From muteness to exemplary discourse Speech in Buevon de Conmarchis
- Publication type: Journal article
- Journal: Cahiers de recherches médiévales et humanistes / Journal of Medieval and Humanistic Studies
2020 – 1, n° 39. varia - Author: Quarroz (Pauline)
- Abstract: Buevon de Conmarchis, a partial reworking of Siège de Barbastre, significantly amplifies the song without changing the narrative framework. The gap between the two texts is marked mainly by the additions and rearrangements of reported speech. The study of the most significant examples reveals profound changes in the relationships between the protagonists: Beuve’s effacement—he is very silent in the reworking—is now replaced by the exemplary words of his sons.
- Pages: 369 to 389
- Journal: Journal of Medieval and Humanistic Studies
- CLIL theme: 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
- EAN: 9782406107422
- ISBN: 978-2-406-10742-2
- ISSN: 2273-0893
- DOI: 10.15122/isbn.978-2-406-10742-2.p.0369
- Publisher: Classiques Garnier
- Online publication: 07-14-2020
- Periodicity: Biannual
- Language: French
- Keyword: Buevon de Conmarchis, chanson de geste, rewriting, reported speech, intergenerational conflicts, exemplarity
Du mutisme au discours exemplaire
La parole dans le Buevon de Conmarchis
Introduction
À la fin du xiiie siècle (~1270-1280)1, Adenet le Roi propose un remaniement du Siège de Barbastre : le Buevon de Conmarchis. Malheureusement, l’unique copie2 de la nouvelle chanson ne reproduit que partiellement la légende barbastroise. Celle-ci s’interrompt brusquement juste avant la fin du premier mouvement narratif qui correspond à la conquête de la cité par les Chrétiens, assiégés ensuite par les Sarrasins, le second volet de l’intrigue étant amorcé par la demande de renforts que Beuve fait à ses frères. Mais davantage que la fin abrupte du Buevon de Conmarchis, qui tronque la deuxième partie de l’aventure espagnole, un autre aspect du remaniement est souligné dans différentes études sur le sujet : la reprise extrêmement fidèle, voire « servile3 » de l’intrigue. Ainsi, les premières recherches envisagent la chanson d’Adenet dans une perspective comparative avec le Siège de Barbastre et proposent un relevé des différences ponctuelles, sans considérer pour autant que celles-ci modifient significativement la conduite du récit4. Avis partagé par le dernier 370éditeur du texte, Albert Henry, selon lequel le remaniement reprend telle quelle l’architecture fondamentale de l’intrigue barbastroise5.
À en croire le prologue, c’est bien le projet que s’était fixé le ménestrel, qui entendait limiter son intervention à la versification :
Pour ce qu’est mal rimee, la rime amenderai
Si a droit que l’estoire de riens ne fausserai,
Mençonge ne oiseuse ja n’i ajousterai
Mais parmi la matere droite voie en irai6.
Pourtant, malgré la promesse de ne rien « ajoust[er] » à « l’estoire », le remaniement est sensiblement plus long que la partie correspondante du Siège de Barbastre : du premier mouvement de la chanson qui compte environ 2700 vers, Adenet tire une pièce de plus de 3900 vers. Une telle différence révèle le goût marqué du remanieur pour l’amplification, due en grande partie aux modifications et à l’ajout de discours rapportés des protagonistes. Selon Albert Henry, à l’exception de quelques trouvailles, cette multiplication systématique des discours ne se fait pas toujours à bon escient et a parfois un caractère redondant7. Le Buevon de Conmarchis ne se résumerait-il donc qu’à une pâle copie, trop verbeuse et pourtant incomplète du Siège de Barbastre ? Le seul mérite du ménestrel résiderait-il uniquement dans la maîtrise technique nécessaire à la rénovation des laisses dans un système complexe alternant rimes féminines et masculines8 ?
L’absence de modifications dans l’enchaînement général des épisodes n’implique pas nécessairement la stabilité du sens de l’œuvre. Au contraire, même si un remaniement se fonde sur la répétition d’un contenu, il implique toujours une part de réélaboration intellectuelle9. 371Ce type de réécriture, aussi fidèle qu’il soit, mobilise donc un processus de copie proactif et relève d’une véritable « poétique de la reprise10 », caractéristique de la littérature vernaculaire médiévale. Dès lors, non seulement l’ampleur des modifications et ajouts relatifs aux discours rapportés dément les propos qu’Adenet tient dans son prologue, mais il y a également lieu de penser que de tels apports participent de cette dynamique de réélaboration propre aux remaniements médiévaux. En faisant ce pari, nous nous inscrivons dans le sillage des études de Caroline Cazanave et Muriel Ott11 qui considèrent les écarts entre le Buevon de Conmarchis et sa source comme intentionnels et signifiants. La présente contribution se propose d’étudier les principales modifications qui concernent les discours rapportés lors du renouvellement du Siège de Barbastre et d’examiner la manière dont ils peuvent infléchir la lecture de l’épopée espagnole. Une telle entreprise nous paraît possible malgré le spectre de la « fin manquante » du remaniement. En effet, la chanson d’Adenet reproduit pratiquement l’intégralité du premier mouvement, soit une unité narrative complète et signifiante. Le premier pan de la réflexion sera consacré au héros éponyme du texte car, en dépit de la multiplication des prises de paroles, le duc de Commarchis se distingue par son mutisme et ses absences répétées dans l’espace discursif. Il s’agira de comprendre la teneur et la portée de ces silences. Parallèlement à la « parole empêchée12 » de leur père, Girart et Gui semblent spécialement mis en valeur dans le remaniement d’Adenet, par l’intermédiaire des discours notamment. Les modalités de ces interventions et leurs effets sur l’œuvre seront abordés dans un second temps.
372Le(s) silence(s) de Beuve
Une figure secondaire du lignage aymeride
Puisqu’il est le frère du très célèbre Guillaume d’Orange, la tradition a longtemps envisagé Beuve de Commarchis comme un personnage secondaire. C’est surtout en tant que figurant qu’on retrouve le héros dans un certain nombre de chansons du cycle13. Un trouvère anonyme accorde tout de même un rôle de choix au duc de Commarchis dans le Siège de Barbastre où il accède « malgré lui14 » au rang de personnage principal. Cependant, le sujet de la chanson n’implique pas pour Beuve la conquête d’un fief, qui instaurerait sa légitimité de chevalier, car il possède déjà les terres de Commarchis et un titre. De plus, il se tient en retrait dans le second mouvement de la chanson lorsqu’interviennent son père, Aymeri de Narbonne, ses frères et l’empereur de France pour vaincre définitivement l’armée païenne15. Même si la chanson barbastroise le fait sortir de l’ombre, Beuve reste un héros discret. En renouvelant la légende hors cycle16, Adenet offre à ce personnage qui peine à s’imposer au sein de l’épopée familiale une nouvelle opportunité de se distinguer dans le premier rôle. C’est du moins ce que semble nous promettre le ménestrel, très conscient de son activité poétique17, dans le prologue du 373Cleomadès, une autre de ses œuvres. Il y désigne la matière barbastroise par le nom du héros : « Je qui fis d’Ogier le Danois/ Et de Bertain qui fu ou bois/ Et de Buevon de Conmarchis18 ».
