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Classiques Garnier

Parodic sacrifices and Sienese brigate in the sixteenth century Celebratory and literary representations

  • Publication type: Journal article
  • Journal: Cahiers de recherches médiévales et humanistes / Journal of Medieval and Humanistic Studies
    2019 – 1, n° 37
    . varia
  • Author: Gvozdeva (Katja)
  • Abstract: This article aims to delimit the parodic sacrifice as a cultural genre in the renaissance period, while reviewing the diversity of the practices associated with it. It examines the case of 16th century Sienna – where the Intronati academy, the Rozzi company and the author Pietro Fortini figured as key players – by the analysis of the circulation of parodic sacrifices, from ritual performance to literary product, in different communities and in various cultural domains.
  • Pages: 357 to 385
  • Journal: Journal of Medieval and Humanistic Studies
  • CLIL theme: 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
  • EAN: 9782406097013
  • ISBN: 978-2-406-09701-3
  • ISSN: 2273-0893
  • DOI: 10.15122/isbn.978-2-406-09701-3.p.0357
  • Publisher: Classiques Garnier
  • Online publication: 12-17-2019
  • Periodicity: Biannual
  • Language: French
  • Keyword: sacrificial ritual, parody, anthropology, Sienna
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Les sacrifices parodiques
et les brigate siennoises du xvie siècle

Représentations festives et littéraires

La parodie est un de « ces mots si familiers, si faussement transparents, quon les emploie souvent, pour théoriser à longueur de volumes, de colloques, sans même songer à se demander de quoi lon parle1 ». Formulée il y a plusieurs décennies, cette remarque critique de Gérard Genette nous sert toujours de mise en garde. Néanmoins, au lieu de préciser dès le départ la définition de la parodie dont nous nous servirons, nous nous proposons plutôt de commencer par linterrogation sur lusage dune telle démarche.

Un tour de la question de la parodie

Parodie, notion insaisissable ?

Le vaste panorama théorique de la parodie nous démontre que lintention de « redessiner les contours dune notion devenue floue à force dêtre utilisée à tort et à travers2 » na pas jusquà présent abouti à lébauche dune définition partagée. Au contraire, tout en bousculant le sens commun de la parodie et remontant vers ses sources antiques3, la discussion actuelle est marquée par de nombreuses divergences et polémiques. Aucun des 358critères de la parodie, quil soit formel ou fonctionnel, nest protégé contre une remise en question et une révision constante dans un kaléidoscope de perspectives. Ces perspectives se multiplient dans le contexte de la transdisciplinarité. La parodie serait-elle une notion littéraire par excellence ou une attitude culturelle identifiable dans un nombre très large de domaines dactivité humaine, comme les arts4, les pratiques rituelles5 et les comportements quotidiens6 ? Serait-elle une forme dimitation, ou son contraire7 ? Serait-elle une modalité culturelle subversive, conservatrice, ou ambivalente ? Même le comique, le ludique, lironique et le satirique, ces piliers de la parodie dans ses définitions courantes, se retrouvent sapés par certaines conceptions théoriques qui vont jusquà admettre « une parodie sérieuse8 ». Aux définitions restreintes, on reproche dappauvrir la notion de la parodie et aux définitions larges de perdre de vue leur objet9.

Le tour de la question de savoir « de quoi on parle » dans la théorie de la parodie nous fait ainsi revenir vers cette notion floue que chacun, dans labsence dun consensus, continue aujourdhui à interpréter à sa guise.

Le bon usage de lindétermination
et le sens pratique de la parodie

Le scepticisme au sujet de la possibilité délaborer une définition de la parodie satisfaisante et la méfiance particulière à légard de sa théorie contemporaine se laissent aujourdhui entendre surtout de la part des historiens littéraires et culturels du xve-xvie siècle. Comme lavait encore relevé Octave Delepierre dans son Histoire de la parodie (1868), cette période historique serait particulièrement riche en productions parodiques en raison de sa configuration plurielle, instable et contradictoire en 359matière sociale, épistémologique et esthétique. Dune part, les spécialistes considèrent lensemble des définitions transhistoriques provenant des poéticiens et théoriciens culturels contemporains (Genette, Hutcheon et dautres) comme « anachroniques et inadéquates » à la culture de cette époque de transition10. Dautre part, ils prennent également différentes distances par rapport à linfluent concept théorique de Bakhtine qui postule laltérité foncière de la « conscience parodique » de lépoque11.

Tout en insistant sur lubiquité de la parodie, les médiévistes renoncent aujourdhui consciemment à en proposer une définition théorique12. Labsence du concept de la parodie au Moyen Âge en est une des raisons, mais pas la seule : « Et on est certes en droit de se poser la question de savoir si cest bien une approche purement conceptuelle qui va bien nous aider à saisir exactement ce que la parodie médiévale a bien pu être13 ».

La méconnaissance du terme ne peut être alléguée pour la Renaissance qui a redécouvert la Poétique dAristote et soumis à une intense réflexion critique les approches rhétoriques de la parodie dans lAntiquité. Ce nest pas labsence du concept mais plutôt lextrême variété des pratiques parodiques au sein de cette nouvelle culture qui fait renoncer les seiziémistes à une définition précise. Doù la proposition : « Ny a-t-il pas finalement beaucoup à gagner à maintenir la confusion “onéreuse” de lusage commun de la notion de parodie, qui lui fait désigner tantôt la déformation ludique, tantôt la transposition burlesque dun texte, tantôt limitation satirique dun style14 » ?

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Derrière le rejet des médiévistes et des seiziémistes de labstraction théorique au profit d« une approche empirique en matière de parodie15 », se profile une attitude méthodologique quon pourrait traduire en termes bourdieusiens comme « bon usage dindétermination » et la recherche du « sens pratique ». Comme le formule Dominique Bertrand, la reconstruction de « la conscience parodique » de la Renaissance, qui représente aujourdhui « un chantier ouvert », ne pourrait procéder autrement quà partir de l« indétermination de ses marques » et « des pratiques parodiques plurielles, à limage de la diversité et de linstabilité de cette période16 ».

Linsistance des historiens culturels sur les pratiques sous-entend non seulement la richesse et la variété des écritures parodiques, mais également lancrage profond de ces formes littéraires et dramatiques dans les pratiques sociales de divertissement, et leur inscription dans le cadre des festivités. Aujourdhui, à la place de la vision bakhtinienne de la parodie carnavalesque, vient une approche socio-poétique beaucoup plus différenciée des pratiques parodiques festives. Derrière celles-ci, se laissent découvrir différents niveaux de culture, se profilent différents groupes et leurs différents enjeux respectifs, sociaux, politiques et esthétiques. Il ne sagit pas de minimiser limportance de linversion carnavalesque, déterminante pour la structure parodique, mais de prendre en considération la performance parodique. Jelle Koopmans plaide aujourdhui pour « une approche situationnelle de la parodie qui saurait compenser linsuffisance dune approche trop “littéraire” ». Laccent de la recherche se déplace ainsi de la relation intertextuelle vers la situation qui prime sur « tout a priori anachronique », sur « la question générique » et sur « la présence dindices textuels ». Le terme « parodie » se retrouve remplacé par celui du « fonctionnement parodique » qui signifie « fonctionnement social de la parodie ». Cette approche peut servir à démontrer quun texte de lépoque que nous identifions aujourdhui comme parodie à la base de nos connaissances intertextuelles, ne létait pas obligatoirement pour son auteur et son public. Le texte inscrit dans les pratiques festives peut acquérir ou perdre sa valeur parodique en fonction de son contexte social et de sa « situation performantielle17 ».

Après ce rapide état des lieux, formulerons notre positionnement méthodologique par rapport à la question épineuse de la parodie qui 361nous guidera dans notre analyse. Pour pouvoir identifier la présence de la parodie dans nos sources ou constater son absence, nous avons besoins de critères. Tout en se prononçant contre la conceptualisation de la parodie dans la partie théorique de leurs études, les médiévistes et les seiziémistes évoqués se retrouvent contraints davoir recours à des définitions préexistantes dans leur analyse de cas. Dans notre propre enquête qui visera à cerner la pluralité de pratiques parodiques dans le micro-contexte siennois du xvie siècle, nous nous servirons des approches plurielles que la théorie met à notre disposition. Si les différentes définitions théoriques contemporaines sont inadaptées à lensemble de la production parodique de lépoque et ne permettent pas non plus de saisir toutes les implications dune seule parodie, elles pourront néanmoins se révéler utiles à différents étapes et niveaux de lanalyse.

Enquête siennoise

Un nœud difficile à délier

Dans les années quatre-vingt du xxe siècle, donc à lépoque où Genette reprochait à la recherche littéraire de ne pas savoir de quoi elle parle en évoquant la parodie, un fait inexplicable a attiré lattention des seiziémistes. En 1559, lauteur siennois Pietro Fortini parodie sur les pages de son recueil Le piacevoli et amorose notti dei novizi un spectacle qui a eu lieu dans la même ville 27 ans plus tôt. Écrit en dialecte siennois, le fragment est désigné comme sacrepico. Il met en scène un rite sacrificiel exécuté par un groupe débridé de vilains. Derrièrre ce sacrepico dialectal, rustique, grossier et obscène des vilains, les spécialistes de la culture et littérature siennoise de lépoque parviennent à reconnaître Il Sacrificio, lœuvre collective des membres de lacadémie des Intronati, composée par ces gentilshommes dans un volgare illustre et représentée par eux-mêmes à Sienne au début de la saison carnavalesque de 1531/218.

