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Classiques Garnier

The function of the representation of the joyful abbey in the joyful French pastoral letter (sixteenth century)

  • Publication type: Journal article
  • Journal: Cahiers de recherches médiévales et humanistes / Journal of Medieval and Humanistic Studies
    2019 – 1, n° 37
    . varia
  • Author: Versendaal (Rozanne)
  • Abstract: The joyful abbey is a recurring element in parodies of writs, the so-called mandements joyeux or joyful writs. The aim of this article is to identify the relationships between joyful writs and joyful abbeys. Was the joyful writ a literary genre used by authors who were part of a joyful abbey, or is the joyful abbey a literary motif used in the joyful writs ?
  • Pages: 417 to 438
  • Journal: Journal of Medieval and Humanistic Studies
  • CLIL theme: 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
  • EAN: 9782406097013
  • ISBN: 978-2-406-09701-3
  • ISSN: 2273-0893
  • DOI: 10.15122/isbn.978-2-406-09701-3.p.0417
  • Publisher: Classiques Garnier
  • Online publication: 12-17-2019
  • Periodicity: Biannual
  • Language: French
  • Keyword: theatre history, literary genre, parody, joyful culture
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La fonction de la mise en scène
de labbaye joyeuse dans le mandement joyeux français (xvie siècle)

Il y a quelques décennies déjà que les études de Natalie Zemon Davis ont introduit les abbayes joyeuses en France au xvie siècle dans le champ de la recherche en littérature médiévale et pré-moderne. À partir de ces travaux, Katja Gvozdeva, Katell Lavéant et Jean-Yves Champeley, entre autres, ont approfondi le sujet en étudiant les abbayes et les compagnies joyeuses dans plusieurs régions de France et des anciens Pays-Bas1. Leurs études ont montré que les membres des abbayes joyeuses organisaient des fêtes et des parades, jouaient des pièces de théâtre et connaissaient une production littéraire (chansons, monologues, textes joyeux) qui semble avoir été performative2. Ces études ont notamment souligné que toutes ces activités ont eu une force cohésive, cest-à-dire quelles rassemblaient les gens et favorisaient la cohérence entre les différentes couches sociales.

Dans ses travaux sur la littérature carnavalesque médiévale des anciens Pays-Bas, Herman Pleij défend également le pouvoir unificateur de tels événements en discutant en détail le mandement parodique De Blauwe Schuit (La Barque Bleue)3. Il sagit dun poème rédigé sous forme de mandement, dans lequel une autorité facétieuse salue tous les compagnons « qui ont des 418manières sauvages » (« van wilde manieren ») et les invite à monter dans la barque bleue, une abbaye joyeuse imaginaire où presque tout était autorisé. Bien que lexpression « Barque Bleue » ait été utilisée par des guildes ou groupes de gens réels dans différentes villes des Pays-Bas4, le mandement De Blauwe Schuit ne se réfère pas à un groupe ayant véritablement existé. Il sagit dune abbaye ou guilde imaginaire et dun texte standardisé. La barque bleue était un topos carnavalesque extrêmement répandu à la fin du Moyen Âge. Il existe des textes similaires à La Barque Bleue en français, des mandements parodiques portant notamment sur la vie des abbayes joyeuses imaginaires5, dont la signification nest pas connue6.

419

Le présent article ne sappuie pas sur une analyse des documents darchives telle que les chercheurs mentionnés ci-dessus lont réalisée. Comme la également fait Pleij, nous proposons plutôt détudier des sources littéraires, les mandements joyeux en français, mettant en scène des abbayes joyeuses imaginaires. Ces mandements joyeux, notamment composés aux xve et xvie siècles, reprennent le modèle des textes de loi et des ordonnances royales ou épiscopales et se caractérisent par lidée quune autorité joyeuse promulguant lacte sadresse à ses sujets pour leur donner un ou plusieurs ordres ludiques7. Cest en raison de la mise en scène de cette autorité joyeuse et ces ordonnances ludiques que nous définissons les textes comme des mandements joyeux. La tradition des mandements joyeux est un domaine qui reste à explorer : actuellement, nous avons connaissance dexemples français, néerlandais, et, dans une moindre mesure, anglais et allemands. Les milieux dans lesquels ces textes ont été produits varient. Les mandements joyeux français dérivent, entre autres, du milieu juridique (les clercs de la Basoche) ou de la Cour (Jean Molinet). Les mandements joyeux néerlandais sont souvent le fruit des chambres de rhétorique.

Labbaye joyeuse est un élément récurrent dans les mandements joyeux français, mais, paradoxalement, aucun mandement ne peut être lié à une abbaye joyeuse ayant vraiment existé8. Ici nous nous inter420rogeons sur la fonction de labbaye joyeuse dans le mandement joyeux. Pourquoi cet endroit est-il mis en scène ? Létude des sources plutôt littéraires que historiques telles que les mandements joyeux pose des problèmes lorsque lon souhaite les relier à un phénomène historique – cest-à-dire, ici, lexistence des abbayes joyeuses. Pour cette raison, nous considérons les abbayes inventées pour les besoins du texte comme des « faux réels », des constructions imaginaires se substituant au véritable réel. Les abbayes joyeuses présentes dans nos textes sont ainsi des échos textuels possibles des abbayes joyeuses historiques. Néanmoins, il faut considérer ces échos comme des forces actives dans le sens quelles définissent, voir créent, limage que nous nous faisons des abbayes joyeuses historiques9. Les conclusions que nous pouvons tirer de lanalyse des mandements joyeux contribuent à une meilleure compréhension de la place et de la fonction de labbaye joyeuse dans la culture joyeuse de la fin du Moyen Âge en France et aux Pays-Bas.

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La parodie du mandement joyeux

Dans sa critique des Pronostications joyeuses de Molinet, éditées par Jelle Koopmans et Paul Verhuyck10, Barbara N. Saugent-Baur écrit que

the attraction of these [sub-genres11] lies in the shell rather than the nut it contains ; once the riddle is solved, the message turns out to be not especially interesting12.

Notre hypothèse principale contredit cette idée. Nous pensons quà la charnière entre le xve et le xvie siècle, le mandement joyeux (un des sous-genres dont parle Saugent-Baur) était lun des supports anonymes par excellence pour discuter des idées sur toutes sortes de thématiques contemporaines. Le mandement fonctionne ainsi à deux niveaux. À un premier niveau, le mandement est un jeu parodique se moquant de lacte diplomatique lui-même, de lauteur de ce type de documents et de linstitution octroyant le document (auquel appartient lauteur)13. Ce niveau de surface, que Saugent-Baur appelle la coquille, est aussi désigné sous les expressions « parodie textuelle », « parodie matérielle » et « parodie exemplaire14 ». À un niveau plus profond (la « noix » dont parle Saugent-Baur), le mandement a pour but de présenter un point de vue sur un sujet dactualité, ce que Martha Bayless appelle la « parodie sociale15 ». Selon elle, une étude de la parodie médiévale nexiste pas sans prendre en compte cette dimension sociale de la parodie. Dans cette optique, la parodie médiévale fonctionnait comme « the vehicle for a significant proportion of medieval satire []. [T]he ridicule was often 422directed at [for example] illicit drinking, gambling, gluttony, ecclesiastical corruption, or the vileness of the peasantry16 ». Dans le même ordre didées, Jelle Koopmans ajoute lidée que la parodie médiévale ne fonctionne quen situation (« situatedness »)17. Il affirme que

[l]e texte médiéval est souvent, de par sa nature performative, lié à des circonstances concrètes plutôt quà un « canon littéraire » et ce nest pas nécessairement une pensée générique qui préside à la création de textes parodiques18.

