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Classiques Garnier

L’écriture des croisades dans l’historiographie arabe médiévale

  • Type de publication : Article de revue
  • Revue : Cahiers de recherches médiévales et humanistes / Journal of Medieval and Humanistic Studies
    2019 – 1, n° 37
    . varia
  • Auteur : Eddé (Anne-Marie)
  • Résumé : Les historiens arabes médiévaux, musulmans ou chrétiens, n’ont pas considéré les croisades comme un phénomène particulier. Cela ne les pas empêchés de s’interroger sur ce qui poussa les Occidentaux à s’installer en Orient, de comprendre les causes religieuses et politiques de leur expansion et d’appeler en conséquence à les combattre, tout en donnant une vision de leurs ennemis qui n’était pas toujours dénuée d’estime.
  • Pages : 27 à 51
  • Revue : Cahiers de recherches médiévales et humanistes - Journal of Medieval and Humanistic Studies
  • Thème CLIL : 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
  • EAN : 9782406097013
  • ISBN : 978-2-406-09701-3
  • ISSN : 2273-0893
  • DOI : 10.15122/isbn.978-2-406-09701-3.p.0027
  • Éditeur : Classiques Garnier
  • Mise en ligne : 17/12/2019
  • Périodicité : Semestrielle
  • Langue : Français
  • Mots-clés : histoire, croisades, historiens arabes
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LÉCRITURE DES CROISADES
DANS LHISTORIOGRAPHIE
ARABE MÉDIÉVALE

Lun des premiers témoignages arabes sur la croisade à nous être parvenu est celui du juriste chafiite al-Sulamī (mort en 1106), qui rédigea, en 1105, un traité de jihad dont il donna lecture publique dans une mosquée de la banlieue de Damas. Il voulut, ce faisant, alerter ses contemporains sur les dangers que faisait courir à lIslam cette nouvelle invasion, et les inciter au combat :

Une partie [des infidèles] assaillit à limproviste lîle de la Sicile mettant à profit les différends et les rivalités [qui y régnaient] ; de cette manière [les infidèles] semparèrent aussi dune ville après lautre en Espagne. Lorsque des informations se confirmant lune lautre leur parvinrent sur la situation perturbée de ce pays [Syrie] dont les souverains se détestaient et se combattaient, ils résolurent de lenvahir. Et Jérusalem était le comble de leurs vœux [].

Vos doutes sétant dissipés, vous devez maintenant être sûrs quant à votre obligation personnelle de guerroyer pour la foi []. On est saisi dun étonnement profond à la vue de ces souverains qui continuent à mener une vie aisée et tranquille lorsque survient une telle catastrophe, à savoir la conquête du pays par les infidèles, lexpatriation forcée [des uns] et la vie dhumiliation [des autres] sous le joug des infidèles, avec tout ce que cela comporte : carnage, captivité et supplices qui continuent jours et nuits1.

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Quelques poètes se firent aussi lécho des malheurs subis par le Bilād al-Shām2, tel lIrakien al-Abīwardī (mort en 1113), qui apostropha ses contemporains en ces termes :

Osez-vous somnoler à lombre dune heureuse sécurité, dans une vie molle comme la fleur du jardin ?

Mais comment lœil peut-il dormir entre les paupières quand les malheurs sont tels quils réveillent tous les dormeurs ?

Alors que vos frères en Syrie sont réduits à prendre leur repos sur le dos des destriers ou dans le ventre des vautours3.

En dehors de ces rares témoignages, il fallut toutefois attendre plusieurs décennies pour voir les croisades occuper une place significative dans les œuvres des auteurs arabes. LIrak et dans une moindre mesure lÉgypte, du fait de leur situation géographique et de leurs divisions politiques, ne se sentirent pas immédiatement concernés par larrivée des croisés. Cest donc en Syrie, une région directement exposée aux attaques des Occidentaux, que les plus anciens récits sur les croisades virent le jour, mais la majeure partie en est aujourdhui perdue. Claude Cahen avait évoqué jadis, pour expliquer ce constat, le morcellement politique de la Syrie, à la fin du xie et au début du xiie siècle, qui aurait non seulement freiné la production dune historiographie denvergure, mais entraîné également la perte des quelques œuvres produites4. Un tournant semble 29sêtre opéré vers le milieu du xiie siècle, avec lessor en Syrie dune littérature historique régionale qui accompagna le développement de lidéologie du jihad et de la réaction musulmane contre les Francs. Tandis que dans le sillage de la reprise dÉdesse en 1144 par lémir turc Zengi (1127-1146) se développait, sous le règne de son fils Nūr al-Dīn (1146-1174), toute une propagande en faveur de la reconquête de Jérusalem, des histoires consacrées à la Syrie virent le jour, comme sil apparaissait nécessaire de rappeler la centralité de cette région dans le mouvement de reconquête qui samorçait.

Une autre caractéristique de lhistoriographie arabe des croisades, à cette époque, est labsence de véritables histoires des croisades. À lexception de la chronique de amdān al-Athāribī (mort en 1147 ou 1148), dont seuls quelques extraits nous sont parvenus au travers douvrages plus tardifs5, les auteurs médiévaux, historiens, voyageurs ou géographes, dans leur ensemble, abordent toujours les croisades au fil de leur récit, sans jamais les considérer comme un phénomène particulier dont il conviendrait dexpliquer lorigine, le déroulement et les conséquences. Les combats contre les croisés sont décrits comme un épisode parmi dautres dans la longue succession de conflits qui opposèrent les musulmans aux chrétiens byzantins dans la région. Le terme croisade, qui napparut dans le monde latin quà partir du xiiie siècle, était totalement inconnu des auteurs arabes médiévaux, qui se contentaient de désigner tous les croisés, quelle que fût leur origine géographique, par le terme dIfranj (« les Francs »). Lexpression arabe al-urūb al-alībiyya, traduction du terme croisades, ne fut utilisée par les Arabes quà partir du xixe siècle. Cest donc au travers de genres littéraires variés, chroniques, mais aussi biographies, correspondances, récits de voyages et traités divers, quil faut essayer de lire lécriture arabe des croisades.

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UN CORPUS DE TEXTES VARIÉS

La plupart des sources arabes dont nous disposons sont des textes narratifs, les documents darchives parvenus jusquà nous étant beaucoup plus rares6. On retiendra dabord les historiens syriens al-Aīmī (mort en 1161) et surtout Ibn al-Qalānisī (mort en 1160), qui composèrent lun une chronique centrée sur la Syrie du Nord et lautre une chronique axée sur la région de Damas7. Ibn al-Qalānisī, dont le portrait de Nūr al-Dīn (1146-1174) menant sans relâche le jihad contre les Francs fut abondamment repris par les historiens postérieurs8, contribua beaucoup à répandre limage de pieux combattant de ce souverain. Dès le milieu du xiie siècle, des recueils de hadiths incitant au jihad furent également composés par des proches du souverain, tel celui du traditionniste damascain Ibn Asākir (mort en 1176)9, que Nūr al-Dīn nomma à la 31tête du Dār al-ādīth (école des traditions du Prophète) quil fonda à Damas10. Sans fournir dinformations particulières sur les croisades et les États latins, les ouvrages de ce genre, destinés à réveiller lardeur des combattants, nen laissent pas moins percevoir les arguments mis en avant pour inciter à la guerre contre les Francs.

Sous le règne de Saladin (1174-1193), fondateur de la dynastie des Ayyoubides, lécriture des croisades prit une nouvelle tournure avec, dune part, les biographies que lui consacrèrent deux de ses proches et, dautre part, les traités militaires et de jihad composés à son intention. Bahā al-Dīn Ibn Shaddād (mort en 1234), juriste irakien de renom, installé en Syrie à la demande de Saladin, lui dédia non seulement un traité de jihad comparable à celui dIbn Asākir11, mais aussi une biographie faisant son éloge et retraçant son parcours. Malgré son intention ouvertement panégyrique, le témoignage personnel quil nous livre sur les relations entre Saladin et les Francs ainsi que sur le déroulement de la Troisième Croisade est extrêmement précieux12. Également essentiel pour cette période est le récit de son contemporain dorigine iranienne, Imād al-Dīn al-Ifahānī (mort en 1201), secrétaire de chancellerie et auteur dun grand nombre de lettres et de diplômes émis par Saladin. Ses deux ouvrages historiques majeurs, Le Livre de la conquête de Jérusalem, quil commença à rédiger du vivant même de son maître, et LÉclair syrien, foisonnent de détails sur les relations entre Francs et musulmans au xiie siècle, même si, là aussi, il convient de faire la part entre le discours panégyrique et la réalité13. Dun genre tout à fait différent, car sans intention de décrire la croisade, labondante correspondance du plus 32fidèle collaborateur de Saladin, le cadi al-Fāil (mort en 1200), contient de même de nombreuses informations sur les combats de Saladin contre les Francs14.

Bien connu des historiens en Occident, car édité et traduit en français dès la fin du xixe siècle, louvrage autobiographique dUsāma Ibn Munqidh (mort en 1188) décrit de manière plus anecdotique et pittoresque les relations quotidiennes entre Francs et musulmans15. Au travers du récit de sa longue vie passée, en Syrie et en Égypte, dabord à se former en grammaire, en littérature et en poésie, puis à chasser et surtout à guerroyer, transparaît le regard franc et direct dun émir musulman cultivé, qui nest pas sans refléter une certaine vision populaire des Francs. Cest de cette même époque, en 1184, que date le récit du voyageur andalou Ibn Jubayr (mort en 1217) qui relate divers aspects des rapports entre États latins et musulmans en Palestine et sur le littoral syrien16.

