Les versions françaises de Floire et Blancheflor en contexte manuscrit Lectures médiévales et infléchissements génériques
- Type de publication : Article de revue
- Revue : Cahiers de recherches médiévales et humanistes / Journal of Medieval and Humanistic Studies
2019 – 2, n° 38. varia - Auteur : Obry (Vanessa)
- Résumé : Les différences entre le Conte de Floire et de Blancheflor, première version conservée en français de l’histoire des amants, et le Roman de Floire et de Blancheflor, seconde version légèrement postérieure (fin du XIIe s.), sont souvent analysées en termes d’opposition générique, entre récit idyllique d’un côté et roman chevaleresque de l’autre. Cet article s’interroge sur la perception médiévale de cette distinction, en confrontant la place des deux récits dans leur contexte manuscrit.
- Pages : 243 à 263
- Revue : Cahiers de recherches médiévales et humanistes - Journal of Medieval and Humanistic Studies
- Thème CLIL : 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
- EAN : 9782406104544
- ISBN : 978-2-406-10454-4
- ISSN : 2273-0893
- DOI : 10.15122/isbn.978-2-406-10454-4.p.0243
- Éditeur : Classiques Garnier
- Mise en ligne : 01/04/2020
- Périodicité : Semestrielle
- Langue : Français
- Mots-clés : Floire et Blancheflor, réception, manuscrits, genres littéraires, conte, roman
LES VERSIONS FRANÇAISES
DE FLOIRE ET BLANCHEFLOR
EN CONTEXTE MANUSCRIT
Lectures médiévales et infléchissements génériques
Les deux versions françaises les plus anciennes que nous ayons conservées de l’histoire de Floire et de Blancheflor semblent appartenir à des genres littéraires différents : tandis que la première – le Conte de Floire et de Blanchefleur ou version « aristocratique » – datant du milieu ou de la seconde moitié du xiie siècle, se rattache au genre du récit idyllique, la seconde – le Roman de Floire et de Blanchefleur ou version dite « populaire1 » – composée à la toute fin du xiie siècle, tend vers le roman chevaleresque. À quelques décennies d’écart2, chacun des deux récits livre ainsi sa propre interprétation des aventures des amants. Après avoir dressé un bilan des questionnements génériques suscités par la confrontation du Conte et du Roman, je m’interrogerai sur la pertinence de cette opposition entre les deux textes au regard de leur tradition manuscrite. La lecture en contexte manuscrit des versions françaises de 244Floire et Blancheflor permettra d’explorer non pas le travail des auteurs des œuvres, mais leur réception médiévale, à la date de réalisation des témoins manuscrits conservés. Je m’intéresserai en particulier à trois manuscrits de la première version, copiés entre les dernières années du xiie et la fin du xiiie siècle – Vatican, Biblioteca apostolica Vaticana, Pal. lat. 1971 ; Paris, BnF fr. 375, Paris, BnF fr. 14473 –, ainsi qu’à l’unique témoin de la seconde version, BnF fr. 19152, datant du début du xive siècle4.
L’enquête prendra en considération les usages particuliers des deux versions tirées de leur contexte d’origine et recontextualisées par le codex5, afin de mieux situer la ligne de partage générique entre les textes, telle qu’elle pouvait être perçue par leurs lecteurs médiévaux. Je m’appuierai pour cela sur les avancées des études des œuvres « en contexte » manuscrit, relevant de ce que Keith Busby a appelé la « Nouvelle codicologie6 ». En tant que représentants des pratiques de compilation médiévale, les témoins des deux versions de Floire et Blancheflor ont en effet déjà donné lieu à de nombreux travaux sur lesquels on peut se fonder pour confronter les usages du Conte et du Roman. La réception précoce des deux versions françaises sera ainsi envisagée pour ce qu’elle apporte à l’histoire de la circulation du matériau narratif qui les réunit.
245LE CONTE ET LE ROMAN :
QUESTIONS DE GENRES LITTÉRAIRES
L’intérêt critique dont a bénéficié ces dernières années le Conte de Floire et de Blancheflor doit beaucoup au renouveau des approches du récit idyllique. En 1913, Myrrha Lot-Borodine en donnait une définition réduite à la composante sentimentale des intrigues :
C’est la peinture d’un amour ingénu qui naît et se développe entre deux jeunes cœurs […]. C’est donc là un thème idyllique qui évoque en nous le rêve de l’âge d’or, la nostalgie du paradis perdu, où règne l’innocence que le désir lui-même ne flétrit pas7.
Tout en excluant des œuvres rattachées par la suite à la mouvance idyllique8, cette représentation idéalisée de la simplicité apparente des textes semble avoir manqué l’objectif de réhabilitation qui était le sien en les situant à la marge de la production narrative médiévale la plus étudiée9. Après avoir retracé l’histoire de cette mise à l’écart et des flottements de la désignation générique de textes souvent définis par la négative dans les histoires littéraires, Jean-Jacques Vincensini donne une lecture anthropologique de l’idylle et définit le genre par la présence de trois motifs spécifiques : la mésalliance, l’abjection et la recréation de l’ordre social10. La catégorie du récit idyllique devient véritablement un genre car elle regroupe des œuvres témoignant d’interrogations et d’explications communes : les textes exprimant « une manière parmi d’autres pour la conscience d’organiser le monde, de lui donner du 246sens11 » retrouvent une signification qui permet au critique moderne de comprendre leur succès médiéval. Le genre du récit idyllique est ainsi un outil opératoire pour l’étude du Conte, associé à d’autres œuvres ; en témoignent les travaux de Marion Vuagnoux-Uhlig qui propose une lecture du scénario idyllique en termes de lignage, de représentations sociales et de relations de genre (masculin/féminin)12.
Aux yeux du médiéviste à la recherche d’une « histoire des genres bien ordonnée13 », le « scandale » constitué par le Conte semble s’atténuer. Mais en l’absence de désignation médiévale de l’idylle14, et bien que les définitions du récit idyllique reposent sur la recherche d’une conscience commune et, parfois, sur des liens explicites entre les textes, cette catégorie est peut-être davantage un « genre médiéviste » qu’un « genre médiéval », pour reprendre l’opposition récemment développée par Patrick Moran15. Les travaux sur le genre idyllique ne résolvent que partiellement les problèmes soulevés par les rapports entre le « conte » – auto-désignation reprise par l’éditeur Jean-Luc Leclanche et à sa suite par de nombreux critiques –, le « récit » – choix prudent des études les plus récentes sur l’idylle de Floire et de Blancheflor – et le « roman », 247mot désignant d’abord la langue vernaculaire, et dont Francis Gingras a bien montré les enjeux complexes des transformations qui conduisent à en faire l’appellation d’un genre littéraire16.
Cette opposition du « conte » et du « roman » a des implications quelque peu différentes et prend toute sa pertinence dans le cadre d’une étude sur Floire et Blancheflor, si l’on intègre à la réflexion la seconde version de l’histoire composée en français à la toute fin du xiie siècle, dite Roman de Floire et de Blancheflor. Dans la suite de cet article, la première version sera appelée Conte et la seconde Roman par commodité ; il ne s’agira cependant pas d’adopter les deux termes comme des catégories critiques modernes appliquées à chacun des textes, mais d’interroger la pertinence d’une opposition générique entre ces versions d’une même intrigue.
