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Classiques Garnier

Individual and Collective Strategies at the Outbreak of the Marot-Sagon Quarrel Charles de La Hueterie, François de Sagon and their Publisher Olivier Mallard (1535-1537)

  • Publication type: Journal article
  • Journal: Cahiers de recherches médiévales et humanistes - Journal of Medieval and Humanistic Studies
    2020 – 2, n° 40
    . varia
  • Author: Bichüe (Jérémie)
  • Abstract: The paper explores the common network, as well as the poetic and cultural affinities, between poets La Hueterie, Sagon and their shared publisher Olivier Mallard, in 1536 and 1537. The alliance between the two poets owed was profoundly influenced by the publisher from Rouen. Comparing the roles of Mallard and Dolet in the Marot-Sagon quarrel enable us to understand the configuration of the poetic and editorial field in this critical period.
  • Pages: 143 to 161
  • Journal: Journal of Medieval and Humanistic Studies
  • CLIL theme: 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
  • EAN: 9782406112631
  • ISBN: 978-2-406-11263-1
  • ISSN: 2273-0893
  • DOI: 10.15122/isbn.978-2-406-11263-1.p.0143
  • Publisher: Classiques Garnier
  • Online publication: 01-04-2021
  • Periodicity: Biannual
  • Language: French
  • Keyword: Marot, Sagon, Mallard, Dolet, Tory
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Stratégies individuelles et collectives à laube de la querelle Marot-Sagon

Charles de La Hueterie, François de Sagon
et leur imprimeur Olivier Mallard (1535-1537)

Si François de Sagon1 et Charles de La Hueterie sont passés à la postérité, cest moins pour leur œuvre poétique que pour avoir servi de zoïles à Clément Marot durant la querelle qui les oppose de 1536 à 1537. Sous la plume des poètes qui assurent à coup de libelles la défense du maître, les deux hommes sont sans cesse associés. Ainsi Charles Fontaine sen prend-il à « leur povre coup dessay2 » – du nom du premier recueil de Sagon, le Coup dessay3 – antonomase fulgurante qui ruine le titre de lœuvre pour la réduire à une grotesque conjuration ourdie par deux envieux interchangeables. Marot lui-même, variant le ton, raillera les éloges que séchangent les deux complices :

Ce Huet et Sagon se jouent

Par escript lun lautre se louent,

Et semblent, tant ilz sentreflatent,

Deux vieux Asnes qui sentregratent4.

Mais sur quels critères se fonde-t-on pour parler dune ligue anti-Marot ? En laissant de côté la mauvaise foi des amis de Marot, il semble plus raisonnable, pour répondre à ces questions, de suivre le fil des stratégies individuelles et collectives durant les années 1536-1537. On connaît 144désormais assez bien la démarche de François de Sagon qui, profitant du passage de la cour à Lyon à lhiver 1535, sen prend à Marot alors en exil, tout en cherchant à gagner les faveurs du roi et de sa sœur Marguerite de Navarre5. On connaît moins bien en revanche le parcours de Charles de La Hueterie. Sil reste célèbre pour son Contreblason de la beaulté des membres du corps humain écrit non pour chanter à « contre poil6 » le corps féminin, mais pour blâmer le jeu poétique initié par Marot7, son recueil des Protologies françoises8 nous renseigne aussi sur ses propres démarches courtisanes durant les années 1535 et 1536. Je proposerai en premier lieu un rapide bilan des informations prosopographiques que nous fournit la deuxième section du recueil, la « Demande de service royal », afin détablir le réseau des protecteurs du poète et dinterroger la réalité mouvante de lalliance avec Sagon avant et pendant la querelle.

Lexistence dun front des « Sagontins », comme on les appelle alors, est pourtant indéniable et engage, outre les poètes eux-mêmes, leurs imprimeurs et leurs libraires. Les hommes du livre jouent un rôle considérable dans la querelle Marot-Sagon et pas seulement parce que celle-ci est la promesse dun succès commercial. Comme le rappelle Guillaume Berthon, il était sans doute délicat pour les imprimeurs et les libraires « de tirer parti de la controverse tout en restant parfaitement neutres9 ». Comme pour les poètes que la querelle révèle, les années 1536-1537 voient émerger de nouvelles figures dans le monde du livre imprimé, Étienne Dolet bien sûr, mais aussi Olivier Mallard. Successeur de Geoffroy Tory, lequel se charge de lédition princeps de lAdolescence clementine en août 153210, Mallard publie 145successivement les Protologies françoises et le Coup dessay en 1536. Jessaierai dans les lignes qui vont suivre de restituer la dynamique particulière qui se crée autour de La Hueterie, de Sagon et de leur imprimeur-libraire. Leur réseau commun, leurs affinités culturelles et la promiscuité de leurs ambitions individuelles donne lieu à une forme daction collective qui se heurte rapidement à lidéal humaniste du camp marotique. Partant de ces constats, il sagira de voir sous quelles conditions lon peut considérer que les stratégies éditoriales des imprimeurs annoncent dès lété 1536 les principaux clivages de la querelle Marot-Sagon. Nous espérons que cette mise en perspective dinformations peut-être déjà connues par ailleurs permettra daffiner la compréhension de la configuration du champ poétique français durant cette période clé.

Sagon et La Hueterie :
stratégies individuelles et collectives (1535-1537)

La section de « Demande de service royal » des Protologies françoises permet de suivre les manœuvres courtisanes de Charles de La Hueterie, alors quil officie encore dans lune des maisons les plus puissantes du royaume, celle de Bourbon-Vendôme établie en Picardie11. Le poète est au service du duc de Vendôme Charles iv de Bourbon12, et peut-être aussi de son frère le cardinal Louis de Bourbon-Vendôme13. Au cours de 146lété 1535, le duc de Vendôme recommande La Hueterie à François ier, alors de passage dans la ville de La Fère. Voici en quels termes lépisode est raconté par lintéressé :

Il me souvient quant estiez à La Fere

Dernierement il y a bien cinq moys

Vous demanda le duc de Vendosmoys

Lestat daucun, ou lieu nommé La Table

À lassemblée yssant de vostre table.

Sire je croy bien en estes recordz

Ung jour ce fut quon y brusla ung corps

Que le bon duc à vous si me donna

Ou lieu celluy qui vous habandonna,

Mort nest il pas, mais tant il vous est rare

Quil vous laissa pour aller en Ferrare14.

On aura reconnu lallusion à Clément Marot. La mention de Ferrare, plus que lanecdote dun corps brûlé15, permet de situer cette rencontre au début du mois de juillet 1535, du 2 au 11, si lon en croit le Catalogue des Actes de François ier16. Lentretien na malheureusement pas tourné à la faveur du poète :

Car ung veneur soubdain son cor sonna

Signiffiant le cerf estre en ensaincte

147

Prest à lancer17, parolle fut estaincte,

Dont me despleut, pour la confusion

Briefve response eut la conclusion18.