Pourtant, le duc de Commarchis manque une nouvelle fois de s’illustrer dans son rôle principal. En effet, le remaniement s’inscrit dans le sillage du Siège de Barbastre et brosse le portrait de Beuve à coup de « poncifs valorisants19 » sur le plan physique (« bel et grant et fourni » BC, v. 607 ; « a la chiere hardie » BC, v. 622, 1786, 1838), comme sur le plan moral (« sené[s] » BC, v. 445, 1910 ; « preu[s] » BC, v. 33, 445, 2271). Les contours flous et stéréotypés du protagoniste s’assortissent d’une participation limitée aux affrontements par rapport à d’autres chevaliers : il n’est impliqué qu’à deux reprises dans un combat singulier (BC, v. 1117-1122 ; BC, v. 1910-1918), tandis que dans les autres cas, ses coups sont toujours redoublés par ceux d’autres guerriers. Beuve ne réalise que peu d’exploits et sa valeur chevaleresque est surtout relayée par le discours d’autrui (BC, v. 3090-3094 ; BC, v. 3102-3106) ou par le sien (BC, v. 3071-3075). Mais ces éléments ne constituent pas le cœur de notre propos. C’est dans la sphère discursive que le caractère effacé du duc de Commarchis se perçoit le plus nettement. Les interventions d’Adenet sur les discours rapportés semblent même éclipser davantage que sa source la figure du héros en faveur d’autres personnages. À cet égard, les épisodes de la libération des trois Commarchis et de la conquête de la ville forte sont particulièrement révélateurs.
Un conquérant absent
Lorsque les otages chrétiens se rendent maîtres de Barbastre (BC, l. XLIV-L et SB, l. 32-3820), ils sont aidés par Clarion, l’ancien seigneur païen de la ville qui souhaite reconquérir le bien dont on l’avait dépossédé 374(BC, v. 799-830). Une fois libérés, les Français s’emparent de la tour de ville, puis ils débusquent et forcent à la conversion les Sarrasins qui n’ont pas fui. Adenet agence un peu différemment la seconde partie de l’épisode et accorde davantage d’importance à la conquête de la cité21. En outre, le ménestrel réorganise de manière significative les rôles de Beuve et Clarion. Dans le Siège de Barbastre, malgré un esprit d’initiative marqué – en particulier lorsqu’il s’agit de planifier la chasse à l’homme dans Barbastre (SB, v. 896-912) – le païen se soumet à l’autorité du duc et il la reconnaît dans son discours : « Aprestez sui de fere ce que conmenderoiz » (SB, v. 897) ; « Or conmendez que s’arment li vostre chevalier, / Et cercherons les engles au branc forbi d’acier » (SB, v. 906-907).
Il en va autrement dans la chanson d’Adenet. Lorsque Clarion s’adresse à Beuve pour lui conseiller la traque des Sarrasins dans la ville, une forte conviction résonne dans son discours. Il s’exprime soit au futur (« corronmes » BC, v. 1244 ; « trouverons » BC, v. 1245 ; « conquerrons » BC, v. 1246, 1293 ; « s’ocirons » BC, v. 1282), soit au subjonctif à valeur d’impératif (« Mais adont soit tres bien armee et fervestue » BC, v. 1278 ; « Bien matin soit no gens fors dou chastel issue » BC, v. 1281 ; « K’assailli soient bien de premiere venue / Et que on tout a fait fenmes et enfans tue » BC, v. 1290-1291). Ce ton exhortatif lui confère davantage d’ascendant sur le duc. De plus, par deux fois, Clarion s’adresse explicitement à Beuve : « Puis a dit a Buevon basset a recelee » (BC, v. 1242), « Lors a au duc Buevon une raison meüe » (BC, v. 1274). Mais le duc reste silencieux et ne réagit pas aux paroles du convers : Clarion monopolise la sphère discursive. Le Buevon de Conmarchis va même plus loin, puisqu’il permute les rôles établis dans le Siège de Barbastre. En effet, Beuve se place momentanément en position d’obéissance vassalique lorsqu’il dit à Clarion : « Faites la porte ouvrir, car ce conmandement / Cuidons nous tres bien faire, se Dieus le nous consent » (BC, v. 1316-1317). La parole de Beuve présente un étonnant paradoxe, puisqu’il ordonne une action pour mieux se soumettre à l’autorité de Clarion et exécuter son « conmandement ».
La suite de la narration rétablit Beuve dans son autorité, mais l’inversion hiérarchique qui se joue dans le discours des deux protagonistes prive 375Beuve de sa fonction de chef22 durant un des épisodes clefs de la chanson : la prise de Barbastre. Certes, ces modifications pourraient témoigner du souci de rationalisation de l’intrigue que manifeste plusieurs fois Adenet dans son remaniement23 : en octroyant le commandement des opérations à Clarion, le païen serait doublement restauré dans son rôle d’ancien seigneur de la ville. Mais l’effacement de Beuve ne se limite pas à cet épisode.
Un héros désengagé
La conquête de la ville n’aurait jamais eu lieu sans le secours providentiel de Clarion qui libère les Français prisonniers. Beuve et ses fils étaient retenus à l’écart des autres otages, dans une affreuse geôle habitée par un serpent. La captivité des Commarchis se révèle particulièrement éclairante pour envisager l’hypothèse selon laquelle Adenet efface à dessein la figure éponyme de son remaniement. Alors que, dans le Siège de Barbastre, cet épisode revêt une valeur d’épreuve qualifiante24 pour Beuve – il tue le reptile monstrueux, le gardien de prison et l’amoraive, actuel seigneur de la cité – la conduite de l’épisode est différente chez Adenet.
Là où le héros prononçait une prière pragmatique dans l’ancienne chanson – « Mal somes, sire fiz, ci alués arrivé ; / Ja n’i avrons secors d’onme de mere né. / Damedieu (…) tel home m’envoies par la teue bonté » (SB, v. 571-575) –, le remaniement nous montre un héros frappé de découragement :
D’anui et de mesaise pleure Bueves souvent,
Beatris sa moillier regrete doucement :
« Douce amie, fait il, com ariés cuer dolent
Se saviés no meschief et nostre grief torment ! »
Si fill le reconfortent moult apenseement
(BC, v. 768-772)
376La réduplication synonymique « anui » / « mesaise » renforce le pathétique de la scène. De plus, le duc adresse ses pleurs à sa femme, non plus à Dieu. Fort heureusement, Girart et Gui compensent avec sagesse (« apenseement ») l’abattement de leur père, qu’ils réconfortent en réaffirmant la nécessité de se fier à Dieu (BC, v. 773-776). Le trouvère brabançon donne l’image d’un Beuve plus faible, constat que d’autres éléments corroborent dans la suite de l’épisode.
