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Classiques Garnier

Le Florios dans la tradition romanesque byzantine des XIVe et XVe siècles

  • Type de publication : Article de revue
  • Revue : Cahiers de recherches médiévales et humanistes / Journal of Medieval and Humanistic Studies
    2019 – 2, n° 38
    . varia
  • Auteur : Luzi (Romina)
  • Résumé : Le roman byzantin Phlorios et Platziaflore a été adapté d’un modèle occidental, identifié par les spécialistes comme le Cantare toscan de Fiorio e Biancifiore. L’intrigue et la succession des épisodes sont essentiellement respectées par l’auteur, car le processus d’acculturation s’opère dans le style, l’amplification rhétorique par les dialogues, les plaintes, les ἐκφράσεις et les figures rhétoriques, qui inscrivent le Phlorios dans la tradition romanesque naissante en langue vernaculaire.
  • Pages : 265 à 284
  • Revue : Cahiers de recherches médiévales et humanistes - Journal of Medieval and Humanistic Studies
  • Thème CLIL : 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
  • EAN : 9782406104544
  • ISBN : 978-2-406-10454-4
  • ISSN : 2273-0893
  • DOI : 10.15122/isbn.978-2-406-10454-4.p.0265
  • Éditeur : Classiques Garnier
  • Mise en ligne : 01/04/2020
  • Périodicité : Semestrielle
  • Langue : Français
  • Mots-clés : Phlorios et Platziaflore, adaptation, roman byzantin, rhétorique, Paléologue
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LE FLORIOS DANS LA TRADITION ROMANESQUE BYZANTINE
DES XIVe ET XVe SIÈCLES

Le roman byzantin Phlorios et Platziaflore a été adapté dun modèle occidental, identifié par les spécialistes comme le Cantare toscan de Fiorio e Biancifiore. Comme tous les romans byzantins en langue vernaculaire, il sagit dune œuvre anonyme dont le lieu de rédaction est inconnu. Si Vincenzo Crescini a vu dans la présence vénitienne et génoise une possible explication à la diffusion du Cantare dans le territoire byzantin1, Giuseppe Spadaro2 et Hans-Georg Beck3 penchent pour le Péloponnèse, où le Cantare aurait été adapté. Au xive siècle y gouvernait la famille des Acciaiuoli, qui avait étendu son influence en Élide, Messenie et Céphalonie : dans cette région, selon les deux spécialistes, Andrea Acciaiuoli, ami de Boccace, aurait apporté sa Théséïde et le Cantare autour de 1340, plus précisément de 1338 à 1341, quand Nicola Acciauioli, célébré par lécrivain florentin comme un nouvel Ulysse4, séjournait en Morée. La version grecque de la Théséïde, œuvre de jeunesse de Boccace, et la Chronique de Morée, œuvre dorigine discutée, sont copiées dans un même manuscrit, le Parisinus Gr. 28985. On a pu supposer que le Phlorios était lu dans le même milieu que ces deux textes, même sil ny a aucun témoignage historique de sa 266transmission par la famille florentine. Le fait que, parmi les livres mentionnés dans le testament de Nicola Acciaiuoli, se trouve lApollonios de Tyr6, un autre roman au succès européen qui avait été traduit, comme le Phlorios, en toscan et, par cet intermédiaire, en grec vernaculaire, peut en effet corroborer cette hypothèse.

Le lien quentretient le roman byzantin à la tradition occidentale du récit toscan de Fiorio e Biancifiore est intéressant à plus dun titre. Le texte subit un processus dacculturation qui le rapproche dautres romans grecs vernaculaires, invitant à reconsidérer son appartenance générique initiale. Si lintrigue et la succession des épisodes respectent de près le modèle, le processus dacculturation est manifeste en ce qui concerne le style, notamment par lamplification rhétorique des dialogues, plaintes et ἐκφράσεις7, de même que par lintroduction de figures rhétoriques qui inscrivent le Phlorios dans la tradition romanesque en langue vernaculaire qui voit le jour entre le xiiie et le xve siècle, sous la dynastie des Paléologues.

LES ROMANS BYZANTINS :
ENTRE CONTINUITÉ ET INNOVATION

Le roman grec vernaculaire de Phlorios et Platziaflore8, écrit en vers politiques9 comme tous les autres romans de lépoque paléologue, 267adapte, de manière plutôt fidèle, lintrigue relatée par le cantare toscan du xive siècle, Fiorio e Biancifiore10. Le roman byzantin de lépoque paléologue étoffe le canevas de dialogues et monologues, dans lesquels les protagonistes expriment leur chagrin ou leur désarroi, et dἐκφράσεις qui fournissent à lauteur loccasion de célébrer de manière hyperbolique la beauté des protagonistes, notamment féminins. Les romans comnènes du xiie siècle11, qui substituaient aux voyages et aventures de vastes élans verbaux, relevaient de cette même expression pathétique, où les protagonistes ne cessaient de se lamenter12 et se distinguaient par un comportement plus passif par rapport à leurs modèles grecs. Le récit y était ponctué par de nombreuses ἐκφράσεις13 :

Narration as action is not favoured in this type of narrative. I think that this concept of narrative as “rhetorical drama” also explains the passivity of its protagonists : they are primarily spectators of their own tragedies. The fiction of a Hellenic setting reinforced this sense of drama ; at the same time, it provided the necessary “exotic” distance to the erotic plot, while catering to the ideological needs of Komnenian society that “discovered” Hellenism in the twelfth century14.

Ces ouvrages sont des produits littéraires adressés par des lettrés à un public aussi cultivé, féru de rhétorique et éduqué aux προγυμνάσματα :

Their elevation to a fully autonomous genre, represented by surviving collections of progymnasmata from the eleventh and twelfth centuries, indicates that they had 268acquired a literary status which went beyond the mere practice of pupils in elementary school. Ethopoiia, the character monologue, is a particular favourite. These fictitious monologues with a strong dramatic (qua declamatory) flavour, where a characters emotional reactions to some strange or tragic events are fully developed, helped in creating a rhytmically intense and syntactically dense style which is fully employed in the Komnenian novels15.

Lélément rhétorique acquiert avec ces ouvrages un rôle prépondérant, qui sera partiellement recueilli par les romans paléologues. Ces derniers sont en revanche caractérisés par un style plus proche de la langue vernaculaire : ils privilégient des figures de style moins sophistiquées, mais non moins efficaces, comme lanaphore, laccumulation, la répétition, lhyperbole16.

Parmi les romans en langue vernaculaire, le Libistros et Rhodamné serait, selon Agapitos17 qui fournit des arguments très convaincants, le 269texte le plus ancien. Il constituerait un pont entre les romans comnènes et les romans paléologues. En effet, cet ouvrage présente une structure assez complexe, un récit à cadre, qui na pas déquivalent dans les autres romans vernaculaires. Il comprend aussi des procédés auxquels ont recours les auteurs comnènes : le début in medias res, présent chez Prodromos, Eugenianos qui limite, et Héliodorus, leur modèle, ainsi que la narration à la première personne, employée par Makrembolitès et bien sûr Achille Tatius, pour ne mentionner que les éléments les plus marquants. Agapitos situe la rédaction de ce roman entre 1240 et 1260 à la cour de Nicée, sous les Lascarides, qui y avaient établi leur gouvernement dans lespoir de reconquérir Constantinople aux Latins. Dans le même contexte furent copiés des manuscrits datant du xiiie siècle, parmi lesquels huit témoins qui nous sont parvenus contiennent les romans grecs de lépoque ancienne et les romans comnènes : il existe deux codices dans lesquels sont associés un roman hellénistique et un roman comnène18. Le roman Callimaque et Chrysorroé est quant à lui attribué à lunanimité à Andronic, fils du sebastocrator Constantin et cousin de lempereur Andronic Paléologue II (1282-1328) grâce au poème de Manuel Philès19 qui évoque un texte 270écrit par le prince. Lintrigue y ressemble de très près à celle du roman en question et prône une lecture allégorique : ce nest pas comme une histoire damour que le destinataire doit le percevoir, mais comme une quête de lâme vers lamour de Dieu. Le Callimaque, le Libistros et le Belthandros et Chrysantza20, qui ne nous fournit aucun élément pour établir une datation, fût-elle vague, ni un milieu de rédaction, développent le motif du château, qui a été étudié par Cupane21.

