Résumés
- Type de publication : Article de revue
- Revue : Cahiers Jean Giraudoux
2016, n° 44. Giraudoux critique, essayiste et témoin de son temps - Pages : 455 à 467
- Revue : Cahiers Jean Giraudoux
- Thème CLIL : 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
- EAN : 9782406063759
- ISBN : 978-2-406-06375-9
- ISSN : 2552-1004
- DOI : 10.15122/isbn.978-2-406-06375-9.p.0455
- Éditeur : Classiques Garnier
- Mise en ligne : 30/12/2016
- Périodicité : Annuelle
- Langue : Français
Résumés/Abstracts
Alvio Patierno, « Retour d’Alsace, août 1914 : témoignage littéraire d’un tragique de guerre en sursis »
Giraudoux inaugure, dès le printemps 1916, avec Retour d’Alsace, août 1914, le genre du récit de guerre, sous la forme apparente du récit journalistique rédigé à partir de carnets de route souvent remaniés, déjà fidèle à sa poétique en formation, où tout est affaire de style. Limitée à ce texte, cette étude a pour but de saisir les traits dominants d’un discours qui permet de retrouver le Giraudoux d’août 1914 dans son itinéraire à la fois militaire, littéraire et humain en terre alsacienne.
In Spring 1916, with his Retour d’Alsace, Août 1914, Giraudoux inaugurated the genre of the war memoir. In Retour it takes the form of a journalistic story apparently pieced together from his often reworked field journals, yet already faithful to his evolving poetics, for which the question of style is uppermost. This study, bearing exclusively on Retour d’Alsace, aims to catalogue the dominant traits of a discourse in which we find the Giraudoux of August 1914, on his at once military, literary, and human itinerary, on Alsatian soil.
Flavie Fouchard, « Adorable Clio, un écrivain face au texte de guerre »
Dans Adorable Clio, la mise en scène de l’écriture poétique s’inscrit dans l’appropriation par Giraudoux de techniques qui deviendront caractéristiques de son style mais ne masquent, contrairement aux apparences, ni la guerre ni les sentiments contradictoires qu’elle lui a inspirés. Grâce à eux, ce recueil constitue une méditation à la fois personnelle et générale sur la transformation qu’opère la guerre sur le narrateur, ainsi qu’indirectement sur la manière d’écrire sur un tel événement.
The staging of poetic writing in Adorable Clio is inscribed within Giraudoux’s appropriation of techniques that were to become characteristic of his style but which, contrary to appearances, serve to dissimulate neither the war nor the contradictory 456sentiments it inspired in him. By virtue of these techniques, this collection constitutes both a personal and a general meditation on the way in which the war had transformed the narrator, and, indirectly, on the way in which such an event may be written.
Mauricette Berne, « Les campagnes de la Marne et de l’Aisne. Campagnes d’écriture »
Jean Giraudoux, sergent interprète au 298e régiment d’infanterie, combattant de la première heure qui connut l’enfer des tranchées, n’a pas tenu de journal au jour le jour comme Henri Barbusse et Roland Dorgelès, mais à partir de ses souvenirs, a composé trois livres de guerre publiés de 1917 à 1920 dont les manuscrits révèlent un grand travail d’écriture : en août et septembre 1914, il entre en Alsace puis participe activement à la campagne de la Marne avant d’être blessé à Vingré dans l’Aisne.
Jean Giraudoux, sergent interprète in the 298th Infantry Regiment, a combatant from the very beginning, and who experienced the hell of the trenches, did not keep a daily journal, as did Henri Barbusse and Roland Dorgelès. Instead, based on his memories, he composed three war books that would be published between 1917 and 1920, the manuscripts of which reveal a great literary labor: in August and September 1914, he entered Alsace, then participated actively in the Marne campaign, before being wounded at Vingré in Aisne.
Mireille Brémond, « On ne parlait pas de guerre dans les tranchées (PP) »
Dans ses écrits sur la guerre, aussi bien la première que la deuxième, Giraudoux est déterminé à ne pas nous faire voir la réalité de la guerre. Tournant les yeux sur la nature ou d’infimes détails pendant la première guerre, il laisse la parole au jardinier pendant la seconde. Ce silence, ce détournement du regard sont plus à comprendre comme une résistance à l’horreur, une anesthésie pour éviter la souffrance, que comme de l’indifférence ou de la légèreté.