Alors que le prologue et l’épilogue de la première version désignent le texte comme « un conte » (v. 5, 334817), la seconde version emploie le terme « bone estoire » (v. 3). Cela pourrait plaider en faveur de la conscience d’une distinction générique, même s’il est difficile de cerner l’opposition sémantique précise entre les deux18. Les incipit et explicit des manuscrits semblent aussi opposer les deux textes, seul le second étant appelé « roman » (« C’est de Flore et de Blanceflor », BnF fr. 375, fol. 247v ; « Chi fine de Floire et de Blanceflor », BnF fr. 375, fol. 254v ; « Explicit Floires et Blancheflour », BnF fr. 1447, fol. 20r pour le Conte ; « Ci commence le roman de Floire et de Blancheflor », BnF fr. 19152, fol. 193r pour le Roman). La critique a quant à elle souvent souligné les différences entre le Conte et le Roman : la seconde version, dont on reconnaît désormais qu’elle n’a rien du caractère populaire qu’on a pu lui prêter, tend à représenter une orientation « chevaleresque » de l’histoire, face à l’orientation « cléricale19 » antérieure. La lecture du récit émaillé de combats ne peut en effet que l’exclure d’un ensemble d’œuvres mettant en leur centre « a nonmilitary, nonadulterous, and nonhierarchical 248erotic relationship20 ». Au terme d’une analyse des différences entre les deux versions, Margaret Pelan statue elle aussi sur l’orientation générique que confèrent au récit les caractéristiques de la seconde version : « le deuxième auteur s’intéressait peu au genre de l’idylle […] et voulait surtout composer un roman d’aventures21. » Le parcours de Floire, défendant d’abord Blanchefleur face à des accusations mensongères, puis le territoire de l’émir face à un envahisseur, se conforme par ailleurs assez mal à la temporalité régressive du récit idyllique, que Friedrich Wolfzettel oppose à la temporalité progressive du roman arthurien22, sans doute plus adaptée pour décrire le Roman.
Les valeurs illustrées par les textes incitent ainsi à opposer le Conte comme récit idyllique, et le Roman comme versant chevaleresque, s’adaptant à d’autres goûts littéraires, voire écrit contre la version précédente. Perçu comme une version impure de l’idylle dans un premier temps, le Roman est ensuite légitimement écarté des études qui redéfinissent le genre idyllique, dans la mesure où il ne partage pas les interrogations portées par son prédécesseur. Marion Vuagnoux-Uhlig montre ainsi que le Roman réaffirme les polarités dans la distribution des rôles féminins et masculins et présente un schéma en contre-point du Conte23.
LECTURES EN CONTEXTE
ET MALLÉABILITÉ DU RÉCIT
Une fois admis que la seconde version ne présente pas les mêmes caractéristiques axiologiques ni les mêmes représentations imaginaires que la première, on peut se demander dans quelle mesure la réception médiévale des deux textes témoigne d’une perception des différences entre les enjeux de l’un et de l’autre. La diffusion en Europe de l’histoire de Floire et de 249Blancheflor témoigne en effet d’une réception conjointe des deux versions françaises : J.-L. Leclanche voyait dans plusieurs adaptations, notamment le Cantare di Fiorio e Biancifiore italien, le résultat d’une contamination entre le Conte et le Roman24. Les textes français sont quant à eux conservés dans le même type de recueils où ils côtoient parfois les mêmes œuvres25. En outre, les épisodes qu’il considère comme interpolés dans les manuscrits du Conte amènent J.-L. Leclanche à conclure que le Roman a été composé d’après le Conte, mais que les témoins que nous avons conservés de ce dernier, et notamment Paris, BnF fr. 375, sont à leur tour influencés par le roman26.
Alors que les appellations médiévales employées dans les textes eux-mêmes comme dans les incipit et explicit médiévaux cités ci-dessus semblent distinguer les deux versions de l’histoire de Floire et de Blancheflor, les interventions modernes dans ces mêmes manuscrits ont invariablement recours au mot « roman » : c’est le cas de la table des matières copiée en première page du manuscrit BnF fr. 144727, ou d’une note du philologue Rochegude (1741-1834), à la fin de la première version qu’il copie d’après les deux manuscrits BnF fr. 375 et 144728. Pour anecdotiques que ces notations puissent paraître, elles s’inscrivent dans la continuité d’une uniformisation de la lecture des deux versions, dont rend compte aussi la place des deux récits dans les manuscrits.
BnF fr. 375 et 1447 sont deux témoins de la « vulgate continentale29 » du Conte et constituent des représentants de la vogue des manuscrits-recueils qui fait de la seconde moitié du xiiie siècle en particulier « l’époque par excellence des collections vernaculaires30 ». Grand recueil 250par le nombre d’œuvres qu’il réunit et par le succès littéraire de ces textes, le manuscrit BnF fr. 375 a retenu l’attention en tant que témoin de romans d’Antiquité, de récits consacrés à Alexandre et de romans de Chrétien de Troyes31. Ce recueil se compose de deux unités codicologiques, réunies au xive ou xve siècle32. La première contient, après des sommaires rimés attribués à Perot de Neele, trois textes écrits au xiiie siècle, un Commentaire sur l’Apocalypse, la Prophétie de la sibylle Tiburtine et un Livre de moralités ; la seconde constitue un ensemble assez homogène, regroupant majoritairement des textes en vers, parmi lesquels se trouve le Conte. Y sont copiés, dans cet ordre, Le Roman de Thèbes, le Roman de Troie de Benoît de Sainte-Maure, Athis et Prophilias, les Congés de Jean Bodel, le Roman d’Alexandre d’Alexandre de Paris, la Prise de Defur, le Vengement Alixandre de Gui de Cambrai, une Généalogie des vicomtes de Boulogne, le Roman de Rou de Wace, Guillaume d’Angleterre, le Conte de Floire et de Blancheflor, Blancandin, Cligès et Erec et Enide de Chrétien de Troyes, Ille et Galeron de Gautier d’Arras, le fabliau de la Vieille truande, Amadas et Ydoine, La Châtelaine de Vergi, une Epître farcie de saint Etienne, les Vers de la mort et la Louange Notre-Dame de Robert le Clerc d’Arras.
