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Classiques Garnier

Responsabilités publiques et éthique aristocratique Le délicat jeu d’équilibriste des rois anglais de la fin du Moyen Âge

  • Type de publication : Article de revue
  • Revue : Cahiers de recherches médiévales et humanistes / Journal of Medieval and Humanistic Studies
    2018 – 2, n° 36
    . varia
  • Auteur : Fievet (Raoul)
  • Résumé : Cet article a pour objet de mettre en exergue certaines caractéristiques fondamentales propres à la royauté anglaise de la fin du Moyen Âge, en montrant comment les souverains ont été contraints de concilier différentes attentes. L’exercice de leur pouvoir découlait en effet d’un subtil équilibre entre leur capacité à se conformer à une éthique aristocratique et à apparaître comme la clé de voûte d’une société civique en émergence.
  • Pages : 415 à 446
  • Revue : Cahiers de recherches médiévales et humanistes - Journal of Medieval and Humanistic Studies
  • Thème CLIL : 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
  • EAN : 9782406089537
  • ISBN : 978-2-406-08953-7
  • ISSN : 2273-0893
  • DOI : 10.15122/isbn.978-2-406-08953-7.p.0415
  • Éditeur : Classiques Garnier
  • Mise en ligne : 29/01/2019
  • Périodicité : Semestrielle
  • Langue : Français
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Responsabilités publiques
et éthique aristocratique

Le délicat jeu déquilibriste des rois anglais
de la fin du Moyen Âge

Il est bien connu que la fin du Moyen Âge a constitué une avancée décisive dans laffirmation de lÉtat moderne, cette période, caractérisée par la croissance sans précédent de larmature administrative, judiciaire et institutionnelle, étant marquée par un exercice nettement plus assuré de lautorité royale1. Il est également bien connu que la genèse de lÉtat moderne na pas suivi un cheminement uniforme en Occident, puisquil existait plusieurs modèles de gouvernement dans lesquels le pouvoir central était plus ou plus moins investi dans une logique de coopération avec ses sujets les plus éminents. Walter Ullmann a en effet défini deux grands modèles de gouvernement médiéval, quil définit soit comme « théocratique », soit comme « féodal2 ».

Le modèle « théocratique » a souvent été associé à la France3 ; il se réfère à un processus de construction étatique vertical dans lequel le roi cherchait à se dresser au-dessus de ses sujets sans leur rendre de comptes4. Dans ce schéma de gouvernement, la royauté tendait à développer une légitimité supérieure à la société quelle gouvernait, en affirmant son caractère sacré à travers la mise en place dune religion royale, en développant de nouvelles théories du pouvoir fondées sur linterprétation du droit romain, ou encore en rognant les prérogatives 416des assemblées représentatives. Certes, cela nimpliquait pas que les rapports entre le roi et laristocratie étaient nécessairement conflictuels : la France des xive-xve siècles nétait nullement caractérisée par une lutte entre la monarchie et la noblesse5. Ce constat semble logique dans la mesure où le rapport de force auquel était confronté tout pouvoir central à la fin du Moyen Âge le contraignait, dune façon ou dune autre, à composer avec les réalités de la société quil gouvernait. Cette dimension fait notamment écho aux analyses de Claude Gauvard dans son célèbre travail consacré aux lettres de rémission, puisquelle a bien mis en évidence que les autorités françaises de la période faisaient toujours preuve dune indéniable mansuétude envers les crimes dhonneur. Pour elle, « lÉtat simpose, mais en étant encore pétri de ces valeurs qui assurent la cohésion de la société et au cœur desquelles se trouve lhonneur. Autant que de combattre les excès, sa tâche judiciaire consiste à permettre de le réparer6 ». Néanmoins, ce modèle « théocratique » tendait à dissocier davantage le pouvoir royal dune logique dinteraction et de dialogue avec ses partenaires aristocratiques, favorisant sans doute lavènement dune conception plus centralisatrice du pouvoir à lépoque moderne.