Voilà donc comment, pour un cerf à abattre, « parolle fut estaincte », même si le roi semble bien avoir promis – à demi-mot et pour se débarrasser du fâcheux dépourvu ? – une place de valet de chambre à La Hueterie19. Sans nouvelle, le poète poursuit ses sollicitations. Allant même jusquà reprendre à son compte la stratégie de Marot pour obtenir la place de valet de chambre du roi occupée par son père Jean Marot (« Et ne falloit, Sire, tant seulement, / Queffacer Jan, et escrire Clement20 »), il rappelle à François ier que son père était lui-même à son service dans un huitain aux jeux de rimes là encore très marotiques :

Celluy quavez tenu pour secretaire

De cestuy monde en ung aultre passa,

Que mort a mys dedans son secret aire.

Quinze ans y a bien pres quil trespassa,

Et moy son filz apres son trepas a

Laissé en dueil, que faict force aigre taire.

Il vous plaira tourner vostre pas çà

Pour me pourveoir, où ma fin secrete erre21.

148

Enfin, lettres de recommandation du duc de Vendôme à lappui, il prend contact avec quelques Grands en mesure de plaider sa cause22, en vain.

Pour Charles de La Hueterie, la période de lexil de Marot est donc bien celle des entreprises individuelles, le poète anticipant même de quelques mois les démarches de lauteur du Coup dessay à la toute fin de lannée 1535. Entre les deux poètes, des liens existent pourtant et les Protologies françoises comportent un échange épistolaire qui atteste une relation cordiale, quoique problématique :

Amy Sagon seur, songneux, savoureux,

Sage en tes dictz, en sçavoir si heureux

Que le subgect dont sort ton escripture

Touche tousjours de vertu la droicture

Te mespriser ne vouldroys entreprendre23.

La Hueterie laisse planer le doute sur une amitié instruite à reculons. En cause, la position ambivalente de Sagon dans lépisode des blasons anatomiques du corps féminin. En composant son « blason de grace » et son « blason du pied », Sagon aurait rallié ceux qui ont mis leur raison « [] en servage/ Dung appetit qui est desordonné24 », cest-à-dire les blasonneurs du corps féminin. La réponse de Sagon est à la hauteur des soupçons portés à son encontre. Dans le cadre de lépître familière, il accepte le titre dami quil renvoie à son destinataire. La fin du texte confirme même la mise en place dune relation privilégiée entre les deux auteurs : « Si je ne tay satisfaict à moyctié/ Contente toy du present damytié25 ». Néanmoins, il sagit surtout pour Sagon de justifier sa participation à lentreprise des blasons. Sil convient de lessentiel, à savoir la condamnation dune poésie concupiscente, il ne semble pas approuver le Contreblason de la beaulté des membres du corps humain de La Hueterie :

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[] Et ne sçay bonnement

Si je te doy donner consentement

Davoir bien faict ou mal faict en laffaire,

Où tout ce corps tu as voullu refaire26.

Faut-il croire que ce désaccord soit à lorigine de la brouille entre les deux poètes ? Quoi quil en soit, au plus fort de la querelle, Sagon se défendra dêtre associé à Charles de La Hueterie, par la voix de son page Mathieu de Boutigny :

Ce que tu dys est menterie

Que avecques La Hueterie

Mon maistre se va esbatant.

Tu faictz des deulx une anerye

Affin que Marot lasne en rye

Mais en vain ten vas debatant.

Monsieur Sagon ne va flatant

Ny ainsi que Marot grattant

Dont puisse ensuyvir mocquerie,

Et si ne veoit Huet pas tant

Comme faict ton maistre, et pourtant

Ce que tu dis est resverie27.

Une manchette lapidaire scellera le sort de lalliance : « Sagon ne veit jamais Huet ou Hueterie quunes foys à Paris et ne luy escripvist onc quune petite epistre contraincte28 ». Un tel démenti en si peu de mots confine à la prouesse stylistique. Toutefois, si lhistoire littéraire a dores et déjà enregistré le triomphe de Marot et la débâcle sagontine, il reste encore à comprendre les raisons de la collusion entre les deux poètes à laube de la querelle. Pour cela, il convient de se tourner vers limprimeur-libraire Olivier Mallard qui publie coup sur coup le Coup dessay et les Protologies françoises.

150

Olivier Mallard, rouennais et imprimeur du roi

Rouennais dorigine, Olivier Mallard épouse en 1533 Perrette Le Hullin, la veuve de Geoffroy Tory dont il prend la suite à lenseigne du Pot Cassé29. Si son activité dimprimeur ne commence véritablement quen 153630, Olivier Mallard est reconnu dès lannée 1537 (ancien style) comme libraire et imprimeur du roi31. Nous navons pas trouvé dans les archives de document permettant détablir avec certitude quil possédait déjà cette charge lorsquil prend la suite de Tory. Néanmoins, il y a fort à parier que celle-ci ait été reconduite de lun à lautre avant que son statut ne soit officiellement établi en 1537. Outre le prestige et les privilèges qui lui sont associés, la charge dimprimeur du roi consiste surtout à diffuser via limprimé des actes authentifiés ou des occasionnels dactualité32. En effet, dès 1536, Mallard imprime des plaquettes comme la Copie de lArrest du Grand Conseil donné à lencontre du Miserable et Meschant Empoisonneur de Monseigneur Le Daulphin. Avec aucunnes Epistres et Rondeaux sur la mort de mondit Seigneur33 ou la Copie 151dune letre de Constantinople de la victoire du Sophy contre le grand Turc. Bref, si Mallard nest peut-être pas encore imprimeur du roi, il est à coup sûr limprimeur privilégié pour les publications officielles.

Mallard publie également des œuvres poétiques en français, dont la grande majorité, entre 1536 et 1537, est due à Charles de La Hueterie, Sagon ou son entourage : le Coup dessay34, les Protologies françoises, mais aussi le Concile des Dieux dans lequel La Hueterie chante les noces de Madeleine de France et de Jacques v dÉcosse qui se sont tenues le 1er janvier 1537. La même année, il imprime la traduction du Preparatif à la mort dÉrasme par Guy Morin, lun des mécènes de Sagon récemment décédé. La présence dun dizain liminaire vantant les qualités de la traduction ainsi quune longue section brossant un tableau de la vie et des circonstances de la mort de Guy Morin portent à croire que lédition a été préparée par Sagon lui-même. Trois ouvrages sortiront de ses presses durant le temps de la querelle avec Marot : la Responce à Marot dict Fripelippes et à son Maistre Clement (La Hueterie) ainsi quune anthologie des libelles du différend intitulée Plusieurs traictez35 à la date de 1537 puis de 1538.