Les sources musulmanes que nous possédons pour cette période sont en quasi-totalité lœuvre dauteurs sunnites, ce qui na rien de surprenant, le xiie siècle ayant été une période de renouveau sunnite dans lensemble de la Syrie et – à partir de 1171, date de la chute des Fatimides ismaïliens – en Égypte. Ibn Abī ayyi (mort en 1230), historien et poète chiite dAlep, est une exception. Son œuvre historique, aujourdhui disparue mais conservée partiellement dans les ouvrages 33dauteurs postérieurs17, concerne surtout la fin de la dynastie fatimide au Caire et le début des Ayyoubides. En outre, elle apporte aussi un éclairage original sur la présence franque dans la région, au début du xiie siècle, grâce aux sources orales et familiales dont disposait lauteur.

Dans la première moitié du xiiie siècle, les auteurs intéressés par lhistoire de la Syrie se firent plus nombreux. La chronique universelle dIbn al-Athīr (mort en 1233), historien originaire de Haute-Mésopotamie ayant entretenu des liens étroits avec la Syrie, est lune des sources arabes principales sur les croisades jusquen 123118. Son récit synthétique a lavantage de présenter le monde musulman dans son ensemble et daborder les croisades comme une partie dune expansion plus générale des Occidentaux en Méditerranée, cest-à-dire dans la péninsule Ibérique, en Afrique du Nord, en Sicile et au Proche-Orient. Il ne fut pas le seul de son époque à produire un discours original sur les croisades. Si lon peut trouver dans lœuvre historique du célèbre prédicateur irakien Ibn al-Jawzī (mort en 1201)19 quelques échos de ces événements à la cour du calife de Bagdad, cest surtout son petit-fils Sib Ibn al-Jawzī (mort en 1256) qui, ayant passé la majeure partie de sa vie à Damas dans lentourage des princes ayyoubides, apporte un témoignage très personnel20. De son 34côté, Kamāl al-Dīn Ibn al-Adīm (mort en 1262), membre dune famille influente de juristes alépins, rédigea un grand dictionnaire biographique des personnalités ayant marqué lhistoire politique ou intellectuelle de la Syrie du Nord ainsi quune histoire dAlep, connue en Occident dès le début du xixe siècle. Son récit est important non seulement pour les événements du xiiie siècle, dont il fut le témoin direct, mais aussi pour les relations entre la Syrie du Nord, la Haute-Mésopotamie, la Cilicie et la principauté dAntioche, au xiie siècle, en raison des nombreuses sources écrites et orales quil utilisa pour cette période21. Abū Shāma (mort en 1268), également historien et juriste, né à Damas, fut lauteur dune Histoire des règnes de Nūr al-Dīn (1146-1174) et de Saladin (1174-1193), et dune Continuation (Dhayl) quil prolongea jusquen 1263, deux ouvrages assez bien exploités par les historiens occidentaux des croisades, car partiellement traduits en français dès la fin du xixe siècle22.

Ibn Wāil (mort en 1298), originaire de Hama, en Syrie centrale, et proche des milieux dirigeants ayyoubides puis mamelouks, rédigea une histoire des Ayyoubides dans laquelle il fait une place à la fois à leurs prédécesseurs zenguides (1128-1174) et à leurs successeurs mamelouks de 1250 à 126323. Son témoignage est particulièrement intéressant sur la croisade de Louis ix (1249-1250), car il se trouvait alors au Caire, dans 35lentourage de lémir usām al-Dīn Ibn Abī Alī, vice-roi dÉgypte à la fin du règne dal-āli Ayyūb (1240-1249). Sétant mis ensuite au service des sultans mamelouks, Ibn Wāil fut envoyé en 1261 en ambassade à Manfred, fils de lempereur Frédéric ii, à qui il dédia un traité sur la logique. La relative connaissance quil acquit, à cette occasion, de lItalie méridionale, explique le regard particulièrement favorable quil porte sur la dynastie des Hohenstaufen. Ibn Abī l-Damm (mort en 1242 ou 1243) et Naẓīf al-amawī (date de mort inconnue), deux auteurs ayant vécu, eux aussi, à Hama dans la première moitié du xiiie siècle, rédigèrent des chroniques universelles, dont seuls des abrégés nous sont parvenus, mais dans lesquels il est possible de glaner quelques informations intéressantes24.

Par la suite, la croisade de Louis ix en Tunisie, en 1270, et surtout les combats des sultans mamelouks contre les Francs, qui aboutirent à la chute définitive des États latins en 1291, sont rapportés avec force détails par de très nombreuses sources égyptiennes et syriennes, chroniques et biographies de sultans, plus ou moins contemporaines des événements. On retiendra en particulier les noms de Izz al-Dīn Ibn Shaddād (mort en 1285), Ibn Abd al-āhir (mort en 1292) et son neveu Shāfi Ibn Alī (mort en 1330), Abū l-Fidā (mort en 1331), Baybars al-Manūrī (mort en 1325), al-Yūnīnī (mort en 1326), al-Nuwayrī (mort en 1333), Ibn al-Dawādārī (mort après 1335), al-Jazarī (mort en 1338). Les compilations plus tardives des xive et xve siècles peuvent également être utiles lorsquelles citent des extraits de sources antérieures perdues. Cest le cas, par exemple, de celles dIbn al-Furāt (mort en 1405) et du grand historien égyptien al-Maqrīzī (mort en 1442), qui nous intéressent notamment pour les extraits quelles conservent de lœuvre perdue de lhistorien chiite Ibn Abī ayyi (mort en 1230)25. Outre ces chroniques 36et biographies de sultans, dimportants dictionnaires biographiques regroupant des notices sur des personnages illustres – genre littéraire très en vogue au Proche-Orient dès le ixe siècle – fournissent parfois des informations sur les relations entre Francs et musulmans, mais elles sont trop éparpillées pour être évoquées ici26.

COMPRENDRE LES CROISADES

Tous ces auteurs, qui vécurent entre le début du xiie et la fin du xiiie siècle, en Égypte et en Syrie, ne portèrent pas le même intérêt aux divers aspects des croisades27, mais la plupart sinterrogèrent sur lorigine de loffensive occidentale. Certains, constatant que les premiers croisés étaient arrivés par le territoire byzantin, avec le soutien en hommes et en argent de lempereur, voulurent y voir un prolongement des affrontements entre Byzantins et musulmans en Haute-Mésopotamie et en Syrie du Nord. Jusquau milieu du xie siècle, en effet, les escarmouches dans cette région entre Fatimides et Byzantins – ces derniers ayant 37repris Antioche aux musulmans en 969 – nétaient pas rares. Lavancée des Turcs seldjoukides en Iran puis en Irak, au milieu du xie siècle, la déroute quils infligèrent aux Byzantins à Mantzikert en 1071, leur expansion vers lAnatolie et leur conquête dAntioche en 1084 pouvaient laisser penser aux musulmans que lempereur byzantin, aidé des Francs, cherchait à prendre sa revanche. Regagner les territoires conquis par les Seldjoukides était dailleurs lobjectif affiché dAlexis Comnène (1081-1118) lorsquil fit prêter serment, à Constantinople, aux chefs de la Première Croisade. Cest la raison pour laquelle certains poètes, tel le Bagdadien al-Abīwardī, cité plus haut, emploient le terme de Rūm (« Romains » ou « Byzantins ») pour désigner les Francs28. Les musulmans nen perçurent pas moins assez tôt les premières dissensions entre croisés et Byzantins, puisqual-Azīmī relève dans sa narration des événements de lannée 489/1096 que « le roi des Rûm Alexis écrivit aux musulmans pour les informer de larrivée des Francs29 ». Ibn al-Athīr fait lui aussi état dans son récit de la Première Croisade de cette animosité entre lempereur et les Francs, le premier, daprès lui, incitant les seconds à attaquer les Turcs, espérant que ces derniers les élimineraient jusquau dernier30.

Voir dans les croisades un prolongement des guerres byzantines nétait donc pas suffisant. En Syrie, les auteurs arabes comprirent assez vite que la croisade sinscrivait dans un contexte occidental plus large. Le premier à lévoquer, nous lavons dit, fut le Damascain al-Sulamī (mort en 1106), qui, même sil ne perçut pas les motivations religieuses des croisés, replaça clairement la Première Croisade dans le contexte de lexpansion occidentale en Méditerranée et comprit que son objectif ultime était Jérusalem, vision quIbn al-Athīr reprit et développa un siècle plus tard. Lun comme lautre montrèrent ainsi que lensemble du monde musulman – et pas seulement la Syrie – était concerné par loffensive chrétienne. Cest lIslam dans son universalité qui, selon eux, paraissait menacé. Quelques décennies plus tard, cette soif de conquêtes, hors des frontières de la Terre Sainte, est encore soulignée dans certains récits de la Deuxième Croisade : « Ils nétaient pas daccord sur la ville musulmane 38quils iraient assiéger en territoire syrien et finirent par convenir entre eux de sattaquer à la ville de Damas », écrit Ibn al-Qalānisī31.

Au cours de la Troisième Croisade, lobjectif des croisés, qui était la reprise de Jérusalem et la récupération de certaines reliques telles que celle de la Vraie Croix perdue lors de la bataille de aṭṭīn (4 juillet 1187), ne faisait plus de doute pour les auteurs arabes. Ainsi, Ibn al-Athīr raconte, daprès le récit dun prisonnier franc, comment la mère de ce dernier avait vendu tous ses biens pour envoyer son fils unique « libérer Jérusalem32 ». Cette prise de conscience de limportance que les Occidentaux accordaient à la ville sainte amena les musulmans à développer, vers le milieu du xiie siècle, une propagande de plus en plus active autour du thème de sa reconquête, en encourageant notamment la rédaction des Faāil al-Quds, des ouvrages qui célébraient ses mérites et sa gloire33. De même, le lien qui existait entre laspiration des croisés à accomplir le pèlerinage et leur départ pour la croisade fut alors mieux compris. Il est rapporté, par exemple, que Saladin, au lendemain de la trêve conclue avec Richard Cœur de Lion en 1192, facilita laccès de Jérusalem aux croisés afin de leur permettre de réaliser leur vœu de pèlerinage, espérant sans doute quils seraient moins enclins, dans lavenir, à reprendre le chemin de la Terre Sainte.