Le volume a été copié dans le Nord de la France à la fin du xiiie siècle, autour de 1289 ou après cette date, selon que l’on considère le colophon indiquant le nom du scribe Jean Madot, neveu d’Adam de la Halle (fol. 119v), comme la reprise du modèle du manuscrit ou non. Son lien avec le milieu arrageois a été bien étudié par Keith Busby, qui relève par exemple, outre ce colophon et les sommaires rimés de Perot de Neele, la présence d’œuvres attribuées à des auteurs arrageois tels Jean Bodel et Robert le Clerc d’Arras, ou encore la suppression d’une dédicace qui rattache Ille et Galeron de Gautier d’Arras à une autre région33. Le mélange des genres, aux yeux du lecteur moderne du moins, alliant romans d’inspirations diverses, récits brefs courtois, fabliaux, poésie arrageoise et textes religieux, est perçu aussi par Keith Busby comme le signe 251d’une adaptation à un public issu à la fois des milieux aristocratique et urbain34. Sylvia Huot voit quant à elle dans ce témoin un exemple de recueil organisé selon un principe narratif : des séries de textes reproduisent le mouvement de la translatio et le passage des temps anciens au monde contemporain35. Dans cette perspective, le Conte (fol. 247v-254v) inaugure une série de textes qui revient, après Guillaume d’Angleterre, au monde païen ancien et illustre le passage au christianisme : il se trouve donc pleinement intégré à l’organisation signifiante du codex. Tout en proposant une interprétation assez différente de l’organisation du livre, Isabelle Delage-Béland voit quant à elle dans la variété générique une réflexion sur les relations entre fiction et vérité historique36. Quelle que soit la lecture adoptée, la première version de Floire et de Blancheflor est emportée dans un mouvement d’uniformisation par rapport aux catégories génériques modernes, elle n’est pas associée à des récits que nous répertorions comme idylliques – à l’exception peut-être d’Amadas et Ydoine – et la proximité, au sein du codex, du récit idyllique et, notamment, des romans de Chrétien de Troyes semble actualiser la seconde partie du prologue du Conte, présent dans les témoins continentaux, qui l’associe à un cadre romanesque courtois : dans une chambre somptueuse, une dame raconte à sa sœur l’histoire des deux enfants, qu’elle tient d’un clerc qui l’a lui-même lue dans un livre (v. 33-56).
Au contraire, le manuscrit BnF fr. 1447 met en livre la première partie de ce prologue, qui fait des héros les parents de Berthe au grand pied et grands-parents de Charlemagne (v. 9-32). Le Conte (fol. 1r-20v) y est en effet suivi de la chanson de Berte aus grans piés d’Adenet le Roi (fol. 21r-66v) puis du roman arthurien en vers Claris et Laris (fol. 67r-257v). Il s’agit d’un manuscrit parisien attestant l’émergence de la production commerciale de manuscrits vernaculaires : le codex pourrait ainsi avoir été réalisé par un libraire indépendant ayant des relations avec la cour royale37. Ce lien avec 252le pouvoir pourrait expliquer la lecture politique de la succession des trois œuvres qui s’apparente au mouvement de translatio imperii, de l’Orient du Conte vers la France de la chanson de geste et le royaume breton du roi Arthur. Sylvia Huot attribue cette organisation à un individu ayant su percevoir les liens entre les textes38. Ce dernier point mérite d’être nuancé, tant la lecture politique s’accorde au milieu de production probable du codex et dans la mesure où la lecture du Conte comme maillon de la translatio était déjà l’une des interprétations médiévales qui affleurait dans BnF fr. 375 : il semblerait que cela relève d’une interprétation plus collective qu’individuelle du texte. Outre ce mouvement Est-Ouest propre à la translatio, Keith Busby voit dans les filiations féminines un autre élément structurant du codex qui lui permet de formuler l’hypothèse selon laquelle le commanditaire était une femme39. Une prise en compte globale du manuscrit invite là encore à conclure à une unification d’ordre générique : le récit idyllique s’associe à une chanson de geste et à un roman arthurien. La conscience des différences génériques par les compositeurs du manuscrit ne pouvait pourtant pas être nulle, ne serait-ce que du fait des différences formelles, la laisse de Berte copiée sur une colonne imposant une disposition de la page différente de l’octosyllabe copié sur deux colonnes. Mais en associant les œuvres, le codex dépasse ces distinctions pour s’adapter à un nouveau public. La représentation de l’enlèvement de la mère de Floire sur la miniature liminaire du Conte peut en outre être lue comme un signe supplémentaire de cette uniformisation, si l’on se réfère au rôle du lignage féminin mis au jour par K. Busby. Le brouillage générique est encore accentué par les désignations des œuvres dans les explicit. On relève ainsi « Explicit Floires et Blancheflour » (fol. 20r), « Explicit le roumant de Berte » (fol. 66v) et « Explicit le roumanz de Claris et Laris » (fol. 256v), tandis que les textes eux-mêmes se désignent respectivement comme « conte », « estoire » et « conte ». Les appellations, incohérentes du point de vue des catégories critiques comme du point de vue des distinctions formelles, créent d’autres solidarités : les « roumanz » 253sont les moins explicitement reliés entre eux par la logique lignagère et les titres à deux noms encadrent le manuscrit. Ce témoin propose ainsi une réinterprétation du Conte, qui ne semble pas tenir compte de ses caractéristiques proprement idylliques.
Le fragment du Conte conservé aux fol. 85r-90v du manuscrit Vatican, Biblioteca apostolica Vaticana, Pal. lat. 1971, constitue la quatrième des cinq parties d’un recueil factice, réunissant des fragments anglo-normands de récits en vers40. Les aléas de la conservation ne permettent pas de situer cet unique représentant français de la tradition dite « insulaire » du Conte dans la composition d’ensemble du codex original, copié dans le dernier quart du xiie siècle41 : le cahier conservé ne contient ni le début ni la fin du récit. Ce manuscrit est toutefois un indice de la diffusion vers l’Ouest de notre texte et il en est le plus ancien témoin conservé, comme pour Partonopeu de Blois et Amadas et Ydoine, respectivement en première et deuxième place42. Si le regroupement tardif, mais néanmoins médiéval puisqu’il a été réalisé avant le xvie siècle43, se fonde probablement sur un critère linguistique (l’anglo-normand) et que l’on n’en connaît pas les conditions précises, il semble néanmoins faire écho aux modes d’inscription du Conte dans les collections décrites ci-dessus : Amadas et Ydoine est aussi présent dans BnF fr. 375, tandis que la Chanson d’Aspremont, issue du cycle de Charlemagne (5e partie du recueil) pourrait attester une inscription dans le mouvement de la translatio. Les rapports entre Orient et Occident, perçus dans le cadre de l’imaginaire de la translatio imperii, semblent ainsi avoir particulièrement retenu l’attention des compilateurs lors de l’intégration du Conte aux trois manuscrits-recueils qui viennent d’être évoqués.