Lorsque Clarion vient libérer les Commarchis, le duc est momentanément écarté de l’espace discursif. Bien que le païen souhaite s’adresser à Beuve – « De son lit s’est levez pour parler a Buevon » (BC, v. 805) et « Sa parole a moult bien au duc Buevon contee » (BC, v. 858) – les tractations entre le convers et les Commarchis sont assumées par les fils du duc. Les trois Français doutent d’abord de la sincérité de Clarion et de son projet, mais seul Gui, le cadet, s’exprime et menace le Sarrasin (BC, v. 885-890). Puis, lorsque ce dernier les a assurés de sa sincérité, Girart répond le premier et accepte au nom de tous de l’aider à reconquérir sa ville (BC, v. 903-911). C’est d’autant plus frappant que l’aîné compense le silence de son père, rendu muet par la joyeuse perspective de leur libération : « Quant Bueves l’entendi, ses bras li a tendu, / Quar il ot si de joie le cuer tres esmeü / Que a grant paine a il un seul mot respondu » (BC, v. 900-902). Beuve ne retrouve l’usage de la parole que dans la laisse suivante (BC, l. XXXVII), où il réitère la promesse faite par Girart à Clarion. L’aphasie du duc ne nous paraît pas anodine vu l’importance qu’Adenet attache aux discours de ses protagonistes. L’épisode de la prison est d’ailleurs un des lieux où ceux-ci sont notablement amplifiés25. Dès lors, comment interpréter le mutisme du duc, qui détonne dans de pareilles circonstances ?
Il s’avère que le remaniement réassigne à Girart des paroles initialement prononcées par Beuve à l’arrivée de Clarion :
Ha, Dieus, ce dist Gerars, rois plains d’umilité,
Com ceste nuis est courte ! Est il ja ajorné ?
Or nous vienent paien batre et faire vilté
D’escorgies noees, Dieu en prengne pité !
Mais par cel saint apostre c’on quiert en Noiron pre,
Je ferrai le premier, ainsi me vient en gre,
Mieus vaut morir que vivre en si faite lasté.
(BC, v. 844-850, on souligne)
377Cet extrait se rapproche beaucoup du Siège de Barbastre, en témoigne la proximité lexicale et syntaxique de certains vers26 :
Bueves de Conmarchis l’oï defors noisier ;
Damedieu reclama, le pere droiturier :
« Con ceste nuit est corte, veut il ja esclerier ?
Sarrazin nos voudront de la chartre gitier
Por noz cors a destreindre et batre et ledengier.
Conment que il aviengne, je ferrai le premier
Que mire ne antret ne li avra mestier. »
(SB, v. 618-624, on souligne)
Du reste, le pillage de la partition de Beuve ne se limite pas à ses répliques. Une des épreuves qualifiantes, et non des moindres visiblement, échoit à son fils dans la chanson d’Adenet, puisque c’est Girart qui malmène le serpent et qui parvient à le tuer grâce à l’arme de fortune fournie par Clarion (BC, v. 789-794, 946-951).
Cette analyse démontre une fois de plus le statut paradoxal du héros éponyme de la chanson, qui se distingue par son incapacité à incarner son rôle de protagoniste. La figure de Beuve manque donc de densité et cette faiblesse fait vaciller son exemplarité en tant que chevalier épique. Par ailleurs, à l’instar de Clarion, d’autres personnages éclipsent le duc de Commarchis : son frère Guillaume27 mais surtout ses fils. La mise à l’honneur de Girart et Gui, souvent au détriment de leur père, est un aspect récurrent qui distingue le remaniement d’Adenet du Siège de Barbastre. Dans cette perspective, on souhaite à présent se pencher sur la voix des fils. Les discours rapportés se font d’abord conflit et redistribuent les rapports de force entre les héros. Puis, en résonnant avec celle d’autres jeunes chevaliers, la parole de Girart et Gui endosse vraisemblablement d’autres fonctions. Réhabilitée, la voix des fils devient exemplaire et elle problématise des enjeux qui dépassent la matière de Barbastre.
378La voix des fils
De la parole contestatrice…
L’importance accrue qu’Adenet accorde aux fils Commarchis se perçoit dès le début du remaniement, où le trouvère met davantage les deux jeunes héros en évidence. D’une part, il modifie la scène d’ouverture et détaille la cérémonie de la remise des armes de Girart et Gui28, épisode qu’on devinait simplement dans l’ancienne chanson. L’enluminure en exergue de la copie du texte dans le manuscrit Paris, BnF, Arsenal 3142 (A), fol. 179r, représente l’adoubement de Girart et Gui par Aymeri (BC, v. 66-73). Ainsi, le choix du miniaturiste, quelles qu’en soient les motivations, met en évidence les modifications effectuées par le ménestrel au début de la chanson29. D’autre part, les jeunes chevaliers se distinguent particulièrement lors du premier affrontement avec les païens, dont l’arrivée interrompt les festivités narbonnaises. La beauté de leurs coups est d’ailleurs saluée par Aymeri : « Dieus ! fait il, bonne estrine a ce conmencement ! » (BC, v. 263-264). On ne trouve rien de comparable dans le Siège de Barbastre. En outre, les réagencements auxquels Adenet procède pointent une particularité des deux jeunes héros : fraîchement adoubés, ils viennent de passer le seuil de la chevalerie. Déjà guerriers, il leur faut encore se montrer dignes de leur lignage par d’éclatants exploits. Ils sont habités par un profond désir de s’illustrer par les armes, qui se traduit notamment par l’impatience de Girart à se lancer dans la mêlée : « Gerars dist a Guion : “Frere, parlés a moi. Sachiez qu’il m’est avis que durement foloi / (…) Puisque nous les [les païens] veonmes, que nous nous tenons quoi ; / Bien deüssiens premiers conmencier le tornoi” » (BC, v. 229-233). Les deux bacheliers accomplissent quelques prouesses jusqu’à ce que la suite de l’intrigue les arrête net dans leur quête d’exploits.
379Dans les deux chansons, après avoir conquis la cité espagnole, les Français sont rapidement assignés à résidence par l’arrivée des troupes païennes. Beuve interdit à ses hommes, en infériorité numérique, de sortir de l’enceinte de la ville (BC, v. 2114-2124). L’immobilisme du siège convient peu aux jeunes chevaliers, en particulier à Girart qui se soustrait momentanément à l’autorité paternelle pour aller jouter contre Limbanor. Après avoir remporté le duel et l’amour de Malatrie, le jeune homme tombe dans une embuscade païenne et ne parvient pas à ramener la princesse au camp français. Il est secouru in extremis par Beuve et ses hommes qui le ramènent dans Barbastre. S’ensuit une violente altercation entre père et fils, redoublée et mise en évidence par celle qui se joue simultanément au camp sarrasin entre Malatrie et son père (SB, v. 2228-2235, 2337-2362 ; BC, v. 2939-2969)30. Beuve revient d’abord sur la contestation de son autorité, insubordination qui met à mal le modèle patriarcal (BC, v. 2989-3009). Girart légitime sa sortie par la victoire qu’il a remportée sur Limbanor (BC, v. 3010-3048). Il est toutefois incapable de présenter le trophée, autrement dit Malatrie, à son père (BC, v. 3049-3052). La dispute prend un tour nouveau et conduit les deux chevaliers à contester mutuellement leurs prouesses.
Beuve se distingue par son esprit de surenchère. Il nie le courage chevaleresque de son fils en assurant qu’il aurait mis plus d’ardeur à conserver la jeune fille : « Se fusse en lieu de vous, si me puist Dieus sauver, / Ains veïsse mon sanc sor mon arçon floter / Que je la guerpesisse pour Turc ne pour Escler » (BC, v. 3057-3059). Cet esprit se traduit également par la seconde réponse qu’il donne : le vers « Moult plus grant vasselage m’orrés ja recorder » (BC, v. 3071) fait écho aux « tres grans fais d’armes » (BC, v. 3069) évoqués par Girart. Beuve vante ensuite un de ses exploits passés :
L’autre an me combati a quatre rois sor mer,
Tous quatre par mon cors les fis d’armes outrer
En un jour par mes armes et recreans clamer,
Tel raençon en oi que je voill deviser.