In his war writings from the First World War as well as the Second, Giraudoux is determined not to let the reader glimpse the reality of war. Turning his gaze towards nature, or towards minute details during the First World War, during the Second World War he leaves it to the gardener to speak. This silence, this averting of the gaze, should be understood more as a resistance to the horror, an anesthesia to circumvent suffering, than as indifference or levity.
457Hélène Tatsopoulos, « Amica America, une méditation sur Éros et Thanatos »
L’article démontre, à travers Amica America, que la mission diplomatique de Giraudoux en 1917 se double d’une mission poétique, visant à jumeler la France et l’Amérique et à compenser les effets destructeurs de Thanatos par l’union et la création relevant de la pulsion de vie Éros. Ainsi, l’écrivain parvient à canaliser la charge émotionnelle suscitée par la guerre et à conserver l’espoir « de voir deux grands pays changer leur but et leur fonction par simple bienveillance ».
By way of Giraudoux’s Amica America, the article shows how the writer’s 1917 diplomatic mission doubled as a poetic mission, where he aimed to twin France with America, and to compensate for the destructive effects of Thanatos through this union and through the creation that springs from the vital impulse of Eros. Thus the writer manages to channel the emotional charge engendered by the war, and to conserve the hope “of seeing two great countries alter their aims and their function through simple benevolence”.
André-Alain Morello, « La révélation portugaise de Giraudoux »
Giraudoux a séjourné au Portugal en septembre-octobre 1940, dans l’espoir de retrouver son fils. C’est son second séjour, le premier remontant à 1916 (mission militaire). Dans ce texte poétique, Giraudoux compose un hymne à ce pays refuge, consolation d’une Europe effondrée. Ces très belles pages aboutissent à une sorte de révélation : la lumière, les couleurs du Portugal, rendent la vue à l’écrivain qui se tait au profit de la prosopopée du bégonia qui donne une leçon de paix aux hommes.
Giraudoux stayed in Portugal in September-October 1940, in the hope of finding his son. It was his second sojourn in the country, the first (a military mission) having taken place in 1916. In his poetic text, Giraudoux composes a hymn to this country of refuge, consolation of a collapsing Europe. These beautiful pages culminate in a sort of revelation: the light and colors of Portugal restore the sight of the writer, who says nothing, leaving only the prosopopeia of the begonia and its offering to mankind of a lesson in peace.
Thierry Noir, « Giraudoux, écrivain et/ou journaliste ? »
Cette contribution étudie le contexte déontologique de la profession journalistique à cette époque. Ce cadre donnera ainsi un éclairage nouveau sur le travail de Jean Giraudoux.
458This contribution examines the deontological context of the journalistic profession to the present day, a framework that sheds new light on the work of Jean Giraudoux.
Annick Jauer, « Le Berlin de 1930 vu par Jean Giraudoux »
Dans ce texte de 1930 publié par les éditions de la Roseraie et qui contient des illustrations de Chas Laborde, le regard porté par Giraudoux sur les réalités berlinoises de l’époque n’est pas un regard de reporter, mais d’artiste. Les réalités de la capitale allemande ne sont pas éludées, mais la structure du texte et l’usage des images témoignent du désir de créer un texte qui soit avant tout artistique, et non informatif.
In the 1930 text published by Éditions de la Rosearaie and illustrated by Chas Laborde, the gaze that Giraudoux turns on the realities of the Berlin of the time is not that of a reporter, but that of an artist. Not that the realities of the capital are evaded, but the structure of the text and the use of images testify to a desire to create a text that would be above all artistic rather than informative.
Krystyna Modrzejewska, « Jean Giraudoux, visionnaire et témoin de son temps dans La Française et la France »
Jean Giraudoux, avec un humour fin, a présenté les questions sérieuses concernant son temps, la situation de la femme, la crise de la masculinité. Vigilant et visionnaire, il a désigné la femme, lui attribuant toutes les qualités, comme digne de prendre le pouvoir pour y remplacer l’homme qui a déçu ses électeurs.
With a finely judged humor, Jean Giraudoux presented serious questions concerning his times, the situation of women, and the crisis of masculinity. Vigilant and visionary, he attributed all qualities to women, considering them worthy of seizing the reins of power from men who had let down their electors.
Annie Besnard, « Les écrits sur le sport de Jean Giraudoux. Entre influences contemporaines et vision personnelle du monde »
Sous des habillages stylistiques différents, les textes sur le sport développent une philosophie globale, inspirée à la fois par les débats de l’époque et par la vision du monde de l’auteur. L’objectif de l’étude est de montrer les modalités 459de cette filiation, guidée par un idéal de l’être humain et de la cité, ainsi que d’aborder les aspects stylistiques de l’écriture de l’essai chez Giraudoux.
