De quelques usages du chant liturgique dans les textes latins de magie rituelle à la fin du Moyen Âge
- Type de publication : Article de revue
- Revue : Cahiers de recherches médiévales et humanistes / Journal of Medieval and Humanistic Studies
2020 – 1, n° 39. varia - Auteurs : Haines (John), Véronèse (Julien)
- Résumé : Dans les textes de magie rituelle qui nous proviennent du Moyen Âge, il est quelquefois question de chants extraits de la liturgie chrétienne. Les chants du répertoire grégorien les plus fréquemment cités sont l’Asperges me, l’Ave Maria, le Credo, le Salve Regina, ainsi que certains psaumes. Il s’agit d’apprécier quels usages en sont faits, notamment dans le cadre des rituels de consécration.
- Pages : 293 à 320
- Revue : Cahiers de recherches médiévales et humanistes - Journal of Medieval and Humanistic Studies
- Thème CLIL : 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
- EAN : 9782406107422
- ISBN : 978-2-406-10742-2
- ISSN : 2273-0893
- DOI : 10.15122/isbn.978-2-406-10742-2.p.0293
- Éditeur : Classiques Garnier
- Mise en ligne : 14/07/2020
- Périodicité : Semestrielle
- Langue : Français
- Mots-clés : Conjurations, exorcismes, Salomon, démons, louange divine, chants religieux
De quelques usages du chant liturgique
dans les textes latins de magie rituelle
À la fin du Moyen Âge
Les traités et les experimenta de magie rituelle que l’on a conservés pour la période médiévale dans quelques manuscrites datés pour l’essentiel du xve siècle ont un trait commun : ils affirment fonder leur efficacité sur une multitude de signes écrits et vocaux issus d’une révélation divine originelle, qui seraient seuls capables d’attirer ou de soumettre des intelligences supérieures telles que les anges, les esprits ou les démons à la volonté de leur utilisateur humain, appelé communément « maître » (magister) ou « exorciste » (exorcista ; exorcizator)1. Parmi les signes écrits figurent au premier chef les mystérieux « caractères » (characteres), que les théologiens de la période scolastique, témoins de la réception de ces savoirs occultes, n’ont eu de cesse de rejeter dans la catégorie des signes « superstitieux » initiateurs d’un pacte avec les démons2 ; de différentes formes et tailles, ils peuvent se décliner en « sceaux », en « figures » ou encore en « notes », qui, dans certains cas, au vu des fonctions et des propriétés qui leur sont attribuées, ne sont pas sans rapport, du moins sur le plan symbolique, avec les notations musicales3. Pour ce qui concerne les sons vocaux, prières et surtout conjurations latines tiennent une 294place de choix ; mais l’altérité du langage performatif est également un principe bien établi : les mots et les formules prononcés paraissent dans bien des cas d’autant plus efficaces que les uns et les autres renvoient à un univers linguistique exogène, qui se veut un signe d’ancienneté et d’élection. L’usage de verba et de nomina qui se prétendent dérivés des langues sapientielles et sont dénués de signification en contexte latin est ainsi récurrent, ce que les théologiens ne manquent pas, comme dans le cas des signes graphiques, d’assimiler à une forme de langage diabolique. Du fait que certains textes de magie rituelle sont le résultat de traductions, ces mots peuvent avoir eu, le cas échéant, une motivation linguistique dans leur milieu d’origine ; mais il est peu probable que cela ait toujours été le cas, tant l’usage d’onomata barbara ou de voces magicae est un phénomène constitutif des pratiques magiques depuis l’Antiquité, quelle que soit l’aire linguistique considérée4. Quoi qu’il en soit, toute signification éventuelle d’une partie de ce matériau s’est évanouie dans le monde latin, ainsi que l’atteste également le processus d’amplification auquel ces mots « étrangers » sont bien souvent soumis au gré des copies5. Ils nourrissent à l’évidence l’imaginaire linguistique des copistes occidentaux, qui, en retour, font preuve d’une créativité sans limite en la matière, comme le montre entre autres, du xiiie au xve siècle et même au-delà, l’exemple bien documenté de l’Ars notoria, une tradition de magie ou de théurgie angélique qui, en marge des écoles et des universités, visait l’obtention miraculeuse et parfaite du savoir académique6.
Dans ce contexte d’accumulation et de saturation sémiologique propre aux textes de magie, et en particulier de magie rituelle, où toute parole 295prononcée, tout son produit est investi d’une efficacité, la musique et le chant sont-ils mobilisés et ont-ils une fonction particulière ? Après avoir mesuré de manière générale la place qu’ils tiennent dans ces traditions aux derniers siècles du Moyen Âge, nous livrerons un certain nombre d’exemples des usages qui sont faits du chant liturgique dans les livres et les rituels magiques d’invocation ou de conjuration des esprits, notamment dans le cadre des opérations de consécration qui viennent investir les différents artefacts nécessaires à la pratique magique d’une vertu ou d’une puissance fondée en Dieu.
D’emblée, force est de constater qu’il est peu question de chant, et encore moins de musique, dans ce type de sources. Le terrain de l’enquête se révèle donc plutôt pauvre à première vue. Si le maître ou l’exorciste utilise nombre d’artefacts pour parvenir à se protéger des esprits ou les contraindre d’obéir, il n’apparaît guère comme un musicien, au sens où il modulerait sa voix d’une manière prédéfinie dans le but de produire un effet précis à la manière d’un incantator ou d’une incantatrix, voire utiliserait des instruments de musique dans l’économie des rituels qu’il met en œuvre pour s’adresser aux intelligences spirituelles. Il doit certes bien souvent réciter ou lire haut et fort des prières et des conjurations (firmissa voce ; viriliter ; audaciter, etc.), pour montrer qu’il n’a aucune crainte et qu’il est bien le véritable maître de l’opération, celui qui conforte aussi par la voix ses compagnons ; à l’inverse, il doit parfois murmurer ou faire preuve de retenue et d’humilité dans son expression, y compris pour énoncer une parole de commandement, afin, sans doute, de ne pas trop offusquer ses interlocuteurs spirituels7. Mais la plupart du temps, dans la mesure où son art consiste avant tout à réciter (dicere) des conjurations ou des exorcismes, il n’est pas question à proprement parlé pour lui de chanter. Du moins les textes ne le précisent que rarement, 296une imprécision sur laquelle nous nous pencherons plus loin. Il lui arrive parfois d’utiliser un sifflet8 ou, plus rare encore, une clochette9, dont on connaît par ailleurs l’usage liturgique ; il s’agit alors d’« exciter » les esprits et les démons, autrement dit, par un coup de semonce lancé aux quatre points cardinaux, d’attirer leur attention, afin de les forcer dans un deuxième temps, à l’aide d’une suite de conjurations ou de signes graphiques tels que des pentacles, à se manifester pleinement et à satisfaire docilement les désirs du conjurateur ou de son client. Mais les précisions sur le « paysage sonore10 » sont rares, et lorsqu’on en repère, elles sont en général associées aux esprits, et en particulier aux démons, que l’on montre moins, au moment où ils apparaissent devant le conjurateur, comme un groupe anarchique et bruyant au sein duquel règnerait une forme de cacophonie emblématique de leur chute11, que comme une troupe ordonnée derrière son ou ses chef(s) jouant d’instruments aux sons doux et mélodieux, à laquelle, par ses paroles, l’exorciste impose bientôt le plus parfait silence, et par là-même la plus complète obéissance. Du moins est-ce le cas dans la Clavicula Salomonis, l’un des plus 297importants traités de « nigromancie » de la fin du Moyen Âge, dont la circulation est attestée en Occident à compter de 131012. Temporairement contraints par les formules de conjuration fondées sur la puissance de Dieu, les esprits ou les démons semblent ici momentanément retrouver pour partie leur nature angélique perdue, symbolisée par l’harmonie musicale qui les accompagne. Dans un autre registre, une fois liés à la volonté de l’exorciste, ils peuvent le cas échéant faire figure de maîtres ès-arts qui enseigneront la musique à quiconque le souhaite, ainsi que le révèlent certains catalogues de démons13, qui les décrit en outre volontiers accompagnés d’instruments, comme un écho au motif précédent14. Mais tout ceci n’est à vrai dire que marginal. Les conjurateurs et autres « nigromanciens » ne semblent pas avoir eu d’appétence particulière pour la musique, pas plus du reste que les textes sur lesquels ils se fondent ne discourent sur ses éventuelles vertus et les modalités de celles-ci, à 298la manière par exemple de ce que l’on rencontre dans le domaine de la médecine ou de la philosophie naturelle durant la période scolastique15. Il faut dire que les traditions en question n’ont qu’un faible fondement théorique, à la différence des textes de magie astrale contemporains, ou, davantage encore, des spéculations des mages de la Renaissance, pour lesquels la notion d’harmonie entre le macrocosme et le microcosme joue un rôle fondamental, et dans ce cadre la musique16.
Si la musique instrumentale n’a à l’évidence guère sa place dans les traditions latines médiévales de magie rituelle, l’usage du chant n’est pas pour autant pleinement ignoré, quand bien même il n’est pas précisément décrit. Pour en rendre compte, il faut se reporter en priorité aux textes qui sont les plus marqués par les usages de la liturgie chrétienne latine, du chant liturgique à la psalmodie, qui se déploient traditionnellement dans le cadre de la messe. C’est par ce biais, semble-t-il, qu’une forme d’expression musicale, étroitement liée à la culture chrétienne, a pénétré ces traditions introduites en Occident à partir du xiie siècle en provenance d’univers religieux et culturel très divers, arabo-musulmans, grecs ou juifs. Celle-ci serait donc, pour une bonne part, le fruit de l’adaptation – toujours partielle et parfois très subversive – de certaines de ces traditions aux usages liturgiques latins. Elle serait également liée à la nécessité de renforcer le pouvoir rituel du magicien (qui se définit comme pieux et chrétien) en captant à son profit la sacralité de l’Église17 et la puissance de ce lien entre la cité terrestre et la cour céleste qu’est la musique liturgique ; une nécessité d’autant plus impérieuse que les lecteurs de ces textes, voire leurs utilisateurs, étaient majoritairement des clercs, et en particulier, à la fin du Moyen Âge, des prêtres ou des 299exorcistes18. Du moins est-ce l’hypothèse que l’on peut avancer à la suite d’une lecture approfondie de ce corpus pour une bonne part inédit19, et elle est corroborée de manière indirecte par l’influence notable qu’exerce au xve siècle la liturgie de l’exorcisme de dépossession sur les procédures de conjuration à finalités magiques, et notamment sur les formulaires de conjuration et d’exorcisme en vigueur en contexte magique20. Autrement dit, plus on avance dans le Moyen Âge, plus, semble-t-il, les usages liturgiques chrétiens pénètrent et informent les traditions de magie rituelle, ce qui rend en partie caduque la partition entre religion et magie.