En revanche, le roi « féodal » était pleinement intégré dans les relations personnelles qui structuraient la société, sappuyant sur celles-ci pour exercer une gouvernance effective, dans une logique de coopération et dinterdépendance avec les membres de la société politique7. Ce mode de fonctionnement impliquait que lexercice de lautorité publique était largement diffusé, exercé, approprié à travers la société, puisque le pouvoir central sappuyait pour gouverner sur les ressources et les réseaux propres aux élites. LAngleterre des xive-xve siècles correspondait justement en grande partie à ce modèle du roi « féodal » dans la mesure où le gouvernement du royaume reposait sur le consentement et la participation de ses sujets, en particulier les plus grands dentre eux : les magnats, les lords, la gentry et les oligarchies urbaines8.

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On pourrait certes objecter que cette distinction entre les deux modèles, français et anglais, est quelque peu simpliste et exagérée dans la mesure où la monarchie française devait elle-aussi se conformer nécessairement à une logique de coopération pour gouverner. Comme le souligne avec justesse Philippe Contamine, dans un contexte où les revenus du domaine royal étaient devenus largement insuffisants pour satisfaire les besoins dun État qui subissait de plein fouet les vicissitudes de la Guerre de Cent Ans, « tout lart du roi, sil voulait ne pas se contenter des ressources de son domaine, quelque étendu quil soit, était de passer des compromis avec ces princes, ces ducs, ces comtes, ces barons, ces seigneurs, détenteurs de la haute, moyenne et basse justice, pour quils acceptent de lui apporter régulièrement leur concours politique, militaire et fiscal9 ». Le pouvoir royal lui-même prenait appui sur des réseaux clientélistes fonctionnant selon des logiques en grande partie similaires à la « féodalité bâtarde » anglaise, comme lont notamment souligné les travaux de Peter Lewis ou de Gareth Prosser10. Les baillis ou les sénéchaux étaient ainsi bien souvent des hommes qui disposaient dappuis solides dans leurs localités, à même détendre linfluence du centre dans les périphéries, tout en étant liés à la cour par des relations informelles imprégnées dun fort principe de réciprocité11. Cependant, ne serait-ce que dun point de vue théorique, il est indéniable que la conception du pouvoir qui émerge en France durant la période porte en germe un modèle de gouvernement très différent de son voisin insulaire. En témoigne notamment Jean de Montreuil, célèbre apologiste de la monarchie française, lorsquil insiste dans ses écrits sur la célèbre formule « Le roi de France est empereur en son royaume », en lui conférant un nouveau sens dégagé de ses anciens accents féodaux, puisquelle faisait de plus en plus référence à 418la souveraineté royale12. Or, à la différence du lien féodal contractuel ou conditionnel, le propre de cette souveraineté est dimposer aux sujets une obéissance inconditionnelle, sappliquant à tous sans égard à leurs rangs13. Comme le résume bien Philippe Contamine : « Au modèle de la royauté aristocratique, doù devait découler, à terme, la royauté parlementaire, soppose ainsi un modèle quon pourrait qualifier de royauté monocratique, dont devait découler la monarchie absolutiste et bureaucratique – la monarchie doffices14 ».

Or, le modèle anglais de royauté aristocratique suscite nombre dinterrogations quant aux valeurs qui cimentaient la société politique, à commencer par la clef de voûte du système, le roi : quelle place tenaient respectivement les principes du vieux monde chevaleresque et ceux dun État moderne en émergence dans un contexte où la croissance des institutions étatiques sinsérait dans le respect et la continuité des structures plus anciennes ? Quelles étaient les normes de comportement attendues des souverains ? Existait-il une forme de contradiction entre léthique aristocratique traditionnelle et de nouvelles exigences découlant dune communauté politique en formation ? Voilà précisément le type de questionnement auquel cet article entend répondre. Pour ce faire, au risque de rappeler nombre dévidences, il convient dabord de revenir sur la nature du système politique anglais de la fin du Moyen Âge, car lanalyse des valeurs qui lanimaient nécessite dabord de bien comprendre les structures qui les sous-tendaient.