En prenant en compte le fait que la production littéraire des associations joyeuses avait une force cohésive, nous pensons que les mandements expriment des sentiments et des pensées sur un sujet qui concerne la société dans son ensemble. Afin de présenter un point de vue, voire une critique sociale sous le voile de la parodie, les auteurs des mandements utilisaient un discours inversé et un vocabulaire joyeux. Cela correspond aux positions de Bakhtine, qui défend lidée selon laquelle la littérature carnavalesque (que Katell Lavéant propose dappeler plutôt « littérature joyeuse ») recherche toujours une nouvelle façon de refléter le monde et dinteragir avec les lecteurs ou auditeurs19. Sans donner de réponse exhaustive à la question de savoir quels textes étaient sérieux et quels textes étaient joyeux, nous pensons que le mandement joyeux était, à la fin du Moyen Âge, lun des instruments qui permettait la réflexion critique sur un sujet dactualité concernant à des degrés divers plusieurs milieux sociaux.

Pour illustrer cela, nous avons choisi pour étude de cas le mandement joyeux de « La Grande Confrairie des saoulx douvrer et enragés de rien faire20 » (dorénavant « la confrérie des souls douvrer » ou le « mandement 423des souls douvrer »), la confrérie de ceux qui sont las de travailler21. Afin dinterpréter le mandement, de comprendre la relation entre labbaye joyeuse et le mandement, et de tester nos hypothèses concernant les différents niveaux de parodie, nous donnerons pour commencer une idée de la structure et du contenu du texte.

La grande confrarie des soulx douvrer
et limage dune confrérie joyeuse imaginaire

La grande confrarie des soulx douvrer et enragez de rien faire (1537) est composée de trois parties. La première partie est un mandement joyeux, intitulé les « Indulgences et pardons de la confrarie de monseigneur mon sieur sainct Lasche22 » (1-2). Le texte met en scène labbaye de « chasse prouffit » (16-17), dont les membres sont, paradoxalement, extrêmement pauvres. Leur patron est le saint imaginaire des paresseux23. Ensuite un supplément à ce mandement joyeux a été imprimé, intitulé « Choses merveulleuses et de grandes indulgences de ladicte confrarie de Monseigneur monsieur sainct Lasche » (119-120), qui spécifie les récompenses si le mandement de la première partie a bien été respecté. Les deux premières parties sont donc complémentaires. La troisième partie présente une liste joyeuse de la « monnaie » de la confrérie, dont 424nous ne parlerons pas en détail dans ce texte24. Les trois parties ensemble donnent limage dune confrérie qui parodie la confrérie religieuse réelle, cest-à-dire que les trois documents du livre se moquent des documents couramment octroyés à une confrérie ou abbaye religieuse. Ainsi, la confrérie des souls douvrer devient en quelque sorte une confrérie joyeuse, dans laquelle le discours du renversement de lordre normal joue un rôle important. Néanmoins, la notion de confrérie joyeuse pose aussi problème. Comme on le sait, lorganisation des festivités de Carnaval était lun des buts principaux dune confrérie joyeuse25. Or, La grande confrarie des soulx douvrer ne parle pas de ce type dactivités, ce qui complique lutilisation du terme « confrérie joyeuse » pour la définir. Par souci de clarté, nous définissons cependant la confrérie des souls douvrer comme une confrérie joyeuse imaginaire en considérant notamment le discours et le vocabulaire de ce texte.

Le mandement joyeux contient plusieurs ordres à respecter. Les ordres de « non rien avoyr » (28), de « faire tousiours grandes debtes » (30) et de vivre en « pouvrete et misere » (104) viennent du prélat « Ponts Maudiné26 » (24), chargé de labbaye, et, à un niveau plus spirituel, de Dieu lui-même, qui « plaist aucun bien ny proffit » (60). Les ordonnances qui découlent de cet idéal soi-disant religieux se résument à lidée que les membres de labbaye sont obligés de ne rien faire (comme lindique déjà le titre du livre, « enragés de rien faire »). Cette inactivité a mené les confrères à la pauvreté, parfois même à leur emprisonnement ou à leur excommunication. Néanmoins, le texte indique explicitement que certains membres de labbaye se plaignent de leurs confrères : « nous avons entendu par bonne et souffisante complaicte de noz bien amez et alliez les gens de nostre abbaye de chasse prouffit » (15-17). Leurs 425complaintes, précisées dans la narration, portent sur le fait que certains « justiciers et subjectz » (61) nobéissent pas aux ordonnances du prélat, cest-à-dire quils poursuivent le profit, gagnent de largent et sont actifs. Ils veulent, par exemple, « ediffier maisons » (73), et ils samusent et dépensent de largent dans les tavernes du royaume imaginaire (77-79). À cause de cette désobéissance, le prélat Ponts Maudiné ordonne le jeûne pour regagner des indulgences (à partir de la ligne 99 : « nous vous mandons et commandons »). Ce jeûne est organisé comme suit : « tous les dimenches deux miches de faulte » (101), « le lundi faulte de vin » (101-102), « le mardi, mescredi, et jeudi neccessite chaire » (102) et « le vendredi et samedi comme les autres jours » (102-103)). Le but du jeûne est de compenser les péchés des personnes cherchant le profit. Ensuite, lautorité répète les commandements essentiels de labbaye, cest-à-dire « de nen rien avoir en tout temps fors seulement toute leur vie pouvrete et misere » (103-104)27.

Le mandement nest pas adressé aux sujets de labbaye, mais à leurs « generaulx » (10), « conseilliers » (10), « tresoriers et argentiers » (12) et au « baillif28 » (14) de la confrérie. Ce sont donc les représentants des sujets de labbaye. Ces représentants doivent normalement contrôler les sujets de la confrérie et voir sils observent toujours les ordonnances du prélat, ce qui nest pas le cas dans ce mandement car certains sujets senrichissent malgré linterdiction. En jeûnant, les confrères de mauvaise vie peuvent gagner lindulgence et le pardon de Dieu lui-même. Une clé pour linterprétation de ce mandement est dans son titre, et surtout dans les mots « indulgences et pardons ».