Ceci étant dit, il faut toutefois rappeler que d’autres sources médiévales plus anciennes, elles aussi nombreuses bien que fort mal étudiées par les musicologues21, attestent sur le temps long l’usage de la musique et du chant, notamment liturgique, dans les rituels considérés comme magiques ou « superstitieux » ; elles dessinent donc un arrière-plan, ou un contexte général, qu’il convient de garder à l’esprit lorsque l’on se penche sur les textes de magie rituelle de la fin du Moyen Âge, voire de la Renaissance. Il s’avère en effet que l’on chantait souvent dans toutes sortes de pratiques jugées illicites par l’Église, allant de la danse sur les tombeaux des ancêtres aux cérémonies de guérison pratiquées quotidiennement par les sages-femmes. Ces musiques sont mentionnées, et la plupart du temps condamnées, dans des documents historiques de natures variées, surtout des documents liturgiques et historiques comme les sermons et chroniques, mais également des sources littéraires comme les romans. Les collections canoniques et pénitentielles présentent à cet égard un intérêt particulier pour l’historien et le musicologue, en dépit 300de leur point de vue biaisé et externaliste22. Dans cet ample corpus, il arrive fréquemment que l’on condamne des pratiques liées à l’exécution de musiques quelconques. Les collections pénitentielles font en effet mention régulière de pratiques musicales catégoriquement défendues par leurs auteurs ecclésiastiques. Ce sont toutefois davantage les contextes d’usage de ces chants que visent les auteurs de ces censures, plus que les chants eux-mêmes. Dans le Décret de Burchard de Worms par exemple (c. 1010), on trouve une condamnation « de charmes et incantations […] entonnés sur du pain ou des herbes, ou sur une ligature ». Aucune précision n’est donnée sur les mélodies constitutives de ces « charmes et incantations » (ligatures et incantationes) ; on se contente d’affirmer qu’il s’agit de « chants du diable » (carmina diabolica)23, une expression que l’on retrouve souvent comme description générique des chants condamnés par l’Église.
Rares sont de fait les échantillons notés de ces carmina diabolica qui nous proviennent du Moyen Âge. Le seul exemple, à notre connaissance, d’une incantation notée est le Quisquis erit, daté du xiie siècle. Il est copié dans une compilation astrologique, le manuscrit Stuttgart, Württembergische Landesbibliothek, Cod. Math. Q 33, au fol. 41r, et vise à interrompre l’effusion de sang. Voici le texte de cette incantation découverte par Wolfgang Irtenkauf dans les années 1950 : « Quiconque aimera de tout son cœur le bon amour du Christ, la foi, l’espoir, la joie, la chasteté, la patience, et le zèle merveilleux de Dieu, héritera de la vie éternelle » (Quisquis erit amans nimis bonam Christi karitatem, fidem, spem, gaudium, castitatem, patientiam, Dei zelum mirabilem, ad vitam introducetur eternam)24. Considéré dans le manuscrit comme « chant grégorien » (hoc gregorianum), la mélodie qui accompagne ce texte se conforme en tout point au septième mode grégorien, autrement dit le mode plagal en sol. Mis à part une douzaine d’autres mélodies utilisées comme aides mnémoniques pour le computus, recensées par Irtenkauf dans le même article, le Quisquis erit du manuscrit de Stuttgart est le représentant unique de 301ces chants que les pénitentiels et sources législatives inscrivent le plus souvent dans la catégorie des carmina diabolica25, alors même qu’ils ont parfois une tonalité ou une origine liturgique.
Dans d’autres cas, les régulations ecclésiastiques, tout en condamnant certaines pratiques musicales, en recommandent d’autres, ou du moins les considèrent comme licites, notamment pour des chants liturgiques que l’on autorise dans certains contextes non-liturgiques comme les rituels de guérison. Les sources qui nous en parlent sont d’un grand intérêt, puisqu’elles accusent un rapport entre musiques magique et liturgique qui était commun au Moyen Âge. De saint Augustin à Thomas d’Aquin, bon nombre d’auteurs bien connus évoquent en effet certains chants liturgiques qu’il est permis d’utiliser en dehors de la liturgie stricto sensu. Les trois chants les plus souvent cités sont le Kyrie, le Credo et le Pater Noster. Ces deux derniers, par exemple, sont cités dans le Pénitentiel d’Alveda (c. 800). Les auteurs du Pénitentiel interdisent tout chant liturgique dans un rituel de guérison, au titre de « sorcellerie ou chant magique (praecantatio) », sauf le Credo et le Pater Noster (« excepto symbolum sanctum aut orationem dominicam26 »).
Ainsi, le point de vue que donnent à voir les textes de magie rituelle aux derniers siècles du Moyen Âge, sur lesquels nous allons nous arrêter désormais, n’est-il pas unique si l’on se place sur un temps plus long. Il a toutefois pour vertu de nous faire pénétrer la pratique magique elle-même, ou du moins une forme de magie bien spécifique, qu’ignorait pour l’essentiel le Moyen Âge latin occidental jusqu’au xiie siècle. En matière d’usages du chant liturgique, ce sont, dans ces sources, les opérations de consécration qui recueillent une part substantielle des suffrages. Dans ce cadre qui vise à s’assurer que l’opération tout entière et l’ensemble des éléments qui la constituent sont placés sous l’autorité de Dieu et que toute intromission indésirable et incontrôlée du diable et les démons en est exclue, le chant de la messe, les hymnes et les antiennes liturgiques, 302sans même parler des psaumes, jouent un rôle notable, comme on va le voir maintenant à l’aide de différents exemples.
La messe n’est pas systématiquement, ni même fréquemment mobilisée dans les rituels d’invocation ou de conjurations des esprits. Par exemple, une tradition de magie angélique comme l’Ars notoria, bien qu’élaborée en contexte chrétien occidental à la croisée des xiie et xiiie siècles, n’en fait pas usage dans ses strates les plus anciennes : le rituel, qui consiste pour une bonne part à réciter nombre de prières à différentes heures du jour, se déroule hors de tout cadre ecclésiastique et liturgique, dans le plus grand secret27. Du moins en est-il ainsi jusqu’à ce qu’apparaissent dans le courant du xive siècle un certain nombre de versions dérivées, telle celle que l’on a intitulée Ars brevis. Dans ce cas, le chrétien en quête d’illumination intellectuelle et de savoir doit mettre en œuvre un rituel qui se déroule entre sa chambre à coucher – le lieu privé où il recevra la révélation en songe dans la cadre d’un processus d’incubation – et l’église, où un prêtre, probablement complice, célèbre différentes messes. Durant quatre jours notamment, après que l’impétrant s’est confessé et préparé spirituellement, se succèdent in medio ecclesie des offices en l’honneur de la Trinité, du Saint Esprit, de saint Jean l’Évangéliste et enfin de la Vierge. Il s’agit de la sorte de se placer sous la protection de Dieu, de réclamer les dons de l’Esprit Saint, ainsi que l’intercession de l’apôtre et de Marie28. Plus loin dans le texte, des messes sont également requises pour consacrer une « figure de la mémoire », que le dévot doit par la suite placer sous son oreille droite au moment où il va se coucher pour obtenir une révélation céleste ou une forme de connaissance qui dépasse les capacités humaines. Le bout de parchemin portant la petite figure circulaire bordée de croix grecques doit être placée sous le corporal, autrement dit sous le vêtement liturgique qui, sur l’autel, reçoit le mobilier nécessaire (patène, calice, ciboire) à la célébration du mystère eucharistique. La dissimulation de 303la figure permet de préserver le secret, voire, peut-être, d’agir à l’insu du célébrant. Allié au chant liturgique, ce procédé d’imprégnation par contact active et démultiplie la charge sacrale du signe, conçu comme le fruit d’une révélation divine ancienne. Sept messes, du dimanche au samedi, sont en principe requises, en l’honneur respectivement de la Trinité, de la Croix, du Saint Esprit, de la Vierge, des apôtres, des anges et des saints29. Mais si le temps manque, on peut se résoudre à ne faire célébrer que les trois premières. Au terme des solennités, la figure devient pleinement efficace pour développer miraculeusement la mémoire de son utilisateur, ce qui exclut au passage qu’elle attire les démons à la manière des « mauvais » caractères magiques (ceux que condamne la tradition théologique depuis les Pères de l’Église). La dimension exorcistique de la consécration a d’autant plus d’importance ici que l’experimentum s’achève par un processus de révélation onirique qui est en soi, dans la tradition médiévale, un terrain favorable à l’intromission et à l’illusion démoniaque. Le chant de la messe, qui n’est ici, comme souvent, qu’implicitement requis, place la pratique d’invocation dans le royaume de Dieu et secondairement de l’Église, alors même que la tradition de l’Ars notoria est condamnée par les théologiens comme démoniaque depuis le xiiie siècle, y compris lorsque certains, comme le moine bénédictin Jean de Morigny au début du xive siècle, s’évertuent à l’intégrer dans le concert des pratiques de spiritualité et de dévotion chrétiennes en en proposant une version profondément remaniée30.
304L’usage implicite du chant, mobilisé sous le couvert plus large et générique de la messe dans les prescriptions des textes de magie rituelle, impose d’ouvrir une brève parenthèse. Il est souvent difficile, pour ne pas dire impossible, de distinguer entre chant et lecture au Moyen Âge, que ce soit dans la liturgie ou dans les rituels magiques. Boèce, dans son traité incontournable sur la musique, le De institutione musica, distingue « la voix continue » (vox continua), utilisée pour parler, de la « voix diastématique » (vox διαστηατικη), dont on use pour chanter. Les voix qu’il nomme « voix intermédiaires » (medias voces) constituent une troisième catégorie entre ces deux et sont employées pour diverses sortes de récitations et lectures, comme celle des poèmes héroïques. Boèce emploie le pluriel (voces) pour ce dernier type, car les sons dont la voix est capable sont, toujours selon lui, « infinis par nature » (naturaliter quidem infinitae sunt)31. Cette problématique boétienne des medias voces surgit fréquemment à la lecture des sources liturgiques, où l’acte de « dire » (dicere) et de « lire » (legere) n’exclut pas forcément celui de chanter (cantare). Dilemme parallèle, d’ailleurs, dans les condamnations citées plus haut, où l’acte de prédire et celui de chanter sont désignés par les mêmes verbes, canere et cantare32.
