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Classiques Garnier

L’empereur Héraclius vu par les chroniqueurs occidentaux du XIIe siècle

  • Type de publication : Article de revue
  • Revue : Cahiers de recherches médiévales et humanistes / Journal of Medieval and Humanistic Studies
    2019 – 1, n° 37
    . varia
  • Auteur : Luchitskaya (Svetlana)
  • Résumé : Le but de cet article est d’examiner les différentes images de l’empereur Héraclius dans la chronique de Guibert de Nogent ainsi que dans les narrations des autres chroniqueurs du XIIe siècle. D’une part, l’empereur byzantin est représenté comme pécheur et apostat, d’autre part, il est considéré comme le souverain idéal qui a récupéré la vraie croix pour le monde chrétien. Ces deux aspects de son image sont importants pour la représentation d’Héraclius comme croisé exemplaire.
  • Pages : 75 à 96
  • Revue : Cahiers de recherches médiévales et humanistes - Journal of Medieval and Humanistic Studies
  • Thème CLIL : 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
  • EAN : 9782406097013
  • ISBN : 978-2-406-09701-3
  • ISSN : 2273-0893
  • DOI : 10.15122/isbn.978-2-406-09701-3.p.0075
  • Éditeur : Classiques Garnier
  • Mise en ligne : 17/12/2019
  • Périodicité : Semestrielle
  • Langue : Français
  • Mots-clés : histoire, croisades, chronique, latin, Héraclius
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LEMPEREUR HÉRACLIUS
VU PAR LES CHRONIQUEURS OCCIDENTAUX DU XIIe SIÈCLE

Nous savons que chaque croisade suscitait chez les chrétiens médiévaux des attentes apocalyptiques et eschatologiques. Les croyances concernant la fin du monde et le triomphe final du christianisme étaient liées dune manière ou dune autre aux succès militaires et politiques des croisés1. Cest ainsi quau début du xiie siècle, les succès militaires de Baudouin ier, roi de Jérusalem (1100-1118), qui sempara dArsuf et de Cesarée, encourageaient les croisés à croire que les chrétiens remporteraient prochainement la victoire finale contre les Sarrasins. De nombreux passages issus des chroniques de la Première Croisade et en particulier un extrait de louvrage de Guibert de Nogent intitulé Gesta Dei per Francos attestent que de tels sentiments régnaient dans larmée des croisés2. Daprès Guibert, non seulement les prophètes avaient prédit dans les saintes Écritures les réussites de Baudouin ier, mais les astrologues musulmans confirmaient également ces prédictions. En observant le mouvement des planètes, ils avaient découvert des signes célestes qui annonçaient la défaite des Sarrasins et que Dieu était du côté des Francs. En relisant les oracles propres à leur foi, dispersés dans un grand nombre de volumes (gentilium volumina), ils les avaient trouvés en parfait accord avec ces signes célestes. Mais leurs interprétations astrologiques nétaient pas suffisamment précises pour situer exactement le moment où ces présages devaient saccomplir3. En se rendant compte que la foi 76chrétienne est incompatible avec la science « païenne » des astres, qui est, selon lui, constamment étudiée chez les Orientaux, Guibert de Nogent décide de supprimer cette contradiction en sappuyant sur lautorité de lempereur Héraclius :

Sil était par hasard quelquun qui regarde comme incompréhensible que lon puisse être instruit des choses à venir par lart de lastrologie, nous lui ferions savoir, comme une preuve incontestable, que lempereur Héraclius apprit par des procédés de ce genre quune race de circoncis sélèverait contre lempire romain, sans quil lui fût cependant possible de reconnaître par ce moyen que ce seraient non les Juifs, mais les Sarrasins qui se déclareraient contre lui4.

Il est bien connu que, sous le règne dHéraclius, lun des plus célèbres empereurs byzantins, les guerres contre Byzance étaient menées principalement par les Perses ou par les Arabes. À partir de 622, Héraclius a réussi à remporter une belle série de victoires sur lempire perse, à la suite desquelles il a reconquis la vraie croix enlevée par Chosroès ii, roi de Perse, en 614. Il faut croire quaux alentours de lannée 630, le basileus a commis un acte symbolique – il a transféré la croix dans léglise du Saint-Sépulcre. Mais Héraclius a subi ensuite une série de défaites au cours des guerres arabo-byzantines pendant les années 634-640, avec pour conséquence linvasion de la Syrie et de la Palestine par les musulmans5. Lextrait de la chronique de Guibert de Nogent que nous avons cité ci-dessus est généralement interprété de manière univoque : on pense que le chroniqueur essayait de justifier le statut de lastrologie 77en se référant à lempereur Héraclius6. Mais une telle interprétation laisse le contenu de ce passage énigmatique inexpliqué.

Dans ce qui suit, nous allons essayer déclaircir certains points : que voulait dire le chroniqueur, dans son récit, par le soulèvement de la « race des circoncis » ? Et pourquoi Héraclius apparaît-il dans la narration de Guibert de Nogent ? Quelles idées pouvaient se cacher derrière ce passage énigmatique de sa chronique ? Nous allons étudier les différentes images de lempereur byzantin dans la chronique de Guibert de Nogent, ainsi que dans les narrations des autres chroniqueurs. Nous chercherons à répondre à la question suivante : comment des informations sur la vie et les actions de ce personnage historique ont-elles été réinterprétées par les écrivains médiévaux dans des contextes différents ?

LE MYTHE DE LA « RACE DES CIRCONCIS »

Il semble que Guibert de Nogent soit le seul chroniqueur des croisades à mentionner lépisode de la lutte dHeraclius contre la « race des circoncis ». En revanche, nous constatons que ce sujet est traité dans un certain nombre de textes historiques composés entre le viiie et le xiie siècle.

Cest dans la Chronique de Frédégaire, datée du viie siècle, que le récit de la « race des circoncis » apparaît pour la première fois. Plus tard, le moine bénédictin Aimoine de Fleury (fin du xe siècle) reproduit le mythe dans son Histoire des Francs. Cette histoire est également racontée dans la Chronique de Wurtzbourg, qui fait partie de la Chronique universelle de Frutolf-Ekckehard (parue au tournant des xie-xiie siècles). Lépisode est aussi narré dans la Chronique ou Histoire de deux cités dOtton de Freising (fin du xiie siècle), de même que dans la Chronique dEchetrnach et, finalement, dans le Pantheon de Godefroi de Viterbe (fin du xiie siècle7). À 78quelques différences près, les écrivains médiévaux reproduisent le texte le plus ancien, celui de la Chronique de Frédégaire, en ajoutant un certain nombre de détails8.

Voici le résumé de lhistoire : ayant appris, en étudiant lastrologie, que lEmpire byzantin sera dévasté par les « peuples circoncis », les peuples juifs selon lempereur Héraclius, celui-ci ordonne de baptiser de force tous les juifs de lEmpire et invite le roi des Francs, Dagobert, à faire la même chose dans son royaume. Mais le malheur vient du côté des Sarrasins. Le roi essuie deux défaites écrasantes contre les « peuples circoncis », qui continuent de ruiner les provinces byzantines, tout en se rapprochant de la ville sainte. Manifestant sa faiblesse, Héraclius refuse de participer à la bataille et se retire à Jérusalem. Peu de temps après, il meurt dune maladie douloureuse envoyée par Dieu en punition des péchés quil avait commis en épousant sa nièce et en tombant dans lhérésie monophysite dEutychès.