Le Roman se situe quant à lui à la fin d’un autre grand manuscrit recueil du début du xive siècle, BnF fr. 19152 (fol. 193r-205v). La fin manquante du texte, même si elle ne l’ampute probablement que d’une petite partie, laisse penser qu’il n’était peut-être pas le dernier de la collection initiale. 254On connaît peu de choses sur les conditions de diffusion de ce manuscrit, copié dans le centre de la France44. Il a suscité de nombreuses réflexions en tant que volume réunissant des fabliaux45, des textes moraux et des romans. Le codex contient une soixantaine de pièces : après deux textes copiés au fol. 0, on trouve le Chastoiement d’un père à son fils, les Fables de Marie de France, les Quinze signes du jugement, un texte didactique intitulé Des traîtres et des mauvais, le Dit du corps, deux récits brefs d’inspiration religieuse (Prud’homme qui rescout son compere de noier et le Sacristain), le Roman des Eles de Raoul de Houdenc, le débat Florance et Blancheflor46, une série de fabliaux auxquels sont mêlés des textes brefs d’autres genres, puis Partonopeu de Blois, Blancandin et le Roman de Floire et de Blanchefleur. Keith Busby a insisté sur la portée didactique de la composition d’ensemble de ce recueil : le Chastoiement d’un père à son fils et les Fables de Marie de France, copiés au début du codex, programment la lecture des fabliaux, perçus comme contre-point de l’idéologie courtoise et porteurs d’un enseignement ; les trois romans qui concluent le manuscrit, Partonopeu de Blois, Blancandin ou l’Orgueilleuse d’amour et Floire et Blancheflor, sont réunis, selon le critique, par la thématique de l’éducation qui invite à les lire aussi comme des Bildungsromane complétant l’ensemble didactique47. La catégorie du roman d’apprentissage sied certes mieux à la seconde version du récit français, qui retrace l’ascension chevaleresque de Floire, qu’à la première, mais le parcours de conversion du Conte pourrait tout aussi bien s’inscrire dans la logique du codex. C’est d’ailleurs cette dimension que retient Tara S. Mendola lorsqu’il propose de voir dans les trois dernières pièces l’expression d’une identité construite contre l’Autre païen48. Amy Heneveld, s’intéressant à la présence d’arts d’aimer 255dans le recueil, pense quant à elle que la triade « semble surtout vouloir dire comment aimer49 ». Leçon politique ou leçon d’amour, le Roman s’inscrit harmonieusement dans un projet didactique, mais cet usage de la seconde version ne s’oppose pas véritablement aux lectures de la première version à la même époque : il est impossible de savoir si les concepteurs du manuscrit disposaient des deux versions, mais la prise en compte globale du codex ne témoigne pas d’une lecture des versions l’une contre l’autre. S’il existe une conscience générique dans le manuscrit, c’est moins, comme l’a montré Keith Busby, dans la catégorisation des romans que dans l’opposition entre les récits longs et les brefs que sont les fabliaux50. L’entourage immédiat du Roman ne dit pas autre chose, puisqu’il l’associe à Partonopeu de Blois, évoqué à propos du manuscrit du Vatican pour la première version, et à Blancandin ou l’Orgueilleuse d’amour, qui précède immédiatement le Conte dans BnF fr. 375.
Ainsi, la tradition manuscrite médiévale des deux versions de l’histoire de Floire et de Blancheflor ne reflète ni les intentions divergentes que l’on peut prêter à leurs auteurs, ni les catégories modernes : les deux textes s’adaptent, lors de leur mise en livre, à des usages qui imposent leur logique recontextualisante. L’organisation des codices reflète des types de lectures médiévales du récit, qui se manifestent non dans des modifications textuelles, mais dans le mode d’intégration des œuvres dans des recueils : à la charnière des xiiie et xive siècles, les deux versions semblent ainsi perçues l’une et l’autre comme relevant d’une matière dont on peut faire une lecture romanesque et/ou historico-politique.
256FLOIRE ET BLANCHEFLOR LU
ET RÉÉCRIT PAR PEROT DE NEELE
Les fol. 34r-35r ouvrant la seconde unité codicologique du manuscrit BnF fr. 375 comportent des sommaires rimés attribués à Perot de Neele51. Le début de la série est perdu et le texte commence au milieu du résumé du Conte. Ce manuscrit est un exemple de collaboration de scribes dans le milieu arrageois du xiiie siècle et Perot de Neele, aussi partenaire de jeux-partis de Jean Bretel52, est une figure importante de cet univers urbain. Françoise Gasparri, Geneviève Hasenohr et Christine Ruby considèrent que cinq scribes ont contribué à l’écriture du codex : la première main est celle de Perot de Neele qui pourrait avoir copié les sommaires, la deuxième est peut-être celle de Jean Madot et le copiste du Conte est le cinquième53. Charles François avait auparavant émis l’hypothèse que le manuscrit BnF fr. 375 n’est pas l’original, et que le colophon et la signature des sommaires sont hérités d’un modèle, peut-être prévu pour être diffusé en plusieurs exemplaires54. Quoi qu’il en soit, Perot de Neele est bien l’auteur des présentations des œuvres et son texte n’a jusqu’à maintenant que très peu attiré l’attention pour son contenu même, sauf pour souligner le caractère oralisé de son style, dessinant la figure d’un scribe qui assume la performance, avec un objectif probablement publicitaire55.
257La multiplication des adresses au public ainsi que quelques noms de lieu ancrent la production dans le contexte arrageois. En témoignent le portrait du père d’Énide (« Il n’ot en France n’en Artois / Ne plus large ne plus cortois », v. 128-129) et le sommaire des Louanges Nostre Dame qui cite les « Picart » (v. 545). La mention de Constantinople à propos d’Erec et Enide semble le seul souvenir lointain du mouvement de translatio, au sein de la description hyperbolique de la beauté d’Énide : « Il n’eut si bele dusqu’en Inde. / Si bone, si umle, si noble / N’avoit dusqu’en Costantinoble. » (v. 121-123). Rien ne permet donc de confirmer la lecture du manuscrit comme répétition du passage des temps anciens païens aux temps contemporains chrétiens et les interrogations soulevées par ces sommaires qui programment la lecture du codex sont tout autres.
Il est difficile de statuer sur le degré de connaissance, par Perot, de chacune des œuvres. Le contenu de ses sommaires pourrait pourtant plaider, pour la plupart des cas, en faveur d’une fréquentation réelle des récits. Perot ne va toutefois pas jusqu’à citer les textes et son écrit semble résulter d’un travail de mémoire plus que de copie, comme le montre le sommaire de Floire et Blancheflor, donné ici dans son intégralité :
S’ara trovee la pucele.
Par maint mont par mainte vaucele,
…56
Tant a cerkiet que il vint la,
Tout droit el lieu e el destor
Ou les puceles en la tour
E Blanceflours erent encloses.
En une corbelle de roses
Plaine, por Diu qui fist le mont,
I fu Floires portés amont.
Quant lasus fu li damoissiaus
En piés saut sus com uns oissiaus,
E quant Blanceflors l’aperçoit
Entre ses .ii. bras le reçoit
Comme cortoise e bien senee ;
Grant joie ont entr’aus .ii. menee.
Or nos doins Dius si demener
258Et nos vies a droit mener,
Ains que mort hors del mont nos maint,
K’es Ciex soions la ou il maint.
Les « roses », appelées par la rime et peut-être par la tenue vermeille de Floire dans le Conte, remplacent les « flors » qui permettaient d’entretenir, par le jeu d’homophonie avec le nom, l’assimilation de Floire et des fleurs57 (v. 2305 sq.), tandis que la comparaison de Floire jaillissant de la corbeille à un oiseau se substitue au papillon présent dans le discours de Gloris, qui ne souhaite pas révéler la présence du héros et invente ainsi une désignation métaphorique : « Des flors sali uns paveillon » (v. 2363). Chez Perot, l’image de l’oiseau est reprise dans le résumé d’Ille et Galeron à propos du protagoniste (« Qui plus fu joins que nus oissiaus », v. 227), puis au sujet d’Amadas (« C’as armes ert joins con oisaus », v. 343). L’oiseau sert ainsi la représentation de l’habileté masculine, qu’elle soit exploit héroïque ou ruse amoureuse, alors que les images de la fleur et de la blancheur participent à l’éloge de la beauté féminine : « Orgilleuse d’Amor la gente, / Qui plus ert blance que fleurs d’ente » (v. 40-41, Blancandin) ; « Cele qui blance fu con laine » (v. 102, Cligés) ; « Qui fu plus blance que fleurs d’ente » (v. 243, Ille et Galeron) ; « Qui plus ert blance que florcele », « Qui plus ert blance que flors d’ente » (v. 347, 357, Amadas et Ydoine). Le recours à la métaphore topique de la fleur blanche fait résonner le nom de l’héroïne du Conte et contribue à l’uniformisation des intrigues dans les sommaires qu’en donne Perot.