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Dans son édition critique du recueil de Fortini, Adriana Mauriello va plus loin que tous les autres historiens littéraires dans sa vision caricaturale et grimaçante de cette parodie. Pourtant, elle avoue ne pas trouver le motif qui pourrait la justifier :

In tal caso rimarrebbe da spiegare perché mai Fortini, a ben ventisette anni di distanza dal Sacrificio degli Intronati, ne avrebbe composto una parodia, ormai decisamente inattuale e priva di mordente satirico. Ovviamente ci si trova qui dinanzi a un nodo difficile da sciogliere []19.

« Dans un tel cas il resterait à expliquer pourquoi Fortini, à une distance historique de vingt-sept ans du Sacrifice des Intronati, en a composé une parodie, désormais absolument inactuelle et privée de son mordant satirique. Il est évident que nous nous retrouvons devant un nœud difficile à délier. »

Françoise Glénisson-Delannée, qui a également largement contribué à la redécouverte de Fortini, est également posé le « problème dinterprétation » de son texte. Elle trouve pourtant que « les termes de “parodie”, de “polémique”, de “satire”, de “caricature”, semblent, à la réflexion, excessifs pour caractériser la position de Fortini vis-à-vis de son modèle, et sans doute vaudrait-il mieux parler “dimitation souriante”20 ».

Ce « nœud difficile à délier » se présente donc tout dabord comme enchevêtrement de termes autour de la question de la parodie dans les efforts interprétatifs de nos contemporains. Nous revenons ainsi à la question du départ de savoir « de quoi lon parle » ici. Sans nous attarder à cet endroit sur le sujet terminologique qui risquerait de nous retenir trop longuement si on prenait en considération toutes les taxinomies, relevons juste les aspects qui seront importants pour pouvoir continuer à parler du texte de Fortini en termes de parodie. Les deux commentaires partent dune vision très restreinte et anachronique de lintention parodique, réduisant celle-ci au dénigrement du modèle. Dans le premier cas, cette vision détermine la teneur de la question adressée à la parodie de Fortini, qui risque dêtre en partie faussement 363posée. Car un grand nombre de théoriciens et historiens de la parodie répliqueraient que cette pratique en général et surtout au xvie siècle, nest pas obligée dêtre dirigée contre son modèle mais, au contraire, pourrait lui servir dhommage21. Dans le deuxième cas, la même vision négative conditionne le rejet du terme « parodie » au profit de celui d« imitation souriante ». À cet endroit, on pourrait également alléguer les approches théoriques, évoquées ci-dessus, qui définissent la parodie à partir de la notion de limitation, tout comme lopinion des historiens littéraires qui nous expliquent quà la Renaissance « la prolifération parodique découle plus largement encore du parti-pris de limitation » et se servent abondamment de lexpression « imitation parodique22 ».

Cette considération élimine le problème de la légitimité du terme « parodie », mais maintient le problème dinterprétation de lœuvre. La parodie de Fortini, dans le cadre littéraire du recueil et le contexte socioculturel de celui-ci, suscite certes de nombreuses questions. Mais à part ces questions on devrait également sinterroger si son modèle du Sacrificio nétait pas déjà une parodie en lui-même. Le cadre carnavalesque de la représentation, propice aux jeux parodiques, ainsi que le titre sous lequel le texte dramatique a été publié au xvie siècle, Comedia del Sacrificio de gli Intronati da Siena, nous incite à envisager cette possibilité. Dans un tel cas, il ne faudrait plus parler dune parodie isolée mais se représenter une chaîne parodique. Ensuite, il conviendrait de sinterroger sur sa capacité de nous amener à un foisonnement de sacrifices parodiques donc vers une pratique denvergure plus importante. Il serait nécessaire alors den découvrir les origines, les acteurs, les fonctionnements, les significations sociales et culturelles. Cest à partir de cette hypothèse et dans cette perspective que nous nous proposons dexplorer lintertexte culturel siennois.

Les Intronati et leur Sacrificio

Qui sont les Intronati qui se sont produits sur la scène carnavalesque siennoise en 1531/2 ? Afin de pouvoir dégager par la suite les différents 364aspects de leur représentation, il faudrait répondre à cette question didentité collective dune manière double et ambivalente.

Dans leur première facette, les Intronati représentent la première académie italienne institutionnalisée qui sest constituée en 1525 à Sienne. Ses membres, hommes lettrés, proviennent des plus nobles familles siennoises. Grâce à ce groupe porteur dinnovation, Sienne mérite le haut statut culturel du berceau du mouvement académique européen. Le nom symbolique de lacadémie qui se traduit littéralement comme « assourdis par un fracas de tonnerre », signifie, selon les statuts de cette docte assemblée, lattitude collective de détachement du monde au profit dune vita contemplativa. Le programme des activités de lacadémie des Intronati comprend les études grecques et latines et le développement de la langue littéraire toscane23.

Dans leur deuxième facette, les Intronati représentent une des nombreuses compagnies joyeuses qui pullulent dans le premier tiers du xvie siècle à Sienne à tous les niveaux sociaux et culturels. Se composant de jeunes hommes, cette compagnie qui se constitue le 1er mai sinscrit dans la tradition coutumière des fêtes de jeunesse. Selon une deuxième interprétation donnée par les Intronati eux-mêmes, leur nom collectif a ses origines dans un sobriquet moqueur, attribué aux jeunes hommes par les jeunes femmes dans le cadre dun divertissement collectif. Dans lusage courant de lépoque, intronato est tout simplement un synonyme de « stupide » ou « balourd24 ». Dans le contexte festif et ludique dune brigata hétérosociale, où les Intronati jouent le rôle damorosi giovani (jeunes amoureux), ce sobriquet acquiert une connotation érotique25 et 365pourrait être traduit comme « affolés par lamour ». Le choix du nom collectif inscrit donc les Intronati dans la culture joyeuse des jeunes à marier de lépoque, dont les appellations évoquent la folie, la sottise ou lamour. En tant que compagnie joyeuse, les Intronati sont loin de mépriser le monde et ses plaisirs. Leur mission sociale consiste à organiser le Carnaval26.

La première manifestation collective mémorable de la jeune académie/compagnie joyeuse des Intronati dans la ville de Sienne a pris la forme du Sacrificio, représentation offerte au public siennois pour louverture de la saison carnavalesque de 1531/2. Ultérieurement, le texte dramatique pourvu de didascalies a été publié sous le titre Il Sacrificio de gli Intronati celebrato nei giuochi del Carnovale in Siena lAnno MDXXXI Sotto il Sodo dignissimo Archintronato27. Cette édition, dont déjà le titre témoigne du rôle de lArchintronato, prince de lacadémie28, en tant que principal organisateur des jeux carnavalesques dans la ville, et nous donne aussi une chance de reconstruire le déroulement du spectacle29.

Sur la scène carnavalesque installée en plein air, les Intronati érigent un autel dédié à Minerve30. Ayant allumé un grand feu en lhonneur de la déesse de la sagesse, ils apparaissent sur scène en nombre complet, guidés par Il Sodo Archintronato. Faisant intervenir un de leurs membres comme prêtre païen (sacerdote), les académiciens adressent une prière collective au panthéon des dieux olympiques. Labsence de linvocation de Vénus est significative. Dans leur prière, les Intronati regrettent lerreur de sêtre consacré aux louanges des dames siennoises ingrates quils déclarent 366dorénavant comme leur pires ennemies (« asprissime nimiche », p. 3). Choisissant Minerve comme leur protectrice, ils supplient la déesse de les libérer de « leterna infamia » (p. 7) du servage amoureux pour les diriger vers la sagesse, puisée dans les études des lettres. De la prière, les Intronati passent à lacte du sacrifice. Lun après lautre, ils jettent dans le feu sacré les gages damours personnels reçus de la part des femmes : qui un anneau, qui une mèche de cheveux, qui un mouchoir trempé de larmes. Ayant payé ce tribut à Minerve, les académiciens forment une procession qui fait trois fois le tour de lautel. Ensuite chacun retire les cendres des reliques amoureuses du feu et les jette par-dessus lépaule. Sans se retourner en arrière, les adorateurs de Minerve quittent la scène. Les paroles du madrigal qui accompagne leur départ, font comprendre au public que les Intronati sengagent sur le chemin ascendant de la connaissance, qui doit les amener vers la gloire sur terre et ensuite vers la béatitude des cieux (p. 24-25).

Le texte dramatique sera inclus par les Intronati dans un recueil de leurs pièces carnavalesques. Le titre figurant sur le frontispice du recueil, Comedia del Sacrificio de gli Intronati da Siena, semble indiquer lintention comique du sacrifice, mais la provenance de ce titre et sa signification suscite trop de doutes dans la recherche pour quon puisse y insister31.

Dans un des discours académiques, ce spectacle carnavalesque et sa publication sont rétrospectivement commentés comme suit :

[gli Intronati] dilettaron niente meno con se medesimi, la loro amorevolissima, ed affettuosissima Cittadinanza ; raffigurando, a somiglianza delle superstitiose antiche genti, quel notabile Sacrificio dAmore ; la cui propria forma si viene infino a presenti giorni, non senza a altrui molto diletto nelle pubbliche stampe a preservare32.

