Avant-propos
- Type de publication : Article de revue
- Revue : Cahiers de recherches médiévales et humanistes - Journal of Medieval and Humanistic Studies
2021 – 1, n° 41. varia - Auteurs : Dahhaoui (Yann), Wahlen (Barbara)
- Résumé : En rassemblant les différentes contributions du dossier « Inventer la littérature médiévale (XVIe-XVIIe siècles) », les auteurs ont eu pour objectif de comprendre à partir de quels supports matériels les antiquaires des XVIe et XVIIe siècles se sont intéressés aux textes que nous appelons aujourd’hui « littérature médiévale », d’étudier les perspectives qui ont été les leurs, de reconstituer les catégories à partir desquelles ils ont organisé ces textes.
- Pages : 181 à 183
- Revue : Cahiers de recherches médiévales et humanistes - Journal of Medieval and Humanistic Studies
- Thème CLIL : 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
- EAN : 9782406119968
- ISBN : 978-2-406-11996-8
- ISSN : 2273-0893
- DOI : 10.48611/isbn.978-2-406-11996-8.p.0181
- Éditeur : Classiques Garnier
- Mise en ligne : 07/07/2021
- Périodicité : Semestrielle
- Langue : Français
- Mots-clés : littérature, Moyen Âge, antiquaires, réception, histoire littéraire
Avant-propos
Catégorie relativement récente dans la longue histoire de l’étude des textes médiévaux, l’expression « littérature du Moyen Âge » semble ne pas remonter en-deçà de la première moitié du xixe siècle. En France, par exemple, Abel-François Villemain la retient comme titre de vingt-quatre leçons de son Cours de littérature française donné en Sorbonne (1829-1830)1 et Émile Lefranc comme sous-titre d’un tome de son Histoire élémentaire et critique de la littérature (1840)2. En 1852, Paulin Paris la revendique pour l’intitulé d’une chaire qu’il souhaiterait voir fonder au Collège de France et qu’il occupe dès 1853. Par « littérature », ces intellectuels comprennent des œuvres dotées d’une valeur « esthétique », expressions du « génie » ou de l’« esprit » national. Dans cette acception, la notion est plus restreinte que celle de litterae, objet, depuis le xvie siècle, de l’historia literaria et notamment d’entreprises d’érudition telles que l’Histoire littéraire de la France des Mauristes (1733-)3, la Storia della letteratura italiana de Girolamo Tiraboschi (1772-1782)4 ou A Literary History of the Middle Ages de Joseph Berington (1814)5.
Les auteurs et les œuvres qui composent le canon littéraire médiéval au xixe siècle n’en ont pas moins intéressé la République des Lettres 182auparavant. Depuis les années 1940, plusieurs travaux ont d’ailleurs étudié l’intérêt des antiquaires modernes pour cette matière et l’on ne peut que constater – et saluer – l’engouement récent pour cette question6. Ce dossier s’inscrit dans le prolongement de ces études en favorisant une approche pluridisciplinaire. L’ambition n’est pas d’esquisser une préhistoire des études médiévales, dans laquelle ces antiquaires n’auraient d’autre fonction que celle de jalons ou de « pères », mais de privilégier une analyse de ces figures dans leur contexte, celui de l’érudition européenne des xvie et xviie siècles, avec ses pratiques érudites, ses réseaux, ses constellations et ses modes. Autrement dit, il s’agit de comprendre à partir de quels supports matériels les antiquaires des xvie et xviie siècles se sont intéressés aux textes que nous appelons aujourd’hui « littérature médiévale », d’étudier les perspectives qui ont été les leurs, de reconstituer les catégories à partir desquelles ils ont organisé ces textes. Les ouvrages imprimés ou inédits, le paratexte des éditions, les cahiers de copies, les annotations marginales, la correspondance érudite, les catalogues de bibliothèques et bien d’autres sources encore apportent des informations précieuses, comme le prouvent les articles réunis dans ce dossier, et éclairent les enjeux multiples de l’étude de la « littérature médiévale » aux xvie et xviie siècles.