Les chroniques issues des différentes époques recopient avec des modifications minimes le texte de « Frédégaire9 ». Selon la Chronique de Frédégaire, cest au cours de la première bataille que cent cinquante mille soldats byzantins furent tués par les Sarrasins. Ceux-ci offrent ensuite à Héraclius loccasion de récupérer leurs dépouilles. Lui qui souhaite une revanche sur les Sarrasins refuse cette proposition. Ayant rassemblé un grand nombre de soldats venus dhorizons différents, lempereur ordonne douvrir les portes dairain (« Portas Cypias »). Le Macédonien Alexandre le Grand les avait fait construire et il avait ordonné de les fermer en raison du flot incessant des nations barbares qui vivaient au-delà des cimes du Caucase10. Héraclius fait franchir ces portes à cent 79cinquante mille combattants engagés pour laider à combattre lennemi. Les Sarrassins, qui avaient deux princes, étaient à peu près deux cent mille. Les événements sont relatés ainsi :

Les deux armées avaient établi leur camp non loin lune de lautre, de façon à engager le combat dès le lendemain. La même nuit, larmée dHéraclius est frappée par le glaive de Dieu (eadem nocte gladio Dei Aeragliae exercitus percutitur) : dans son camp, cinquante-deux mille des soldats dHéraclius trouvèrent la mort dans leur lit. Alors quils devaient marcher au combat le lendemain, quand ils se rendirent compte quune très grande partie des soldats de leur armée avait été tuée par un jugement divin (devino iudicio), ils nosèrent pas engager le combat contre les Sarrasins. Toute larmée dHéraclius retourna vers ses terres, tandis que les Sarrasins, comme ils en avaient lhabitude, continuaient à dévaster sans cesse les provinces de lempereur Héraclius. Comme ils sétaient déjà approchés de Jérusalem, Hércalius vit quil ne pourrait pas sopposer à leur violence. Il en conçut une profonde amertume et beaucoup de chagrin et, pour son malheur, embrassa bientôt lhérésie dEutychès. Il délaissa le culte du Christ et prit pour épouse la fille de sa sœur11.

Les descriptions de la bataille dans la Chronique de Frédégaire, ainsi que dans les écrits ultérieurs, nous suggèrent que ces textes parlent de la conquête musulmane de la Syrie et de la Palestine en 634-64012. Il sagit probablement de la bataille dAjnadayn qui eut lieu le 30 juillet 634 et qui fut une bataille majeure entre les forces musulmanes conduites par le califat Rachidun et les armées de lEmpire romain dOrient. Cette victoire ouvrit la voie de la Palestine aux musulmans13. Il est possible que, dans leurs récits de la première défaite dHéraclius, Frédégaire et les autres chroniqueurs fassent allusion à cette campagne militaire. Le récit de la seconde défaite de lempereur serait la description fantaisiste de la bataille de Yarmouk qui eut lieu le 20 août en 636 et dont le résultat fut la conquête musulmane de la Palestine et de 80Jérusalem14. En tout cas, il semble que certains détails de la bataille se reflètent indirectement dans la Chronique de Frédégaire et les autres textes. Cest un fait établi que larmée musulmane fut dirigée à la bataille du Yarmouk par deux commandants (les chefs militaires Khalid ibn al-Walid et Abu Ubadya15). Cela est également mentionné chez Frédégaire et ses compilateurs. Nous savons aussi que lempereur Héraclius na pas participé à la bataille, mais quil a envoyé ses représentants, ce qui est confirmé dans les sources examinées16.

Selon lopinion répandue en historiographie, la Chronique de Frédégaire se compose de plusieurs parties datant de différentes époques17. Le texte a considérablement changé à cause de diverses interpolation18, pour finalement simprégner dune légère ambiance apocalyptique. Derrière lexpression « le glaive de Dieu » (« gladius Dei »), qui frappa larmée dHéraclius dans son sommeil, se cache probablement le surnom du commandant musulman Khalid ibn Walid (son surnom Sayf Allāh en arabe veut dire « glaive dAllah »). Le texte initial, qui a considérablement changé, supposait peut-être que « les cinquante-deux mille soldats avaient été tués par un homme dont le surnom fut “le glaive de Dieu19” ». Il est à noter que, dans les textes des compilateurs de la Chronique de Frédégaire, tels que Godefroi de Viterbe, Otto de Freising et les autres, ce nest plus le « glaive de Dieu » qui frappe larmée dHéraclius, mais « lange du Seigneur » (« angelus Dei, angelus Domini20 »). De plus, la chronique dEchternach indique tout simplement que tout sest passé « sur lordre du Seigneur » (« nutu Dei21 »).

Le récit sur Alexandre le Grand qui a fait construire les portes dairain pour contenir les peuples barbares et les empêcher dattaquer 81les peuples chrétiens est un exemple typique de la littérature apocalyptique22. Il témoigne, dès lors, de son influence. Selon la tradition médiévale, les portes dairain, construites par Alexandre le Grand, se nommaient habituellement les « Portes Caspiennes23 ». Mais le nom Portas Cypias, utilisé dans le texte initial de Frédégaire, pouvait signifier aussi « les Pyles (Portes) Syriennes », cest-à-dire la région de Belen (le col de Belen), le passage qui unit la Syrie et lAnatolie. En fait, un tel toponyme correspond mieux aux faits qui y sont décrits24.

La légende selon laquelle Alexandre le Grand aurait enfermé dans le Caucase les peuples apocalyptiques est aussi présente dans LApocalypse du Pseudo-Méthode, qui fut également une sorte de réponse à la conquête musulmane de la Syrie et de la Palestine. Cette œuvre a été dabord écrite en syrien et ensuite traduite en grec, en latin et dans dautres langues25. Elle stipulait que la domination musulmane ne durerait pas longtemps, quaprès « dix semaines dannées » (cest-à-dire 70 années, un jour prophétique étant égal à un an), les « fils dIsmaël » seraient vaincus par « le roi des Grecs » (lempereur byzantin26). Celui-ci libérera les chrétiens, et la paix sinstallera. Mais la paix ne durera pas longtemps, car cest alors que commenceront réellement les temps de la fin. Alors souvriront « les portes du Serpentrion27 », au-delà desquelles Alexandre le Grand a enfermé les peuples sauvages, y compris les tribus de Gog et Magog, mentionnés dans le Livre dÉzéchiel. Ces peuples apocalyptiques se répandront dans le monde entier en dévastant la terre des chrétiens et leurs habitants28. Au 82terme de cette période calamiteuse, Dieu enverra un ange, qui se battra et anéantira les peuples démoniaques. « Le roi des Grecs » reviendra à Jérusalem pour y régner, mais, au bout de quelques années, le « fils de perdition », lAntéchrist, aura fait son apparition, et « lempereur des derniers jours » (le basileus de Byzance29) confiera son royaume à Dieu. Il montera sur le Mont Golgotha pour déposer la couronne sur la croix (cest un acte qui rappelle lExaltation de la sainte croix par Héraclius30) et remettra tout le pouvoir entre les mains de Dieu. Cest alors que lhistoire proprement humaine sachèvera et que la lutte ouverte entre le Christ et lAntéchrist commencera31.