Si le Libistros et le Callimaque paraissent avoir été écrits à la cour impériale, le Phlorios et lImperios et Margarona22, qui limite sur le plan formel ainsi que sur celui du contenu, comme on le verra par la suite, ont vu le jour vraisemblablement dans un contexte différent, car ils sont des romans plus tardifs et se situent dans une tradition nouvelle qui a fixé ses propres conventions et motifs.

LE PHLORIOS

Le Cantare, modèle du Phlorios transmis par cinq manuscrits, est lui-même une adaptation du roman français Floire et Blancheflor dans la 271version dite populaire de la fin du xiie siècle, qui aurait inspiré les versions méridionales23, notamment la version espagnole en prose, Historia de los dos enamorados Flores y Blancaflor et le Filocolo de Boccace. Vincenzo Crescini24 a relevé que les versions fournies par le Cantare, le Filocolo et le roman espagnol présentent des épisodes absents dans le roman français et dans les autres versions européennes : la mort en couches de Topatzia, mère de la protagoniste, la découverte du sentiment amoureux par le pédagogue des deux adolescents, lanneau magique que Biancifiore donne à son bien-aimé quand il part à Montorio, lépisode des deux jeunes filles envoyées par loncle de Montorio à Florio pour le séduire et lui faire oublier la jeune fille. Ces versions forment un groupe assez particulier, dont aucun autre texte transmis par la tradition littéraire ne constitue le modèle direct ; il est donc impossible de savoir à quel moment la légende a accueilli ces transformations.

Puisque la version byzantine, tout en suivant les événements relatés par le Cantare, présente des inexactitudes, omissions, variations ou amplifications et que certains épisodes sont racontés dans un ordre différent25, Hesseling a pensé que le diaskevastès byzantin était en possession dun manuscrit différent, qui ne nous est pas parvenu. Lauteur de la version grecque a suivi son modèle de beaucoup plus près que Boccace. Tout comme lui, il semble avoir eu à sa disposition un texte moins écourté que le nôtre, qui correspond plus à un abrégé quà une œuvre originale26.

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Le roman byzantin nous a été transmis par deux manuscrits, le plus ancien de la deuxième moitié du xve siècle, London British Museum Add. 8241, dont le premier folio est perdu, et le Vindob. Theol. gr. 244 du premier quart du xvie siècle27, défini par Cupane comme « la più ampia antologia di poesie volgari esistente28 ». Les deux manuscrits grecs racontent la même histoire selon la même succession dépisodes, mais il ny a pas de correspondance lexicale exacte. Elles doivent donc remonter à des archétypes distincts. La version transmise par le manuscrit de Vienne, plus tardive, a recours, selon Ortolá Salas, à un registre plus proche du grec moderne29, mais les deux versions se caractérisent, en général, par le mélange des registres classique, médiéval et plus proche du grec moderne. Lanalyse que nous mènerons dans les paragraphes suivants se fondera sur les deux éditions du Phlorios, puisque chaque manuscrit présente une version différente et indépendante, comme cest le cas pour tous les romans paléologues. Malgré certaines différences, les deux versions sont toutefois caractérisées par des éléments stylistiques homogènes.

LES FIGURES COMMUNES

Le spécialiste italien Spadaro a le mérite davoir étudié, entre autres, avec une extrême précision le Phlorios et lImperios et Margarona30, qui 273se distinguent dautres romans, comme le Callimaque et Chrysorroé et le Libistros et Rhodamné31, par leur caractère plus populaire, écrit en style démotique. La répétition de certaines locutions et de certains hémistiches a pu être interprétée comme une trace de lintervention de scribes, qui auraient introduit ces échos dun roman à lautre, quand ceux-ci étaient copiés dans le même manuscrit, notamment le Neapolitanus III B 27, qui contient lAchilléide, le Bélisarios et lImpérios32. Selon les deux éditeurs de lhistoire de Bélisaire, van Gemert et Bakker, ces scribes peu soucieux du texte auraient ajouté des vers susceptibles de sadapter aux différents épisodes romanesques33. Ces syntagmes, toutefois, apparaissent également dans des versions des romans qui nont pas été transmises par ces manuscrits. Selon les Jeffreys34, éditeurs de la Guerre de Troie, adaptation du roman français de Benoît de Sainte-Maure, ces hémistiches seraient plutôt la trace dune phase de transmission orale, ou seraient plus exactement empruntés à des chants populaires oraux35. Le fait que 274certains romans soient des adaptations de modèles occidentaux, comme lImperios, dont le modèle est Pierre de Provence et la belle Maguelonne, ou quils sinspirent de latmosphère du roman courtois sans un modèle spécifique et avéré, comme le Callimaque et le Libistros, rend toutefois les deux hypothèses inaptes à expliquer seules ces hémistiches communs. Les études de Spadaro ont conduit à supposer que cette apparente oralité, nourrie des répétitions et des appels du narrateur, relevait dun véritable choix stylistique36.

Prenons à titre dexemple le vers 355 « σιγά, κρυφὰ καὶ ἀνόητα » (en silence, en cachette et sans être aperçu) : cet hémistiche caractérise le roi Philippe, alors quil prépare la machination qui provoquera laccusation de linnocente Platziaflore. On retrouve ce passage dans le roman dImperios au vers 94, quand le héros affronte, à la cour de son père, le comte de Provence, le guerrier étranger incognito. Dans le même épisode de lImperios, le vers 99 « τριγύρωθεν ἐστέκασιν λαὸς πολυς νὰ βλέπουν » (une foule nombreuse était là pour regarder) reprend le vers 551 « τριγύρωθεν νὰ στέκεται λαὸς πολὺς νὰ βλέπῃ », dans lequel est évoquée la foule accourue pour voir le duel entre le sénéchal et Phlorios.

Une locution plus significative37, aux vers 649-650, caractérise Phlorios, tandis quil se prépare à affronter en duel le sénéchal, le roi et père du protagoniste : « εὔτολμος, ἄνδρας ἄγριος, ὡς δράκος φουσκομένος, / ὡς 275θάλασσα ἀγριόφθαλμος… » (homme audacieux, sauvage comme un dragon gonflé de colère, comme la mer à lœil sauvage…). Une comparaison similaire figure dans lImperios au vers 144 : « ὡς θάλασσα ἀγριόφθαλμος καὶ ὡς δράκως φουσκωμένος καὶ ὡς λέφας ἀφαγόπιος » (comme la mer à lœil furieux, comme un dragon gonflé de colère et un éléphant affamé). On retrouve également les mêmes termes, aux vers 48 et 49 de la Bélisariade38, un texte du xive siècle qui relate la vie romancée du général de Justinien : « καὶ ́σπερ θηρον ́γριον καὶ ὡς δρκων φουσκομνος / καὶ ὡς θλασσα ἀγριόφταλμος λγει τοὺς ἀρχοντάς του » (comme une bête sauvage, un dragon gonflé de colère, la mer à lœil furieux, il dit aux archontes).

Selon Spadaro, ces répétitions sont dues à un manque doriginalité des auteurs qui se copient les uns les autres. Cest négliger létroite relation qui lie le Phlorios et lImperios. Ce dernier a non seulement repris des hémistiches, mais également deux épisodes absents dans le modèle français39, à savoir les monologues prononcés par les parents dImperios et la scène du talisman confié à Phlorios et Imperios par la mère de chacun des protagonistes au moment de leur départ. Précisons que ce blind motif naura aucun développement dans lintrigue de lImperios, car, conformément à lhistoire de son modèle français, le talisman, qui remplace trois anneaux, est un gage damour des protagonistes et finit par être avalé par un poisson. La reprise des paroles prononcées par la reine est, dans ce passage, quasiment littérale.

Le long discours dexhortation à la sagesse, à la modération et à lhumilité (v. 1112-1148), prononcé par le roi Philippe alors que Phlorios décide de partir à la recherche de Platziaflore, vendue aux marchands, reprend quant à lui la tradition parénétique byzantine. Absent dans le Cantare toscan, il a été repris par lauteur de lImperios, puisquil apparaît dans toutes les versions transmises par les divers manuscrits. Ces emprunts ont été relevés pour la première fois par Kriaras, qui a ainsi établi les rapports de filiation des trois textes, filiation qui va du Spaneas, passe par le Phlorios qui amplifie le discours décharné du roi à son fils, et se conclut par lImperios40. En fait, selon le spécialiste grec, 276suivi par Spadaro41, ce discours sinspire dune œuvre morale attribuée à lempereur Alexis Comnène, appelée brièvement le Spaneas et dont le titre véritable est Διδασκαλία παραινετική42.

