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Classiques Garnier

Imaginaire et crainte du rapt politique au moment de la Paix des Dames (1529)

  • Type de publication : Article de revue
  • Revue : Cahiers de recherches médiévales et humanistes / Journal of Medieval and Humanistic Studies
    2020 – 1, n° 39
    . varia
  • Auteur : Dumont (Jonathan)
  • Résumé : La Paix des Dames (5 août 1529) et la rencontre diplomatique qui la précède visent à mettre fin au conflit entre Maisons de Bourgogne-Habsbourg et de Valois. Toutefois, autour de Marguerite d’Autriche, régente des Pays-Bas, l’atmosphère est aussi à la crainte d’un coup de force français sur Cambrai afin d’enlever la régente. La rhétorique pacifique de l’amor et de l’amicitia, caractéristique des rencontres princières tardo-médiévales, est ici mise en échec.
  • Pages : 179 à 194
  • Revue : Cahiers de recherches médiévales et humanistes - Journal of Medieval and Humanistic Studies
  • Thème CLIL : 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
  • EAN : 9782406107422
  • ISBN : 978-2-406-10742-2
  • ISSN : 2273-0893
  • DOI : 10.15122/isbn.978-2-406-10742-2.p.0179
  • Éditeur : Classiques Garnier
  • Mise en ligne : 14/07/2020
  • Périodicité : Semestrielle
  • Langue : Français
  • Mots-clés : François Ier, Charles Quint, Marguerite d'Autriche, Anciens Pays-Bas, traité de Cambrai
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Imaginaire et crainte
du rapt politique au moment
de la Paix des Dames (1529)

La paix des Dames (ou paix de Cambrai) ­conclue le 5 août 1529 entre le roi de France François ier et ­lempereur Charles Quint, par ­lentremise de Louise de Savoie et de Marguerite ­dAutriche, met fin à un cycle de ­conflits entamé dès 1521 qui avait été ponctué de deux acmés éclatantes, la déconfiture des troupes françaises à Pavie (24 février 1525) suivie de la capture du roi, puis le sac de la ville de Rome par les troupes impériales (6 mai 1527)1. ­Lobjectif principal de la paix est ­daboutir à la libération des fils du roi, François et Henri, échangés ­contre la liberté de leur père après la signature du traité de Madrid (14 janvier 1526).

­Lévénement est célébré par les deux camps ­comme la restauration de ­lamour entre Charles et François. Ainsi, la pièce occasionnelle, La Triumphe de la paix, due à Jean Thibault, astrologue de Charles Quint et de Marguerite ­dAutriche, propose de lire les négociations et la proclamation du traité à ­lété 1529 ­comme résultant du rétablissement de la ­concorde grâce à Marguerite ­dAutriche et Louise de Savoie. ­Cest particulièrement le cas, le 9 août, au soir, lors ­dun repas en ­lhôtel de Louise de Savoie. Thibault ­sétend largement sur le sens ­dun curieux rituel, celui du lavage des mains. Marguerite ­dAutriche est invitée par Louise de Savoie et François ier – arrivé à Cambrai dans la journée – à se laver les mains en première dans un bassin. Toutefois, la gouvernante des Pays-Bas préfère prendre les mains de François et Louise, et les laver en même temps que les siennes. François ­sinstalle alors à table, Marguerite à sa droite – place la plus honorable – et Louise à sa gauche. Le repas a lieu et au moment de sortir de table François ier propose à 180Marguerite de la raccompagner dans ses appartements. Celle-ci refuse et tous deux se disent « les bons soirs amoureusement2 ». Par les gestes et les paroles, le cérémonial met en scène une symbolique de ­lamour que Thibaut retranscrit. ­Lensemble entend à signifier que la ­concorde, la parfaite entente, ­laffection mutuelle règlent à nouveau les interactions entre les gouvernants3.

­Cest pourtant à une tout autre lecture que nous invite le ­compte de 1529 de la Recette générale des Finances des Anciens Pays-Bas rédigé par Jean Micault ou Michaut, receveur général de toutes les finances4. Plusieurs parties ­concernent la préparation de la paix de Cambrai, le déroulement des négociations et la proclamation de la paix. Une mention bien particulière de ce ­compte retient ­lattention : 109 livres remises à Louis de Ligne, baron de Barbançon et haut-voué de Mons, pour avoir envoyé plusieurs espions en France, tant avant que pendant ­lentrevue de Cambrai, afin que, au cas où ­lentrevue ­naboutirait pas, ­larchiduchesse puisse assurer la sûreté « du pays, de sa personne et [de] sa retraite5 ». Cette phrase laconique laisse ainsi entendre que, pour le camp burgondo-habsbourgeois, la crainte ­dun coup de main français sur Cambrai est bel et bien présente dans les esprits, coup de main qui pourrait mettre en danger Marguerite ­dAutriche elle-même.

­Limaginaire du rapt, ­dune forme ­denlèvement avec violence, ­simmisce dans les esprits de ceux qui entourent la gouvernante des Pays-Bas. Toutefois, les ­conséquences potentielles ­dun rapt sur la personne de Marguerite, ainsi que le pensent les acteurs, dépassent le ­contexte purement matrimonial – celui ­dun mariage forcé – auquel on associe généralement le rapt6. En effet, un tel acte aurait des ­conséquences 181­considérables sur les Anciens Pays-Bas et surtout sur les relations diplomatiques, dynastiques et symboliques entre les Maisons de France et de Bourgogne-Habsbourg7. Tout ­dabord, sur le plan de ­lexercice du pouvoir, Charles Quint serait privé de ­lun de ses adjuvants les plus précieux dans les Anciens Pays-Bas, une gouvernante légitime aux yeux des États de ses pays ­puisquelle partage le même sang. Sur le plan diplomatique, François ier aurait lui aussi entre ses mains un otage princier. ­Lempereur verrait dès lors son principal atout diplomatique, les fils du roi ­quil détient en otage, perdre de son importance. Il aurait beaucoup plus de difficultés à récupérer les territoires – la Bourgogne notamment – qui demeurent au cœur des négociations8. En outre, il ne faut pas oublier la dimension symbolique du rapt. Celui-ci porterait atteinte à la majesté du lignage de Bourgogne-Habsbourg, et affaiblirait la crainte et la révérence ­quil inspire. ­Cest une part de la souveraineté lignagère collective qui serait atteinte, amoindrie.