Dans le cadre des rituels magiques de conjuration des démons, le chant de la messe joue de fait un rôle des plus stratégiques, dans la mesure où il affirme le caractère divin et non démoniaque d’un art qui met cette fois son utilisateur en contact direct avec les démons afin qu’ils satisfassent sa volonté : si les démons sont sommés et contraints d’obéir, c’est en vertu de Dieu et du pouvoir qu’Il délègue au conjurateur, non en vertu du pacte trompeur que les théologiens associent à ce type de cérémonies33. Sur ce plan comme sur d’autres, le rapprochement avec les rituels d’exorcisme de dépossession de la fin du Moyen Âge est pertinent, tant se dessine une communauté de pratique34. La Faculté de théologie de l’université de Paris et son chancelier Jean Gerson ne s’y sont du reste pas trompés au moment de condamner solennellement les arts magiques en 1398. L’article 12 affirme ainsi que la célébration de 305la messe, l’usage de prières, de mots sacrés et toutes les dévotions auxquelles l’« invocateur » peut se livrer n’atténuent en rien ni n’excusent le mal qu’il produit (par exemple par le biais de maléfices) ; au contraire, il s’agit d’un détournement des honneurs divins et d’un moyen de mieux tromper les ignorants35. Du point de vue des théologiens, l’usage de la liturgique chrétienne, voire des sacrements, n’est qu’un simulacre visant à masquer le mal et à satisfaire un démon qui se plaît plus que tout à être honoré à la manière de Dieu ; il relève donc de l’erreur et du sacrilège36. Pour autant, à y regarder de près, le recours au chant de la messe n’a rien de systématique dans les rituels magiques de conjuration. Il est à cet égard plus rare que dans les rituels ecclésiastiques d’exorcisme visant à expulser les démons du corps d’un possédé, tant l’injonction du secret et la peur du scandale restent des pierres angulaires de la pratique magique, qui utilise des formes de langage et des procédures parfois très éloignées des standards liturgiques37.
On notera toutefois que l’un des textes qui y recourt le plus volontiers est en même temps l’un des plus sulfureux, à savoir la Clavicula Salomonis déjà citée, conservée à ce jour pour sa forme latine médiévale dans un seul manuscrit, qui plus est sous une forme incomplète38. Il s’agit alors de consacrer les multiples artefacts dont le maître, qualifié le plus souvent d’exorciste (exorcisator), mais aussi le cas échéant de « nigromancien » (nigromanticus), a besoin pour soumettre les démons à son pouvoir, qui ne se veut en réalité, nous l’avons dit, qu’une manifestation du pouvoir de Dieu. Il en est ainsi pour les fameux « pentacles » et autres 306« candaires » sur lesquels repose « toute la science de la Clavicule39 », ces compositions graphiques circulaires porteuses de noms divins qui ont pour fonction de protéger le corps et l’âme du conjurateur lorsqu’il les porte cachées sous son vêtement, ou de soumettre définitivement les démons lorsqu’ils apparaissent en bordure du cercle protecteur40. Leur copie sur une charte doit se dérouler le mercredi à l’heure de Mercure dans une maison ou une chambre privée, à l’aide de couleurs nobles (or, argent, etc.) ; puis, après des suffumigations, ces signes doivent être consacrés par le chant de trois messes – l’une dédiée à la Trinité, les deux autres au Saint Esprit – et la récitation de psaumes (7 ; 18 ; 21 ; 26 ; 31 ; 50 ; 28 ; 31 et 53) afin d’être investis de la puissance (virtus) divine41. Rien ne précise si la célébration en question doit avoir lieu à l’église, ou si elle doit se dérouler avec l’aide d’un prêtre dans le lieu secret préalablement défini, lui-même purifié et sacralisé ; mais au vu de la crainte du scandale qui se fait jour à d’autres occasions dans ce texte très subversif42, il est probable que la seconde solution prévaut. Le même processus se répète pour la préparation du couteau, des épées et autres instruments nécessaires à l’exorciste et à ses compagnons dans l’économie du rituel. Le couteau notamment, qui sert à la réalisation des cercles protecteurs (fiché en terre, il en est symboliquement le centre), doit être consacré en faisant chanter dix messes communes, puis trois autres supplémentaires, l’une dédiée au Saint-Esprit, les deux autres à la Vierge Marie43. D’autres occurrences du même type, prescrivant selon les cas trois ou neuf messes dont le destinataire n’est nommé, concernent l’encensoir44, la cire ou la terre vierge45, les aiguilles ou le 307stylet46, le parchemin47, ainsi que le tissu de laine ou de soie destiné à conserver intacts les différents artefacts une fois qu’ils ont été fabriqués et consacrés48. C’est uniquement dans ce contexte que le verbe cantare (ou celebrare) est utilisé, et le chant, allié à des aspersions d’eau bénite et à la récitation de psaumes, a à l’évidence une fonction exorcistique et démonifuge qui est au cœur même de tout processus de consécration. Placer un objet sous le sceau de Dieu implique d’en chasser préalablement le démon, comme c’est le cas pour tout chrétien au moment du baptême49, ou pour une église lorsqu’elle est consacrée par l’évêque50.
Dans la Clavicula Salomonis, la nature même de la messe qu’il faut faire chanter (plus qu’on ne la chante soi-même du reste) n’est guère précisée. C’est le cas également, par exemple, dans le Liber consecrationum, dont on possède plusieurs versions dans des manuscrits du xve siècle. Il s’agit en particulier de consacrer le livre des conjurations en le plaçant sur l’autel au moment même de la messe, et ce durant neuf jours consécutifs51. Dans ce cas, l’absence manifeste de dissimulation implique à l’évidence la complicité du prêtre, voire du clergé local ; toutefois, il n’est pas certain que le livre en question, qui n’a rien de particulièrement 308hétérodoxe si on le compare aux rituels d’exorcisme contemporains, était forcément assimilé à un livre de « nigromancie ». Quoi qu’il en soit, après chacune des messes quotidiennes dont il est le spectateur pieux et attentif, le conjurateur emporte le livre à son domicile, dans un lieu secret préalablement béni, où il doit le déposer après avoir noué autour de lui, en forme de croix, le cordon et l’étole sacerdotaux52. Le livre, littéralement « lié » et symboliquement scellé, est ainsi placé sous l’autorité de Dieu et de l’Église, en même temps que la croix figurée par les symboles du sacerdoce empêche les démons d’en prendre possession. L’étole sacerdotale, considérée comme le « joug de Dieu » par le liturgiste Guillaume Durant, joue, il faut le rappeler, un rôle notable dans les rituels d’exorcisme de dépossession, notamment lorsqu’elle est nouée autour du cou du possédé pour étrangler et ligoter le démon, afin de le soumettre puis de l’expulser53.
Dans d’autres cas cependant, les prescriptions se font un peu plus précises. On peut ainsi renvoyer au Te igitur, autrement dit au canon de la messe Te igitur, clementissime Pater, qui, dès l’époque carolingienne au moins, introduit la consécration eucharistique, symbole s’il en est de la présence divine54. C’est le cas par exemple dans le Liber juratus sive sacratus attribué à Honorius de Thèbes55, dans un chapitre de la Summa sacre magice de Bérenger Ganell qui reprend en substance le 309Liber juratus56, ainsi que dans un experimentum divinatoire visant la découverte des trésors cachés par la conjuration d’un esprit nommé « Agnam », conservé dans un manuscrit florentin du xve siècle57.
Le cas du Liber juratus, dont s’inspire étroitement la Summa sacre magice et son auteur Bérenger Ganell58, est le plus intéressant, car le recours au canon de la messe s’inscrit dans le processus de purification rituelle (mundacio) du candidat aux révélations célestes, seule garantie pour lui que l’art va être à la fois efficace et sans risque pour sa personne et son âme. Celui-ci, qualifié de prima mundacio, dure plusieurs jours (déterminés par le cours de la Lune) et consiste pour l’essentiel en la récitation de différentes prières latines et listes de verba ou de nomina sans signification empruntées pour partie à la tradition plus ancienne de l’Ars notoria, l’une des sources majeures du pseudo-Honorius ; celles-ci sont numérotées et copiées par la suite dans le Liber juratus59, ce qui permet de n’en donner que le numéro au moment d’exposer la procédure rituelle. Néanmoins, au terme de l’opération, le dévot doit assister à une messe dédiée au Saint-Esprit, chantée par un « prêtre prudent et fidèle », au sein de laquelle le chant du canon et la célébration eucharistique se mêlent à la récitation de ces prières et listes de noms qui n’appartiennent évidemment pas à la tradition liturgique. L’impétrant récite pour lui-même certaines d’entre elles pendant le déroulement de la messe. Mais à plusieurs reprises, le prêtre est, de son côté, tenu d’en intégrer quelques-unes dans la liturgie de l’office – y compris des listes de noms mystérieux, l’un des signes les plus manifestes du caractère superstitieux et donc démoniaque de l’Ars notoria et plus largement des arts magiques selon Thomas d’Aquin –, qui apparaît ici comme hybride, entre canon liturgique et tradition magique. Mieux même, au moment où il procède à la consécration eucharistique, ce dernier doit demander que les souhaits de son client soient exaucés en vertu de la 310Grâce divine ! On assiste donc à une forme d’instrumentalisation et de détournement du rituel de la messe. Le bénéficiaire du rituel reçoit pour finir la communion, suivie d’ultimes récitations, dans l’espoir de se voir investi de la puissance de Dieu, dont le « sceau » figure en bonne place dans le traité60. Toute cette opération fondée pour une bonne part sur le chant, difficile à distinguer nous l’avons dit de la récitation, doit-elle se tenir à l’église ? Le texte, à cet endroit, ne l’affirme pas explicitement ; mais cela semble quasi certain, dans la mesure où il est fait mention de l’autel où se déroule la célébration eucharistique et qu’ailleurs, dans l’économie générale du rituel, la fréquentation d’une église est requise61. Au vu de la nature peu orthodoxe d’une partie du langage mobilisé, on comprend mieux pourquoi il est exigé de recourir aux services d’un prêtre en qui l’on peut avoir toute confiance.
Le Liber juratus décrit également une autre procédure de purification, appelée secunda mundacio, destinée à ceux qui veulent bénéficier de la vision béatifique ante mortem, le but ultime du traité62. Centrée 311une nouvelle fois sur la communion63, elle implique une succession de messes dont l’inventaire est donné dans l’un des derniers chapitres du livre64. Durant seize jours se succèdent ainsi les offices célébrés par un prêtre. Le pseudo-Honorius en livre une fois n’est pas coutume les préfaces, bien attestées dans la tradition liturgique65 ; celles-ci doivent être chantées par le desservant du culte.