Selon Ortolá Salas, ce discours conventionnel sinsère dans le sillon des specula, adressés à des personnages dun statut social moins prestigieux, comme dans les conseils donnés par Kekaumenos, aristocrate de Thessalonique du xie siècle, à son fils dans le Strategikon43.

Constantinou a souligné la matrice aristotélicienne de ces exhortations, qui invitent à la prudence et à la φρόνησις : ces vertus étaient considérées les plus élevées par lidéologie impériale44.

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En considérant la banalité et le caractère topique de ces conseils, il est difficile détablir une hiérarchie dans limitation, puisque les ouvrages byzantins puisent souvent dans des florilèges et dans des recueils. En outre, il va de soi que le discours tenu par le souverain à son fils prêt à partir, aussi bien que le motif de lamulette, se retrouvent dans les deux versions du Phlorios comme dans les différentes versions de lImperios. Ces indices ont conduit Spadaro à souligner la dépendance qui lie lImperios au roman de Phlorios, qui doit nécessairement le précéder chronologiquement45.

Deux autres passages mettent en valeur le rôle de lanaphore et de laposiopèse46 dans la tournure dramatique que prend laction dans le Phlorios (éd. Cupane) : aux vers 542-543, « Βλέπει τὴν κόρην, ἵσταται νὰ κλαίῃ, νὰ θρηνῆται / βλέπει τὴν κόρην – Βάσταζε, πολύπονε καρδία ! » (il vit la jeune fille debout, qui pleurait, se plaignait / il la vit – tiens bon, cœur aux nombreuses peines !)47, Platziaflore, accusée injustement de vouloir empoisonner le roi, est condamnée au bûcher. Plus loin, aux vers 1490-1494 (éd. Cupane), Phlorios raconte sa passion au châtelain, lié par sa promesse et qui laidera à pénétrer dans la tour des jeunes filles du harem :

La jeune fille – meurs, mon cœur, de peines / la jeune fille, tombe en pâmoison, mon âme très affligée, / la jeune fille – abandonne, intellect douloureux et peiné, / que la pensée damour ne te précipite au milieu dune flamme douloureuse, / la jeune fille qui contraint mes hommes quitter leurs maisons48

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Dans un cas comme dans lautre, ces figures rhétoriques apparaissent dans deux autres romans paléologues. Un passage du roman Callimaque insiste ainsi sur le pathos du spectacle qui soffre aux yeux du protagoniste en une anaphore soutenue par une aposiopèse :

Au milieu – mais le discours a beaucoup de peine (à sortir) / par les cheveux pendait une jeune fille seule / mes sens chavirent, mon intellect est ébranlé / par les cheveux – dessin fou de la Fortune / par les cheveux était pendue la jeune fille – je reste silencieux / alors, je me tais, jécris cela avec un cœur anéanti / par les cheveux pendait une jeune fille avec toutes les grâces49.

Les deux figures sont plus nettement marquées dans le Libistros, quand le héros se remémore avec mélancolie et regret son passé heureux au côté de sa bien-aimée, avant son enlèvement. Dans un rêve, cest Éros, la divinité même, qui la lui présente pour la première fois :

Il tenait un arc dargent dans une main et la jeune fille dans lautre / cette jeune fille, lextraordinaire Rhodamné / il tenait la jeune fille – sois endurant, cœur chagriné de peines / ne souffre pas maintenant, ne te déchire pas, ne défaillis pas de peine / il avait la jeune fille – sois endurante âme, ne sois pas faible / il tenait la jeune fille – sois vigilante, âme, ne tévanouis pas / il avait la jeune fille, raison, ne me fuis pas50

Malgré lécart chronologique les séparant et les publics différents auxquels ils sadressent, ces romans contribuent ainsi, par leur emploi de locutions récurrentes et leur prédilection pour les figures de style hyperboliques, à forger une nouvelle tradition littéraire dans laquelle sinscrit le Phlorios51.

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LES COMPOSÉS HYPERBOLIQUES

Dans les romans vernaculaires, loccurrence de composés hyperboliques – ou hypercomposés – à deux ou trois éléments constitue un trait stylistique très fréquent, notamment dans lἔκφρασις des jeunes gens, pour exprimer leur beauté et leur charme exquis et ineffables.

Browning observe quà lépoque médiévale « many of them are clearly nonce-formations, which bear witness to the “open-ended” character of the vocabulary of medieval and modern Greek52 ». Cette tendance à lhypercomposition (nominale ainsi que verbale) nest pas le propre des romans paléologues : elle est présente également dans les romans de lépoque comnène, mais en bien moindre mesure, car la langue atticisante de ces ouvrages prétend reproduire le style et le lexique classiques, sans bien sûr y parvenir complètement, car lévolution de la langue grecque est très importante. Ces œuvres, en fait, sinspirent des romans antiques de lépoque impériale, produits de la deuxième sophistique. Le roman Drosilla et Chariclès dEugenianos en témoigne tout particulièrement. Les composés dans le Drosilla et Chariclès sont bien plus sobres, par exemple, dans le IVe livre, au v. 80 « χρυσόθριξ » (aux cheveux dor), « ἐρυθρόχους » (à la carnation rouge), « ξανθοβόστρυχον » (aux boucles blondes) au v. 81 et au v. 83 « λεύκοδακτυλος » (aux doigts blancs) pour lἔκφρασις de Chariclès, suivant le canon de la blancheur de peau, agrémentée de couleur rouge aux joues et de la blonde chevelure53.

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Lusage récurrent et marqué des hypercomposés auxquels ont recours les romans en langue vernaculaire constitue donc un véritable choix stylistique. Cette prédilection pour les longs composés vient de la langue et des chants populaires54. Le composé ἀγλαόμορφον « à laspect gai » au v. 189, qui remonte à une époque plus ancienne et se retrouve également dans lAnthologie Palatine, dans les hymnes orphiques, Oppianos et Nonnus de Panopolis est un composé inusuel dans les romans, comme laffirme Zimbone, car ladjectif ἀγλαός, premier élément de ce composé nominal, est un terme propre à la langue savante55. Mentionnons-en quelques-uns à titre dexemples :

1. Le vers 153 du Phlorios, « κρινοτριανταφυλλόρροδα, ἐρωτοαναθρεμμένα » (leur peau à la couleur du lys et de la rose, élevés par Eros)56, décrit en un vers complet, qui respecte la césure au huitième pied, les deux enfants qui grandissent ensemble. On retrouve un composé avec ἐρωτ- au v. 808 du Callimaque (éd. Cupane) : «  κόρη παντέρπνος, ἐρωτοφορουμένη » (la jeune fille aux nombreux charmes, exhalant lamour).

2. Au vers 795 du Phlorios, la comparaison au lys et à la rose se répète en un premier composé semblable : « κρινοτριανταφυλλόμνοστες », doublé dun deuxième composé, « ροδοκαλλιωτάτες » (plus belles que la rose), pour désigner les deux jeunes filles tentatrices, envoyées à Phlorios.

3. Les vers 190-193 développent des images assez conventionnelles inspirées de la nature : « τὴν κρουσταλλίδαν τοῦ νεροῦ » (rosée deau), « τὴν παχνοχιονάτην » (givre et neige), « τὴν δενδροηλιόμορφην57 », « μαυροπλουμιστομάταν » (aux yeux noirs étincelants)58, « τὴν νεραντζοερωτοάκουστον59 », « κρινοτριανταφυλλάτην » (comme le 281lys et la rose), « τραχηλομαρμαρόμνοστην » (au beau cou marbré), « ροδοκοκκινοχείλαν » (aux lèvres de rose rouge). Une ἔκφρασις aussi fantaisiste et audacieuse dans la formation de composés se retrouve dans lAchilléïde aux vers 816-820 : « κοκκινοπλουμόχειλη » (aux lèvres douces et rouges), « κρυσταλλοχιονοτράχηλος » (au cou comme cristal et neige). Les canons de beauté féminins, lèvres rouges et peau diaphane, sont respectés dans les variations lexicales.