(BC, v. 3072-3075)
380Le duc de Commarchis ponctue son récit de marques indiquant son engagement personnel : « me combati », « par mon cors31 », « par mes armes ». Toutefois, l’exploit perd de son éclat par rapport au Siège de Barbastre. Dans l’ancienne chanson, Beuve fait explicitement référence à la conquête de son fief, donc à son statut : « Je fui a Conmarchis el palés asegiez, / (…) Ilec me conbati a catre rois prisiez » (SB, v. 2302-2304). On peut se demander si la sous-détermination de ce combat dans le Buevon de Conmarchis ne dépend pas également de la stratégie d’effacement du duc. Girart rétorque avec insolence et minimise la valeur de l’exploit personnel en rappelant que le duc bénéficiait de l’aide d’une armée fournie : « Dist Gerars : “Ce fu chose legiere a achever, / (…) De toutes pars veiés les vos avironner / Qui envis vous laissassent ocirre n’afoler” » (BC, v. 3076-3079). De rage, Beuve coupe court à la dispute, en réduisant Girart au silence.
Dans le Siège de Barbastre, l’altercation se termine brusquement lorsque Beuve ne contient plus sa colère et tente de frapper son fils (SB, v. 2323-2325). Le remaniement ne reproduit pas ce geste de violence physique32 mais le rapport de forces entre père et fils ne s’en trouve pas affaibli pour autant. En effet, Adenet prolonge magistralement l’affrontement entre le père et le fils dans la sphère énonciative. Girart s’arroge brusquement la parole, interrompant le récit du « vasselage » paternel. Beuve avait l’intention de poursuivre son discours : « Tel raençon en oi que je voill deviser » (BC, v. 3075). La chanson suspend le propos par une incise, indiquant que Girart reprend brusquement le tour de parole : « Dist Gerars » (BC, v. 3076). Par ailleurs, Beuve réprime la voix de son fils en le réduisant par deux fois au silence : « – Taisiez vous, dist li dux, laissiez vostre gengler » (BC, v. 3070), « – Tais te, ce dist li dux, laisse ton rioter » (BC, v. 3080). De plus, il déprécie la valeur des paroles de Girart par les désignations péjoratives « gengler » et « rioter ». L’énallage pronominal trahit toute la colère du duc. Beuve semble sortir victorieux de cette âpre joute verbale puisqu’il désarme Girart en lui ôtant la parole. Or, Sarah Kay remarque que la répression discursive menée par certains monarques dans les chansons de geste est en réalité un symptôme de leur faiblesse33. N’en va-t-il pas de même pour Beuve ?
381Une des répliques du jeune Commarchis se distingue en ce qu’elle assume une dimension plus générale que les invectives de son père :
Par cel seignor, fait il, qui tout puet gouverner,
Il n’en a nul en France, tant sache bien chapler,
Qui l’eüst retenue quant m’en couvint torner ;
Mais c’est une coustume qui ne puet demorer
Que li viellars reprent tousjours le bacheler
Qui les tres grans fais d’armes couvoite a endurer.
(BC, v. 3064-3069)
Les trois derniers vers en particulier assurent une portée universelle au discours du héros par l’emploi des termes « coustume », « tousjours », ainsi que par les substantifs génériques « li viellars » et « le bacheler ». La désignation dépréciative de l’ancienne génération marque la portée critique du propos. Le discours rapporté de Girart problématise une véritable crise intergénérationnelle. Les bacheliers, avides de prouesses, peinent à se faire un nom puisque les chevaliers d’âge mûr ne cessent de contester leurs mérites. Ces éléments ne sont a priori pas neufs puisqu’Adenet ne fait que suivre la trame du Siège de Barbastre. De même, cette querelle entre jeune et aîné ne fait pas figure d’exception dans la tradition épique, en particulier dans le cycle de Garin de Monglane34. On remarque toutefois qu’Adenet souligne l’opposition entre les générations en désignant à de nombreuses reprises dans sa chanson la triade commarchise par « Beuves et si enfant35 » (BC, v. 478, 549, 598-599, etc.). On ne trouve aucune attestation du syntagme dans Le Siège de Barbastre, où le trouvère préfère la solution les « trois contes » (SB, v. 304, 529, 569, etc.). Mais Adenet tire davantage encore son épingle du jeu en ménageant un espace propre à la jeune génération qui peine à acquérir sa place dans un monde dominé par les pères. La réhabilitation des bacheliers se 382fait par l’intermédiaire du discours et cette parole semble récupérer la portée exemplaire que l’effacement de la figure de Beuve met en péril.
… au discours exemplaire
La joute contre Limbanor a notamment permis la rencontre entre Malatrie et Girart et la naissance de sentiments réciproques entre la princesse sarrasine et le jeune Français, aussi les retrouvailles entre les amants s’organisent-elles rapidement. Adenet modifie très peu la conduite des événements36, mais il amplifie notablement ce moment de transition dans l’intrigue. À titre indicatif, la portion d’environ 150 vers de l’ancienne chanson (SB, v. 2365-2524) représente désormais près de 500 vers (BC, v. 3114-3642). Cette différence s’explique par divers ajouts, en particulier plusieurs laisses dans lesquelles Girart tient conseil avec les autres chevaliers invités au sujet de leur expédition nocturne au camp sarrasin. Dans le Siège de Barbastre, Girart consultait l’avis de Gui avant d’accepter l’invitation de Malatrie : « Lesiez moi conseiller a mon frere Guion : / Se li cuens le me loe, volentiers i iron, / As dames sarrazines » (SB, v. 2470-2472). Le remaniement nous montre un chevalier bien moins hésitant : « Sachiez k’o vous irai, n’en soiiés en friçon, / Volentiers reverroie la tres douce prison / Ou mes cuers demora l’autrier les le buison » (BC, v. 3356-3358). Le trouvère brabançon reproduit pourtant l’intervention de Gui (BC, v. 3426-3458), dont la teneur est identique à celle de l’ancienne chanson (SB, v. 2475-2490). Non seulement le Buevon de Conmarchis vide le conseil du cadet de sa fonction narrative, puisqu’il n’est plus nécessaire de convaincre Girart, mais le propos de Gui clôt les délibérations entre les chevaliers français, qui le redoublent par leur contenu similaire. Erich Röll et Albert Henry notent à juste titre la structure redondante de cet entretien37. Toutefois, on ne saurait raisonnablement soutenir l’hypothèse selon laquelle le ménestrel se livrerait 383ici à un simple développement stylistique. Les épisodes étudiés ci-dessus nous invitent plutôt à considérer cette délibération comme l’opportunité pour la jeune génération de se faire entendre au sein de la geste.