Le rôle de la papauté dans lorganisation des croisades fut, lui aussi, progressivement mieux perçu par les musulmans. Ibn al-Athīr relate quen 1217, cest à linitiative du pape que la Cinquième Croisade se mit en branle :

Cette année-là [614/1217] les renforts des Francs arrivèrent par mer, depuis Rome et les autres pays francs dOccident et du Nord, mais tous organisés par le seigneur de Rome (le pape) qui occupe chez eux un rang très élevé, au point quils nosent ni lui désobéir ni sécarter de ses ordres, dans la bonne et la mauvaise fortune. Il fit donc partir de ses États les armées avec un groupe de chefs francs et il ordonna aux autres rois francs de venir en personne ou denvoyer une armée. Ils obéirent à cet ordre et se concentrèrent à Acre sur le littoral de Syrie34.

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Lauteur relève ainsi, très justement, le rôle prépondérant dInnocent III (1198-1216) dans la préparation de la Cinquième Croisade. Il ne fut pas le seul à donner cette image dun pape tout-puissant en Occident. Dans la notice sur Rome de son volumineux dictionnaire géographique, Yāqūt (mort en 1229), grand voyageur et bibliophile, dit pareillement que le pape (bābā) joue en Occident le rôle dun imâm et que quiconque lui désobéit est aussitôt condamné et banni35. Ibn Wāil, qui séjourna en Italie du Sud en 1261, écrit de son côté :

On dit que ce pape est pour eux le vicaire et le lieutenant du Messie, quil peut fixer le licite et lillicite, couper et séparer. Cest lui qui impose aux rois la couronne royale et qui établit sur le trône, et dans leur loi, rien ne saccomplit sinon par lui36.

La Cinquième Croisade, enfin, fut jugée par certains comme une menace non seulement pour lÉgypte et la Palestine, mais aussi pour lIslam et ses lieux saints. Sib Ibn al-Jawzī, contemporain des événements, nous rapporte les propos quil tint lui-même au prince ayyoubide al-Ashraf qui tardait à envoyer des secours en Égypte à son frère al-Kāmil (1218-1238) :

Les musulmans sont en difficulté. Si les Francs semparaient de lÉgypte, ils prendraient possession [des territoires] jusquau aramawt (au Yémen), parviendraient jusquà La Mecque, Médine et la Syrie, alors que toi tu te divertis. Lève-toi tout de suite et mets-toi en marche37 !

Quelques années plus tard, la croisade pacifique de Frédéric ii, qui aboutit en 1229 à la signature par lempereur et le sultan dÉgypte al-Kāmil du traité de Jaffa par lequel Jérusalem fut rendue aux Francs, à lexception notable de lesplanade des mosquées, laissa un souvenir contrasté dans la mémoire des musulmans. Si Sib Ibn al-Jawzī dénonça avec force cet accord, cest en grande partie parce qual-Nāir Dāūd de Damas, le prince ayyoubide au service duquel il se trouvait, était en conflit avec son oncle al-Kāmil. Sib Ibn al-Jawzī nen décrit pas moins la personnalité de lempereur sous un jour favorable, jugeant, comme ses 40contemporains, quil était finalement plus proche des musulmans que des chrétiens dOccident. Ibn Wāil, lui, met directement la croisade de Frédéric ii en relation avec le conflit qui opposait alors les deux frères ayyoubides, al-Kāmil du Caire et al-Muaẓẓam (1218-1227) de Damas. Ce dernier ayant fait appel aux mercenaires turcs khwarizmiens pour résister aux visées de son frère sur son territoire, al-Kāmil aurait envoyé à Frédéric ii, dès lannée 1226, une ambassade dirigée par lémir Fakh al-Dīn Ibn al-Shaykh38 pour lui proposer une alliance quIbn Wāil rapporte en ces termes :

Al-Kāmil envoya lémir Fakhr al-Dīn Yūuf, fils du chef des soufis adr al-Dīn, à lempereur Frédéric, maître dApulie (les Pouilles) et de Sicile, pour lui demander de venir à Acre. Il lui promit de lui remettre Jérusalem et dautres conquêtes dal-Nāir (Saladin). Il voulait ainsi préoccuper son frère al-Malik al-Muaẓẓam afin que celui-ci sente le besoin de sentendre avec lui et de lui obéir39.

Pour cet historien, al-Kāmil aurait ainsi lui-même provoqué la croisade de Frédéric ii en raison des divisions au sein même de sa famille. Notons que limage de lempereur donnée par les sources arabes fut généralement positive non seulement parce quil sentourait de musulmans et sintéressait à la langue et à la culture arabe, mais aussi parce quil était ladversaire le plus acharné du pape, considéré par les musulmans comme la source de tous leurs maux. Ibn Naīf, qui fut un temps fonctionnaire auprès du prince ayyoubide al-Manūr de Homs, conserva dans lHistoire abrégée quil dédia à son maître (Tarīkh al-Manūrī) quelques pièces darchives originales, parmi lesquelles deux lettres de Frédéric ii adressées, après son retour de Terre Sainte, à lémir Fakhr al-Dīn Ibn al-Shaykh. Dans ces lettres, lempereur faisait part des conflits qui lopposaient au pape et des menaces qui pesaient sur son territoire en Italie méridionale. Et lauteur de conclure après avoir retranscrit le contenu de ces lettres :

Nous avons enregistré ici ces lettres pour mettre en lumière les possessions de ce roi empereur et sa puissance. En effet, personne dans toute la chrétienté na détenu un pouvoir pareil au sien depuis les temps dAlexandre : tout 41spécialement en ce qui regarde sa puissance, son attitude opposée au pape, leur calife, et son audace pour marcher contre lui et le repousser40.

Bien différente fut limage que les auteurs musulmans retinrent de Louis IX et de sa croisade vers lÉgypte en 1249. « Comment a-t-il pu venir à lesprit de Votre Majesté, avec toute sa vertu, la sagesse et le bon sens que je découvre en elle, de sembarquer sur un navire et de venir en ce pays si rempli de musulmans et de troupes, avec la conviction quelle pourrait sen emparer41 ? », sexclama un émir kurde égyptien en sadressant au roi de France fait prisonnier à al-Manūra en février 1250. Son étonnement traduit bien lincompréhension des musulmans face à cette nouvelle croisade, à une époque où la puissance des mamelouks saffirmait en Égypte. Navaient-ils pas démontré, quelques années plus tôt, leur supériorité militaire en écrasant les Francs, en 1244, à La Forbie près de Gaza, victoire célébrée en grande pompe au Caire lors du retour des troupes et de leurs nombreux prisonniers ? Cest ce même étonnement quexprime un fonctionnaire mamelouk du début du xive siècle, Qaraāy al-Izzī, lorsquil décrit dans sa chronique une entrevue entre Frédéric II et Louis IX au cours de laquelle lempereur dit au roi de France :

« Où prétends-tu aller ? – Par Dieu absolument, en Égypte et à Jérusalem », déclara le Français. Et lempereur de lui répondre, entre autres paroles : « Cela ne te convient pas, ne va pas en Égypte, considère la chose en toi-même avec tes princes, ceux qui te sont attachés et ceux qui ne le sont pas. Jai marché contre elle en lannée tant et tant, sous le règne dal-Malik al-Kāmil, jai enlevé aux musulmans Jérusalem et tous les villages situés entre cette ville et Acre, et stipulé avec al-Kāmil que ces localités seraient la propriété des Francs et quaucun musulman ne resterait à Jérusalem. Si je me suis borné à cela cest que je métais rendu compte de limpossibilité de combattre les princes, les émirs et toutes les troupes qui se trouvaient dans le pays et de mon impuissance en face deux. Tu ne pourras prendre ni Damiette, ni Jérusalem, ni lÉgypte42. »

42

APPELER AU JIHAD

Les sources montrent que les musulmans prirent vite conscience que leurs divisions politiques et religieuses avaient grandement facilité la fondation des États latins à la fin du xie siècle. Les auteurs nont donc de cesse, dès lépoque dal-Sulamī, dappeler au rassemblement politique présenté comme la condition essentielle du succès du jihad. Cette unité commença à sopérer sous le règne des princes zenguides de Syrie (1128-1174) et se poursuivit à lépoque de Saladin (1174-1193). Celui-ci consacra, en effet, tous ses efforts, durant les dix premières années de son règne, à reconstruire lunion entre lÉgypte, la Syrie et la Haute-Mésopotamie, qui avait volé en éclat à la mort de Nūr al-Dīn. Dans une lettre rédigée par son fidèle cadi al-Fāīl et adressée à lun de ses émirs, Saladin écrivait :

Maintenant que toutes les contrées musulmanes sont placées sous notre juridiction ou celle de nos subordonnés, nous devons, en retour de cette faveur du ciel, diriger notre résolution, utiliser toute notre puissance contre les Francs maudits43.

