Aller au contenu

Classiques Garnier

Les traductions médiévales des Métamorphoses d’Ovide Le lexique de la magie (Mét., VII, v. 159-293)

  • Type de publication : Article de revue
  • Revue : Cahiers de recherches médiévales et humanistes - Journal of Medieval and Humanistic Studies
    2021 – 1, n° 41
    . varia
  • Auteurs : Possamaï-Pérez (Marylène), Salvo García (Irene)
  • Résumé : L’article étudie les procédés de traduction des Métamorphoses d’Ovide dans la General estoria et l’Ovide moralisé à travers l’exemple du rajeunissement d’Éson par Médée. L’étude du vocabulaire de la magie permet de dégager à- la fois des points communs entre les deux traductions romanes, qui comportent finalement assez peu d’invention lexicale, et de subtils infléchissements de l’hypotexte latin, pour des raisons de bienséance dans le texte castillan, d’idéologie chrétienne dans le poème français.
  • Pages : 45 à 66
  • Revue : Cahiers de recherches médiévales et humanistes - Journal of Medieval and Humanistic Studies
  • Thème CLIL : 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
  • EAN : 9782406119968
  • ISBN : 978-2-406-11996-8
  • ISSN : 2273-0893
  • DOI : 10.48611/isbn.978-2-406-11996-8.p.0045
  • Éditeur : Classiques Garnier
  • Mise en ligne : 07/07/2021
  • Périodicité : Semestrielle
  • Langue : Français
  • Mots-clés : Ovide, General estoria, Ovide moralisé, traduction, latin, vocabulaire, magie, Médée
45

Les traductions médiévales
des Métamorphoses dOvide

Le lexique de la magie (Mét., VII, v. 159-293)

La première partie du livre VII des Métamorphoses (v. 1-403) est centrée sur Médée et sa pratique de la magie1. Ovide raconte les sortilèges successifs de Médée lors de la conquête de la Toison dor, du rajeunissement dÉson et du meurtre de Pélias, en y ajoutant ses voyages fréquents sur son dragon ailé. Parmi ces actes de magie, le rajeunissement du père de Jason frappe par lattention prêtée aux détails. Non seulement, le poète latin décrit précisément les ingrédients quutilise la sorcière, mais il va jusquà reproduire avec soin les invocations préliminaires et les différentes étapes de lincantation.

Les deux traductions en langue romane les plus anciennes des Métamorphoses, celle qui est incluse dans la General estoria (vers 1270) en castillan et lOvide moralisé (vers 1318) en français2, traduisent ce passage dans son intégralité. Dans cet article, nous étudions le traitement que reçoit le vocabulaire de la magie dans ces deux œuvres, en nous concentrant sur le récit du rajeunissement dÉson. Comme nous lavons montré dans des travaux antérieurs3, la comparaison de la langue de ces deux traductions est très fructueuse, en raison de la proximité, due 46à leur origine latine, du castillan du xiiie siècle et de la langue doïl, mais aussi du point de vue de la méthode de traduction, qui comporte des similitudes dans les processus de dérivation et de créations lexicales. À cela sajoute le fait que les deux versions sont relativement proches dans le temps, si bien quelles héritent dune même tradition médiévale de commentaire et de glose en latin du texte des Métamorphoses. Cette glose, qui peut être présente dans les marges ou les interlignes du manuscrit latin qui sert à la traduction, intervient dans la sélection du lexique roman et dans le sens quil acquiert. Dans létude qui suit, nous considérons deux manuscrits des Métamorphoses qui transmettent gloses et commentaires. Le premier est le Vaticanus Latinus 1598 (vers 1250), qui est lun des meilleurs témoins du commentaire appelé Vulgate4, dont les gloses ont eu un impact déterminant sur les traductions et les commentaires des Métamorphoses du milieu du xiiie jusquau xvie siècle. Le second est le Vaticanus Latinus 14795 (vers 1300), où lon trouve un commentaire extrêmement développé, que la critique considère comme proche du type de manuscrit que pouvaient avoir en main les auteurs de la General estoria et de lOvide moralisé pour traduire Ovide, au même titre que le commentaire Vulgate6.

47

Le rajeunissement dÉson (Mét., VII, v. 159-293)
dans les traductions romanes

Médée est lun des personnages mythologiques les plus présents dans la General estoria, une histoire universelle imposante – six parties pour 6100 pages dans son édition moderne – écrite dans le scriptorium dirigé par le roi de Castille et Léon Alphonse X (1222-1284). Les collaborateurs du roi qui ont traduit et compilé lestoria se sont servis dun nombre considérable de sources pour raconter lhistoire des mondes chrétien et profane de la Genèse à la naissance dAnne, la mère de la Vierge7. Les épisodes païens représentent quelque 40 % de lœuvre. Les Métamorphoses sont considérées comme une œuvre historiographique équivalente à la Bible ; elles constituent la source fondamentale pour les récits profanes de la Grèce antique et de Rome8. Les faits relatifs à Médée sont compilés dans la deuxième partie de la General estoria (vol. 2, p. 144-186), à lintérieur du récit des Argonautes. Les Métamorphoses9 (VII, v. 1-403) sont la source primaire, à laquelle sajoutent la traduction complète des Héroïdes VI et XII dHypsipyle et Médée à Jason, ainsi que la glose allégorique prise dans les commentaires médiévaux à Ovide. La version du rajeunissement dÉson reprise dans le texte castillan (p. 153-160) est significativement littérale, et ce fait est porteur de sens. Le vocabulaire de la magie est traduit avec précision, avec ponctuellement de brèves explications ajoutées, dans lesquelles on reconnaît parfois des correspondances avec la glose latine. Cette littéralité ne nous surprend pas : la magie, surtout quand elle est reliée à lastrologie, est lun des piliers intellectuels du roi Alphonse X10.

48

En ce qui concerne lOvide moralisé, première traduction française complète de lœuvre latine, le constat est au premier abord similaire : le moraliste qui traduit les Métamorphoses dOvide au livre VII de lOvide moralisé (v. 869-1081) reproduit assez fidèlement la longue préparation par Médée de la potion qui doit rajeunir Éson. En effet, contrairement aux habitudes de la plupart des textes médiévaux antérieurs, nous avons ici une « évocation précise du rituel magique » : Francis Dubost montre que le plus souvent, les auteurs se contentent dhabitude de nommer approximativement le savoir des magiciennes, et dy faire référence de façon assez floue : « Ce que le Moyen Âge retiendra de ces grandes images de la magie antique cest essentiellement la puissance du verbe incantatoire, des carmina, des charmes, mais il reculera devant les évocations trop précises du rituel magique. Pendant longtemps la littérature évitera même soigneusement den représenter le détail11… ». Deux grandes magiciennes occupent pourtant deux longs passages fidèlement reproduits des Métamorphoses à lOvide moralisé, respectivement à la fin de la première moitié, au livre VII (Médée), et à la fin de la deuxième moitié, au livre XIV (Circé) : ces deux grandes magiciennes se font donc écho, placées comme en miroir dans les deux œuvres, dont la construction est très concertée12.

Dans les lignes qui suivent, nous présentons lanalyse du vocabulaire utilisé dans les deux traductions, que nous avons classé en trois types : les termes génériques désignant la magie et le rajeunissement, la fabrication de la potion magique et la méthode utilisée par Médée. Ce que nous voudrions essayer de comprendre, cest dans quelle mesure 49le lexique roman correspond au texte latin original, quelle partie provient au contraire de linfluence de la glose – évoquée de façon répétée par les auteurs médiévaux13 – et enfin ce qui relève de linnovation des traducteurs castillans et français. Comme nous le montrons plus bas, la comparaison entre le latin et les langues romanes dune part, entre le castillan et le français dautre part, fait apparaître des modifications subtiles qui révèlent entre les deux œuvres des différences de vision et de traitement du récit ovidien, traitement qui oscille entre la censure discrète et la pleine assimilation de la pratique magique de Médée.