Cette uniformité est sensible aussi dans la structure des résumés. La fin du sommaire du Conte ne retient que l’épisode de la corbeille de fleurs, au détriment de ce qui suit. Or le choix d’une unique scène développée au milieu d’un sommaire extrêmement sélectif est l’un des procédés les plus employés par Perot : pour Blancandin, le baiser donné de force à l’Orgueilleuse et la douleur qu’elle exprime ensuite sont longuement évoqués (v. 42 sq. du sommaire et, dans le roman, v. 714 sq58.) ; de l’intrigue de Cligés, on retient l’épisode de la fausse morte, tandis que seules les étapes aboutissant au mariage figurent dans le résumé d’Erec et Enide ; la fausse mort provoquée par le chevalier faé revient 259pour Amadas et Ydoine59. Les scènes de mort apparente semblent avoir fasciné Perot, ou peut-être les juge-t-il intéressantes pour son public. C’est probablement ce qui l’amène aussi à faire de l’Orgueilleuse une autre Didon qui souhaite s’immoler par le feu : « Ele vausist c’uns fus fust kaus, / Si se laissast kaïr dedens » (v. 55-56). Dans le roman, c’est surtout Blancandin qu’elle veut faire « ardoir ou noier » (v. 1021) ! Les récits sont ainsi réécrits autour d’un réseau d’images marquantes, sélectionnées au sein de la trame des œuvres. On pourrait rapprocher cette technique narrative du procédé de l’emphasis (image expressive) cité par les auteurs des arts poétiques médio-latins des xiie et xiiie siècles60 comme moyen de l’abreviatio. La technique du résumé met alors en valeur quelques scènes, pour souligner ou créer des échos entre les œuvres réunies dans le codex.
Que l’œuvre soit longue ou brève, la taille de son sommaire est approximativement la même. Outre les derniers textes du recueil, évoqués succinctement, les résumés les plus courts sont ceux de Cligés et d’Erec et Enide (respectivement 36 et 30 vers), tandis que les sommaires des récits brefs sont très détaillés et comportent de nombreux passages au discours direct61, de sorte que le roman ne se distingue que mal des fabliaux, récits brefs pieux ou nouvelles courtoises. Une nouvelle fois, le Conte n’est pas lu dans un système d’opposition entre les genres, mais dans une logique d’uniformisation, déjà induite par l’appellation commune de « branche » attribuée à chaque texte.
Les sommaires font par ailleurs émerger des séries signifiantes. L’effacement des scènes finales du Conte gomme les tensions du récit pour mettre en avant la seule nature de l’amour : dans le texte en effet, après leurs retrouvailles, les amants sont surpris par l’émir de Babylone et menacés de mort, avant d’être libérés et de rentrer en Espagne, où Floire, devenu roi, contribue à la diffusion de la religion chrétienne. Le résumé de Blancandin qui suit immédiatement (11e branche, d’après la 260numérotation des sommaires), bien qu’il fasse allusion à des aventures nombreuses (v. 25), réduit lui aussi la portée chevaleresque du texte en s’attachant à la naissance de l’amour, au mariage62 et surtout à l’apprentissage amoureux : « D’amors ne fu mie eskolee : / Mais amors, qui les siens eskole, / Le mena apprendre a s’eskole » (v. 35-37). À son tour, le public est invité à apprendre, pour éviter le péché, mais aussi, sans doute, à tenir compte de la leçon d’amour :
Or nos doinst Dix si bien aprendre,
Que il ne nos voelle reprendre
Au jugement de nos peciés,
De coi cascuns est entechiés. (v. 78-81)
L’enseignement se poursuit avec l’évocation de Cligés (12e branche), centrée sur l’engin du personnage féminin capable de feindre la mort. Enfin, le résumé d’Erec et Enide (13e branche) fait du héros le sauveur de son épouse : « Erec la pucele rescoust, / Mais de son sanc i mist grant cost. » (v. 140-143). La quête chevaleresque d’Erec ainsi réinterprétée conclut une série de cas d’amour, où il serait tentant de voir en Floire et Blanchefleur un modèle. Les romans et leur caractéristiques chevaleresques sont relus, dans les résumés qu’en donne Perot, dans une perspective sinon proprement idyllique, du moins strictement amoureuse. Le traitement d’Erec et Enide amorce en outre, par l’attention accordée au lignage des héros, une transition vers une problématique sociale que l’on retrouve dans le résumé du fabliau de la Vieille truande (14e branche) : l’aventure de la « puant viellete » (v. 149), de l’écuyer et du chevalier, qui cite en outre Blanchefleur63, peut faire écho au milieu de diffusion du codex64. Le mauvais exemple d’amour lubrique, dont l’actrice finit recommandée au diable (v. 198), est un appel à tendre vers une destinée contraire qui s’incarne dans le résumé d’Ille et Galeron (15e branche), conclu par le retrait dans la religion de Galeron. L’histoire de Théophile (16e branche) prend 261alors l’allure d’une synthèse, présentant en contre-point le péché et sa rémission. Cette même logique se poursuit avec les textes d’inspiration mariale qui concluent le codex.
L’unité des sommaires composés par Perot est à la fois poétique et éthique : le Conte s’y intègre à des leçons d’amour et de morale. Ces pièces liminaires du codex témoignent ainsi d’effets de lecture des récits, qu’elles font dialoguer dans un système d’échos et d’alternances qui s’apparente à un débat – ce qui ne doit peut-être pas étonner de la part d’un auteur pratiquant aussi le jeu-parti – entre exemples de bon ou de mauvais amour, de fautes punies ou amendées et de modèles d’amour humain ou divin.
BLANCHEFLOR ET BLANCANDIN :
HISTOIRE D’UNE ASSOCIATION
L’association de Blancandin, roman en vers composé au xiiie siècle, au Conte et au Roman dans deux codices différents – BnF fr. 375 pour le Conte et BnF fr. 19152 pour le Roman – peut être un argument en faveur d’une absence de perception de l’opposition générique entre ce que nous considérons comme le parangon du récit idyllique et sa version chevaleresque. L’entourage des œuvres dans les deux manuscrits et les sommaires de BnF fr. 375 montrent par ailleurs que les échanges sont à double sens : la perception de Floire et Blanchefleur comme un roman inscrit dans des séries de récits longs justifie la juxtaposition des œuvres, tout autant que le filtre idyllique appliqué par Perot à Blancandin.
Les échos entre les deux textes ont probablement conduit à leur réunion : Blancandin est l’un des romans qui, sans citer les noms de Floire et de Blancheflor, se nourrit d’un jeu intertextuel peu ambigu. Il ne paraît pas anodin que Perot de Neele, après avoir raconté l’épisode du panier de fleurs – ou de roses – dans le Conte, ouvre son évocation de Blancandin par la mention des vergers et jardins où se rend le héros. Dans le roman, la scène du verger montre Blancandin, absorbé par le souvenir de son amie perdue, s’adressant à une rose comme s’il parlait à l’Orgueilleuse. Peu après, son ami Sadoine se demande si la dame 262est retenue prisonnière, telle Blanchefleur, dans « la tor de Babiloine » (v. 2381). Les sonorités unissant les noms de Blancheflor et de Blancandin ne doivent en outre peut-être pas être sous-estimées, pour le rôle qu’elles ont pu jouer dans le rapprochement des œuvres. On se souvient notamment de l’application de Perot à donner au seuil des résumés le nom des personnages, invariablement utilisés comme moyen d’identification des textes dans les manuscrits.