Les souverains, à qui revenait ainsi la responsabilité de conduire le jihad, devaient se montrer respectueux de la loi divine et se consacrer entièrement à leur mission de protection de la communauté musulmane. La figure du prince héroïque qui nhésite pas à risquer sa vie et ses biens pour combattre les « infidèles », pendant que les autres souverains ne songent quà se divertir, fut valorisée par la plupart de nos auteurs. Dans les lettres adressées au calife de Bagdad, les secrétaires de Saladin ne se privaient pas de dénigrer ses opposants musulmans, qui délaissaient la Guerre sainte pour ne soccuper que dargent et de loisirs, tout en insistant, par contraste, sur sa « conversion » personnelle qui lavait conduit, dès sa prise de pouvoir en Égypte, à renoncer aux futilités de la vie pour se consacrer aux affaires de lÉtat44. Le souverain héroïque étant aussi celui qui ne craint pas la mort dans le combat contre les « infidèles », le statut de martyr lui assurant une nouvelle vie dans lau-delà, Saladin, selon lun de ses biographes, aurait crié sur son lit de mort :

43

Amenez-moi mon cheval afin que je prenne part au combat, que je sois tué pour Allah, et que je lutte jusquà ce que je tombe épuisé : je vois une duperie à mourir dans mon lit, alors que vous mavez connu vaillant et non couard45.

Quelques décennies plus tard, en 1230, le prince ayyoubide de Hama, al-Malik al-Muaffar II (1229-1244), de retour dune expédition victorieuse contre les Hospitaliers du Crac des Chevaliers, est, lui aussi, loué en ces termes par le poète : « Ce roi qui, lorsque les autres princes se plongent dans les plaisirs de la chasse, poursuit pour les vaincre les hommes blonds (Banū l-Afar, cest-à-dire les Francs) et cest là son gibier46. »

Au début de lépoque mamelouke, la propagande en faveur du jihad connut un nouvel essor, car mener le combat contre les « infidèles », quils fussent mongols ou francs, était un excellent moyen de légitimer un pouvoir dont sétaient emparés danciens esclaves affranchis. La valorisation du combat contre les Francs passa également par le dénigrement des pouvoirs précédents. Ibn Abd al-āhir, en affirmant que les conquêtes du sultan Baybars (1260-1277) « mirent fin à une période de carence et de torpeur de la part des souverains47 », dénonçait les alliances que certains princes ayyoubides avaient précédemment conclues avec les Francs. Deux souverains furent néanmoins épargnés par ces critiques : Saladin, qui avait fait du jihad contre les Francs le cœur de sa politique, et al-āli Ayyūb, lancien maître de ces Mamelouks qui revendiquaient son héritage. Au début des années 1260, ce furent les Mongols qui apparurent désormais comme les plus menaçants pour lIslam. La propagande du sultan mit alors laccent sur son jihad prioritairement dirigé contre eux avec de nouveaux arguments. Baybars fut présenté comme l« Alexandre du temps », un titre qui fut introduit dans sa titulature entre 1266 et 1269, car de même que dans le Coran, Alexandre (Dhū l-Qarnayn) repoussa les peuples sauvages de Gog et Magog (Coran, XVIII, 83-97), de même Baybars sauva lIslam en empêchant les Mongols de sétablir en Syrie et en Égypte48.

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En période daccalmie, lorsque le danger mongol semblait provisoirement écarté, les Mamelouks se retournaient contre les Francs. Largument principal de la propagande anti-franque des premiers sultans mamelouks fut alors dinsister sur la nécessité de parachever lœuvre entamée par Saladin, cest-à-dire dobtenir lextermination totale des Francs, en misant sur leur isolement et leur infériorité militaire49. Le secrétaire et biographe de Baybars, Ibn Abd al-āhir, rédigea lui-même, dans un style lyrique, la lettre annonçant à Bohémond la prise dAntioche en 1268, dans laquelle on peut lire :

Aucune défense ne test venue des cavernes creusées au sommet de tes hautes montagnes ni de tes ravins qui traversent la frontière et frappent limagination []. Si tu avais contemplé les croix brisées de tes églises, les feuillets des évangiles éparpillés, les tombeaux des patriarches violés ! Si tu avais découvert ton ennemi musulman piétiner lemplacement de la messe, égorger sur lautel moines, prêtres et diacres, porter le coup soudain aux patriarches et réduire en esclavage les princes royaux ! Si tu avais admiré les incendies dévorer tes châteaux, vos morts brûler dans les flammes de ce monde avant de séjourner à jamais en enfer, [] alors tu aurais dit : « Oh ! Que ne suis-je moi-même poussière ! Pourquoi fallut-il donc quune lettre mapportât pareille nouvelle50 ! »

Les historiens de lépoque mamelouke écrivant pour la plupart soit peu de temps avant la disparition des États latins, soit bien après, il nest guère étonnant de les voir exprimer ainsi un net sentiment de supériorité avec la conviction que lIslam sortirait de toute manière vainqueur de cet affrontement. Les sultans – Baybars en particulier – furent alors présentés comme les nouveaux champions dun jihad mené avec le soutien des élites religieuses. La chute dAcre, en 1291, sous le règne dal-Ashraf (1290-1294) fut même célébrée par les poètes comme le triomphe définitif de lIslam sur la chrétienté :

Dieu soit loué ! Le royaume de la croix a péri, et grâce aux Turcs la religion de lélu arabe [le Prophète] a triomphé [].

Après la destruction dAcre, linfidélité naura dautre salut, sur terre comme sur mer, que dans la fuite51.

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LA VISION DE LAUTRE

Rechercher dans les sources une vision globale et universelle des Francs naurait pas grand sens, les musulmans faisant très bien la différence entre des croisés fraîchement débarqués, ignorant tout du terrain et des populations locales, et des Francs nés en Orient (les « Poulains »), beaucoup plus habitués à discuter – parfois même en arabe – avec leurs voisins musulmans52. Il nen demeure pas moins que la plupart des auteurs arabes sattachent dabord à décrire les comportements des Francs sur le champ de bataille. Les sources sont quasiment unanimes à reconnaître la bravoure et le courage de leurs adversaires. Souligner ainsi leur ardeur au combat permettait, bien sûr, de valoriser les victoires remportées par les musulmans, mais reflétait aussi une réelle admiration pour leurs exploits guerriers. Les ordres militaires, en particulier, étaient tout à la fois honnis et respectés, car ils représentaient une force de frappe redoutable, comme en témoigne cette exclamation dIbn Wâsil à propos des émirs mamelouks, vainqueurs de Louis ix en 1250 : « Ils furent les Templiers de lIslam53 ! »

De manière générale, les auteurs musulmans appréciaient les Francs qui respectaient les mêmes valeurs que celles quils exigeaient des émirs musulmans : courage, respect de la parole donnée, hospitalité et protection des personnes sans défense. Cest la raison pour laquelle il nest pas rare de trouver sous leur plume léloge de tel ou tel chevalier franc ayant fait preuve de sens de lhonneur54. Cest aussi pour cela que Renaud de Châtillon, seigneur dOutre-Jourdain, connu pour avoir rompu plusieurs fois son serment, jouit dune image particulièrement négative auprès des musulmans. À lopposé, lempereur Frédéric ii est décrit par tous les auteurs arabes – même par ceux, tel Sib Ibn al-Jawzī, qui 46étaient hostiles au traité de Jaffa – comme un souverain ouvert, cultivé et proche des musulmans. Certaines rumeurs, relayées par Ibn al-Furāt, au xive siècle, faisaient même de lui un musulman converti en secret55.

Les relations entre Francs et musulmans pendant les deux siècles que durèrent les croisades furent loin dêtre exclusivement militaires. Non seulement des musulmans continuèrent de vivre dans les territoires latins, mais de longues périodes de trêve permirent aussi aux uns et aux autres de négocier, de commercer et de coexister pacifiquement. Usāma Ibn Munqidh nous a laissé de ces contacts des descriptions imagées quil faut pouvoir lire avec un certain recul, les anecdotes quil rapporte sur les mœurs franques étant davantage destinées à divertir son lecteur, dans la tradition du genre littéraire appelé adab, quà être un fidèle reflet de la réalité. Même si létonnement des musulmans face aux comportements des Francs fut dans certains cas réel, Usāma, en racontant de plaisantes anecdotes, forçait à dessein le trait pour donner à ses contemporains loccasion de se moquer de ces nouveaux occupants56.

LE POINT DE VUE DES AUTEURS ARABES CHRÉTIENS

Sil est aisé de situer le camp dans lequel se rangèrent les auteurs musulmans, il est plus difficile de discerner le sentiment profond des auteurs arabes chrétiens. De quelle manière les melkites, les syriaques ou les coptes de Syrie, de Mésopotamie et dÉgypte, ont-ils perçu les croisades, eux qui avaient été au centre de lappel du pape Urbain II, en 1095, lorsquil avait appelé les chevaliers occidentaux à aller porter secours à leurs « frères » des pays dOrient persécutés par un peuple turc « venu de Perse57 » ?

Notre objectif nest pas de présenter ici lensemble de lhistoriographie chrétienne orientale, mais de nous intéresser uniquement aux ouvrages rédigés en langue arabe par des chrétiens vivant au Proche-Orient, 47sous domination musulmane. Nous ne parlerons donc ni des auteurs arméniens qui rédigèrent des chroniques dans leur propre langue, hors du territoire de lIslam, et se montrèrent souvent favorables aux croisés58, ni des auteurs syriaques tels que le patriarche jacobite Michel le Syrien (mort en 1199), qui composa en syriaque, dans le monastère de Barsauma, siège du patriarcat jacobite au xiie siècle, une importante histoire universelle allant jusquen 119559. Au siècle suivant, un autre prélat jacobite syriaque, Bar Hebraeus (mort en 1286), qui partagea sa vie entre la Haute-Mésopotamie, la Syrie du Nord et la cour mongole, occupe dans cette historiographie une place intermédiaire, car il rédigea ses ouvrages à la fois en syriaque et en arabe. Sa chronique universelle, rédigée en syriaque, accorde une place importante aux croisades et aux États latins, avec des informations puisées chez Michel le Syrien et dans quelques chroniques arabes et persanes, dont certaines sont aujourdhui perdues60. Sa chronique arabe ne comporte, en revanche, pour les croi48sades et les États latins, quun intérêt limité, car il ne fit que recopier parfois mot à mot des sources arabes61. Quant aux melkites de Syrie et dÉgypte, qui sétaient pourtant illustrés aux xe et xie siècles dans la littérature historique, ils ne semblent pas avoir produit douvrage historique majeur aux xiie et xiiie siècles. Du moins, aucun nest parvenu jusquà nous.