Les termes génériques

Dans le poème latin, les moyens utilisés par Médée pour entrer en contact avec les divinités infernales, et particulièrement la « triple Hécate », sont désignés par les termes de carmen ou cantus14. Le manuscrit Vat. Lat. 147915 donne comme équivalent pour ces deux mots le terme dincantationem16, tout comme le Vat. Lat. 159817. Les gloses latines peuvent donc avoir inspiré encantamientos (General estoria p. 156) et enchantement (Om., v. 891), bien que létymon exact de ces mots romans soit incantamentum, attesté tant par le Gaffiot18 que par le Du Cange19. Le 50terme charme20 quant à lui est le calque français du latin carmen. Carmen est simplement traduit par encantamiento en castillan. Charoi (Om., v. 857) se rattache à caragius, terme plus tardif (le Gaffiot nen donne quun exemple tiré du Pseudo-Augustin, mais le Du Cange rattache le mot à caragus, quil définit comme « sortilegus, praestigiator qui characteribus magicis utitur » : le terme serait de la même famille que character).

Profitant de la traduction de ces premiers concepts magiques juste avant la description du sortilège lui-même, les auteurs de la General estoria précisent le type dencantamiento, par une information que lon ne trouve pas chez Ovide. Pour ce faire, les compilateurs font appel à des contenus quils insèrent aussi dans dautres parties de la General estoria, où la magie et son exercice tiennent une place dexception. Par exemple, plus loin dans la même partie de lestoria (p. 628-635), nous lisons un bref traité sur la magie que pratiquent Diane, Circé et Médée. De source probablement arabe21, il contient les éléments de base de la pratique de ces trois sorcières, qui ont chacune un medium privilégié : Diane utilise des pierres, Circé des herbes et Médée des paroles. Le traité a logiquement un écho dans la traduction du passage ovidien qui nous intéresse puisque les compilateurs connaissent déjà les matériaux qui seront utilisés dans lensemble de lestoria. Les paroles, cest-à-dire linvocation, occupent ainsi une place prépondérante dans la version castillane. Les alphonsins évoquent le conjuro (le sort ; Mét., VII, v. 188-219) ou les conjuraciones avec lesquelles la magicienne interpelle le ciel (lune, astres), la terre (les eaux, la mer, les pierres) et lenfer (Pluton, Proserpine et les âmes), les trois éléments que représente Hécate22. Si lauteur de lOvide moralisé décrit bien, quant à lui, linvocation préliminaire à la préparation de la potion, il nutilise pas de terme précis pour la définir. Il mentionne seulement à deux reprises la priere (v. 916, 1020), mais en préambule au sacrifice des animaux (Mét., VII, v. 251-254) dont la magicienne utilisera le sang pour concocter le breuvage.

51

Les pouvoirs de Médée sont en général désignés par le terme ars en latin ; le mot arte du vers 176 des Métamorphoses est glosé dans le Vat. Lat. 1479 par le terme de sapientia, « sagesse » et « savoir » en même temps. Cette description est reprise dans la General estoria, par exemple sous la forme « Medea obró de su saber » « Médée œuvra par son art » (p. 160) ou aux nombreux endroits où les alphonsins appellent Médée « la sabia » « la sage » (par exemple p. 631). Le personnage de la magicienne se construit de fait comme un paradigme de sagesse par sa connaissance et sa pratique de la magie mais aussi des arts libéraux23. Dans lOvide moralisé24, ars est traduit par art ou par engin. On peut rappeler que la magie de Médée peut être vue au Moyen Âge de manière positive ou négative, et le mot engin évoque bien sûr lengin du diable, quoique Médée soit ensuite allégorisée de manière tout à fait positive par lauteur français, puisquelle est dans linterprétation typologique une figure du Christ25.

Le magicien est désigné chez Ovide par le terme générique de magus (v. 195), que le Vat. Lat. 1479 traduit par incantator26. LOvide moralisé nutilise pas le terme de « mage » ou de « magicien », mais celui 52denchanteours27, qui est bien formé sur incantatores. Dans la General estoria, les deux termes cohabitent, si bien que lon peut lire dans le même syntagme « encantamientos e artes de los magos » « enchantements et arts des magiciens » (p. 155), dans le passage du rajeunissement dÉson ou, plus loin, dans le traité déjà évoqué où Diane, Circé et Médée sont « tres dueñas magas » ou « tres dueñas encantadoras » « trois maîtresses magiciennes » ou « trois maîtresses enchanteresses » (p. 631).

En ce qui concerne les termes génériques désignant la magie et les magiciens, on peut donc affirmer que les traducteurs romans bénéficient en effet des équivalents latins donnés par un glossateur aux mots du poème ovidien.

Pour désigner le phénomène du rajeunissement, Ovide utilise des périphrases : « temptabimus longum aevum », « je mattaquerai à sa vieillesse28 », « renovata senectus », « la vieillesse régénérée29 » « in florem redeat primosque recolligat annos », « quil revienne à la fleur de lâge et retrouve ses premières années30 » ou le verbe renovare seul31. Le glossateur du Vat. Lat. 1479 propose le verbe composé de sens inchoatif rejuvenescere32, étymon de resjovenir ou renjovenir : on lit les deux termes dans lOvide moralisé33, qui hésite entre deux préfixes différents. Dans la General estoria, renovare est traduit littéralement par renovar, « renouveler », dans des périphrases comme « renovar vejés » « renouveler sa vieillesse » (p. 156) ou « renovar a Eson la edat » « renouveler lâge dÉson » (p. 157). Renovar est cependant rarement employé avec ce sens dans la General estoria : on nen trouve que deux autres mentions dans les deux premières parties – qui représentent deux mille pages environ34. Les traducteurs castillans ne semblent pas connaître le terme rejuvenecer (rajeunir) de lespagnol contemporain. Peut-être cette absence sexplique-t-elle par le fait que le mot joven (jeune), bien quil 53soit attesté dès 1251 en castillan35, est moins employé au xiiie siècle que mancebo ou moço, comme en témoigne la General estoria, par exemple, pour laquelle Éson est revenu « en mancebía » (p. 156).

La potion magique et ses ingrédients

Médée qualifie elle-même ses potions de venenis au vers 209 des Métamorphoses. Le Vat. Lat. 1479 glose le mot par « incantationibus venenosis », « enchantements vénéneux ». Les translateurs castillans et français ne reprennent pas ce mot. Pour le philtre destiné à rajeunir Éson, Ovide parle de sucus, « suc » au vers 215, et de « validum medicamen » au vers 262. Le Vat. Lat. 1479 rend ces termes par medicamen. Dans la General estoria, on lit çumo ou melezina (p. 160), bien que le terme le plus employé pour décrire la décoction de Médée soit confación, un dérivé de confectionem. Ici, les alphonsins illustrent à nouveau leur connaissance des termes « techniques » magiques. Confectionem est également repris dans la glose du Vat. Lat. 1598 au vers 264, qui explique le toponyme Hemonia comme un lieu où abondent les herbes appropriées pour les breuvages de Médée : « Hemonia terra est ubi habundant herbe ad confectionem utiles36 ». Bien quils lutilisent – peut-être pour sa technicité –, les alphonsins sont conscients de létrangeté du terme confación37 ce qui les pousse à en donner une définition : « [] por confaciones, esto es por mezclas de cosas como de yervas e de agua e de ál », « pour les confaciones, cest-à-dire pour les mélanges de choses comme des herbes, de leau et dautres » (p. 629). En 54castillan, le mot confación coexiste avec espiramiento, probablement dérivé dexperimentum, ce que laisse à entendre le titre suivant dun chapitre : « De cómo fizo Medea su espiramiento de sus yerbas e de otras cosas para renovar a Esón la edat » « Comment Médée fit son expérience avec ses herbes et dautres choses pour rajeunir Éson » (p. 157).