Pourquoi les membres de la confrérie voudraient-ils gagner cette indulgence ? Cela est spécifié dans le supplément du mandement de La grande confrarie des soulx douvrer, La motivation principale des confrères pour « maintenir obeyr et servir aux commandemens de monseigneur monsieur saint Lasche » (179-180) est dans lidée que « selon les merites de ce monde, on est remunere en lautre » (124-125). Pour les efforts quils font dans ce monde, les confrères seront donc récompensés dans un autre monde. Dans le cas de la confrérie 426des souls douvrer, cela veut dire quils profiteront dun paradis qui répond à limaginaire médiéval du pays de Cocagne. Cest « une isle [] en ung lieu delectable, ou a tout jamais [les confrères] pourront demourer en joye et felicite » (130-131). Les murs du château qui sy trouve sont par exemple construits avec des fromages, du beurre et du sucre. Il y a des pierres précieuses en grand nombre, décorant les chambres, les tables et les chaises. Sur les tables sont disposées toutes les viandes possibles et toutes sont déjà « prestes a manger » (157). Il y a de la musique mélodieuse, de nombreux « jardins de plaisansce » (163) avec des fleurs, une vallée avec « plusieurs belles fontaines qui rendent vin blanc » (165-166), des arbres qui produisent « toutes manieres de dragees » (168) et de nombreux autres produits alimentaires. Enfin, sur une montagne poussent de nombreux arbres qui donnent « tous manieres dhabillemens, comme robbes, cappes, manteaulx » (176-177), etc. Le paradis décrit dans ce mandement répond à tous les besoins possibles, de la nourriture aux vêtements.

Le vocabulaire du discours du mandement et du supplément sinscrit parfaitement dans le vocabulaire joyeux tel quil est décrit par Katell Lavéant pour les régions francophones et, dans une moindre mesure, par Arjan van Dixhoorn pour les régions néerlandophones29. Il sagit dun vocabulaire dont les thèmes fréquents sont la tension entre la pauvreté et la richesse, la misère30, labondance alimentaire, la folie31, lamitié, lamour et la sexualité32. Ce sont des thèmes que nous rencontrons souvent dans les mandements joyeux33. La plupart de ces thèmes est aussi présente dans la description des confrères de labbaye de Chasse-Prouffit, « comme sont pouvres, souffreteulx, endebtez, malheureux, mal fortunez, miseraulx, quereleux, necessiteux, racheptz, et teigneux, 427vuides de richesses et indignes de tous biens privez, et de tout en tout despouillez » (17-20). Ce sont les confrères qui pèchent qui sont décrits comme « escervelez, folz, frenetiques, oultrecuidez, cornars » (61-62). La description du paradis où les confrères seront récompensés illustre bien le thème de labondance alimentaire. Le vocabulaire joyeux évoque la question de la pauvreté alléguée, de la folie et de la gourmandise des membres de la confrérie.

Il nest pas question ici de déterminer si ces confrères imaginaires étaient véritablement pauvres, fous, gourmands − ou rien de tout cela − mais le fait que le mandement présente les confrères comme extrêmement pauvres, fous et gourmands est crucial dans notre interprétation du texte. En effet, comme la affirmé Arjan van Dixhoorn pour le vocabulaire joyeux dans les textes des chambres de rhétoriques aux Pays-Bas, il faut comprendre la pauvreté alléguée, tout comme labondance alimentaire du pays de Cocagne et la folie comme du langage « littérairement crypté » (« literair versleuteld »). Dans les associations joyeuses des Pays-Bas, des comportements gourmands, fous et pauvres nétaient pas encouragés (parfois pas même autorisés), mais ils étaient tout à fait acceptés dans les textes littéraires de ces associations34.

Pourquoi ces comportements, qui dépassent donc les normes sociales de la vie quotidienne, et aussi les normes qui sappliquaient pendant des festivités, apparaissent-ils dans de nombreux textes joyeux de lépoque ?

Objectifs du vocabulaire joyeux
et interprétation du mandement

Une réponse possible, au moins en ce qui concerne les mandements joyeux, est que ces thèmes et comportements décrits sont au service du vrai objectif (ou des objectifs) du texte, cest-à-dire une réflexion dune question religieuse. Ainsi, le mandement des souls douvrer et son supplément parodient, en surface, des bulles papales ou des ordonnances épiscopales contenant des indulgences pour les confréries religieuses, notamment celles qui participent à de nombreuses œuvres de charité. 428Toutes les personnes qui appartiennent à une telle confrérie reçoivent souvent une « [i]ndulgence plénière de tous leurs péchés35 ». Le mandement des souls douvrer détourne ce type de bulles ou ordonnances en donnant des indulgences aux confrères qui ne font rien. Lauteur du mandement joyeux « Saoul douvrer », se moque de la personne à qui lacte officiel est normalement adressé − donc le pape ou lévêque. Avec une référence au prélat Ponts Maudiné et ses ordonnances, le mandement parodie également la position du dignitaire ecclésiastique qui a la charge dune abbaye. Linstitution à laquelle appartiennent ces figures est lÉglise, qui est donc aussi (mais plus indirectement) parodiée.

À un second niveau, implicite, le mandement des souls douvrer révèle des inconsistances dans les doctrines chrétiennes telles quelles ont été défendues par lÉglise catholique à la fin du Moyen Âge. Nous pensons ici en particulier aux idées concernant le rôle du travail et de la pauvreté dans la Rédemption de lhomme36. Le texte sinscrit ainsi dans un ensemble de textes législatifs, mais imaginatifs (ou fictionnels), discutant la Rédemption et les notions du travail et de la pauvreté37. Comme la montré Anthony Musson, la fin du Moyen Âge fut caractérisée par une forte croissance dune conscience législative et par une « intrusion du droit » dans différents domaines de la société médiévale38. En adoptant des modèles et méthodes législatifs, plusieurs auteurs ont essayé de résoudre des questions politiques, ce que Musson propose dappeler la « politicisation du droit ». Dans le même ordre didées, William Marx a prouvé que les mêmes modèles législatifs ont également influencé le domaine de la théologie. Il propose de décrire lintrusion du droit dans le domaine théologique comme une « théologicisation du droit ». Il nous semble que le mandement des souls douvrer et son supplément 429sinscrivent dans cette tradition, dans laquelle le modèle et la rhétorique juridique du mandement médiéval sont utilisés pour créer une situation imaginaire afin de discuter une question théologique. Au sein de cette situation imaginaire, cest-à-dire dans le contexte de la confrérie des souls douvrer, différentes idées sur la Rédemption de lhomme sont explorées.

Ce mandement présente en effet lidéal poussé à lextrême de vivre la pauvreté dans une société supposée chrétienne. Le mandement exagère cet idéal de pauvreté. Le monde imaginaire dans lequel labbaye de Chasse-Prouffit est située est une image du chaos. À lépoque de la publication de la première édition identifiée du livre (1537), linjonction à rester pauvre, avancée par Jésus dans la Bible, avait déjà été au cœur de plusieurs réformes monastiques (nous pensons par exemple à la dévotion moderne) et à lorigine des ordres mendiants tout au long du Moyen Âge. Le pauvre représentait limage du Christ sur Terre. Néanmoins, cet idéal de pauvreté était, pour une grande partie de la population (des fermiers aux commerçants39), incompatible avec la nécessité de travailler pour survivre. Le mandement indique quil faut dénoncer toute activité rapportant de largent afin de réaliser lidéal de ne rien avoir. Mais cela est aussi en contradiction avec la valeur attribuée au travail par lÉglise. LÉglise répandait en effet lidée que le travail était une peine infligée à lhomme en vertu dune punition divine pour expier la chute. Elle soulignait également les effets positifs du travail, cest-à-dire que le travail était bon pour le corps et protégeait contre le péché40. Ce dilemme entre le travail et la pauvreté était au centre de plusieurs débats théologiques au xve siècle et sintensifiait, à la suite de la Réforme, au xvie siècle41. Cest dans le contexte de ces débats que le mandement joyeux des souls douvrer sinscrit. Ainsi, le mandement pose la question concrète de 430savoir comment lhomme peut répondre aux attentes de lÉglise si ces attentes sont contradictoires, ainsi que la question comment lhomme peut finalement être sauvé. Labbaye joyeuse des confrères de Chasse-Prouffit fournit le cadre de cette question et présente une vision poussée à lextrême afin daborder la problématique. Nous voulons aller encore plus loin en affirmant que la juxtaposition des deux doctrines paradoxales, voire contradictoires, suggère que la Rédemption peut être négociée et reconfigurée selon les convictions du croyant. Les prescriptions et les proscriptions de lÉglise nimposent pas une foi spécifique, mais elles fournissent des directives, dans lequel différents types de foi peuvent être formulés, exprimés, confrontés, adaptés, défendus ou abandonnés.