Clothed in many different stylistic manners, Giraudoux’s texts on sport develop a global philosophy, inspired both by the debates of the time and by the author’s own world-vision. Our objective here is to show how these inspirations exert their influences, guided by an ideal of the human being and of the city, and to examine the stylistic aspects of essay-writing in Giraudoux.
Myriam Lépron « Le grand saut : de Jean Giraudoux à Maylis de Kerangal »
Aux deux bouts du siècle, Giraudoux et Kerangal écrivent des textes sur le sport. La teneur des propos diffère, mais des traits communs se dessinent : lien entre politique et sport, évocation des records et stars du moment. Surtout, les corps sportifs se retrouvent dans les romans Aventures de Jérôme Bardini de Giraudoux et Corniche Kennedy de Kerangal. Chaque fois, il s’agit de plongeon féminin : expérience sportive, érotique, mystique… renseignant sur le statut de la femme à chaque époque.
Giraudoux and Kerangal both wrote texts on sport, from opposite ends of the twentieth century. The tone of their work is very different, yet some common traits can be discerned: a link between politics and sport, the evocation of records and stars of the moment. Above all, in both Giraudoux’s novel Aventures de Jerôme Bardini and Kerangal’s Corniche Kennedy we find sporting bodies. In both cases, the image is that of a woman diving: a simultaneously sporting, erotic, and mystical experience… which can teach us something about the status of woman in both epochs.
Michel Lioure, « Les cinq tentations de Giraudoux »
À travers le portrait de son modèle, on peut saisir bien des traits qui appartiennent au portraitiste. Loin de se réduire à une présentation superficielle et à un discours mondain, les cinq conférences de Giraudoux sur La Fontaine constituent non seulement une étude originale et documentée de la vie du poète et des milieux qu’il a fréquentés, mais aussi, indirectement mais non moins clairement, un aveu des tentations qu’il a lui-même éprouvées et illustrées dans son œuvre.
By examining his portrait of a subject, one can learn much about the portraitist himself. Far from being reducible to a superficial presentation or a fashionable discourse, 460Giraudoux’s five papers on La Fontaine constitute not only an original and learned study of the life of the poet and the milieus he frequented, but also–indirectly but no less clearly–an avowal of the temptations that Giraudoux himself had undergone and illustrated in his oeuvre.
Damien Fortin, « Une critique d’empathie. La Fontaine, un héros giralducien »
En relation avec une érudition universitaire élégante et policée, la critique qu’incarne Giraudoux avec ses Cinq Tentations de La Fontaine prend la forme de conférences étincelantes animées d’une empathie virtuose à l’égard de son modèle. Ainsi se noue entre les deux instances en présence une relation d’émulation féconde et dynamique. Entre eux, le rapport est réciproque : projection du critique dans la vie légendaire de son modèle et assimilation du modèle dans l’œuvre romanesque du critique.
As well as displaying an elegant and circumspect academic erudition, the critical account given in Giraudoux’s Cinq Tentations de La Fontaine takes the form of effervescent conference papers animated by a virtuosic empathy with his subject. Between the author and his subject there emerges a relation of fruitful and dynamic emulation. The relation between them is reciprocal, Giraudoux-the-critic projecting himself into the legendary life of his model, while the latter is assimilated into Giraudoux’s own novelistic oeuvre.
Adélaïde Jacquemard-Truc, « La critique littéraire comme apologue du temps présent. Giraudoux et Les Cinq Tentations de La Fontaine »
Giraudoux défend l’actualité paradoxale de La Fontaine pendant l’entre-deux guerres. Sa vision du poète véhicule un message politique implicite renvoyant au contexte de l’époque. Le fabuliste incarne une intégrité que son critique tend comme miroir au lecteur. Si l’efficacité des fables est expliquée par leur nature profonde, cette réflexion informe autant sur le style de La Fontaine que sur les priorités de Giraudoux. Son éloge de l’indomptable esprit de liberté du poète ressemble à un appel.
In his Cinq Tentations Giraudoux defends the paradoxical contemporary relevance of La Fontaine in the inter-war years. His vision of the poet conveys an implicit political message relating to the context of the times. The fabulist incarnates an integrity that his critic offers up as a mirror to the reader. If the effectiveness of the fables is explained by their profound nature, this reflection informs both the style of La 461Fontaine, and Giraudoux’s own priorities. His elegy to the poet’s indomitable spirit of freedom can be heard as an appeal to the present day.