Medicamen est traduit par mecine au v. 980 de lOvide moralisé, mais le translateur a recours au doublet synonymique pour lui donner sa valeur magique plus que médicinale38 : charais et mecines (v. 980). Pour traduire validum medicamen, il parle de la force de la poison (v. 1055) : on sait que poison a pour étymon potionem et signifie en ancien et moyen français « boisson », « breuvage médicinal », et déjà « breuvage magique » ; le sens moderne de « breuvage empoisonné » est attesté quant à lui dès le moyen français.

La récolte des plantes nécessaires à la fabrication du philtre est longuement décrite dans le poème latin. Les termes utilisés sont herba39, mais aussi gramen40 et juncus41, et Ovide détaille aussi les différents modes de cueillette, aux vers 226-227 : « partim radice revellit, / partim succidit curvamine falcis aenae », « il en est quelle arrache avec leur racine, dautres quelle coupe au pied avec le tranchant recourbé dune faucille de bronze ». La traduction castillane est de nouveau littérale ; les alphonsins ajoutent simplement de petits détails, tels que lusage du « pico », le pic de la faux pour arracher les racines (p. 157).

Contre toute attente, le vocabulaire de la translation française est ici très pauvre, et le passage est même raccourci, alors que le translateur français est plutôt coutumier de lamplification, en particulier dans les passages « naturalistes42 » : les vers 990-1000 contiennent seulement 55les mots « herbe » et « racine », accompagnés des verbes « querre et amasser » : ces dix vers traduisent les neuf hexamètres dactyliques dOvide (224-232) alors quil faut dhabitude deux octosyllabes pour un hexamètre. Le manuscrit glosé que lauteur utilise ne semble pas linciter à développer le passage. Le Vat. Lat. 1479 glose quant à lui les vers ovidiens par la phrase « in aliquibus tantum suffecit radix, in aliquibus tantum truncus et folia, in aliquibus utrumque », « dans certaines plantes la racine suffit, dans dautres il faut seulement la tige et les feuilles, et dans dautres il faut lensemble43 ».

Ovide décrit ensuite la préparation de la décoction. Les traducteurs castillans restent fidèles au texte latin, conformément à leur habitude. Le translateur français est quant à lui plus prolixe que dans le passage précédent. Observons dabord que les traducteurs romans lisent « mellis » (« miel ») au lieu de « uini » (« vin »), au vers 246 de leur manuscrit des Métamorphoses, une variante que transmet également le Vat. Lat. 1479 (fol. 105v)44. La modification suivante porte sur la traduction du terme carchesia (v. 246 – v. 247), qui désigne les coupes à deux anses doù Médée verse le vin et le lait dans les fosses quelle a creusées autour des autels dédiés à Hécate et Hébé. En castillan, le mot est traduit par vasos (verres), dérivé du latin vas, peut-être sous linfluence dune glose similaire à celle du Vat. Lat. 1598 : « carchesium vas est amplum superius et acutum subintus », « le “carthesium” est un récipient large sur le dessus et étroit au-dessous45 ». Lauteur français, lui, omet ce terme. Cest ensuite par le terme aenum quOvide désigne le bassin de bronze dans lequel bouillonnent tous les ingrédients. Si les Narrationes fabularum de 56Lactance Placide46 et les mythographes du Vatican47 conservent aenum ou ahenum, le Vat. Lat. 1479 glose aenum par le mot cacabo48. Comme dans les exemples précédents, la sélection des termes romans montre lévolution du lexique au xiiie siècle. Les alphonsins ne traduisent pas aena par « bronce » (bronze) ou « cobre » (cuivre), les termes actuels, mais par arrambre, « airain », dérivé du latin tardif aeramen (de aes, aeris), qui est employé en castillan à la place de bronze jusquau xvie siècle49. Mais dans le cas précis qui nous intéresse, les Castillans comme lauteur de lOvide moralisé résolvent ici la métonymie ovidienne : les premiers choisissent « calderón » (p. 159) et lanonyme français opte pour « chaudiere », deux mots qui viennent du latin caldaria50.

Pour la matière des libations dont Médée emplit les fossés autour des autels, et principalement le sang de lanimal sacrifié, le poème latin parle au vers 244 de vellus nigrum, qui par métonymie désigne la « brebis à la noire toison51 ». Lexpression est rendue par « carneros negros » (p. 158) en castillan et par le « noir mouton » du vers 1012 dans le poème français. Le mot mouton était déjà suggéré dans le Vat. Lat. 1479 par léquivalent en latin vulgaire : la glose interlinéaire des mots « velleri nigri » donne « mutonis nigri ». Le mot multo nest pas attesté en latin classique, il est dorigine gauloise52.

Les termes qui désignent les ingrédients de la potion sont ensuite traduits assez fidèlement aussi bien en castillan quen français, quelque étranges et peu orthodoxes quils puissent paraître aux traducteurs : 57les radices (v. 264) et autres semina, flores et sucos (v. 265) sont rendus par raízes, simientes, flores, çumos negros dans la General estoria (p. 159). Lauteur de lOvide moralisé traduit par « Herbes de diverse maniere, / Maintes racines, maintes flors / [] Et mainte autre espice diverse » (v. 1034-1035, 1037) ; les lapides dExtrême-Orient sont piedras en castillan et « des pierres dInde et de Perse » (Om., v. 1038) en français ; les « exceptas luna [] pruinas », « rosée recueillie sous la lune » deviennent les « eladas » (General estoria p. 159) et les « bruines de la lune » (Om., v. 1045)53. Lauteur français traduit bien harenas par « sablon de la grant mer » (v. 1039) mais il omet la référence dOvide à la marée « refluum mare ». En castillan, nous lisons arenas mais aussi le syntagme « la creciente e la menguante », « la croissante et la décroissante » (p. 159), qui évoque en effet la marée. Les alphonsins ne connaissent peut-être pas le terme marea qui, daprès le corpus lexicographique consulté, nest attesté quen 1492 en castillan (il dérivera du français « marée54 »). La référence dOvide à la marée et au sable mouillé par la mer semble attirer lattention des commentateurs médiévaux, comme lexplicite la glose interlinéaire au vers 267 que nous lisons dans le Vat. Lat. 1598 (fol. 69r) : « mare lavit harenas sicut ad montem Sancti Michaelis », « les sables que lave la mer comme au mont Saint-Michel ». Le glossateur trouve pertinent dapporter ce bref éclaircissement qui permet de comprendre limage quOvide souhaite transmettre.

