Liliane Durand-Dessert

J’ai le cœur serré lorsque j’apprends le décès de Liliane Durand-Dessert.

J’ai le souvenir de sa thèse, La Guerre Sainte, en 19881 : Liliane avait accompli un travail remarquable, quelques lumières donc, pour notre histoire.

Quand elle arriva à Tarbes, puis à Pau, en septembre 1994, elle avait suivi le fil de Walter Scott, dont elle démêla les coïncidences entre Waverley et Maldoror2. En 1996, à Paris, elle reconstitua avec minutie le quartier de Ducasse dans un article d’une grande richesse3.

À Montréal, Canada, en 1998, Liliane mit à profit son expertise des arts visuels, partant des évidences et des illustrations de l’œuvre4. Elle n’en présenta pas moins de 156. « Le paradoxe le plus étonnant, écrivait-elle, est sans doute celui qui aura consisté à faire rentrer l’univers le plus profane dans le cénacle le plus fermé des arts, tout en resacralisant l’écriture. » 156 illustrations, parmi lesquelles, en numéro 1, le supplicié de José Roy (connu par l’édition Genonceaux de 1890), et en numéro 134, un portrait d’Isidore avec calligramme signé Jypé (alias J.-P. Lassalle).

Liliane Durand-Dessert, en 1992, s’était déjà emparée de la question des représentation visuelles en apportant son aide à l’exposition 24montévidéenne L’Autre à Montevideo – Homenaje a Isidore Ducasse qui s’était tenue au Museo nacional des artes visuales de la capitale de l’Uruguay5. En 1994, elle me fit parvenir un exemplaire du livre qui en fut tiré avec cette gentille dédicace : « à Jean-Pierre Lassalle, ami passé, présent et futur d’Isidore et découvreur du philosophe incompréhensibiliste ».

Elle était encore à Marseille, en octobre 2000, et faisait miroiter le fameux Konrad de Mickiewicz, sur lequel elle écrivait : « Le personnage de Konrad est un être divisé et Mickiewicz symbolise cette division6. »

À Tokyo, en octobre 2002, elle revint au Isidore Ducasse peintre et sculpteur avec son leitmotiv : « Il serait possible de démontrer que presque toutes les tendances de l’art moderne et contemporain du vingtième siècle sont contenues en germe dans l’œuvre de Ducasse7. »

Enfin, à Bruxelles en 2004, elle présentera le très mystérieux Gérard van Bruaene et son milieu d’un « Cabaret Maldoror » bruxellois, ainsi que la Fleur en papier doré. Grâce à elle, nous découvrîmes, tout précieux, ce petit bijou, bien conservé et qu’avaient fréquenté tous les surréalistes belges8.

Triste soir donc, que ce soir où j’apprends son décès…

Jean-Pierre Lassalle

Ouvrages cités

Durand-Dessert Liliane, 1988, La Guerre Sainte. Lautréamont et Isidore Ducasse, lecture des Chants de Maldoror, Nancy Presses universitaires de Nancy, 2 tomes, 1023 p.

Collectif, 1993, L’Autre à Montevideo. Homenaje a Isidore Ducasse, anthologie de textes réunis par Angel Kalenberg et le Museo Nacional de Artes Visuales, Montevideo Barreiro y Ramos S.A., 447 p.

Durand-Dessert Liliane, 1994, « Une source des Chants de Maldoror : Waverley de Walter Scott », Cahiers Lautréamont, Paris, Association des Amis Passés, Présents et Futurs d’Isidore Ducasse, livraisons XXXI-XXXII, Lautréamont & Laforgue dans leur siècle, Actes du deuxième colloque international sur Lautréamont et Laforgue, Tarbes et Pau, 21-24 septembre 1994, 2e semestre 1994, Tusson Du Lérot, p. 223-244.

Durand-Dessert Liliane, 1996, « Iconographie du Paris d’Isidore Ducasse », Cahiers Lautréamont, Paris, Association des Amis Passés, Présents et Futurs d’Isidore Ducasse, livraisons XXXIX-XXXX, Isidore Ducasse à Paris, Actes du troisième colloque international sur Lautréamont, Paris, 2-4 octobre 1996, 2e semestre 1996, Tusson Du Lérot, p. 189-227.

Durand-Dessert Liliane, 1998, « Lautréamont et les arts visuels (1870-1998) », Cahiers Lautréamont, Paris, Association des Amis Passés, Présents et Futurs d’Isidore Ducasse, livraisons XLVII-XLVIII, Les Lecteurs de Lautréamont, Actes du quatrième colloque international sur Lautréamont, Montréal, 5-7 octobre 1998, 2e semestre 1998, Tusson Du Lérot, p. 81-159.

Durand-Dessert Liliane, 2000, « Konrad et Maldoror, Ducasse et Mickiewicz », Cahiers Lautréamont, Paris, Association des Amis Passés, Présents et Futurs d’Isidore Ducasse, livraisons LV-LVI, Les Poésies d’Isidore Ducasse, Actes du cinquième colloque international sur Lautréamont, Marseille, 13-15 octobre 2000, 2e semestre 2000, Tusson Du Lérot, p. 71-89.

Durand-Dessert Liliane, 2002, « Lautréamont, peintre et sculpteur », Cahiers Lautréamont, Paris, Association des Amis Passés, Présents et Futurs d’Isidore Ducasse, livraisons LXIII-LXIV, Maldoror hier et aujourd’hui. Lautréamont : du romantisme à la modernité, Actes du sixième colloque international sur Lautréamont, Tokyo, 4-6 octobre 2002, 2e semestre 2002, Tusson Du Lérot, p. 93-103.

Durand-Dessert Liliane, 2004, « Gérard van Bruaene, le Cabinet Maldoror et la Fleur en Papier doré », Cahiers Lautréamont, Paris, Association des Amis Passés, Présents et Futurs d’Isidore Ducasse, livraisons LXXI-LXXII, 26La Littérature Maldoror, Actes du septième colloque international sur Lautréamont, Liège, 4-5 octobre 2004, Bruxelles, 6 octobre 2004, 2e semestre 2004, Tusson Du Lérot, p. 253-260.