Marie-Claude Hubert : « Qu’est-ce que le théâtre pour Giraudoux ? »
Cette étude a pour objet le discours de Giraudoux sur le théâtre, son point de vue sur le théâtre allemand et en particulier sur le rôle du metteur en scène, ainsi que sa relation à Louis Jouvet qui mit en scène presque toutes ses pièces.
This study focuses on Giraudoux’s discourse on the theatre, his point of view on German theatre, and in particular on the role of the director, as well as his relations with Louis Jouvet, the director of the majority of his plays.
Arzu Etensel Ildem, « Giraudoux critique dramatique dans le miroir de Giraudoux dramaturge »
En 1941, Giraudoux a publié Littérature où il a réuni un certain nombre de conférences, préfaces, discours. Son but est de montrer la grandeur de la littérature française à un moment où la France fait face aux difficultés de l’occupation. La plupart des textes datent de 1930-1931 et contiennent ses idées sur le théâtre quand il a commencé à écrire ses pièces. Il préconise un théâtre littéraire où la langue française est mise en valeur et respectée, et il réfléchit sur le rôle du metteur en scène.
In 1941, Giraudoux published Littérature, which brought together a collection of conference papers, prefaces, and other discourses. His aim was to extol the greatness of French literature at a moment when France was confronting the tribulations of occupation. Most of the texts date from 1930–1931, and contain his ideas on the theatre at the time he began to write plays. He endorses a literary theatre where the French language is foregrounded and respected, and he reflects on the role of the director.
Souad Zaïed Akrout, « Du chrysanthème au glaïeul : Giraudoux théoricien du théâtre »
Le théâtre est d’abord pour Giraudoux un texte. Le langage dramatique est le noyau autour duquel gravite sa théorie théâtrale. Face aux excès de la scène allemande et à l’avènement de Piscator, il essaye de rétablir l’autorité de l’auteur sur la scène française par le biais du style. Ses conférences, ses 462interviews, ses écrits s’accordent sur la nécessité d’une prise de pouvoir du texte : c’est à travers le langage que le théâtre se révèle, car le langage est signe, il est un élément de vérité.
For Giraudoux, theatre is primarily a text. Dramatic language is the core around which his theory of the theatre gravitates. Squaring up to the excessive emphasis on scenery in the German theatre and the advent of Piscator, he tries to re-establish the authority of the author on the French scene by way of style. His conference papers, interviews, and writings all agree on the demand that the text must take up its rightful place of power: it is through language that theatre reveals itself, for language is sign, an element of truth.
Anne-Marie Prévot, « Littérature, Section 1 : entre essai critique et style d’auteur »
Cet article étudie d’un point de vue stylistique la section 1 de Littérature, consacrée à Racine, Choderlos de Laclos, Nerval et C.-L. Philippe. Ces textes à forte portée polémique permettent de s’interroger sur les choix poétiques et esthétiques de Giraudoux, sur le pouvoir du langage face à une littérature dépossédée de son afflux vital, sur la force poétique du mot et sa capacité de subversion ; réflexion menée dans toute son œuvre. Leur parution en 1941 donne à ces textes une force particulière.
This article studies section 1 of Littérature, which covers Racine, Choderlos de Laclos, Nerval, and C.-L. Philippe, from a stylistic point of view. These highly polemical texts enable us to interrogate Giraudoux’s poetic and aesthetic choices, the power of language when confronted by a literature that has been dispossessed of its vital flux, and the poetic force of the word and its capacity for subversion; topics that would be concerns for Giraudoux throughout his entire oeuvre. The publication of this collection in 1941 lends a particular force to these texts.
María Vicenta Hernández Alvárez, « Giraudoux, images et paradoxes de la critique. Une Littérature en péril ? »
Les découvertes de la critique Giralducienne émergent à partir de la comparaison, de la négation et de la surprise. Ce procédé est récurrent : établissement du cadre, négation de l’appartenance, démonstration de la différence, enfin, affirmation surprenante de l’exception qui, paradoxalement, se présente comme un nouveau paradigme. Dans Littérature, les formulations 463paradoxales nous rapprochent des écrivains qui trouvent leur langage dans l’intelligence, la lucidité et le travail de l’écriture.