4. On retrouve le thème *πλουμιστ-, mentionné auparavant, dans le composé « ἐρωτοπλουμισμένη » (amoureuse) en Belthandros (v. 816), dans « πέρδικα χρυσοπλούμιστη » (perdrix aux plumes dor) en Imperios (v. 244) et dans « περδικοπλούμιστος » (belle comme une perdrix), référée à Platziaflore60, en Phlorios (v. 1622), où le composé unit la comparaison avec la perdrix à la racine dont dérive le verbe πλουμίζω « orner ou voler » (ambiguïté propice à cette célébration de la princesse de Naples au v. 244 de lImperios)61.

5. Un autre adjectif très suggestif, au nominatif, « κυπαρισσοβεργόλικος » (svelte comme un cyprès) désignant Plaztiaflore, vendue aux marchands (v. 945) réapparait à laccusatif, « κυπαρισσοβεργόλικον », dans lἔκφρασις de Chrysantza, au v. 653 du Belthandros62.

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6. La comparaison avec le Soleil63 présente dans le Phlorios dans les composés « ἡλιογεννημένας » (rejetons du soleil) pour désigner les deux jeunes filles venues tenter Phlorios à Montorio (v. 799), « ἡλιογεννημένης » (v. 1555) et « ἡλιογέννημένην » (v. 1650), renvoyant à Platziaflore, est également présente dans lAchilléïde dans le composé « ἡλιογεννημένην » (v. 1270 et 1365) comme attribut de Polyxène, la bien-aimée dAchille64. Le roman a également recours à cette image dans un contexte guerrier, quand Phlorios, comparé au Soleil, se prépare à affronter linique sénéchal : « ὡς ἄστρον εἰς τὸν οὐρανόν, ὡς ἥλιος εἰς τὰ νέφη » (comme étoile dans le ciel, Soleil dans les nuages) au v. 644. Imperios aussi, à linstant qui précède son duel avec létranger venu défier les guerriers de Provence, est assimilé au Soleil : « ὡς ἥλιος ἄστραψεν ἀπάνω εἰς τὸ φάριν του » (comme le Soleil il brillait sur son cheval) au v. 90.

Ainsi le roman byzantin, tout en restant proche du Cantare toscan et en en respectant lintrigue, se lapproprie et dialogue avec des œuvres antérieures ou contemporaines qui constituent une nouvelle tradition romanesque. En écrivant sur le Callimaque, Cupane observe que « the 283binding force of the classical tradition consequently kept popular narratives away and did not change radically with the emergence of the vernacular, but the lower register certainly loosened the ruling literature standards by widening the spectrum of possibility65 ». Ce roman ainsi que le Libistros représentent une première étape dans laquelle la tradition rhétorique épouse des motifs plus populaires et des éléments magiques. Par la suite, les romans comme le Phlorios, saffranchissant davantage de lhéritage savant, sinscrivent dans une tradition consolidée. Cette nouvelle tradition garde des figures rhétoriques, les ἐκφράσεις et la prédilection pour des longues monologues, héritées des romans comnènes ainsi que, plus généralement, de textes plus anciens. Mais elle souvre aussi à de nouvelles sources dinspiration, en ayant recours à des motifs magiques et à une écriture plus proche de la langue parlée, à des expressions propres au style des contes qui confèrent à ces ouvrages un vernis de récit oral, ainsi quà des topoi de la littérature courtoise française. À cette dernière le Phlorios ne se montre pas réfractaire : lesprit chevaleresque est parfaitement incarné par le héros, qui accourt défendre sa bien-aimée en preux paladin contre les machinations exécrables de son père et du sénéchal66.

Il est difficile de tirer des conclusions définitives sur les relations du Phlorios et de sa source directe, puisque nous ne savons pas si la version du Cantare dont est adapté notre roman byzantin est la même que celle qui nous est parvenue. Certains écarts entre les deux textes semblent cependant significatifs : la coupe dor sur laquelle est gravée lhistoire de Troie, qui est donnée par les marchands en échange de Blanchefleur et qui est longuement décrite dans le roman français, devient dans le poème toscan « una copa doro e dariento, chera dorata atorno a le sue brande / tutta la storia di Troia la grande » (72). Le Phlorios met en avant léclat de la coupe, le luxe de lor et des pierreries, aux vers 979-980 : « une coupe toute en or, élancée, incrustée de perles et pierres 284précieuses / avait tout autour des incisions remarquables67 ». Toute mention du mythe troyen, déjà réduit dans le modèle, est totalement effacée : lécrivain byzantin nexploite pas cette occasion, pourtant parfaite, pour une digression ou une ἔκφρασις sur un sujet que tout auteur féru de tradition aurait saisi avec avidité. Si cette omission est un choix délibéré, elle nous confirme que lauteur du Phlorios est tourné vers un nouveau goût littéraire et moins vers lantiquité, malgré son intérêt pour un style fleuri, comme lusage des composés le montre. Aucune figure, aucun scénario névoque un goût antique, aucun dieu païen nest mentionné, le fût-il pour une comparaison, comme cétait le cas, par exemple, pour Chrysorroé, telle Aphrodite, en présence de laquelle toute femme était un singe (Callimaque, v. 826)68.

Le Phlorios transforme par des éléments stylistiques et rhétoriques traditionnels et novateurs une légende à la tradition complexe, telle que la légende de Floire, en un produit typiquement byzantin, capable de satisfaire les attentes dun public différent, qui est bien loin de la tradition du roman courtois français, imitée par la littérature toscane des xiiie et xive siècles.

Romina Luzi

Césor EHESS

1 Il cantare di Florio, éd. V. Crescini, Romagnoli-DallAcqua, Bologne, 1889-1899, vol. 1, p. 471.

2 G. Spadaro, Contributo sulle fonti del romanzo greco medievale « Florio e Platziaflora », Athènes, Κείμενα καί Μελέται Νεοελληνικής Φιλολογίας, 1966, p. 14-15 et « Influssi occidentali in Grecia dalla IV crociata alla caduta di Creta in mano ai Turchi », Ιταλοελληνικά, 1989, p. 77-101, ici p. 82.

3 H.-G. Beck, Geschichte der byzantinischen Volksliteratur, Munich, C. H. Becksche Verlagsbuchhandlung, 1971, p. 142.

4 J. Longnon, LEmpire latin de Constantinople et la principauté de Morée, Paris, Payot, 1949, ici p. 324-325.

5 H.-G. Beck, « Der Leserkreis der Byzantinischen “Volksliteratur” im Licht der Handschriften », Byzantine Books and Bookmen, éd. I. Ševčenko et C. Mango, Washington, Dumbarton Oaks, 1975, p. 47-67, ici p. 61.

6 C. Cupane, Romanzi cavallereschi bizantini. Callimaco e Crisorroe, Beltandro e Crisanza, Storia di Achille, Florio e Platziaflore, Storia di Apollonio di Tiro, Favola consolatoria sulla Cattiva e la Buona Sorte, Turin, UTET, 1995, p. 570.

7 Limportance de lélément stylistique comme appropriation et assimilation de la matière occidentale a été relevée par A. Di Benedetto Zimbone, « Dal “Cantare di Fiorio e Biancifiore” al “Florio e Platziaflora” », Medioevo Romanzo e Orientale. Oralità, scrittura, modelli narrativi, II Colloquio internazionale Napoli, 17-19 febbraio 1994, éd. A. Pioletti et F. Rizzo Nervo, Soveria Mannelli, Rubbettino, 1995, p. 191-212.

8 Pour lédition du roman byzantin, nous renvoyons à Romanzi cavallereschi bizantini, éd. C. Cupane, p. 444-565, qui reprend avec quelques corrections lédition de D. C. Hesseling, Le roman de Phlorios et Platzia Phlore, Amsterdam, 1917. Il existe une édition plus récente : Florio y Platzia Flora : una novela bizantina de época paleóloga, éd. F. J. Ortolá Salas, Madrid, Nueva Roma, 1998.