Enfin, jusquau milieu des années 1540, le successeur de Tory donne de nombreuses publications à la louange de la Vierge Marie. Ce sont dabord des livres dheures à lusage de Paris ou de Rouen sa ville de naissance36 puis, en 1538, un texte de Guillaume Petit, confesseur du roi, intitulé La Formation de lhomme et son excellence, et ce quil doibt accomplir pour avoir Paradis37. Louvrage contient cette fois une section témoignant dune pensée proprement conceptionniste38. En 1541, Mallard imprime la 152très explicite Declamatio ex postulatoria pro immaculata conceptione genitricis Dei Mariæ ædita. Dilutio quindecim argumentorum, quæ adversus præfatam declamationem quidam eidem Lodovico Parisiis objecit. Omnia sub examine sacræ facultatis de Luis de Carvajal39.

De cette sélection se dégage le portrait dun imprimeur soucieux de promouvoir le culte de sa ville dorigine en publiant des textes hyperduliques, mais aussi en mettant en lumière le plus célèbre poète du Puy de lImmaculée Conception durant les années 1530, François de Sagon40. Cet engagement sexplique dautant mieux quOlivier Mallard appartient à une famille particulièrement en vue dans le monde du livre. Olivier est le frère du libraire Jean Mallard installé à Rouen41 et sans doute loncle dun Jean II Mallard, peintre et poète, auteur de poésie conceptionniste et dont le nom figure dans certains manuscrits du Puy de lImmaculée Conception42. Jean I et II (père et fils donc) ont noué des liens serrés avec le chapitre de Rouen. Au père, lon confie la reliure de livres et limpression de placards43, tandis que lon charge le fils de copier les « omelies des dimenches » à raison de 50 sols le cahier, un travail lucratif quil poursuivra tout au long de lannée 153544. En 1537, le même Jean II livre à larchevêque de Rouen Georges II dAmboise 153un ouvrage de haute facture pour lequel il est rémunéré45. Rappelons que depuis lannée 1529 et ce jusquen 1545, le diocèse paye François de Sagon pour les sermons quil prononce, versant même à loccasion quelques sommes à Jean de Sagon son père46. Un an plus tard, en 1538, Jean II Mallard est à la cour du roi, où on le récompense pour ses talents de peintre47. Lon voit ainsi se profiler un réseau normand unissant les Mallard, François de Sagon et de hautes personnalités religieuses de la ville de Rouen, mettant en valeur la ville et sa culture. Ainsi, pour François de Sagon, tout juste auréolé de gloire au Puy de lImmaculée Conception48, nul doute que le choix dOlivier Mallard, compatriote rouennais sur le point dêtre nommé imprimeur du roi, dut simposer comme une stratégie naturelle pour valoriser son premier recueil à la cour et sur la scène littéraire parisienne.

Dans ces circonstances, il pourrait être tentant dassocier La Hueterie à cette dynamique régionale. Après tout, lauteur des Protologies françoises compte parmi ses destinataires le duc dEstouteville, frère de Charles de Bourbon-Vendôme son protecteur, qui appartient à une ancienne famille normande dont les membres ont occupé dimportantes fonctions au sein de larchevêché de Rouen49. De plus, Charles de La Hueterie évoque régulièrement la Vierge Marie dans son recueil. Ses 154« Orthodoxes commentaires » qualifient de « merveilleux scandale » la profanation de la statue de la Vierge Marie en 152850. Pourtant, La Hueterie nexprime que très rarement des idées conceptionnistes et lancrage culturel ne semble pas si profond que chez les Mallard et Sagon. Sil est bien lauteur dun chant royal palinodique pour le Puy de lImmaculée Conception de 1536 qui témoigne dune maîtrise superficielle des règles du genre, linvention est sans grande originalité, La Hueterie se contentant de reprendre la ligne palinodique dun chant royal de Guillaume Cretin, pour qui Marie est « la fleur de lys preservée entre espines51 ». Nous navons toutefois pas trouvé dautres textes conceptionnistes de sa main dans les différents manuscrits collectifs que nous avons pu consulter. Il est donc probable que La Hueterie compose son chant royal par opportunisme, jugeant habile de se ranger aux côtés de François de Sagon et de leur imprimeur commun au moment où il constate léchec de ses propres démarches courtisanes. Sans doute est-ce la fragilité de cette alliance précipitée qui explique la faillite du camp Sagon durant la querelle, mais aussi leffacement progressif dOlivier Mallard devant lengagement total des soutiens de Marot, y compris sur le terrain éditorial.

Poètes et imprimeurs dans la querelle :
Mallard au regard de Dolet

En prenant acte de la présence de Mallard aux côtés de Sagon et de La Hueterie, il convient de se pencher sur le sens de son action éditoriale en la confrontant à celle dÉtienne Dolet et de Jean Morin, les deux éditeurs emblématiques du camp Marot durant la querelle. Il sagira à la fois de comprendre comment se construit lethos dimprimeur-libraire en contexte polémique, mais aussi de repenser la rivalité des camps à laune de la vogue des recueils poétiques consacrés à la mort du Dauphin, à laquelle prennent part Dolet et Mallard.

155

Si les hommes du livre mettent autant de cœur à louvrage durant la querelle, cest en raison des profits que leur assure limpression de brochures à bas coût dont les lecteurs sont friands. La question du succès commercial, du travail et de la réputation des imprimeurs est dailleurs au cœur des débats et touche directement Olivier Mallard. La troisième édition du Coup dessay sachève sur une réponse « à ung incogneu, contrefaisant le Poete. Disant que limprimeur a perdu credit, ses biens, et honneur à limpression diceluy, et donne Lautheur à tous les diables », œuvre dun belligérant qui se présente comme « lung des amys de limprimeur ». Il répond aux moqueries de Claude Colet touchant les ventes soi-disant catastrophiques du Coup dessay :

Mais le pis est, que le pauvre Imprimeur

Qui limprima, ta donné (sot rhimeur)

À cent dyablotz ainsi que lon ma dict

Car par ton livre il a perdu credit

Et ne sen peult despecher nullement

De puis quon scet quil est contre Clement

Et par ainsi fauldra que le pauvre homme

Perde dargent (par toy) bien grosse somme

Quil advança (dont il fait male trongne)

Aux compagnons pour les mettre en besongne

Apres ton dict vilain et meschant livre52.