« [les Intronati]ont diverti pas moins quà leur propre dépens leurs concitoyens affectueux et pleins damour pour eux, en représentant, à la manière des Anciens superstitieux, ce notable Sacrifice dAmour, dont la forme a été conservée jusquà nos jours par sa publication et procure toujours un grand plaisir [aux lecteurs contemporains]. »

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Ce commentaire nous donne quelques éléments pour pouvoir considérer Il Sacrificio dans une lumière parodique. Premièrement, il nous fait comprendre que ce nest pas un texte concret mais plutôt lensemble du bagage mythologique et littéraire antique qui constitue le modèle transformé dans le spectacle. La première opération parodique consiste en prise de « distance critique33 » par rapport aux Anciens, désignés comme « superstitiose antiche genti ». Continuant à se servir de la terminologie de Hutcheon, on peut désigner la deuxième opération parodique comme « transcontextualisation34 ». Les Intronati transposent le rite sacrificiel quils exécutent à la manière des Anciens, dans les coordonnées carnavalesques de la Sienne du xvie siècle. La forme rituelle dont ils se servent se remplit dun nouveau contenu qui est sans doute en relation avec leur propre identité collective. Un effet comique, critère de la parodie, non nécessaire selon Hutcheon, et nécessaire selon Rose35, serait envisageable à partir du contraste qui se crée entre limage sanglante du sacrifice des Anciens, transmise dans les sources littéraires bien connues aux Intronati36, et limage galante des objets sacrifiés par les Intronati. Le commentaire névoque pas explicitement le rire qui pourrait nous servir dindice du comique. Pour caractériser lintention et leffet du Sacrificio, il choisit un terme plus vaste, il diletto (joie, plaisir ou divertissement), procuré dabord par ce spectacle à tous les citoyens qui y avaient assisté et ensuite par le texte dramatique, publié plus tard, à ses lecteurs. Quel que puisse être sa signification précise dans notre contexte, linsistance sur il diletto provoque une question incontournable : comment les dames siennoises, faisant partie du public et interpellées de nombreuses fois 368directement par les acteurs, pouvait-elles se divertir, éprouver le plaisir et manifester la joie en sentendant traiter de « pires ennemies » ?

Pour pouvoir examiner la performance du Sacrificio, adressons-nous tout dabord à une étude récente qui sinterroge sur la possibilité dappliquer les critères de la parodie, élaborés sur des exemples littéraires, à la parodie rituelle. Celle-ci contient une consideration importante pour notre sujet :

Unlike the forms of textual borrowing and literary “transcontextualization”, on wich Hutcheon, Dentith, Rose, Genette and others focused on, we are concerned with ceremonial activities and therefore face the question of how exactly the parodistic version of a ritual differs from a genuine performance [] the parodistic performance of a ritual might still be thought to generate genuine effects. Ritual parody, therefore, moves on dangerous ground37.

Aujourdhui, le sacrifice parodique des Intronati est interprété de deux façons contraires. Certains historiens du spectacle qui privilégient une optique rituelle et donc le geste collectif dincinération des gages damour dans le spectacle, y reconnaissent un authentique « rite misogyne38 ». Dautres reconnaissent la valeur principale du spectacle dans la récitation des sonnets pétrarquistes par chacun des Intronati au moment de jeter un gage damour dans le feu. Ces derniers sont dopinion que la parole poétique abolit le geste rituel de rejet. À partir de cette optique littéraire, on parvient à attribuer à la cérémonie académique dans son ensemble une signification philogyne39. Cette dernière interprétation semble se confirmer dans lépilogue et le prologue du spectacle qui font apparaitre un des Intronati qui chante les louanges des dames en saccompagnant de la lyre.

Il suffirait de suivre Bakhtine pour attribuer au message du spectacle, inscrit dans les coordonnées rituelles du Carnaval, une valeur ambivalente. Cette valeur est pourtant trop abstraite pour pouvoir inscrire cette manifestation de lacadémie joyeuse dans son contexte socioculturel. 369Nous nous proposons donc plutôt de dégager les différents niveaux de signification de ce rite-spectacle40.

Signification rituelle

Ludovico Castelvetro (1505-1572), largement connu à lépoque pour son esprit aiguisé de critique littéraire, avait séjourné à Sienne et fréquenté les Intronati dans les années vingt – début des années trente41. Il écrit dans sa lettre de 1536, adressée à son ami Filippo Valentini :

Voi lodate il trovamento del Sacrificio Intronatesco, & se non minganno, credete loro essere stati gli autori. Ma sappiate che non essi, [], ma i passati Senesi o Toscani furono i primi ordinatori di simili solennità amorose, & allora che io dimorava in Siena, intesi che il popolo Sanese non vedeva Sacrificio potersi rendere ad Amore in altra guisa che gittare nel fuoco alcuna cosa ad honore o a vergogna dAmore42.

« Vous louez linvention du Sacrifice des Intronati, et, si je ne me trompe pas, croyez quils en ont été les auteurs. Mais sachez que ce ne sont pas eux, mais des Siennois et des Toscans des générations passées qui sont à lorigine de telles solennités amoureuses, et lorsque je séjournais à Sienne, javais compris que le peuple siennois ne voyait pas une autre manière de faire un sacrifice dAmour que de jeter dans le feu quelque chose en lhonneur ou déshonneur de lAmour. »

Le moment exact de lexécution du sacrifice parodique des Intronati permet de préciser ce témoignage important. Il Sacrificio a été mis en scène la veille de lÉpiphanie. Le soir du 5 Janvier est le moment de lannée où la jeunesse siennoise allume les grands feux pour célébrer la fête populaire quon connaît sous le nom de la Befana43. Le feu du 370sacrifice parodique nous conduit donc vers le feu rituel authentique de cette fête juvénile qui inaugure la saison carnavalesque.

Interrogeons-nous plus précisément sur la signification rituelle des feux de la Befana. Castelvetro indique que ces feux sont allumés par le peuple siennois ad honore o a vergogna dAmore. Selon les anthropologues et les ethnologues, le feu comme élément principal de cette fête de jeunesse crée un espace magique à la fois apotropaïque et propitiatoire44. Les objets que les jeunes hommes jettent dans le feu nocturne peuvent avoir la forme de figures féminines des sorcières dont il faut se protéger. Mais le jour de lÉpiphanie est traditionnellement le jour de déclaration des fiançailles. Les feux allumés dans la nuit qui précède, ont donc également un pouvoir magique daugure matrimoniale45. Comme le précise Paolo Toschi, les augures de la Befana proviennent directement du feu magique, allumé dans le cadre des rites-spectacles des associations de jeunesse. Les jeunes jettent dans le feu les objets qui symbolisent lunion, pour les retirer incandescents et les lancer après, en accompagnant ce geste par le nom des fiancés46.

Au premier niveau de sa signification, Il Sacrificio des Intronati est donc un rite festif des feux de la Befana. Il a une valeur symbolique pour toute la jeunesse siennoise indépendamment de son niveau de culture. Le plaisir quil procure aux hommes comme aux femmes est assuré par la reconnaissance des formes coutumières de ce rite de passage derrière la performance parodique à la manière des Anciens.

Signification sociale

Pour différencier clairement ce deuxième niveau du premier, précisons quil sagit ici de la problématique spécifique de la micro-société académique. Rappelons que la représentation du Sacrificio offrait à la jeune académie la première occasion de se présenter publiquement aux habitants de la ville. Lobjectif quon pourrait comprendre comme augmentation du capital social de la compagnie, pourrait fournir la raison pour laquelle les auteurs, les acteurs et les personnages coïncident dans les mêmes figures des Intronati47. Lacadémie déploie devant le public leur propre structure 371hiérarchique en montrant leur Archintronato, leur protecteur et membre honoraire Alfonso Piccolomini, Duc dAmalfi (Il Desiato), comme une trentaine dautres membres défilant lun après lautre, présentés dans le texte dramatique sous leurs noms de baptême académique.

Mise à part cette fonction représentative du Sacrificio, la synthèse entre le feu de la Befana et le feu de Minerve, rendue possible par la parodie, permet aux Intronati de négocier dans lespace liminal du Carnaval la problématique sociale de leur identité collective. Cette identité du groupe suscite à lépoque des polémiques et des reproches dans la société siennoise. Lacadémie est-elle « une auberge de doctrines » opposée au monde, ou « le pré délicieux détudes plaisantes » cultivées comme exercice mondain48 ? La contradiction entre ces deux identités collectives que nous repérons dans le domaine discursif des traités et des polémiques, est surmontée dans la performance du Sacrificio. La superposition des deux sources de lumière, le feu de Minerve et le feu de la Befana, permet aux Intronati déclairer à la fois les deux espaces de leur institution sans les opposer lun à lautre : dun côté, lespace intérieur de lacadémie accueillant les hommes sérieux qui abandonnent le monde pour se consacrer aux études assidues des lettres ; de lautre côté, cet espace extérieur de lacadémie joyeuse, situé en plein air, où elle célèbre son alliance avec le monde dans un jeu carnavalesque de coquetterie galante avec les femmes. À ce niveau de signification du Sacrificio, la figure collective des femmes nest quune métaphore du monde49.

Signification littéraire

À ce niveau, le sacrifice parodique fonctionne comme démonstration de lexcellence littéraire de lacadémie. Les historiens littéraires ayant examiné de près Il Sacrificio du point de vue de ses moyens dexpression 372poétiques, ont relevé la forme élaborée de cette composition50. Considéré sous cet angle, le sacrifice dramatique remplit la fonction du cadre pour une sorte de concours de sonnets pétrarquistes qui se développe sur scène. La récitation des sonnets occupe la majeure partie du temps du spectacle, comme on peut le déduire du texte publié. Mûris à lintérieur de l« auberge de doctrines » (suivant lensemble des procédures académiques de lectures et commentaires de Pétrarque, décriture individuelle par chacun des membres, de discussion critique, de censure rigoureuse et de sélection)51, ces meilleurs fruits de lacadémie sont offerts aux dames pendant le Carnaval52 et au large public de lecteur dans le recueil publié par les Intronati.