Même ­sil ne ­sagit ici que ­dune rumeur, elle inspire la peur dans ­lentourage de ­lempereur et de Marguerite ­dAutriche pour les raisons 182invoquées ci-dessus. Cette crainte du rapt se révèle être un facteur de déstabilisation psychologique important au moment des négociations de Cambrai – on ne peut parler ici ­darme psychologique, vu ­quil est impossible ­dattester que François ier ait réellement eu à ­lesprit un tel projet. ­Cest donc à un rapt en puissance, à des rumeurs de rapt ou encore à une crainte du rapt que ce texte est ­consacré.

Les documents étudiés ici proviennent de ­lancienne Chambre des ­comptes de Lille : diverses pièces ­comptables (quittances) et bien sûr le ­compte de Jean Michaut pour ­lannée 1529. Ces textes seront couplés à la correspondance de Marguerite ­dAutriche, de Charles Quint et de certains de leurs agents au moment des négociations de Cambrai, ainsi ­quà La Triumphe de la paix de Jean Thibault.

Je chercherai tout ­dabord (1.) à décrire plus précisément le climat anxiogène qui entoure les négociations de Cambrai, pour ensuite expliquer ce qui le provoque. ­Cest-à-dire (2.) une perte de ­confiance durable entre les lignages de Bourgogne-Habsbourg et de Valois, (3.) ­limportance des enjeux géopolitiques au sein desquels ­lItalie occupe une place centrale, (4.) le système des otages princiers, auquel Charles Quint a recouru, et qui en quelque sorte légitime, aux yeux des princes, le recours à de tels moyens.

UN CLIMAT ANXIOGÈNE

La crainte du rapt qui filtre dans le ­compte de Jean Michaut permet ­davancer ­quun véritable climat anxiogène pèse sur les négociations de Cambrai et influence Charles Quint, Marguerite ­dAutriche, et leurs ­conseillers et ambassadeurs durant toute ­lannée 1529. On pourrait rétorquer que ­lanxiété et la peur sont des sentiments ­communs à bien des rencontres diplomatiques. Néanmoins, dans ce cas précis, la récurrence, dans les documents burgondo-habsbourgeois, de ­lidée selon laquelle les Français prépareraient un coup de main sur Cambrai (ou ailleurs) incite à penser ­quil y a plus.

Contre toute attente et malgré son caractère encomiastique, La Triumphe de la paix de Jean Thibault permet de préciser le tableau. 183­Lauteur évoque ­leffervescence qui gagne petit à petit la ville de Cambrai à mesure que ­louverture de la rencontre approche : des messagers arrivent et repartent sans cesse, apportant des nouvelles ou partant en quérir9 ; la ville voit affluer une population de plus en plus importante en ses murs, ce qui inquiète puisque ­lon ­compte désormais « dedens la ville trois Francois pour ung Bourguignon10 ». Il est ­dailleurs demandé à une partie de cette foule de partir11. Même si Thibault minimise leur importance, il précise que des règles de sécurité strictes sont mises en place : ceux qui ne sont pas gentilshommes ne peuvent porter ­lépée ; les serviteurs sans maîtres et les vagabonds – des espions potentiels – sont priés de partir ; les portes de la cité sont toutes gardées ; le guet patrouille nuit et jour dans les rues ; enfin, « pour donner crainte de justice a ung chascun, [on] dresse sus le marché du bois ung gibet de bois12 ». Bien entendu, le fait que ­lune des trois portes de la ville reste « ouverte nuict et jour, et gardee de par luy [le roi de France] avec.cc. haquebutiers et autres », ajoute à ce climat anxiogène13.

Dans ce ­contexte, la sécurité des biens et des personnes apparaît cruciale. Une trêve a été ­conclue en prévision des rencontres qui doivent avoir lieu. Plusieurs ordonnances ont été publiées dans les Pays-Bas « afin que chascun [les sujets de ­lempereur et du roi] puist estre adverty et hanter ­dun pais à autre surrement » (janvier 1529)14. Pourtant beaucoup doutent que les Français tiendront parole. Des Zélandais ont été pillés au cours de ­lhiver par les gens du roi et menacent désormais de se venger15. Quelque temps plus tard, Antoine de Croÿ, seigneur de Sempy, ­lun des principaux capitaines des Pays-Bas, refuse de quitter Le Quesnoy pour Arras, alors que ­larchiduchesse le lui ­commande, à cause « ­daucuns gros 184affoires survenus pour la garde dudit Quesnoy à cause du bruyct qui courroit de ­linfraction de la trêve du costé de France16 ».

De son côté, Charles Quint entend rester ­constamment informé du respect ou du non-respect de la trêve, et envoie pour ce faire de nombreux messagers17. Lui et Marguerite ­dAutriche organisent un véritable réseau ­dinformateurs agissant pour leur ­compte dans le royaume de France. Tous les deux sont informés que le roi rassemble une armée « nonobstant la journée prinse à Cambray entre Madame et la duchesse ­dAngosmois, régente de France », et il ­convient de savoir à quelles fins le souverain français ­compte employer ses troupes18.

­Cest probablement la crainte de voir une armée française se présenter devant Cambrai qui pousse Marguerite ­dAutriche à passer outre son propre règlement et à organiser, pendant les négociations, la fuite ­dinformations hors de la ville à la nuit tombée. Un homme, dont ­lidentité est gardée secrète, doit passer, par-dessus les murailles, des paquets de lettres enfermées dans un panier, ­dautres agents, à ­lextérieur de ­lenceinte, étant chargés de les réceptionner19.