On imagine sans mal les effets dune telle publicité sur les affaires dun homme récemment installé à son compte. Contre la mauvaise foi de Colet, l« ami » de limprimeur rappelle que le Coup dessay en est à sa troisième édition, ce qui indique effectivement un réel succès de librairie. Qui est cet ami ? Serait-ce Mallard lui-même ? Lhypothèse naurait rien dabsurde si lon considère le jeu de dupe auquel se livrent les poètes pendant la querelle en se réfugiant souvent derrière des pseudonymes. Quoi quil en soit, le fait quun imprimeur réserve près dun feuillet recto-verso à sa défense montre limportance des enjeux. De fait, poètes et imprimeurs sont souvent logés à la même enseigne, bonne ou mauvaise. Rappelons à cet égard la teneur des railleries de lEpistre responsive au Rabais qui superposent la maladresse du poète à la négligence typographique dune édition donnée par un autre imprimeur de Rouen :

156

Quant à limpression premiere

Que Rouen nous mit en lumiere,

Elle est laide, et si obscure

Que de la lire on nen a cure,

La seconde est si digne, et necte

Quelle est bien deue à tel poete.

À brief parler limpression

En vault tresbien linvention53.

Dans ce contexte dintense activité éditoriale, il y a donc autant à gagner en bénéfices sonnants et trébuchants quà perdre en réputation. Voilà sans doute pourquoi Mallard se laisse qualifier d« imprimeur expert54 », lui qui ne prendra toutefois pas la peine de corriger, alors même que le Coup dessay en est à sa troisième édition, linterversion des couplets de deux chants royaux55.

Si La Hueterie et Sagon publient majoritairement chez Mallard, Marot et ses soutiens se tournent vers Jean Morin ou Étienne Dolet. De Paris à Lyon, les initiatives des imprimeurs et des libraires humanistes soutiennent leffort incessant des poètes français et néo-latins. Morin publie lédition princeps du Valet de Marot contre Sagon et des Disciples et amys, ainsi quun texte intitulé la Responce à Labbé des Conars de Rouen. Quant à Dolet, il intervient en son nom ou presque56 au seuil dune édition du Valet de Marot contre Sagon donnée par François Juste. On sait tout le soin quaccorde ce dernier à la qualité de ses publications. Selon les mots dÉlise Rajchenbach, il cultive avec Dolet « une éthique de la bonne impression et de la bonne édition qui respecte texte et auteur57 ». Publier dans une irréprochable composition typographique le texte de Marot, cest se montrer à la hauteur de la « perfection » de celui que lon considère comme « lhonneur de la langue Françoise58 ». 157À cet égard, soulignons limpeccable réalisation de la plaquette Juste qui, si elle se contente de reprendre à lidentique lédition princeps de Morin, se distingue par son absence de coquilles59 ainsi quun bois gravé spécialement pour loccasion. Dans son discours liminaire, on entend Dolet prendre la défense des « Biendisants » contre les « Maldisants », entendez Sagon et ses complices. Aucun doute dès lors, les « Maldisants » sen remettent aux plus mauvais imprimeurs.

En publiant le Valet de Marot contre Sagon, Dolet poursuit sur le terrain polémique lambition qui était la sienne en supervisant le Recueil de vers latins, vulgaires de plusieurs Poëtes Françoys, composés sur le trespas de feu Monsieur le Daulphin60, à savoir la promotion dune poésie nationale docte de belle facture typographique61. On le sait moins, mais Olivier Mallard a également pris part à la vague des déplorations sur la mort du Dauphin, reprenant le « commerce de vers funèbres62 » initié par son prédécesseur aux presses du Pot Cassé63. En publiant la Copie de lArrest du Grant Conseil et quelques mois plus tard lEglogue marine sur le trespas de feu monsieur Francoys de Valoy, daulphin de Viennoys, filz aisné du Roy de Hugues Salel64, il se montre particulièrement réactif, la première plaquette anticipant même dun mois le recueil imaginé par Dolet65. Outre la publication de lacte officiel, qui relève assurément de la charge dun imprimeur du roi, la Copie de lArrest du Grant Conseil contient plusieurs pièces poétiques, qui alternent systématiquement entre la 158déploration de la mort du Dauphin et linvective contre son assassin et Charles Quint. La complainte en décasyllabes à partir du psaume « Cæli enarrant » signée dun certain Jacques Hanon laisse place à trois épîtres et un rondeau dinvective dun mystérieux seigneur de Moyencourt contre celui quil nomme « du monde Lempireur Neronissime66 ». Dans lune de ses épîtres, il exhorte son compère Jacques Hanon à surenchérir :

Tu veoirras bien cest aigle descrié

Quant ses vices seront en evidence

Quesse de luy ? traison ou prudence

Hanon, pour dieu escriptz en quelque traict67.

Hanon sexécutera à travers un dizain où lempereur est de nouveau comparé à Néron. Le recueil sachève sur une ultime épigramme dOlivier Mallard qui résume le sens du recueil, entre déploration et vitupération :

Fleur Florissante preste à Fructifier

Fruict odorant au royaulme de France

Où pretendoient au temps Futur Fier

Françoys en toy, mais par dure souffrance

Fus fait mourir : et mon cueur en souffre en ce

Griefve douleur, puis au faulx depravé

France crie sur luy chacun jour vé

En demandant à Jesuchrist vengeance :

Empoisonneurs qui ce mal ont trouvé

Fineront mal par leur oultrecuidance.

Tout par moien68.

Les cas dimprimeurs ou de libraires donnant quelques vers de leur plume au seuil des œuvres quils publient ne sont pas rares. Le distique liminaire de lAdolescence clementine de Tory en est un exemple, tout comme le poème de Gilles Corrozet qui clôt le recueil quil consacre au Dauphin69. Avec ce dizain, Mallard montre à son tour quil nentend pas être vu seulement comme un artisan du livre, mais aussi comme 159un auteur. Mieux encore, assorti aux autres pièces, ce dizain confère à la publication officielle quest la Copie de lArrest du Grant Conseil lallure dun « micro-recueil70 » poétique collectif. Cette ébauche de tombeau était peut-être dailleurs vouée à saugmenter de nouvelles contributions, puisque le seigneur de Moimont incite dautres poètes à suivre son exemple :

Marot, escript à ton amy Lyon

Sy Gerion est mort ou suscité

Et lennemy que laigle a suscité

Pour consommer du bon Daulphin la vie

Est ce vengeance, avarice, ou envye

Fais de ce faict, vers nous souffler ta muse

Sans tamuser aux choses donc tu use

Et toy Sagon, qui feis ton coup dessay

Escrit par vers en brief ce que tu sçay

De ceste mort, tant plainte et lamentée71.

Cest malheureusement à Dolet que reviendra lépitaphe du Dauphin de Marot. Quant à Sagon, aussi surprenant que cela puisse paraître, il semble sêtre abstenu.