Le traité du Pseudo-Méthode, qui avait déjà été traduit en latin au viiie siècle32, peut être mis en parallèle avec le récit de la Chronique de Frédégaire et avec ceux qui ont été écrits par les autres chroniqueurs sur les peuples apocalyptiques. On voit que, si le texte du Pseudo-Méthode est optimiste – le « roi des Grecs » remporte la victoire sur les Sarrasins –, Frédégaire et ses compilateurs donnent une tout autre image : sans attendre un signe divin, lempereur Héraclius ouvre, lui-même, les portes contenant les incursions des peuples sauvages Gog et Magog, qui participeront à la bataille contre les Sarrasins33. Mais le conflit armé na pas lieu, car larmée dHéraclius, comme on la déjà vu, a été frappée par le « glaive de Dieu » la nuit qui précédait la bataille. La plupart des soldats trouvèrent la mort dans leur lit, et les autres nosèrent pas engager le combat contre les Sarrasins. Cest Dieu qui ainsi décida de lissue du combat.

Dans les écrits de Frédégaire et des autres chroniqueurs, la défaite est décrite comme faisant partie du plan divin. Les Sarrasins sont ainsi 83vus comme un instrument du châtiment de Dieu. Cest pour cette raison que Frédégaire et ses compilateurs mettent en relief les caractéristiques morales et religieuses de lempereur byzantin. Selon eux, la défaite dHéraclius fut la conséquence directe de son apostasie et de ses péchés34, la punition de ses crimes35. À la différence de Guibert de Nogent, Godefroi de Viterbe considère comme un très grand péché son ambition de sappuyer davantage sur la divination que sur la volonté de Dieu36. Et cest encore Otto de Freising qui associe la passion dHéraclius pour lastrologie avec son hétérodoxie37.

Ce passage sur la « race des circoncis », qui est sous-entendu dans la chronique de Guibert de Nogent et que lon retrouve dans les textes de Frédégaire et des autres écrivains, raconte donc les défaites subies par lempereur Héraclius face aux Sarrasins lors de la conquête musulmane de la Syrie et de la Palestine en 632-641. Mais ce nest quune partie des actions réalisées par lempereur légendaire qui a retenu lattention des chroniqueurs. Limage dHéraclius, créée par les écrivains médiévaux, présente dautres facettes.

LA RÉCUPÉRATION DE LA VRAIE CROIX

Il est intéressant de remarquer que les auteurs qui véhiculent le mythe de la « race des circoncis » et qui nous racontent la perte des territoires byzantins par Héraclius font également léloge de lempereur 84byzantin en narrant ses victoires sur lempereur sassanide Chosroès. Le texte de la Chronique de Frédégaire qui sera utilisé par des chroniqueurs ultérieurs comprend un passage très court contant ces événements38. Le chroniqueur Godefroi de Viterbe relate de manière très détaillée les guerres de lempereur byzantin menées contre les Perses. Lhistoire de ces conflits entre les deux empires est résumée dans les deux chroniques universelles dEkhehard-Frutolf et dOtto de Freising ainsi que dans la Chronique dEchternach.

Dans toutes ces œuvres, Héraclius est considéré comme le souverain chrétien idéal qui a récupéré la vraie croix à la suite dune lutte acharnée contre les Perses. Les chroniques nous racontent lhistoire suivante. Ayant dévasté les provinces byzantines, Chosroès conquit Jérusalem et rapporta la vraie croix en Perse39. Daprès les chroniqueurs, le souverain perse avait construit dans sa capitale (Ctésiphon ?) une tour dargent dont les murs étaient ornés de pierres précieuses symbolisant le soleil, la lune et les étoiles. Il avait installé à côté de son trône la vraie croix40, car il voulait être vénéré comme Dieu41. À laide de mécanismes spéciaux aménagés dans la tour dargent, Chosroès simulait le tonnerre et la pluie en se faisant passer pour un dieu omnipotent maîtrisant les phénomènes naturels42. Il semblerait que le culte de Chosroès, quil a lui-même suscité, et ses tentatives dauto-divinisation aient pu être interprétés par les médiévaux comme la prophétie de lAntéchrist : « qui sassiera dans le temple de Dieu, se proclamant lui-même Dieu » (2 Th 2-4). Héraclius mène contre Chosroès-Antéchrist de longues guerres, dont le point culminant est le combat singulier sur le pont du Danube. Il était convenu que celui qui remporterait la victoire semparerait du royaume de lautre et de son 85peuple, qui resterait ainsi sain et sauf43. Ayant combattu et vaincu le fils de Chosroès, lempereur Héraclius a ainsi converti le peuple perse au christianisme44. Mais les événements les plus importants aux yeux des chroniqueurs sont liés à la récupération de la vraie croix. Héraclius atteint son ennemi dans son palais luxueux. Il lui coupe la tête. Il prend la sainte croix et la rapporte – « en triomphe et dans une grande gloire » (« cum triumpho et gloria magna45 ») – dabord à Constantinople, ensuite à Jérusalem. La victoire dHéraclius sur lempereur sassanide, qui se faisait passer pour Dieu, avait été remportée grâce à la puissance de la vraie croix, comme le souligne Godefroi de Viterbe. Ce fut donc la victoire de la vertu sur lorgueil46. Cest ainsi que, dans ces textes, il est dépeint comme un nouveau Constantin qui a triomphé des infidèles et instauré le christianisme.

Au xiie siècle, la tradition narrative ayant trait à Héraclius était bien développée et lon en retrouve certains éléments dans la chronique de Godefroi de Viterbe. Cest ainsi que Godefroi raconte un épisode qui est peu présent dans les autres chroniques relatant le mythe de la « race des circoncis ». Voici lépisode. Héraclius rapporte la sainte relique à Jérusalem. Il descend du Mont des Oliviers et arrive devant la porte par où était entré Jésus-Christ, la veille de la Passion. Or, voici que les pierres de la porte se rejoignent de façon à former un mur47. Au-dessus de la porte, lon voit apparaître lange tenant en main le signe de croix. Lange rappelle à lempereur lentrée de Jésus à Jérusalem : ce nest pas avec un luxe princier, mais en pauvre, monté sur un petit âne, que le fils de Dieu est entré par cette porte, laissant un bel exemple dhumilité. Héraclius, tout en larmes, descend alors de son cheval, se déchausse, se dépouille de ses vêtements jusquà sa chemise et, prenant la croix du Seigneur, il en frappe humblement la porte qui, se soulevant, lui permet de passer avec toute sa suite48. Ce sujet est connu dans la littérature 86médiévale sous le nom de porta clausa. Il est traité dans de nombreux textes liturgiques et hagiographiques49. Godefroi de Viterbe et les autres auteurs médiévaux avaient probablement emprunté ce passage (de même que la description du combat singulier sur le Danube ou le récit sur le roi perse Chosroès, qui voulait sassimiler à Dieu) à la source la plus ancienne. Il sagit du texte liturgique intitulé Reversio Sanctae Crucis, que lon a attribué très longtemps à lécrivain du ixe siècle Raban Maur et qui circulait dans la société médiévale entre les viiie et xiiie siècles50.