9 Le πολιτικός στίχος est un vers de quinze syllabes qui épouse aisément le récit et les longs monologues des romans vernaculaires byzantins. Dorigine discutée, il apparaît au ixe siècle dans le Digenis Akritès, poème relatant les exploits dun vaillant gaillard qui habite les régions frontalières, et dans les Πτωχοδρομικά de Prodromos, ouvrage adressé à lempereur Jean II, qui mélange prose et vers tout en plaidant sa cause de lettré misérable. Nous renvoyons pour la version de Grottaferrata à C. Jouanno, Digénis Akritas, le héros des frontières. Une épopée byzantine, Turnhout, Brepols, 1998, et à la traduction et au commentaire de P. Odorico, LAkrite. Lépopée byzantine de Digénis Akritas, Toulouse, Anacharsis, 2002 pour la version de lEscorial.

10 A. Balduino, Cantari del Trecento, Milan, 1970, p. 31-145. Il cantare di Fiorio e Biancifiore, éd. V. Crescini.

11 Ces romans sont édités et traduits en italien par F. Conca, Il romanzo bizantino del xii secolo, Turin, UTET, 1994. Pour une bibliographie récente sur ces ouvrages, nous renvoyons à I. Nilsson, Raconter Byzance : La littérature au xiie siècle, Paris, Les Belles Lettres, 2014, en particulier au chapitre ii, consacré aux romans comnènes p. 39-86 et pour limportance dans le récit de lélément rhétorique au chapitre iv, p. 135-169.

12 F. Meunier, Roman et société à Byzance au xiie siècle, Lille (Villeneuve dAscq), Presses Universitaires du Septentrion, 1998, t. I, p. 69-82 et p. 152.

13 Pour le rapport avec les ἐκφράσεις de leurs modèles grecs, nous renvoyons à Meunier, Roman et société à Byzance au xiie siècle, t. I, p. 172-182.

14 P. A. Agapitos, « Genre Structure and Poetics in the Byzantine Vernacular Romances of Love », SO Debate, Symbolae Osloenses, 79, 2004, p. 7-101, ici p. 34-35.

15 P. A. Agapitos, « Narrative, Rhetoric and “Drama” Rediscovered : Scholars and Poets in Byzantium Interpret Heliodorus », Studies in Heliodorus, R. Hunter, Cambridge, The Cambridge Philological Society, 1998, p. 125-156, ici p. 143. Lauteur relève, dans cette étude, lexiguïté des aventures dans le roman de Makrembolitès : « On closer reading, Hysmine and Hysminias looks like a huge narrative ethopoiia on erotic pathos, based on select aristotelian principles as understood at the time. The text is structured as an alternating series of monologues, descriptions and dreams, held together by minimal action. » (p. 145).

16 Nilsson résume les similitudes et les différences entre les deux groupes de romans dans la préface au volume collectif Reading the Late Byzantine Romance. A Handbook, éd. A. J. Goldwin et I. Nilsson, Cambridge, Cambridge University Press, 2019 : « The authors of the learned novels of the twelfth century, for instance, relied much more on the ancient novelistic tradition and wrote primarly for a limited and highly educated audience in the courtly circles of Constantinople. The authors of the later romances, by contrast, have a much less explicit debt to the classical heritage ; as this volume shows, allusions, types scenes and plot motifs were drawn from the ancient sources, but the learned citations and other direct markers are not evident. The narratological choices of the authors of the later romances could include prologue of the kind cited above, preparing the audience for what kind of story to expect, but also the handling of time, the representation of a suitable storyworld and the construction of characters. While both the so-called Komnenian novels (twelfth century) and the Palaiologan romances (thirteenth to fifteenth centuries) could be seen as a part of the same Byzantine romance tradition, they differ not only as regards form and audience, but also as regards overall plot structure. Carolina Cupane has defined this narratological difference between the novel and the romance in terms of the focus on “adventure” (avanture) versus “love” (amour) in the plots, arguing that learned novels contain no quest for adventure, presenting the protagonists as passive, whereas the quest for adventure is introduced at the beginning of the vernacular romances but then dropped in favour of passivity », p. 2-3.

17 Agapitos, « Genre Structure and Poetics in the Byzantine Vernacular Romances of Move », p. 35-36 ; id., « In Rhomaian, Frankish and Persian Lands : Fiction and Fictionality in Byzantium and Beyond », Medieval Narratives Between History and Fiction. From the Centre to the Periphery of Europe, c. 1100-1400, éd. P. A. Agapitos et L. B. Mortensen, Copenhague, Museum Tusculanum Press, 2012, p. 235-367, ici, p. 253.

18 Agapitos, « Narrative, Rhetoric and “Drama” Rediscovered », p. 127 ; Agapitos, « Genre Structure and Poetics », p. 34.

19 Agapitos, « Genre Structure and Poetics », p. 18, et C. Cupane, « In the Realm of Eros : The Late Byzantine Vernacular Romance – Original Texts », Fictional Storytelling in the Medieval Eastern Mediterranean and Beyond, éd. C. Cupane et B. Krönung, Leiden-Boston, Brill, 2016, p. 95-126, ici p. 95-97 ; de plus, Cupane relève une reprise des prénoms, quoique déformés, des protagonistes des romans comnènes par les auteurs paléologues : « It is not merely by chance that the choice of names closely follows that of romances from the Komnenian period : Rodanthe, for example, is the name of the heroine in Theodore Prodromos ; Chrysochroe and Kratandros are the names of the lovers in the subplot of the same work ; the romance written by Niketas Eugenianos includes Kleandros, Kalligone, and Chrysilla in various roles. These names, in turn, walk in the footsteps of the late antique novel. » Sur lauteur du Callimaque, nous renvoyons à M. Ozbic, « I κεφάλαια di Andronico Paleologo », Byzantinische Zeitschrift, 91, 1998, p. 40-422, ici p. 406-407. Le roman de Callimaque, qui présente comme celui de Libistros des éléments magiques et la figure de la sorcière qui aide le rival du protagoniste, est un ouvrage raffiné et soucieux des dictata rhétoriques. Lauteur devait aussi connaître les romans comnènes : un indice serait lexpression « une guenon à côté dAphrodite » au v. 826, que le narrateur utilise après lἔκφρασις de Chrysorroé pour exalter ses charmes extraordinaires par rapport aux autres femmes et quil a probablement empruntée à Makrembolitès : dans Hysmniné et Hysminias IX.3,2 le héros définit ainsi Rhodopé, la fille de son maître, qui tombera amoureuse de lui, mais qui, malheureuse, est bien loin de la beauté éblouissante dHysminé. Nous renvoyons à louvrage de Meunier, Roman et société à Byzance au xiie siècle, t. II, p. 177, note 6. Plus haut dans le même passage, Chrysorroé est comparée à une statue dAphrodite, v. 819, comme la protagoniste de lAchilleïde, un autre ouvrage de lépoque paléologue : cest encore une image reprise dans ce cas au roman de Chariton, Chéréas et Callirhoé, I, I.2 et II,2.6 (Cupane, Romanzi cavallereschi bizantini, p. 109, note 65).

20 Pour les motifs développés par ce roman et des parallèles avec le Libistros, nous renvoyons à Cupane, « In the Realm of Eros : The Late Byzantine Vernacular Romance », p. 110-114. Yiavis propose que lauteur du Belthandros se soit inspiré des chroniques persanes : K. Yiavis, « Persian Chronicles, Greek Romances : The Haft Paykar and Velthandros », A Festschrift for David Holton, éd. E. Camatsos, T. Kaplanis et J. Pye, Newcastle upon Tyne, 2014, p. 23-45.

21 C. Cupane, « Il motivo del castello nella narrativa tardo-bizantina. Evoluzione di unallegoria », Jahrbuch der Österreichischen Byzantinistik, 27, 1978, p. 229-267. Dans son article, « Ἔρως βασιλεύς. La figura di Eros nel romanzo bizantino damore », Estratto dagli Atti dellAccademia di Scienze Lettere e Arti di Palermo, Série IV, v. XXXIII, 1973-1974, partie II, p. 243-297, la spécialiste a traité également le topos dEros dans les romans byzantins, notamment Hysminé et Hysminias, Libistros et Rhodamné, Belthandros et Chrysantza et de leurs relations controversées avec la littérature française médiévale.