­Lidée du coup de main français sur Cambrai et, plus généralement, ­dune rupture de la trêve ­simpose dans les esprits des gouvernants des Pays-Bas, et ­simpose ­comme un élément fondamental pour expliquer 185le climat qui entoure ces rencontres. Le poids des offenses passées entre les Maisons de Valois et de Bourgogne-Habsbourg et de la mémoire de ces offenses ­contribue certainement à expliquer ce phénomène.

LA CONFIANCE BRISÉE

­Lhistoire des rencontres diplomatiques entre les lignages de France et de Bourgogne-Habsbourg est en effet émaillée de trahisons réciproques qui marquent la mémoire collective des deux lignages. On songe bien sûr à ­lassassinat de Jean sans Peur, arrière-arrière-grand-père de Charles Quint, sur le pont de Montereau-fault-Yonne (10 septembre 1419) ou bien à la capture de Louis xi par Charles le Téméraire lors de leur entrevue à Péronne (octobre 1468). ­Cest ­dailleurs la prégnance de cette mémoire qui fait écrire à Denis Crouzet que Charles Quint est hanté par le souvenir « ­dune chaîne criminelle vindicatoire ; des guerres et des morts qui se suivent, et qui ­culminent avec le décès, le 5 janvier 1477, de Charles le Téméraire devant Nancy20 ».

La ­confiance ou plutôt la ­confiance trahie est donc un ­concept central pour ­comprendre la nature des relations ­quentretiennent les lignages de France et de Bourgogne-Habsbourg au moment des négociations de Cambrai.

En effet, le champ sémantique de la « ­confiance » ainsi que des champs sémantiques opposés (« haine », « rancune », « tromperie ») sont partout présents dans les documents burgondo-habsbourgeois qui ­concernent la paix de Cambrai.

La Triumphe de la paix de Jean Thibault accorde une place centrale à la rhétorique de ­lamour, laquelle a pour corolaire la ­confiance. Cette ­confiance investit également les courriers échangés entre Charles Quint, 186Marguerite ­dAutriche et leurs serviteurs. Une fois acceptée, agréée et ratifiée, la paix manifestera le désir de ­lempereur et du roi de vouloir préserver « le bien universel et publicque à toutes injures, haynes et rancunes particulières ». Elle efface « toutes injures et rancunes21 ».

Dans le même temps, une tout autre rhétorique, celle de la ­confiance brisée, perce dans cette même correspondance. On le ­constate notamment lors des discussions visant à établir les ­conditions dans lesquelles la ­conférence de Cambrai aura lieu. Par exemple, ­lambassadeur de Louise de Savoie, envoyé dans les Pays-Bas à ­lhiver 1528-1529 afin ­détablir un premier projet de traité, est sans cesse surveillé par ­larchiduchesse Marguerite. Celle-ci ­lempêche, par exemple, ­dutiliser des lettres de change à Anvers pour ­sapprovisionner en numéraire22. La négociation des matières qui seront discutées à Cambrai est également très pointilleuse et ­larchiduchesse demande à de nombreuses reprises à ce que les termes du préaccord soient revus et précisés car elle ­naccorde aucune ­confiance au roi et à sa mère23. Une lettre de Louis De Praët, ambassadeur de Charles Quint à Rome, écrite à la fin août 1529, est très claire quant à cet état de méfiance. De Praët soutient que « les ­condicions de paix [proposées par le roi] sont sy avantageuses que aucuns doubtent ­quil y ait tromperie24 ». De Praët ­conseille toutefois de ne rien laisser paraître afin de ne pas ­compromettre la ratification de la paix par François ier25. ­Lambassadeur avoue que ­lon ne peut faire ­confiance à François ier, tant celui-ci ­na pas tenu ses promesses par le passé :

Que, en prenant les choses au pys ­quelles pourroient avenir, ­considerant mesmement que ­lempereur en ce cas avoit affaire avec gens que aultre fois lui avoient fally à leur promesse, je trouvay que le roy de France pourroit encoires ­contrevenir audit traicté nagueres fait, en ung ou deux temps, assavoir après la restitucion de messieurs ses enfans, ou aussi auparavant ­dicelle26.

Le risque existe ­quune fois les enfants royaux rendus le roi trahisse sa parole et déclare à nouveau la guerre à ­lempereur, ce que De Praët 187souhaite car le roi de France serait alors ­complètement désargenté et la guerre tournerait à ­lavantage de ­lempereur, qui écraserait son adversaire, voire le ferait à nouveau prisonnier – le souvenir de Pavie plane bien entendu sur ce texte27. ­Sil existe, pour De Praët, des raisons de croire en la paix de Cambrai, celles-ci ne reposent que sur la ­contrainte, ou plutôt sur des formes multiples de ­contraintes. En effet, le roi de France ne pourrait se résoudre à faire « tromperie [que] après la restitucion des Daulphins » car le prix ­quil a payé pour les récupérer est trop élevé (cause économique). François ier ne se hasarderait surtout pas à trahir à cause de son mariage avec la sœur de Charles Quint, éléonore (cause dynastique), du tour ­quil jouerait à ses alliés italiens incapables de se défendre seuls ­contre les armées impériales (cause géopolitique), et de ­latteinte à sa réputation et à son honneur ­sil venait à manquer une nouvelle fois sa parole, tant vis-à-vis de ses sujets, que des Parlements de France qui se sont engagés à jurer la paix avec lui (cause symbolique), et, finalement, vis-à-vis de Dieu – dans ce dernier cas, le roi ­commettrait un pêché (cause spirituelle)28. Cependant, il ­nest plus question chez De Praët ­damor ou ­damicitia entre princes tels ­quévoqués par J.-M. Moeglin et S. Péquignot en tant que fondement des rencontres princières médiévales29. Tout se passe ­comme si ce ­nétaient que les ­contraintes matérielles et symboliques qui retenaient François ier de trahir.