Sacrificio, sacrepico et sacrifitii : La parodie de Pietro Fortini dans son contexte littéraire et social

Né à la charnière des siècles à Sienne, lauteur Pietro Fortini y a passé toute sa vie53. Nous ne possédons pourtant aucun témoignage de sa participation aux activités des nombreuses associations littéraires de sa ville natale. En raison de sa condition modeste, ce bourgeois siennois ne pouvait pas être membre dune académie nobiliaire. Mais il semble quil nappartienne pas non plus à des congrégations littéraires dartisans siennois, dont son travail dans une entreprise de production de papier aurait pu le rapprocher. Contemporain de la première génération des Intronati, ce patriote siennois aurait pu faire une double expérience du Sacrificio dans sa jeunesse : celle du spectateur de cette représentation publique en 1531/2 et celle du lecteur à partir de 1537. Mais cest seulement à la fin de sa vie quil nous offre son témoignage de la réception 373productive du Sacrificio des Intronati dans la parodie contenue dans son recueil. En se basant sur la date de représentation, la critique a trouvé la parodie inactuelle. Mais sur le fond des quinze éditions du Sacrificio qui ont toutes eu lieu au xvie siècle, ce fait nous paraît moins étonnant. La parodie de Fortini pourrait être un symptôme du succès littéraire et éditorial de lacadémie. Dautre part, ce succès nest pas dû au Sacrificio mais à la célèbre comédie GlIngannati qui fait partie du même volume et qui explique ses nombreuses rééditions54. Pour comprendre lintérêt exagéré porté par Fortini pour cette œuvre finalement mineure des Intronati, il faudrait donc chercher dautres raisons, à lintérieur et à lextérieur de son recueil.

Le piacevoli et amorose notti dei novizi55 est le titre de la deuxième partie du diptyque sur lequel Fortini a travaillé entre 1555 et 1559, ayant intitulé sa première partie Le giornate delle Novelle deNovizi56. À la différence des Giornate, recueil de nouvelles à cadre dinspiration clairement décaméronienne, la composition des Notti est hautement hétérogène. Passant des Giornate vers les Notti, Fortini séloigne progressivement du modèle littéraire de Boccace en se rapprochant des pratiques festives des veillées (veglie) siennoises57. Le divertissement de son amorosa brigata, représentée dans le cadre, inclut non seulement il giuoco del novellare58, mais également de nombreuses autres formes de réjouissances carnavalesques des brigate de son époque et de sa la ville natale. Dans son écriture littéraire, il reflète toute la variété des pratiques festives comme jeux, danses, chants, banquets et spectacles comiques, 374et offre une large palette de genres littéraires. Parmi les nombreuses pièces dramatiques, inclues dans le cadre narratif des Notti, on trouve à côté des farces et comédies de composition originale de lauteur la parodie du Sacrificio des Intronati. Cette parodie se réalise dans limage dun sacrifice damour a la villana.

Vers la fin de la Quatrième Nuit, à lissue dun magnifique banquet dans une belle demeure située dans la campagne, lamorosa brigata se déplace dans le jardin pour assister à une représentation scénique59. Les jeunes hommes et les jeunes femmes sinstallent devant une tribune sur laquelle est érigée une statue de Cupidon. Les acteurs viennent au même endroit de lextérieur de lenceinte de la belle demeure et appartiennent à une autre brigata, entièrement composée de jeunes hommes en habits de vilains. Leur tumultueuse entrée en scène est décrite comme suit :

[] si sentì drento al primo cortile un gran rumore di brigate ; e per la verdeggiante pergola si vedeva un chiaro splendore, taché giorno pareva. [] eco che aparisce nel secondo cortile una gran torma di giovani tutti vestiti a villani, e ognuno di quelli aveva in mano una gran fiacola di pino accesa ; e arrivati sotto la tribuna a dove un Cupido stava a modo doracolo, tutti a quello intorno si fermoro. (p. 497)

« [] on entendit, venant de la première cour, un grand bruit de brigades ; et à travers une tonnelle verdoyante on voyait une lumière si splendide quil paraissait quil y faisait jour. [] voici quapparait dans la deuxième cour une grande bande de jeunes, tous habillés en vilains, et chacun deux tenait dans la main une grande torche de pin allumée ; et arrivés sous la tribune où un Cupidon était érigé à la manière dun oracle, ils formèrent un cercle autour de lui. »

Le spectacle de cette bande de jeunes mâles est désigné comme sacrificio par le narrateur auctorial (p. 530). Les personnages quils incarnent annoncent le rite auquel ils participent comme sacrepico (p. 498), en déformant la prononciation du mot alla villana.

Tout le déroulement du sacrepico est marqué à la fois par lextrême fidélité aux Intronati et ce qui paraît tout dabord être une extrême irrévérence à leur égard. Dans lensemble de ses quatre parties, cette représentation reproduit exactement la structure dramatique du Sacrificio : prologue chanté par un con la lira, la prière récitée par le sacerdote de la part de toute la compagnie ; le sacrifice de gages damour exécuté par la brigata masculine ; la réapparition dun con la lira dans lépilogue. 375Lambivalence du message dramatique est également maintenue dans son oscillation entre le geste de séparation des gages damour et la parole des sonnets célébrant lamour.

Le modèle académique clairement reconnaissable se retrouve pourtant travesti à laide de plusieurs moyens : costumes, attributs et langage. Au lieu de nobles académiciens siennois, on retrouve sur la scène imaginaire de Fortini les personnages de rustres vilains (rozzi villani). Un con la lira apparait chez Fortini chevauchant un âne, monture infâme. Dans ses stanze chantées en introduction et adressées aux femmes, il sexprime rusticamente, comme le souligne le narrateur (p. 497). Il sacerdote qui rassemble tous les participants pour une prière, parle également « con villanesche parole e rustici accenti » (p. 504). La grossièreté dapparence et le registre dialectal du langage vont de pair avec vulgarité et obscénité dexpression.

Quelques libertés à légard du modèle que se permet Fortini ne changent pourtant pas le sens du sacrifice. Nous nous rendons compte que lauteur a remplacé Minerve, vénérée par les académiciens, par Cupidon, vilipendé par les brigate des vilains. Cette substitution permet à Fortini de se distancier de la culture académique, tout en suivant exactement la logique masculine du spectacle des Intronati dans lacte du sacrifice de lamour. En conséquence, la prière collective des Intronati prend la forme de vitupération. Travestissant le Banquet de Platon cher aux académiciens, le sacerdote des villani représente la nature ambiguë de lamour dans une double image farcesque de larron et de cocu, autrement dit du trompeur et du trompé : « Vel voghian far mechí queste brigate / Un certo sacrepico o ver refiuto / A questo ladroncel beco cornuto » (p. 498) (Cette brigade veut vous représenter ici un sacrifice ou un vrai rejet de ce larron et de ce cocu).

Rassemblés en grand nombre autour de la statue de Cupidon, les vilains rabaissent son image, en rebaptisant le fils de Vénus en « cazzo con le ale » (membre viril avec des ailes, p. 502). Sa mère est traitée de putain (p. 504). Quant aux gages damour, ils sont représentés chez Fortini par les choses rustiques, basses ou sales, comme une citrouille, un poireau ou un radis, un rôti de porc ou un mouchoir taché de sang féminin, qui constitue une référence parodique au mouchoir trempé de larmes, sacrifié par un Intronato. Tous ces objets symboliques sans exception véhiculent des images sexuelles métonymiques ou métaphoriques. Ces 376images sont développées dans les compositions poétiques des villani. Les soupirs pétrarquisants des Intronati dans leurs sonnets sont étouffés chez Fortini dans le ricanement des sonetti caudati bernesques, célébrant lamour charnel60. La direction spirituelle du geste et de la parole poétique des académiciens sinverse ainsi dans le sacrepico en prenant dans la performance obscène des vilains la direction vers le bas corporel.

Revenons brièvement vers la question terminologique. Bakhtine désignerait ce spectacle comme parodie carnavalesque, inspirée par la « culture populaire », ce qui devrait ranger son objet dans le domaine opposé quil désigne comme « culture officielle61 ». Notre exemple permet de se rendre compte dune configuration plus complexe de la parodie carnavalesque qui peut avoir une autre parodie carnavalesque comme son objet, autrement dit, dune mise en abîme de la parodie carnavalesque. Néanmoins, retenons cette idée bakhtinienne de l« officiel », pour voir plus tard quel terme serait plus approprié pour désigner le statut social de la représentation des Intronati dans sa relation avec le texte de Fortini, comme avec dautres textes qui rentreront plus tard dans le champ de notre considération.

Selon la taxinomie de Genette, il sacrepico de Fortini ne serait pas une parodie mais un travestissement. Ce terme me paraît particulièrement approprié dans le cas de Fortini. Car le travestissement de jeunes acteurs masculins en paysans ainsi que la « transformation » du Sacrificio qui déplace ce « texte singulier » dun registre noble au registre vulgaire, sans changement de sujet, permet dutiliser le mot au sens littéral comme au sens figuré. Dautre part, selon Genette, le travestissement fait le contraire de la parodie qui change ce sujet tout en respectant la forme. Genette établit également une différence dordre fonctionnel entre la parodie qui joue avec lhypotexte et le travestissement qui sen moque62. Cette opposition formelle et fonctionnelle du travestissement à la parodie par le poéticien ne me permet pas dappliquer ses définitions sans réserve. 377Car cela signifierait la fin de linterrogation sur lintention de Fortini. Nous préférons donc garder le terme de parodie pour examiner le cas de Fortini, tout y incluant la technique de travestissement.