L’échange entre les jeunes Français est surprenant à plusieurs égards. Premièrement, le lieu et la nature de la rencontre – « K’a li [Malatrie] venés parler dedens son paveillon » (BC, v. 3328) ; « Chascuns ara s’amie de gente afaitison, / Fille a roi ou a conte, a prince ou a baron » (BC, v. 3333-3334) – ainsi que l’invitation transmise par Malaquin inscrivent le donoi dans une perspective courtoise. Le messager renouvelle par la même occasion le don d’amour que la princesse avait fait à Girart38 : « Trestout premierement de s’amour vous fait don » (BC, v. 3324). Or, l’enthousiasme que manifestent les chevaliers consultés par Girart tient surtout au fait que le pavillon est proche du champ de bataille et qu’une confrontation avec les Sarrasins est possible. Ainsi, Navari de Toulouse affirme : « Damedieus me confonde (…) / Se je truis Sarrazins, s’enmi aus n’esperonne / Devant le tre as dames » (BC, v. 3376-3378). De même Gui de Commarchis39 : « Se Sarrasin nous vuelent les dames chalengier, / (…) S’en verrons ains nos cors en plusors lieus sainnier » (BC, v. 3453-3456). Deuxièmement, en dépit de la dimension personnelle de l’amour naissant entre Girart et Malatrie, la princesse est envisagée comme une conquête commune, à l’instar d’une cité. Le marquage pronominal traduit clairement l’élan collectif qui saisit les bacheliers : « Nous l’arons ains que soit demain passee nonne » (BC, v. 3375) ; « S’en verrons ains nos cors en plusors lieus sainnier / Que n’aions la pucele » (BC, v. 3457-3458) ou encore « Que ne conquerons cele ou tant a de biauté » (BC, v. 3502). Par comparaison, dans le Siège de Barbastre, Gui envisageait Malatrie comme la seule conquête de Girart : « Que sanglanz en serai et li cous del destrier, / Que n’aiez la pucele » (SB, v. 2489-2490). D’un objet de désir individuel, la princesse sarrasine devient un élément fédérateur qui engage l’action guerrière des jeunes Français. Ils le célèbrent d’une même voix lors du déplacement vers le pavillon des Sarrasines : « Chascuns a volenté que nous la conquerons / Sor la gent sarrazine » (BC, v. 3618-3619).
384Un dernier élément, et non des moindres, ressort de la délibération entre les jeunes Français au sujet de cette expédition très risquée. Joffroi l’Angevin motive sa détermination à accompagner Girart par l’expression d’une « philosophie de la fougue40 » propre à la jeunesse guerrière41 : « Joene gent doivent estre tousjours aventurant, / Ja nus hom qui trop doute ne venra en avant / Ne ne porra conquerre non de prouece grant » (BC, v. 3399-3401). La valeur universelle de l’énoncé est indiquée par les substantifs génériques « Joene gent » et « nus hom », l’adverbe « tousjours » ainsi que le verbe prescriptif « doivent ». Un horizon d’attente commun aux Français sollicités par Malaquin se dessine. L’idéal exprimé consonne avec l’« idéologie du bacheler » qui correspond, selon Jean Flori, à l’exercice des valeurs suivantes :
Ce que l’on souligne par ce mot [bacheler], c’est l’idéal de jeunesse, la vaillance, l’élan impétueux. C’est le contraire de l’immobilisme, de la stagnation, le contraire de la vieillesse, mais aussi de la lâcheté, de la faiblesse, de l’avarice42.
Aussi, derrière l’affirmation optimiste du désir qui excite la jeune génération à se distinguer par les armes, on retrouve en creux l’accusation adressée par Girart à Beuve : « Mais c’est une coustume qui ne puet demorer / Que li viellars reprent tousjours le bacheler / Qui les tres grans fais d’armes couvoite a endurer » (BC, v. 3067-3069). Il se trouve justement que les chevaliers conviés au donoi avec Girart appartiennent presque tous au groupe de bacheliers adoubés au début de la chanson, qui se rassemblent lors de l’arrivée des Sarrasins à Narbonne : « Gerars de Conmarchis en apela Guion / Et Joffroi l’Angevin et Hunaut le Breton / Et Navari le conte et son frere Sanson » (BC, v. 164-166). Tous sont mus par l’ambition d’accomplir des prouesses. La dynamique de preuves chevaleresques qui motive les exploits de Girart et Gui concerne en réalité toute une classe d’âge, bien représentée parmi les chevaliers qui se sont emparés de Barbastre. De plus, l’idéal convoité par les jeunes 385Français s’oppose à l’immobilisme préconisé par le duc de Commarchis dans cette situation de siège (BC, v. 2114-2118). Le donoi est désormais explicitement envisagé comme une nouvelle occasion pour les bacheliers de gagner leur honneur, ainsi que le formule Girart sur le chemin vers le pavillon : « Nous sonmes joene gent, pour le cors saint Hylaire ; / La on conquiert honnor, la nous couvient il traire » (BC, v. 3572-3573). Ainsi, même si elle nécessite une nouvelle transgression de l’interdit fixé par Beuve de Commarchis, la rencontre amoureuse offre aux bacheliers un prétexte pour revenir en plein cœur de l’épopée.
La preuve par l’exemple
L’étude du conseil des bacheliers ajouté par Adenet nous montre donc qu’en plus de problématiser la crise intergénérationnelle déjà présente dans le Siège de Barbastre, le Buevon de Conmarchis offre un espace de réhabilitation à la jeunesse par l’intermédiaire de la parole. Cette réhabilitation se double de l’expression d’un idéal propre à la jeune génération. Alors que la recherche a surtout commenté les réjouissances au pavillon de Malatrie43, les éléments évoqués ci-dessus, en particulier la ligne de conduite exemplaire que se donnent les bacheliers français, nous invitent à nous concentrer sur un autre aspect pour relire la fin du remaniement. Un nouvel affrontement éclate lorsque les guetteurs sarrasins surprennent la troupe de Français vers la tente de Malatrie. Le poème d’Adenet présente le combat différemment de sa source. Dans le Siège de Barbastre, les rangs chrétiens sont décimés par l’assaut de Limbanor et Girart déplore ces pertes (SB, v. 2726-2740), avant qu’un songe ne prévienne Beuve du danger dans lequel se trouvent ses fils. Le Buevon de Conmarchis s’interrompt quant à lui au milieu de l’action en cours, alors que les jeunes Chrétiens, moins nombreux, tiennent tête avec vigueur (BC, v. 3925). Il nous semble que la dernière laisse qui relate les prouesses accomplies ne se limite pas au simple récit d’une bataille et ne traduit donc pas exclusivement des enjeux liés à l’histoire. Celle-ci se subdivise en trois parties. Les vers d’intonation proposent un commentaire du narrateur sur le comportement des Français durant la bataille :
386Les le brueil de Pinel en la valee herbue
Fu fiere la mellee de la gent mescreüe
Encontre Nerbonnois, cui Dieus soit en ayüe,
Qui pas ne se maintienent conme gent esperdue
Mais com gent ou prouece est plantee et creüe,
Qui honte ont adossee et honnor maintenue ;
Encontre honnor ne doutent morir une cheüe.
(BC, v. 3927-3933)
À cela succèdent les beaux coups des chevaliers : « Guis de Conmarchis tint el poing l’espee nue, / Si fiert un Sarrazin k’a celui coup le tue / Et Gerars fiert un autre (…) » (BC, v. 3934-3936) ; « Joffrois ne se tint pas c’oisiaus qui est en mue, / Cele part ou il torne, tous le rens en remue » (BC, v. 3939-3940). Puis, la voix du narrateur conclut et résume la prouesse en cours. La laisse est ponctuée par une invocation à Dieu (qui fait d’ailleurs écho au v. 3929) :
Bien le font no François, chascuns s’i esvertue,
N’i a celui ne croie que moult chier soit vendue
Sa vie ains qu’ele soit fors de son cors issue.