Charles de Poupet, seigneur de La Chaux, ­lun des principaux ­conseillers de Charles et Marguerite, va même plus loin que De Praët, ­puisquil ­népargne même pas Louise de Savoie. Celle-ci avait pourtant été célébrée à Cambrai, notamment par Jean Thibault sur le frontispice de La Triumphe de la paix, ­comme ­lune des mères de la ­concorde retrouvée. Rien de tout cela chez Poupet. La seule raison pour laquelle Louise de Savoie est digne de ­confiance ­cest ­quelle a travaillé à la restitution des enfants et que pour y parvenir elle a fait lever une taille importante sur tout le royaume, ce qui a ­contribué à dégrader davantage ­lopinion des Français à son égard30. Si Louise veut la paix, ce ­nest pas par bienveillance, ­cest parce que celle-ci assure son existence politique : 188« [] et scet bien que, si ­lon ne ­ra les enffans pour lesquels tout le royaulme ­sest taillé, où elle est desjà si fort mal voulue, encoires le seroit-elle plus [] ». La ­confiance est totalement absente de ce texte.

La rhétorique de la ­confiance trahie, qui révèle une méfiance profonde vis-à-vis de la France, traverse les documents examinés ici. Tant chez Charles Quint que chez Marguerite ­dAutriche, la mémoire de la parole non-tenue par François ier et sa mère Louise de Savoie –laquelle ­sajoute à ­lhistoire longue et brutale des relations entre Valois et Bourgogne-Habsbourg – nourrit une hantise de la trahison. Celle-ci crée, autour des négociations de Cambrai, un climat ­danxiété, voire un climat anxiogène, qui nourrit ­limaginaire du rapt. Émerge également ­lidée, chez certains diplomates, que ce sont des raisons matérielles et pragmatiques, et non le respect de ­lamor ou de ­lamicitia – pourtant vantée par Jean Thibault – qui permettent de croire que le roi et sa mère respecteront la trêve. Les ­considérations que nous pourrions qualifier de « géopolitiques » priment ainsi dans les esprits des acteurs.

GÉOPOLITIQUE EUROPÉENNE

Pour le camp impérial, ­lun des objectifs majeurs de la paix de Cambrai est de ­contraindre les Français à renoncer aux possessions ­quils occupent dans les Anciens Pays-Bas, en Bourgogne et en Italie, à reconnaître ­lArtois, Bourgogne et la Flandre ­comme indépendantes du royaume de France, ainsi que la domination impériale en Italie31. Le 189traité de Cambrai ­constitue en quelque sorte ­lapex ­dune lutte entre les Maisons de Valois et de Bourgogne-Habsbourg pour imposer leur suprématie en Europe et, en particulier, dans la Péninsule italienne. En ce qui ­concerne cette dernière, les deux lignages ont dirigé argent, élites, soldats, et toutes leurs pensées vers cet espace. Entre 1494 et 1525, les Valois ont eu tendance à ­simposer, élaborant des justifications idéologiques soutenant leur occupation de la Péninsule32, tandis ­quils bâtissaient un système ­dalliances visant à préserver ­lItalie française de leurs ennemis espagnols et des Impériaux33. ­Laprès Pavie a vu ­seffondrer ce modèle idéologique et géopolitique au profit de la Maison de Bourgogne-Habsbourg, mais son souvenir demeure cher au cœur du roi et de ses serviteurs.

Au moment de la paix de Cambrai, Charles Quint et Marguerite ­dAutriche sont parfaitement ­conscients de tout ceci. ­Cest aussi pourquoi ils ne croient pas un seul instant que François ier acceptera réellement de renoncer à ­lItalie. ­Lune des lettres de ­lempereur, datée du 28 octobre 1529 et adressée à ses ambassadeurs en France, ­latteste très clairement. Pour Charles Quint, « ledit seigneur roy ­na perdu le goust de ceste Italie34 ».

Entre septembre et octobre 1529, plusieurs courriers ­confirment les impressions de ­lempereur, même ­sils ­contiennent aussi une part de rumeurs. Charles de Poupet, par exemple, soutient que les Italiens ne croient pas du tout au traité de Cambrai et ­quune ligue secrète rassemble déjà les Suisses, Venise et Lucques ­contre ­lempereur. Les Suisses seraient même disposés à envoyer 30 000 hommes dans la Péninsule35. En octobre, Poupet annonce encore que des troupes vénitiennes font mouvement et sont rejointes par les Suisses, François ier ayant déclaré que « le traicté 190­dentre les princes ne povoit durer36 ». Le roi serait même prêt à récupérer ses enfants par la force ­sil le faut et à utiliser les sommes récoltées pour payer leur rançon afin de lever une nouvelle armée et envahir ­lItalie37.

Le camp impérial a donc parfaitement ­conscience que les causes géopolitiques, en particulier la pomme de discorde italienne, amèneront Valois et Bourgogne-Habsbourg à entrer tôt ou tard en guerre. La paix ­nest ­quune manière de temporiser car pour ­linstant ni les uns ni les autres ­nont les moyens ­dengager le ­conflit38. ­Cest pourtant bien là ­lautre raison qui pourrait pousser François ier à tenter un geste fou ­contre Cambrai afin de reprendre ­lascendant sur les Habsbourg en mettant la main sur un otage de prix.

Otages et rançons

La question des otages princiers reste bien évidemment cruciale pour ­comprendre les raisons qui amènent les dirigeants des Pays-Bas et leurs ­conseillers à penser ­quun coup de main pourrait être tenté sur Cambrai.