Le rôle du pays de Cocagne dans le supplément du mandement est, dans cette optique, polyvalent. Comme lont déjà montré des recherches antérieures, le pays de Cocagne ne se comprend que par son contraste avec la réalité42. Cette construction imaginaire dune vie parfaite est souvent considérée comme une évasion hors dune civilisation caractérisée dordinaire par la pénurie, voire la faim, par des conditions de travail dures et enfin par une morale sexuelle contraignante43. Compte tenu des réalités de lépoque, le pays de Cocagne constitue donc un monde à lenvers. Nous souscrivons à lidée que la fantaisie du pays de Cocagne est une forme déchappatoire à la vie ordinaire, à laquelle on peut ajouter une autre préoccupation : celle de la vie après la mort. Les inconsistances dans les doctrines chrétiennes présentes dans le mandement soulignent une inquiétude bien réelle de lhomme médiéval par rapport à son destin. Dune part, on croyait que la pauvreté facilitait la rédemption et assurait le salut. De lautre, le travail était également une activité rédemptrice, sauvant lhomme de la perdition en lui offrant le salut. Lidée que la Rédemption de lhomme puisse être négociée et reconfigurée est à cet égard un message rassurant car elle implique quil existe plusieurs possibilités daccéder au Royaume des cieux. Dans cette perspective, le mandement des souls douvrer nest pas seulement un texte critiquant linconsistance dans les doctrines religieuses, mais aussi un texte despoir, au sens où il ne condamne pas ces inconsistances.

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Étant donné la précision avec laquelle lauteur du mandement des souls douvrer a imité le mandement officiel, il nous semble tout à fait probable que cet auteur connaissait bien la culture juridique du xvie siècle. Avec ce texte, lauteur sinscrit dans une discussion théologique avec un instrument quil connaît très bien. Le grand avantage du mandement sur dautres modèles juridiques est quil incite toujours très explicitement à laction, ici à laction de réfléchir sur le travail, la pauvreté et la Rédemption. Le texte combine cet ordre sérieux avec le plaisir (le mandement joyeux reste un texte amusant qui plaît au lecteur) et unit ainsi lutile à lagréable (« utile dulci »).

Conclusion :
labbaye joyeuse en tant que locus iucundus

Pour conclure nous voulons émettre lhypothèse que les abbayes joyeuses dans les mandements joyeux fonctionnent notamment comme un topos de la littérature joyeuse, très similaire au topos du pays de Cocagne et du monde renversé. La différence avec le monde renversé en général est le fait que labbaye joyeuse est un topos plus concret et tangible. La différence avec le motif du pays de Cocagne est le lien que le topos entretient avec la réalité : les abbayes joyeuses occupent leur place dans la société médiévale, tandis que le pays de Cocagne nest quune construction imaginaire. Néanmoins, les trois topoï mentionnés ont des traits communs : des lieux évoquant une ambiance de liberté et de joyeuseté, sans contraintes sociales et religieuses. La fonction du topos de labbaye joyeuse dans le cas du mandement des souls douvrer est de faciliter la réflexion critique sur la Rédemption de lhomme. Labbaye joyeuse doit être considérée comme un élément indispensable pour la création dun espace où lon pouvait sexprimer sur ce type de sujets, mais ces réflexions ne sont pas, habituellement, le but premier des activités des abbayes joyeuses – au moins pas dans leurs résidus imprimés, lorsquils ne sont pas liés à un contexte festif spécifique.

Afin de préciser la nature exacte du topos de labbaye joyeuse dans la littérature joyeuse, signalons que lanalyse de la confrérie des souls 432douvrer a montré quil sagit avant tout dun lieu convivial et de réjouissance, où lon essaie de limiter limportance du travail et de largent en faveur dinteractions sociales – dont lamitié, la solidarité et la sociabilité parmi les membres de labbaye semblent être les plus notables.

Ainsi, cette ambiance amicale et joyeuse permet à lauteur du texte dintégrer des points de réflexion, notamment sur la Rédemption, comme vu ci-dessus. Dans les mandements joyeux, labbaye joyeuse est donc en quelque sorte un lieu commun (sans son acception plutôt péjorative actuelle), auquel nous avons souhaité appliquer un terme plus précis : celui de locus iucundus (lieu joyeux). Le locus iucundus de labbaye joyeuse est donc un topos se référant à un lieu imaginaire de réjouissance et de joyeuseté. Ce lieu, loin dêtre parfait, est doté de trois éléments intangibles : linteraction humaine (favorisant lamitié et les échanges didées), la réjouissance (souvent sous forme de festivités ou dactivités ludiques) et la sociabilité (dans laquelle nous comptons également la solidarité). Cest ce lieu que recherchent autant les compagnies joyeuses qui organisent leurs festivités régulièrement dans de nombreuses régions françaises et francophones, que les lecteurs des livres joyeux qui en découlent.

Rozanne Versendaal

Université dUtrecht – NWO

433

Annexe

Transcription du texte

Anon., La grande confrarie des soulx douvrer et enragez de rien faire, Lyon, François Juste, 1537. München, Universitätsbibliothek, W P gall 408 (5).

1

Indulgences et pardons de la confrarie de monseigneur mon sieur sainct Lasche.

De par Saoul douvrer. Par la grace de trop dormir, roy de negligence, duc doysiveté, palatin denfance, visconte de meschanceté, marquis de trop muser, connestable de nulle entreprinse, Admiral de faintise, cappitaine de laisse moy en paix, garde et gouverneur de tous ceux et celles qui aiment besongne faicte et du tout achevee. Et seigneur de rien aire, escuyer et courrier de la court ordinaire de monseigneur monsieur sainct Lasche.

5

10

A noz amez feaulx les generaulx et conseilliers sur le faict de nulle science.

A noz tresoriers et argentiers sus le faict de nulle finance, qui sont noz aydes, et a noz maistres de plusieurs affaires,

A nostre baillif Salut.