La liste des ingrédients se poursuit avec les constituants de provenance animale. Les traducteurs médiévaux nidentifient pas la « strige » (v. 269) et ses « ailes infâmes55 » : le terme proposé par les Castillans56 est lechuza, « chouette », une comparaison déjà suggérée par le Vat. Lat. 1598 puisque le commentateur glose le terme infames du vers 269 par les 58mots « dicit propter Nictimenen que cum patre suo jacuit [] ista mutata fuit in noctuam », « il dit “infâmes” à cause de Nictimène, qui coucha avec son père [] ; elle fut changée en chouette ». Le translateur français en fait une fresoie (« effraie » ou « chat-huant »), oiseau de mauvais augure dans dautres légendes57 et dont il utilise, non la chair et les ailes, mais le « cuer », le « foie », « lamer » et « les plumes » (v. 1040-1041). La suite de la description est traduite littéralement dans la General estoria ; lauteur français reprend le « vivacis jecur cervi », « le foie dun cerf à la longue vie » (v. 273), en y ajoutant le « gesier » pour faire bonne mesure58, mais considère sans doute que « la teste de la cornaille » (v. 1043) englobe aussi le bec du poème latin (« ora caputque [] cornicis », « le bec et la tête dune corneille », v. 274). Enfin, les prosecta (Mét., v. 271), participe neutre substantivé que le Vat. Lat. 1479 complète par le substantif sous-entendu exta, est rendu par le castillan entrañas (p. 159) et par le français entrailles (v. 1044), issus du latin interanea (« intestin59 »). Le « loup ambigu », « habitué à échanger sa forme de bête sauvage contre celle dun homme60 », est bien compris par un homme du Moyen Âge : le traducteur castillan lénonce comme lobohombre (p. 159) et le poète de lOvide moralisé le traduit par « leu garous » (v. 1044). Le commentateur du Vat. Lat. 1479, contemporain assurément des traducteurs, la bien compris aussi mais croit nécessaire dexpliciter le terme français dans une glose marginale aux vers 270-271 : « Antiquitus opinio erat quod erant adeo rabidi et demoniaci quod mutabantur in lupos, et adhuc est opinio multorum, et dicitur garouf gallice », « Autrefois on croyait quils étaient si enragés et si démoniaques quils étaient changés en loups, et encore maintenant bien des gens le croient : on parle de “garou” en français ».

Dans la suite, et à la différence des Castillans (« celidro de cenifeo con sus escamas », p. 159), le poète français fait limpasse sur le « petit chélydre du Cinyps61 », serpent venimeux dAfrique quil ne connaît sans doute pas. Il est possible que son exemplaire glosé des Métamorphoses ne laide pas, contrairement au Vat. Lat. 1479, qui définit lanimal en marge des 59vers 270-271 : « Cherindrus iuxta Enipheum fluvium habitat et dicitur a ge, quod est terra, et ydrus, quod est aqua, quia partim est in terra, partim in aqua », « Le chélydre demeure près du fleuve Cinyps et tire son nom de ge, “la terre” et ydrus, “leau”, parce quil vit en partie sur terre, en partie sur leau62 ».

Après avoir préparé la poison Médée la mélange à laide dun rameau dolivier : « par la force de la poison / Quele mouvoit o le tison / Est li tisons devenus vers, / De flours et de fueilles couvers ». Dans ces vers 1055-1057, lidée de « force » est ajoutée au texte dOvide, qui écrit simplement : « Ecce vetus calido versatus stipes aeno / Fit viridis primo », « Voici que ce vieux rameau quelle a fait tourner dans le bassin brûlant, verdit dabord63… ».

Malgré les quelques omissions, les auteurs romans livrent donc ici une transcription aussi fidèle que rare dune « recette de potion magique », et leurs lecteurs font partie des initiés qui ont le droit dassister à la préparation de Médée. Cependant le souci de chercher le terme le plus précis est évident, cest pourquoi les traducteurs et les commentateurs médiévaux nhésitent pas à résoudre des métonymies ou à ajouter des équivalents romans aux termes latins dOvide.

Mais en définitive, on découvre assez peu dinvention chez nos translateurs. Cest la traduction de la méthode proprement dite du rajeunissement qui sera lobjet de la plus grande innovation mais pour des raisons idéologiques plus que purement linguistiques.

La méthode

Linvocation

Pour invoquer Hécate et les dieux de la magie, Médée doit adopter une posture particulière : Ovide la résume dans les vers 182-183 : 60« [] vestes induta recinctas / Nuda pedem, nudos umeris infusa capillos », « vêtue dune robe sans ceinture, les pieds nus, ses cheveux tombant de sa tête nue sur ses épaules64 ». Le translateur français reprend les trois éléments au vers 901 (« Nuz piez, deschainte, eschevelee »), aidé peut-être par les gloses de son manuscrit, telles que celles que le Vat. Lat. 1479 propose pour les mots recinctas (« laxatas ») et infusa (« dispersa65 »). Mais il a déjà dû réfléchir à la traduction de ce rituel au livre I, lorsquil a lu les ordres de Thémis à Deucalyon et Pyrrha : « cinctas resolvite vestes », « détachez la ceinture de vos vêtements » (v. 382) : il a déjà traduit le verbe simple, cincto, par le verbe desceindre : « Chascuns se desceigne » (I, v. 2054).

Étonnamment, et contrairement au texte dOvide et à lOvide moralisé, la Médée de la General estoria ferme sa ceinture en sortant de chez elle : « vistióse Medea e cinxo bien sus vestidos » (Médée se vêtit et ceignit bien ses vêtements). Outre quelle a les cheveux dénoués, notent les alphonsins, Médée a la « cabeça sin toca » (« la tête sans toque »), un trait qui montre à quel point la tête nue de la magicienne frappe les traducteurs, habitués à voir les femmes toujours couvertes – comme les hommes assurément –, du moins à lextérieur de la maison66. La préoccupation que crée cette question est telle que Médée, dans le texte castillan, couvre sa tête pour concocter la potion, avec un « paño » (« coiffe ») quelle retire plus tard (p. 158), de sorte que ses cheveux sont à nouveau lâchés pour réaliser le rite de rajeunissement sur le corps dÉson.

Les modifications que subit le comportement physique de Médée pendant linvocation continuent tout au long du passage en castillan et, dans ce cas, nous observons bien la corrélation tant avec sa source latine potentielle quavec le texte français.

Lexemple suivant se trouve dans la traduction du vers 186 et celui que les éditeurs des Métamorphoses notent 186a. La tradition textuelle des deux vers 186 et 186a est complexe : cest la répétition dun même 61syntagme – « nullo cum murmure », « sans aucun bruit » – qui a entraîné la diffraction : on note de multiples variations dans le processus de copie67. Dans les deux manuscrits médiévaux considérés (Vat. Lat. 1479, fol. 105r, et Vat. Lat. 1598, fol. 67r), nous lisons : « nullo cum murmure serpens / [] nullo cum murmure serpit ». Ovide y présente Médée glissant en silence comme un serpent ; les traducteurs romans ne reprennent pas cette image et mentionnent seulement des serpents silencieux (« nin andava serpiente », General estoria, p. 155 ; « chiens nabaie, serpens ni sible », Om., v. 905), cest-à-dire quils traduisent « serpens » par le substantif « serpent » et non par le participe homophone du verbe serpo, serpere. Pourtant la glose éclaircit le vers : « Serpendo vadit propter naturam serpentum », « elle se déplace en rampant, comme le font naturellement les serpents » (Vat. Lat. 1479, fol. 105r). Les médiévaux omettent donc, peut-être intentionnellement, le fait que Médée se déplace (par terre ?) comme un serpent.

La suite du passage nous fait penser, en effet, que les traducteurs essaient déliminer quelques-uns des éléments les plus perturbants de ce portrait altéré de Médée. Par exemple, la Médée castillane et française ne marche pas pendant son sommeil, quand Ovide la décrit « sopitae similis » cest-à-dire comme une somnambule ; elle ne « hulule » pas non plus en castillan, elle « bâille » (« e abrió la boca tres vezes como quien bosteza », p. 155). Cette dernière modification provient certainement dune variante (peut-être intentionnelle elle-même) du manuscrit des Métamorphoses où ils lisaient « hiatibus ora » (bouche ouverte) au lieu de « ululatibus ora ». En effet, le Vat. Lat. 1479 (fol. 105r) comme le Vat. Lat. 1598 (fol. 67v) transmettent tous deux « hiatibus ». En revanche, lOvide moralisé rend lidée dun cri animal : « trois fois sescrie en abaiant » (v. 914).