On remarque que dans le Pantheon et les autres textes médiévaux, Chosroès est représenté comme lAntéchrist, tandis que lempereur byzantin est assimilé au Christ : ainsi, comme le Christ a triomphé de la mort avec laide de la croix, Héraclius a remporté la victoire sur ses ennemis. Dans les écrits des chroniqueurs, Chosroès-Antéchrist manifeste de lorgueil (superbia) en sassimilant à Dieu, tandis quHéraclius qui transporte la vraie croix à travers la Porte Dorée fait preuve dhumilité (humilitas) en imitant Jésus-Christ. On voit que limage dHéraclius construite par Frédégaire et ses compilateurs est très ambiguë : dune part, lempereur byzantin est considéré comme un véritable pécheur, ses défaites représentant le châtiment divin de ses crimes ; dautre part, il est représenté comme le souverain chrétien idéal qui a récupéré la sainte relique pour le monde chrétien.

LEMPEREUR HÉRACLIUS ET LES CROISÉS

Il est évident que le rôle symbolique dHéraclius a considérablement augmenté à lépoque des croisades. Il était, après tout, le premier croisé à avoir mené la Guerre sainte, libéré Jérusalem des infidèles et reconquis la vraie croix. En outre, Héraclius, en cherchant à récupérer la sainte 87croix, a refusé le rôle de lempereur triomphant et a préféré devenir lémule du Christ. Comme lui, les croisés imitaient Jésus-Christ – en cousant la croix, symbolisant le vœu de croisade, sur leurs vêtements, ils répondaient à lappel du Christ : « Si quelquun veut venir après moi, quil se charge de la croix et quil me suive » (Mt 16, 24).

Paradoxalement, ni dans la chronique de Guibert de Nogent ni dans les autres sources traitant des croisades, nous ne retrouvons de tels récits sur les exploits de lempereur byzantin, que nous transmettent les compilateurs de Frédégaire et les autres textes narratifs et liturgiques. Peut-être est-ce dû au fait que la tradition dHéraclius était devenue, pour les croisés, une sorte de lieu commun. Elle était associée non tant avec ce personnage quavec le cycle de la légende de la vraie croix51. On peut juger plutôt de la popularité de ce personnage historique par les références indirectes. Limage de lempereur Héraclius occupait, sans doute, une très grande place dans lesprit des chevaliers chrétiens et des chroniqueurs qui décrivaient les faits relatifs aux croisades. Voici un exemple. Il sagit dun épisode de la chronique dAlbert dAix. Après la prise de Jérusalem, le 15 juillet 1099, événement symbolique des croisades, Godefroy de Bouillon se dépouille de son armure chevaleresque, met sa haire, se déchausse et sort de la ville. Rempli de la plus profonde humilité, il fait, pieds nus, le tour des remparts de Jérusalem et rentre dans la ville par la Porte Dorée, située en face du Mont des Oliviers52. Cest ainsi quil avait probablement voulu imiter lentrée dHéraclius53. Un autre exemple : après avoir battu les Turcs dIl-Ghazi à la bataille de Danith, près dAntioche, le 14 août 1119 (la vraie croix était présente à la campagne militaire), le roi de Jérusalem Baudouin ier reporta son retour à Jérusalem dun mois pour pouvoir revenir dans sa capitale le 14 septembre, jour de lExaltation de la croix54.

Les deux fêtes introduites par les croisés – la fête de lInvention de la sainte croix, célébrée le 3 mai, et la fête de lExaltation de la vraie croix, célébrée le 14 septembre – témoignent de limportance du nom 88dHéraclius dans lespace rituel de lOrient latin. Daprès les récits de pélerins, cest pendant cette dernière fête que la Porte Dorée était ouverte55, tandis que, le reste du temps, non seulement elle était fermée, mais un tas de pierres bloquait son accès56, en rappelant ainsi peut-être la scène de la porta clausa qui est décrite par Saewulf, un des pélerins57.

On ne trouve donc que peu dinformations sur lempereur byzantin dans les chroniques des croisades. En revanche, une œuvre littéraire consacrée à Héraclius reflète parfaitement la tradition narrative et liturgique associée à ce personnage historique. Cest le roman dEracles, composé par lécrivain du xiie siècle Gautier dArras, à la veille de la Troisième Croisade, qui relate dune manière laudative les exploits de lempereur byzantin58. Héraclius y est représenté comme le croisé exemplaire dont les actes sont guidés par la volonté de Dieu59. En décrivant la vie et les exploits de lempereur, Gautier dArras commence son récit avec la découverte de la vraie croix par limpératrice Hélène, mère de Constantin60. Sont décrites ensuite les guerres entre Byzance et les Perses, dont lissue fut la conquête de la relique de la sainte croix par lempereur sassanide Chosroès. Celui-ci la transportée en Perse pour créer son propre culte : « le culte de lui-même61 ». Lange envoyé par Dieu à Héraclius lui confie la mission de se battre contre le mauvais satrape62. Dans le combat singulier, le basileus bat le fils de Chosroès et convertit les infidèles au christianisme. Puis il se dirige vers la Perse, où, après la vaine tentative de convertir lempereur sassanide, il le tue 89et sempare de la vraie croix pour la rapporter à Jérusalem63. Ensuite, Gautier dArras reprend le sujet de la porta clausa, qui était, bien évidemment, très populaire chez les auteurs médiévaux et selon lequel lempereur, sassimilant au Christ et montrant son humilité, fait entrer la sainte croix par la Porte Dorée dans Jérusalem64. Héraclius retourne alors à Constantinople, où il est accueilli avec les plus grands honneurs. La fête de lExaltation de la vraie croix est établie afin de célébrer la restitution de la sainte relique65. À la fin de son poème, Gautier dArras raconte quaprès la mort de lempereur, on fit élever la statue équestre dHéraclius. Celle-ci est posée sur un piédestal, main droite étendue vers le monde païen, comme le menaçant66. Une fois encore, le récit sur les actes de lempereur byzantin sinscrit dans lhistoire du salut : Héraclius devient le symbole de la lutte contre les infidèles67.

Le roman dEracles peut être considéré comme le parallèle littéraire de lEstoire de Eracles. Cest la version, en ancien français, de la chronique latine du xiie siècle écrite par Guillaume de Tyr, le meilleur historien des croisades au Moyen âge. Les premières lignes de la chronique en ancien français qui parlent dHéraclius ont donné à lensemble du texte le nom de lempereur68. Elles nous rappellent les guerres entre Byzance et les Perses, ainsi que la récupération de la vraie croix. Le récit est entrecoupé par lhistoire de la conquête musulmane de la Syrie et de la Palestine, dont les événements étaient décrits par Frédégaire et ses compilateurs. À la différence des textes de ces chroniques, le récit de léchec dHéraclius qui avait conduit lempereur à la perte de la Palestine et de Jérusalem nest pas imprégné daccents apocalyptiques, mais revêt 90une forte connotation moralisatrice. Le chroniqueur parle de lépoque où « la doctrine empestée de Mahomet [] sétait répandue de tous côtés », où les Sarrasins semparaient « de nouveaux territoires » et employaient « le fer et la violence pour imposer aux peuples leurs erreurs ». Cette fois, Héraclius, qui était tenu de prêter assistance aux chrétiens, nétant pas capable de réprimer « linsolence des infidèles », prit le parti de se retirer en sûreté chez lui, pour ne pas se livrer aux aléas incertains de la guerre69. Il attendit lissue de la bataille en Cilicie, en laissant ainsi larmée dOmar ibn al-Khattâb occuper dabord Gaza et ensuite Damas. Sa défaite ouvre un nouveau chapitre dans lhistoire de la Terre Sainte. La sainte ville de Jérusalem se trouve ainsi soumise à la domination des infidèles et subit pendant cent quatre-vingt-deux ans le joug dune servitude injuste. En conclusion, Guillaume de Tyr présume que Dieu avait permis que les infidèles envahissent Jérusalem afin de punir le peuple chrétien, et non uniquement lempereur Héraclius pour ses péchés70.