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La nature du système politique anglais

Comme nous venons de le souligner, le système politique anglais se distinguait par sa nature coopérative et consensuelle. Cette réalité était particulièrement évidente au sein de la justice et de ladministration locale puisque les membres prééminents de la gentry étaient au premier rang de ceux qui assumaient les nombreuses missions imposées par ladministration royale en tant que juges de paix, sheriffs ou escheators15. Dans ces rôles, ils étaient actifs, entreprenants16, et ils étaient au cœur, à partir du xive siècle, dun compromis solide entre les élites locales et le pouvoir monarchique, satisfaisant tout autant les désirs du roi que les ambitions des élites terriennes17 (notamment en raison du fait que les offices publics jouaient un rôle incontournable dans la défense des droits de propriété18).

À un plus haut niveau, la couronne sappuyait naturellement sur le service des lords et des magnats, qui bénéficiaient en retour du patronage royal, particulièrement important pour les familles nobles dextraction récente comme les Beaufort, les Talbot ou les Bourchier. De manière plus générale, le service du roi était extrêmement profitable, sa faveur était même la seule route vraiment sûre pour lhonneur et le succès19. Celui qui bénéficiait de la faveur royale pouvait ainsi consolider rapidement ses positions, à linstar de Sir William Bonville qui était capable duser de linfluence conférée par le pouvoir royal pour miner lautorité du Comte du Devon, Thomas Courtenay, qui était pourtant alors en position de force20. En outre, le roi jouait un rôle clé dans le maintien de la stabilité 420du système, en veillant à contrôler les tensions compétitives de la société aristocratique à travers son rôle dans les institutions publiques et par une distribution équitable du patronage royal21. Cette dimension était fondamentale du point de vue des élites terriennes qui avaient le plus à perdre lors de troubles majeurs. Comme le souligne Jean-Philippe Genet, il était vital pour les aristocrates que « le roi reste maître du système22 ».

La logique de coopération avait aussi trouvé une puissante traduction institutionnelle avec le Parlement, instrument nécessaire au consentement de limpôt, moteur essentiel de la construction de lÉtat moderne23. Cette institution a concouru à lémergence dun degré élevé dexpérience commune chez les Anglais et a solidement placé les processus de représentation et de dialogue au cœur de leur système politique (le Parlement constituait lincarnation par excellence dun corps politique dont la tête était le roi24).

Le caractère consensuel du système politique anglais sexplique dabord par des questions de pragmatisme et de rapport de force, puisque nimporte quel gouvernement de la fin du Moyen Âge demeurait extrêmement limité par son manque de moyens, les particularismes locaux, la lenteur des communications, la prégnance des loyautés personnelles, familiales et communales25, le caractère embryonnaire de la bureaucratie et labsence de forces militaires indépendantes des structures de pouvoir locales26. Les moyens de la monarchie anglaise étaient dautant plus limités que, contrairement à son équivalente française, elle navait nullement consolidé son pouvoir à travers un processus dexpansion graduelle du domaine royal27. De ce fait, les monarques demeuraient encore tributaires des lords, magnats et membres de la gentry pour jouer un rôle dencadrement et de stabilité au niveau des comtés, leurs 421attributions traditionnelles comme good lords et propriétaires terriens suppléant les capacités daction réduites du pouvoir central. Il était en effet conçu comme naturel de sen remettre dans lexercice des fonctions judiciaires et administratives à des hommes qui disposaient dun pouvoir et dune influence propres et qui étaient estimés par leurs pairs28. Cest seulement de la sorte quil était possible dassurer lexercice dune force gouvernementale. John Watts a ainsi souligné que les rois exerçaient leur autorité à travers des figures locales prééminentes dont le pouvoir existait indépendamment du soutien royal, si bien quelles constituaient la colonne vertébrale du système politique29. Comme lexplique Jean-Philippe Genet à ce propos : « Les Mortimer et les York le long de la frontière galloise, les Beauchamp dans les Midlands, les Percy et les Neville dans le Nord, les Mowbray et les de la Pole en East Anglie, les Courtenay dans le Devon, pour ne citer que les familles les plus importantes, sont investies par la couronne dune mission de good lordship et de maintien de lordre qui soulage dautant une administration (et des finances) royales insuffisantes30 ». Cette dimension semble trouver un écho avec le chroniqueur anonyme de la Vita Edwardi Secundi pour qui les nobles constituent « un composant essentiel de la monarchie sans lequel le roi ne peut rien entreprendre ou accomplir quelque chose dimportance31 ».