Insistons pour finir sur lorigine géographique commune des principaux auteurs de la plaquette. Jacques Hanon, lauteur de la complainte, est originaire de Beauvais et lépistolier qui signe de lacrostiche « Moimont » a toutes les chances dêtre Adrian de Moyencourt, seigneur de Moimont – ce quindique sa devise « On parle peu de moy en court » – originaire de Picardie72. Si, à la suite de Michel Magnien, nous pensons que limprimeur-libraire entend avec cette publication séduire à la fois les « lecteurs doccasionnels et les amateurs de poésie vernaculaire73 », il sagit 160surtout pour lui daccomplir ses premiers pas sur la scène poétique sans négliger la besogne de la publication officielle. Mallard sy emploie en participant de manière originale à la vogue des célébrations du Dauphin et en valorisant la production dun mince réseau de poètes locaux de Rouen à Beauvais. Rien de comparable, on le voit, au dessein de Dolet qui compile dans le Recueil de vers latins, vulgaires les forces vives de la poésie savante française, latine et vernaculaire. Néanmoins, la parution de la Copie de lArrest du Grant Conseil juste avant lEglogue marine sur le trespas de feu Monsieur François de Valoys de Salel – qui rappelons-le contient également un chant royal « sur lentreprinse de lempereur contre le Roy, et honteuse fuite dudict Empereur » – témoigne de la sagacité dOlivier Mallard, lui dont les publications commémoratives sont les seules à proposer de tels discours de vitupération sans doute à même de répondre, tout autant que la déploration, aux attentes de ses lecteurs74.

En dépit des affinités qui unissent Sagon et La Hueterie et de la solidarité de façade affichée dans les épîtres des Protologies françoises, les deux poètes ne se trouvent jamais aussi bien réunis que dans la satire de Marot et de ses disciples. Le rôle dOlivier Mallard permet pourtant de mieux saisir la configuration particulière du champ poétique français, poètes et imprimeurs réunis. De 1533 à 1538, on assiste à des bouleversements dans le monde de limprimé marotique. Tory publie jusquà sa mort en 1533 toutes les œuvres autorisées de Marot. Or, dès la prise de fonction dOlivier Mallard à lenseigne du Pot Cassé, le poète se tourne vers Louis Blaubloom. Ce dernier imprimera La Suite de lAdolescence clementine pour la veuve de Pierre Roffet ainsi que toutes les publications de Marot ou de ses disciples chez Jean Morin durant la querelle. La partition est claire et sans que lon sen explique totalement les raisons, la décision de Marot trace déjà la frontière entre les deux chapelles. Sans Marot au catalogue, Mallard privilégie des auteurs locaux : le Rouennais Sagon, les Picards Jacques Hanon, Adrian de Moyencourt, ou encore Charles de La Hueterie dont les protecteurs règnent aussi en Picardie. Très vite cependant, Mallard nest plus limprimeur dun seul camp. Dès 1537, il réalise et vend Plusieurs traictez, une anthologie des 161pièces de la querelle ; et ni Sagon, ni La Hueterie ne publieront plus chez lui une fois la querelle terminée. De fait, limprimeur rouennais connaîtra dans les années 1540 un destin singulier, celui dun homme inquiété pour avoir mis sous presse des textes suspects dhérésie. En 1542, il publie la première traduction du grec en français du Criton de Platon par Simon de Vallambert, qui sera interdite de vente75. En 1544, Olivier Mallard est inquiété par le Parlement pour possession de livres protestants. Réfugié à Rouen, il ne doit probablement son salut quà une lettre adressée à Jean Du Bellay, qui lui évite dêtre poursuivi au-delà dune simple « prise de corps76 ». On est bien loin du blâme anti-luthérien vigoureusement porté par Sagon durant lannée 1536 et soutenu par les presses du Pot Cassé.

Jérémie Bichüe

Université Sorbonne Nouvelle - Paris iii

1 Contre lusage courant, mais conformément à la notice établie par la Bibliothèque nationale de France, nous préférons lappellation « François de Sagon » par laquelle lauteur signe la majeure partie de ses textes imprimés.

2 Les Disciples et amys de Marot contre Sagon, Paris, Louis Blaubloom pour Jean Morin, 1537, in-8o, Paris, BnF (Rés. Ye 1582), fol. E3r.

3 La seule édition du Coup dessay qui nous soit parvenue est la troisième : Paris, [Olivier Mallard], 1537, in-8o, Paris, Arsenal (Rés. 8o BL 8736 (1)).

4 Clément Marot, Le Valet de Marot contre Sagon, Paris, Louis Blaubloom pour Jean Morin, 1537, in-8o, Paris, BnF (Rés. Ye 1584), fol. A3r.

5 Nous nous permettons de renvoyer à notre thèse : « “Par satire replicquer ”. La querelle Marot-Sagon : une œuvre collective (1535-1539) », dir. Nathalie Dauvois et Guillaume Berthon, Université Sorbonne Nouvelle et Université de Toulon.

6 Clément Marot, Œuvres complètes, éd. Fr. Rigolot, Paris, GF-Flammarion, 2007, t. 1, p. 419.

7 Voir à ce propos N. Dauvois, « Des contreblasons de La Hueterie au Contrepoison dArtus Désiré, enjeux et formes dune poétique de contre à la Renaissance », Texte et contre-texte pour la période pré-moderne, éd. N. Labère, Pessac, Ausonius Éditions, 2013, p. 215-225, mais aussi Anatomie dune anatomie. Nouvelles Recherches sur les blasons anatomiques du corps féminin, éd. J. Gœury et T. Hunkeler, Genève, Droz, 2018 et en particulier larticle de N. Mueggler, « Les Blasons anatomiques de 1543 : un recueil de sociabilité agonistique », p. 209-226.

8 Protologies françoises, Paris, Olivier Mallard, 1536, in-16o, Niort, Médiathèque (Rés. P141D1).

9 G. Berthon, Bibliographie critique des éditions de Clément Marot (ca. 1521-1550), Genève, Droz, 2019, p. 208.

10 C. Marot, LAdolescence clementine, Paris, Geoffroy Tory pour Pierre Roffet, 12 août 1532 (1re éd.), in-8o, Paris, BnF (Rés. Ye 1532).

11 « Long temps y a, voire plus de sept ans, / Et huyt aussi quaucuns sont acceptans/ Le myen labeur ne sçay si bien lont prins, / Mais suis asseur que nen seray reprins » (Protologies françoises, fol. C4v).

12 À propos du personnage, voir L.-A. Hallopeau, Essai sur lhistoire des comtes et ducs de Vendôme de la maison de Bourbon. Renaissance, Paris, Ernest Leroux, s.d., ouvrage duquel nous tirons toutes nos informations. Il participe aux guerres dItalie déjà sous Louis xii, puis sous François ier, prêtant main forte au roi dans sa conquête du duché de Milan en 1515 et sillustrant à Marignan. Il est présent à la Cour lors des événements les plus prestigieux du royaume comme le baptême du Dauphin en 1518. La même année, après que sa mère Marie de Luxembourg a effectué le partage de ses biens, il devient « lun des plus riches seigneurs de France » (p. 35). Après Pavie, le duc de Vendôme est nommé chef du Conseil, charge à haute responsabilité qui le propulse à la tête de lÉtat. Il sera désigné « seconde personne de France » à la mort du connétable de France Charles iii de Bourbon en 1527.