Tous ces éléments sont communs au Conte et au Roman et l’ordre d’apparition est la seule différence visible dans l’inscription en contexte manuscrit de l’assemblage de Blancandin et de chacune des deux versions de Floire et Blancheflor : dans BnF fr. 375, le Conte précède Blancandin, tandis que dans BnF fr. 19152, le Roman le suit. Or, la réécriture proposée par les sommaires de Perot tend à montrer que la lecture du texte situé en première place commande la réception du second : le résumé du Conte influence en effet le contenu du résumé de Blancandin et, par conséquent, la réception de ce dernier texte. Dans BnF fr. 19152, est-ce parce que, dans le Roman, Floire devient chevalier qu’il peut venir après son homologue – et descendant du point de vue de l’histoire littéraire – Blancandin ? Il est difficile de trancher en l’absence de la fin du manuscrit et sans risquer la surinterprétation. L’histoire de l’association des deux textes devrait en outre s’accompagner de celle de leur dissociation ultérieure. Blancandin a été mis en prose et cette version a elle-même donné lieu à une traduction par Caxton en 1489 ; l’histoire de Floire et de Blanchflor n’a quant à elle jamais été transposée en prose, du moins pour ce que nous en savons65, et ne figure pas parmi les textes imprimés en Angleterre au début du xvie siècle66. Hasard de la diffusion matérielle, résultat de la perception de la proximité entre les textes, ou au contraire de ce qui les sépare, cette réception contrastée pourrait s’inscrire, plus généralement, dans l’étude de la « flexibilité générique67 » de l’histoire de Floire et de Blancheflor dans l’ensemble de sa circulation européenne.
263Chacune des deux versions composées en français au xiie siècle de l’histoire des amants Floire et Blancheflor livre une interprétation propre de l’intrigue : le second texte, dit Roman de Floire et de Blancheflor, accentue la dimension chevaleresque des aventures, tandis que le premier, le Conte de Floire et de Blanchefleur, l’inscrit dans la mouvance idyllique. Les manuscrits médiévaux qui nous sont parvenus semblent quant à eux témoigner d’une réception précoce des textes qui ne reflète pas parfaitement cette distinction que la critique moderne peut décrire en termes d’opposition générique. L’organisation des codices, l’association à d’autres œuvres dans le cadre de vastes manuscrits recueils, comme l’exemple de réécriture constitué par les sommaires rimés de Perot de Neele ouvrant le manuscrit BnF fr. 375, semblent autant de traces de lectures médiévales des œuvres, qui témoignent moins de la perception d’une opposition entre le Conte et le Roman, que d’un ensemble d’infléchissements génériques possibles. La mise en livre, perçue comme le résultat d’effets de lecture des textes, manifeste ainsi la malléabilité de la matière narrative et contribue à l’histoire de sa réception.
Vanessa Obry
Université de Haute-Alsace
ILLE (EA 4363)
1 L’opposition entre version aristocratique et version populaire a été proposée par É. du Méril : Floire et Blanchefleur. Poèmes du xiiie siècle, éd. É. du Méril, Paris, Jeannet, 1856. Les appellations de Conte et de Roman ont été adoptées par J.-L. Leclanche, dans son ouvrage sur les relations entre les différentes versions et dans sa première édition du texte le plus ancien : J.-L. Leclanche, Contribution à l’étude de la transmission des plus anciennes œuvres romanesques françaises, un cas privilégié : Floire et Blanchefleur, Lille, Service de reproduction des thèses, 1980 ; Le Conte de Floire et Blanchefleur, éd. J.-L. Leclanche, Paris, Champion, 1980. Les vers cités dans le présent article feront référence aux éditions suivantes : Le Conte de Floire et Blanchefleur (attribué à Robert d’Orbigny), éd. J.-L. Leclanche, Paris, Champion, 2003 ; Floire et Blancheflor. Seconde version, éd. M. M. Pelan, Paris, Ophrys, 1975.
2 La date de composition du texte le plus ancien, le Conte, a donné lieu à plusieurs hypothèses : J.-L. Leclanche en situe l’écriture autour de 1150, Huguette Legros propose quant à elle une datation plus tardive, au cours des années 1180 (H. Legros, La Rose et le lys, étude littéraire du Conte de Floire et Blancheflor, Aix-en-Provence, Publications de l’Université de Provence, 1992).
3 Des précisions sur la datation et la provenance des manuscrits seront données plus loin. Un dernier témoin, Paris, BnF fr. 12562, copié au xve siècle et conservé dans la deuxième partie d’un recueil hétérogène, est une copie de BnF fr. 375 qui n’offre que peu d’indices contextuels de la réception de l’œuvre.
4 Les manuscrits copiés à l’époque moderne ne seront pas pris en compte. Les reproductions de Paris BnF fr. 375, 1447 et 19152 sont disponibles sur le site Gallica, celle du manuscrit du Vatican sur DigiVatLib (copies numériques consultées le 18/10/2018).
5 Sur la fonction de décontextualisation de la mise en recueil, voir W. Azzam, O. Collet et Y. Foehr-Janssens, « Mise en recueil et fonctionnalités de l’écrit », Le Recueil au Moyen Âge. Le Moyen Âge central, éd. O. Collet et Y. Foehr-Janssens, Turnhout, Brepols, 2010, p. 11-34.
6 K. Busby, « Fabliaux and the New Codicology », The World and its Rival. Essays on Literary Imagination in Honor of Per Nykrog, éd. K. Karczewska et T. Conley, Amsterdam-Atlanta, Rodopi, 1999, p. 137-160. Pour une synthèse sur les études de la matérialité du codex, voir Mettre en livre. Pour une approche de la littérature médiévale, éd. A. Salamon, Études françaises, 53-2, 2017, introduction, p. 5-25.
7 M. Lot-Borodine, Le Roman idyllique au Moyen Âge, Paris, Picard, 1913, p. 2-3.
8 Sont pris en compte le Conte de Floire et de Blancheflor, Aucassin et Nicolette, Galeran de Bretagne, L’Escoufle et Guillaume de Palerme. Ce corpus exclut notamment les romans tardifs : voir R. Brown-Grant, French Romance of Later Middle Ages. Gender, Morality, and Desire, Oxford, Oxford University Press, 2008, p. 79-128 ; Idylle et récits idylliques à la fin du Moyen Âge, éd. M. Szkilnik, Cahiers de Recherches Médiévales et Humanistes, 20, 2010.
9 Sur le malentendu engendré par ces lectures, voir N. Lacy, « The Flowering (and Misreading) of Romance : Floire et Blancheflor », South Central Review, 9, 1992, p. 19-26.
10 J.-J. Vincensini, « Genres et “conscience” narrative au Moyen Âge. L’exemple du récit idyllique », Littérature, 148-4, 2007, p. 59-76. Voir aussi J.-J. Vincensini, « Introduction », dans Le Récit idyllique. Aux sources du roman moderne, éd. J.-J. Vincensini et C. Galderisi, Paris, Classiques Garnier, 2009, p. 7-26.