La purification

Avant même de commencer sa prière, la magicienne latine a puisé « trois fois dans un fleuve de leau quelle répand sur sa chevelure », « ter sumptis flumine crinem / inroravit aquis » (v. 189) ; lOvide moralisé 62lui fait plonger toute sa chevelure dans leau claire : « Puis a trois fois plongié sa crine / En une eaue clere et bruiant » (v. 912-913)68. De retour de son voyage à la recherche des herbes nécessaires pour fabriquer le philtre, elle ne pénètre pas dans la demeure des hommes et évite leur contact : « Constitit adveniens citra limenque foresque / Et tantum caelo tegitur refugitque viriles contactus69 ». Elle écarte ensuite toute personne profane du lieu de lacte magique : « hinc procul Aesoniden, procul hinc iubet ire ministros / Et monet arcanis oculos removere profanos70 ». Une fois encore, les traducteurs romans rendent le passage, même sils le modifient légèrement : dans le texte castillan, « oculos [] profanos » est traduit par « ojos que aorar podrién » (« les yeux qui pourraient prier », p. 158), avec lajout dune subtile nuance religieuse. Lauteur de lOvide moralisé ne traduit pas non plus profanos, ni arcanis : « Son filz et les autres en chace, / Qui le sacrifice esgardoient : / Nest pas raisons que plus en voient » (v. 1022-1024)71.

On peut donc dire que lensemble du processus de fabrication de la potion est retranscrit plus ou moins précisément. Cependant les légères modifications apportées par les versions médiévales nuancent limage dune Médée qui, dans les Métamorphoses, rampe comme un serpent, marche dans son sommeil et hulule comme les bacchantes possédées. Les alphonsins semblent ici plus mal à laise que lauteur de lOvide moralisé avec un comportement féminin physiquement peu orthodoxe, raison pour laquelle ils contredisent leur source en affirmant que Médée porte sa robe bien ceinturée, couvre ses cheveux pour fabriquer la potion et ne pousse pas de cri animal. Mais la suite de la purification et, plus loin, le rite de rajeunissement lui-même inversent 63cette affirmation puisque le poète français montre une plus grande réticence à traduire littéralement le texte dOvide que les Castillans. En effet, le dernier acte de purification que réalise Médée – immerger le corps dÉson trois fois dans les flammes, trois fois dans leau et trois fois dans le soufre (v. 261) – est complètement omis dans lOvide moralisé. Enfin la dernière partie du processus apporte une innovation plus importante encore.

Perfusion vs immersion

Dans lOvide moralisé comme dans son hypotexte et dans la General estoria, une fois quelle juge que la potion est efficace, Médée endort le vieil homme et le vide de son sang. Mais dans le texte du xive siècle la magicienne immerge Éson dans sa potion : elle « le coucha en la poison » (v. 1069). Cest alors quÉson « devint plus sains quun poissons, / Gais et jolis, plains de leesce » (v. 1070-1071). Le texte latin en effet semble parler dune transfusion plutôt que dune immersion :

…stricto Medea recludit

Ense senis iugulum veteremque exire cruorem

Passa, replet sucis ; quos postquam conbibit Aeson

Aut ore acceptos aut vulnere, barba comaeque

Canitie posita nigrum rapuere colorem72.

Le translateur na-t-il pas compris les mots dOvide ? Il connaît trop bien le latin. En réalité, sa transformation est parfaitement voulue : il sait quil va allégoriser le rajeunissement dÉson par la conversion, métamorphose qui passe par « le douz oignement / Qui lame recroit et reforme / Et li done nouvele forme » (v. 1193-1196) ; Jésus lui-même, « pour nous netoyer / Se fist en liaue [du fleuve Jourdain] baptoier » (v. 1198-1200) ; et la confession est « cele onction / Qui tant est precieuse et bone » (v. 1232-1233) : la purification, que ce soit celle du baptême ou celle de la confession, est une onction, une immersion plus 64quune transfusion73. Aucun de ces éléments de glose christianisante ne figure dans la General estoria, où sont insérées, à la fin de lépisode de rajeunissement dÉson, les habituelles interprétations évhéméristes et allégoriques héritées dArnoul dOrléans et de Jean de Garlande (peut-être par lintermédiaire dun commentaire mixte du type Vat. Lat. 1479 ou 1598).

Conclusion

Ainsi donc létude de la traduction de lépisode dans la General estoria aboutit à des conclusions semblables à celles qui ressortaient de travaux antérieurs : le texte dOvide est traduit de façon très littérale. De même, lexamen de ce passage dans lOvide moralisé confirme limpression que nous avons déjà eue en étudiant dautres fragments74 : par rapport à ses prédécesseurs, le translateur innove peu lorsquil traduit la fable – si ce nest quil la traduit dans le détail, et nous fait voir ce que les profanes nont pourtant pas le droit de voir : « Nest pas raisons que plus en voient ». Mais pour traduire le poème latin, il utilise des termes qui existent avant lui75.

Par ailleurs, la comparaison des traductions avec la glose transmise dans les manuscrits des Métamorphoses est pertinente, puisque, par endroits, celle-ci explique le choix dun terme au détriment dun autre, ou le sens nouveau que le lexique dOvide acquiert dans le texte 65roman. Elle montre aussi parfois, comme pour dautres passages, que les Castillans et lauteur français utilisaient un même type de manuscrit des Métamorphoses, contenant des explications lexicales apparentées, directement ou indirectement.

Bien que le texte dOvide soit retranscrit avec une grande fidélité, létude du traitement du vocabulaire latin de la magie dans les deux langues révèle une série de modifications plus ou moins subtiles qui mettent en lumière la conception de la magie pour chacune des familles dauteurs médiévaux – commentateurs en latin comme traducteurs en langue romane. Ces conceptions ne coïncident pas toujours, ce qui ne nous surprend guère, vu les contextes décriture de la General estoria et de lOvide moralisé. À la cour du roi Alphonse X, la magie est une source de savoir. Le traitement de lapparence physique de Médée montre cependant que les alphonsins préfèrent éliminer ou nuancer certaines parties de la description dOvide, laissant entrevoir une préoccupation sous-jacente pour la bienséance féminine, que nous avons déjà observée dans dautres passages de la General estoria, quils soient de source ovidienne ou non76.

Dans le cas de lOvide moralisé, le dessein fondamental de son auteur est de christianiser le texte dOvide, de sorte que ses modifications ou omissions sont toujours subordonnées à cette fin. Ainsi cest lorsquil prépare sa moralisation que son originalité apparaît : labandon du « vieil homme » pour « lhomme nouveau77 » passe par le baptême, et celui-ci, au Moyen Âge, a encore lieu par immersion dans les fonds baptismaux. Sa volonté de justifier son entreprise allégorique par la correspondance, la similitudo entre la fable et linterprétation, explique 66ce glissement, imperceptible à première vue, mais tout à fait conscient et concerté de la part du translateur qui, sil sait faire œuvre de poète, est avant tout un moraliste.

Irene Salvo García

Universidad Autónoma de Madrid

Ciham-UMR 5648

Marylène Possamaï-Pérez

Université Lumière-Lyon2

Ciham-UMR 5648

1 Le présent article été réalisé dans le cadre du séminaire « Sources » dirigé par Marylène Possamaï-Pérez et Irene Salvo García au laboratoire Ciham-UMR 5648 à Lyon et le projet de recherche « CAHIS. Canon Hispánico. El canon latino hispánico en la tradición europea : la configuración de la Romania medieval (2019-T1/HUM-15228) » coordonné par Irene Salvo à lUniversidad Autónoma de Madrid.

2 La General estoria na quune seule édition moderne : Alfonso el Sabio, General Estoria, VI partes, coord. P. Sánchez-Prieto Borja, 10 vol., Madrid, 2009. Pour lOvide moralisé nous citerons aussi le texte daprès la seule édition pour linstant disponible pour le livre VII : “Ovide Moralisé”, poème du commencement du quatorzième siècle. Tome III (livres VII-IX), éd. C. De Boer, M. G. De Boer et J. Th. M. Vant Sant, Amsterdam, 1931, désormais dans cet article Om.