183Le titre du dossier – Inventer la littérature médiévale – ne doit ainsi pas porter à confusion : « inventer » doit être compris moins dans son sens médiéval de « découvrir » (comme dans l’invention des reliques) que dans celui de « réaliser le premier quelque chose de nouveau ». Par ce titre, nous n’entendons en effet pas suggérer que le corps de la littérature médiévale, enseveli par le temps, aurait attendu tout d’une pièce d’être exhumé par les antiquaires de l’époque moderne. Il s’agit au contraire de mettre l’accent sur le fait que, pour l’antiquaire des xvie et xviie siècles, tout dans le traitement et l’interprétation des textes que nous qualifions de « littéraires » est à inventer.
Yann Dahhaoui
et Barbara Wahlen
Université de Lausanne
1 A.-F. Villemain, Tableau de la littérature au Moyen Âge, en France, en Italie, en Espagne et en Angleterre, 2 vols, Paris, Pichon et Didier, 1830 ; sur Villemain, voir entre autres M. Jarrety, La critique littéraire en France. Histoire et méthodes (1800-2000), Paris, Colin, 2016, p. 51-67.
2 E. Lefranc, Histoire élémentaire et critique de la littérature : renfermant, outre des détails biographiques et des considérations générales sur les auteurs, l’examen analytique de leurs principaux ouvrages et un grand nombre de citations nouvelles. Littérature française (Moyen Âge), Paris et Lyon, Périsse frères, 1840.
3 Sur cette vaste publication, voir notamment B. Neveu, « L’Histoire littéraire de la France et l’érudition bénédictine au siècle des Lumières », Journal des savants, 1979/2, p. 73-113.
4 G. Tiraboschi, Storia della letteratura italiana, Modena, Società Tipografica, 1772-1782, 13 vols.
5 J. Berington, A literary history of the middle ages : comprehending an account of the state of learning from the close of the reign of Augustus, to its revival in the fifteenth century, London, Printed for J. Mawman, 1814.
6 Citons à titre d’exemples les ouvrages fondamentaux de N. Edelman, Attitudes of Seventeenth-Century France toward the Middle Ages, New York, King’s Crown Press, 1946 ; L. Gossman, Medievalism and the Ideologies of the Enlightenment : the World and Work of La Curne de Sainte-Palaye, Baltimora, John Hopkins University Press, 1969, et A. C. Montoya, Medievalist Enlightenment from Charles Perrault to Jean-Jacques Rousseau, Cambridge, Brewer, 2013. Ces questions ont cependant surtout été abordées dans des ouvrages collectifs. Pour le domaine francophone, voir en particulier : Topiques romanesques : réécritures des romans médiévaux (xvie-xviiie siècles), éd. É. Gaucher et F. Lestringant, Ateliers, 22, 1999 ; De l’usage des vieux romans, éd. U. Dionne et F. Gingras, Études françaises, 42/1, 2006 ; La réception de la littérature en moyen français aux xvie-xviie-xviiie siècles. Actes du iiie colloque sur la littérature en moyen français, Milan, 21-23 mai 2003, éd. S. Cigada, A. Slerca, G. Bellati et M. Barsi, Milano, Università cattolica del Sacro Cuore di Milano, Analisi linguistica e letteraria, 12/1-2, 2004 ; Medievalism and manière gothique in Enlightenment France, éd. P. Damian-Grint, Oxford, Voltaire Foundation, 2006 ; Mémoire des chevaliers. Édition, diffusion et réception des romans de chevalerie du xviie au xxie siècle, éd. I. Diu, É. Parinet et F. Vielliard, Paris, École des chartes, 2007 ; La Fabrique du Moyen Âge au xixe siècle. Représentations du Moyen Âge dans la culture et la littérature françaises du xixe siècle, éd. S. Bernard-Griffiths, P. Glaudes et B. Vibert, Paris, Champion, 2006 ; Accès aux textes médiévaux de la fin du Moyen Âge au xviiie siècle, éd. M. Guéret-Laferté et C. Poulouin, Paris, Champion, 2012 ; Penser/peser le Moyen Âge entre xve et xviie siècle : parcours de recherche, éd. M. Busca et P. A. Martina, Studi Francesi, 188, 2019.