Dieus lor soit en aÿe !
(BC, v. 3944-3947)
La première séquence s’abstrait du choc des armes et propose un regard surplombant sur la scène. Plus qu’un tableau du champ de bataille, l’instance narrative formule un jugement positif sur la conduite des chevaliers (BC, v. 3931-3933). La coordination syntaxique qui fonde l’antithèse du v. 3932 renforce par effet de contraste la perfection du comportement chevaleresque adopté. L’adhésion aux valeurs guerrières est soulignée par l’aspect accompli des formes verbales. Le terme « honnor », qui est d’ailleurs répété au vers suivant, est mis en évidence. Le substantif « prouece » (BC, v. 3931), dont l’intensité est accentuée par le double attribut à valeur quantitative, « plantee et creüe », se distingue également car il est placé à l’hémistiche44. Un écho lexical se crée alors avec l’idéal du bachelier formulé un peu plus tôt par Gui de Commarchis et Joffroi l’Angevin : « Se nous ne conquerons honnour en no jouvent » (BC, v. 3125, on souligne) ; « Joene gent doivent estre 387tousjours aventurant, / Ja nus hom qui trop doute ne venra en avant / Ne ne porra conquerre non de prouece grant » (BC, v. 3399-3401). Le commentaire en début de laisse invite donc à considérer les exploits réalisés par les jeunes Français (BC, v. 3934-3943) comme la mise en acte de l’idéologie énoncée peu avant sur le seuil de Barbastre. En effet, si on observe plus globalement les affrontements qui succèdent au donoi, on décèle une logique de démonstration : « Es vous Gerart poignant encoste une falise, / (…) Bien moustre k’en lui n’a esmai ne coardise. » (BC, v. 3790-3794, on souligne) ou encore « Cil [les Français] le firent le jour com gent de fiere guise ; / Bien moustrent qu’il desirent qu’il eüssent conquise / Malatrie la bele » (BC, v. 3800-3802) et « Bien moustrent que en aus n’a point de lascheté, / Moult se cuident chier vendre, ains que soient outré, / Vers la gent sarrazine » (BC, v. 3869-3871). Lors de ces combats, les Français mettent en acte l’idéal chevaleresque auquel ils aspirent. Un tel dispositif assure de manière explicite une dimension édifiante au remaniement d’Adenet. Aussi convient-il de préciser le constat de Caroline Cazanave qui reconnaît la valeur exemplaire du Buevon de ConmarchisI45. La chercheuse aboutit à cette conclusion en considérant les vers suivants du prologue : « Ce est que des preudomes volentiers parlerai : / Se d’aus sai aucun bien, je le recorderai ; / Se de nului sai mal, trestout quoi m’en tairai » (BC, v. 7-9). Les affrontements qui succèdent au donoi inscrivent davantage encore le remaniement dans une veine édifiante car ils fonctionnent comme une preuve par l’exemple de l’idéologie du bachelier. En insistant sur le comportement héroïque des jeunes Français davantage que sa source, non seulement Adenet ravive l’exemplarité chevaleresque dans sa chanson, mais il rappelle de surcroît sa dimension collective. Enfin, si la portée exemplaire est une composante essentielle de la chanson de geste, c’est par la manière de l’exposer au moyen de ce dispositif singulier en deux temps (théorisation, mise en pratique) que le remaniement se distingue.
388Conclusion
Loin d’être un remaniement servile et trop bavard du Siège de Barbastre, le Buevon de Conmarchis est en mesure d’accueillir des lectures qui lui sont propres. Tout en respectant fidèlement l’intrigue de son modèle – du moins pour la première moitié – le remaniement s’émancipe par les modifications et ajouts nombreux qui touchent les discours des protagonistes. Il ressort de ce parcours au sein du remaniement d’Adenet que Beuve, personnage secondaire du lignage aymeride, peine définitivement à endosser le rôle de héros que devrait lui accorder l’aventure barbastroise. Une parole répressive, qui trahit son impuissance, ainsi que des silences répétés en sont les symptômes. L’effacement du duc de Commarchis au profit d’autres chevaliers, en particulier de ses fils, problématise par ailleurs la voix d’une jeunesse guerrière qui a du mal à acquérir sa pleine légitimité aux yeux des pères. La réhabilitation qu’Adenet propose de cette voix contenue se double de la réaffirmation de la vie exemplaire à laquelle doit aspirer tout héros d’épopée. À cet égard, le trouvère brabançon semble prendre le contrepied des anciens poèmes épiques médiévaux, qui malmènent plutôt la génération des fils46. Or, les réaménagements auxquels procède Adenet interrogent avec vigueur le modèle féodal patriarcal. Ainsi, la réaction du ménestrel face à un genre en passe de mutation47 ne se limite pas à une restauration formelle par l’amendement des rimes48 mais s’attache également à des questions idéologiques qui travaillent en profondeur le devenir de la chanson de geste.
En outre, la fidélité avec laquelle Adenet suit la structure de l’intrigue barbastroise laisse présager qu’il souhaitait poursuivre et terminer sa chanson selon un schéma similaire49. Si l’hypothèse est probable mais pas certaine, faute de preuve, ce constat a donné lieu à plusieurs tentatives pour trouver les causes de l’inachèvement du poème. La recherche 389suggère trois pistes : soit Adenet s’est arrêté de lui-même, soit le copiste n’a pas pu ou voulu recopier un récit complet, soit un accident matériel est survenu au texte50. L’hypothèse la plus probable actuellement retenue, à laquelle souscrit aussi Caroline Cazanave, est proposée par Albert Henry. Adenet aurait mené à terme le Buevon de Conmarchis mais un accident de parcours, survenu à une copie intermédiaire, aurait privé le scribe du manuscrit A de la fin du récit. Le copiste aurait alors reproduit la portion de texte dont il disposait51. Or, au terme de notre réflexion, une autre piste, peut-être plus provocante, se dessine encore. Même si Adenet n’a pas conduit l’intrigue barbastroise jusqu’à son dénouement, la chanson est tout aussi signifiante en l’état. La cohérence dégagée n’autoriserait-elle pas à envisager l’inachèvement du poème comme délibéré de la part d’Adenet ? Les éléments qui crédibilisent cette hypothèse sont d’ordre herméneutique avant tout. En effet, à la lumière de la lecture autorisée par l’étude des discours rapportés, le silence potentiellement volontaire sur le dénouement n’entérinerait-il pas définitivement l’effacement de la figure paternelle au profit de ces fils que la « dernière » laisse cristallise avec d’autres jeunes chevaliers dans une forme d’exemplarité épique propre à la jeunesse ?
Pauline Quarroz
Université de Fribourg
1 Caroline Cazanave propose une synthèse des différents arguments pour dater la chanson : voir C. Cazanave, Du Siège de Barbastre à Buevon de Conmarchis : une avancée dans le cycle de Guillaume d’Orange, thèse de doctorat, Université d’Aix-Marseille I, 2 vol., 1991, p. 43-49.