Comme il a déjà été dit, la chronique de Guillaume de Tyr a été traduite en ancien français, et cette version a été complétée dans certains manuscrits jusquà lannée 1271. La traduction en langue vulgaire allait de pair avec lillustration de la chronique71, les images de lempereur étant généralement placées au début des manuscrits. Les enlumineurs illustrent les actions dHéraclius, en premier lieu la récupération de la vraie croix, y compris lépisode de la porta clausa (fig. 1)72. Un manuscrit parisien richement enluminé souvre ainsi sur un cycle de six miniatures, dont trois sont consacrées à Héraclius (fig. 2)73. Le 91cycle de miniatures se lit de haut en bas. Au niveau supérieur gauche, on voit lempereur Héraclius assis sur le trône. Dans les miniatures du niveau suivant, les artistes figurent Héraclius qui dabord rapporte la vraie croix à Jérusalem (à gauche) et restaure ensuite les églises chrétiennes détruites par Chosroès (à droite). Au niveau inférieur gauche, les artistes représentent lépisode de la conquête de Damas par les Arabes. Les chrétiens assiégés par les musulmans dans la forteresse tirent à larc sur leurs adversaires. Cette image est lillustration presque littérale des événements mentionnés par Guillaume de Tyr. En même temps, elle sert de modèle à de nombreuses miniatures de ce codex illustré, qui dépeint les scènes de la guerre de siège à lépoque des croisades. Dans toutes ces miniatures, les adversaires des croisés sont représentés de la même manière que les Arabes qui combattaient larmée chrétienne dHéraclius. La similitude des motifs iconographiques et lidentité du schéma de la composition sont évidentes74. À côté de la miniature consacrée au siège de Damas, lon retrouve limage représentant Pierre lHermite partant en croisade. Liconographie semble effacer le temps. Les campagnes militaires de lempereur Héraclius du viie siècle et les événements des croisades sont situés dans un cadre temporel similaire. Les miniatures illustrent la même idée que celle présentée dans la chronique des croisades. Lempereur Héraclius a dabord remporté la victoire sur le roi perse Chosroès, a recupéré la vraie croix, mais, par la suite, il na pu garder la Terre Sainte. Néanmoins, ses échecs et ses défaites ouvrent une nouvelle étape dans lhistoire, celle des croisades.

Cest presque de la même manière que Jacques de Vitry, qui a beaucoup puisé dans la chronique de Guillaume de Tyr, raconte les exploits de lempereur Héraclius : tout dabord, il a glorieusement (« cum triumpho et gloria magna ») récupéré la sainte croix, mais il a ensuite cédé la Terre Sainte au calife Omar, qui finit par conquérir la ville de Jérusalem75. Jacques de Vitry partage lavis de Guillaume de Tyr, selon qui non seulement Héraclius, mais tous les chrétiens de Jérusalem étaient ainsi punis et devaient subir le joug des infidèles jusquà larrivée des croisés76. Dans ce contexte, la défaite dHéraclius nest pas considérée comme un 92événement aléatoire. Elle acquiert de limportance, car elle anticipe une nouvelle ère, celle des croisades. Les croisés sont appelés à jouer le rôle qui leur est destiné par Dieu. À linstar de lempereur, ils devront lutter contre les infidèles pour la vraie croix et la restauration du christianisme.

Cest comme héritiers et successeurs de lempereur Héraclius que les croisés sont perçus dans lHistoire anonyme des rois de Jérusalem, compilation composée vers la fin du xiie siècle et résumant les événements de la croisade. La reconquête de Jérusalem par les croisés est représentée ici comme une grande étape dans lhistoire de la récupération de la sainte relique : cest dabord Hélène, mère de Constantin, qui la découvre ; en commémoration de cet événement, on célèbre le 3 mai la fête de lInvention de la vraie croix. Plus tard, la précieuse relique est enlevée par les Perses, mais lempereur byzantin la récupère et la rapporte à Jérusalem. À la suite de ces événements, la fête de lExaltation de la croix est instaurée et célébrée le 14 septembre77. Selon lHistoire anonyme des rois de Jérusalem, les chrétiens étaient maîtres de la ville sainte depuis lépoque dHéraclius jusquà ce quOmar, « le disciple du séducteur Mahomet » (« discipulus seductoris Machumet »), ait conquis, en 63678, de manière illégitime la Terre Sainte (la responsabilité dHéraclius dans la conquête musulmane nest pas reconnue). Ainsi, la domination des infidèles a perduré sur une période de 463 ans, pendant laquelle les Sarrasins régnaient à Jérusalem79. Le point culminant de ces événements est lexploit de Godefroy de Bouillon, qui, en tant que nouvel Héraclius, reprend la ville de Jérusalem et la sainte croix80.

La succession de lhéritage du pouvoir se dessine ainsi : dabord, de Constantin à Héraclius81, puis dHéraclius à Godefroy de Bouillon (le premier souverain du royaume de Jérusalem est perçu comme le 93nouvel Héraclius, tandis que lempereur byzantin est présenté comme le prédécesseur de Godefroy de Bouillon), ensuite de ce dernier à tous les rois de Jérusalem. Les croisés qui ont fondé le royaume latin de Jérusalem savèrent donc les héritiers de Constantin et dHéraclius. La figure charismatique de lempereur byzantin est mise à profit par les écrivains médiévaux pour prouver la legitimité du pouvoir des croisés en Terre Sainte et leur droit à la possession de la sainte croix. Les rituels célébrés dans lÉtat latin dOrient, comme la fête de lInvention de la croix et la fête de lExaltation de la sainte croix, sont très importants pour lidéologie des croisades. Ils servent à renforcer le pouvoir des souverains du royaume latin de Jérusalem.

CONCLUSION

Ce bref aperçu des récits historiques que nous avons présenté ici afin dinterpréter le passage énigmatique de la chronique de Guibert de Nogent nous a montré que la figure de lempereur byzantin sinscrit dans un contexte historique et symbolique de longue durée. La tradition liée au nom dHéraclius était nécessaire pour créer et légitimer lidéologie des croisés. Limage de lempereur byzantin est toujours présente, de manière implicite, dans les chroniques, les croisades étant perçues comme la continuation des expéditions menées par celui-ci contre les Perses au viie siècle. Déjà, dans les premiers textes qui relatent la réaction de lEurope latine face aux victoires militaires de lIslam (par exemple, la Chronique de Frédégaire), les faits historiques sont déformés par la légende et simprègnent des motifs eschatologiques. En fin de compte, comme le montrent les chroniqueurs, les défaites qua subies Héraclius au cours de la conquête musulmane de la Syrie et de la Palestine avaient été prédestinées par Dieu. Ses victoires et la récupération de la vraie croix sinscrivent également dans le plan divin. Le motif de la Reversio sanctae Crucis accentue la perspective eschatologique dans laquelle se situent les récits sur lempereur Héraclius82. Les guerres du basileus contre le roi 94perse Chosroès étaient présentées comme la lutte contre lAntéchrist. Dans ce sens, les victoires de lempereur sur les infidèles et, par la suite, la récupération de la vraie croix ainsi que les défaites ultérieures infligées par la « race des circoncis » à Héraclius sont incluses dans un cadre temporel plus long et représentent les différentes étapes de lhistoire du salut. Les défaites du basileus sont finalement interprétées comme le châtiment de Dieu pour les péchés commis par Héraclius et par tous les chrétiens. Elles ouvrent cependant un nouveau chapitre de lhistoire chrétienne : « les croisades ». Si, à linstar de lempereur byzantin, les croisés subissent des échecs à cause de leurs péchés, par la suite, comme « le basileus », ils vaincront les adversaires infidèles83, car, Guibert de Nogent le rappelle dans sa chronique, la victoire finale du christianisme sur lislam est inévitable et prédestinée par Dieu84.