The discoveries of Giraudouxian critique emerge through comparison, negation, and surprise. This procedure is recurrent throughout Giraudoux’s work: the establishing of a framework, the introduction of a work that does not belong to it, a demonstration of the difference, and finally, a surprising affirmation of the exception, which, paradoxically, is presented as a new paradigm. In Littérature these paradoxical formulations bring us close to writers who find their language in the intelligence, lucidity, and the work of writing.
Stéphane Chaudier, « Giraudoux l’inactuel ou l’art de donner ses aises à la pensée »
Qu’est-ce que l’art de Giraudoux critique littéraire apporte à la connaissance de la lecture critique et à l’éthique du critique littéraire ? Cette contribution montre en premier comment son projet s’explique en partie par la cible qu’il se choisit ; puis que toute son analyse littéraire est travaillée par deux aspirations contraires : désir de sécurité, appel de la liberté. Enfin, elle dégage son idéal : la littérature est la preuve et la condition, la raison d’être et le fruit de ce qu’il nomme la civilisation.
What does the art of Giraudoux as literary critic contribute to our knowledge of critical reading and the ethics of literary criticism? This contribution shows, first of all, how his project can be explained in part by his choice of targets; secondly, it shows that all of his literary analysis is concerned with two contrary aspirations: the desire for security, and a call for freedom. Finally, it draws out his ideal: literature is both the proof and the condition, both the raison d’être and the fruit, of what he calls civilization.
André Job, « L’écriture comme engagement : à l’orée d’une notion »
Dans Littérature (1941), il arrive que le terme « écriture » s’impose à Giraudoux pour définir non sans véhémence la mission de l’écrivain, rapportée à la fonction sociale du langage. Écrire est pour lui un acte intransitif, comme il le sera chez Barthes. À cette époque charnière où l’engagement n’est pas encore une doctrine, cet article situe la posture particulière de cet écrivain qui se confie au pouvoir d’expansion sensible de la langue.
464In Littérature (1941), Giraudoux begins to use the term “writing” to define, not without a certain vehemence, the mission of the writer in relation to the social function of language. To write is for him an intransitive act, as it would be for Barthes. In this pivotal time when the doctrine of engagement is not ever true, this article situates the particular stance of this writer who placed his trust in language’s power to expand the senses.
Noussayba Ouakaoui Salem, « De Giraudoux à Sartre, la littérature est-elle l’exercice d’un pouvoir ou celle d’un devoir ? »
Certains critiques, dont Sartre, trouvent que l’œuvre de Giraudoux se résume à un style précieux et alambiqué. En lisant les écrits de Sartre et de Giraudoux, on s’attend à trouver des œuvres diamétralement opposées. Pourtant une lecture approfondie peut révéler des vases communicants. Cet article dévoile ces recoupements sans négliger la spécificité des deux auteurs qui diffèrent surtout sur le point du style. Si pour Sartre, l’idée précède le style, pour Giraudoux le style façonne l’idée.
Certain critics, Sartre among them, characterize Giraudoux’s oeuvre in terms of its precious and convoluted style. In reading the writings of Sartre and Giraudoux, then, one would expect to find them to be diametrical opposites. Yet a deeper reading can reveal interconnections. This article explores the overlaps between the two, without neglecting the specificity of two authors who differ above all on the question of style: if, for Sartre, idea precedes style, for Giraudoux it is style that shapes the idea.
Caroline Veaux, « Giraudoux essayiste : une écriture polie »
La politesse est une des valeurs centrales de la poétique et de l’éthique giralduciennes, mais est-elle une pratique mondaine ou une manière d’être à l’autre qui engage des valeurs politiques ? Or dans la nuit montre une politesse qui semble être un maillage réunissant les individus dans un espace partagé, ce qui rejoint les considérations politiques de l’écrivain. Dans Pleins Pouvoirs, il réclame « une civilisation de la politesse » car elle est au cœur d’une éthique de la relation à l’autre.
Politesse is one of the central values of Giraudoux’s poetics and ethics, but is it an everyday practice, or a way of being for the other which involves political values? Or dans la nuit shows us a politesse that seems to be a mesh that interweaves individuals together within a shared space, an idea that converges with the political concerns of the 465writer. In Pleins Pouvoirs, he appeals for “a civilization of politesse”, for courtesy is at the heart of an ethics of relation to the other.