De plus, il convient de garder à lesprit que lexistence dun véritable dialogue entre le roi et sa noblesse a également été favorisé de longue date par les circonstances historiques propres à lAngleterre : la conquête normande avait en effet permis au pouvoir royal dexercer une forte emprise sur la haute aristocratie puisque les barons tenaient à lorigine leurs fiefs directement du roi (des fiefs volontairement distribués de manière dispersée, afin déviter la constitution de vastes entités cohérentes), tuant dans lœuf le développement de grandes principautés territoriales. Les Plantagenêt, à la différence de leurs rivaux Capétiens 422longtemps en situation de faiblesse vis-à-vis des grands du royaume32, navaient dès lors pas hésité à sentourer de membres de la haute noblesse pour gouverner (T. K. Keefe a bien montré que la haute aristocratie était majoritaire dans lentourage dHenri II et de ses fils et quelle était la base de leur gouvernement33). Mais, ce faisant, la monarchie avait fini elle-même par devenir dépendante de sa noblesse dans lexercice de son pouvoir. Ainsi, à lépoque de lEmpire angevin, comme lexplique très bien Martin Aurell, « les Plantagenêt contrôlent les grands tenants en chef, mais ils le sont aussi par eux34 ». Létroite imbrication entre le centre du gouvernement et la noblesse qui contrastait avec la France, divisée entre le domaine royal et les grandes principautés territoriales35, ne pouvait que favoriser sur le long terme une tendance à la coopération et rendait naturellement les aristocrates extrêmement attentifs à la conduite du roi. Dans de telles conditions, il va de soi que la monarchie avait tout intérêt à ne pas froisser ses interlocuteurs de laristocratie. Cétait dautant plus vrai que la taille relativement réduite de lAngleterre médiévale (environ 130 000 km²) favorisait le cas échéant, selon Norbert Elias, « lentente des ordres et surtout des guerriers du territoire tout entier, contre le seigneur central36 ».

Le roi disposait certes de sa propre affinity (une affinity ou affinité désigne le réseau de relations dépendant dun lord), dont les membres constituaient des hommes qui lui étaient spécifiquement liés dans leurs comtés respectifs37. Néanmoins, cette affinité ne remettait pas en cause la nécessité détablir des liens fondés sur un principe de réciprocité avec lensemble de la communauté aristocratique : laffinité royale ne constituait généralement pas un élément dominant au sein des sociétés provinciales sur lequel le monarque pouvait sappuyer de manière 423exclusive38. En effet, au-delà des hommes formellement liés au souverain, notamment dans le cadre de la household royale, le roi sappuyait sur de nombreux individus sans liens particuliers envers lui mais à qui il pouvait, à loccasion, demander un service particulier en échange de la promesse dune faveur future39. En outre, même les hommes appartenant à laffinité du roi, bien que naturellement susceptibles déprouver une loyauté particulière envers leur seigneur royal, nétaient pourtant pas détachés des structures de pouvoir plus immédiates propres à leurs comtés40. En conséquence, limportance croissante de la household et de la retenue royale durant le xve siècle ne constituait nullement lexpression dune volonté de court-circuiter les réseaux de laristocratie, laffinité du roi ne pouvant ignorer les structures de pouvoir régionales41. Le fait quun souverain comme Richard II sappuyait excessivement sur son affinité, en particulier dans le Cheshire42, était plutôt un signe de faiblesse, car cela démontrait son échec à établir des liens solides avec le reste de laristocratie43. Un monarque pouvait légitimement veiller sur son honneur et ses intérêts en tant que lord protégeant les hommes à son service, mais à la condition de ne pas oublier, parallèlement, ses obligations envers la plus large communauté aristocratique44.