22 Pour une hypothèse sur lépoque et le contexte de rédaction de ce roman, nous renvoyons à K. Yiavis, « So Near, Yet So Far : Medieval Courtly Romance, and Imberios and Margarona. A Case of De-Medievalization », Byzantinische Zeitschrift, 99, 2006, p. 195-217. Pour le processus dacculturation de cet ouvrage nous renvoyons à R. Luzi, « The Acculturation of the French Romance Pierre de Provence et la belle Maguelonne in the Byzantine Imperios and Margarona », Reading the Late Byzantine Romance, p. 101-123.

23 Florio y Platzia Flora, éd. Ortolá Salas, p. 22-29.

24 V. Crescini, Due studi riguardanti opere minori del Boccaccio. Il cantare di Fiorio e Biancifiore ed il Filocolo. La Lucia dellAmorosa visione, Padoue, 1882, p. 28-31.

25 Cupane, Romanzi cavallereschi bizantini, p. 448 : « Un confronto fra il romanzo greco e il Cantare toscano rivela la notevole fedeltà del rimaneggiatore nei confronti del suo prototipo, ma al tempo stesso lequidistanza fra il testo greco tràdito e tutte le redazioni pervenuteci del Cantare. La mancanza, ad esempio, dellappello iniziale al pubblico del modello, tipico della poesia giullaresca, nonché di alcuni episodi (il monumento funebre eretto a Biancofiore dal re e dalla regina per far credere a Florio che ella è morta, il tentativo di suicidio di lui, il motivo di Sheerazade, il consiglio dato dal castellano a Florio di nascondersi nella cesta di rose per essere introdotto nella torre in cui è tenuta prigioniera Biancofiore) che sono elementi fissi della storia in tutte le sue riscritture, e la differente sequenza di alcuni avvenimenti (larrivo di una stoffa di seta proveniente dalla Dalmazia, la preghiera di Biancofiore, la rottura della coppa di cristallo) fanno supporre infatti che la versione manoscritta della storia penetrata in Grecia fosse alquanto diversa da quelle rimasteci, o a causa di lacune nel codice o perché si trattava di una redazione abbreviata, o più semplicemente perché il rimaneggiatore greco, come tutti i “traduttori” medievali si sentiva vincolato da fedeltà alla storia, non però al dettaglio e alla veste formale. »

26 Le Roman de Phlorios, éd. Hesseling, p. 10.

27 Ce manuscrit comprend, entre autres, le roman byzantin dAlexandre, le roman dImperios, dont il sera question par la suite dans cet article, la Guerre de Troie, le Bélisarios et lhistoire dApollonios de Tyr en rimes. Nous renvoyons, pour la liste complète des ouvrages copiés dans le manuscrit et sa description, à H. Hunger et W. Lackner, Katalog der griechischen Handschriften der Österreichischen Nationalbibliothek 3, Codices theologici 201-337, Vienne, Hollinek, 1992, p. 145-157.

28 Cupane, Romanzi cavallereschi bizantini, p. 447. Selon Spadaro, « in Grecia probabilmente giunsero due redazioni, per noi andate perdute, del Cantare, o se si vuole una redazione con varianti rispecchiate rispettivamente in L e V, comunque una redazione più ampia di quelle che noi conosciamo, imparentata con CDE a d ed anche n v. [] Si ricava pure dal mio esame che non sempre il testo londinese (L) è più vicino di quello viennese (V) al testo del nostro Cantare, come affermava Hesseling. » (Spadaro, Contributo sulle fonti del romanzo greco medievale, p. 31).

29 Florio y Platzia Flora, éd. Ortolá Salas, p. 69.

30 Lédition plus récente est un mémoire de maîtrise : G. Pisa, Il romanzo di Imperios e Margarona secondo il codice Vind. Theol. Gr. 244, Université de Palerme, 1994. Lédition dE. Kriaras, Βυζαντινά Ιπποτικά μυθιστορήματα, Athènes, 1955, p. 199-249, qui présente, entre autres, le texte de Phlorios, applique une méthode éditoriale assez contestable, puisque Kriaras mélange les différentes versions transmises par les manuscrits, pour constituer un texte artificiel et composite. Nous avons aussi une édition du xixe siècle par S. P. Lambros, Collection de romans grecs en langue vulgaire et en vers, Paris, 1880, p. 239-288, du manuscrit Bodleianus Gr. 287.

31 Pour lédition de ce roman, nous renvoyons à P. A. Agapitos, ̀Aφγησις Λιβστρου καὶ Ροδμνης. Κριτικ κδοσις τῆς διασκευῆς α, μὲ εἰσαγωγ, παρρτημα καὶ ευρετριο λξεων, Athènes, Μορφωτικ Ίδρυμα Εθνικς τραπζης, 2006 pour la version α, plus ancienne ; T. Lendari, ̀Aφγησις Λιβστρου καὶ Ροδμνης. The Vatican Version, Athènes, Μορφωτικ Ίδρυμα Εθνικς τραπζης, 2007. Pour une traduction en français des romans de Libistros, Belthandros, Phlorios et Imperios, nous renvoyons à louvrage de R. Bouchet, Romans de chevalerie du Moyen-Âge grec, Paris, Les Belles Lettres, 2007.

32 W. F. Bakker et A. F. van Gemert, Ἱστορα τοῦ Βελισαρου. Κριτικ ́κδοσις τῶν τεσσρων διασκευῶν μὲ εἰσαγωγ, σχλια καὶ γλωσσριο, Athènes, Βυζαντινὴ καὶ Νεοελληνικὴ Βιβλιοθκη 6, 1988, ici p. 47-70.

33 À ce propos, Irigoin observe qu« à légard des productions proprement byzantines, copistes, amateurs de livres et auteurs semblent avoir été beaucoup plus libres : la paraphrase, la retractatio, parfois à plusieurs degrés ou la simple modernisation de la langue et du vocabulaire sont pratiqués sans scrupule dans tous les genres » (J. Irigoin, « Centres de copie et bibliothèques », Byzantine Books and Bookmen, p. 17-27, ici p. 27). Beck partage cet avis : « Die Kopisten arbeiten als ob der Text ihr Eigentum wäre, sie erinnern sich an Stereotypverse und zeigen sie in den Kontext » (H.-G. Beck, « Der Leserkreis der Byzantinischen “Volksliteratur” im Licht der Handschriften », p. 49).

34 E. et M. Jeffreys, « Imperios and Margarona : The Manuscripts, Sources and Edition of a Byzantine Verse Romance », Byzantion, 41, 1971, p. 122-160 ; M. Jeffreys, « Formulas in the Chronicle of the Morea », Dumbarton Oaks Papers, 27, 1973, p. 165-195 ; E. et M. Jeffreys, « Some Comments on the Manuscripts of Imperios and Margarona », Ελληνικ, 27, 1974, p. 39-49.

35 Létude repose sur lanalyse détaillée du roman dImperios et surtout de la Chronique de Morée, œuvre anonyme relatant la conquête du Péloponnèse par les Latins après la quatrième croisade, dont 30 % des hémistiches se répètent. Au sujet de cette problématique, nous renvoyons à notre article : R. Luzi, « Les romans paléologues : à la charnière de plusieurs traditions », Byzance et lOccident III. Écrits et manuscrits, éd. Z. Farkas, L. Horváth, T. Mészáros, sous la direction dE. Egedi-Kovács, Budapest, Collège Eötvös József ELTE, 2016, p. 71-87, ici p. 77-80.

36 Sur la coexistence des verba dicendi et verba audiendi nous renvoyons à C. Cupane, « Leggere e/o ascoltare. Note sulla ricezione primaria e sul pubblico della letteratura greca medievale », Medioevo romanzo e orientale. Oralità, scrittura, modelli narrativi, p. 83-105. Cupane parle également de « finzione di riporto » à propos des proêmes des romans paléologues, qui indiquent plutôt un genre quun véritable public, p. 90-91 ; pour les proêmes en particulier nous renvoyons à C. Cupane, « Δεῦτε, προσκαρτερήσατε μικρόν, νέοι πάντες. Note sulla ricezione primaria e sul pubblico della letteratura greca medievale », Δίπτυχα. Μνήμη Renata Lavagnini, 6, 1994-1995, p. 147-168. Sur la réception de ces textes et la possibilité dune performance orale, qui nexclut pas une lecture silencieuse et privée, nous renvoyons à C. Cupane, « “Let me tell you a wonderful tale” : Audience and Reception of the Vernacular Romances », Fictional Storytelling in the Medieval Eastern Mediterranean and Beyond, p. 479-494, ici p. 488-490.