Les relations diplomatiques entre Valois et Bourgogne-Habsbourg, dans la seconde moitié de la décennie 1520, sont marquées par cette question. En 1525, après Pavie, le roi de France lui-même devient ­lotage 191de son vainqueur ­jusquà la signature du traité de Madrid et sa libération (17 mars 1526) ­contre la remise de ses propres enfants, François et Henri39. Au moment où débutent les négociations à Cambrai, ­lutilisation ­dotages princiers ­comme monnaie ­déchange mais aussi ­comme moyen de mettre en péril la ­continuité ­dun lignage ou encore de lui porter atteinte sur le plan symbolique (un prince non-libre ­nest plus tout à fait un prince40) est admise, à tout le moins tacitement, par les deux partis ­comme une manière parmi ­dautres de faire la guerre.

Tout ­lenjeu des tractations qui se jouent à Cambrai, du point de vue français, est de parvenir à la libération des dauphins. Ceux-ci ­nont à proprement parler pas fait ­lobjet ­dun rapt, notion qui ­comporte, à tout le moins, ­lidée de capture par un coup de force, le plus souvent violent, ­dune personne en vue de ­lutiliser ­comme monnaie ­déchange. Mais bon nombre de caractéristiques que ­lon peut prêter au rapt se retrouvent dans la notion ­d« otage », et, en particulier, la valeur « marchande » de ­lotage dans le jeu politico-économique. Pour les Impériaux, leurs précieux ôtes sont une monnaie ­déchange qui permet ­dobtenir du roi : la souveraineté sur plusieurs territoires (Artois, Bourgogne, Flandre), la suprématie en Italie et une somme ­dargent ­considérable, 2 000 000 ­décus au soleil41.

Charles Quint et Marguerite ­dAutriche ont donc bien ­conscience que la paix repose essentiellement sur les otages royaux. Ceux-ci sont le moyen de maintenir la paix car ils ­contraignent le roi de France à ne pas ouvrir un nouveau ­conflit. Une fois ­quils auront été libérés, François ier aura les coudées franches pour agir ­comme il ­lentend et transgresser, avec ses alliés anglais et vénitiens, la paix négociée à Cambrai42. Voilà pourquoi, du point de vue impérial, il faut que François ier ratifie le traité avant la délivrance des otages43.

De là, il ­ny a ­quun pas à faire pour imaginer que les Français puissent chercher à acquérir un moyen de pression au moins aussi 192important que les dauphins. Si Cambrai pourrait faire ­lobjet ­dune attaque visant à ­semparer de Marguerite ­dAutriche, il semble surtout que, dans ­lesprit de certains des ­conseillers de ­lempereur et de sa tante, les Français seraient prêts à entrer en force en Espagne44, afin de délivrer les princes ou bien encore de les enlever au moment de ­léchange qui doit avoir lieu entre Perpignan et Narbonne45. ­Cest la raison pour laquelle la restitution des princes français doit être strictement réglée ainsi ­quon le ­constate à la lecture ­dun mémoire français. Tout est fixé dans les moindres détails : ­lendroit de ­léchange, la nature des habits des membres des deux délégations, les modalités de transport de la rançon, la nomination de députés qui devront inspecter au préalable les deux délégations afin ­destimer si elles sont de forces égales, et, finalement, une procédure précise visant à ­sinformer de la présence ou non de gens de guerre dans les environs de la rencontre46.

­Limaginaire de ­lotage princier – des dauphins de France en premier lieu – et de sa valeur occupe les esprits des acteurs de la paix de Cambrai. La crainte ­dun coup de main français en Espagne visant à récupérer les enfants royaux donne, par ­contraste, tout son sens à ­lallusion laconique, dans le ­compte de Jean Michaut, à une possible menace française pesant sur Cambrai. Pour les Impériaux, il faut éviter à tout prix de se retrouver dans une situation aussi inconfortable que celle des Valois : être privé de membres importants du lignage et être de facto placé dans une position ­dinfériorité. Cette même position ­dinfériorité est ce qui, aux yeux de Charles Quint et de ses ­conseillers, rend François ier si dangereux. Par ­labsence des dauphins, le royaume est menacé sur le plan de la ­continuité dynastique (la crainte de la mort des enfants royaux est récurrente), de la stabilité politique et économique (les tailles levées pour payer leur rançon fragilisent ­léconomie du royaume et mécontentent ses habitants), ainsi que symbolique (la détention des princes porte atteinte à ­limage du prince souverain nécessairement « libre »). Mu par ­lénergie du désespoir et le désir de revanche, François ier serait prêt à tenter ­nimporte quoi pour parvenir à ses fins.

193

Conclusions

­Limaginaire du rapt qui affleure dans les textes produits par le camp impérial autour de la paix de Cambrai repose sur trois éléments clés caractérisant la lutte entre les Maisons de Valois et de Bourgogne-Habsbourg, alors aux prises pour la ­constitution ­dun monopole de domination à ­léchelle de ­lEurope.

Il est tout ­dabord impossible de faire ­confiance au roi, tant celui-ci a manqué à sa parole par le passé. Sa mère également ­nest pas au-dessus de tout soupçon. Autant ­lun que ­lautre ne respectent leurs engagements que par la ­contrainte. La crainte du rapt est aussi liée à ­lidée que toute paix est impossible à cause de ­lItalie. Le roi de France serait prêt à tout tenter pour remettre pied dans la Péninsule. Enfin, le recours quasi normalisé aux otages princiers, dans le cadre des rapports diplomatiques entre les Maisons de Valois et Bourgogne-Habsbourg, renforcent cette crainte du rapt. Les Valois en ont fait les frais pendant cinq ans, ­dabord avec la capture de François ier, puis avec la détention de ses fils en Espagne. Dès lors, ­lidée fait son chemin ­quacculés le roi et ses adjuvants pourraient très bien recourir aux mêmes expédients que ­lempereur et tenter de mettre la main sur une monnaie ­déchange de même valeur que les dauphins de France.