Jour |
Messe |
Préface |
1er |
Messe dominicale |
Nos tibi semper et ubique gracias agere, Domine sancte Pater, omnipotens eterne Deus, per Christum Dominum nostrum, per quem majestatem tuam laudant angeli […]66 |
2e |
Apôtres |
Te, Domine, suppliciter exorare, ut gregem tuum, pastor eterne […]67 |
3e |
Carême |
Nos tibi semper et ubique gracias agere, Domine sancte Pater, omnipotens eterne Deus, qui corporali jejunio vicia […]68 |
4e |
Nativité de la Vierge |
Et te in nativitate beate Marie […]69 |
5e |
Annonciation |
Et te in annunciacione […]70 |
6e |
Nativité du Christ |
Quia per incarnati verbi misterium nova […]71 |
7e |
Épiphanie |
Quia, cum unigenitus tuus in substancia nostre […]72 |
8e |
Purification |
Et te in purificatione beate Marie […]73 |
9e |
Résurrection |
Et te quidem, Domine, omni tempore set in hac potissimum nocte (vel die) gloriosius predicare, cum pascha nostrum […]74 |
10e |
Ascension |
Qui post resurreccionem suam omnibus discipulis suis manifestus apparuit […]75 |
312
11e |
Assomption |
Et te in assumpcione […]76 |
12e |
Saints |
Reprise et adaptation de la préface des apôtres (cf. 2e jour) |
13e |
Anges |
Reprise et adaptation de la préface des apôtres (cf. 2e jour) |
14e |
Saint Esprit |
Qui ascendens super omnes celos […]77 |
15e |
Sainte Croix |
Qui salutem humani generis in ligno […]78 |
16e |
Trinité |
Qui cum unigenito Filio tuo et Spiritu Sancto unus est Deus […]79 |
Dans ce cas, et contrairement au précédent, le chant liturgique au sein de l’église prend la place prépondérante dans la phase de préparation rituelle qui vise en quelque sorte à consacrer – ou à « dignifier » dirait Bérenger Ganell80 – le maître de l’art, qui se livre par ailleurs à une ascèse sévère. Sans doute est-ce dû à la nature hautement spirituelle de l’objectif visé. C’est une fois seulement revenu dans le lieu retranché et secret où il va se livrer seul à l’opération finale devant mener à la vision de Dieu qu’il récite de nouveau des prières issues de la tradition magique, dédiées notamment aux noms divins81. On voit ainsi comment on se plaît une nouvelle fois à jouer sur les deux registres pour mobiliser tous les ressorts du sacré, selon un effet cumulatif qui est 313l’un des principes fondamentaux de la pratique magique d’invocation ou de conjuration82.
Ailleurs, les formulaires de conjuration livrent l’introït ou la préface de la messe qu’il faut faire célébrer ou, peut-être, célébrer soi-même si le magicien est un prêtre. Dans l’experimentum divinatoire cité rapidement ci-dessus, il s’agit du célèbre Salve sancta parens83. Il faut procéder à l’ensemble de l’office dédié à la Vierge entre deux séquences de conjurations et de prières, sans que le lieu où la célébration doit se dérouler ne soit précisé84. Dans un formulaire générique destiné à faire apparaître un esprit conservé à Oxford, c’est la messe Tu vero Domine [i.e. la préface Te, Domine, suppliciter exorare, ut gregem tuum, pastor eterne85] qu’il faut faire célébrer après avoir récité une prière réclamant à Dieu la vertu de contraindre les esprits, et avant de se rendre dans le lieu secret où d’autres prières fondées sur la vertu des noms divins sont prononcées86. L’une d’elles est empruntée semble-t-il à la Clavicula Salomonis87. Dans ce cas, aucune conjuration, aucun exorcisme, autrement dit aucun commandement, n’est destiné aux esprits ; tout repose, au vu du texte, sur la seule vertu des noms divins et sur la volonté de Dieu et du Christ de dispenser la Grâce.
Ces exemples montrent que le chant de la messe est mobilisé en contexte magique, notamment pour consacrer des objets et des signes, ou pour renforcer la légitimité de l’invocateur ou du conjurateur, au regard de Dieu, voire, dans une moindre mesure, de l’Église. Ils apparaissent essentiellement, et ce n’est sans doute pas un hasard, dans de grands traités, qui sont les plus soucieux de défendre, parfois de manière très vindicative et polémique, le charisme religieux du magus, conçu avant tout comme un 314fervent chrétien88. Mais répétons-le, ils sont en définitive assez peu nombreux au vu des sources, il est vrai très lacunaires, dont nous disposons.
Les hymnes et les antiennes du répertoire grégorien, autrement dit les « chants de l’office89 », sont également mobilisés dans des circonstances comparables, sans qu’il soit toujours précisé là encore s’ils doivent être chantés ou seulement récités, une distinction de toute façon difficile à opérer nous l’avons dit. Pour un clerc, leur usage va de soi, et il peut se faire cette fois sans qu’un prêtre intervienne. Outre les Kyrie, Credo et Pater Noster mentionnés plus haut, d’autres chants liturgiques sont attestés comme ayant été souvent utilisés dans des rituels non-liturgiques. Certains psaumes, surtout les psaumes pénitentiels, et chants populaires comme l’Ave Maria, voient fréquemment leur usage condamné dans ce contexte par des autorités comme Thomas d’Aquin90. Le Quisquis erit du manuscrit de Stuttgart (également cité plus haut) est accompagné à cet égard d’une rubrique pertinente, qui précise, qu’en plus du Gloria, du Kyrie et du Pater Noster, le Quisquis erit doit être accompagné de récitations des psaumes 118 (Vivet anima mea, Erravi sicut ovis) et 143 (Domine exaudi orationem)91.
Dans le Liber juratus, la construction du sceau de Dieu92 – un signe complexe au cœur duquel figure le sceau ou pentacle de Salomon, consacré et investi du pouvoir de « lier » les « puissances célestes, terrestres et infernales », autrement dit les démons – est suivie d’une série de prières qui viennent définitivement sceller son appartenance au royaume divin. Si l’on y retrouve entre autres l’Ave Maria, le Credo, le Symbole d’Athanase et le Pater, qui affirment l’identité chrétienne du conjurateur, la séquence s’ouvre par la récitation d’un chant bien connu, le Beatus servus, quem cum venerit Dominus, invenerit vigilantem93, bientôt suivi par l’antienne Salve regina94, qui introduit d’autres prières adressées à la Vierge. Une 315fois cette série de chants et de prières pleinement orthodoxes accomplie, s’ensuit la récitation de nombre de prières latines et surtout de listes de verba prétendument grecques, hébraïques et araméennes issues de la tradition de l’Ars notoria, au sein desquelles figureraient des noms divins et des noms d’anges95, mais qui sont traditionnellement considérées comme des signes s’adressant aux démons par les théologiens.
Pratiquement tous les chants discutés dans cet essai, tout aussi bien ceux que l’on chantait dans les contextes magiques à proprement parler que dans les rituels superstitieux du quotidien médiéval, sortent droit du cœur de la messe et de l’office. Autrement dit, ce sont des pièces proéminentes dans la liturgie médiévale, et non pas des musiques obscures ou marginalisées. Du Kyrie au Pater Noster, ces morceaux étaient parmi les plus célèbres de la liturgie, connus par cœur des clercs qui les chantaient, ainsi que des membres de la congrégation qui assistaient à leur exécution durant la messe. Le contraire, donc, des chants que l’on associe communément avec les pratiques occultes médiévales, parfois tardivement du reste, comme le Dies irae96. Des chants bien connus, mais aussi des chants simples, exécutés par un chœur plutôt que par des solistes. Avec le Kyrie et le Gloria, « chants ordinaires » de la messe97, nous sommes loin des chants ornés réservés aux cantores entraînés, comme le graduel (i.e. graduel-répons) de la messe. Le Kyrie, surtout, était réputé pour sa facilité et son aptitude à être farci ou « tropé », c’est-à-dire truffé d’additions à caractère laïque. Le Gloria, mentionné dans la rubrique du Quisquis erit citée plus haut, était, comme le Kyrie, un des psalmi idioti à l’origine chantés par la congrégation98.
Simples et bien connus, ces chants étaient tirés pour la plupart de moments clefs de la messe, de l’eucharistie (Pater Noster) par exemple, ou des lectures dans la première moitié de la cérémonie chrétienne (Kyrie, 316Credo). Certains chants de la messe que l’on retrouve dans les rituels magiques évoquaient ce que la liturgie et la magie avaient en commun au Moyen Âge. L’Asperges me, antienne entonnée à l’aspersion de l’eau bénite au début de la messe99, est l’exemple le plus intéressant. L’eau, cet élément primordial dans le rituel chrétien, tout comme l’huile ou la cire, était – il va presque sans dire – souvent utilisée dans les rituels magiques. Non seulement l’Asperges me est cité dans la tradition des condamnations mentionnée plus haut100, mais également dans d’autres contextes, par exemple littéraires, qui témoignent des affinités particulières que ce chant pouvait avoir avec la magie, du moins dans les représentations. Dans le Roman de Renart le nouvel rédigé au xiiie siècle, on trouve par exemple un Asperges me noté dans un contexte révélateur. C’est à la suite de la confession de Renart, fausse comme toute déclaration de ce personnage qui incarne la ruse, qu’un prêtre entonne l’Asperges me ; la confession de Renart vient alors de délivrer l’équipage du bateau du naufrage101. Cette parodie de l’Asperges me est bien appropriée à Renart, figure du clerc corrompu bien versé dans les males arts102. Plus loin dans le même roman (Renart le nouvel), Timer l’âne, lui aussi figure de clerc corrompu, chante le Te Deum, ici encore une parodie de la musique liturgique à connotation magique, étant donné le symbolisme maléfique de l’âne dans la littérature médiévale (notamment le Roman de Fauvel rédigé vers 1300)103.
Pour d’autres raisons évidemment, on ne sera pas surpris de retrouver l’Asperges me dans la Clavicula Salomonis, en particulier dans les chapitres dédiés à la préparation rituelle de l’exorciste et de ses compagnons, dont certaines prescriptions ne sont pas sans faire écho à celles, plus anciennes, des formulaires d’exorcisme de dépossession104. Après avoir jeûné et s’être confessé, le maître doit procéder, nu, à un bain dans l’eau d’une fontaine 317ou d’une rivière exorcisée105 – une forme de réitération symbolique du baptême106 –, puis à des aspersions d’eau bénite sur son corps en entonnant l’Asperges me107, avant de se vêtir de blanc et de se fumiger à l’aide d’essences elles-mêmes préalablement exorcisées. La préparation de l’eau nécessaire aux aspersions est détaillée dans un chapitre dédié108. Il s’agit notamment de la fumiger, de la mélanger à du sel exorcisé selon une procédure inspirée de la liturgique chrétienne, puis de réciter les sept psaumes pénitentiels. On détaille aussi la préparation de l’« encensoir », constitué de différentes plantes (verveine, fenouil, valériane, marjolaine, basilic) liées en un bouquet fiché au bout d’une verge de noisetier à l’aide du couteau consacré ; on lui fait bénéficier de trois messes, puis le maître récite les premiers versets de l’Évangile de Jean, bien connus pour faire fuir les démons. Cette eau sert également à « baptiser » le chien qui peut accompagner le maître109, et elle est plus généralement requise pour toutes les opérations de consécration et d’exorcisme des objets et des signes dont va user ce dernier au gré des divers experimenta.
Dans l’Ars invocandi spiritus conservé dans le manuscrit de Florence, en réalité un formulaire générique de conjuration des démons qui est en 318partie dérivé du Liber consecrationum déjà cité, la protection du conjurateur consiste à chanter au préalable l’Asperges me suivi des autres chants qui l’accompagnent habituellement110. Puis s’opère l’entrée dans le cercle protecteur « préparé au nom du Christ », suivie de la récitation du psaume 66 (Deus, misereatur nostri) et de prières, dont l’une, Intret oratio mea in conspectu tuo, Domine, est par ailleurs un chant d’introduction de la messe ou une antienne111. La séquence se termine par le cantique Domine, non secundum peccata mea et les premiers versets de l’Évangile de Jean112.