15

Sans dilacion et nul confort nous avons entendu par bonne et souffisante complaincte de noz bien amez et alliez les gens de nostre abbaye de chasse prouffit. Si comme sont pouvres, souffreteulx, endebtez, malheureux, mal fortunez, miseraulx, quereleux, necessiteux, racheptz, et teigneux, vuides de richesses et indignes de tous biens privez, et de tout en tout despouillez

20

que sur peine de cinq marcs destouppes destre bouilliz en bren et brulez en la riviere,

25

vous ayez a tenir les ordonnances qui sensuyvent de par nostre tresreverend père en dieu et indiscricte personne PONTS maudine nostre prelat esleu par les conseilliers de nostre abbaye de chasse prouffit,

434

que combien tant pour eulx que pour leurs predecesseurs dont ilz ont cause, ayent esté sont et seront encores et demoureront se dieu plaist en bonne saysine et vraye possession de non rien avoyr, et de tousiours

30

moins acquerir pour nous ny pour autres en aulcune manière et de faire tousiours grandes debtes, et pour iceulx debtes estre tousiours emprisonnez, gaigez, excommuniez plus souvent que ung chascun jour.

Et si par aucun cas daccident ou de fortune il leur advienne aucun peu de rente ou quelque bonne et vallable possession (que la dieu ne playse) ilz en doibvent ordonner et disposer en ceste manière qui sensuyt.

35

Cest assavoir quilz layssent leurs maisons cheoir a terre et mectre en ruine, affin quil ne pleuve dessus, aussi par eulx chauffer du bois de la couverture dicelle maison silz sont gens qui puissent endurer le feu.

Item quilz laissent leurs terres et heritages sans les labourer ne rien y semer, pour la doubte des oyseaulx, lesquelz mangent les semences et les fruictz quand ilz sont meurs, et apres laissent venir leurs prez en ruynes, espines, et buissons, affin que les Regnars, Lievres, Lappins, cerfz, biches, porcs sangliers, et autres bestes saulvaiges puissent habiter ausdictz prez et faire leurs retraictz, et les oyseaulx y faire pareillement leurs nidz si mestier est. En oultre laissent leurs vignes venir en herbes et desers pour obvier et resister aux grandes peines, labeurs missions et despens quil convient faire et mettre ung chascun an pour les labourer et fessorer.

40

45

50

Item plus laissent leurs boys coupper, rompre, tailler, et destruire, pour causes des bestres sauvaiges et des larrons, qui en cause de neccessité y pourroient faire leurs retraictz, affin de eulx se musser et cacher.

Item quilz laissent rompre et crever leurs estangs pour cause qui les pyssons et autres bestes comme escrenisses, raves, chaboulx, qui sont dedans, quilz puissent estres hors de prison et sesbatre parmy les champs, et changer un peu daer.

55

Item leurs moulins laissent cheoir et tomber en ruyne pour cause de la farine qui gaste les robes des bonnes gens qui y viennent mouldre. Et pource, et a cause que nous gardons et maintenons en nostre dicte abbaye de chasse prouffit, fine franchise, follastrerie Chasteau tout y fault, que iamais ne mourra sans heretiers, et de leurs autres biens, rentes, et revenuz que ia navienne se dieu plaist aucun bien ny proffit.

60

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Aucuns noz autres justiciers et subjectz si comme sont escervelez, folz, frenetiques, oultrecuidez, cornars, musars, teigneux, plains de vernime, et autres bavars sans raison, ne bort, ne maison, renverseurs de tasses, vuideurs de couppes, blanchisseurs de veurre, taincturiers de nappes, rotisseurs de trippes, escumeurs de potz, vireurs de rost, tireurs de chair

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du pot, trois heures avant quelle soit cuycte. Regardeurs et gardeurs de gaiges en plusieurs lieux par deffault de plus souffisant quand ilz ont a besoingner avec leurs heraulx, si comme sont lanterniers, buffatiers, crieurs de vin a vendre, ruffians, orliers, bourdeurs, yvrays, gourmans, truans, porteurs dymages, basteleurs, trompeurs, barateurs, et coquilleurs.

Lesquelz se sont parforcez et ung chascun jour se parforcent dentrer en nostre grand et terribre royaulme de verte bise et frappe vent. Et veullent ediffier maisons et hebergement qui sont desolez. Et de long temps destruyz. Nous les souhaictons, desirons, et voulons garder en tel estat bien longuement. Et qui pis est ilz ne laissent daler par les bonnes villes de nostre royaulme et autres lieux, a cause du grand argent quon leur doibt, et quilz doyvent. Pareillement affin de trouver tavernes et cabaretz pour passer leur temps et augmenter leurs honneurs en soubtenant ladicte abbaye et coustume de monsieur Sainct Lasche car ilz ne veulent prendre adventaige sur personne quelconque, si daventure il ne le peuvent trouver, car ilz ne se rompent pas les jambes a les chercher. Et en retournant desdictes tavernes et cabaretz ont accoustumé de se battre et donner les ungs aux autres grans tatins et horions, gros et menus, lesquelz horions par faulte despaze se donnent avec grosses pierres et gros tronsons de boys, et qui pis est payent deniers brulez, liards effacez, karolus, soulz, et testons qui ne se mettent en pain, en vin, en chair, ny poysson. Et en partant desdictes tavernes en cotant a leurs hostes et hostesses, leur baillent a garder par faulte dargent robes, manteaulx, cappes, sayons, chausses, et pourpoincts et autres habilemens si davanture ilz ont grandes estaches de ciens, grosses pierres blanches et noyres, saphiz, jaunes, dyamans noyrs, et perles rouges, et plusieurs autres pierres precieuses, lesquelles donnent en gaige et a garder soubz les deux yeulx de la teste jusques a temps quilz ayent loisir de les payer, au grand prejudice et dommaige de lesdictz complaignans en les perturbans a tort et a droit, et sans cause

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et raison deue. Et de nouveau en venant contre les privileges de nostre abbaye de Chasse prouffit, requerans sur ce provision de justice.

Parquoy nous ces choses considerees et avoyr ouy par lesdictz complaignans. Nous vous mandons et commandons que Royallement et de faict vous les maintenez et gardez en vraye saisine et possession davoir tous les dimenches deux miches de faulte, le lundi faulte de vin, le mardi, mescredi, et jeudi neccessité chaire. Le vendredi et samedi comme les autres jours, et de nen rien avoir en tout temps fors seulement toute leur vie pouvreté et misere. Et en cas dopposition non suffisante, attendu que lesdictz complaignans ne sont tenuz si ne leur plaist de proceder ailleurs fors en nostre dicte abbaye de Chasse pourffit, vous leur donnerez et assignerez jour on competant par devant lung de noz juges, ou pardevant son liutenant pour les reculler de bien en mal, et proceder de mal en pis et de pis en pis, et encore oultre pis, sans occasion ne ryme ne raison. Car ainsi le voulons, et ausdictz complaignans lavons octroyé et octroions per ces presentes.

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Lan de grace especiale aux lanbernieres troys jours apres jamais en nostre ville de Meschance, aupres nostre cite de Malaise. Sellez de noz petitz seaulx par deffault de nostre grand seau (qui est chez loffevre engaigé pour la fasson). Et signees par les maistres des souffreteux a la relation des endormiz. Tesmoings Jehan gueneau, Thibaux lenflé. Et Guillaume maul souppé, a ce requis sans appeler. Et signees par nous autres notaires cy soubx nommez. Desvignes. Des blez.