37 G. Spadaro, « Problemi relativi au romanzi greci delletà dei Paleologi. I. Rapporti tra Ἰμπέριος καὶ Μαργαρόνα e Φλόριος καὶ Πλατζιαφλόρε », Ελληνικά, 1975 p. 302-327, ici p. 314-315.

38 Nous nous référons à lédition dE. Follieri, « Il poema bizantino di Belisario », Atti del convegno internazionale sul tema : La poesia epica e la sua formazione (Rome, 28 mars-3 avril), Rome, Accademia nazionale dei Lincei, 1970, p. 583-652.

39 Spadaro, « Problemi relativi au romanzi greci delletà dei Paleologi. I », p. 305-309.

40 E. Kriaras, « Die zeitliche Einreihung des “Phlorios und Platzia-Phlora” - Romans im Hinblick auf den “Imberios und Margarona” - Roman », Akten des XI Internationalen Byzantinistenkongresses (München 1958), éd. F. Dölger et H.-G. Beck, Munich, 1960, p. 269-272.

41 Spadaro, « Problemi relativi au romanzi greci delletà dei Paleologi. I », p. 305.

42 Lœuvre écrite en décapentasyllabe, qui sinscrit dans le sillon du discours pseudo-isocratéen à Démonikos, contient également des emprunts à la sagesse des paraboles bibliques. Nous renvoyons à Beck, Geschichte der byzantinischen Volksliteratur, p. 105-108. Lédition plus ancienne est celle de W. Wagner, Carmina graeca medii aevi, Lipsie 1874, p. 1-27 ; dans cette édition le poème est dédié par Alexis au César Bryennios. J. Schmitt, « Über den Verfasser des Spaneas », Byzantinische Zeitschrift, 1, 1892, p. 316-332 : lauteur exprime ses doutes sur la paternité dAlexis de lœuvre parénétique, fournissant des exemples de diverses versions transmises par les manuscrits, dans lesquels le destinateur et le destinataire changent. Danezis avance la proposition que lauteur se soit plutôt inspiré de gnomologes et florilèges. Cela expliquerait le caractère fragmentaire des paragraphes. G. Danezis, Spaneas : Vorlage, Quellen, Versionen, Miscellanea byzantina monacensia 31, Munich, 1987, ici p. 32. Lédition la plus récente de cet ouvrage est celle de G. P. Anagnostopoulou, Ο Σπανεας. Κριτική έκδοση με βάση όλα τα σοζώμενα χειρόγραφα, Athènes, 2010. Spadaro remarque que les deux romans byzantins se caractérisent par un fort goût pour la moralisation et les figures de style, palilogies, anaphores, oppositions, adynata surtout dans le discours de Philippos à son fils, qui est, de cette manière, mis en exergue. Dans ce passage, lélaboration dans le sens dun rapprochement vers lesthétique byzantine est évidente. (G. Spadaro, « Originalità e imitazione nei romanzi medievali greci di origine occidentale », Medioevo romanzo e orientale. Testi e prospettive storiografiche. Colloquio internazionale, Verone 4-6 avril, 1990, éd. A. M. Babbi, A. Pioletti, F. Rizzo Nervo, C. Stevanoni, Rubettino, 1992, p. 1-18, ici p. 2 et 3).

43 Florio y Platzia Flora, éd. Ortolá Salas, p. 236-237. Pour une édition récente du Strategikon, nous renvoyons à M. D. Spadaro, Raccomandazioni e consigli di un galantuomo, Hellenica, Alessandria, Edizioni dellOrso, 1998.

44 S. Constantinou, « Retelling the Tale : The Byzantine Rewriting of Floire and Blancheflor », Hybridität und Spiel. Der europäische Liebes- und Abenteuerroman von der Antike zur Frühen Neuzeit, éd. M. Baisch et J. Eming, Berlin, Akademie Verlag, 2013, p. 227-242, ici p. 235-236. La spécialiste évoque la représentation, dans le jardin de Sosthenès, dÉros en tant quempereur byzantin, entouré de Prudence, Force, Tempérance et Justice dans le roman de Makrembolitès (II. 1-6). La figure dÉros empereur est aussi dans le Libistros, sans pour autant être associée à celle des Vertus. La Prudence est représentée dans ce roman sur les murailles du château dargent avec les autres onze Vertus, où vit Rhodamné avec son père, le roi Or.

45 Selon Bees, lImperios, comme le Phlorios, est également un roman anonyme, qui aurait été rédigé dans les alentours du monastère de Daphni, pas loin dAthènes. Nous nentrerons pas dans les détails de cette étude, mais les hypothèses sur les régions de rédaction des deux romans, la Morée pour le Phlorios et la région dAthènes pour lImperios, qui ne sont pas très éloignées, se corroborent mutuellement (N. A Bees, Texte und Forschungen zur byzantinisch-neugriechischen Philologie 4, Berlin, 1924, p. 1-108, ici p. 28 et 52-61).

46 G. Spadaro a relevé des figures de style dans le Libistros et le Florios dans son étude « Problemi relativi ai romanzi greci delletà dei Paeologi III. Achilleide, Georgillàs, Callimaco, Beltandro, Libistro, Florio, Imperios e Διήγησις γεναμένη ἐν Τροίᾳ », Ελληνικά, 1977, p. 223-279, ici p. 238-239. Une aposiopèse de moindre envergure est au début du roman dEugenianos v. 7-11 ; pour un commentaire de ce passage nous renvoyons à Agapitos, « Narrative, Rhetoric and “Drama” Rediscovered », p. 150-151.

47 Dans toutes les citations qui suivent, les traductions des citations extraites des éditions de Cupane sont les nôtres et sinspirent de la traduction en italien réalisée par léditeur.

48 Phlorios, éd. Cupane, v. 1490-1494 : « τὴν κόρην – θανατώθησε, κάρδια μου, ἐκ τους πόνους, / τὴν κόρην – ὀλιγώρησε, πολύθλιβε ψυχή μου, / τὴν κόρην – φύγε, λογισμὲ καμένε, πονεμένε/ μὴ σἐσεβάσῃ ἀσχόλησις μέσα εἰς καμένην φλόγα, / τὴν κόρην – ὁποῦ ἐξένωσεν ἴδιους ἐκ τὰ δικ των [] ».

49 Callimaque, Romanzi cavallereschi bizantini, éd. Cupane, v. 450-455 : « ἐν μέσῳ γὰρ – ἀλλὰ πολὺν λόγος πόνον ἔχει – / ἐκ τῶν τριχῶν ἐκρέματο κόρη μεμονωμένη / σαλεύει μου τὴν αἴσθησιν, σαλεύει μου τὰς φρένας – / κ τῶν τριχῶν – αἲ φρὀνημαν παράλογον τῆς τύχης – / ἐκ τῶν τριχῶν ἐκρέματο κόρη – σιγῶ τῷ λόγῳ, / ἰδοῦ σιγῶ, μετὰ νεκρᾶς καρδίας τοῦτο γράφω – / ἐκ τῶν τριχῶν ἐκρέματο κόρη μὲ τῶν χαρίτων ».

50 Libistros, éd. Agapitos, v. 703–709 : « εῖχεν δοξάριν ἀργυρὸν καὶ εἰς τὸ ᾶλλον του τὴν κόρην, / τὴν κόρην τὴν παράξενην ἐκείνην τὴν Ῥοδάμνην / εἶχε τὴν κόρην – βάσταζε, πολύπονε καρδία, / μὴ τώρα πάθῃς καὶ ῥαγῇς καὶ νεκρωθῇς ἐκ πόνου – / εἶχεν τὴν κόρην – βάσταζε, ψυχή, μὴ ῥαθυμήσῃς – / εἶχεν τὴν κόρην – πρόσεχε, ψυχή, μὴ ἀναιστητήσῃς – / εἶχεν τὴν κόρην λογισμέ, μὴ φύγῃς άπὸ έμέναν [] ». Nous traduisons.

51 Pour un état de la question, nous renvoyons aux études de R. Beaton, The Medieval Greek Romance, Londres, Routledge, 1996, ici p. 146-163, et P. A. Agapitos, « Η χρονολογική ακολουθία τῶν μυθιστορημάτων Καλλιμάχος, Βέλθανδρος και Λίβιστρος », Αρχές τῆς νοελληνικής λογοτεχνίας, Actes du deuxième colloque international Neograeca Medii Aevi, Venise, 1993, vol. II, ici p. 97-134.