D’autres occurrences de l’Asperges me peuvent être recensées dans le contexte de la purification du conjurateur, par exemple dans le Liber juratus113 et, sous une forme dérivée, dans la Summa sacre magice114. Mais on peut citer pour finir celle que l’on repère dans le Divinum opus de magia (sic) disciplina de l’universitaire et médecin de la première moitié du xve siècle Giorgio Anselmi de Parme115, un texte sur la magie des plus ambigus, qui associe le magus au philosophe et défend notamment dans son troisième traité l’art des bons « exorcistes », en réalité des véritables nigromanciens, en puisant à l’évidence à différentes sources de magie rituelle, dont, probablement, la Clavicula Salomonis. Dans le deuxième chapitre de la seconde partie du 3e traité dédié aux « cérémonies », c’est-à-dire aux moyens à mettre en œuvre pour conjurer les démons, est énoncée la façon dont doivent se préparer le maître et ses compagnons éventuels. Outre l’ascèse classique en tel contexte, puis la confession réitérée à plusieurs reprises, il convient, à l’aide d’eau pure exorcisée conservée dans un vase, de se laver, tout en « chantant » l’Asperges me. On est proche ici de ce que prescrit la Clavicula, comme on l’a vu plus haut. 319Une fois que cette purification a été menée à son terme, il faut chanter de nouveau, le Te Deum cette fois, avant de procéder à des aspersions d’eau dans les différentes parties de la maison qui servira de lieu idoine pour les opérations de conjuration, tout en commandant au diable de s’enfuir116. Deux chapitres plus loin, une cérémonie assez comparable concerne cette fois de manière plus précise le lieu de l’art, qu’il faut durant sept jours purifier à l’aide d’aspersions et d’exorcismes, avant que ne soient dessinés sur le sol les cercles protecteurs, conçus comme une véritable forteresse (castellum). L’opération s’achève par des fumigations, une dernière aspersion et le chant de remerciement du Te Deum117.
Le chant joue ainsi son rôle dans les textes et les experimenta de magie rituelle. Il puise à la liturgie commune et participe de la louange divine, pour solliciter protection et puissance à différents niveaux. À cet égard, il tend à faire des adeptes de cette littérature des invocatores au sens positif du terme, c’est-à-dire des chrétiens qui sollicitent humblement l’aide de Dieu et Sa toute-puissance pour parvenir à leurs fins. Il renforce également la sacralité et la solennité des opérations, en particulier lorsqu’elles se déroulent à l’église, durant le temps de la célébration eucharistique. Pour autant, à un niveau général, son usage reste relativement secondaire – du moins si l’on ne prend pas en compte les psaumes, beaucoup plus fréquemment mobilisés –, et il ne saurait masquer le caractère original des autres signes utilisés en contexte magique, y compris lorsqu’il s’agit s’adresser à Dieu, que l’on pense par exemple à la multitude de noms divins que transmettent ces textes, et qui excède très largement la norme admise en la matière dans le monde chrétien118. C’est ainsi que les « exorcistes » des textes de magie passent 320aux yeux des théologiens pour des invocatores demonum, autrement dit pour des chrétiens dévoyés qui offrent aux démons les honneurs dus à Dieu Seul. Le recours souvent dissimulé, nous l’avons vu, au sacré de l’Église et à ses chants ne pouvait que les conforter dans cette conviction.
John Haines
University of Toronto
Julien Véronèse
Université d’Orléans
EA 4710 POLEN
1 J. Véronèse, « La parole efficace dans la magie rituelle médiévale (xiie-xve siècle) », Le pouvoir des mots au Moyen Âge, éd. N. Bériou, J.-P. Boudet et I. Rosier-Catach, Turnhout, Brepols, 2014, p. 409-434. Sur cette littérature, cf. J.-P. Boudet, Entre sciences et nigromance. Astrologie, divination et magie dans l’Occident médiéval (xiie-xve siècle), Paris, Publications de la Sorbonne, 2006.
2 B. Grévin et J. Véronèse, « Les ‘caractères’ magiques au Moyen Âge central (xiie-xive siècle) », Bibliothèque de l’École des Chartes, 162/2, 2004, p. 305-379.
3 J. Haines, « On Ligaturae and their Properties : Medieval Music Notation as Esoteric Writing », The Calligraphy of Medieval Music, éd. J. Haines, Turnhout, Brepols, 2011, p. 203-222 ; J. Haines et J. Véronèse, « Nota et figura : vers une lecture totale de la note musicale au Moyen Âge », Philologie et Musicologie. Des sources à l’interprétation poético-musicale (xiie-xvie siècle), éd. Ch. Chaillou-Amadieu, O. Floquet et M. Grimaldi, Paris, Classiques Garnier, 2019, p. 218-237.
4 F. Graf, La magie dans l’Antiquité gréco-romaine. Idéologie et pratique, Paris, Les Belles Lettres, 1994, p. 244-249 ; G. Bohak, Ancient Jewish Magic. A History, Cambridge, Cambridge University Press, 2008, p. 258-270.
5 J. Véronèse, « Sauts de langues et parole performative dans les textes de magie rituelle médiévale (xiie-xve siècle) », Le Moyen Âge dans le texte. Cinq ans d’histoire textuelle au Laboratoire de Médiévistique occidentale de Paris, éd. B. Grévin et A. Mairey, Paris, Publications de la Sorbonne, 2016, p. 77-92.
6 J. Véronèse, L’Ars notoria au Moyen Âge. Introduction et édition critique, Florence, Sismel-Edizioni del Galluzzo, 2007, qui permet en la matière une comparaison entre la version A (xiiie s.) et la version glosée ou version B (xive s.) ; id., « The Ars notoria in the Middle Ages and Modern Times : Diffusion and Influence(s) », Dialogues among Books in Medieval Western Magic and Divination, éd. S. Rapisarda et E. Niblaeus, Florence, Sismel-Edizioni del Galluzzo, 2014, p. 147-178.
7 Clavicula Salomonis, I, 2, ms. Coxe 25 (collection privée ; ex ms. Amsterdam, BPH, 114, xve s.), p. 91 : Si vero per ista verba non apparuerint [spiritus] et cum ense quatuor partes mundi aerem verberat, exorcisator surgat quasi vir robustus et socios confortet, stando in medio circuli genibus flexis, socii similiter cum ipso cum libro, genu flexo magister humili voce dicat : ‘Ubi estis vos, spiritus angeli Dei […] ?’. ; R. Kieckhefer, Forbidden Rites. A Necromancer’s Manual of the Fifteenth Century, Stroud, Sutton Publishing, 1997, par exemple l’experimentum no 12 de magie amoureuse, p. 226 [= ms. Munich, BSB, Clm 849, xve s., fol. 30r] : Et incipiat magister artem facere, sive ymaginem mulieris pro qua facis, semper murmurando in corde tuo : ‘Tu Belial, tu Astarotht, tu Paymon, ad hoc sitis opus michi adjutores’. Et similiter murmurando dices : ‘Ego, N., formo istam ymaginem in amorem tali […]’.
8 Clavicula Salomonis, I, 2, ms. Coxe 25, p. 84 : Si autem apparuerint [spiritus] ea hora subito, bene ostende eis pentacula et viriliter cum eis colloquium adimpletur. Si vero non apparuerint, exalta vocem sibulumque eiciat cum manu aerem verberans undique et socios iterum hortetur firmissima voce et dicat : ‘Ecce vos conjuro, spiritus, adjuro, contestor et exorciso, per potentissimum et roboratum nomen Domini El […]’. ; voir aussi p. 91. L’usage du sifflet est également attesté dans le Liber juratus sive sacratus (III, CXXXIII, 55 ; V, CXL, 1-5, préparation du sifflet) attribué à Honorius de Thèbes, et dans la Summa sacre magice (= SSM ; datée de 1346) du clerc catalan Bérenger Ganell : cf. ‘Liber iuratus Honorii’. A Critical Edition of the Latin Version of the Sworn Book of Honorius, éd. G. Hedegård, Stockholm, Almqvist & Wiksell International, 2002, p. 142 et 149 ; SSM, II, I, c. 6 : De sibilo, ms. Kassel, Landes- und Murhardsche Bibliothek, 4o astron. 3, fol. 34v-35r. Même si l’usage d’un sifflet implique à l’évidence dans ce contexte une forme de commandement, pense-t-on également de la sorte, par analogie, s’adresser efficacement aux démons qui seraient implicitement associés à l’antique serpent ? Sur la voix sifflante du serpent dans l’exégèse, cf. J.-M. Fritz, Paysages sonores du Moyen Âge. Le versant épistémologique, Paris, Honoré Champion, 2000, p. 271-276.
9 Clavicula Salomonis, II, 6, ms. Coxe 25, p. 122-123 : Et antequam incipiat aliquam conjuracionem, magister habeat componellam et pulset, quatenus per quatuor mundi partes sonum audiant. […] In campanella debent esse scripta hec nomina ‘Osbias, Joth’ et hos karacteres [5 signes] ad hoc, ut virtutem eorum nominum corporibus quod pavescunt timent et obediant vel obediunt.
10 Outre l’ouvrage cité supra, voir J.-M. Fritz, La cloche et la lyre. Pour une poétique médiévale du paysage sonore, Genève, Droz, 2011.
11 Voir par exemple É. Dupras, Diables et saints. Rôle des diables dans les mystères hagiographiques français, Genève, Droz, 2006, p. 75-82. Pour l’iconographie, on peut se reporter à R. Hammerstein, Diabolus in Musica. Studien zur Ikonographie der Musik im Mittelalter, Berne-Munich, 1974.
12 Clavicula Salomonis, I, 2, ms. Coxe 25, p. 97 : Hoc completo videbis venire spiritus et dominos ipsos sicut imperatores qui intrant civitates, primo venient barones et venatores, secundo quasi milites et domicelli, ultimo veniet rex ipsorum, quem procedent omnia genera instrumentorum et diversarum vocum organo et dulcissimo cantu dulce melos. ; II, 22, ms. cit., p. 136-137 : Postremo venient reges regum et imperatores imperatorum ipsorum et reges et principes et magnatos et turba multa, defferentes secum omnia genera instrumentorum, facientes dulcissima sona et dulces voces et ultra transire noluerint.
13 De officiis spirituum, ms. Coxe 25, p. 183 : Boray, magnus comes est et preses. Apparet in similitudine thauri, et quando suscipit formam humanam, reddit hominem mirabilem in astronomya et in omnibus aliis artibus liberalibus ; SSM, II, II, c. 9 : De formatione ydee, ms. Kassel, 4o astron. 3, fol. 47v : Admoday habet multas legiones, est de ordine potestatum, est magister dicit Salomon instrumentorum et musice, et magistri dicunt quod ad plenum docet quadrivium, et dat vera responsa de interrogatis […]. Sur ce genre spécifique, cf. J.-P. Boudet, « Les who’s who démonologiques de la Renaissance et leurs ancêtres médiévaux », Médiévales, 44, 2003, p. 117-140.