Trois autres Histoires chrétiennes, rédigées en arabe, méritent, en revanche, notre attention62. Elles furent lœuvre de coptes vivant en Égypte ou en Syrie, sous domination musulmane, et ne reflètent donc que partiellement la perception de cette communauté en raison de la nécessaire prudence que devaient observer leurs auteurs. Il est possible néanmoins, au travers du choix des événements relatés, des sources ou des expressions retenues, den dégager quelques grands traits. Comme leurs contemporains musulmans, les historiens coptes ne traitent jamais des croisades comme dun phénomène particulier. Ils en parlent au fil de leur récit et désignent toujours les Francs sous le terme générique de Franj. Non seulement aucune solidarité avec les croisés nest exprimée – étant donné leur liberté limitée dexpression – mais, plus surprenant, une certaine solidarité syro-égyptienne face aux envahisseurs étrangers semble se manifester, malgré les représailles dont ils furent parfois victimes après des attaques franques. La plus importante de ces sources est lHistoire des patriarches dAlexandrie. Cet ouvrage est composé dune suite de biographies des prélats coptes ayant occupé le siège patriarcal dAlexandrie, des origines au xiiie siècle, au travers desquelles divers événements ayant trait à lhistoire religieuse, politique et sociale de lÉgypte sont rapportés. Commencée à la fin du xie siècle par un diacre alexandrin appelé Mawhūb Ibn Manūr Ibn 49Mufarrij et poursuivie par divers continuateurs jusquau xiiie siècle63, elle donne surtout le point de vue des Égyptiens chrétiens sur les attaques dirigées contre lÉgypte, que ce soit sous le règne du roi de Jérusalem Amaury (1163-1174), dans les années 1164-1169, au cours de la Cinquième Croisade, ou encore lors de la croisade de Louis IX en 1249-1250. Mais on y trouve aussi un passage intéressant sur la prise de Jérusalem par les croisés en 1099, dans lequel lauteur se plaint de lattitude des Latins à légard des coptes :

Les Francs semparèrent ensuite de Jérusalem la Noble, et de ses environs, au mois de ramaān de lannée lunaire 492/1098-9. Désormais, il ne fut plus possible, à nous communauté des chrétiens jacobites coptes, daller en pèlerinage à Jérusalem, ni même de nous en approcher. En effet, ils nous détestent, en raison de ce quils croient à notre sujet, nous considérant comme des impies64.

Tout aussi intéressante est la biographie de Saladin insérée dans lHistoire des patriarches, qui donne une image positive de celui qui reprit Jérusalem aux Francs en 1187 et dont il est dit que, sétant comporté de manière magnanime envers ses ennemis, il bénéficia de lappui de Dieu :

alā al-Dīn sest conduit conformément à ces deux lois religieuses [la Torah et lÉvangile], sans en avoir eu connaissance et sans les avoir lues, mais par simple inspiration de Dieu. Et cest pour cela quil est mort dans son lit et que sa fin fut louable pour lui-même et pour la postérité65.

Cest une façon comme une autre pour lauteur de se réapproprier la figure dun souverain dont on fit un héros en Orient et qui donna naissance à une véritable légende en Occident66.

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Lhistoire universelle dal-Makīn Ibn al-Amīd (mort en 1273), fonctionnaire copte au Bureau (dīwān) de larmée au Caire puis à Damas, na pas lampleur de lHistoire des patriarches, mais apporte malgré tout quelques informations originales sur les croisades67. Pour les événements qui se déroulèrent de la fin du xie à la fin du xiie siècle, Ibn al-Amīd se contente de reprendre plus ou moins fidèlement des passages de la chronique dIbn Wāil68. Le fait même quil lait recopiée, sans y apporter de modifications significatives, signifie quil partageait probablement la perception des croisades de son contemporain musulman, celle dune guerre de conquête dans laquelle les enjeux militaires et politiques primaient sur les aspects proprement religieux. Son écriture des croisades est beaucoup plus originale pour le xiiie siècle. Sur un ton qui reste généralement neutre, lauteur développe son récit en y introduisant parfois, sans que rien ne ly oblige, des formules très proches de celles des musulmans. Ainsi, la victoire des Ayyoubides sur les croisés en 1219 est qualifiée de « don de Dieu » et lémir Fakhr al-Dīn Ibn al-Shaykh, lors de sa mort en 1250, est appelé « ghāzī (combattant de lislam) et combattant du jihad dans la voie de Dieu69 ».

LHistoire dal-Makīn Ibn al-Amīd fut prolongée jusquen 1341 (avec quelques ajouts jusquen 1348), par un autre historien copte – sans doute son neveu – appelé al-Mufaḍḍal Ibn Abī l-Faāil. Toutefois, cette chronique, qui repose en grande partie sur les ouvrages de ses contemporains musulmans, dont il reprend mot à mot les expressions (formules islamiques, versets du Coran, évocation des « martyrs » musulmans morts au combat), napporte rien de nouveau sur les relations entre Francs et musulmans de 1260 à la chute dAcre en 129170.

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CONCLUSION

Toutes ces sources littéraires rédigées par des hommes issus pour la plupart dune élite religieuse ou administrative proche du pouvoir, auteurs qui furent aussi souvent des acteurs politiques, nous livrent une vision des croisades qui ne reflète sans doute pas la façon dont le peuple des villes comme des campagnes vivait cette situation au quotidien. Elles nous informent néanmoins sur un grand nombre dévénements politiques et militaires, sur les batailles et les conflits, mais aussi sur les négociations et les périodes de coexistence pacifique entre Latins et musulmans durant les deux siècles que durèrent les croisades. Elles témoignent dune prise de conscience progressive par les musulmans des motivations et des intentions des Occidentaux. Une connaissance de lAutre qui leur permit daffiner les arguments de leur propagande plus quelle ne favorisa de véritables échanges culturels et encore moins une quelconque mixité sociale.

Anne-Marie Eddé

Université Paris I – Panthéon-Sorbonne

1 Extraits éd. et trad. par E. Sivan, « La genèse de la contre-croisade : un traité damascain du début du xiie siècle », Journal asiatique, 254, 1966, p. 197-224, rééd. dans Les Relations des pays dIslam avec le monde latin du milieu du xe au milieu du xiiie siècle, éd. F. Micheau, Éditions Jacques Marseille, Paris, 2000, p. 26-51, ici p. 42, 44-45. La vision des croisades par les musulmans a fait lobjet, ces vingt dernières années, dun nombre important de travaux. Voir en particulier C. Hillenbrand, The Crusades. Islamic Perspectives, Edimbourg, Edimbourg University Press, 1999 ; P. Cobb, The Race for paradise, an Islamic history of the crusades, Oxford – New York, Oxford University Press, 2014 ; N. Christie, Muslims and Crusaders : christianitys wars in the Middle East, 1095-1382, from the Islamic sources, Londres – New York, Routledge, 2014 ; A. Mallett, Popular Muslim Reactions to the Franks in the Levant, Farnham, Ashgate, 2014.

2 Au Moyen Âge, lexpression Bilād al-Shām désigne une entité géographique qui recouvre la Syrie, la Palestine, le Liban, la Jordanie et Israël actuels. Cest dans ce sens-là que le terme de Syrie sera ici employé.

3 Poème cité par plusieurs auteurs postérieurs, dont Ibn al-Athīr, Al-Kāmil fī l-tarīkh, 13 vol., Beyrouth, 1965-1967, vol. 10, ici p. 285, trad. partielle F. Gabrieli, Chroniques arabes des croisades, Paris, Sindbad, 1977, p. 34-35. Sur ces premières réactions à la croisade, voir E. Sivan, LIslam et la croisade, Paris, Maisonneuve, 1968, p. 28-34 ; Hillenbrand, The Crusades, p. 69-74.

4 Parmi les ouvrages historiques rédigés par des auteurs syriens dans la première moitié du xiie siècle, mais aujourdhui perdus, on peut citer la chronique dIbn Zurayq Yayā al-Tanūkhī (né en 1051), qui évoquait linstallation des Francs en Syrie-Palestine (daprès Ibn Asākir, Tarīkh madīnat Dimashq, éd. Umar al-Umrawī, 80 vol., Beyrouth, 1995-2000, vol. 64, p. 346) ; un ouvrage sur les princes dAlep de Alī Ibn Abī Jarāda (mort vers 548/1153-1154) et un dictionnaire biographique des notables dAlep de Muhammad Ibn Abī Jarāda (mort vers 566/1170-1171), ainsi quun ouvrage sur les gouverneurs dAlep de Hibat Allāh b. Saad Allāh Ibn al-Jibrānī (mort après 561/1165-1166). Sur ces sources que nous ne connaissons que par des citations dauteurs postérieurs, voir C. Cahen, La Syrie du Nord à lépoque des croisades et la principauté franque dAntioche, Paris, Geuthner, 1940, p. 40-44 et « Lhistoriographie arabe des origines au viie s. H », Arabica, 33, 1986, p. 133-198, ici, p. 174-175 ; A.-M. Eddé, « Sources arabes des xiie et xiiie siècles daprès le dictionnaire biographique dIbn al-Adīm (Buġyat al-alab fī tarīḫ Ḥalab) », Itinéraires dOrient et dOccident. Hommages à Claude Cahen, Res Orientales, 6, 1994, p. 293-308, ici, p. 294-295 (aux sources citées ajouter Ibn al-Jibrānī, daprès Ibn al-Adīm, Bughyat al-alab fī tarīkh alab, éd. S. Zakkār, 11 vol., Damas, 1988, vol. 2, p. 741).