52 R. Browning, Medieval and Modern Greek, Londres, Hutchinson University Library, 1969, p. 87.

53 Dans le même roman, lἔκφρασις de Drosilla, la protagoniste féminine présente les composés « λευκοπόρφυρον » (à propos de la robe, blanche et pourpre), « λευκοχειροσαρδόνυξ » (aux mains blanches comme la sardoine), respectivement aux v. 121 et v. 123 du premier livre. Si ces composés ne sont pas tous anciens, ils se construisent du moins sur le modèle dun lexique antiquisant, alors que ceux des romans paléologues présentent souvent des lexèmes et des morphèmes issus de la langue vernaculaire et que, souvent, des lexèmes plus anciens sont unis à dautres dorigine plus récente. Pour la langue et le style employés par les romans comnènes, nous renvoyons à Meunier, Roman et société à Byzance au xiie siècle, I, p. 232-233 et 238-239 et pour les composés à II, p. 111-113 et 122-125.

54 J. Schmitt, « Zu Phlorios und Platziaphlora », Byzantinische Zeitschrift, II, 1893, p. 212-220.

55 A. Di Benedetto Zimbone, « Dal “Cantare di Fiorio e Biancifiore” al “Florio e Platziaflora” », ici p. 196. Zimbone décrit certains de ces composés dans les p. 199-200.

56 Les extraits qui suivent sont cités daprès lédition dOrtolá Salas, dont nous adaptons en français la traduction en langue espagnole.

57 Spadaro le traduit comme exubérante et resplendissante littéralement « verdoyante comme larbre et resplendissante comme le Soleil » (G. Spadaro, « Note esegetiche al testo greco di “Florio e Plaziaflora” », Byzantion, XXXIII, 1963, p. 449-472, ici p. 459-460).

58 Selon Zimbone, « Dal “Cantare di Fiorio e Biancifiore” al “Florio e Platziaflora” », cet adjectif est à traduire « aux longs cils », p. 196.

59 Ce dernier composé est interprété par Schmitt comme « celle qui est célèbre grâce au doux amour », puisque lorange est douce (Schmitt, « Zu Phlorios und Platziaphlora », p. 216).

60 Ortolà Salas le traduit « bella como el plumaje de una perdrix ». Les auteurs byzantins ne dédaignent pas de comparer la jeune fille aux oiseaux, métaphore courante dans le monde agricole ; comme observe Schmitt, « Zu Phlorios und Platziaphlora », même les poules sont mentionnées pour célébrer la beauté de la jeune fille.

61 À propos de cette racine, Ortolá Salas accepte linterprétation de Köstlin (H. Köstlin, « Zu Phlorios und Platziaphlora », Byzantinische Zeitschrift, I, 1892 p. 392-398, ici p. 396) selon lequel « πλουμίζω heißt nicht ´befiedern oder beflügen`, wenn auch mit pluma zusammenhängt, sondern ´zieren, verzieren, schmücken ». Mais il ajoute que « este verbo y sus derivados pasaron bal campo semántico del adorno puede ser explicado, a nuestro entender, por la costumbre bizantina de embellecer telas y vestidos con diferentes adornos o bordados conocidos por el nombre de ἐξέμπια o bien πλούμια. » (Ortolá Salas, Florio y Platzia Flora, p. 240). Lauteur mentionne plusieurs vers de lÉrotokritos, roman en vers crétois du xvie siècle, qui présentent des composés avec cette racine. Pour une édition récente et pourvue dune ample introduction de lÉrotocritos, nous renvoyons à S. Alexiou, Βιντσέντζος Κορνάρος. Ερωτόκριτος, Athènes, 1995. Cette interprétation peut être confirmée par le composé utilisé par lImperios pour exalter la beauté de lhéroïne.

62 Imperios est décrit dans une ἔκφρασις digne dune héroïne (v. 62-69) : taille fine comme la circonférence dun anneau, figure svelte comme un calame, grand comme une jeune plante, poitrine ample, lèvres rouges, yeux noirs et riants, sourcils arqués noirs comme lencre : μακρύς ἦτον ὡς τὸ βεργὶ, (v. 62). Le narrateur conclut sa description disant quaucune femme nétait avenante comme lui ! Lἔκφρασις dAchille (Achilléïde, v. 99-108) décrit le héros avec des termes semblables : grand comme un cyprès (reprenant la comparaison de Phlorios et Belthandros, mais sans composé), fin de taille, à la poitrine et aux hanches amples, à la blonde chevelure bouclée, aux beaux yeux et à la poitrine blanche comme marbre froid. Comme pour Imperios, lauteur termine par un constat semblable à celui du diaskevastès de lImperios, affirmant quaucun, parmi les hommes ou les femmes, ne peut rivaliser avec sa beauté. Lἔκφρασις de Belthandros (v. 33-35), bien plus brève, présente mot par mot les deux mêmes vers qui dans lAchilléïde sont écartés : « ξανθὸς καὶ σγουροκέφαλος, εὐόφθάλμος καὶ ὡραῖος / ἄσπρον ἦτον τὸ στῆθος του μάρμαρον ὥσπερ κρύον ». Si lἔκφρασις du protagoniste masculin nest pas le propre des romans paléologues – nous avons vu celle de Chariclès – et si lidéal de beauté respecte parfaitement celui consacré par la tradition littéraire ancienne, le parallèle entre ces trois ἐκφράσεις nous paraît cependant bien marqué.

63 La comparaison au Soleil est également un topos de la célébration impériale : le fils de Basile I, Léon VI le Sage, a recours à cette image ; pour lédition de cet ouvrage nous renvoyons à A. Vogt et I. Hausherr, Oraison funèbre de Basile Ier par son fils Léon VI le Sage, Orientalia Christiana, 77, Rome, Institut Pontifical Oriental, 1932, p. 50 ligne 25, p. 54 lignes 16-20 et p. 56. La couleur dorée, en plus du pourpre, était un attribut impérial, mais la couleur et le métal ne lui étaient pas réservés, comme cétait le cas pour le pourpre : P. Odorico, « Habiller le prince. Vêtements et couleurs à la cour de Byzance », Comunicare e significare nellalto Medioevo, Atti della Settimana di studio (Spoleto, 15-20 aprile 2004), 52, Spolète, Fondazione CISAM, 2005, p. 1013-1058.

64 Cupane observe, à propos de ce composé, que « è un attributo frequente delle eroine dei romanzi in volgare e ricorrente anche nei canti popolari della Grecia moderna ; il concetto si trova già nella poesia in lingua dotta del xii secolo » (Cupane, Romanzi cavallereschi bizantini, note 119, p. 411).

65 C. Cupane, « Intercultural Encounters in the Late Byzantine Vernacular Romance », Reading the Late Byzantine Romance, p. 40-68, ici p. 56. Dans cet article, la spécialiste évoque les éléments magiques et dautres motifs fabuleux qui apparentent le Callimaque, le Libistros et le Partenopeu de Blois. Selon Cupane, le roman français était connu par les Byzantins : la quatrième croisade serait lévénement qui favorisa la diffusion du roman à Constantinople.

66 K. Yiavis, « The Adaptations of Western Sources by Byzantine Vernacular Romances », Fictional Storytelling in the Medieval Eastern Mediterranean and Beyond, p. 127-155, ici p. 144-148. Lauteur discute du caractère hybride des ouvrages byzantins qui adaptent des modèles occidentaux.

67 Nous nous fondons sur la traduction italienne de Cupane et son édition, « κούπαν ὀρθήν ὁλόχρυσην μετὰ λιθομαργάρων / γύροθεν νὰ ἔχῃ ἐξόμπλισες νὰ πρέπουν κατἀξίαν ». Sur la valeur symbolique de la translatio imperii de cette coupe, nous renvoyons à A. Pioletti, La fatica damore. Sulla ricezione del “Floire et Blanchefleur”, Rubettino, Soveria Mannelli, 1992, ici p. 55-56.

68 La déesse est nommée également au v. 772, quand lauteur fait pudiquement allusion aux jeux damour des deux protagonistes.