Le cadre du recueil se révélera précieux pour évaluer lintention de lauteur dans sa parodie, mais pas dans limmédiat. Le premier constat que nous pouvons faire en espérant entendre la réaction à ce spectacle de la part de lamorosa brigata du cadre, est négatif. Cette absence de jugement est étonnante. Car selon les règles intradiégétiques de civilité, incarnées par les amorose brigate des recueils à cadre de lépoque, le double sens obscène et le registre bas de la performance dramatique des villani devrait troubler lharmonie de lamorosa notte de la brigata aspirant à la noblesse et provoquer lindignation, au moins celle des femmes mises en scène dans le cadre63. Quest-ce qui protège la parodie de Fortini contre la réprobation sociale de lobscénité à travers son amorosa brigata, qui a lieu dans les autres fragments du recueil ?

Pour commencer à répondre à cette question, il faut sinterroger sur la provenance et la signification des personnages des villani, qui conditionnent ce passage du Sacrificio du registre haut au registre bas.

Dans les moyens stylistiques qui servent à Fortini pour rabaisser Il Sacrificio des Intronati, Laura Riccò identifie le « langage technique » des pièces rustiques des artisans siennois, et en premier lieu celles de la célèbre Congrega dei Rozzi (Congrégation des Rustres)64. Lopposition de cette compagnie littéraire et dramatique cultivant il basso stile aux nobles Intronati avec leur programme détudes classiques et pratiques de lalto stile de la poésie et prose toscane est un lieu commun de la recherche. Suivant cette optique, on attribue à Fortini une place excentrique par rapport à chacun de ces deux pôles culturels siennois. À Partir de cette attribution, la recherche caractérise sa réception des œuvres littéraires comme omnivore, cest à dire intégrant tout ce qui pourrait contribuer au divertissement de ses lecteurs, et sa démarche dauteur comme 378non organisée, non codifiée, variant et combinant à son gré les formes culturelles basses en provenance des Rozzi et les formes culturelles hautes en provenance des Intronati65. Cette vision correspond parfaitement à lapproche de la parodie développée par Patricia Eichel-Lojkine à partir de la notion de lexcentricité66. Nous y reviendrons.

Approfondissant les liens entre le sacrifice alla villana de Fortini avec le théâtre des artisans, Riccò évoque les parodies des rites sacrificiels qui étaient répandus dans la dramaturgie comique des Rozzi à lépoque de Fortini67. Les recherches de lhistorien de cette congrégation Curzio Mazzi complètent ces données. Tout au long du xvie siècle, non seulement chez les Rozzi qui se sont constitués en 1531, mais déjà chez leurs prédécesseurs quon désigne comme pre-Rozzi, on trouve plusieurs exemples de sacrifices des villani à Cupidon, Vénus ou Apollon, destinés à faire rire68. Voici, par exemple le titre dune commedia villanesca du pre-Rozzo Giovanni Roncaglia, dont la première publication remonte à 1527 :

Lo Scaniccio, Commedia della Speranza, molto elegante e sententiosa, nella quale si contiene come due Fratelli Pastori erano innamorati di due sorelle Ninphe, con sacrifitii e moresche, e molti solazzevoli gesti atti e giuochi, et massime quelli di Scaniccio villano, che leggendoli e vedendoli non potrete contenere le risa69.

« Scaniccio, Comédie dEspoir, très élégant et sentencieuse, qui représente lamour des deux bergers qui sont frères pour deux nymphes qui sont sœurs, avec sacrifices et moresques, et beaucoup de gestes, actions et jeux divertissants, et en premier lieu ceux du Scaniccio le vilain ; en les lisant ou en les voyant vous ne pourrez pas vous retenir de rire. »

Toutes ces données précisent le témoignage de Castelvetro, en démontrant que le sacrifice parodique nest pas quun rite festif de la Befana, mais aussi un micro-genre dramatique siennois. Développé par les artisans, ce genre se constitue en recours burlesque à lAntiquité bien avant que la compagnie humaniste dIntronati sen prenne, pour élever 379le sacrifice parodique au niveau de lécriture académique. Derrière une chaîne parodique, nous découvrons donc un foisonnement générique de sacrifices parodiques et leur circulation entre différents niveaux de culture.

À partir de cette perspective de lopposition entre le théâtre des nobles et le théâtre des artisans, entre le haut style des premiers et le style bas des derniers, on pourrait désigner avec Richard Trexler la performance esthétique du groupe rituel des Intronati comme upgrading du Carnaval70. Vue sous cet angle, la parodie de Fortini devrait constituer dune part un geste satirique à légard de la culture des élites et dautre part un geste de défense de la culture populaire, faisant retourner le sacrifice usurpé par les Intronati dans son domaine esthétique dorigine.

Notre enquête siennoise se complique si nous prenons en considération le fait que les Intronati eux-mêmes ont cultivé la veine rustique dans leurs compositions festives, en se rabaissant jusquaux figures des villani71. Les fruits et légumes obscènes qui apparaissent comme gages damour dans le sacrepico littéraire de Fortini, se laissent identifier à la même époque chez les Intronati. Dans la correspondance entre les Intronati ainsi que dans un volume des Rime inédites, se trouvent les images dune veillée aristocratique de lannée 1559. Au cours de cette fête carnavalesque, les académiciens sont intervenus déguisés en paysans, en chantant des vers farcis de double-sens (« stanzie rjdjcule et piacevolj ; et doppie per tuttj i versi »). Ainsi, arrivant avec des dons de fruits pour les dames, les académiciens-paysans invitent ces dernières à les aider à bien remplir le panier (« aiutarli a empir bene lo staio », récipient cylindrique utilisé à la campagne comme unité de mesure et image métaphorique répandue du sexe féminin). Ils les invitent ensuite à la chasse doiseau, image traduisant la même signification sexuelle (« poi al boschetto e al bruscello »). Et chacune de ces images représente une équivoque érotique (« et ogni cosa era con doppiezza »). Les académiciens eux-mêmes définissent ce genre de composition comme étant « di basso stile72 ».

En analysant ces sources manuscrites, Laura Riccò arrive à la conclusion que cette veine rustique est une veine occultée dans la production des académiciens. Pour leurs spectacles carnavalesques publics, ils choisissent 380lalto stile et se travestissent en bergers arcadiens. Les académiciens siennois ne pratiquent le basso stile ainsi que le déguisement en vilains que dans le cadre privé des veillées, derrière les portes fermées des maisons aristocratiques. Cette conclusion importante nous permet dabandonner la dichotomie bakhtinienne de lofficiel et du carnavalesque au profit dune vision plus différenciée et dynamique du carnavalesque privé et du carnavalesque public.

Osons une hypothèse, spéculative, certes, mais plausible sur le fond des deux facettes de divertissements académiques de lépoque : si Il Sacrificio navait pas été conçu comme un spectacle public mais comme un divertissement privé, il aurait pu prendre chez les Intronati eux-mêmes la forme rustique, truffée déquivoques obscènes et donc proche de celle que nous retrouvons chez Fortini.

Riccò désigne les performances rustiques des académiciens comme autoparodie qui procède par emprunts au du langage technique des artisans73. Car les Intronati et les Rozzi sont considérés comme deux pôles culturels contraires. À laide des données recueillies par Mazzi, on parvient pourtant à entrouvrir une perspective différente. Les œuvres dramatiques clandestines des nobles académiciens, versés dans les compositions rustiques, sont parfois écrites pour être jouées par les Rozzi, enrichissant le répertoire public de ces derniers74. Nous pouvons en déduire quen dépit de leurs programmes opposés, il existe une zone de coopération littéraire entre les compagnies des nobles et les compagnies des artisans. Cette zone de contact et interférences se construit à travers leur identification festive commune avec les figures des villani et les pratiques communes du basso stile.

Pour comprendre, sur quelle base se développe la communauté des pratiques, il faudrait déchiffrer la signification de lhabit de villano, travestissement qui parvient à réunir les compagnies littéraires et dramatiques composées dhommes provenant de milieux sociaux et culturels éloignés.

Dans le traitement des personnages des villani, les historiens du théâtre pratiquent majoritairement une approche sociologique dinspiration marxiste. Dans les mises en scènes des rozzi villani, on reconnaît dans la plupart des cas la satire que la population urbaine adresse contre 381la population rurale75. Cest à partir de cette approche répandue que Glénisson-Delannée essaye de saisir la signification du sacrepico de Fortini :

La satire des vilains pourrait être à la fois porteuse dune inquiétude en rapport avec la réalité économique et dune ambition appartenant au domaine du rêve ; en clair elle révèlerait la crainte de la moyenne bourgeoisie face à larrivée à la ville dune importante main-dœuvre concurrente de paysans, et dautre part, associée à limitation du modèle des Intronati dans le Sacrifice, elle correspondrait à la tentative de cette même classe de se parer des valeurs daristocratie76.