5 Originaire dal-Athārib, une localité en Syrie du Nord, amdān rédigea une Histoire dAlep et de la conquête franque, qui commençait en 490/1096-1097 et se terminait après 520/1126. Cet homme de lettres, aux connaissances diverses, fut tantôt au service des Francs, tantôt au service des musulmans en Syrie du Nord. Voir Cahen, Syrie du Nord, p. 41-42 ; Eddé, « Sources arabes », p. 294.

6 Quelques documents arabes ayant trait aux relations entre musulmans et Francs nous sont parvenus pour les xiie et xiiie siècles, rédigés en arabe ou traduits dans une autre langue, dans leur forme originale ou recopiés dans des encyclopédies ou des chroniques. Il sagit essentiellement de documents de chancellerie (traités de paix ou de commerce, correspondance officielle). De même, des sources numismatiques, épigraphiques et archéologiques peuvent être mobilisées pour létude de ces relations, mais, tout comme les sources documentaires, elles ne relèvent pas à proprement parler de lécriture des croisades et ne seront donc pas abordées ici.

7 Seule une version abrégée de lhistoire dal-Aīmī nous est parvenue. Voir C. Cahen, « La chronique abrégée dal-ʿAīmī », Journal Asiatique, 230, 1938, p. 353-448 ; Taʾrīkh alab, éd. I. Zaʿrūr, Damas, 1984, trad. partielle F. Monot, « La chronique abrégée dal-ʿAîmî, années 518-538/1124-1144 », Revue des études islamiques, 59, 1991, p. 101-164. Ibn al-Qalānisī, Dhayl tarīkh Dimashq, éd. Amedroz, Leyde, 1908, trad. partielle R. Le Tourneau, Damas de 1075 à 1154, Damas, 1952 et H. A. R. Gibb, The Damascus Chronicle of the Crusades, Londres, 1932. Vers la même époque, Ibn al-Azraq al-Fāriqī, (mort après 1177) rédigea une histoire de Mayyāfāriqīn et dĀmid (actuel Diyarbakır), deux localités de la partie septentrionale de Haute-Mésopotamie qui furent concernées par la fondation du comté dÉdesse. Cet ouvrage ne contient toutefois que très peu dallusions à la présence franque dans la région. Voir C. Hillenbrand, A Muslim Principality in Crusader Times. The Early Artuqid State, Istanbul, Leiden, 1990 (éd. et trad. partielles de la chronique dIbn al-Azraq).

8 Tels quIbn al-Athīr (mort en 1233), Sib Ibn al-Jawzī (mort en 1256), Abū Shāma (mort en 1267) et al-Dhahabī (mort en 1348). Voir N. Christie, « Ibn al-Qalānisī », Medieval Muslim Historians and the Franks in the Levant, éd. A. Mallett, Leyde, Brill, 2014, p. 7-28, ici p. 16.

9 Auteur, par ailleurs, dun volumineux dictionnaire biographique des personnalités ayant marqué lhistoire de la ville de Damas. Voir Ibn Asākir, Tarīkh madīnat Dimashq, éd. U. al-Umrawī, 80 vol., Beyrouth, 1995-2000.

10 Voir S. A. Mourad et J. E. Lindsay, The Intensification and Reorientation of Sunni Jihad. Ideology in the Crusader Period. Ibn Asākir of Damascus (1105-1176) and His Age, with an Edition and Translation of Ibn Asākirs The Forty Hadiths for Inciting Jihad, Leyde, Brill, 2013.

11 Il nest pas parvenu jusquà nous, mais on peut sen faire une idée au travers de son ouvrage intitulé Dalāil al-akām min aādīth al-Rasūl alayhi al-salām, éd. M. Shaykhānī et Z. al-D. al-Ayyūbī, 4 vol., Damas-Beyrouth, 1992, vol. 4, p. 137-220.

12 Voir Ibn Shaddād, al-Nawādir al-sulāniyya wa l-maāsin al-Yūsufiyya, éd. J. al-Dīn al-Shayyāl, Le Caire, 1964 ; trad. D. S. Richards, The Rare and Excellent History of Saladin, Crusade Texts in Translation, Aldershot, Ashgate, 2001.

13 Voir Al-Ifahānī, Kitāb al-fat al-qussī fī l-fat al-Qudsī, éd. Landberg, Leyde, 1888, trad. H. Massé, Conquête de la Syrie et de la Palestine par Saladin, Paris, 1972 et al-Barq al-Shāmī (partiellement conservé), t. V (années 578-580), éd. F. usayn, Ammān, 1987 ; L. Richter-Bernburg, Der Syrische Blitz : Saladins Sekretär zwischen Selbstdarstellung und Geschichtsschreibung, Stuttgart, Steiner, 1998 et « Imād al-Dīn al-Ifahānī », Medieval Muslim Historians, éd. Mallett, p. 29-51.

14 Voir Al-Fāil, al-Durr al-naīma min tarassul Abd al-Raīm, éd. A. Badawī, Le Caire, s. d. ; I. al-afī, Correspondance officielle et privée dal-Qāī al-Fāil, thèse de doctorat, Université Paris IV-Sorbonne, 4 vol., 1979. Cette correspondance a été bien exploitée par M. C. Lyons et D. E. P. Jackson, Saladin. The politics of Holy War, Cambridge, Cambridge University Press, 1982. Vers la même époque fut rédigée une chronique intitulée Al-Bustān al-jāmi li-jamī tawārīkh al-zamān, centrée sur la Syrie et lÉgypte, mais son auteur, sans doute syrien, reste indéterminé. Très abrégée jusque vers 518/1124, elle se développe au fur et à mesure que lépoque se rapproche de celle lauteur. Voir éd. partielle C. Cahen, « Une chronique syrienne du vie/xiie siècle : le Bustān al-Jāmi », Bulletin dÉtudes Orientales, 7-8, 1937-1938, p. 113-158.

15 Voir Ousâma ibn Mounidh : un émir syrien au premier siècle des croisades (1095-1188), éd. et trad. H. Derenbourg, Paris, 2 vol., 1886-1889, et la traduction plus moderne dAndré Miquel, Des enseignements de la vie. Souvenirs dun gentilhomme syrien du temps des Croisades, Paris, Imprimerie Nationale, 1983 ; voir aussi A. Miquel, Ousâma, un prince syrien face aux croisés, Paris, Fayard, 1986.

16 Voir Ibn Jubayr, Rila, éd. W. Wright revue par M. J. De Goeje, Londres – Leyde, 1907, trad. M. Gaudefroy-Demombynes, Voyages, 4 vol., Paris, 1949-1965, p. 348-364 et trad. P. Charles-Dominique, Voyageurs arabes, Paris, Gallimard, 1995, p. 321-332.

17 Voir C. Cahen, « Une chronique chiite au temps des croisades », Comptes rendus des séances de lAcadémie des Inscriptions et Belles-lettres, 1935, p. 258-269 ; A.-M. Eddé, « Francs et musulmans de Syrie au début du xiie siècle daprès lhistorien Ibn Abī Tayyi », Dei gesta per Francos. Études sur les croisades dédiées à Jean Richard, éd. M. Balard, B. Z. Kedar et J. Riley-Smith, Aldershot, Routledge, 2001, p. 159-169 et « Ibn Abī Tayyi » Encyclopédie de lIslam, éd. K. Fleet, G. Krämer et al., 3e éd., 2017.

18 Voir Ibn al-Athīr, Al-Kāmil fī l-tarīkh, 13 vol., Beyrouth, 1965-1967, trad. de la période des croisades par D. S. Richards, The Chronicle of Ibn al-Athīr for the Crusading Period from al-Kāmil fīl-tarīkh, 3 vol., Aldershot, Ashgate, 2006-2008. Sur cet historien, voir F. Micheau, « Ibn al-Athīr », Medieval Muslim Historians, éd. Mallett, p. 52-83. Ibn al-Athīr fut aussi lauteur dune histoire des atabegs de Mossoul (Al-Tarīkh al-bāhir fī l-dawla al-atābakiyya, éd. A. A. ulaymāt, Le Caire, 1963, trad. partielle dans Recueil des Historiens des Croisades, Historiens orientaux (RHC, Or.), 2/2, 1876, p. 5-375) qui contient beaucoup moins dinformations sur les Latins que sa chronique universelle. Ibn al-Athīr ne cite pas ses sources, mais, pour les premières croisades, on retrouve dans son récit des passages inspirés dIbn al-Qalānisī et de Imād al-Dīn al-Isfahānī.

19 Voir Ibn al-Jawzī, Al-Muntaam fī taʾrīkh al-mulūk wa-l umam, éd. M. et M. ʿAbd al-Qādir ʿAā, 19 vol., Beyrouth, 1992.

20 Il nexiste quune mauvaise édition dune partie de sa chronique intitulée Mirāt al-zamān fī tarīkh al-ayān (2 vol., Hyderabad, 1951-1952), et seuls quelques extraits concernant lhistoire des croisades ont été traduits dans RHC, Or., 3, 1884, p. 517-570 (années 490-532/1097-1137-1138), dans Gabrieli, Chroniques arabes, p. 88-89 et 299-302, et dans P. Jackson, The Seventh Crusade, 1244-1254. Sources and Documents, Farnham, Ashgate, 2009, p. 154-162 et 223-225. Pour les premières croisades, le récit de Sib repose en grande partie sur Ibn al-Qalānisī et Ibn al-Athīr. Voir A. Mallett, « Sib Ibn al-Jawzī », Medieval Muslim Historians, éd. Mallett, p. 84-108.