Svetlana Luchitskaya

Institut dhistoire universelle

Moscou

95

Fig. 1 – « Histoire dOutremer ». Ms. Paris,
Bibliothèque nationale de France, français 9082, fol. 25.

96

Fig. 2 – « Li rommans de Godefroy de Buillon et de Salehadin et de tous lez autres roys qui ont esté outre mer jusques a saint Loys qui darrenierement y fu ». Ms. Paris, Bibliothèque nationale de France, français 22495, fol. 1.

1 Sur la dimension eschatologique des premières croisades, voir J. Flori, LIslam et la fin du temps. Linterprétation prophétique des invasions musulmanes dans la chrétienté médiévale, Paris, Seuil, 2007, p. 250-265.

2 Voir Guibertus Novigentis, Gesta Dei per Francos, éd. R. B. C. Huygens, Turnhout, Brepols, 1996. La chronique a été écrite entre les années 1107 et 1108.

3 Voir Gesta Dei per Francos, p. 318-321. Les autres chroniqueurs rapportent aussi les prédictions des astrologues musulmans. Voir Robertus Monachus, Historia Hierosolymitana, Recueil des Historiens des Croisades, Paris, Imprimerie Nationale, 1866, t. 3, p. 812 ; Petrus Tudebodus, Historia de Hierosolymitano itinere, éd. J. H. Hill et L. Hill, Paris, Geuthner, 1977, p. 93.

4 Gesta Dei per Francos, p. 320-321.

5 La bibliographie consacrée à ce personnage historique est inépuisable. Voir quelques ouvrages récents : The Reign of Heraclius (610-641). Crisis and Confrontation, éd. G. J. Reinink et B. H. Stolte, Louvain, Peeters, 2002 ; W. E. Kaegi, Heraclius emperor of Byzantium, Cambridge, Cambridge University Press, 2003 ; A. Sommerlechner, « Kaiser Herakleios und die Rückkehr des Heiligen Kreuzes nach Jerusalem. Überlegungen zu Stoff und Motivgechichte », Römische Historische Mitteilungen, 45, 2003, p. 319-360 ; S. Borgenhammar, « “Heraclius Learns Humility” : Two Early Latin Accounts. Composed for the Celebration of Exaltatio Crucis », Millennium : Jahrbuch zu Kultur und Geschichte des ersten Jahhunderts n. Chr., 6, 2009, p. 145-201. Sur liconographie de lempereur Héraclius, voir G. Quieroz de Souza, « Heraclius, Emperor of Byzantium », Revista Digital de Iconografia Medieval, 7, 2001, p. 27-38 ; B. Baert, « Héraclius, lExaltation de la Croix et le Mont St Michel au xie siècle : une lecture attentive du ms. 641 de la Pierpont Morgan Library à New York », Cahiers de civilisation médiévale, 51, 2008, p. 3-20.

6 Voir A. Frolow, « La déviation de la 4e Croisade vers Constantinople. Note additionnelle : La Croisade et les guerres persances dHéraclius », Revue de lhistoire des religions, 147/1, 1955, p. 50-61, ici p. 54.

7 Voir Chronicarum quae dicuntur Fredegarii Scholastici Libri IV, éd. B. Krusch, MGH, SS rer. Merow., Hanovre, Hahn, 1888, t. 2, p. 153-154 (traduction : The fourth Book of the Chronicle of Fredegar with Its Continuations, éd. et trad. J. M. Wallace-Hadrill, Londres, Nelson, 1960, p. 54-55) ; Aimoin de Fleury, De Gestis Francorum, Recueil des historiens des Gaules et de la France, éd. M. Bouquet, Paris, 1741, t. 3, p. 129 ; Ekkehard dAura (Uraugiensis), Chronica, éd. G. Waitz, MGH, SS, Hanovre, Hahn, 1844, t. 6, p. 25 et 152-153 ; Otton de Freising, Chronica sive Historia de duabus civitatibus, éd. A. Hofmeister, Hanovre, Hahn, 1912, p. 242 ; Chronicon Epternacense auctore Theoderico monacho, éd. L. Weiland, MGH, SS, Hanovre, Hahn, 1874, t. 23, p. 45 ; Godefroi de Viterbe, Pantheon, éd. G. Waitz, MGH, SS, Hanovre, Hahn, 1872, t. 22, cap. 28, p. 196.

8 Voir Chronicarum quae dicuntur Fredegarii, p. 153, cap. 65-66. Sur limportance de ce texte, voir Flori, LIslam et la fin des temps, p. 175.

9 Dans les chroniques, cest Héraclius, lui-même, qui fait des prévisions astrologiques ; voir Ekkehard dAura, Chronica, p. 153 ; Otton de Freising, Chronica, p. 242 ; Chronicon Epternacense, p. 45 ; Godefroi de Viterbe, Panthéon, p. 196.

10 Les chroniqueurs identifient souvent ces « nations barbares » avec les Alains ; voir Aimoin de Fleury, De Gestis Francorum, p. 129.

11 Chronicarum quae dicuntur Fredegarii, cap. 66, p. 153-154. Nous citons ici la traduction Chronique des temps mérovingiens. Frédégaire (Livre IV et Continuations), trad. O. Devillers et J. Meyers, Turnhout, Brepols, 2001, p. 185. Le passage cité est copié presque textuellement dans les autres chroniques.

12 La « Chronique de Frédégaire » est le premier texte latin à mentionner linvasion musulmane de la Byzance ; voir J. Tolan, Saracens : Islam in the Medieval Europan Imagination, New York, Columbia UP, 2002, p. 77.

13 Sur ce sujet, voir E. Rotter, Abendland und Sarazenen : das Okzidentale Araberbild und seine Entstehung im Frühmittelalter, Berlin, De Gruyter, 1986, p. 153 ; L. Drapeyron, LEmpereur Héraclius et lEmpire Byzantin au viie siècle, Paris, 1869, p. 92-93.

14 Bien que le texte ne dise rien sur la conquête de Jérusalem en 638 (les Sarrasins ne font que sapprocher de la ville), il est fait allusion à cet événement ; voir Rotter, Abendland und Sarazenen, p. 157.

15 Voir Drapeyron, LEmpereur Héraclius, p. 99 ; G. Ostrogorsky, Geschichte des byzantinischen Staates, Munich, Beck, 1963, p. 92.