La crainte du rapt à Cambrai révèle en définitive à quel point la rhétorique pacifique de ­lamor et de ­lamicitia est inefficace, alors que celle-ci devait auparavant œuvrer à restaurer la ­confiance entre les princes. ­Lampleur de la lutte pour la domination que se livrent les Maisons de Valois et de Bourgogne-Habsbourg, ainsi que ­limmensité des récompenses ­quelle promet à celui des deux lignages qui sortirait vainqueur du ­conflit annulent les bienfaits des rencontres princières directes pourtant encore vantés par Jean Thibaut dans La Triumphe de la paix. Aux ambitions hégémoniques françaises en Italie qui demeurent vivaces en 1529 répond la croissance rapide de la puissance des Bourgogne-Habsbourg depuis ­lavènement de Charles Quint aux couronnes espagnoles (1515-1516) et à la dignité impériale (1519)47. Tout ceci transforme les pratiques 194diplomatiques entre les deux lignages et rend les rencontres directes entre princes suspectes, anxiogènes, potentiellement dangereuses. La crainte du rapt renvoie donc à ce schéma général de ­lévolution des rencontres princières au xvie siècle, soit une tendance à la des rapports directs au profit de ­contacts par ambassades interposées. Cette raréfaction reflète, selon la thèse ancienne mais toujours pertinente de Norbert Elias, la ­concentration du pouvoir toujours plus grande au sein de chaque unité de domination en Europe (Herrschaftseinheiten) ­jusquà des formes ­dhyper-­concentration (Einherrschaft) qui ne tolèrent pas de ­concurrents et qui portent la lutte à ­léchelon du ­continent tout entier entre quelques grandes familles possédant les ressources nécessaires pour participer à ce « jeu48 ».

Jonathan Dumont

Österreichische Akademie
der Wissenschaften
(Vienne)

1 J.-M. Le Gall, ­LHonneur perdu de François ier, Pavie 1525, Paris, Payot-Rivages, 2015 ; R.J. Knecht, Un Prince de la Renaissance. François ier et son royaume, trad. fr., Paris, Fayard, 1998, p. 252-259, 277-283.

2 Jean Thibault, La Triumphe de la paix celebree en Cambray, avec la declaration des entrees et yssues des Dames, Roix, Princes, et Prelatz : faictes par Maistre Jehan Thibault Astrologue de ­Limperial Maieste et Madame etc., Anvers, Guillaume Vorsterman, [1529], fol. 10r.

3 J. Dumont et L. Fagnart, « En guise ­dintroduction. Louise de Savoie et Marguerite ­dAutriche, dames de Concorde », dans La Paix des Dames (1529). Diplomatie, genre et symbolique du pouvoir à la Renaissance, éd. Id., P.-G. Girault et N. Le Roux, Tours, Presses universitaires François Rabelais, 2020 (sous presse).

4 Lille, Archives départementales du Nord (= ADN), B 2351, Compte de Jean Michaut (année 1529).

5 Ibid.

6 Le plus souvent, les historiens·nes étudient le rapt en tant que pratique matrimoniale propre aux sociétés traditionnelles. Il ­sagit de ­lenlèvement ­dune femme à des fins de mariage, souvent ­dailleurs ­dune femme ­dun rang social supérieur, le mariage forcé ­saccompagnant dès lors ­dun échange de biens et ­dune élévation sociale de ­lépoux (S. Joye, La Femme ravie. Le mariage par rapt dans les sociétés occidentales du haut Moyen Âge, Turnhout, Brepols, 2012). Il ­sagit tout particulièrement ­dune pratique nobiliaire, laquelle se ­communique parfois aux classes sociales inférieures. La fin du Moyen Âge et le début de ­lÉpoque moderne voient les cas de rapts matrimoniaux se multiplier dans le royaume de France, notamment à cause de ­leffritement des revenus des domaines seigneuriaux. Les nobles doivent trouver de nouvelles sources de revenus et ­lenlèvement de riches héritières est ­lun des moyens ­dy parvenir (H. Benveniste, « Les enlèvements : stratégies matrimoniales, discours juridique et discours politique en France à la fin du Moyen Âge », Revue historique, 283, 1 (573), janvier-mars 1990, p. 13-35 ; G. Ribordy, « Mariage aristocratique et doctrine ecclésiastique. Le témoignage du rapt au Parlement de Paris pendant la guerre de Cent Ans », Crime, Histoire & Sociétés / Crime, History & Societies, 2, 1, 1998, p. 29-48). Ce climat de recrudescence des rapts matrimoniaux a pu également entretenir la phobie ­dun enlèvement de Marguerite ­dAutriche, même si celle-ci demeure relativement préservée de tout mariage forcé vu son statut éminent, quasi souverain, et aussi son veuvage.

7 ­Jemploie ici à dessein ­lexpression Bourgogne-Habsbourg dans la mesure où une large part des intérêts diplomatiques, politiques et dynastiques en jeu, ainsi que la mémoire des offenses passées reposent bien sûr sur ­lhistoire récente des Guerres ­dItalie et la captivité de François ier, mais également sur ­lhistoire longue des rapports entre lignages de Valois et de Bourgogne.

8 Dès lors, la remarque de G. Lecuppre dans ce numéro (« Dans les bagages ­dune belle-mère à poigne : les rapts de Jean iv de Brabant ») sur le recours au rapt en parallèle de la prise de possession ­dun territoire – dans son cas, par la voie militaire via un projet ­dinvasion du Hainaut par Jacqueline de Bavière et Humphrey de Gloucester – me semble assez bien correspondre à la situation de 1529 à Cambrai où la dimension territoriale est là encore au cœur du traité.