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Choses merveulleuses et de grandes indulgences de ladicte confrarie de Monseigneur monsieur sainct Lasche.

Bachus, Cupido, Ceres, Pallas et Venus regens et regentes des privileges et ordinaires de la confrarie de nostre tresreverend père en dieu monseigneur monsieur sainct Lasche salut.

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Veu et considere que selon les merites de ce monde on est remuneré en lautre. Nous ayans esgard et respect a noz amez et feaulx serviteurs et servantes de nostres abbaye de monsieur sainct Lasche,

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faisons assavoir a ung chascun et chacune que pour la remuneration du bien et de lhonneur qui se sont parforcez en ce monde a lhonneur de nostre dict prelat eux trepassez de ce monde en lautre, avons trouvé une isle assise en ung lieu delectable, ou a tout jamais pourront demourer en joye et felicité, sans avoir pensement quelconque, comme ung chacun pourra puis apres ouyr et entendre. Car au milieu de ladicte isle y a ung chasteau tellement construict et edifié, que cest ung cas incredible, sinon a ceulx qui lont veu et bien regardé. Car les murailles dudict chasteau sont toutes faictes avec gras fromages de Milan totues en poinctes de diamans, et ont telle proprieté que tant plus on en ostes, et tant plus en revient. Les creneaulx et fenestrages sont descalletes, avec une manière de mortier sainct avec beurre fraiz, fromaige, et force succre. Les pontz levis sont panez avec force casse museaulx, les chaisnes a lever lesditz ponts levis sont faictes dandouylles et de gras boudins farciz et roustiz tous pres a manger et grignotter. A lun des costez dudict chasteau a main escarre sont situez palais, chambres, et salles, tous pavez de pierres pretieuses, comme jacintes, rubis, esmeraudes, escarboucles, perles turquoyses, e tgros dyamans qui est une chose fort magnificque. Et sont lesdictes chambres toutes voultees de petitz pastez, lesdictz sont de plume de Fenix, et les chalitz de fin yvoire, ouvrez et taillez a plaisir, les courtines de fin drap dor faictes en broderie triumphante. Les cuissinetz de velours cramoysi, tellement que quand on a dormy dix ans il ne monte pas dix heures. Les tables, treteaulx, et scabelles sont faictes de bois, daloys, de sandix et de chipres, qui rendent une odeur si suave et si magnificque que a bien considerer cest une chose deificque. Les nappes et serviettes sont faictes en taffetas blanc, les platz escudelles et toutes aultres vaisselles sont faictes des carboucles taillees et devisees en toutes sortes et manieres quon scauroyt demander. Tellement que quand voullez asseoir a table vous navez sinon a demander telles viandes que voulez, que les avez incontinant toute stailles et prestes a manger. Et si ne voulez prendre la peine a les tailler, vous navez sinon baisler que les morceaulx saultent incontinant en vostre bouche. Et au sortir desdictes tables, vous avez toutes manieres dinstrumens, comme orgues, tabourins, rebecz, auboys, trompettes, luctz, psarterions, clairons et manicordions. Lesquelz sont de si melodieux accord que ung an ne deure pas ung jour. Or quand

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au costé droict vous avez les jardins de plaisansce, ou y a toutes manieres de fleurs quon scauroyt demander. Ung peu plus avant vous trouverez une vallee en laquelle y a plusieurs belles fontaines qui rendent vin blanc, in claret, vin cuit, vin grec, yppocras, malvesie, et fin muscat. Ung peu plus avant y a ung petit verdier auquel tombe quand on veult de gresle qui nest sinon toutes manieres de dragees comme camellat graugeat, girofflat, madrians, anis, coriandres, dragee, musquee que toutes autres couleurs. Et est ledit verdier tout ferme et environné darbres qui portent faisans, gellines, perdriz, connins, beccaffes, chappons, et espaules de mouston toutes rosties et prestes a manger. Et en mon tant ung peu plus hault vous trouvez une montaigne si haulte que quand vous estes au dessus vous povez toucher au ciel, si y voulez toucher. Et porte ladicte montaigne une sorte darbres qui portent toutes manieres dhabillemens, comme robbes, cappes, manteaulx, gonnelles, manchons, chapperons, et quand les voulez avoir vous navez sinon a parer les espaules que incontnent saultes dessus.

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Pourquoy ung chascun se pourra parforcer de maintenir obeyr et servir aux commandemens de monseigneur monsieur saint Lasche, pour parvenir a la felicité des choses susdictes.

Item et pour la grande multitude de nosdictes terres et seigneuries il y a plusieurs gens qui bien souvant sont necessiteux et ont affaire dor et dargent et ne scavent que vallent plusieurs pieces dor et dargent. Et a cause quilz nen ont point et nen manient gueres et si en vouldroient beaucoup avoir mais aucuneffois il fait si grand froyd quilz ne scauroient tirer ung escu de leur bourse. A celle fin nous y voulons pourvoir et remedier et mettre pris raisonnable selon la valleur de lor et monoye de nostredicte abbaye.

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Donne en nostredict couvant de maugouverne. Lan du monde six mille six cens et six et le trentesixsiesme du moys passé, signe par le grand conseil et par nostredict chancellier.

Raguin paintre des rouges museaux.

1 N. Z. Davis, « The Reasons of Misrule : Youth Groups and Charivaris in Sixteenth-Century France », Past & Present, 50, 1971, p. 41-75 ; K. Lavéant, Un théâtre des frontières : la culture dramatique dans les provinces du nord aux xve et xvie siècles, Orléans, Paradigme, 2011 ; K. Gvozdeva, « Celebrating Men in Rabelais », Romance Studies, 23, 2, 2005, p. 77-90 ; J.-Y. Champeley, « Organisations et groupes de jeunesse dans les communautés dentre Rhône et Alpes (xvie - xviie - xviiie siècles) », thèse de doctorat, Université Lumière – Lyon 2, 2010.

2 Dans cet article, nous adoptons de langlais le mot performative, qui signifie : « relating to or of the nature of dramatic or artistic performance ». « Performatif » doit donc être ici compris dans le sens de : « ayant un aspect théâtral ».

3 H. Pleij, Het Gilde van de blauwe schuit : literatuur, volksfeest en burgermoraal in de late middeleeuwen, Amsterdam, Meulenhoff, 1983.

4 De Blauwe Schuit était par exemple le nom dun groupe joyeux actif à Bergen op Zoom (aux Pays-Bas méridionaux) à la fin du Moyen Âge.