3 I. Salvo García, « Que len seult balaine clamer. Commentaire linguistique et traduction au Moyen Âge (xiiie-xive, Espagne, France) », Médiévales, 75, 2018, p. 97-116.

4 Pour le commentaire Vulgate voir les travaux et éditions de F. T. Coulson. Le premier tome de lédition, qui soccupe des Livres I à V du Vulgate, est paru : Commentaire Vulgate des Métamorphoses dOvide. Livres I-V, texte établi par F. T. Coulson et P. A. Martina, traduction P. A. Martina et C. Wille avec la collaboration de M. Busca, Paris, Classiques Garnier, 2020. F. Coulson édite actuellement les gloses des livres restants.

5 La première partie du Vat. Lat. 1479 a été publiée dans Un commentaire médiéval aux Métamorphoses. Le Vaticanus Latinus 1479, Livres I à V, texte établi, introduit et annoté par L. Ciccone, traduction de M. Possamaï-Pérez, avec la collaboration de P. Deleville, Paris, Classiques Garnier, 2020. Le deuxième tome devrait paraître en 2021 dans la même collection avec la collaboration dI. Salvo García.

6 Voir Jean de Garlande, Integumenta Ovidii, poemetto inedito del secolo xiii, éd. F. Ghisalberti, Messina-Milano, Giuseppe Principato, 1933 ; J. Engels, Études sur lOvide Moralisé, Groningen-Batavia, J. B. Wolter Úitgevers-Maatschapii, 1945 ; P. Demats, Fabula. Trois études de mythographie antique et médiévale, Genève, Droz, 1973 ; I. Salvo García, Ovidio en la General estoria de Alfonso x, Universidad Autónoma de Madrid et École normale supérieure de Lyon, 2012, thèse de doctorat inédite ; « LOvide connu par Alphonse x (1221-1284) », Interfaces. A Journal of Medieval European Literatures, 3, 2016, p. 200-220 (en ligne) ; « Les sources de lOvide moralisé I : types et traitement », Le Moyen Âge, 124, 2018, p. 307-336 ; « Introduction aux sources de lOvide moralisé I », Ovide Moralisé. Livre I. Tome I, éd. critique C. Baker et al., Paris, Société des anciens textes français, 2018, p. 193-210 ; « Latin commentary tradition and medieval mythography : the example of the myth of Perseus (Met. IV) in Spanish and French », Ovid in the Vernacular : Translations Of The Metamorphoses In The Middle Ages & Renaissance, éd. G. Pellissa Prades et M. Balzi (à paraître).

7 La partie VI de la General estoria est incomplète ; nous navons conservé que quelques folios. Daprès le prologue de lœuvre (General estoria I, vol. 1, p. 6) le plan originaire du roi Alphonse était de composer un récit de la création du monde jusquà « notre temps » (« nuestro tiempo »).

8 Pour une vision générale de la réception dOvide dans la General estoria voir Las Metamorfosis y las Heroidas en la General Estoria de Alfonso el Sabio, éd B. Brancaforte, Madison, University of Wisconsin, 1990, et Salvo García, Ovidio en la General estoria de Alfonso x.

9 Ovide, Les Métamorphoses, éd. et trad. G. Lafaye, Paris, Les Belles Lettres, 1969. Désormais dans cet article Mét.

10 La bibliographie sur le traitement de la magie – en particulier la magie astrale – dans latelier alphonsin est très développée. Pour un état de la question, voir A. García Avilés, « Alfonso X y la magia astral », éd. J. Montoya Martínez et A. Domínguez Rodríguez, El Scriptorium alfonsí : de los libros de astrología a las Cantigas de Santa María, Cursos de verano de El Escorial, Madrid, Editorial Complutense, 1999, p. 83-104, et J.-P. Boudet, « Science et magie sous le patronage dAlphonse X de Castille », Entre science et nigromance. Astrologie, divination et magie dans lOccident médiéval (xiie-xve siècles), Paris, Publications de la Sorbonne, 2006, p. 187-204 ; voir aussi A. Montaner y E. Lara, Señales, Portentos y Demonios. La magia en la literatura y la cultura españolas del Renacimiento, Salamanque, Publicaciones de la SEMYR, 2014.

11 F. Dubost, Aspects fantastiques de la littérature narrative médiévale (xiie-xiiie siècles). LAutre, lAilleurs, lAutrefois, Paris, Champion, 1991, vol. 2, p. 660.

12 Sur la relation entre métamorphose et magie chez Ovide, voir S. Viarre, La Survie dOvide dans la littérature scientifique des xiie et xiiie siècles, Poitiers, Centre détudes supérieures de civilisation médiévale, 1966, IIe partie, « Le spectacle mis en œuvre ou la pratique sacrée de la métamorphose. Métamorphose et magie ». Voir aussi la remarque de Demats, Fabula, p. 81, sur « Lart de Médée, art de la métamorphose… ».

13 Voir M. Possamaï-Pérez, « LOvide moralisé, ou la “bonne glose” des Métamorphoses dOvide », Regards croisés sur la glose, Cahiers détudes hispaniques médiévales, 38, 2008, p. 181-206.

14 Voir par exemple Mét., VII, 167 : carmina ; 195 : cantus ; 201, 203, 208 : carmine. Nous contrôlons cette édition avec celle dA. Ruiz de Elvira, Ovidio, Metamorfosis, Madrid, Alma Mater-CSIC, 1994.

15 Il sagit des folios 105r à 106r. Nous utiliserons les transcriptions et traductions dUn commentaire médiéval aux Métamorphoses, éd. Ciccone et trad. Possamaï-Pérez.

16 Folios 66r a 68v. Voir la note marginale au v. 198 : incantationibus meis et operibus meis ; et la note interlinéaire aux v201 : cantu : incantatione ; 203 carmine : incantatione (voir aussi v. 208).

17 Le Vat. Lat. 1598 donne léquivalent incantatio au mot carmen (Mét. v. 203, 208) et au mot cantus (Mét. v. 195, 201). Il propose aussi lexplication « id est verbis meis magicis » au mot carmen (Mét. v. 203). Nous remercions chaleureusement Frank T. Coulson de nous avoir communiqué sa transcription, non encore publiée, des gloses du passage. Lorsque nous en donnons des traductions dans cet article, elles sont de notre fait.

18 F. Gaffiot, Dictionnaire illustré latin-français, Paris, Hachette, 1934.

19 Ch. Du Cange et al., Glossarium mediae et infimae latinitatis, Niort, L. Favre, 1883-1887.

20 Om., v. 857, 920, 923, 925…

21 Lauteur le plus cité de ce passage est « Mesalla » (ou « Mesealla »), probablement Mashallah, astrologue juif dorigine perse et auteur de nombreuses œuvres dastrologie traduites postérieurement en latin, hébreu et grec. Voir à ce propos L. Thorndike, « The Latin translations of the astrological works by Messahala », Osiris, 12, 1956, p. 49-72. Voir également F. Rubio, Breve estudio de la magia en la General Estoria de Alfonso el Sabio, Madrid, Real Monasterio de El Escorial, 1959, p. 495 et suivantes.

22 Voir la Théogonie dHésiode, v. 411-420 (Hésiode, Théogonie. Les travaux et les jours. Le bouclier, éd. et trad. P. Mazon, Paris, Belles Lettres, 1947, p. 47).

23 I. Salvo García, « Mujeres sabias en la historiografía alfonsí : la infanta Medea », Histoires, Femmes, Pouvoirs, Péninsule Ibérique (ixe-xve siècle). Mélanges offerts au Professeur Georges Martin, Paris, Classiques Garnier, 2018, p. 339-365.