11 Vincensini, « Genres et “conscience” narrative au Moyen Âge », p. 19.
12 M. Vuagnoux-Uhlig, Le Couple en herbe. Galeran de Bretagne et L’Escoufle à la lumière du roman idyllique médiéval, Genève, Droz, 2009.
13 F. Wolfzettel, « Le paradis retrouvé : pour une typologie du roman idyllique », Le Récit idyllique, éd. J.-J. Vincensini et C. Galderisi, p. 59-77, ici p. 59. Sur les hésitations de la catégorisation générique, voir F. Mora, « Le Conte de Floire et de Blanchefleur peut-il être considéré comme un roman d’Antiquité ? », Romans d’Antiquité et littérature du Nord. Mélanges offerts à Aimé Petit, éd. S. Baudelle-Michels, M.-M. Castellani, P. Logié et E. Poulain-Gautret, Paris, Champion, 2007, p. 613-625. S. Gaunt fait quant à lui de la place du personnage féminin dans le Conte un signe de la transition vers le roman, par opposition à la chanson de geste : S. Gaunt, Gender and Genre in Medieval French Literature, Cambridge, Cambridge University Press, 1995, chap. 2.
14 Sur les difficultés théoriques posées par l’application de catégories génériques à la littérature médiévale, et plus particulièrement sur l’articulation entre les concepts médiévaux et les outils critiques modernes, voir la réflexion sur le terme « matière » dans Matières à débat : la notion de matière littéraire dans la littérature médiévale, éd. Ch. Ferlampin-Acher et C. Girbea, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2017, « Introduction », p. 1-17.
15 P. Moran, « Genres médiévaux et genres médiévistes : l’exemple des termes chanson de geste et épopée », Romania, 136, 2018, p. 38-60. L’article se fonde sur l’opposition entre les catégories de « genre analogique » (dont la définition implique une interprétation) et de « genre généalogique » (reposant sur une filiation textuelle) élaborées par J.-M. Schaeffer (Qu’est-ce qu’un genre littéraire ?, Paris, Seuil, 1989). Certains récits idylliques affichent une filiation avec le Conte, mais la catégorie critique elle-même relève de l’interprétation analogique.
16 F. Gingras, Le Bâtard conquérant. Essor et expansion du genre romanesque au Moyen Âge, Paris, Champion, 2011. Voir en particulier l’introduction, p. 15-45, le chapitre i, « Roman et roman », p. 49-94, et le chapitre iv, « Roman et genre littéraire », p. 159-189.
17 La leçon est présente dans tous les manuscrits contenant ces passages.
18 Sur les relations entre roman et estoire, et la rareté de ce dernier terme dans les romans en vers, voir Gingras, Le Bâtard conquérant, p. 193 sq. Pour une réflexion sur les étiquettes génériques du roman médiéval, voir aussi P. Moran, « Les noms du roman arthurien : étiquettes génériques de part et d’autre de la Manche », L’Expérience des frontières et les littératures de l’Europe médiévale, éd. S. Lodén et V. Obry, Paris, Champion, 2019, p. 427-438.
19 Leclanche, Contribution, vol. 2, p. 248.
20 W. Calin, « Amadas et Ydoine : The Problematic World of an Idyllic Romance », Continuations. Essays on Medieval French Literature and Language in Honor of John L. Grigsby, éd. N. J. Lacy et G. Torrini-Roblin, Birmingham (Alabama), Summa Publications, 1989, p. 39-49, ici p. 39.
21 Floire et Blancheflor. Seconde version, p. 24.
22 Wolfzettel, « Le paradis retrouvé ».
23 Vuagnoux-Uhlig, Le Couple en herbe, p. 45 sq.
24 Leclanche, Contribution, chap. 7, vol. 2, p. 83 sq. C’est aussi le point de vue de F. Bautista qui propose pourtant des modifications au stemma établi par J.-L. Leclanche : F. Bautista, « Floire et Blancheflor en España e Italia », Cultura neolatina, 67, 1-2, 2007, p. 139-157.
25 Voir ci-dessous.
26 Leclanche, Contribution, vol. 2, p. 80.
27 L’écriture de cette table des matières, que l’on peut voir dans la version numérique du manuscrit publiée sur le site Gallica, n’est pas médiévale. Elle est peut-être postérieure à l’entrée du manuscrit dans la bibliothèque royale dans le courant du xviiie siècle (sur cette étape de l’histoire du codex, voir par exemple la base Jonas publiée par l’IRHT).
28 Albi, Bibliothèque municipale, Rochegude 002, p. 97 : en ligne sur Occitanica – Mediatèca Enciclopedica Occitana / Médiathèque encyclopédique occitane, consulté le 15/01/2019. Le manuscrit écrit par Dom Lobineau, conservé sous la cote BnF fr. 1511 et qui copie le manuscrit BnF fr. 19152 à la fin du xviie ou au début du xviiie siècle, parle aussi de « roman ».
29 Leclanche, Contribution, vol. 2, p. 83-113.
30 O. Collet, « Les collections vernaculaires entre diversité et unité. À propos d’une nouvelle recherche sur la mise en recueil des œuvres littéraires au Moyen Âge », L’Écrit et le manuscrit à la fin du Moyen Âge, Turnhout, Brepols, 2006, p. 57-66, ici p. 60.
31 A. Micha, La Tradition manuscrite des romans de Chrétien de Troyes, Genève, Droz, 1966, p. 29-32 ; F. Gasparri, G. Hasenohr et C. Ruby, « De l’écriture à la lecture : réflexion sur les manuscrits d’Erec et Enide », Les Manuscrits de Chrétien de Troyes / The Manuscripts of Chrétien de Troyes, éd. K. Busby, T. Nixon, A. Stones et L. Walters, Amsterdam-Atlanta, Rodopi, 1993, vol. 1, p. 97-149, ici p. 119-125.
32 Ibid.
33 K. Busby, Codex and Context. Reading Old French Verse Narrative in Manuscript, Amsterdam-New York, Rodopi, 2002, ici vol. 2, p. 516.
34 Busby, Codex and Context, vol. 2, p. 532-533.
35 S. Huot, From Song to Book. The Poetics of Writing in Old French Lyric and Lyrical Narrative Poetry, Ithaca-Londres, Cornell University Press, 1987, p. 19-27.
36 I. Delage-Béland, « Une conquête problématique. Le statut ambigu de la fiction dans le manuscrit Paris, BnF fr. 375, un recueil de romans », Lire en contexte : enquête sur les manuscrits de fabliaux, éd. O. Collet, F. Gingras et R. Trachsler, Études françaises, 48-3, 2012, p. 95-113.
37 R. H. Rouse et M. A. Rouse, Manuscripts and their Makers. Commercial Book Producers in Medieval Paris 1200-1500, Turnhout, Harvey Miller Publishers / Brepols, 2000, vol. 1, chap. 4.
38 Huot, From Song to Book, p. 19-20. G. Paradisi relève quant à elle des caractéristiques textuelles propres à ce manuscrit qui confortent la volonté d’insister sur la lignée carolingienne : G. Paradisi, « Il Conte di Florio e Biancofiore nel manoscritto parigino Bn fr. 1447 : note per la storia del testo », Messana. Rassegna di studi filologici linguistici e storici, 6, 1991, p. 40-67.