5 À ce que nous savons, il sagit de cinq textes en français : 1. Le monologue des nouveaulx sotz de la joyeuse bende (±1520) : mandement sous forme de poème qui décrit le banquet organisé pour tous les sots de la région. Une grande partie du poème consiste en une liste des types de sots. Une autre partie présente la nourriture abondante du banquet et les divertissements, comme la musique, les jeux, etc. Ce mandement na jamais fait lobjet dune étude détaillée. Pour linstant, nous pensons que ce texte a eu une fonction commémorative. Il contient un vaste répertoire dobjets, personnages, thèmes, motifs et vocabulaires joyeux. Le fait que ce texte était notamment destiné à la lecture (individuelle) semble confirmer lidée selon laquelle ce texte répondait aux sentiments de nostalgie et de commémoration des festivités joyeuses dautrefois. 2. Les ordonnances et reformations nouvellement faictes et imprimees sur la pierre de mauconseil (1521) : ce texte sinscrit probablement dans le milieu basochien de Paris. Comme la montré Natalie Z. Davis, au cours du xvie siècle, les abbayes joyeuses sorganisaient de plus en plus souvent au niveau de groupements professionnels (et non plus à léchelle dun village). Le cas le plus célèbre est celui de la Basoche, corporation des clercs de justice. Voir : M. Bouhaïk-Gironès et K. Lavéant, « Le Mandement de froidure de Jean Molinet : la culture joyeuse, un pont entre la cour de Bourgogne et les milieux urbains », Jean Molinet et son temps. Actes des rencontres internationales de Dunkerque, Lille et Gand (8-10 novembre 2007), éd. E. Doudet, J. Devaux et É. Lecuppre-Desjardin, Turnhout, Brepols, 2013, p. 70. 3. La Coppie du grant mandement general de labbe des mal prouffitans (1528) : ce mandement est en réalité une hybridation entre une pronostication joyeuse et un mandement joyeux. Pour une analyse détaillée de la partie « pronostication » de ce mandement, voir : F. Manuel, Lâne astrologue. Les Pronostications Joyeuses en Europe (1476-1623), thèse de doctorat, Université de Toulouse le Mirail, p. 195-201. 4. La Grande Confrairie des saoulx douvrer et enragés de rien faire (1537) : ce texte est lobjet du présent article. 5. Privilège des Enfants sans souci (1650) : texte contenant la constitution de lOrdre du Tonneau. Le mandement décrit les membres de lordre, qui sont obligés de boire et qui ne peuvent pas se satisfaire dautres produits alimentaires car cela peut les empêcher de boire. La mention des Enfants sans souci dans ce mandement est inspirée de la confrérie des Enfants-sans-Souci de Paris, une troupe dacteurs semi-professionnels (sur ce groupe, voir M. Bouhaïk-Gironès, Les clercs de la Basoche). Il ny a toutefois aucune relation réelle entre cette confrérie et lOrdre du Tonneau du mandement, qui est imaginaire et dont la création date de deux siècles plus tard.

6 Ces mandements forment la base dun chapitre de ma thèse sur les mandements joyeux en France et aux Pays-Bas (prévue pour 2020). Cette thèse fait partie du projet VIDI « Uncovering Joyful Culture : Parodic Literature and Practices in and around the Low Countries », dirigé par Katell Lavéant à lUniversité dUtrecht aux Pays-Bas et bénéficiant dune subvention de lOrganisation Néerlandaise pour la Recherche (NWO). Le chapitre de thèse en question discute les rapports étroits entre les abbayes joyeuses et le mandement joyeux.

7 Pour lexplication de la structure et la rhétorique juridique du mandement, nous nous référons à larticle de Paul Verhuyck sur le Mandement de Bacchus : Paul Verhuyck, « Les mandements joyeux et le Mandement de Bacchus, Anvers, 1580 », Aspects du théâtre populaire en Europe au xvie siècle, éd. M. Lazard, Paris, Sedes, 1989.

8 Christine Bénévent a remarqué que les textes littéraires imprimés portant sur des abbayes joyeuses sont issus des milieux urbains. Il sagit dune production assez tardive dans lévolution des abbayes joyeuses en France : « Le point sur lequel semblent se rejoindre les spécialistes, cest dune part lorigine à la fois juvénile et villageoise de ces sociétés, qui ont perduré dans les campagnes sans grand changement jusquau xviiie siècle, et dautre part le changement de statut qui sest opéré lorsquelles ont été transposées en ville et “récupérées” ou “apprivoisées” par des bourgeois, des corporations dadultes et de métiers. Parmi les changements les plus remarquables, on note lenrichissement du contenu dramatique et littéraire de Maugouvert et de tout le vocabulaire de la Folie, donnant lieu à des compositions plus élaborées, telles que la sottie et le coq à lasne, et dont on garde désormais un témoignage, imprimé ». Ce sont notamment le « contenu [] littéraire de Maugouvert et [] tout le vocabulaire de la Folie » qui sont caractéristiques des mandements joyeux racontant le sort des abbayes joyeuses. Voir : C. Bénévent, « Folie et société(s) au tournant du Moyen Âge et de la Renaissance », Babel, 25, 2012, p. 121-148.

9 Afin de comprendre cette problématique et ses implications pour notre approche des mandements joyeux, nous nous appuyons sur un essai du philosophe Clément Rosset, Le Réel et son double (1976). Dans cet essai, Rosset explique les relations entre le réel et ses échos possibles (textuels, visuels). Le réel est créé à travers des échos et lhomme ne peut ni percevoir, ni définir le réel. Rosset fut fortement influencé par la philosophie de Nietzsche, notamment lorsquil écrit que la dichotomie entre le réel et les faux-réels constitue une vision pessimiste, voire absurde et cruelle du monde. Nous ne nous inscrivons pas dans cette vision nietzschéenne. Nous proposons de dépouiller la dichotomie entre le réel et le faux-réel de sa connotation absurde afin de concrétiser et de rendre plus tangible la relation entre lobjet de notre étude, labbaye joyeuse imaginaire, et labbaye joyeuse historique. Voir : C. Rosset, Le Réel et son double : essai sur lillusion, Paris, Gallimard, 1976.

10 J. Molinet, Les Pronostications Joyeuses, éd. J. Koopmans et P. Verhuyck, Genève, Droz, 1998.

11 Cest-à-dire le mandement joyeux, le testament joyeux, le sermon joyeux, etc.

12 B. N. Saugent-Baur, « Book review », Fiftheenth-Century Studies, 28, 2002, p. 266.

13 Néanmoins, il faut souligner que les textes parodiques de cette étude sont en effet des imitations humoristiques dun modèle, mais que les parodies ne ridiculisent pas nécessairement la solennité de ce modèle. Comme la affirmé John Yunck : « [t]he text is the parodists weapon, not his target ». Voir : J. A. Yunck, « The Two Faces of Parody », Iowa English Yearbook, 8, 1963, p. 36-37.

14 M. Bayless, Parody in the Middle Ages. The Latin Tradition, Ann Arbor, The University of Michigan Press, 1996, p. 3 ; G. Highet, The anatomy of satire, Princeton, Princeton University Press, 1962 ; Yunck, « The Two Faces of Parody », p. 36-37.

15 Bayless, Parody in the Middle Ages, p. 3.

16 Bayless, Parody in the Middle Ages, p. 5.

17 Lidée du « situatedness » vient du critique littéraire Terry Eagleton. Selon lui, des textes doivent toujours être considérés comme des « forms of activity inseparable from the wider social relations between writers and readers, orators and audiences, and as largely unintelligible outside the social purposes and conditions in which they were embedded ». Voir : T. Eagleton, Literary Theory : An Introduction, Minneapolis, Minn, 1983, p. 206. En français, cette idée a été aussi développée par Sartre dans J.-P. Sartre, Situations, Paris, Gallimard, 1947.