Rien ne nous dit pourtant, comme on la déjà constaté, que les figures des villani chez Fortini sont négativement connotées. Rien ne nous indique non plus que ces figures joyeuses, hypersexualisées et vulgaires se rattachent à la réalité économique de lépoque. Et si nous considérons les fêtes privées des académiciens, comme certaines compositions des Rozzi, nous pouvons, au contraire, noter plutôt lidentification positive des membres de ces compagnies joyeuses avec les figures des villani. Il ne sagit pas de vouloir complètement exclure de la scène théâtrale siennoise la présence dune figure satirique de paysan, puisant ses sources dans la réalité sociale et économique. Nous proposons plutôt de différencier celle-ci de la figure symbolique du paysan qui apparaît dans les textes dramatiques dont il est question ici. Cette figure symbolique, comme le prouvent les sources manuscrites des Intronati ainsi que le texte de Fortini, est interchangeable avec dautres figures symboliques : satyre, pèlerin ou romito (hermite et prédicateur vagabond)77. Dans un contexte plus large, le dénominateur commun de toutes ces figures est leur extériorité par rapport à un monde établi et réglé qui nous renvoie à la problématique de la classe dâge de la jeunesse masculine. Chez Fortini comme dans dautres sources de lépoque, en premier lieu dans les célèbres chants carnavalesques florentins qui font recours aux mêmes figures marginales, celles des contadini/villani, pellegrini et romiti78 , il sagit à chaque fois des habits et déguisements portés par 382des brigate urbaines composés de jeunes hommes dans leurs bravades amoureuses hypersexualisées. Tous les attributs agricoles du villano, fruits et légumes sexuellement connotés, symbolisent le monde vert79 des rites juvéniles. En correspondance avec la valeur symbolique de lhabit et des attributs du villano, le basso stile des pièces alla villana ne serait pas à comprendre dans une relation directe avec un sociolecte rural, mais comme développement théâtral du jargon juvénile des groupes urbains de jeunesse masculine, développé en recours à ce sociolecte pour signifier leur position liminale dans la société. Ce langage des brigate masculines, hypersexualisé et vulgaire, servirait à exprimer leur non-appartenance au monde des adultes et canaliser les pulsions sexuelles. Nous trouvons un appui de cette conception du basso stile dans un fragment du dialogue siennois consacré à la questione della lingua et provenant directement du milieu des académiciens qui pratiquent les divertissements carnavalesques alla villana : Il Turamino ovvero del parlare e dello scriver Sanese (1602)80. Dans un fragment de ce traité dialogique semi-sérieux, semi-ludique, son auteur Scipione Bargagli définit le langage « bas et rustre », pratiqué par les artisans Rozzi comme par les nobles Intronati dans le cadre des divertissements alla villana, comme signe identitaire des brigate urbaines : « parlar basso e rozo, ma puro e proprio delle brigate della nostra città » (p. 180) (le parler bas et rustre, mais appartenant pleinement aux brigades de notre ville). En parlant à cet endroit des brigate, lauteur est très loin dans sa pensée sociolinguistique de la gentile brigata mixte du cadre décaméronien et de ses nombreuses imitations. Le mot brigate se réfère aux compagnies joyeuses masculines.

Reconsidérons brièvement le texte des Notti à partir de toutes ces données que nous avons rassemblées. La démarche de Fortini consiste à transposer Il Sacrificio public des Intronati dans lespace privé de sa veillée carnavalesque fictionnelle. Comme nous savons que la deuxième génération des Intronati pratique des performances privées alla villana en 1559, nous pouvons dire que cette recontextualisation autorise le basso stile aux yeux des académiciens de lépoque de Fortini et lecteurs 383potentiels de son recueil. Ce déplacement sert ainsi à lauteur pour établir une complicité avec les Intronati. Dans sa parodie, il leur rend hommage et sélève lui-même dans sa fiction littéraire au niveau des divertissements privés des académiciens, osant proposer sa propre version du sacrifice académique alla villana. Choisissant pour son sacrifice une forme dialectale, le patriote siennois Fortini participe également au programme de défense et illustration de la langue siennoise qui sera plus tard formulé par les académiciens dans Il Turamino.

Arrêtons-nous maintenant sur le fonctionnement du sacrepico dans le contexte du recueil de Fortini. Si on essayait dexpliquer lacceptation par lamorosa brigata de lobscénité du sacrepico par linscription de ce dernier dans le cadre privé de la veillée, on pourrait rencontrer lobjection suivante : lexemple du jeu de jardiniers galants, situé dans la nuit précédente, démontre que lamorosa brigata des Notti, aspirant à la civilité et à laristocratie, ne tolère pas les choses basses. Un jeune homme qui choisit pour ce jeu galant un légume rustique et fétide, comme le chou, est immédiatement exclu de cette brigata (p. 413-416). Pourquoi cette-même brigata tolère-t-elle toute une récolte abondante de différents légumes rustiques et obscènes dans il sacrepico des vilains : une citrouille, un radis, un ognon, une tête dail, un poireau et deux pommes réunies en forme de fesses ?

Lastuce de Fortini consiste à créer une discontinuité entre les deux brigate incompatibles, mixte et homosociale. Ces deux brigate ne se mélangent pas, car elles sont séparées par la rampe scénique. Lamorosa brigata constitue le public et la brigata masculine sactualise à chaque fois dans le recueil au niveau des acteurs. Lamorosa brigata vit dans lespace interactif ludique de la civil conversatione et la brigata masculine met en scène les rites-spectacles et les comédies obscènes.

La découverte de cette structure dynamique et astucieuse du recueil ne permet donc pas daccepter certaines opinions critiques, évoquées ci-dessus, qui relèvent le caractère désorganisé du recueil, accumulant le matériel hétérogène dans le seul but de distraction du lecteur. La subtile dynamique de cette structure a une fonction plus ambitieuse, permettant à lauteur non seulement de divertir mais aussi de réaliser son programme initiatique et éducatif81. Malgré la forte empreinte décaméronienne de sa première partie, dans sa préface Al lettore lauteur met au centre de 384son public les uomini et plus précisément les jeunes bacheliers (gioveni baccelloni)82. Toutes les analyses existantes du recueil considèrent ces bacelloni uniquement dans le cadre de lamorosa brigata hétérosociale, en ignorant la présence de la deuxième brigata homosociale dans le texte. Cette optique réduit linterprétation de la préface de Fortini qui formule son intention initiatique et pédagogique. La recherche y repère uniquement le mouvement vers les choses hautes que doit suivre, selon Fortini, chaque jeune homme dans les pratiques ludiques de la civil conversatione avec les femmes83. Une telle lecture univoque néglige le double sens du « basso ingegno » de lauteur, exposé dans la partie de la préface qui est spécialement destinée au lecteur masculin. Derrière la formule dhumilité, se cache une métaphore phallique largement répandue dans le théâtre siennois, chez les Rozzi comme chez les Intronati. Cette métaphore est également exploitée par Fortini dans le discours sexuellement agressif des groupes de jeunes hommes qui jouent les farces obscènes dans son recueil84. Ce double sens renvoie à un autre volet dinitiation et dapprentissage qui passe par les brigate homosociales. Comme le démontre le sacrepico, cette brigata masculine apparaît dans le recueil pour donner aux bacelloni une leçon joyeuse de virilité dans les célébrations phalliques du cazzo con le ale (membre viril ailé). Deux constructions interactives différentes de masculinité, hétérosociale et homosociale, participent ainsi au programme initiatique et pédagogique de Fortini.

Conclusion

Notre enquête, suscitée par un seul cas de parodie qui restait inexplicable dans la recherche, a non seulement abouti à une réponse au sujet des ressorts parodiques de Fortini, mais nous a également amené 385à découvrir tout un foisonnement de sacrifices parodiques à Sienne. Ce constat permet didentifier lexistence dun microgenre dramatique, ancré dans les réjouissances carnavalesques et pratiqué par les Intronati, les Rozzi, comme peut-être par dautres groupes quil resterait à identifier. À la différence dautres genres de parodies festives de lépoque, qui puisent dhabitude leurs modèles dans le culte catholique, comme par exemple la predica damore (version italienne du sermon joyeux), il sacrificio se réfère à lAntiquité païenne. Malgré cette différente provenance des modèles du culte, le principe du fonctionnement social de la parodie est le même. Car ce nest pas la satire du culte religieux, mais la dramatisation de lidentité collective des acteurs masculins qui constitue lenjeu de la parodie. Lexamen du sacrifice parodique à travers ses performances dramatiques et littéraires permet de dégager sa fonction non seulement divertissante, mais également constructrice par rapport à lidentité masculine des acteurs. Lambivalence rituelle du sacrifice parodique permet à ses jeunes participants de saffirmer dans les yeux des hommes et de projeter les alliances avec les femmes. À un autre niveau de signification, cette ambivalence permet aux litterati de mériter le respect des puissants et de séduire leur public.

Le sacrifice parodique qui oscille entre lalto stile et le basso stile est un genre qui circule entre les brigate masculines provenant de différentes couches de la société siennoise, à partir des artisans Rozzi et jusquaux académiciens Intronati. Létude de la parodie permet ainsi de surmonter la vision répandue de lopposition rigide entre ces deux célèbres compagnies joyeuses littéraires et dramatiques siennoises, encore fortement marquée par la tradition obsolète de polariser la culture des élites et la culture du peuple. Les différentes formes culturelles du sacrifice parodique démontrent que dans lItalie du premier tiers du xvie siècle, lAntiquité est présente non seulement dans lesprit des humanistes, mais nourrit abondamment limaginaire collectif qui préfigure la culture de masses.

Katja Gvozdeva

1 G. Genette, Palimpsestes. La littérature au second degré, Paris, Seuil, 1982, p. 11, n. 1.

2 D. Sangsue, La parodie, Paris, Hachette, 1994, p. 4.

3 Pour la question de savoir si les apports de létymologie et de la rhétorique pourraient se révéler utiles pour échapper à laporie de lindétermination dans nos tentatives de donner la définition de la parodie, voir D. Bertrand, « Introduction : État des lieux », Seizième Siècle, 2, 2006, p. 7-19, ici p. 11-12.

4 L. Hutcheon, A Theory of Parody : The Teachings of Twentieth-century Art Forms, New York et Londres, Methuen, 1985.

5 M. Bakhtine, Loeuvre de François Rabelais et la culture populaire au Moyen Âge et sous la Renaissance, Paris, Gallimard, 1970 ; Tobias Döring, Performances of Mourning in Shakespearean Theatre and Early Modern Culture, Basingstoke et New York, Palgrave Macmillan, 2006.