9 Thibault, La Triumphe de la paix, fol. 4v.

10 Ibid., fol. 6r.

11 Ibid., fol. 5v.

12 Ibid.

13 Ibid., fol. 10r.

14 Lille, ADN, B 2351, Compte de Jean Michaut (année 1529). La trêve est ­dailleurs prolongée en mai. Plusieurs quittances de chevaucheurs et messagers chargés de porter la nouvelle dans les différentes provinces des Anciens Pays-Bas ­lindiquent (Lille, ADN, B 2356, 10 mai 1529, quittance par Pierre Treyllier pour Namur et le Luxembourg ; même date, quittance de Barthelemi Van Campen, lieu non précisé ; même date, quittance de Philippe Cousereman pour ­lArtois et la Flandre ; même date, quittance de Gerard Lecocq pour la Hollande et Utrecht).

15 cxci. Les Sieurs de Rosimbos et Guillaume des Barres à ­lempereur, Malines, 31 décembre 1528, Négociations diplomatiques entre la France et ­lAutriche durant les trente premières années du xvie siècle, éd. N.J.G. Le Glay, t. 2, Paris, Imprimerie royale, 1865, p. 675-691, ici p. 689.

16 Lille, ADN, B 2351, Compte de Jean Michaut (année 1529), 26 avril 1529.

17 Lille, ADN, B 2351, Compte de Jean Michaut (année 1529), 1er mai 1529, quittance de Gilles Cauterman, chargé de porter des ordonnances de Charles Quint à Philippe ii de Croÿ, ­comte de Porcien et marquis ­dAarschot.

18 Lille, ADN, B 2351, Compte de Jean Michaut (année 1529), quittance de Jacques de Montigny, seigneur de Noyelles, pour avoir envoyé « espies et messagiers » en France. La trêve ­concerne aussi ­lItalie et Charles Quint envoie aussi des espions en France pour savoir si le roi mobilise des troupes afin de les envoyer vers la Péninsule (Lille, ADN, B 2346, 30 janvier 1529, mandement de Charles v, allouant 312 l. à un personnage non cité à Cambrai pour le rembourser des frais occasionnés par ­lenvoi de « messagiers et espies envoyés depuis le mois de septembre dernier sur les frontieres de France et en la court du Roy et ailleurs ou royaulme en pluiseurs et divers lieux pour ­senquerir secretement des nouvelles estans des armées ­dItalye, de Naples, de Milan et autres, veoir leurs ­conduites, ­senquerir ­quelles preparations ilz faisoient ­contre ­lexpiration des treves [] ».

19 Lille, ADN, B 2356, 28 août 1529, quittance de Séraphin de Taxis, de 445 l. 1 s. pour avoir organisé différente missions de postes, dont celle ­d« [] ung homme lequel a eu le regard sur la muraille de la ville [de Cambrai] de nuict pour recevoir les paquetz de lettres ­comme pour les despens ­dung cheval ­quil ­convenoit faire sortir de la ville avant la porte close affîn ­destre prest pour courrir ­sil survenoit quelque chose, à cause que de nuyct ne se ouvraient nulles portes, ains ­savalloient et recevoient les pacquets en ung panier fermé que ­lon tiroit au long ­dune corde par-dessus les fossez de la ville durant le temps que Madame a esté audit Cambray [] ».

20 D. Crouzet, Charles Quint. Empereur ­dune fin des temps, Paris, Odile Jacob, 2016, p. 57-58. Deux autres rapts entre France et Bourgogne sont abordés dans ce volume et ­sintègrent à cette chaîne de trahisons ayant brisé la ­confiance : plusieurs projets ­denlèvement de Jean iv de Brabant par Jacqueline de Bavière (G. Lecuppre, « Dans les bagages ­dune belle-mère à poigne ») et ­lenlèvement de la duchesse Yolande de Savoie par Charles le Téméraire (é. Lecuppre-Desjardin, « Je fiz ce ­quil me ­commanda, ­contre mon cœur ; et prins madame de Savoye. Le déshonneur ­dun chevalier délibéré au cour de la débâcle bourguignonne »).

21 cxci. Les sieurs de Rosimbos et Guillaume des Barres à ­lempereur, Malines, 31 décembre 1528, Négociations diplomatiques, t. 2, p. 676-691, ici p. 682.

22 Ibid., p. 679.

23 Ibid., 684 (voir aussi p. 685 pour les autres modifications demandées par Marguerite et son ­conseil).

24 cxciii. Louis De Praët à Nicolas Perrenot, Rome, 31 août 1529, Négociations diplomatiques, t. 2, p. 693-697, ici p. 693.

25 Ibid., p. 693-694.

26 Ibid., p. 694.

27 Ibid., p. 695.

28 Ibid., p. 694-695.

29 J.-M. Moeglin et S. Péquignot, Diplomatie et « relations internationale » au Moyen Âge (xie-xve siècle), Paris, PUF, 2017.

30 cxciv. Charles de Poupet, seigneur de La Chaux, à ­lempereur, Lyon, 23 septembre 1529, Négociations diplomatiques, t. 2, p. 698-708, ici p. 707.

31 Les articles du traité de Cambrai sont en effet clairs à ce propos (voir éd. dans Jean Dumont, Corps universel diplomatique du droit des gens, t. 4, vol. 2, Amsterdam-La Haye, Husson et Wetstein-Husson et Levier, 1726, p. 7-17) : art. 2. restitution du duché de Bourgogne (ibid., p. 8) ; art. 4. ­larmée du roi de France en Italie doit être dissoute ; art. 5. évacuation de ­lArtois et de Hesdin ; art. 6. renonciation par le roi aux ­comtés de Flandre et ­dArtois, aux villes ­dArras, de Tournai (avec le Tournaisis), de Mortaigne et de Saint-Amand, ainsi ­quaux châtellenies de Lille, Douai et Orchies ; art. 7. le ­comté de Flandre est détaché du royaume de France ; art. 8. idem pour Lille, Douai, et Orchies (ibid., p. 9) ; art. 9. idem pour Tournai et le Tournaisis, Mortaigne et Saint-Amand (ibid., p. 9-10) ; art. 10. idem pour Arras ; art. 11. idem pour ­lArtois ; art. 12. idem pour Thérouanne et le Boulonnais (ibid., p. 10) ; art. 22. le roi doit renoncer au duché de Milan ; art. 23. au ­comté ­dAsti ; art. 24. aux places ­quil occupe dans le royaume de Naples ; art. 25. il doit restituer les galères prises en Italie (ibid., p. 12). Un document des ADN associe également au traité de Cambrai les alliés de ­lempereur en Italie, notamment Gênes et Milan (Lille, ADN, 847, 15 juin 1530).