39 Busby, Codex and Context, vol. 1, p. 430-431.
40 M. Careri, C. Ruby et I. Short, Livres et écritures en français et en occitan au xiie siècle. Catalogue illustré, Rome, Viella, 2011, p. 210-217. Pour les auteurs, il pourrait s’agir d’un brouillon.
41 C’est la datation proposée par M. Careri, C. Ruby et I. Short. K. Christ, quant à lui, situait la copie au début du xiiie siècle : K. Christ, Die altfranzösischen Handschriften der Palatina. Ein Beitrag zur Geschichte der Heidelberger Büchersammlungen und zur Kenntnis der älteren französischen Literatur, Beiheft zum Zentralblatt für Bibliothekswesen, LXVI, Leipzig, Otto Harrassowitz, 1916, p. 77-84.
42 Busby, Codex and Context, vol. 2, p. 296.
43 Careri, Ruby, Short, Livres et écritures en français, p. 210.
44 K. Busby propose de le localiser dans l’Aube ou la Haute-Marne (Busby, Codex and Context), Margaret Pelan souligne surtout le mélange dialectal (Floire et Blancheflor. Seconde version, introduction).
45 Busby, « Fabliaux and the New Codicology » (les analyses sont aussi reprises dans Busby, Codex and Context). Le manuscrit est étudié dans le cadre du projet Hypercodex (Collet, « Les collections vernaculaires entre diversité et unité »). Voir aussi R. Trachsler, « Observations sur les “recueils de fabliaux” », Le Recueil au Moyen Âge. Le Moyen Âge central, éd. Collet et Foehr-Janssens, p. 35-46.
46 Ce texte est assimilé au Conte de Floire et de Blancheflor dans la notice de la Base Jonas publiée par l’IRHT (consultation le 15/01/2019), mais il s’agit d’une erreur.
47 Busby, « Fabliaux and the New Codicology ».
48 T. S. Mendola, « Mediterranean Mediations : Language and Cultural (Ex)change in BnF ms fr 19152 », The Modern Language Review, 109-2, 2014, p. 375-391.
49 A. Heneveld, « “Chi commence d’amours”, ou commencer pour finir : la place des arts d’aimer dans les manuscrits-recueils du xiiie siècle », Le Recueil au Moyen Âge. Le Moyen Âge central, éd. Collet et Foehr-Janssens, p. 139-156, ici p. 149.
50 « The manuscript thus functions as a means of underlining the cohesiveness of the Old French Gattungssystem, alerting users to significant resonances within and between adjacent texts » (Busby, « Fabliaux and the New Codicology », p. 153-154). K. Busby remarque en outre que seuls les récits longs sont dotés en leur début de capitales ornées.
51 Les passages des sommaires cités dans cet article en donnent une édition révisée, tenant compte de celles de L. Jordan et de J.-L. Leclanche, ainsi que des corrections de A. Tobler : L. Jordan, « Peros von Neele’s gereimte Inhaltsangabe zu einem Sammelcodex », Romanische Forschungen, 16, 1903, p. 735-755 ; A. Tobler, « Zu Perrots gereimter Inhaltsübersicht in der Pariser Handschrift Frç. 375 », Zeitschrift für romanische Philologie, 28, 1904, p. 354-357 ; Leclanche, Contribution, vol. 1, p. 219.
52 Recueil général des jeux-partis français, éd. A. Langfors, Paris, Champion, 1926, tome 1, p. 335-338.
53 Gasparri, Hasenohr, Ruby, « De l’écriture à la lecture ». A. Micha identifie quant à lui seulement deux mains et considère que le copiste des sommaires est le même que celui du Conte, mais les arguments avancés dans les recherches ultérieures semblent invalider cette hypothèse (Micha, La Tradition manuscrite des romans de Chrétien de Troyes, p. 29-32).
54 C. François, « Perrot de Neele, Jehan Madot et le ms. B.N. fr. 375 », Revue belge de philologie et d’histoire, XLI-3, 1963, p. 761-779, sur les sommaires, p. 777-778.
55 Huot, From Song to Book, p. 26. Sur le rôle des scribes et l’hypothèse d’un copiste inventif intervenant dans le Conte, voir T. Van Hemelryck, « Le copiste, double antagoniste de l’auteur ? À propos de la clergie du Conte de Floire et Blancheflor », Quant l’ung amy pour l’autre veille. Mélanges de Moyen Français offerts à Claude Thiry, Turnhout, Brepols, 2008, p. 439-447.
56 Vers probablement omis.
57 Sur cette assimilation, je me permets de renvoyer à V. Obry, « Et pour ce fu ainsi nommee ». Linguistique de la désignation et écriture du personnage dans les romans français en vers des xiie et xiiie siècles, Genève, Droz, 2013, p. 371-376.
58 Blancandin et l’orgueilleuse d’amour, éd. F. P. Sweester, Genève-Paris, Droz-Minard, 1964.
59 Cet épisode est aussi celui où un monologue d’Amadas cite Floire dans une série d’amants trompés, le désespoir du personnage justifiant l’interprétation détournée de l’histoire de Floire : Amadas et Ydoine, éd. J. Reinhard, Paris, Champion, 1998 (1926), v. 5843.
60 E. Faral, Les Arts poétiques du xiie et du xiiie siècle. Recherches et documents sur la technique littéraire du Moyen Âge, Genève, Slatkine, 1982 (1924), p. 85 et 218-202 sur la Poetria nova de Geoffroy de Vinsauf.
61 Le fabliau de la Vieille truande est raconté en 54 vers, le miracle de Théophile en 66 vers et la Châtelaine de Vergy en 92 vers.
62 La version donnée par BnF fr. 375 n’est pourtant pas la version courte du roman, qui, dans BnF fr. 19152, gomme une partie des épisodes finaux concernant Sadoine.
63 « K’ainc Blanceflor n’Iseus la Blonde, / Ne nule feme de cest monde / N’ama onques si tost nului », v. 61-63 : Nouveau Recueil complet des fabliaux, éd. W. Noomes et N. Van den Boogaard, t. IV, Assen-Maastricht, Van Gorcum, 1988, p. 313-344.
64 Sur la place de ce fabliau dans le manuscrit et l’hypothèse qu’il ait pu être composé par Perot lui-même, voir E. W. Poe, « La Vielle Truande : A Fabliau among the Romances of B.N., fr. 375 », Por le soie amisté : Essays in Honor of Norris J. Lacy, éd. K. Busby et C. M. Jones, Amsterdam-Atlanta, Rodopi, 2000, p. 405-424.
65 L’absence de mise en prose de Floire et Blanchefleur interpelle d’autant plus que les manuscrits Bnf fr. 375 et 19152 ont été convoqués comme sources possibles de Blancandin en prose : Nouveau Répertoire des mises en prose (xive-xvie siècle), éd. M. Colombo-Timelli, B. Ferrari, A. Schoysman et F. Suard, Paris, Classiques Garnier, 2014, p. 128 ; Blancandin et l’Orgueilleuse d’amour. Versioni in prosa del xv secolo, éd. R. A. Greco, Alessandria, Edizioni dell’Orso, 2002, p. 54.
66 Voir l’article de Leah Tether dans ce dossier.
67 L’expression est empruntée à P. Grieve, Floire and Blancheflor and the European Romance, Cambridge, Cambridge University Press, 1997, introduction, p. 6.