6 S. Dentith, Parody, Londres et New York, 2000.

7 Genette trouve la parodie incompatible avec limitation. Voir Genette, Palimpsestes, p. 45. Dautres approches, comme par exemple celle de Hutcheon, définissent la parodie comme « une forme dimitation » : « Parody, therefore, is a form of imitation, but imitation characterized by ironic inversion, not always at the expense of the parodied text ». Hutcheon, Theory of parody [1985], University of Illinois Press, 2000, p. 6.

8 Genette, Palimpsestes, p. 41. Lapproche de Hutcheon évacue également le comique de la notion de la parodie.

9 Voir Sangsue, La parodie.

10 Voir P. Eichel-Lojkine, Excentricité et humanisme : parodie, dérision et détournement des codes à la Renaissance, Genève, Droz, 2002, p. 140.

11 À titre dexemple, citons quelques critiques provenant des études sur la parodie : Jelle Koopmans évoque Bakhtine en termes d« interprétations en somme quelque peu gratuites ». Voir J. Koopmans, « La parodie en situation », Cahiers de recherches médiévales et humanistes, 15, 2008, p. 87-98, ici p. 88. Dominique Bertrand se distancie de Bakhtine en raison de la prédilection de ce dernier théoricien pour la subversion dans sa conception de la parodie. Voir Bertrand, « Introduction : État des lieux », p. 15. Daniel Sangsue indique que ce que Bakhtine prend pour les traits spécifiques de la « parodie médiévale » se laissent identifier dans la littérature des périodes ultérieures. Voir Sangsue, La Parodie.

12 Voir Jean-Claude Mühlethaler, « Préface : À la recherche de la parodie médiévale », Formes de la critique : Parodie et satire dans la France et lItalie médiévales, éd. J.-Cl. Mühlethaler, avec la collaboration dA. Corbellari et de B. Wallen, Paris, Champion, 2003, p. 7-14, ici p. 7 ; É. Gaucher, « Avant-propos », Cahiers de recherches médiévales et humanistes, 15, 2008, p. 1-2, ici p. 2.

13 Koopmans, « La parodie en situation », p. 87.

14 Bertrand, « Introduction : État des lieux », p. 13.

15 Bertrand, « Introduction : État des lieux », p. 8.

16 Bertrand, « Introduction : État des lieux », p. 8.

17 Koopmans, « La parodie en situation », p. 87-98.

18 Ici comme par la suite, en parlant des événements situés entre le 1er janvier et le 25 mars, nous suivons la tradition de double numérotation utilisée dans la recherche pour signaler la différence entre le style siennois de lépoque et la datation moderne. « Lannée, dans le diocèse de Sienne, comme dans celui de Florence, suivait le style de lIncarnation et commençait le 25 mars ». Voir O. Redon, Lespace dune cité. Sienne et le pays siennois (xiiie-xive siècles), Rome, École Française de Rome, 1994, p. 7.

19 Pietro Fortini, Le piacevoli e amorose notti dei novizi, éd. A. Mauriello, Rome, Salerno, 1995, p. 505, n. 4. Ici comme par la suite, toutes les traductions de litalien sont de notre fait. Par la suite, le texte de Fortini sera cité daprès cette édition critique. Les numéros des pages seront indiqués entre parenthèses.

20 F. Glénisson-Delannée, « La société ludique de Pietro Fortini », Bullettino senese di storia patria, XCV, 1988, p. 130-225, ici p. 214.

21 Voir par exemple Hutcheon, Theory of parody, 2000, p. 78.

22 « When attempted for comic purposes, the imitation is known as parody ». Voir J. DellaNeva, « Imitation and Parody », The Rabelais Encyclopedia, éd. E. Chesney Zegura, Westport, Connecticut/Londres, Greenwood Press, 2004, p. 126. Voir également Bertrand, « Introduction : État des lieux ».

23 « [] alcuni spiriti gentili in diverse qualità di dottrina eccelenti, i quali [] si disposero di fondare una congregazione nella quale [] con ferma intenzione si dessi opera alli esercizi delle lettere così volgari come greche e latine, leggendo, disputando, componendo, interpretando, scrivendo, e, per dirlo in uno, facendo tutto che per imparare far si suole [] e da un fermo loro proponimento di fingere di non intendere e non curarsi di nissuna altra cosa del mondo, lo [loro] piacque di pigliar nome delli Intronati ». Capitoli dell Accademia degli Intronati di Siena, Biblioteca Comunale di Siena, Cod. Y.I.1. « [] quelques esprits gentils et excellents en différents domaines de la science [] décidèrent de fonder une congrégation avec la ferme intention [] de contribuer, en son sein, aux exercices des lettres vernaculaires, aussi bien que grecques et latines, en lisant, discutant, composant, interprétant, écrivant, bref, en faisant tout ce quon a lhabitude de faire pour apprendre [] ; ayant pris la ferme résolution de faire semblant de ne pas comprendre et de ne se soucier daucune autre chose au monde, ils souhaitèrent sattribuer le nom dIntronati ».

24 Vocabolario degli Accademici della Crusca, Venise, Giovanni Alberti, 1612, p. 461. http://www.lessicografia.it/ricerca_libera.jsp

25 Scipione Bargagli, Dell imprese [1578], Venise, Francesco de Franceschi, 1621, p. 220-221.

26 Pour un examen plus approfondi de la double identité collective des Intronati, voir mon article « Le monde ludique des académies italiennes : lexemple des Intronati de Sienne », Savoirs ludiques. Pratiques de divertissement et institutions savantes, littéraires et politiques dans lEurope moderne, éd. K. Gvozdeva et A. Stroev, Paris, Champion, 2014, p. 49-88.

27 Pour la filiation des manuscrits et des éditions du Sacrificio à partir de 1537, voir F. Cerreta, « Introduzione », La Commedia degli Ingannati, éd. F. Cerreta, Florence, Olschi, 1980, p. 59-61 ; N. Newbigin, « Introduzione », GlIngannati, con Il sacrificio e la canzone nella morte duna civetta, éd. N.Newbigin, Bologne, Arnaldo Forni, 1984, p. 12-13.

28 Il Sodo (Le Dur) est le nom de baptême académique de Marcantonio Piccolomini qui remplissait en 1531/2 la fonction de lArchintronato.

29 Il Sacrificio sera cité daprès lédition qui est contemporaine à la parodie de ce texte créée par Fortini : Comedia del Sacrificio de gli Intronati da Siena, Venise, Gabriele Giolito de Ferrari, 1559.

30 Pour ces détails, voir lévocation du spectacle par Scipione Bargagli dans son Oratione in Lode dellAccademia degli ntronati dello Schieto Intronato (1603), publiée en annexe au recueil Delle commedie deglAccademici Intronati, la seconda parte, Sienne, M. Florimi, 1611, p. 484-485.

31 À lépoque, létiquette comedia est appliqué sans aucune rigueur à une variété si large de textes dramatiques siennois, quil serait impossible den déduire clairement lidentité générique et lintention comique du Sacrificio. Sur ce sujet, voir Curzio Mazzi, La Congrega dei Rozzi di Siena nel secolo XVI, Florence, Le Monnier, 1882, vol. I, p. 153-161. Dautre part, le mot comedia dans le titre pourrait constituer une interpolation, ne se référant pas au Sacrificio mais au deuxième élément du recueil, la comédie érudite GlIngannati. Pour cette hypothèse, voir Newbigin, « Introduzione », GlIngannati, p. v n. 1.

32 Bargagli, Oratione in Lode dellAccademia degli ntronati, p. 485.

33 « Parody is, in another formulation, repetition with critical distance, which marks difference rather than similarity », Hutcheon, Theory of parody, 2000, p. 6.

34 Hutcheon, Theory of parody, 2000, p. 15.

35 Pour Margaret Rose, leffet comique est un critère inaliénable de la parodie. « The creation of comic inconguety or dicrepancy will be taken as a significant distinguishing factor in the definitions given of it in this bool [] ». Voir Margaret A. Rose, Parody : Ancient, Modern, and Post-Modern, Cambridge University Press, 1993, p. 31. Pour la comparaison des différentes définitions de Rose, et surtout celle qui définit la parodie comme « refonctionnement critique dun matériau littéraire préformé avec effet comique » avec les définitions également plurielles de Hutcheon, voir Sangsue, La parodie, p. 71-79.

36 Pour les images sanglantes du sacrifice chez Ovide (auteur particulièrement cher aux Intronati, chez qui ils puisent le motto de leur emblème collectif), voir John Scheid, « Lanimal mis à mort », Mort et mise à mort des animaux, éd. A.-M. Brisebarre, Études rurales, no 147-148, 1998, p. 15-26.

37 Döring, Performances of Mourning, p. 159-160.

38 Voir p. ex. Richard Andrews, « The Intronati and Sienese comedy », A history of Italian theatre, éd. J. Farrell et P. Puppa, Cambridge University Press, 2006, p. 58-60, ici p. 58 ; Marzia Pieri « Introduzione », GlIngannati, éd. M. Pieri, Pise, Teatrino dei Fondi/Titivillus Mostre Editoria, 2009, p. 17.

39 Voir Newbigin, « Introduzione », p. xvi. Pour linterprétation philogine du Sacrificio, voir également A. Baldi, Tradizione e parodia in Alessandro Piccolomini, Lucques, Maria Pacini Fazzi, 2001, p. 17.

40 Paolo Toschi, partant dune approche socio-anthropologique de lhistoire du théâtre italien pratiquant, introduit ce terme pour désigner les performances festives des compagnies masculines qui ne se laissent pas ranger dans les schémas génériques. Voir P. Toschi, Le origini del teatro italiano, Turin, Einaudi, 1955, vol. 1, chapitre iii : « Lesecuzione del rito-spettacolo come prerogativa di particolari associazioni », p. 88-103.