13 Le cardinal Louis de Bourbon-Vendôme célèbre le mariage de Jacques v dÉcosse et de Madeleine de France en janvier 1537. Cest à cette occasion que Charles de La Hueterie compose le Concile des dieux sur les tresheureuses et tresmagnificques nopces de treshault et trespuissant prince, James par la grace de dieu roy dEscoce, et de treshaulte dame et princesse madame Magdalene fille aisnée du Roy, Paris, Olivier Mallard, 1537 (n. s.), in-8o, Paris, BnF (Rés. Ye 4237). Notons que le manuscrit 202 de la Bibliothèque municipale de Soissons contient un texte intitulé « Epithalame ou vers nuptiaulx pour les nopces du serenissime roy dEscosse et Madame Magdelaine de France, fille aisnée du Roy son espouse ». Il est signé dun auteur qui se présente comme le « Dipsosophe, prothonotaire de monseigneur le Reverendissime Cardinal de Bourbon » et signe de la devise « Vouloir selon le pouvoir » (fol. 224r). Il est tentant dy reconnaître Charles de La Hueterie, que Claude Colet qualifie de « protonotaire » : « Huet mon beau protenotaire/ Aprens à rimer aultrement/ Ou bien du tout il se fault taire », Daluce Locet [Claude Colet], Remonstrance à Sagon, à La Huterie, et au Poete Campestre, par maistre Daluce Locet, Pamanchoys, [Paris], [Pierre Vidoue], [1537 ?], in-8o, Paris, BnF (Rés. Ye 1589), fol. B3v.

14 Protologies françoises, fol. C1r. Nous faisons le choix de reponctuer lensemble des textes de lauteur pour en faciliter la lecture.

15 Sagon évoque la même anecdote dans sa Deffense de Sagon contre Marot, [Paris], [Pierre Vidoue], [1537 ?], in-8o, Paris, Arsenal (8o BL 8737), fol. F3r.

16 Catalogue des Actes de François ier, Paris, Imprimerie Nationale, 1867-1908, t. 3, no 7955-7982.

17 Selon le Dictionnaire du Moyen Français consultable sur le site de lATILF, le verbe alancer semble avoir existé. La construction sans préposition pose malgré tout problème et nous préférons lire « à lancer », puisque le verbe lancer signifie également « atteindre quelquun dune arme ».

18 Protologies françoises, fol. C3v-C4r.

19 Cest ce quindique le titre dune ballade adressée un homme de cour « pour le faire jouyr de la place de varlet de chambre que le roy luy avoit donnée à la resqueste de monseigneur de Vendosme » (Protologies françoises, fol. [B7v]).

20 Œuvres complètes, t. 1, p. 410.

21 Protologies françoises, fol. [B8v]. Nous avons entrepris quelques recherches sur la famille de Charles de La Hueterie à partir de cette indication. Le ms. BnF f. fr. 21449 (Officiers et domestiques de la Maison de François ier. (1516-1549). Années 1516-1534, t. 1, fol. 59r) mentionne un « Anthoine Huet » parmi les galopins en 1520. Il figure encore en cette qualité dans le registre de 1521 (fol. 72v), de 1522 (fol. 87r), de 1523 (fol. 100v), de 1524 (fol. 114r), de 1526 (fol. 126v), de 1527 (fol. 137v), de 1528 (fol. 149r), de 1529 (fol. 162v), de 1530 (fol. 175r), de 1531 (fol. 188v), de 1532 (fol. 203v), de 1533 (fol. 218v). Ce nom (sagit-il du même homme ?) est également indiqué dans les listes des potagers du roi en 1535 (fol. 235r), en 1536 (ms BnF f. fr. 21450, Officiers et domestiques de la Maison de François ier. (1516-1549). Années 1536-1549, t. 2, fol. 11v), mais aussi dans le Catalogue des Actes, t. 8, p. 143 no 30579 en qualité de chevaucheur. Leur présence tardive empêche dy reconnaitre celui qui, selon les dires du poète, serait mort depuis quinze ans.

22 Parmi les autres destinataires figure M. de Boisy, Claude Gouffier, grand mécène de lépoque resté célèbre pour son cabinet de curiosités. Fidèle du roi ayant ferraillé à Pavie où il est capturé, il est nommé chevalier de lordre de Saint-Michel en 1533 et Premier gentilhomme de la chambre en 1535. Le personnage est important : François ier nhésite pas à payer les 6000 écus dor nécessaires à sa libération en 1538. Voir la biographie qui lui est consacrée dans Les Trésors du grand écuyer : Claude Gouffier, collectionneur et mécène à la Renaissance : [exposition] 16 novembre 1994-27 février 1995, Paris, 1994, Réunion des musées nationaux, p. 11-18.

23 Protologies françoises, fol. F3v.

24 Ibid.

25 Ibid., fol. H7r.

26 Ibid., fol. H5v. Nina Mueggler a cependant bien montré la complicité à lœuvre dans les blasons de Sagon et le contreblason de La Hueterie. À la suite de Sagon, La Hueterie souligne la capacité du pied à fuir, visant Marot à mots couverts. (« Les Blasons anatomiques de 1543 : un recueil de sociabilité agonistique », p. 221-222.)

27 [Fr. de Sagon ?], Rabais du Caquet de Fripelippes et de Marot dict Rat Pelé, [Paris], [G. de Bossozel], [1537] (2e éd.), in-8o, Paris, Arsenal, Rés. 8o BL 8736 (5), fol. A3v-A4r.

28 Ibid., fol. A3v.

29 Il lépouse au mois de décembre 1533, probablement entre le 13 et le 25 décembre (G. Lepreux, Gallia typographica ou Répertoire biographique et chronologique de tous les imprimeurs de France depuis les origines de limprimerie jusquà la Révolution, Paris, H. Champion, 1911, p. 378).

30 Le colophon de la Copie dune letre de Constantinople de la victoire du Sophy contre le grand Turc indique que le permis dimprimer a été octroyé à Olivier Mallard le 17 janvier 1536 (nouveau style), in-4o, Paris, BnF (Rés. J 1227).

31 Johannes Vassæus, De judiciis urinarum tractatus ex probatis collectus authoribus, Paris, O. Mallard, 1537, in-8o, Paris, BnF (8 TD 15 19). Le colophon comporte la mention suivante : « Excudebat O. Mallardus, bibliopola ac impressor regius ». Notons que selon les Acta rectoria universitatis Pariensis, Mallard prête serment sous le rectorat de Jean Tiercelet (15 décembre 1536-22 mars 1537). Les mêmes actes indiquent : « Oliverius Mallart, librarius juratus Universitatis Rothomagen » (BnF, ms. lat. 9953, fol. 56r).