Nicolas Di Méo, « Giraudoux essayiste : une politique du style ? »
Il existe dans les essais de Giraudoux ce que l’on peut appeler une politique du style, qui se traduit par la volonté de (re)donner du sens à un monde qui en paraît dépourvu. Alors que les images – comparaisons et métaphores – permettent d’interpréter une situation jugée inédite, la recherche d’harmonie dont témoigne sa prose montre qu’il existe, selon lui, un ordre du monde qui n’est pas respecté dans la réalité, mais qui reste toujours présent à l’arrière-plan de ses écrits politiques.
In Giraudoux’s essays there is what we might call a politics of style, evidenced by the will to give (back) some sense to a world that seems to have been stripped of all meaning. Thus images–comparisons and metaphors–allow one to interpret situations that seem unprecedented. The search for harmony to which his prose testifies shows that, according to Giraudoux, there is a world-order that is violated by reality, but which nevertheless remains ever-present in the background of his political writings.
Vincent Brancourt, « Des frontières : réflexions autour d’un motif. Différences, identité, exclusion »
Le monde imaginaire giralducien semble se construire en partie par un mouvement d’exclusion, symétrique de celui d’élection placé explicitement au centre de l’œuvre. La frontière chez Giraudoux sera donc double : d’une part, elle trace les limites de son monde ; d’autre part, elle délimite les entités qui le constituent. Tout son effort est de dépasser une conception abstraite de la frontière pour en faire le lieu à partir duquel atteindre le territoire dans sa diversité et son unité.
Giraudoux’s imaginary world seems to be constructed in part by a movement of exclusion, symmetrical to the movement of election explicitly central to his oeuvre. Thus in Giraudoux the frontier is twofold: on one hand, it traces out the limits of his world; on the other, it delimits the entities that constitute it. His effort is entirely dedicated toward surpassing an abstract conception of the frontier, in order to make of it the site from which one might attain the territory in its diversity and its unity.
466Jacques Body et Yves Landerouin, « “La France peuplée” : le style de Pleins Pouvoirs en débat »
L’idée selon laquelle les causes du sort infligé aux pages les plus controversées de Pleins Pouvoirs seraient d’ordre stylistique est examinée sous forme de confrontation amicale entre les deux auteurs de cet article. Le premier montre que cela s’explique surtout par une lecture incomplète et anachronique. Le second avance que ses figures rhétoriques de prédilection exposent ici l’écrivain à des malentendus et que son goût pour un style oratoire mal adapté à l’essai politique finit par produire une pensée caricaturale.
The idea that the blows meted out to the most controversial pages of Pleins Pouvoirs are of a stylistic kind is examined here in the form of a friendly argument between the two authors of this article. The first one shows that this is explained above all by an incomplete and anachronistic reading. The second suggests that, in this text, Giraudoux’s favored rhetorical devices expose him to misunderstandings, and that his taste for an oratorical style ill-suited to the political essay ends up producing a caricatural thought.
Frédéric Roussille, « Race et rhétorique performative dans Pleins Pouvoirs »
À la veille de la seconde guerre mondiale, Giraudoux met sa plume au service de la mobilisation nationale, faisant usage de la notion de « race française », difficilement audible pour nous. Examinant Pleins Pouvoirs, plutôt que de faire son procès, cet article tente de comprendre. Il montre ainsi que Giraudoux, pour se donner une légitimité, a éprouvé le besoin de se fonder sur cette notion pseudo-scientifique et propose également un aperçu de l’environnement idéologique dans lequel il prend la parole.
On the eve of the Second World War, Giraudoux places his pen in the service of national mobilization, making use of the notion of the “French race”, a phrase that is rather problematic for us today. Closely examining Pleins Pouvoirs rather than putting it on trial, this article tries to understand why. It thus shows that Giraudoux, in order to lend legitimacy to his arguments, felt the need to found them on this pseudo-scientific notion, and also gives a general survey of the ideological environment in which he became a spokesman.
467Annick Jauer, « “La race française” dans Pleins Pouvoirs : une autre lecture »
Si, dans Pleins Pouvoirs, l’usage que fait l’écrivain du terme « race » pour parler des Français peut sembler à certains moments se rapprocher d’une conception « biologique » de la notion, c’est parce que ce texte fait apparaître une perception obsédante de l’individu en tant que corps. Et cette obsession est elle-même liée au traumatisme de la première guerre mondiale.
If in Pleins Pouvoirs the writer’s use of the term “race” to speak of the French may at times seem close to a “biological” conception of the notion, this is because this text exposes an obsessive perception of the individual as body; an obsession that is itself linked to the trauma of the First World War.