16 « Saracini duos habentes principes » (Chronicarum quae dicuntir Fredegarii Scholastici Libri, p. 153) ; « Sarracenorum duo duces erant » (Aimoin de Fleury, De Gestis Francorum, p. 129).

17 Voir, par exemple, W. Goffart, « The Fredegar Problem Reconsidered », Speculum, 38, 1963, p. 206-241.

18 Lauteur de la « Chronique de Frédégaire » (il y en avait peut-être plusieurs) avait accès aux sources orientales ; voir Rotter, Abendland und Sarazenen, p. 145.

19 Rotter, Abendland und Sarazenen, p. 159.

20 Otton de Freising, Chronica, p. 242 ; Godefroi de Viterbe, Pantheon, p. 196.

21 Chronicon Epternacense, p. 45.

22 Voir A. R. Anderson, Alexanders Gate : Gog and Magog and the Inclosed Nations, Cambridge, Massachusetts, The Medieval Academy of America, 1932.

23 Voir Aimoin de Fleury, De Gestis Francorum, p. 129 ; Otton de Freising, Chronica, p. 242 ; Ekkehard dAura, Chronica, p. 153.

24 Le nom fantastique Cypias pourrait être le résultat de la traduction déformée du toponyme grec Συρα Πλαι. Sur ce sujet, voir Rotter, Abendland und Sarazenen, p. 162-163.

25 Voir Die Apokalypse des Pseudo-Methodius. Du Ältesten griechische und lateinische Übersetzungen, éd. W. J. Aerts et G. A. Kortekaas, Louvain, Peeters, 1998 ; Flori, LIslam et la fin des temps, p. 133-141.

26 Selon la version grecque, dans « sept semaines dannées » ; voir Sybillinische Texte und Forschungen, éd. E. Sackur, Halle, Niemeyer, 1898, p. 89-90.

27 Selon LApocalypse du Pseudo-Méthode, Alexandre le Grand a étendu ses conquêtes jusquaux montagnes qui sappellent les « Portes du Septentrion » ; voir A. B. Schmidt, « Die “Bürsten des Nordens” und Alexanders Mauer gegen Gog und Magog », Endzeiten. Eschatologie in den monotheistishcen Weltreligionen, éd. W. Brandes et F. Schmieder, Berlin, De Gruyter, 2008, p. 89-100.

28 Voir Sybillinische Texte und Forschungen, p. 91.

29 Sur la légende de « lempereur des dernier jours », voir P. J. Alexander, « The Medieval Legend of the Last Roman Emperor and its Messianic Origin », Journal of the Warburg and Courtauld Institutes, 41, 1978, p. 1-15.

30 Il est difficile de savoir si lempereur Héraclius sest inspiré de la légende de « lempereur des derniers jours » ou si cest lui-même qui la inspirée ; voir C. Bonura, « The Man and the Myth. Did Heraclius know the legend of the Last Emperor ? », Studia patristica, 62, 2013, p. 505-514.

31 Voir Sybillinische Texte und Forschungen, p. 93.

32 La première version latine de lApocalypse a été composée vers lan 700. Elle modifie peu son original oriental, si ce nest que la victoire sur les musulmans est repoussée à une époque indéterminée. En général, les prophéties du Pseudo-Méthode étaient souvent adaptées aux situations politiques nouvelles de lOccident médiéval ; voir Flori, LIslam et la fin des temps, p. 182-187 et 206-214.

33 Voir, par exemple, Aimoin de Fleury, De Gestis Francorum, p. 129.

34 Un tel regard sur Héraclius sinscrit dans le contexte de lhistoriographie byzantine. Selon Théophane le Confesseur, écrivain byzantin du ixe siècle, la conquête de la Syrie par les Arabes nest que le châtiment de Dieu pour les péchés de lempereur Héraclius ; voir Théophane le Confesseur, Chronographia, éd. C. de Boor, Leipzig, Teubner, 1883, vol. 1, col. 506, 522. Les autres écrivains byzantins, comme Georges le Moine et Georges Cédrène, considèrent sa vie et ses actes comme « παρανομα » (« illégalité ») (PG, 110, col. 829 ; PG, 121, col. 805). Sur les sources byzantines de la légende dHéraclius, voir Sommerlechner, « Kaiser Herakleios und die Rückkehr des Heiligen Kreuzes nach Jerusalem », p. 319-329.

35 Voir Otton de Freising, Chronica, p. 242 ; Godefroi de Viterbe, Pantheon, p. 196.

36 Voir Godefroi de Viterbe, Pantheon, p. 196 : « magis in auguris quam in divino auxilio confidebat ».

37 Voir Otton de Freising, Chronica, p. 242 : « in Euthicianam incidit heresim, et mathematicus factus et astrologus ».

38 Voir Chronicarum quae dicuntur Fredegarii Scholastici Libri IV, p. 152. Cest dans la Chronique de Frédégaire que les écrivains médiévaux puisaient des informations sur lempereur byzantin ; voir Brandes, « Heraclius Between Restoration and Reform », The Reign of Heraclius, p. 3-36.

39 Larmée de lempire sassanide assiégea Jérusalem en 614 et la captura ; voir Drapeyron, LEmpereur Héraclius, p. 101 ssq.

40 Voir Godefroi de Viterbe, Panthéon, p. 197 : « Cum Cruce quesita putat illic vivere vita ».

41 Voir Otto de Freising, Chronica, p. 240 : « ubi se ut Deum adorari fecit ». Daprès la Légende dorée, le roi Chosroès, qui cherche à se proclamer Dieu, met à droite de son trône le bois de la vraie croix, qui devait symboliser le Dieu-Fils, et, à gauche, il place le coq dor, qui désigne le Saint Esprit : le satrape demande ainsi à ses citoyens de le vénérer comme Dieu. Voir Iacopo da Varazze, Legenda aurea, éd. G. P. Maggioni, Sismel, Florence, 2017, cap. 133 ; Honoré dAutun, « Speculum ecclesie », PL, 172, col. 1104-1106.

42 Voir Godefroi de Viterbe, Pantheon, p. 197.

43 Voir Chronicarum quae dicuntur Fredegarii, p. 152. Ce combat singulier est décrit dans le texte liturgique consacré à Héraclius et datant du viie siècle. Sur ce sujet, voir Borgenhammar, « Heraclius Learns Humility », p. 161-163.

44 Voir Otto de Freising, Chronicа, p. 240.

45 Chronicon Epternacense, p. 45 : « cum ingenti triumphi gloria et gaudio ».

46 Voir Godefroi de Viterbe, Pantheon, p. 197, v. 25 : « Obviat Eraclius, reprimens virtute superbum ».

47 Voir Godefroi de Viterbe, Pantheon, p. 197, v. 40 : « porta fit ut paries ».

48 Voir Godefroi de Viterbe, Pantheon, p. 197, v. 42-45 : « Nolo, quod augustus gemmis procedat honustus, / Intrantis Christi sit memor ipse sibi, / Auferat ornatus, humilis pede progrediatur, / Eraclii manibus iam crux benedicta feratur ».

49 Voir M. Menzel, « Gottfried von Bouillon und Kaiser Heraclius », Archiv für Kulturgeschichte, 74, 1992, p. 1-21, ici p. 4-10.