32 Voir les réflexions de M. Vène, « Imprimeur du roy. Une consécration au service du français », Geoffroy Tory, imprimeur de François ier, graphiste avant la lettre, Paris, RMN-Grand Palais, 2011, p. 113-121, mais aussi de D. Pallier, « Les Imprimeurs du roi au xvie siècle : la constitution dun nouvel office dans les métiers du livre », Le Livre et lart. Études offertes en hommage à Pierre Lelièvre, éd. Th. Kleindienst, Paris, Somogy, 2000, p. 183-202, ici p. 186 : « Jusque-là, une nomination comme imprimeur du roi fut-elle autre chose que la reconnaissance dune compétence, un honneur éventuellement accompagné du privilège dimprimer les récits des entrées, mariages ou décès royaux, comme le fait Tory ? ».

33 [Paris], Olivier Mallard, 1536, Paris, BnF (Rés. LB30 72). Tory avant lui sétait plié à lexercice en publiant les Ordonnances du Roy nostre sire, sur lestat des tresoriers et manyment des finances nouvellement publiées au Conseil de la Tour carrée, Paris, Geoffroy Tory, 1532, in-4o, Paris, BnF (Rés. F 1894).

34 Une édition antérieure à celle qui nous est parvenue est évoquée dans la Copie de lArrest du Grant Conseil, fol. B1r, ouvrage publié à la date du 18 octobre 1536.

35 Responce à Marot dict Fripelippes à son Maistre Clement, Paris, [Olivier Mallard], 1537, in-8o, Paris, BnF (Rés. Ye 1578) ; Plusieurs traictez, par aucuns nouveaulx poetes, du different de Marot, Sagon, et La Hueterie, Paris, Olivier Mallard, 1537 (réémission en 1538), in-16o, Paris, BnF (Rés. p Ye 2101 ; à la date de 1537).

36 Hore in laudem beatæ Virginis Mariæ ad usum ecclesiæ Parisiensis, Paris, Olivier Mallard, 1536, in-8o, Paris, Bibliothèque historique de la Ville de Paris (Rés. 943 292) ; Hore in laudem beatissime virginis Mariæ ad usum Rothomagensem, Paris, Olivier Mallard, 1536, in-8o, Paris, BnF (Rothschild 32). Mallard reste fidèle aux publications du même genre qui ont fait la gloire de son prédécesseur.

37 Paris, Galliot Du Pré et Olivier Mallard, 1538, in-8o, Paris, BnF (D-100779).

38 « Tresdevotes oraisons à lhonneur de la tressacrée et glorieuse vierge Marie, mere de Dieu, avec plusieurs aultres devotes chansons, faictes et composées par ledict Reverend pere en Dieu » : « Ave conceue sans peché. / Vostre corps nen fut point taché/ Ne lame que dieu y forma, / Je vous salue O Maria », fol. 138r.

39 Paris, Olivier Mallard, 1541, in-8o, Barcelone, B. de Catalunya (Mar 36-12o).

40 Le Puy de lImmaculée Conception était un concours poétique rouennais où les participants étaient invités à célébrer en chants royaux, ballades et rondeaux, le culte de la naissance immaculée de la Vierge Marie. De 1531 à 1535, Sagon remporte successivement la Palme, le Signet, le Lys et la Rose, qui comptaient parmi les prix décernés aux meilleurs poètes (G. Gros, Le poète, la Vierge et le prince du Puy, Paris, Klincksieck, 1992, p. 190-192). Voir surtout louvrage essentiel de D. Hüe, La Poésie palinodique à Rouen, 1486-1550, Paris, Champion, 2002.

41 Selon une déclaration de leur descendant, le libraire Philippe-Esprit Mallard, citée dans lArrêt du Conseil du 14 août 1739 (Archives Nationales, V6, no 923). Voir à ce propos la notice consacrée à Olivier Mallard sur le site de la Bibliothèque nationale de France (Data).

42 BnF ms. f. fr. 24408, fol. 16v. Il est lauteur dun chant royal et dun rondeau au nom de la Vierge, fol. 40r.

43 R. Cooper, « Jean Mallard, poète et peintre rouennais », Première Poésie français de la Renaissance. Autour des Puys poétiques normands, éd. J.-C. Arnould et T. Mantovani, Paris, Champion, 2003, p. 193-213, ici p. 193. Comme le note Richard Cooper, « les variantes orthographiques – Mallard/t, Maillard/t – ne sont pas un élément déterminant, car les noms du libraire et du poète/peintre sécrivent de façon aléatoire dans les documents darchives » (p. 199).

44 Ibid., p. 198.

45 Ibid. : « À Me Jehan Maillard escripvain, pour avoir rescript, faict, relié et illuminé certain livre en parchemyn pour mondict Sr et pour plusieurs histoires faictes en icelluy par mandemement de Monsr, du xiiii jour davril apres Pasques [1537] et quictance dudict Maillard pour ce, xxi livres 1 sol ».

46 Voir les Archives départementales antérieures à 1790 qui concernent spécifiquement larchevêché de Rouen et les dépenses de Mathurin Cédille, trésorier de Georges ii dAmboise, archevêque de Rouen pour lannée 1535-1536 (Inventaire-sommaire des archives départementales antérieurs à 1790, Paris, Imprimerie et Librairie administratives de Paul Dupont, 1868, Archives ecclésiastiques – série G Archevêché de Rouen (no 1 à 1566), respectivement G. 231, G. 121, G. 124, G. 128, G. 130, G. 133, G. 123 ; ici G. 123).

47 « À Jehan Mallart, escripvain, pour avoir escript unes heures en parchemin, presentées au roy pour les faire enlumyner, en don, à prendre sur les deniers de lépargne à lentour du roi, xlc livres » (R. Cooper, « Jean Mallard, poète et peintre rouennais », p. 199 et Archives Nationales, J. 961, no 149).

48 Son recueil intitulé Le Triumphe de grace et prerogative dinnocence originelle, sur la conception et trespas de la vierge esleue mere de Dieu, Paris, Jean André et Benoît Prévost, 1544, in-8o, Paris, Arsenal (8o BL 10713) a en effet conservé la trace dune ballade qui emporte le premier prix (la Rose) en 1535 (fol. D4v).

49 Au moins trois membres de cette famille sont à la tête de larchevêché au cours du xve siècle et notamment Guillaume vii dEstouteville, qui sillustra pendant la guerre de Cent Ans (voir à ce propos, entre autres, la courte biographie fournie dans La Semaine religieuse du diocèse de Rouen, Rouen, Edmond Fleury, 1868, no 14, p. 251-257).