41 Voir V. Marchetti et G. Patrizi, « Castelvetro, Ludovico », Dizionario Biografico degli Italiani, vol. 22, 1979, en ligne.

42 Lettere di Lodovico Castelvetro, Raccolta dOpuscoli scientifici e filologici, éd. F. Beretta (ed.), Venise, Simone Occhi, 1752, vol. 47, p. 429. Cette lettre est évoquée par Baldi, Tradizione e parodia, p. 16.

43 Voir C. Manciocco et L. Manciocco, LIncanto e larcano. Per una antropologia della Befana. Rome, Armando, 2006, chapitre 3.4 : « Fuochi dellEpifania ». Les auteurs sappuient sur un grand nombre de données folkloriques récentes et anciennes recueillis en Toscane, dont une partie provient du recueil Befanate del contado toscano, éd. É. K. Farsetti, Florence, 1900.

44 Manciocco, LIncanto e larcano, p. 81.

45 Manciocco, LIncanto e larcano, p. 79-80, p. 130.

46 Toschi, Le origini del teatro italiano, p. 346-347.

47 À la fin de la même saison carnavalesque, les Intronati ayant acquis une certaine visibilité sociale, réapparaîtront sur scène dissimulés derrière les personnages de leur comédie GlIngannati.

48 Sur ce sujet, voir Girolamo Bargagli [Materiale Intronato], Dialogo de giuochi che nelle vegghie sanesi si usano di fare (1572), éd. Patrizia dIncalci Ermini, introduction de Ricardo Bruscagli, Sienne, 1982, p. 134.

49 Jemprunte cette approche métaphorique des figures féminines à Ricardo Bruscagli, en élargissant le champ de son application à partir des pratiques ludiques de dissémination du savoir par les Intronati, vers leurs pratiques théatrales. Voir Ricardo Bruscagli, « Les Intronati a veglia : lacadémie en jeu », éd. Ph. Ariès et J.-Cl. Margolin, Les jeux à la Renaissance, Paris, 1982, p. 208-209 : « la femme comme métaphore, pour ainsi dire, dun public sans lettres, dun public mondain et peut-être quelque peu cultivé, mais tout à fait éloigné dune culture régulière, dune formation humaniste ».

50 Voir Newbigin, « Introduzione », p. 5. Lexamen approfondi des formes poétiques contenues dans le texte du Sacrificio dépasse le cadre de ma considération.

51 Capitoli dell Accademia degli Intronati di Siena, Biblioteca Comunale di Siena Cod. Y.I.1.

52 Voir p. ex. G. Bargagli, Dialogo de giuochi, p. 134. La métaphore végétale de plantes, fruits et légumes est abondamment cultivée dans lespace discursif et performatif de cette académie qui choisit pour son emblème une courge (frutto della zucca). Voir S. Bargagli, Oratione in Lode dellAccademia degli ntronati, p. 463-464. Nous reviendrons vers les significations métaphoriques des fruits et légumes ci-dessous, dans le cadre de la considération de la parodie de Fortini.

53 Nos connaissances au sujet de la vie de Pietro Fortini sont assez pauvres et en partie approximatives. Né à Sienne tout à la fin du quinzième ou dans les premières années du seizième siècle, il est mort dans la même ville en 1562. Ici comme par la suite, de me réfère aux données biographiques recueillies par Angela Asor Rosa, « Fortini, Pietro », Dizionario Biografico degli Italiani, vol. 49 (1997), en ligne.

54 Cette comédie a inspiré de nombreux auteurs, jusquà Shakespeare dans sa Twelfth Night. Tout au long du xvie siècle, Il Sacrificio et les Ingannati sont restés inséparables dans les rééditions du volume, qui respectaient la logique carnavalesque des deux représentations provenant de la même saison festive. Au xviie siècle, les meilleures comédies des Intronati sont regroupées dans un nouveau recueil, composé daprès les critères génériques. Cette nouvelle stratégie éditoriale a fait oublier Il Sacrificio.

55 Par la suite, ce recueil sera cité daprès son unique édition critique : P. Fortini, Le piacevoli e amorose notti dei novizi, éd. A. Mauriello, Rome, Salerno, 1995, en 2 volumes. Les pages seront indiquées entre parenthèses dans le texte.

56 Ce recueil sera également cité daprès lédition critique : P. Fortini, Le Giornate delle Novelle deNovizi, éd. A. Mauriello, Rom, Salerno, 1988.

57 Pour lanalyse des deux recueils dans la double perspective de transformation du modèle du Decameron et transposition littéraire des pratiques carnavalesques des veglie siennoises, voir C. Binazzi, « Le veglie prima delle “vegghie” : le Giornate et le Notti di Pietro Fortini », Bolletino Senese di Storia Patria, 1998, p. 63-108.

58 Ainsi est désignée cette pratique festive siennoise dans Il Dialogo deGiuochi, p. 218.

59 Fortini, Notti, p. 497-530.

60 Formes de la poesia giocosa anti-pétrarquiste, ils véhiculent un double sens érotique au niveau de leur contenu comme au niveau de leur structure, étant pourvus de queue. Pour les similitudes apparentes entre ces sonnets de Fortini avec les sonnets de représentants éminents de ce genre, Burchiello, Berni et Lasca, voir les commentaires dAdreiana Mauriello dans les notes au texte de Fortini.

61 Bakhtine, Lœuvre de François Rabelais.

62 Genette, Palimpsestes, p. 45. Pour la considération critique de la terminologie de Genette, voir Sangsue, La parodie, p. 93-95.

63 À titre de comparaison, évoquons le recueil Piacevoli notti de Straparola (1550-1553). Le cadre de ce recueil représente une société ludique dextraction aristocratique, qui sadonne au jeu dénigmes équivoques, tout en réprouvant et en sefforçant dévacuer leurs significations obscènes. Dans lamorosa brigata de Fortini, la recherche voit une société de bourgeois aspirant à la noblesse. Sans être aristocratique, cette société ludique suit les préceptes du Cortegiano en chassant toutes formes de bassesse et de rudesse de son cadre. Voir Glénisson-Delannée, « La société ludique de Pietro Fortini ».

64 Laura Riccò, Giuoco e teatro nelle veglie di Siena, Rome, Bulzoni, 1993, p. 115.

65 Riccò, Giuoco e teatro, p. 15 : « Ancora, la cultura senese del Cinquecento [] accoglie anche personalità e circoli né Rozzi, né Intronati (e basti lesempio del Fortini), aperti ad esperienze eccentriche rispetto a quei due poli progressivamente costituitisi nel corso del secolo, essendo infatti i Rozzi non meno selettivi ed “esclusividegli Intronati. » Pour le développement de cette argumentation, voir p. 52-56.

66 Eichel-Lojkine, Excentricité et humanisme.

67 Voir Riccò, Giuoco e teatro, p. 49-50.

68 Mazzi, La Congrega dei Rozzi, vol. 1, p. 170-175, p. 202-204.

69 Mazzi, La Congrega dei Rozzi, vol. 1, p. 202 ; Valenti, p. 98.

70 Voir R. Trexler, Public life in Renaissance Florence, Ithaca and London, Cornell University Press, 1980, chapitre 11 : « The new ritual groups », p. 414.

71 Riccò, Giuoco e teatro, chapitre « Gli Intronati “alla villana” », p. 29-38.

72 Les sources manuscrites sont citées daprès Riccò, Giuoco e teatro, p. 29-30.

73 Riccò, Giuoco e teatro, p. 30,50.

74 Voir Mazzi, La Congrega dei Rozzi, vol. 1. p. 209.

75 Voir par exemple R. Andrews, Scripts and scenarios. The Performance of Comedy in Renaissance Italy, p. 89 ; G. Ulysse, Théâtre et Société au Cinquecento (Les rapports sociaux dans la comédie italienne de la fin du xve siècle au 1er tiers du xvie), Aix-en-Provence, Université de Provence, 1984 ; G. Padoan, Lavventura della commedia rinascimentale, Padoue, Francesco Vallardi, 1996, p. 71.

76 Glénisson-Delannée, « La société ludique de Pietro Fortini », p. 214.

77 Pour les performances académiques, voir les fragments manuscrits reproduits par Riccò, Giuoco e teatro, p. 29 ; Fortini, Notti, vol. I, p. 491, p. 494.

78 Pour quelques exemples, voir Canti carnascialeschi del Rinascimento, éd. Ch. S. Singleton, Bari, Laterza, 1936, p. 34-36, 174-175, 413-414.

79 Jemprunte cette image juvénile du « green world » à lessai de Nothrop Frye, « The mythos of Spring : Comedy », N. Frye, Anatomy of Criticism : for Essays, Princeton UP, New Jersey, 1957.

80 Ci-dessous, le dialogue sera cité daprès lédition critique de Luca Serianni, les pages seront indiquées entre parenthèses dans le texte : S. Bargagli, Il Turamino, ovvero del parlare e dello scriver Sanese, éd. L. Serianni, Rome, Salerno, 1976.

81 Lorientation initiatique et éducative vers le jeune public est particulièrement relevée dans létude de Binazzi, « Le veglie prima delle “vegghie” », p. 76.

82 Fortini, « Al Lettore », Giornate, p. 7.

83 Voir F. Glénisson, « Un Siennois à la recherche dun nouveau public : La préface des nouvelles de Pietro Fortini », Lécrivain face à son public en France et en Italie à la Renaissance, éd. A. Ch. Fiorato et J.- C. Margolin, Actes du Colloque International de Tours, Paris, Vrin, 1989, p. 283-301.

84 « Oh che ingegno grosso che io ho » (p. 347) ; « [] avrò tanta ventura farvi sentire il mio basso e grosso ingegno, mettendovelo drento la fantasia »(p. 548).