21 Voir Ibn al-Adīm, Zubdat al-alab min tarīkh alab, éd. S. Dahān, 3 vol., Damas, 1951-1968 (trad. partielle et pas toujours fiable dE. Blochet, Revue de lOrient latin, 3-6, 1895-1898) et Bughyat al-alab fī tarīkh alab, éd. S. Zakkār, 11 vol., Damas, 1988 (quelques extraits trad. dans RHC, Or., 3, 1884, p. 695-732). Voir A.-M. Eddé, « Kamāl al-Dīn Umar Ibn al-Adīm », Medieval Muslim Historians, éd. Mallett, p. 109-135.

22 Voir Abū Shāma, Kitāb al-rawatayn fī akhbār al-dawlatayn al-Nūriyya wa-l-alāiyya, 2 vol., Būlāq, 1871-1875 ; éd. M. H. M. Amad, 2 vol., Le Caire, 1998 ; Al-Dhayl ʿalā l-rawatayn, éd. M. al-Kawtharī, Le Caire, 1947 ; trad. partielle de ces deux ouvrages dans RHC, Or., 4-5, 1898-1906.

23 Voir Ibn Wāil, Mufarrij al-kurūb fī akhbār Banī Ayyūb, éd. J. al-D. al-Shayyāl (vol. 1 à 3) et . Rabī, S. Āshūr (vol. 4 et 5), Le Caire, 1953-1977 (jusquen 645/1247-1248) ; les années 646-661 ont été éditées par U. A. S. Tadmurī, Beyrouth, 2004 et par M. Rahim, Wiesbaden, 2010 ; seuls des extraits ont été traduits par Gabrieli, Chroniques arabes, p. 291-299, 302-307 et 312-328, et surtout par Jackson, The Seventh Crusade, p. 47, 128-154 et 213-223. Ibn Wāil fut aussi lauteur dune chronique plus modeste, intitulée Al-Tarīkh al-āliī (éd. U. A. S. Tadmurī, 2 vol., Sayda-Beyrouth, 2010), qui sétend jusquen 636/1239 et est dédiée au sultan ayyoubide dÉgypte al-āli Ayyūb, mais est achevée après la mort de ce dernier. Beaucoup plus résumée que la première, elle contient quelques informations originales notamment sur la prise de Jérusalem par les croisés en 1099. Sur lœuvre historique dAbū Shāma et dIbn Wāil, voir K. Hirschler, Medieval Arabic Historiography : Authors as Actors, Londres, Routledge, 2006.

24 Voir Ibn Abī l-Damm, Al-Tarīkh al-Islāmī al-maʻrūf bi-ism al-Tarīkh al-Muẓaffarī, éd. Ḥ. Z. Ghānim Zayyān, Le Caire, 1985 et Kitāb al-shamārīkh fī l-tawārīkh, éd. et trad. partielles D. S. Richards, Bulletin dÉtudes Orientales, 45, 1993, p. 183-200 (années 617-626/1220-1229) ; Ibn Naīf, al-Tarīkh al-Manūrī, éd. Abū l-Īd Dūdū, Damas, 1981, notamment p. 151 et 160 pour les relations entre Frédéric ii et la secte des Assassins.

25 Voir V. et M. C. Lyons et J. S. C. Riley Smith, Ayyubids, Mamlukes and Crusaders. Selections from the Tārīkh al-Duwal wal-Mulūk of Ibn al-Furāt, 2 vol. Cambridge, Heffer and Sons, 1971 [extraits éd. et trad. des vol. 5, 6 et 7 (années 641-676/1243-1277)] ; Al-Maqrīzī, Kitāb al-sulūk li marifat duwal al-mulūk, éd. M. Ziyāda et S. A. Ashūr, 4 vol., Le Caire, 1939-1973, trad. des années 567-648/1171-1250 par R. J. C. Broadhurst, A History of the Ayyūbid Sultans of Egypt, Boston, Library of Classical Arabic Literature, 1980 et trad. partielle des années 648-708/1250-1309 par E. M. Quatremère, Histoire des sultans mamlouks, 2 vol., Paris, 1837-1842. Sur les sources de la première période mamelouke, voir D. Little, History and Historiography of the Mamluks, Londres, Variorum Reprints, 1986 et « Historiography of the Ayyūbid and Mamlūk epochs », The Cambridge History of Egypt, vol. I, Islamic Egypt, 640-1517, éd. C. F. Petry, Cambridge, Cambridge University Press, 1998, p. 412-444 ; K. Hirschler, « Studying Mamluk Historiography. From Source Criticism to the Cultural Turn », Ubi sumus ? Quo vademus ? Mamluk Studies. State of the Art, éd. S. Conermann, Bonn, 2013, p. 159-186.

26 Sur cette littérature biographique désignée par le terme abaqāt (« classes »), voir J. Hafsi, « Recherches sur le genre abaqât de la littérature arabe », Arabica, 23, 1976, p. 227-265 et 24, 1977, p. 1-41 et 150-186 ; W. al-Qâdî, « Biographical Dictionaries : Inner Structure and Cultural Significance », The Book in Islamic World. The Written World and Communication in the Middle East, éd. G. N. Atiyeh, Albany, State University of New York Press, 1995, p. 93-122 ; Encyclopédie de lIslam, 2e éd., éd. T. Bianquis et al., Leyde, 1998, « abaāt » (Cl. Gilliot).

27 Voir F. Micheau, « Les croisades vues par les historiens arabes dhier et daujourdhui », Le Concile de Clermont de 1095 et lappel à la Croisade, Rome, École française de Rome, 1997, p. 345-360 ; Hillenbrand, The Crusades, p. 257-439 ; A.-M. Eddé, « La vision des Francs dans les sources musulmanes à lépoque des croisades (1099-1250) », Islam et monde latin (milieu xe-milieu xiiie). Espaces et enjeux, Paris, ADHE, 2000, p. 61-80.

28 Voir Hillenbrand, The Crusades, p. 69-72. Une confusion qui, dans le cas dAbīwardī peut aussi être due au fait quil vivait en Irak, loin du théâtre des opérations.

29 Al-Aīmī, Taʾrīkh alab, éd. Zaʿrūr, p. 358.

30 Voir Ibn al-Athīr, Kāmil, trad. Richards, Part 1, p. 14.

31 Voir Ibn al-Qalānisī, Dhayl, trad. Le Tourneau, p. 294.

32 Ibn al-Athīr, Kāmil, trad. Gabrieli, Chroniques arabes, p. 209-210 et trad. Richards, Part 2, p. 364.

33 Ce genre littéraire consistant à vanter les mérites dune ville ou dune région se développa dès le ixe siècle en Islam. Lun des plus anciens ouvrages écrits à la gloire de Jérusalem date du début du xie siècle, cest-à-dire bien avant les croisades ; voir Hillenbrand, The Crusades, p. 162-163.

34 Ibn al-Athīr, Kāmil, trad. Gabrieli, Chroniques arabes, p. 282 et trad. Richards, Part 3, p. 174.

35 Voir Yāqūt, Mujam al-Buldān, 5 vol., Beyrouth, 1955-1957, vol. 3, p. 100 et trad. dans B. Lewis, Comment lIslam a découvert lEurope, Paris, La Découverte, 1984, p. 179.

36 Gabrieli, Chroniques arabes, p. 305.

37 Sib Ibn al-Jawzī, Mirāt al-zamān, vol. 1, p. 619. Al-Ashraf possédait les territoires ayyoubides de Haute-Mésopotamie, mais se trouvait alors en Syrie, où Sib Ibn al-Jawzī le rencontra.

38 Voir H. L. Gottschalk, Al-Malik al-Kāmil von Egypten und seine Zeit, Wiesbaden, Harrassowitz, 1958, p. 141-142 ; R. S. Humphreys, From Saladin to the Mongols. The Ayyubids of Damascus, 1193-1260, New York, State University of New York Press, 1977, p. 184.

39 Ibn Wāil, Mufarrij, éd. Rabī et Āshūr, vol. 4, p. 206-207.

40 Ibn Naīf al-amawī, Al-Tarīkh al-Manūrī, éd. Abū l-Īd Dūdū, Damas, 1981, p. 194 et trad. Gabrieli, Chroniques arabes, p. 310.

41 Ibn Wāil, Mufarrij, éd. Tadmurī, p. 133 et trad. Gabrieli, Chroniques arabes, p. 326 ; A.-M. Eddé, « Saint Louis et la Septième Croisade vus par les auteurs arabes », Cahiers de recherches médiévales, 1, 1996, p. 65-92 ; Jackson, The Seventh Crusade, p. 153.

42 Qaraāy (ou Qirāy) al-Izzī, Tarīkh majmū al-nawādir, éd. U. A. S. Tadmurī, Sayda-Beyrouth, 2005, p. 119-120, trad. de cet extrait dans C. Cahen, Orient et Occident au temps des Croisades, Paris, Aubier, 1983, p. 241-242 (ici légèrement modifiée daprès lédition).

43 E. Sivan, LIslam et la croisade, p. 104 (daprès Abū Shāma, éd. Būlāq, vol. 2, p. 49) ; A.-M. Eddé, Saladin, Paris, Flammarion, 2008, p. 204.