50 Protologies françoises, fol. A6r.

51 Palinods présentés au Puy de Rouen : recueil de Pierre Vidoue, 1525, éd. E. de Robillard de Beaurepaire, Société des Bibliophiles Normands, Rouen, 1897, fol. 8r.

52 Remonstrance à Sagon, à La Huterie, et au Poete Campestre, par maistre Daluce Locet, Pamanchoys, fol. A4v-B1r.

53 Epistre responsive au Rabais de Sagon. Ensemble une aultre epistre faicte par deux amys de Clement Marot, [Paris], [Pierre Vidoue], [1537 ?], in-8o, Paris, Arsenal, Rés. 8o BL 8736 (10), fol. A2r.

54 Coup dessay, fol. G4r.

55 Ibid., fol. F4v-G2v.

56 Voir à ce titre G. Berthon, « “Estienne Dolet, amy singulier de Clement Marot”. Dolet éditeur du Valet de Marot contre Sagon (François Juste, 1537) », Revue française dhistoire du livre, no 132, 2011, p. 5-20, Id., Bibliographie critique des éditions de Clément Marot (ca. 1521-1550), p. 209-217.

57 É. Rajchenbach, « LHumaniste et limprimeur : les relations dÉtienne Dolet et de François Juste (1536-1539) », Étienne Dolet (1509-2009), éd. M. Clément, Droz, 2012, p. 311.

58 Clément Marot, Le Valet de Marot contre Sagon, Lyon, François Juste, 1537, in-8o, Munich, Bibliothek der Ludwig-Maximilians-Universität (0014/W 8 P.gall. 408#4), fol. A2r.

59 Une en réalité, remarquée par Guillaume Berthon, puisquon lit au v. 130 : « Ou la sotie vehemente » au lieu de « O la sotie vehemente » chez Morin.

60 Recueil de vers latins, vulgaires de plusieurs Poëtes Françoys, composés sur le trespas de feu Monsieur le Daulphin, Lyon, François Juste, 1536, in-8o, Paris, BnF (Rés Ye 2966 et 2967), fol. B1v.

61 Voir à ce propos les constats de M. Magnien, « Le Recueil de vers latins, vulgaires de plusieurs Poëtes Françoys : Étienne Dolet promoteur dune poésie docte », « La Poésie à la cour de François ier », Cahiers V.-L. Saulnier, 29, Paris, PUPS, 2012, p. 215-237, ici p. 230.

62 M. Clément, « Un geste poétique et éditorial en 1536 : le Recueil de vers latins et vulgaires de plusieurs Poëtes… », « Le recueil poétique à la Renaissance », RHR, 62, juin 2006, p. 31-43, ici p. 36.

63 In Ludoicæ regis matris mortem, epitaphia latina et gallica. Epitaphes à la Louenge de ma Dame, mere du roy faictz par plusieurs recommandables autheurs, Paris, Geoffroy Tory, 1531, in-4o, Paris, Arsenal (Rés. 8o H 12587 (3)).

64 Hugues Salel, Eglogue marine sur le trespas de feu monsieur Francoys de Valoys, daulphin de Viennoys, filz aisné du Roy, Ensemble ung chant royal sur lentreprinse de lempereur contre le Roy, et honteuse fuite dudict Empereur. Et autres choses, Paris, Olivier Mallard, janvier 1537, in-8o, Paris, BnF (Rés. Ye 4816).

65 Le propos liminaire du Recueil de vers latins, vulgaires de plusieurs Poëtes Françoys est daté du 13 novembre.

66 Copie de lArrest du Grant Conseil, fol. B2r.

67 Ibid., fol. B1r.

68 Ibid., fol. B4r.

69 Œuvres complètes, t. 1, p. 33 et Anonyme de Langres, Triste elegie ou deploration, lamentant le trespas de feu treshault et puissant prince Françoys de Valloys de Bretaigne, et daulphin de Viennoys : filz aisné du Roy treschrestien Françoys premier de ce nom Roy de France. Recentement apres toutes aultres mise à lumiere, « Dizain sur le trespas dudit Seigneur par Gilles Corrozet », Paris, Jean André et Gilles Corrozet, 1536 (6 octobre), in-8o, Paris, BnF (Rés Ye 1410), fol. D4v.

70 Magnien, « Le Recueil de vers latins », p. 227.

71 Copie de lArrest du Grant Conseil, fol. B1r. Charles Quint, laigle à deux têtes, est ici désigné sous le nom de Geryon, cette créature mythologique tricéphale régnant sur lEspagne et défiée par Hercule.

72 Outre sa devise, lauteur de lépître semble avoir voulu indiquer son prénom : « Or dis moy donc si veoys mon escript/ Moy qui suys dit seullement Adrian » (Copie de lArrest du Grant Conseil, fol. B2v). Son nom est évoqué dans le Grand coustumier general contenant toutes les coustumes generalles et particulieres du Royaume de France et des Gaulles, Paris, Jacques du Puys, 1567, fol. 180v.

73 Magnien, « Le Recueil de vers latins », p. 227.

74 La rancœur des auteurs à légard de Charles Quint sexplique peut-être aussi par la récente campagne menée par les troupes de lempereur en Picardie. Le siège de Péronne au mois daoût 1536 en est sans doute le fait le plus marquant.

75 En date du 29 mars 1542 (ancien style) : « Ce jour, la Cour, pour aucunes causes et considérations à ce là mouvans, à inhibé et defendu à Olivier Maillard, imprimeur, et autres libraires de ce ressort dexposer en vente un petit livre, imprimé par ledit Maillard, intitulé : De lObeyssance quon doibt à justice et la patience quil convient avoir quand on est condamné à tort, livre de Platon intitulé Criton, tourné de grec en françois par S. Vall et sur peine damende telle quil appartiendra et punition corporelle » (Archives Nationales, X Ia no 1550, fol. 352v). Nous citons daprès Lepreux, Gallia typographica, p. 381.

76 « 2 janvier 1545 [nouveau style] : Condamnation dOlivier Le Noir, à être étranglé et brûlé à Reims, pour crime dhérésie et de livres défendus, et sentence de prise de corps contre maître Olivier Maillard, libraire, quon dit être de Rouen, et contre maître Jérôme Guillard » (Archives Nationales, X2, A 97). La lettre adressée à Jean Du Bellay est reproduite par R. Scheurer et L. Petris dans la Correspondance du Cardinal Du Bellay, t. 3, « 1537-1547 », Paris, Société de lHistoire de France, 2008, p. 284. Voir aussi Ph. Renouard, Répertoire des imprimeurs parisiens : libraires, fondeurs de caractères et correcteurs dimprimerie : depuis lintroduction de limprimerie à Paris (1470) jusquà la fin du seizième siècle, Paris, M. J. Minard, Lettres Modernes, p. 291.