18 J. Koopmans, « La parodie en situation. Approches du texte festif de la fin du Moyen Âge », CRMH, 15, 2008, p. 88.

19 M. Bakhtine, Esthétique et théorie du roman, Paris, Gallimard, 1978, p. 477.

20 Le livre contenant le mandement de cette compagnie est le suivant : Anon., La grande confrarie des soulx douvrer et enragez de rien faire, Lyon, François Juste, 1537, USTC 24039. Le livre connaît une longue tradition éditoriale et de nombreuses réimpressions, sétendant jusquau xixe siècle. Katell Lavéant a parlé de la tradition éditoriale de ce livre en 2017, à la conférence annuelle de la Renaissance Society of America à Chicaco : K. Lavéant, The Long Printing Tradition of Mock Regulations in French (Sixteenth through Eighteenth Centuries), colloque international, Chicago, Renaissance Society of America, 2017.

21 Ici, nous nutilisons que les termes « confrérie joyeuse » et « abbaye joyeuse » pour désigner ce groupe imaginaire des souls douvrer. Ce choix se fonde notamment sur le fait quil sagit, dans le cas des souls douvrer, dune organisation fictive adoptant la hiérarchie et la structure dune abbaye ou dune confrérie religieuse réelle telles que nous les connaissons de la fin du Moyen Âge. Les termes « compagnie » ou « société » sont moins appropriés ici, puisquils sont plus larges et ne renvoient pas nécessairement à la structure sociale dune abbaye religieuse. Pour toutes les traductions du moyen français, nous avons utilisé le Dictionnaire du Moyen Français, consultable sur le site de lATILF.

22 Pour toutes les références au texte, nous citerons notre transcription (voir lannexe), avec les numéros des lignes de cette transcription.

23 J. Merceron, Dictionnaire thématique et géographique des saints imaginaires, facétieux et substitués : en France et en Belgique francophone du Moyen Âge à nos jours : traditions & dévotions populaires, littérature, argot : suivi dun répertoire raisonné des dévotions et patronages par calembour, Paris, Seuil, 2002, p. 327-329.

24 Nous avons choisi de ne pas traiter de cette partie du livre car elle se positionne dans des recherches plus larges portant sur les objets appartenant à la culture festive ainsi que les recherches sur la « satire dargent » ou « money satire ». Voir les travaux de J. A. Yunck, « Medieval French Money Satire », Modern Language Quarterly, 21, 1960, p. 73-82 ; J. A. Yunck, The Lineage of Lady Meed. The Development of Mediaeval Venality Satire, Notre Dame, University of Notre Dame Press, 1963.

25 Bouhaïk-Gironès, Les clercs de la Basoche, p. 111. Ces deux types dassociations peuvent converger, ce que lon observe par exemple avec la Coquille de Lyon. Cette confrérie organisait des parades et des festivités carnavalesques, mais était aussi un groupe rassemblant les représentants dun même métier, les imprimeurs.

26 Jusquà maintenant, nous navons aucune idée de la signification de ce nom dans le cadre de ce mandement et de la confrérie, ni dans le contexte plus large de la littérature joyeuse et du monde de théâtre.

27 Nous signalons que le jeûne est aussi une pratique religieuse, surtout dans les abbayes. Voir par exemple : C. H. Lawrence, Medieval monasticism : forms of religious life in Western Europe in the Middle Ages, Londres, Routledge, 2015, p. 135-158.

28 Représentant dun seigneur exerçant des fonctions judiciaires et administratives.

29 A. van Dixhoorn, Lustige geesten : rederijkers in de Noordelijke Nederlanden (1480-1650), Amsterdam, Amsterdam University Press, 2009, p. 297. Dans le chapitre « Vrolijke welsprekendheid », Van Dixhoorn explore de nouvelles directions de recherche, surtout dans le domaine de la culture joyeuse néerlandaise.

30 Pour ces thèmes Katell Lavéant a par exemple retrouvé une grande variété de noms des compagnies joyeuses. Voir : Lavéant, Un théâtre des frontières, p. 49.

31 Nous remarquons que la folie est un thème omniprésent dans le théâtre médiéval français, ce qui renforce notre idée selon laquelle lune des caractéristiques des mandements joyeux est leur nature performative.

32 Lensemble de ces thèmes dérive dune analyse globale de notre corpus des mandements joyeux (environ 50 textes).

33 Voir aussi note 5.

34 Van Dixhoorn, Lustige geesten, p. 297.

35 Voir par exemple : Bulle concédant des indulgences à la Confrérie de Notre-Dame de Miracles et de Vertus, octroyé par le pape Clément X au xviie siècle de 1670.

36 Sur la littérature médiévale et le dogme de la Rédemption, voir notamment : C. W. Marx, The Devils Rights and the Redemption in the Literature of Medieval England, Cambridge, D. S. Brewer, 1995.

37 William Marx définit cette catégorie de textes comme de la « littérature législative » (Literature of Law). Voir : W. Marx, « The Conflictus inter Deum et Diabolum and the Emergence of the Literature of Law in Thirteenth-Century England », Thirteenth Century England XIII, éd. J. Burton, F. Lachaud, P. Schofield, K. Stöber, B. Weiler, Suffolk, Boydell & Brewer, 2011, p. 57-66. Voir aussi : H. Pleij, Dromen van Cocagne. Middeleeuwse fantasieën over het volmaakte leven, Amsterdam, Prometheus, 1997, p. 405.

38 A. Musson, Medieval Law in Context. The growth of Legal Consciousness from Magna Carta to The Peasants Revolt, Manchester, Manchester Medieval Studies, 2001.

39 La matérialité du livre contenant de ce mandement confirme quil sagit dun texte issu de la littérature populaire de lépoque, ce qui signifie que le livre est publié pour un très grand public, voire illimité. Comme la suggéré Jeroen Salman, nous ne pouvons exclure aucune classe sociale lorsquil sagit de la vente et de la lecture de ce type de livres. Pour une définition plus élaborée, voir : Jeroen Salman, Populair drukwerk in de Gouden Eeuw : De almanak als lectuur en handelswaar, Zutphen, Uitgeversmaatschappij Walburg Pers, 2011, p. 22-24.

40 K. Robertson et M. Uebel, The Middle Ages at Work : Practicing Labor in Late Medieval England, New York, Palgrave MacMillan, 2004, p. 67-90.

41 K. Crassons, « The workman is worth his mede : poverty, labor and charity in the sermon of William Taylor », The Middle Ages at Work, K. Robertson et M. Uebel, New York, Palgrave MacMillan, 2004.

42 Voir entre autres : Pleij, Dromen van Cocagne ; M. Montanari, La Faim et lAbondance. Histoire de lalimentation en Europe, Paris, Seuil, 1995 ; J. Delumeau, La mort des pays de Cocagne : comportements collectifs de la Renaissance à lâge classique. Paris : Publications de la Sorbonne, 1976.

43 Delumeau, La mort des pays de Cocagne, p. 11-14.