32 ­Cest la thèse que je soutiens dans J. Dumont, Lilia florent. ­Limaginaire politique et social à la cour de France durant les Premières Guerres ­dItalie (1494-1525), Paris, Champion, 2013.

33 Sur ce système diplomatique et géopolitique français, qualifié de « glacis », voir L. Vissière, « Georges ­dAmboise. Le rêve de ­léquilibre », Georges Ier ­dAmboise (1460-1510). Une figure plurielle de la Renaissance. Actes du colloque international de Liège (2-3 décembre 2010), éd. J. Dumont, L. Fagnart, Rennes, P.U. Rennes, 2013, p. 49-64.

34 cxcix. ­Lempereur à ses ambassadeurs en France, Borgo San Donino, 28 octobre 1529, Négociations diplomatiques, t. 2, p. 723-730, ici p. 726.

35 cxciv. Charles de Poupet, seigneur de La Chaux, à ­lempereur, p. 700.

36 cxcviii. Charles de Poupet, seigneur de La Chaux, et Guillaume des Barres, ambassadeur de France, à ­lempereur, Paris, 21 octobre 1529, Négociations diplomatiques, p. 712-722, ici p. 715.

37 cci. Remonstrances de la part de ­lempereur au pape pour se justifier des ­contraventions aux traités de Madrid et de Cambray, que le roi François Ier avoit imputées audit empereur, s.l., février 1530, Négociations diplomatiques, p. 734-740, ici p. 740.

38 Or, si François ier est désargenté, les finances de Charles Quint ne permettent pas non plus à ­lempereur ­dentrer en guerre pour le moment, ainsi que De Praët le dit dans sa lettre : cxciii. Louis De Praët à Nicolas Perrenot, p. 695. Néanmoins, il ­convient de rester prudent par rapport à la vision que De Praët donne des finances impériales. J.M. Carretero, « En per Femineas Foederas Pacta Manus… Oax Feminea. De Barcelone à Cambrai, 1529. Les intérêts de la monarchie espagnole lors du traité de Cambrai, dans La Paix des Dames, op. cit., montre que Charles Quint bénéficiait de grandes sommes ­dargent, notamment des aides des Cortès espagnols ­sélevant à 1,3 millions de livres de Flandre. Ces sommes ne peuvent toutefois pas être mobilisées uniquement pour défendre ­lItalie. Elles doivent aussi servir à lever une armée pour ­sopposer aux Turcs qui sont entrer en Hongrie et en Autriche, et mettront bientôt le siège devant Vienne (septembre-octobre 1529).

39 Le Gall, ­LHonneur perdu, op. cit., p. 369-372, propose une analyse détaillée des clauses du traité de Madrid. Voir ibid., p. 372, sur la libération des otages princiers en particulier.

40 Voir à propos de la liberté des princes dans ibid., p. 236-243, en rapport avec la captivité de François ier.

41 ­Lart. 3 du traité de Cambrai mentionne cette somme (Dumont, Corps universel, t. 4, vol. 2, p. 8-9). ­Cest ­dailleurs parce ­quil ­naura pas reçu ­largent que ­lempereur ne se sentira plus tenu de respecter le traité de Cambrai : cci. Remonstrances de la part de ­lempereur au pape, p. 737.

42 ­Cest ce que dit De Praët dans sa lettre : cxciii. Louis De Praët à Nicolas Perrenot, p. 695.

43 cxciLes sieurs de Rosimbos et Guillaume des Barres à ­lempereur, p. 685.

44 cxciv. Charles de Poupet, seigneur de La Chaux, à ­lempereur, p. 706-707.

45 ccMémoire présenté par les ­conseillers du roi de France à M. de La Chaux, ambassadeur de ­lempereur, et au secrétaire des Barres, sur le lieu et le mode de délivrance des enfants du roi, s.l., 28 octobre 1529, Négociations diplomatiques, p. 730-734, ici p. 733.

46 Ibid., p. 731-732.

47 Les premières années du règne de Charles transforment ­complètement les ambitions géopolitiques de la Maison de Bourgogne-Habsbourg ainsi que les justifications idéologiques ­quelle emploie afin ­dasseoir sa position dominante en Europe, notamment une idéologie impériale repensée : P. Burke, « ­LImage de Charles Quint : ­construction et interprétations », Carolus. Charles Quint 1500-1558, éd. H. Soly, J. Van De Wiele, Gand, Fonds Mercator, 1999, p. 392-499 ; J. C. ­DAmico, Charles Quint maître du monde : entre mythe et réalité, Caen, Presses de ­lUniversité de Caen, 2004 ; F.A. Yates, Astrea. The Imperial Theme in the Sixteenth Century, Londres-Boston, Routledge & Kegan Paul, 1975.

48 Sur cette thèse, voir N. Elias, La Dynamique de ­lOccident, trad. P. Kamnitzer, Paris, Calman-Lévy, 1975. Il ­convient aussi de la nuancer à ­laune de recherches historiques plus récentes, ainsi que le fait J. Duindam, Myths of Power : Norbert Elias and the Early Modern European Court, Amsterdam, Amsterdam U.P., 1995, sans pourtant la rejeter. Pour leur part, J-M. Moeglin et S. Péquignot, Diplomatie et « relations internationale », abordent le problème sous ­langle de la diplomatie en montrant ­comment les rencontres princières se raréfient au xvie siècle à mesure que la rhétorique de ­lamor et de ­lamicitia ­saffaiblit.