2 Paris, BnF, Arsenal 3142 (A), fol. 179r-202. Pour plus de renseignements, voir Adenet le Roi, Œuvres, t. I, Biographie d’Adenet, la tradition manuscrite, éd. A. Henry, Bruges, De Tempel, 1951, p. 87, 95-100.
3 Le terme (« sklavisch ») est notamment employé par V. Keller, Le Siège de Barbastre und die Bearbeitung von Adenet le Roi, Marbourg, 1875, p. 15.
4 Il s’agit des travaux suivants : Keller, Le Siège de Barbastre ; A. Bovy, « Adenet le Roi et son œuvre. Étude littéraire et linguistique », Annales de la Société d’archéologie de Bruxelles, 10, 1896, p. 452-462, 11, 1897, p. 85-113, 256-277, 376-389, 12, 1899, p. 5-40, ici, 11, 1897, p. 103-113 ; E. Röll, Untersuchungen über das Verhältnis des Siège de Barbastre zum Bueves de Commarchis von Adenet le Roi, und die Stellung der Prosafassung, Greifswald, 1909.
5 Adenet le Roi, Œuvres, t. II, Buevon de Conmarchis, éd. A. Henry, Bruges, De Tempel, 1956, p. 21.
6 Adenet le Roi, Œuvres, t. II, p. 41, v. 21-24. Toutes les citations du Buevon de Conmarchis sont issues de cette édition et seront référencées de la manière suivante : BC, v. …
7 Adenet le Roi, Œuvres, t. II, p. 20, 22-24. Erich Röll remarquait déjà la sensibilité d’Adenet aux discours rapportés (Röll, Untersuchungen, p. 45) et Thomas E. Vesce note l’allongement significatif du remaniement (T. E. Vesce, Feudal and Courtly Values in the Siege de Barbastre and the Beuvon de Conmarchis, Millwood, 1969, p. 41).
8 J. Frappier, Les Chansons de geste du cycle de Guillaume d’Orange, Paris, SEDES, 1955, vol. 1, p. 36-37 ; Œuvres, t. II, p. 18-19.
9 A. Lambert, « Hagiographie et mise en prose au xiiie siècle. L’exemple de Barlaam et Josaphat », Le Moyen Âge, 123, 2017, p. 507-526, ici p. 523.
10 A. Varvaro, « Élaboration des textes et modalités du récit dans la littérature française médiévale », Romania, 119, 2001, p. 1-75, ici p. 21. Nous empruntons le terme à N. Chardonnens, L’Autre du même : emprunts et répétitions dans le Roman de Perceforest, Genève, Droz, 2015. Dans cette étude, la « poétique de la reprise » concerne surtout les échos intertextuels et les phénomènes de reprises au sein du texte.
11 Cazanave, Du Siège de Barbastre à Buevon de Conmarchis ; M. Ott, « Le siège de Narbonne dans le Siège de Barbastre et Buevon de Conmarchis », « De sens rassis ». Essays in Honor of Rupert T. Pickens, éd. K. Busby, B. Guidot, L. E. Whalen, Amsterdam & Atlanta, Rodopi, 2005, p. 491-508.
12 D. James-Raoul, La Parole empêchée dans la littérature arthurienne, Paris, Champion, 1997, en particulier p. 7-9, 99-100, 225-226. Parmi les multiples significations que peut revêtir la « parole gênée, entravée » dans le corpus arthurien, on suppose que les silences du duc de Commarchis se rapprochent surtout du mutisme du roi Arthur, signe de perte ou de dysfonctionnement de son pouvoir et de remise en question de l’ordre institutionnel ou social.
13 Caroline Cazanave liste toutes les chansons dans lesquelles apparaît Beuve ; seules les trois dernières fournissent des renseignements « biographiques » plus précis sur Beuve : la Chanson de Guillaume, le Couronnement de Louis, la Prise d’Orange, Aliscans, le Moniage Guillaume ii, les Enfances Vivien, la Chevalerie Vivien, la Mort Aymeri, Guibert d’Andrenas, la Prise de Cordres, Foucon de Candie, Elie de Saint-Gilles, les Enfances Guillaume, Aymeri de Narbonne, les Narbonnais (Cazanave, Du Siège de Barbastre à Buevon de Conmarchis, vol. 1, p. 146).
14 On emprunte la formule à Muriel Ott (Ott, « Le siège de Narbonne », p. 508) qui renvoie à la remarque suivante de Caroline Cazanave : « [l]a guerre de conquête n’est pas recherchée mais subie » (C. Cazanave, « Barbastro/Barbastre ou quand la légende épique s’empare d’un territoire appartenant à l’histoire », Le Territoire : études sur l’espace humain, Saint-Denis, Publications de l’Université de la Réunion, Paris, Didier, 1986, p. 31-50, ici p. 38). En effet, Beuve et ses hommes sont emmenés en otage à Barbastre. C’est en se libérant des Sarrasins que les Français conquièrent la ville.
15 Cazanave, Du Siège de Barbastre à Buevon de Conmarchis, vol. 1, p. 145, 93, 181-182.
16 F. Suard, Guide de la chanson de geste et de sa postérité littéraire (xie-xve siècles), Paris, Champion, 2011, p. 118.
17 Cette conscience se traduit par les stratégies prologales communes à ses trois remaniements épiques et, dans une moindre mesure, à son Cleomadès. Ces textes liminaires sont notamment le lieu de la mise en scène du geste de création poétique. Pour une étude détaillée des prologues, voir S. Menegaldo, « Adenet le Roi tel qu’en ses prologues », Cahiers de Recherches Médiévales et Humanistes, 18, 2009, p. 309-328 [en ligne].
18 Adenet le Roi, Œuvres, t. V, Cleomadès, éd. A. Henry, Bruxelles, Éditions de l’Université de Bruxelles, 1971, vol. 1, p. 11, v. 5-7.
19 Cazanave, Du Siège de Barbastre à Buevon de Conmarchis, vol. 1, p. 157-158.
20 Le Siège de Barbastre : chanson de geste du xiie siècle, éd. J. L. Perrier, Paris, Champion, 1926, p. 25-31. Toutes les citations du Siège de Barbastre sont issues de cette édition, consultable sur Gallica, et seront référencées de la manière suivante : SB, v. … Bien que datée et parfois imprécise, cette édition est celle qui se prête le mieux à la comparaison entre les deux chansons, car Joseph Louis Perrier édite un manuscrit proche du modèle qu’aurait utilisé Adenet (Adenet le Roi, Œuvres, t. II, p. 19-20). L’édition la plus récente du texte est la suivante : Le Siège de Barbastre, éd. B. Guidot, Paris, Champion, 2000.
21 Röll, Untersuchungen, p. 50.
22 Selon le schéma trifonctionnel de Dumézil, Beuve s’illustre traditionnellement dans cette fonction : voir J. H. Grisward, Archéologie de l’épopée médiévale : structures trifonctionnelles et mythes indo-européens dans le cycle des Narbonnais, Paris, Payot, 1981, p. 64, 68-71. Le priver momentanément de son rôle de souverain porte vraisemblablement une atteinte importante à son statut de personnage principal.
23 Adenet le Roi, Œuvres, t. II, p. 27 ; Cazanave, Du Siège de Barbastre à Buevon de Conmarchis, vol. 2, p. 833 ; Ott, « Le siège de Narbonne », p. 500-508.