14 De officiis spirituum, ms. Coxe 25, p. 178 : [Oriens] apparet enim pulcher in visu et est quasi femineus, in capite portans splendidam coronam, equitans super elevantem (sic) et ante ipsum procedunt semper tube et symphonie et alia diversa genera instrumentorum […]. ; p. 181 : Barbaros magnus comes et dux est. Apparet in signo Sagittarii silvestris cum quatuor regibus ferentibus tubas […]. ; Mursan vel Wursur magnus rex est et forte. Apparet in specie hominis, habens faciem leoninam […], equitans super ursum ferocissimum, et ante eum procedunt semper thube […]. ; p. 184 : Byleth magnus rex est et terribilis. Equitat super equum pallidum, et ante eum precedunt tube et symphonie et omnia genera instrumentorum ; p. 186 : [Paymon rex] habet vultum femineum et ante eum precedunt exercitus cum tubis, zimbalis bene sonantibus et multis instrumentis organicis. On retrouve par exemple ce type de représentation de la troupe des démons dans certains cycles iconographiques manuscrits mettant en scène la légende de Théophile et de son pacte avec le diable, notamment dans la version des Miracles de Nostre-Dame de Gautier de Coincy : mss La Haye, Koninklijke Bibliotheek, 71 A 24, Paris, c. 1320-1340, fol. 1r (un démon joue du tambour, un autre d’une lyre ou d’un rebec) ; Paris, BnF, n.a.fr. 24541, Paris, c. 1330-1340, fol. 8v (un démon joue de la trompe).
15 B. Delaurenti, La puissance des mots. « Virtus verborum ». Débats doctrinaux sur le pouvoir des incantations au Moyen Âge, Paris, Cerf, 2007, par exemple p. 455-470 à propos du pouvoir de la musique et des sons chez Nicole Oresme. Voir aussi la contribution de B. Delaurenti et de F. Guichard-Tesson dans le présent dossier.
16 D. P. Walker, La magie spirituelle et angélique de Ficin à Campanella, Paris, Albin Michel, 1988 (trad. fr. ; 1re éd. angl. : Londres, The Warburg Institute, 1958) ; N. Weill-Parot, Les « images astrologiques » au Moyen Âge et à la Renaissance. Spéculations intellectuelles et pratiques magiques (xiie-xve siècle), Paris, Honoré Champion, 2002. Voir aussi la contribution de L. Wuidar dans le présent dossier.
17 J.-P. Boudet et J. Véronèse, « Lier et délier : de Dieu à la sorcière », dans La légitimité implicite. Actes des conférences organisées à Rome en 2010 et en 2011 par SAS en collaboration avec l’École française de Rome, dir. J.-Ph. Genet, Paris-Rome, Publications de la Sorbonne-École française de Rome, 2015 (« Le pouvoir symbolique en Occident, 1300-1640 »), vol. I, p. 87-119.
18 Kieckhefer, Forbidden Rites, p. 12-13 et 126-149 ; pour un exemple bien documenté, voir M. Duni, Tra religione e magia. Storia del prete modenese Guglielmo Campana (1460 ?-1541), Florence, Leo S. Olschki Editore, 1999.
19 À ce propos, voir notre mise au point récente : J. Véronèse, « Solomonic Magic », The Routledge History of Medieval Magic, éd. S. Page et C. Rider, Londres-New York, Routledge, 2019, p. 187-200.
20 En attendant nos travaux d’Habilitation à diriger des recherches sur le thème de L’invocation et la conjuration des démons en Occident à la fin du Moyen Âge, voir, pour un exemple précis, F. Chave-Mahir et J. Véronèse, Rituel d’exorcisme ou manuel de magie ? Le manuscrit Clm 10085 de la Bayerische Staatsbibliothek de Munich (début du xve siècle), Florence, Sismel-Edizioni del Galluzzo, 2015.
21 J. Haines, « Why Music and Magic in the Middle Ages ? », Magic, Ritual and Witchcraft, 5, 2010, p. 149-172.
22 J. Haines, Chants du diable, chants du peuple. Voyage en musique dans le Moyen Âge, Turnhout, Brepols, 2018, p. 17-18.
23 Haines, Chants du diable, p. 31 : Ligaturas et incantationes […] quas nefarii homines […] faciunt, dum dicunt diabolica carmina super panem aut super herbas, et super quaedam nefaria ligamenta.
24 W. Irtenkauf, « Der Computus Ecclesiasticus in der Einstimmigkeit des Mittelalters », Archiv für Musikwissenschaft, 14, 1957, p. 1-15.
25 Nous ne connaissons qu’une autre mélodie notée médiévale que l’on pourrait considérer comme « magique » en dehors du Quisquis erit, c’est le chant Agat melos (xive s.) édité dans Haines, « Music and Magic », p. 170.
26 R. Kottje, L. Körntgen et U. Spengler-Reffgen (éd.), Paenitentialia minora Franciae et Italiae saeculi viii-ix, Turnhout, Brepols, 1994, (Corpus Christianorum Series Latina, 156), p. 114. D’autres citations sont à trouver dans J. Haines, « Le praecantator et l’art du verbe », Les Noces de Philologie et Musicologie. Textes et musiques du Moyen Âge, éd. Ch. Cazaux-Kowalski, Ch. Chaillou-Amadieu, A.-Z. Rillon-Marne et F. Zinelli, Paris, Classiques Garnier, 2017, p. 449-466, ici p. 461.
27 Véronèse, L’Ars notoria au Moyen Âge, pour ce qui concerne la version A (xiiie s.) et la version glosée (ou B ; début du xive s.).
28 Voir par exemple la version de ce texte conservée dans le ms. Vienne, Scot.-Vind. 140 (61), fol. 140r-153v, ici fol. 141r-142v. À propos de ce texte inédit, voir J. Véronèse, L’Ars notoria au Moyen Âge et à l’époque moderne. Étude d’une tradition de magie théurgique (xiie-xviie siècle), Thèse dactylographiée de l’université Paris X-Nanterre, 2004, t. I, p. 303-317 (tradition manuscrite), et t. II, p. 967-984 (édition de travail) ; id., « Le rêve sollicité : un thème de la magie rituelle médiévale », Sociétés & Représentations. Rêves, 23, 2007, p. 83-103, ici p. 96-97.
29 Ms. Vienne, Scot.-Vind. 140 (61), fol. 145r : Hec sunt misse quibus consecranda est figura memorie. Prima in die Solis est dicenda de Sancta Trinitate, posita figura sub corporali ; die Luna de Sancta Cruce ; die Martis de Sancto Spiritu ; die Mercurii de Beata Virgine Maria ; die Iovis de apostolis ; die Veneris de angelis ; die Saturni de omnibus sanctis. Cum vero consecrata fuerit munde servetur in syndone, vel alio mundo panno serrico, et in hoc terminatur. Hec figura debet consecrari in decem missis vel in septem vel in tribus cum summa veneratione et contritione cordis, confessione, penitentia, devotione bonis operibus, fide, spe et caritate et castitate. Tres misse sunt principales, scilicet de Sancta Trinitate, de Sancta Cruce et de Sancto Spiritu. Post hec de domina et alie sunt de quibuscumque sanctis. Postquam jam consecrata est in missis dictis. Du fait de la hiérarchie que dessinent ici les offices, on remarque que les anges ne sont pas célébrés le lundi, la Croix le vendredi, ou la Vierge le samedi, comme le veut la distribution des messes votives la plus courante à la fin du Moyen Âge : cf. J.-B. Lebigue, Initiation aux manuscrits liturgiques, École thématique. Ateliers du Cycle thématique de l’IRHT de l’année 2003-2004, dirigé par O. Legendre et J.-B. Lebigue consacré aux manuscrits liturgiques, 2007, p. 35-39 (cf. http://aedilis.irht.cnrs.fr/liturgie/, consulté le 22/11/2019).
30 John of Morigny, Liber florum celestis doctrine. The Flowers of Heavenly Teaching. An Edition and Commentary by Claire Fanger and Nicholas Watson, Toronto, Pontifical Institute of Mediaeval Studies, 2015.
31 Boèce, Traité de la musique, trad. Ch. Meyer, Turnhout, Brepols, 2004, p. 52-53.
32 Haines, Chants du diable, p. 98-99.
33 J. Véronèse, « Faire société avec les démons ? Le magicien et la question du pacte aux derniers siècles du Moyen Âge », L’homme comme animal politique et parlant, éd. G. Briguglia, S. Gentili et I. Rosier-Catach, Philosophical Readings, XII.1, 2020, p. 297-313, sous presse.
34 Chave-Mahir et Véronèse, Rituel d’exorcisme ou manuel de magie ?, p. 85-93 et 178-197.
35 J.-P. Boudet, « Les condamnations de la magie à Paris en 1398 », Revue Mabillon, n.s., 12 (t. 73), 2001, p. 121-157, ici p. 150, art. 12 : Quod verba sancta et orationes quedam devote et jejunia et balneationes et continentia corporalis in pueris et aliis, et missarum celebratio et alia opera de genere bonorum, que fiunt pro exercendo hujusmodi artes, excusent ea a malo, et non potius accusent. Error, nam per talia sacre res, immo ipse Deus in eucharistia demonibus temptatur immolari ; et hoc procurat demon, vel quia vult in hoc honorari similiter Altissimo, vel ad fraudes suas occultandas, vel ut simplices illaque et facilius et damnabilius perdat.
36 Ibid., § 2, p. 149 : Neque tamen intentio nostra est in aliquo derogare quibuscunque licitis et veris traditionibus, scientiis et artibus, sed insanos errores atque sacrilegas insipientium et ferales ritus, quo quanto fidem orthodoxam et religionem christianam ledunt, contaminant, inficiunt, radicitus, quantum fas nobis est, extirpare satagimus, et honorem suum sincerum relinquere veritati.
37 J.-P. Boudet et J. Véronèse, « Le secret dans la magie rituelle médiévale », Il Segreto, Micrologus. Natura, Scienze e Società Medievali, XIV, 2006, p. 101-150.
38 Ms. Coxe 25, collection privée (ex Amsterdam, BPH, 114), xve s., p. 74-138. Une version italienne incomplète datée de 1446 et conservée dans le ms. Paris, BnF, ital. 1524, fol. 178v-235r, a été récemment éditée : F. Gal, J.-P. Boudet et L. Moulinier-Brogi, Vedrai mirabilia. Un libro di magia del Quattrocento, Rome, Viella, 2017, p. 362-419.
39 Clavicula Salomonis, I, 3, ms. Coxe 25, p. 89 : In isto capitulo pentaculorum sive candariarum pendet tota scientia Clavicule […].
40 Clavicula Salomonis, I, 2, ms. Coxe 25, p. 97.
41 Clavicula Salomonis, I, 3, ms. Coxe 25, p. 89-90, puis 100 (reconstitution de l’ordre du texte) : Pentacula sive candarie superscripte cum nominibus sanctissimis et gloriosissimis insertis in ipsis erant scripte Moysi et Salomon divina revelacione accepit et in unum collegit et consecravit ad omnem necessitatem humani generis pro tutamine corporis. […] Super quod sint cantande tres misse cum ewangeliis et sit suffumigatum fumigacionibus infra scriptis. […] Hoc modo tribus vicibus dicto post hoc facias supradicta signa celebrare tres missas, duas Sanctu Spiritu et primam Trinitatis. Pour une figuration des pentacles absente du ms. Coxe 25, cf. Gal, Boudet et Moulinier-Brogi, Vedrai mirabilia, p. 368-369.