24 « Art » : Om., v. 891, « engin » : v. 940. Le Vat. Lat. 1598 précise « per artem magicam » au vers 235 ou au vers 284 : la glose de ce dernier vers reprend les catégories établies par Jean de Garlande dans les Integumenta : la terre qui reverdit puis donne des fleurs et des fruits est une transformation naturelle, mais « Ovide lattribue à lart magique », « Hoc tamen attribuit Ovidius arti magice ».

25 De manière quelque peu incohérente dailleurs, puisque Jason lui aussi est la figure du Christ… Voir la belle allégorie énumérative, Om., VII, v. 1087-1246. Sur linterprétation de Médée au Moyen Âge, voir S. Cerrito, « Les métamorphoses de Médée au Moyen Âge : analyse du mythe dans les versions françaises, italiennes et espagnoles », Réception et représentation de lAntiquité, Bien dire et bien aprandre, 24, 2005, p. 39-56 ; M. Possamaï et P. Deleville, « Médée en France et en Italie au xive siècle », Figures littéraires grecques en France et en Italie aux xive et xve siècles, éd. C. Gaullier-Bougassas, Turnhout, Brepols, 2020, p. 119-129 ; F. T Coulson, « The Figure of Medea in the Vulgate Commentary, » Présences ovidiennes, éd. R. Poignault et H. Vial, Clermont-Ferrand, 2020, p. 129-143 ; Salvo García, « Mujeres sabias en la historiografía alfonsí ».

26 Voir par exemple la glose interlinéaire au v. 195 magorum : incantatorum. Le Vat. Lat. 1598 parle aussi de l« incantationem magorum » à propos des chants des Corybantes pour faire réapparaître la lune (v. 207). La General estoria (II, vol. 2, p. 155) reçoit certainement, via une glose semblable à celle du Vulgate, cette explication du vers 207 sur léclipse de lune provoquée par Médée et les tambours des Corybantes, qui essaient de lempêcher. Le Vat. Lat. 1598 ajoute que lurine de lynx est utile aux magiciennes, « urina lincis bestie creatur qui utilis est magicis mulieribus ». Il utilise aussi le terme de venefice, « empoisonneuses », dans la glose au vers 235.

27 Om., VII, 923.

28 Mét., VII, 176.

29 Mét., VII, 215.

30 Mét., VII, 216.

31 Mét., VII, v. 177. Le Vat. Lat. 1479 a ici la variante du texte dOvide revocare, « rappeler ».

32 Celui du Vat. Lat. 1598 définit florem (v. 216) par juventutem, et la glose marginale du vers 178 explique que Médée partit chercher ce qui lui était nécessaire « ad reiuvenescendum Esonem ». Le verbe reiuvenescere est également proposé au vers 294. En revanche au vers 235, cest le verbe simple qui est utilisé : « de iuvenescendo Esone ».

33 Om., VII, 879, 981 : resjovenir ; 890, 1002 : renjouvenir.

34 General estoria I, vol. 1, p. 67 et General estoria II, vol. 1, p. 596.

35 Nous utilisons le CORDE pour lanalyse des mots castillans = Real Academia Española, Corpus diacrónico del español [en ligne, consultés le 15 juin 2020] <http://www.rae.es>, que nous avons contrôlé avec le Breve diccionario etimológico de J. Corominas (Diccionario crítico etimológico castellano e hispánico, Madrid, 1980 et 1981).

36 Voir aussi la rubrique aux vers 264-274 du Vat. Lat. 1479 : « Confectio medicaminis Medee et nominatio earum que posita fuerunt », « Confection de la drogue de Médée et nom des ingrédients incorporés ».

37 Le terme actuel de lespagnol est confección – confacción est aussi reconnu – dont la troisième acception dans le Diccionario de la Lengua Española de la Real Academia Española (s. v. < https://dle.rae.es/confacción > [consulté le 15 juin 2020]) est en effet un médicament de consistance molle à base de poudre de végétaux mélangée avec du sirop ou du miel. Cette référence de « confación » est probablement un des premiers témoignages de ce mot en castillan.

38 Même si au Moyen Âge médecine et magie sont apparentées, et relèvent toutes deux de ce que J.-P. Vernant et M. Détienne nomment « mètis », dans Les ruses de lintelligence. La mètis des Grecs, Paris, Flammarion, 1974. Lune et lautre sont du domaine du savoir et du savoir-faire, comme le prouvent les mots ars et sapientia déjà signalés. Voir M. Possamaï-Pérez, LOvide moralisé. Essai dinterprétation, Champion, 2006, p. 167-168 et p. 511.

39 Mét., VII, 224.

40 Mét., VII, 228, 232.

41 Mét., VII, 231, juncosa litora, « rivages plantés de joncs », que le Vat. Lat. 1479 glose par plena iuncis, « pleins de joncs » et le Vat. Lat. 1598 par ubi multi junci crescunt, « où croissent de nombreux joncs ».

42 Que lon pense aux listes des fleuves et montagnes brûlés dans lincendie de la terre provoqué par la chute de Phaéton. Voir G. Châtelain, « Une métamorphose sans fin ? Le sort du monde incendié », Nouvelles recherches sur lOvide moralisé, éd. M. Possamaï-Pérez, Paris, Champion, 2009, p. 143-161 et L. Endress, « Un répertoire du type de montibus et fluminibus dans lOvide moralisé ? À propos dun passage interpolé et ses sources possibles », Ovidius explanatus. Traduire et commenter les Métamorphoses au Moyen Âge, éd. S. Biancardi et al., Paris, Classiques Garnier, 2018, p. 39-66.

43 Le Vat. Lat. 1598 nest pas plus imaginatif, et glose même radices (v. 264) et semina (265) par le même mot générique herbae.

44 La fin des vers 246 et 247 est illisible dans le manuscrit Vat. Lat. 1598.

45 Le Vat. Lat. 1479 explique aussi le mot carchesium par la glose interlinéaire carchesia : henapee, et la glose marginale suivante : « Carchesium est vas amplum desuper acutum, in quo sacrificare solebant in signum religionis, et vocabatur alio nomine fiutile, quia, quicquid intus ponebatur, fundebatur, ut quidam dicunt ; bothegle gallice », « Une coupe (“carthesium”) est un large récipient resserré vers le haut, dans lequel on faisait les sacrifices en signe de respect religieux ; on lappelait aussi “vase qui fuit” (“futile”), parce que tout ce quon posait à lintérieur était répandu, dit-on ; en français, bouteille (“bothegle”). » Le translateur français ne reprend pas la suggestion du mot « bothegle » : le témoin quil utilise na sans doute pas cette indication.

46 P. Ovidi Nasonis Metamorphoseon Libri XV. Lactanti Placidi qui dicitur Narrationes Fabularum Ovidianarum, éd. H. Magnus, Berlin, Weidmann, 1914, p. 667.

47 Scriptores Rerum Mythicarum Latini tres Romae nuper reperti, éd. D. H. Bode, Cellis, 1834, réimpr. G. Olms, Hildesheim, 1968, 1, 188, p. 57 et 2, 137, p. 122.

48 Glose marginale au v. 262 : « com Medea Esonem lustraret, omnia supradicta quoquebantur in cacabo (caccabo) et exequitur de illis que illic missa erant », « tandis que Médée purifiait Éson, tous les ingrédients cités ci-dessus cuisaient dans un chaudron, accompagnés de tout ce quelle avait jeté dedans. » Le Vat. Lat. 1598 propose le mot catabo comme équivalent daeno.

49 En revanche, cobre est attesté pour la première fois vers 1220-1250. Voir Corominas, Breve diccionario etimológico, s. v.

50 Om., v. 1030-1032 : « Quant quelle onques pot amasser / Mist bouillir en une chaudiere : / Herbes de diverse maniere ».