24 Cazanave, Du Siège de Barbastre à Buevon de Conmarchis, vol. 1, p. 161, 172.
25 Adenet le Roi, Œuvres, t. II, p. 22-23.
26 Albert Henry le signale d’ailleurs dans une note de son édition critique du texte (Adenet le Roi, Œuvres, t. II, p. 183).
27 Victor Keller remarque justement que Guillaume est bien plus mis en évidence dans le Buevon de Conmarchis que dans le Siège de Barbastre. Pour le commentaire, voir Keller, Le Siège de Barbastre, p. 16.
28 Cazanave, Du Siège de Barbastre à Buevon de Conmarchis, vol. 2, p. 833-835 ; Ott, « Le siège de Narbonne », p. 500-501. Par ailleurs, Bernard Guidot relève que le Siège de Barbastre ne détaille pas la cérémonie de la remise des armes pour se concentrer sur les festivités et la largesse d’Aymeri : voir B. Guidot, Recherches sur la chanson de geste au xiiie siècle d’après certaines œuvres du cycle de Guillaume d’Orange, Aix-en-Provence, Service des publications de l’Université de Provence, Marseille, Diffusion Jeanne Laffite, 2 vol., 1986, ici vol. 1, p. 174.
29 Cazanave, Du Siège de Barbastre à Buevon de Conmarchis, vol. 2, p. 836. L’enluminure est visible dans la reproduction en libre accès du manuscrit A sur Gallica.
30 Dans une étude sur le Siège de Barbastre, Bernard Guidot note la similitude des réactions entre l’amustant et Beuve devant l’indépendance manifeste de leur enfant (B. Guidot, « Le Siège de Barbastre : une idéologie ambiguë », Convergences médiévales : épopée, lyrique, roman. Mélanges offerts à Madeleine Tyssens, éd. N. Henrard, P. Moreno, M. Thiry-Stassin, Bruxelles, De Boeck Université, 2001, p. 209-225, ici p. 217), similitude qu’on retrouve dans le Buevon de Conmarchis.
31 Ici, « par mon cors » est entendu au sens de ‘moi-même’ (God., vol. 2, p. 314c ; TL, vol. II, p. 905).
32 Röll, Untersuchungen, p. 80.
33 S. Kay, The Chanson de geste in the Age of Romance : Political Fictions, Oxford, Oxford University Press, 1995, p. 66.
34 Bernard Guidot et Caroline Cazanave en recensent dans les Narbonnais, le Guibert d’Andrenas, la Prise de Cordres, la Chevalerie Ogier et dans les Enfances Vivien : voir Guidot, Recherches, vol. 1, p. 267 ; Cazanave, Du Siège de Barbastre à Buevon de Conmarchis, vol. 1, p. 204.
35 La désignation adoptée par le remaniement nous paraît intéressante à cause de la polysémie inhérente au lexème ‘enfant’ qui suggère parfois une forme d’incomplétude chez le chevalier épique, pas encore tout à fait considéré comme un adulte mûr (M. de Combarieu, « Enfance et démesure dans l’épopée médiévale française », L’Enfant au Moyen Âge : littérature et civilisation, Aix-en-Provence, Publications du CUERMA, 1980, p. 405-456, ici p. 410), et pourrait renvoyer au conflit intergénérationnel.
36 La seule intervention notable est l’invention du personnage de Flandrine, la suivante de Malatrie. Celle-ci permet à la jeune femme de révéler son amour puis de retrouver son amant de manière plus conforme aux convenances courtoises : voir Keller, Le Siège de Barbastre, p. 16 ; Bovy, « Adenet le Roi et son œuvre », p. 111 ; Röll, Untersuchungen, p. 81 ; Adenet le Roi, Œuvres, t. II, p. 26 ; Cazanave, Du Siège de Barbastre à Buevon de Conmarchis, vol. 2, p. 876.
37 Röll, Untersuchungen, p. 84 ; Adenet le Roi, Œuvres, t. II, p. 23-24. Arthur Bovy mentionne simplement l’amplification à laquelle procède Adenet sur ce passage (Bovy, « Adenet le Roi et son œuvre », p. 112).
38 La jeune femme s’adressait en ces termes à Girart après sa victoire sur Limbanor : « Des puis que vostre afaire et vostre estre entendi, / Vous donnai tout mon cuer et ting por mon ami » (BC, v. 2688-2689).
39 Les avis de Joffroi l’Angevin (BC, v. 3396-3398) et Renaut de Montarmier (BC, v. 3498-3501) s’inscrivent dans la même veine.
40 Guidot, Recherches, vol. 2, p. 879.
41 Les propos de Joffroi font écho à ceux que Gui adressait à Girart un peu auparavant dans le texte : « Je ne pris pas nos vies un espi de fourment / Se nous ne conquerons honnour en no jouvent ; / Aventurer se doit qui a prouece tent » (BC, v. 3124-3126).
42 J. Flori, « Qu’est-ce qu’un bacheler ? Étude historique de vocabulaire dans les chansons de geste du xiie siècle », Romania, 96, 1975, p. 289-314, ici p. 307. Phyllis Gaffney thématise également l’opposition entre jeunes et chevaliers d’âges mûrs par leurs vertus : voir P. Gaffney, Constructions of Childhood and Youth in Old French Narrative, Burlington, Ashgate, 2011, p. 73.
43 Voir notamment Röll, Untersuchungen, p. 85-87 ; Adenet le Roi, Œuvres, t. II, p. 25 ; Cazanave, Du Siège de Barbastre à Buevon de Conmarchis, vol. 2, p. 875-879.
44 François Suard indique que la césure se fait sur la sixième syllabe pour les chansons de geste en alexandrins (Suard, Guide, p. 71).
45 Cazanave, Du Siège de Barbastre à Buevon de Conmarchis, vol. 2, p. 766-767.
46 Kay, The Chanson de geste, p. 92-93.
47 François Suard situe l’âge d’or des chansons de geste aux xiie et xiiie siècles. Si quelques chansons sont encore composées au xive siècle, on assiste surtout à la mise en prose des anciens textes à partir de cette période (Suard, Guide, p. 271 et suivantes).
48 Cazanave, Du Siège de Barbastre à Buevon de Conmarchis, vol. 2, p. 763.
49 Cazanave, Du Siège de Barbastre à Buevon de Conmarchis, vol. 1, p. 97.
50 Adenet le Roi, Bueves de Commarchis, éd. A. Scheler, Bruxelles, 1874, p. vi-vii ; Keller, Le Siège de Barbastre, p. 8 ; G. Paris, « Les Enfances Ogier, par Adenès li Rois, publié pour la première fois et annoté par M. Aug. Scheler, 1874 ; Li Romans de Berte aus grans piés, par Adenès li Rois, publié avec notes et variantes par M. Aug. Scheler, 1874 ; Bueves de Commarchis, par Adenès li Rois, chanson de geste publiée pour la première fois et annotée par M. Aug. Scheler, 1874 », Romania, 5, 1876, p. 115-119, ici p. 117 ; Bovy, « Adenet le Roi et son œuvre », p. 112-113.
51 Adenet le Roi, Œuvres, t. I, p. 173-174 ; Cazanave, Du Siège de Barbastre à Buevon de Conmarchis, vol. 1, p. 51.