42 Clavicula Salomonis, II, 6, ms. Coxe 25, p. 121-122.
43 Clavicula Salomonis, II, 7, ms. Coxe 25, p. 123.
44 Clavicula Salomonis, II, 11, ms. Coxe 25, p. 128.
45 Clavicula Salomonis, II, 17, ms. Coxe 25, p. 133.
46 Clavicula Salomonis, II, 18, ms. Coxe 25, p. 134.
47 Clavicula Salomonis, II, 19, ms. Coxe 25, p. 134-135.
48 Clavicula Salomonis, II, 21, ms. Coxe 25, p. 136.
49 H. A. Kelly, The Devil at Baptism. Ritual, Theology and Drama, Ithaca-Londres, Cornell University Press, 1985.
50 D. Iogna-Prat, La Maison Dieu. Une histoire monumentale de l’Église au Moyen Âge (v. 800-v. 1200), Paris, Seuil, 2006.
51 Quelques autres textes et experimenta se livrent à des opérations de consécration du même type : De quatuor annulis, ms. Florence, BML, Plut. 89 sup. 38, xve s., fol. 211r-231v, ici fol. 216r [1er anneau] : Postea pone sub altare donec tres misse celebrentur ; fol. 218r [2e anneau] : Post consecrationem deferas anulum ad eclesiam donec septem misse celebrentur, et sic mundissime et diligenti cura in loco odorifero reservetur ; mss Coxe 25, Exorcismus lapidum preciorosrum, p. 167-169, à propos de pierres précieuses qui sont conjurées, baptisées puis consacrées pour être efficaces, notamment pour susciter l’amour, ici p. 169 : Et postea [i.e. après qu’elles ont été baptisées] ponas eos in panno serico cum grana piperis apposite et porta eos sub palla cujuscumque altaris usque desuper novem misse cantantur a sacerdote. Et postea observa eos diligenter ne amiseris ; Oxford, Bodleian Library, Rawlinson D.252, xve s., fol. 111r-114v, experimentum de catoptromancie pour découvrir les trésors cachés ; il s’agit de consacrer un lacet qui permettra d’attacher une charte au pouce droit de l’enfant médium et de lier ainsi l’esprit conjuré afin qu’il dise toujours la vérité, fol. 111v : Modus consecrandi laqueum est iste. Accipiat magister laqueum cerici rubei et ponat secrete super altare in ea parte que legitur ewangelium, et dicat post missam stando propre altare : ‘Exorcizo te, laqueum, per virtutem omnipotentis Dei, et per sanctum sacramentum quod celebratum est juxta te, et per sanctum ewangelium quod lectum est super te […], ut nullus spiritus cujus nomen per te ligatum fuerit habeat potestatem fallendi aut menciendi aliquo modo, sed veritatem nobis dicat […]’.
52 Kieckhefer, Forbidden Rites, no 31, p. 258 = ms. Munich, BSB, Clm 849, fol. 52v-53r (1ère version) : […] et sit mundis indutus vestibus, novem diebus ante opus inceptum, et debet audire in qualibet missam unam, et librum istum secum deferre et pone super altari donec missa finiatur quolibet die, quosque transacti fuerint omnia, et hec devotissime faciat, cume oracionibus et jejuniis […]. Et cottidie post missam librum portabis domi. Et habeas locum secretum ab omnibus absconditum, ne aliquis sit presens operi suo, et prius aspergat locum aqua benedicta ubi librum istum ponet, et cum cingulo sacerdotali et stola dedicata liget eum in modum crucis circumquaque, et flexis genibus versus orientem dicat.vij. psalmos cum letania […] ; fol. 135v (2e version). Pour d’autres versions, voir mss Coxe 25 cit., p. 188 ; Florence, BML, Plut. 89 sup. 38, fol. 270v, au sein d’une version du Liber consecrationum intégrée dans une version de l’Almandal salomonien : cf. J. Véronèse, L’Almandal et l’Almadel latins au Moyen Âge. Introduction et éditions critiques, Florence, Sismel-Edizioni del Galluzzo, 2012, version F2, § 15, p. 106-107.
53 F. Chave-Mahir, L’exorcisme des possédés dans l’Église d’Occident (xe-xive siècle), Turnhout, Brepols, 2011, p. 155-157 et 197 ; Chave-Mahir et Véronèse, Rituel d’exorcisme ou manuel de magie ?, p. 38, 53-54, 66, 73-74, 91-92, 117, 150 et 187. Voir notamment p. 150, ms. Munich, BSB, Clm 10085, § 10, fol. 3v : Finita oratione exorcista vel alius debet ponere stolam ad collum obsessi in modum crucis […].
54 M. Smyth, « L’antique prière eucharistique romaine et les autres témoins de cette tradition », Revue des Sciences Religieuses, 88/1, 2014, p. 27-48.
55 ‘Liber iuratus Honorii’, I, LII, 5-13, p. 92.
56 SSM, IV, I, c. 5 : De sacratione honorifica, ms. Kassel, 4o astron. 3, fol. 100v-101r. De manière générale, à propos de cette vaste compilation, voir la présentation de D. Gehr, « Beringarius Ganellus and the Summa sacre magice : Magic as the Promotion of God’s Kingship », The Routledge History of Medieval Magic, p. 237-254.
57 Ms. Florence, BML, Plut. 89 sup. 38, fol. 67r-73r, ici fol. 72v.
58 J. R. Veenstra, « Honorius and the Sigil of God : The Liber juratus in Berengario Ganell’s Summa sacre magice », Invoking Angels. Theurgic Ideas and Practices, Thirteenth to Sixteenth Centuries, éd. C. Fanger, University Park, The Pennsylvania State University Press, 2012, p. 151-191.
59 ‘Liber iuratus Honorii’, I, LIII-XCVI, p. 92-107.
60 ‘Liber iuratus Honorii’, I, LII, 5-13, p. 92 : Tunc habeat sacerdotem cautum et fidelem, qui sibi matutinam, primam et terciam et missam de Spiritu Sancto cantet dicens in introitu 13 [i.e. Ihelur, judex omnipotens, Pater, p. 96], post offertorium 9 [i.e. Sadyon, scio enim, p. 95]. Tunc accipiat thus et suffumiget, ut pertinet ad altare, dicens primam [i.e. Agla, lux, veritas, vita, via, p. 92]. […] Operans autem, si in aliquibus aliis sanctis majorem devocionem habeat, mutet nomen pro nomine, quia fides operatur ut predixi. 2a oracio [i.e. Monhon, Domine sancte Pater, p. 92-93] immediate dicatur et post ‘Te igitur’ 3 [i.e. Tetragramathon, respice, Domine, p. 93], 4 [i.e. Hely Deus, creator Adonay, p. 93], 5 [i.e. Hocleiste, sancte Deus, Pater pie, p. 93], 7 [i.e. Lamyhara, omnipotens misericors Pater, p. 94], 8 [i.e. Hanazay, Zarahoron, Hubisenaar, p. 94], et sic in sacrando corpus Christi petat pro operante sacerdos, ut effectum peticionum suarum per divinam graciam assequatur. […] Item post communionem dicat sacerdos 26 [i.e. Maloht, Otheos, Hatamagiel, Hataha, p. 103], post missam vero recipiat operans eucaristiam, dicendo 19 [i.e. Joht, Omaza, Behea, Theon, p. 99], 20 [i.e. Hofob, Deus Pater inmense, a quo procedit omne, p. 99] ; repris dans SSM, IV, I, c. 5, ms. Kassel, 4o astron. 3, fol. 100v-101r : Tunc habes sacerdotem cautum et fidelem qui tibi illa 20a die cantet matutinas et primam et terciam et missam de Sancto Spiritu, dicens in introitu 13 orationem, et post offertorium nonam orationem. […] Post ‘Te igitur’ misse, quod est in canone misse, dicat sacerdos idem 3, 4, 5, 7, 8 orationem. Et in sacrando corpus Christi petat Christo pro operante sacerdos, ut effectum peticionum suarum per divinam gratiam assequatur. Item post communionem dicat sacerdos 26. Post missam vero recipiat operans heucaristiam, dicendo 19 et 20 orationes, et ista vocatur prima mundatio modernorum. Pour une autre adaptation du même texte, cf. SSM, III, I, c. 2 : De modo invocandi in circulo, ms. Kassel, 4o astron. 3, fol. 64v-65r. La messe au Saint-Esprit est par ailleurs utilisée dans diverses opérations de conjuration des rois des démons exposées par la suite.
61 ‘Liber iuratus Honorii’, II, CXIII-CXIV, p. 120.
62 Pour une contextualisation du traité dans le cadre de la controverse sur la vision béatifique au temps du pape Jean xxii, cf. J.-P. Boudet, « Magie théurgique, angélologie et vision béatifique dans le Liber sacratus attribué à Honorius de Thèbes », Les anges et la magie au Moyen Âge, éd. J.-P. Boudet, H. Bresc et B. Grévin, Mélanges de l’École Française de Rome. Moyen Âge, 114/2, 2002, p. 851-890.
63 ‘Liber iuratus Honorii’, I, XCVIII, p. 108.
64 ‘Liber iuratus Honorii’, V, CXXXVIII, p. 147-148.
65 Lebigue, Initiation aux manuscrits liturgiques, p. 120-121.
66 Cantux Index (Online Catalogue for Mass and Office Chants, consulté pour toutes les références le 22/11/2019), g02785, préface dans l’ordinaire de la messe.
67 Cantux Index, g02795, préface de la messe des apôtres.
68 Cantux Index, g02788, préface de la messe de Carême.
69 Cantux Index, g02794, préface de la messe de la Vierge Marie (modèle décliné).
70 Ibid.
71 Cantux Index, g02786, préface de la messe de la Nativité.
72 Cantux Index, g02787, préface de la messe de l’Épiphanie.
73 Cantux Index, g02794, préface de la messe de la Vierge Marie (modèle décliné).
74 Cantux Index, g02790, préface de la messe de la Résurrection.
75 Cantux Index, g02791, préface de la messe de l’Ascension.
76 Cantux Index, g02794, préface de la messe de la Vierge Marie (modèle décliné).
77 Cantux Index, g02792, préface de la messe de la Pentecôte.
78 Cantux Index, g02789, préface de la messe de la Croix.
79 Cantux Index, g02793, préface de la messe de la Trinité ; g02793.1.
80 La « dignification » place l’invocateur sous l’autorité de Dieu, garant de l’efficacité de l’art, et le protège des démons : cf. SSM, IV, I, c. 7 : De dignificatione, ms. Kassel, 4o astron. 3, fol. 104v-105v, notamment fol. 104v : Unde dignificatio est adquisitio autoratis in arte a principibus artis, Deo et angelo. Et ideo patet quod quando quis in arte non est dignificatus, quod in ea non est autenticus neque licenciatus, si ergo operetur in ea, operatur ut non habens autoritatem neque licenciam operandi, quare si optineat, hoc erit raro et a casu et per cautelam malignorum, ut circumveniant vel interficiant operatorem. Et si operetur dignificatus, operatur ut habens auctoritatem et licenciam operandi, quare si operetur scienter, operatur certe, secure, infallibiliter, ipsis coactis et compulsis venire, aparere, respondere, et mandata servare, neque possit sibi nocere, nisi ex terrore et paviditate.