51 Mét., VII, v. 244-245 : « velleris atri / [] sanguine ».

52 Voir Du Cange et al., Glossarium mediae et infimae latinitatis. Le Vat. Lat. 1598 préfère léquivalent aries : il glose velleris atri par « arietis habentis vellus nigrum », « dun bélier à la toison noire. »

53 La transcription de C. De Boer, « brumees », est une mauvaise lecture. O. Collet, éditeur de léquipe Ovide en Français, en charge du livre VII et que nous remercions, nous confirme que, dans le manuscrit de base de C. De Boer, A1 (Rouen O.4), on lit clairement bruines (le pointage du i est bien visible) ; « brumees » ne figure nulle part ailleurs. Les variantes, difficiles à interpréter pour A2Y123 sont : bronnies (?) A2, boonnies (?) Y123, brumas D4, bonnes Z3. Le reste des copies va dans le même sens quA1, « bruine » représentant par ailleurs laboutissement régulier de pruina. Il nexiste aucune autre attestation de « brumee ».

54 Corominas, Breve diccionario etimológico, s. v.

55 « Et strigis infamis ipsis cum carnibus alas », « les ailes maudites dune strige avec sa chair ».

56 La traduction en espagnol moderne de « strigis » est « vampiro », un terme qui entre dans la langue vers la première moitié du xixe siècle, dérivé du hongrois (Breve diccionario etimológico, s. v.).

57 Voir celle de Philoména, livre VI, v. 2239, plus proche du bubo du vers 432 des Métamorphoses.

58 Cest peut-être pour adopter la technique du doublet synonymique : « Dou cerf le gesier et le foie » (v. 1042).

59 Le Vat. Lat. 1598 glose prosecta par intestina.

60 Mét., v. 270-271 : « inque virum soliti vultus mutare ferino / ambigui prosecta lupi ».

61 Mét., v. 272 : « squamea Cinyphii tenuis membrana chelydri », « la peau écailleuse du petit chélydre du Cynips ».

62 De même le Vat. Lat. 1598 glose chelydri par les mots : « Chelindrus genus est serpentis qui partim habitat in terra, partim in aqua, unde chelindrus quasi gelindrus, a ge, quod est terra, et ydros, quod est aqua. », « Le chélydre est un genre de serpent qui vit moitié sur terre, moitié dans leau, dchelydre, de “ge”, “la terre” et “hydros”, “leau”. »

63 Ovide, Mét., VII, v. 279-280.

64 Note de G. Lafaye, Mét., t. II, p. 35 : « Dans toute opération dun caractère religieux ou mystérieux lofficiant ne doit porter sur sa personne aucun lien daucune sorte, ni ceinture autour de la taille, ni bandelette autour de la tête, nu lacets autour des chevilles, etc. Cest un symbole par lequel il indique quil sabandonne librement à la volonté du dieu quil invoque. »

65 Le Vat. Lat. 1598 propose sine vitta, « sans liens », comme glose à nudos au vers 183.

66 Voir G. Menéndez-Pidal, La España del siglo xiii leída en imágenes, Madrid, Real Academia de la Historia, 1986, p. 73-81.

67 A. Ruiz de Elvira (Metamorfosis, p. 60) propose « soluerat alta quies : nullo cum murmure serpit / sopitae similis, nullo cum murmure saepes » ; R. Tarrant (P. Ovidi Nasonis Metamorphosesos, Oxford, Oxford University Press, 2004, p. 187), quant à lui, édite « soluerat alta quies ; nullo cum murmure saepes / sopitae similis, nullo cum murmure serpens ».

68 Le Vat. Lat. 1479 et le Vat. Lat. 1598 glosent pourtant tous deux irroravit par aspersit (v. 189).

69 Mét., VII, v. 238-239 : « En arrivant, elle sarrête sur le seuil, devant la porte, sans autre abri que le ciel ; elle fuit le contact des hommes. »

70 Met., VII, v. 255-256 : « Elle commande au fils dÉson et à ses serviteurs de se retirer loin de là ; elle les avertit quils doivent détourner de ses mystères leurs yeux profanes. » Les manuscrits glosés des Métamorphoses renchérissent sans doute sur cette procédure : aux vers 255-256, le Vat. Lat. 1479 écrit « Com Medea Esonem fecisset dormire, iussit omnes servientes ne forte propter peccata illorum aliquod infortunium eveniret. », « Après avoir endormi Éson, Médée ordonna à tous les serviteurs de ne pas provoquer quelque malheur éventuel à cause de leurs péchés. ».

71 Mais le terme de « sacrifice » peut être une traduction darcanis, soufflée au translateur français par une glose du type de celle du Vat. Lat. 1598, qui explique arcanis (v. 256) par « a sacris in archano factis ».

72 Met., VII, v. 285-289 : « Médée tire une épée du fourreau ; elle ouvre la gorge du vieillard, laisse écouler son vieux sang et le remplace par les sucs quelle a préparés ; à peine Héson les a-t-il absorbés par sa bouche ou par sa blessure que sa barbe et ses cheveux de blancs deviennent noirs… ». Le Vat. Lat. 1479 ne commente pas la technique utilisée, et le Vat. Lat. 1598 semble comprendre quil y a transfusion : il glose replet par « jugulum », et quos par « succos » : « elle emplit sa gorge des sucs ».

73 Cest peut-être aussi la raison de la (légère) transformation du geste de Médée qui dans les Métamorphoses répand de leau sur sa chevelure, alors quelle la plonge totalement dans leau dans la translation du xive siècle.

74 Voir M. Possamaï, « Traduire Ovide au xive siècle : les amours de Mars et Vénus au livre IV des Métamorphoses et de lOvide moralisé », Médiévales, 75, 2018, p. 81-96 ; « Comment traduire Ovide en français au Moyen Âge ? Lexemple de Niobé », actes du colloque Ovide en France (xiie-xxe siècles), éd. S. Cerrito et M. Possamaï-Pérez (à paraître) ; « The Ovide moralisé between Latin and French language, from text and glosses of Ovids Metamorphoses to text of ms. Rouen Bm O.4 », Ovid in the Vernacular, éd. Pellissa Prades et Balzi (à paraître).

75 Son invention verbale sera plus grande dans lépisode de Circé, au livre XIV : voir M. Possamaï, « Métamorphose et merveille. Contribution à létude du fantastique dans la littérature médiévale », « Furent les merveilles pruvees et les aventures truvees ». Hommage à Francis Dubost, éd. F. Gingras et al., Paris, Champion, 2005, p. 525-552.

76 Voir I. Salvo García, « Las Heroidas en la General Estoria de Alfonso X : texto y glosa en el proceso de traducción y resemantización de Ovidio », Cahiers détudes hispaniques médiévales, 32, 2009, p. 205-228 ; « Paz y guerra en los mitos : la reina Juno en la General estoria de Alfonso X », e-Spania, 20, 2015 (en ligne) ; « Historiografía y cartas de amor : la recepción medieval de las Heroidas de Ovidio en España y en Francia », Cahiers détudes hispaniques médiévales, 38, 2015, p. 45-63 ; « Semíramis y la ciudad de Babilonia en la General estoria de Alfonso X », e-Spania, 24, 2016 (en ligne) ; et « Mujeres sabias en la historiografía alfonsí ».

77 Voir Actes des Apôtres, Paul, Lettre aux Ephésiens, 4, 22-24 : « il vous faut abandonner votre premier genre de vie et dépouiller le vieil homme, qui va se corrompant au fil des convoitises décevantes, / pour vous renouveler par une transformation spirituelle de votre jugement / et revêtir lHomme Nouveau, qui a été créé selon Dieu, dans la justice et la sainteté de la vérité » (Bible de Jérusalem, Paris, Cerf, 1961, p. 1547).