44 Voir Eddé, Saladin, p. 203.

45 Al-Ifahānī, Kitāb al-fat al-qussī fī l-fat al-Qudsī, trad. Massé, p. 177.

46 Un vers anonyme cité par al-Aynī (mort en 1451), trad. RHC, Or., 2, 1876, p. 195.

47 Voir Sivan, LIslam et la croisade, p. 165.

48 Voir D. Aigle, « Les inscriptions de Baybars dans le Bilād al-Šām. Une expression de la légitimité du pouvoir », Studia Islamica, 97, 2003, p. 57-85 ; A.-M. Eddé, « Baybars et son double : de lambiguïté du souverain idéal », Le Bilād al-Šām face aux mondes extérieurs. La perception de lAutre et la représentation du Souverain, éd. D. Aigle, Beyrouth, Ifpo, 2012, p. 73-86.

49 Voir Sivan, LIslam et la croisade, p. 171-174.

50 Ibn Abd al-āhir, Al-Raw al-zāhir fī sīrat al-Malik al-āhir, éd. A. al-A. al-uwayir, Riyad, 1976, p. 309-313, trad. Gabrieli, Chroniques arabes, p. 340-341.

51 Vers cités par al-Jazarī, Tarīkh awādith al-zamān, éd. U. A. S. Tadmurī, 3 vol., Beyrouth, 1998, vol. 1, p. 61-62 ; voir aussi Sivan, LIslam et la croisade, p. 183 et Hillenbrand, The Crusades, p. 237-240.

52 Voir M. A. Köhler, Alliances and Treaties between Frankish and Muslim Rulers in the Middle East. Cross-Cultural Diplomacy in the Period of the Crusades, trad. de lallemand par P. Holt, Leyde, Brill, 2013.

53 Ibn Wāil, Mufarrij, éd. Rahim, p. 70, n. 2, trad. Gabrieli, Chroniques arabes, p. 321.

54 Voir A.-M. Eddé, « Lhonneur des chevaliers francs dans les sources arabes à lépoque des croisades », LIslam au carrefour des civilisations médiévales, éd. M. Sot et D. Barthélemy, Paris, Presses de lUniversité Paris-Sorbonne, 2012, p. 135-151.

55 Voir Ibn al-Furāt, Tarīkh, éd. et trad. L. et R. Smith, Ayyubids, Mamlukes and Crusaders, vol. 1, p. 48 et vol. 2, p. 39.

56 Voir Hillenbrand, The Crusades, p. 259-262, 276-282 et 347-365.

57 Voir Foucher de Chartres, Historia Hierosolymitana, RHC, Historiens Occidentaux, 3, 1866, p. 323.

58 Même si certains souverains musulmans – le sultan seldjoukide Malikshāh (1072-1092) en particulier – furent loués par des auteurs arméniens tels que Matthieu dÉdesse (RHC, Documents arméniens, 2 vol., 1869-1896) : voir C. Cahen, Syrie du Nord, p. 97-100 ; G. Dédéyan, Les Arméniens entre Grecs, Musulmans et Croisés : étude sur les pouvoirs arméniens dans le Proche-Orient méditerranéen, 1068-1150, 2 vol., Lisbonne, Bibliothèque arménologique de la Fondation Calouste Gulbenkian, 2003.

59 Voir Michel le Syrien, Chronique syriaque, éd. et trad. J.-B. Chabot, Paris, 4 vol., 1899-1914. Le monastère de Barsauma était situé dans la région de Malayā, à lest de la Turquie actuelle, dominée, à la fin du xiie siècle, par les Seldjoukides de Rūm. Une autre chronique syriaque, anonyme, fut rédigée dans la première moitié du xiiie siècle (jusquen 1234). Axée principalement sur les événements de Haute-Mésopotamie et dAnatolie, elle apporte certaines informations absentes des autres sources, notamment sur les deux prises dÉdesse, en 1144 par Zengi, puis en 1146 par Nūr al-Dīn, ou la prise de Jérusalem par Saladin en 1187, car lauteur séjournait alors dans la ville sainte : Anonymi auctoris Chronicon ad annum Christi 1234 pertinens, Part. 1, éd. J.-B. Chabot, Paris, 1920 (CSCO, Scriptores Syri, Series tertia, t. 14) et trad. A. Abouna, Louvain, 1974 (CSCO, Scriptores Syri, vol. 154), ici p. 89-95, 104-111 et 149-150.

60 Voir The Chronography of Gregory Abū l-Farağ the son of Aaron, éd. et trad. E. A. W. Budge, Londres, 2 vol., 1932 ; trad. P. Talon, La Chronographie de Bar Hebraeus lhistoire du monde dAdam à Kubilai Khan 1Fernelmont, EME Éditions, 2013. Son récit ne laisse apparaître aucune opinion personnelle ou solidarité confessionnelle avec les Francs peut-être parce quil écrivait, en 1276, à une époque où les Francs étaient en passe dêtre chassés de la région et ne constituaient plus une force susceptible de venir en aide aux chrétiens. Voir F. Micheau, « Les croisades dans la Chronique universelle de Bar Hebraeus », Chemins doutre-mer. Études dhistoire sur la Méditerranée médiévale offertes à Michel Balard, éd. D. Coulon et al., Paris, Publications de la Sorbonne, 2004, p. 554-572 ; D. Aigle, « Lœuvre historiographique de Barhebraeus : son apport à lhistoire de la période », Parole de lOrient, 33, 2008, p. 25-61.

61 Sa somme théologique, Le Candélabre du sanctuaire, contient aussi quelques informations sur les différences théologiques entre Latins, Chalcédoniens et Jacobites. Voir H. Teule, « The Crusaders in Barhebraeus Syriac and Arabic Seculars Chronicles », East and West in the Crusaders States, éd. K. Ciggaar, A. Davids et H. Teule, Louvain, Peeters, 1996, p. 39-49 et « Ebn al-Ebrī Abū l-Faraj », Encyclopædia Iranica, 8/1, 1997, p. 13-15.

62 Auxquelles on peut ajouter le Livre des Histoires (Kitāb al-Tawārīkh) du diacre copte Ibn al-Rāhib et un compendium anonyme intitulé Chronicon Orientale, sources qui napportent pas grand-chose de plus sur les croisades ; voir F. Micheau, « Croisades et croisés vus par les historiens arabes chrétiens dÉgypte », Itinéraires dOrient et dOccident. Hommages à Claude Cahen, p. 169-185, ici p. 173-175. Sur les historiens coptes en général, voir A. Sidarus, « Medieval Coptic Historians in Arabic (xiiie-xive s.) », Chapter and verse of non-Muslim contributions to Islamic civilisation, éd. C. Hillenbrand et al., Edimbourg, sous presse.

63 Voir History of the Patriarchs of the Egyptian Church, éd. et trad. A. S. Atiya, A. Khater, Y. ʿAbd al-Masī et O. H. E.-K. H. S. Burmester, Le Caire, 4 vol., 1943-1974 ; J. den Heijer, Mawhūb Ibn Manūr Ibn Mufarriğ et lhistoriographie copto-arabe. Étude sur la composition de lHistoire des Patriarches dAlexandrie (CSCO, 513, Subsidia, 83), Louvain, Peeters, 1989 ; J. den Heijer, « Coptic Historiography in the Fāimid, Ayyūbid and Early Mamlūk Periods », Medieval Encounters, 2/1, 1996, p. 67-98 ; Micheau, « Croisades et croisés », p. 169-185 ; M. N. Swanson, « Mawhūb ibn Manūr ibn Mufarrij al-Iskandarānī », Christian-Muslim Relations. A Bibliographical History, éd. D. Thomas et A. Mallett, Leyde, Brill, 2011, vol. 3, p. 217-222.

64 Hist. Patr., vol. 2, part 3, éd. p. 249, trad. p. 398-399 ; Micheau, « Croisades et croisés », p. 179.

65 Hist. Patr., vol. 3, part 2, éd. p. 82, trad. p. 139 ; Micheau, « Croisades et croisés », p. 180.

66 Voir Eddé, Saladin, p. 541-582 et 707-715.

67 Elle sarrête en 658/1260. Voir C. Cahen, « La chronique des Ayyoubides dal-Makīn b. al-Amīd », Bulletin dÉtudes Orientales, 15, 1958, p. 109-184 (édition de la partie qui concerne le xiiie siècle), trad. A.-M. Eddé et F. Micheau, Chronique des Ayyoubides (602-658/1205-1206 – 1259-1260), Paris, Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, 1994 ; A.-M. Eddé, « Al-Makīn Ibn al-Amīd », Franks and Crusades in Medieval Eastern Christian Historiography, éd. A. Mallett, Leyde, Brill, sous presse.

68 Voir Ibn Wāil, Kitāb al-tarīkh al-ṣāliḥ, éd. ʻU. ʻA. S. Tadmurī, Sayda (Liban), 2010 ; C. Cahen, « Al-Makīn ibn al-Amīd et lhistoriographie musulmane. Un cas dinterpénétration confessionnelle », Orientalia hispanica, sive Studia F.M. Pareja octogenario dicata, éd. J. M. Barral, Leyde, Brill, 1974, p. 158-167.

69 Ibn al-Amīd, éd. Cahen, p. 133, 159, trad. Eddé-Micheau, p. 31, 86.

70 Voir E. Blochet, Moufazzal ibn Abi l-Fazaïl, Histoire des sultans mamlouks. Texte arabe publié et traduit en français, Patrologia Orientalis, 12, fasc. 3 ; 14, fasc. 3 ; 20, fasc. 1 (Paris, 1919-1929) pour les années 1260-1317, et pour la suite par S. Kortantamer, Ägypten und Syrien zwishen 1317 und 1341 in der Chronik des Mufaal b. Abī l-Faāil (Islamkundliche Untersuchungen 23), Freiburg um Breisgau, 1973. Ses sources pour la fin des croisades sont essentiellement Baybars al-Manūrī (mort en 1325), al-Nuwayrī (mort en 1333), Ibn al-Dawādārī (mort après 1335), al-Jazarī (mort en 1338) et al-Yūsufī (mort en 1358).