50 Le savant suédois S. Borgenhammar a pu montrer dans sa recherche que ce texte avait été créé entre la fin du viie et le milieu du viiie siècle par un auteur italien anonyme qui sappuyait sur les sources byzantines et orientales ; voir Borgehammar, « Heraclius Learns Humility », p. 145-202.

51 Sur ce sujet, voir B. Baert, A Heritage of Holy Wood. The Legend of the Cross in Text and Image, Leiden, Brill, 2004.

52 Voir Albert dAix, Historia Herosolymitana, éd. S. B. Edgington, Oxford, Clarendon Press, 2007, p. 436.

53 Voir Menzel, « Gottfried von Bouillon und Kaiser Heraclius », p. 1-21.

54 Voir Foucher de Chartres, Historia Hierosolymitana, éd. H. Hagenmeyer, Heidelberg, C. Winter, 1913, p. 632-633.

55 Voir Itinéraires à Jérusalem et descriptions de la Terre Sainte, rédigés en français aux xie, xiie et xiiie siècles, éd. H. Michelant, Genève, Fick, 1882, p. 151-152 : « si ni passoit nus forz seulement.II. foiz lan [] le jour de Pasque [] et le jour de feste Sainte Croiz en septembre [] ».

56 Voir Peregrinatores tres : Saewulf, Johannes Wirziburgensis, Theodericus, éd. R. B. C. Huygens, Turnhout, Brepols, 1995, p. 96 : « Haec [] porta intus clausa, foris lapidibus obstructa, in nullo tempore patet alicui [] nisi in Exaltatione sanctae crucis ».

57 Voir Peregrinatores tres, p. 68 : « sed prius lapides cadentes clauserunt se invicem et facta est porta ut maceries integra [] ».

58 La structure de cette œuvre littéraire a peut-être subi linfluence de textes liturgiques comme la Reversio Sanctae Crucis.

59 Cest ainsi quil est appelé Dieudonné dans ce texte ; voir Gautier dArras, Eracles, éd. G. Raynaud de Lage, Paris, Champion, 1976, v. 225. Voir aussi D. A. Trotter, Medieval French Literature and the Crusades (1100-1300), Genève, Droz, 1988, p. 130-131.

60 Voir Eracles, v. 5120-5214.

61 Eracles, v. 5216-5264.

62 Voir Eracles, v. 5324-5379.

63 Voir Eracles, v. 5520-5840.

64 Voir Eracles, v. 6184-6396.

65 Voir Eracles, v. 6430 : « Li biaus, li preus, li aloés / fist molt grant feste, ce fu drois / a lonor de la Vraie Crois / fu la feste adont trovee / qui en septembre est celebree ».

66 Voir Eracles, v. 6496-6516 ; v. 6504 : « vers Paienime tent se destre / et fait sanlant de manecier / et de lonor Dieu porcacier ».

67 Il est curieux de constater que, pendant la Quatrième Croisade, les chevaliers chrétiens, daprès le chroniqueur Robert de Clari, avaient pris la statue équestre de bronze de lempereur Justinien, installée sur la colonne antique, pour limage de lempereur byzantin Héraclius. Ainsi, comme dans le Roman dEracles, la main droite de lempereur était tendue vers lOrient comme sil menaçait les païens. Voir Robert de Clari, Conquête de Constantinople, éd. et trad. J. Dufournet, Paris, Champion, 2004, chap. 86 : « si avoit un empereur geté de coivre, seur i. grant cheval de coivre, qui tendoit se main vers païenisme ».

68 « Les anciennes estoires dient [] », LEstoire de Eracles empereur, Recueil des Historiens des Croisades, Historiens Occidentaux, Paris, Imprimerie royale, 1844, t. 1, p. 9.

69 Voir LEstoire de Eracles, p. 10-11.

70 Voir LEstoire de Eracles, p. 13 : « Einssint avint que cele seinte cité de Iherusalem par les pechiez del pueple fu en servage et el dangier de la gent mescreant à mout longuement, cest à dire iiii cenz et iiii vinz et x anz ».

71 Les premières suites de la chronique en ancien français ont été composées vers 1232, tandis que les illustrations sont réalisées après 1244. Sur la chronique en ancien français, voir P. Handyside, The Old French William of Tyre, Leiden, Brill, 2015. Sur les illustrations, voir J. Folda, The Illustrations in Manuscripts of the History of Outremer by William of Tyre, Ph. D. diss., Johns Hopkins University, 1968, vol. 1-3 ; F. Caroff, LOst des Sarrasins : les musulmans dans liconographie mediévale (France-Flandre. xiiie-xve siècles), Paris, Le Léopard dOr, 2016, p. 91-96, 103-105, 287-310.

72 Voir par exemple les mss Paris, BnF, fr. 2628, fol. 1 ; Paris, BnF, fr. 2630, fol. 1 ; ou encore Paris, BnF, fr. 9082, fol. 25 (fig. 1).

73 Il sagit du manuscrit français (Paris, BnF, fr. 22495) qui sintitule « Li rommans de Godefroy de Buillon et de Salehadin et de tous lez autres roys qui ont esté outre mer jusques a saint Loys qui darrenierement y fu ».

74 Voir ms. Paris, BnF, fr. 22495, fol. 30, 36, 50v, 173, etc.

75 Voir Jacques de Vitry, Historia orientalis, éd. J. Donnadieu, Turnhout, Brepols, 2008, p. 104.

76 Voir Jacques de Vitry, Historia orientalis, p. 129 : « per quadringenta nonaginta annos iugum durrissimum infidelium, et crudelium perpessi sunt dominorum ».

77 Voir Historia regum Hierusalem latinorum, Revue de lOrient latin, 5, 1897, p. 242 : « 14 die septembris per imperatorem Heraclium Jerusalem fuit restituta [] ».

78 Il est curieux que le texte se réfere à lannée 636, cest-à-dire à la date de la bataille de Yarmouk.

79 Voir Histoira regum Hierusalem latinorum, p. 229 : « [] usque ad tempora Godefridi de Bolon, videlicet usque ad annum Domini millesimum lxxxxix, hoc est per quadraginta lx et iii annos fuit a Christi fidelibus violenter alienata et domino Saracenoru, totaliter subjugata ».

80 Voir Histoira regum Hierusalem latinorum, p. 229-230 et 240-241.

81 Notons que, sur les murs de la chapelle du Golgotha de léglise du Saint-Sépulcre, Héraclius avec la croix est représenté à côté de sainte Hélène, cest-à-dire à la place ordinairement destinée à saint Constantin ; voir G. Kühnel, « Heracles and the Crusaders : Tracing the Path of a Royal Motif », France and the Holy Land. Frankish Culture at the End of the Crusades, éd. D. Weiss et L. Mahoney, Baltimore, John Hopkins UP, 2004, p. 64-75.

82 Ce nest pas un hasard si les deux chroniques qui ont utilisé le texte de Frédégaire, le Pantheon de Godefroi de Viterbe et lHistoire des deux cités dOtton de Freising, ont été écrites dans le genre de lhistoria salutaris.

83 Voir, par exemple, le récit de la défaite des croisés dans la bataille contre lémir de Mossoul, Maudoud, en juin 1113 (Foucher de Chartres, Historia Herosolymitana, p. 569). En ce sens, lempereur Héraclius est un exemple de croisé typique.

84 Voir, par exemple, les raisonnements de Guibert de Nogent à ce sujet dans Dei Gesta per Francos, p. 320.