81 ‘Liber iuratus Honorii’, I, § XCIX-C, p. 108-111, notamment § C, p. 109 : Ex nunc eris in loco concluso, ubi non sit frequentacio personarum, et qualibet die dices istas oraciones que secuntur, cum precedentibus, que pertinent operanti […] ; repris dans SSM, IV, I, c. 5, ms. Kassel, 4o astron. 3, fol. 101v : Ex tunc eris separatus et inclusus in loco solus ubi non sit frequentatio personarum, et qualibet die dices omnes orationes Libri tercium animarum que prius adhuc non sunt allegate, cum illis predictis allegatis, que pertinebant operanti et non sacerdoti.
82 Véronèse, « Sauts de langues et parole performative », op. cit.
83 Cantux Index, g01408, introït de l’office de la Vierge.
84 Ms. Florence, BML, Plut. 89 sup. 38, fol. 67v : Postea dicas ‘Salve sancta parens’, cum orationibus ‘Concede nobis famulos tuos’, et tota missa cum epistola et ewangelio et ‘Sanctus’ et ‘Agnus Dei’ et prefatio usque ad finem […].
85 Cantux Index, g02795, préface de la messe des apôtres.
86 Ms. Oxford, BL, Rawlinson D.252, fol. 63r-66r, ici fol. 63r : ‘Tu vero Domine’ missa celebratur, predictam orationem devotissime dicere debes per 9 diebus peractis, scribendo tuam questionem, et tunc vadas ad locum secretum […].
87 Ms. Oxford, BL, Rawlinson D.252, fol. 64v : O Adhonay sanctissime, El potens, On piissime, qui es Alpha et Omega, qui omnia in sapiencia condidisti […]. Cf. Clavicula Salomonis, I, 3, ms. Coxe 25, p. 90, puis 100 : Adonay sanctissime, El potens, On piissime, qui es Alpha et O, qui in divina sapientia condidisti […].
88 Boudet, « Magie théurgique, angélologie et vision béatifique ».
89 Lebigue, Initiation aux manuscrits liturgiques, p. 63.
90 Haines, « Le praecantator et l’art du verbe », p. 461-462.
91 Stuttgart, Württembergische Landesbibliothek, Cod. Math. Q 33, fol. 41r : Cum sanguinem minuere velis, dices hoc gregorianum in orationibus tuis : ‘Deus in adjutorium meum intende’ tunc ter, et ‘Gloria Patri’, ‘Kyrie eleison’, ‘Christe eleison’, ‘Kyrie eleison’, ‘Pater noster’, ‘Et ne’, ‘Vivet anima mea’, ‘Erravi sicut ovis’, ‘Credo in Deum’, ‘Domine exaudi orationem’.
92 ‘Liber iuratus Honorii’, I, IV, p. 67-71.
93 ‘Liber iuratus Honorii’, I, V, p. 71 ; Cantux Index, g01354, communion ; 200590, antienne.
94 ‘Liber iuratus Honorii’, I, VIII, p. 72 ; Cantux Index, 204367.
95 ‘Liber iuratus Honorii’, XV-L, p. 76-90, ici L, p. 90 : In illis enim oracionibus grecis, hebraicis et caldaicis sunt sacratissima nomina Dei et angelorum, que non nisi ex misericordia ab homine proferri permitterentur.
96 H. Leclerq, « Dies Irae », dans Dictionnaire d’archéologie chrétienne et de liturgie, éd. H. Leclerq, Paris, Letouzey, 1920, t. IV, col. 820. L’association du Dies irae avec les pratiques occultes, et surtout le sabbat des sorcières, date d’après le Moyen Âge. Les compositeurs du xixe siècle et les cinéastes après eux l’utilisent beaucoup. Voir J. Haines, Music in Films on the Middle Ages : Authenticity vs. Fantasy, New York, Routledge, p. 127-132.
97 Lebigue, Initiation aux manuscrits liturgiques, p. 118.
98 J. Jungmann, The Mass of the Roman Rite : Its Origins and Development, trad. F. Brunner, New York, Christian Classics, 1986, t. II, p. 346.
99 Cantux Index, 001494, bénédiction de l’eau.
100 Haines, « Le praecantator et l’art du verbe », p. 461-462.
101 J. Haines, Satire in the Songs of Renart le nouvel, Genève, Droz, 2010, p. 266.
102 Haines, Satire in the Songs, p. 64-65.
103 Haines, Satire in the Songs, p. 74 et 338.
104 Chave-Mahir, L’exorcisme des possédés dans l’Église d’Occident, p. 116-117 ; A. Franz, Die Kirchlichen Benediktionen im Mittelalter, Fribourg-en-Brisgau, 1909, t. II, p. 562, qui cite le ms. Vienne, ONB, cod. 1888, xe s., fol. 81v-82r : Quando venit aliquis vexatus a demone, tunc presbyter consignet eum cum tribus collectibus. Jubet eum postea exire de ecclesia et despoliari vestimentis suis in secreto loco. Interim autem cantet letaniam. Benedicat salem et aquam. Tunc induat vestimentis novis, aspersis cum aqua benedicta, et tunc vadat ante altare et jejunet usque ad nonam, et presbyter cantet missam pro eo et det ei sacrificium per.vij. dies et maneat cum presbytero usque ad.xv. dies, nihil comendens nisi panem et salem […].
105 Clavicula Salomonis, II, 5, ms. Coxe 25, p. 121.
106 Clavicula Salomonis, II, 2, ms. Coxe 25, p. 114-115 : […] et cum ita cogitaverit et notaverit, debet intrare exorcisator in camera sua secreta vel in aliquo loco, ita quod nullus sciat ubi sit quod nullus eum possit impedire, et debet se nudum exspoliare, et habeat preparatum balneum sive aquam exorcisatam de tali ut dicitur infra de aqua, et accipiat illam aquam et ponat sibi in summitate capitis, ita quod descendat usque ad pedes, dicendo istam oracionem : ‘Domine Jhesu Christe, qui formasti me indignum de terra et miserabilem peccatorem ad similitudinem tuam, bene † dicere et sancti † ficare digneris hanc aquam, ut sit mundificamentum et salvamentum mei corporis et anime mee, ut nulla fallacia possit in me modo aliquo apparere’. ‘O ineffabilis et omnipotens Pater, qui unigenitum filium tuum a Johanne Baptista baptisari concessisti, licet indignus et contemptus, quod aqua ista sit baptismum meum, quod renovatus et mundificatus sim omnibus peccatis meis preteritis, presentibus et futuris, per Dominum nostrum Jhesum Christum’. Postea in aqua ista lava te totum et induas prope carnem vestes lineas albas.
107 Clavicula Salomonis, II, 4, ms. Coxe 25, p. 117-120, ici p. 120 : Hoc ter facto [i.e. la récitation des formules de confession] et dicto puro corde et contrito, stando in loco secreto, accipiat aquam et ysopum, vultum suum aspergendo et dicendo ‘Asperges me, Domine’, cum tali ut dicitur infra de balneis.
108 Clavicula Salomonis, II, 11, ms. Coxe 25, p. 127-128.
109 Clavicula Salomonis, II, 3, ms. Coxe 25, p. 116 : Et si magister vellet habere canem pro socio, baptiset eum cum aqua exorcisata. Postea fumigetur dictum canem de fumigacione infra dicta et ipsum sic debet conjurare : ‘Conjuro te et exorciso te, creatura canis, per eum qui te creavit, et baptiso te et fumigo te, in nomine Patris et Filii et Spiritus Sancti, amen, ut sis verus et fidelis socius et amicus meus verus’.
110 Ms. Florence, BML, Plut. 89 sup. 38, fol. 55r-61r, ici fol. 55r : ‘Asperges me, Domine, ysopo, et mundabor, lavabis me, et super nivem dealbabor. Miserere mei, Deus, secundum magnam misericordiam tuam, etc. Gloria Patri et Filio et Spiritui Sancto, sicut erat in principio, etc. Ostende nobis misericordiam tuam, et salutare tuum da nobis. Domine, exaudi orationem meam, et clamor meus ad te veniat’. Deinde intret in circulo preparato in nomine Domini nostri Jhesu Christi […].
111 Cantus Index, g00706, introït de la messe du samedi de la première semaine du Carême ; 003387, antienne.
112 Ms. Florence, BML, Plut. 89 sup. 38, fol. 55r-v.
113 ‘Liber iuratus Honorii’, I, c, p. 112, au terme de la prima mundacio. Après avoir écrit les 100 noms de Dieu dans de la cendre dispersée autour de son lit, le conjurateur doit se livrer à des ablutions à l’aide de l’eau claire et froide d’une fontaine, destinées à laver son corps, mais plus encore à effacer ses péchés, à la manière du baptême.
114 SSM, IV, I, c. 5, ms. Kassel, 4o astron. 3, fol. 102r.
115 Pour une présentation de l’auteur et de son traité, cf. Weill-Parot, Les « images astrologiques » au Moyen Âge et à la Renaissance, p. 622-638.
116 Ms. Florence, BML, Plut. 44 cod. 35, xvie s., fol. 72v-74r, ici fol. 73v-74r : Septem diebus hac vita peractis, habeat aquam mundam in cella aut loco consecrato deputato in vase quo lavari possit cum sociis pariter aut quisque aut ante ejus ingressum, sic exorcizet illam : ‘Benedic, Domine sancte Pater Deus, aquam […] et fugiant ab ea inmundi spiritus […]’. Exorcizata aqua confiteantur item, et lavantes cantet : ‘Asperges me, Domine, et mundabor, lavabis me, et super nivem dealbabor animam meam et mundus ero ante faciem tuam’. Egressi decantent : ‘Te, Deum, laudamus, te, Dominum, confitemur […]’. Respergat his finitis magister omnem domum ysopo, dicendo : ‘Fugare dyabole et omnis inmunde spiritus, te fugat omnipotens Deus omnem hanc domum benedicens et suo sancto rore irrigans’, continuetque ritum hunc diebus septem.
117 Ms. Florence, BML, Plut. 44, cod. 35, fol. 75v-76v, ici fol. 76v : Et surgens, fumigando, respergat exorcizata aqua, cantando ‘Te Deum laudamus’.
118 J. Véronèse, « God’s Names and their Uses in the Books of Magic Attributed to King Solomon », Magic, Ritual, and Witchcraft, 5/1, 2010, p. 30-50.