer les reliques de saint Florent. Charles Joly-Leterme a augmenté l’édifice primitif d’une travée et d’un clocher-porche.

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Dimanche 28 septembre

La matinée a été consacrée à une visite du château de Chinon, conduite par sa directrice Marie-Ève Scheffer, elle-même archéologue. On sait que Mérimée eut à faire avec le Conseil municipal de Chinon, qui aurait vu sans regrets disparaître des constructions depuis longtemps ruinées. Depuis une date récente, à l’initiative du Conseil général d’Indre-et-Loire, propriétaire du château, d’importants travaux d’aménagement ont été entrepris. Ils visent à mieux connaître l’occupation de la forteresse ainsi que du fort avancé ou Fort Saint-Georges. Le programme de restauration, qui aboutit en particulier à la couverture des logis royaux, a été précédé de fouilles archéologiques qui ont fourni une information précieuse sur l’histoire du site principalement au Moyen-Âge.

Les premières heures de l’après-midi, avant la dispersion générale, furent occupées par la visite des peintures murales de la crypte de Saint-Nicolas de Tavant, chères à Malraux mais inconnues de Mérimée, ainsi qu’aux imposants vestiges du déambulatoire du prieuré de Saint-Léonard de L’Ile-Bouchard.

Notre visite bénéficia d’une lumière exceptionnelle, bien différente du brouillard couleur de moutarde qui enveloppait l’abbaye–prison de Fontevrault à l’arrivée de Mérimée en décembre 1834. L’inspecteur général serait impressionné par l’ampleur des restaurations conduites pendant un siècle, après l’abandon progressif des bâtiments pénitentiaires, peut-être aussi aurait-il été passablement surpris des audacieux projets de la municipalité de Chinon pour l’aménagement du château, les budgets accordés par l’État pour les restaurations « complètes » sous la Monarchie de Juillet et le Second Empire ne concernant guère plus de vingt monuments majeurs…

Les participants ont été particulièrement sensibles au rare privilège de pouvoir visiter la crypte de St-Florent et celle de Tavant, que la plupart d’entre eux ne connaissaient que par le

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Musée des Monuments français (pardon, la Cité de l’architecture et du patrimoine).

À quand un week-end mériméen en Poitou, Saintonge et pourquoi pas à Arles ?

Michel Garcia
Université de Paris III