De surcroît, on peut noter que la religion royale na jamais été développée au même degré en Angleterre quen France45, où une idéologie mystique sétait formée autour de la royauté du fait de sa consécration 424religieuse et de son rôle dans les guerres « saintes » (tel Saint Louis menant la croisade46). Cette consécration sanctifiant lhistoire des rois de France et les élevant au-dessus de simples dirigeants héroïques dans une posture de saints navait que davantage facilité une approche verticale du pouvoir. Il nen allait pas de même pour les rois dAngleterre qui nont jamais eu des prétentions comparables à la sainteté47, et se sont donc montrés plus enclins à sinscrire dans une logique de dialogue avec leurs sujets : dès lépoque angevine, la sacralité du roi découlant de lonction avait été vivement critiquée par lÉglise dAngleterre, à limage de Thomas Becket ou dEtienne Langton, tous deux archevêques de Cantorbéry (à ce titre, ils avaient la haute main sur le sacre puisque le roi recevait passivement lhuile et la couronne des mains de larchevêque48), Langton niant même tout caractère sacramentel à ce rituel49. Il est vrai que les travaux dAlain Boureau ont quelque peu nuancé la sacralité sattachant à la monarchie française : le pouvoir que brandissait le roi na jamais vraiment acquis un caractère surnaturel50, et la religion royale na que partiellement permis à la monarchie de capter le sacré propre à lÉglise. Comme lexplique A. Boureau, le roi était coincé entre « une captation partielle et contrôlée du sacral clérical (xiiie) et la construction de labsolu étatique (fin du Moyen Âge)51 ». Cependant, le roi de France, pour reprendre les propos dAlain Guéry, nen restait pas moins un « être à part, qui, sil nest pas un dieu et ne peut lêtre, agit toujours dans la proximité de Dieu, inspiré par Dieu52 ».

Il convient aussi de prendre en compte limportance de la Common Law, à laquelle les Anglais étaient viscéralement attachés, puisque celle-ci 425a toujours fait obstacle à linfluence du droit romain. En témoigne cet incident rapporté par Jean-Philippe Genet durant lequel « John Tiptoft, Earl of Worcester, ancien étudiant de Ferrare et de Padoue, emmené le 18 octobre 1470 vers Tower Hill pour y être décapité, faillit être massacré par la foule sous prétexte quil voulait introduire le droit romain en Angleterre53 ». Or, le rôle qua joué le droit romain dans la consolidation du pouvoir royal français est bien connu : linfluence de ce droit à partir du xiiie siècle avait conduit les théoriciens de la royauté à élaborer tout un discours visant à substituer le principe de souveraineté à celui de la suzeraineté, conférant peu à peu au roi tous les attributs de la puissance impériale romaine. Cette évolution porte notamment lempreinte des formules dUlpien (début du iiie siècle) : principes a legibus solutus est (« le prince nest pas lié par les lois »), quod principi placuit legis habet vigorem (« ce qui plaît au prince a force de loi54 »). Pour reprendre les propos dÉric Bournazel : « dès 1256, lidée simpose selon laquelle le roi de France est princeps – au sens impérial du terme – en son royaume55 ».

Il faut enfin garder à lesprit limportance de la tradition politique spécifique à lAngleterre, liée en particulier à lhéritage de la Magna Carta et de la crise baronniale des années 1264-1267, qui a permis lémergence progressive du Parlement. Le rôle de cette assemblée représentative a été dautant plus notable durant la période que la déposition dÉdouard II, en 1327, na pu être menée à bien que grâce à la participation et au consentement de cette institution, afin dassurer que le changement de monarque avait le soutien de lentière communauté politique. Édouard III est, de ce fait, arrivé au pouvoir dans un contexte où il était assumé que le Parlement constituait le cadre privilégié pour débattre et déterminer des questions dimportance nationale. Le contraste est encore sur ce point flagrant avec la France puisque les rois français, en particulier Charles VII, marqués par le souvenir de la grande crise politique des années 1355-1360 (qui leur a montré que la réunion des états était surtout un frein à leur autorité56), ont su mettre à profit les circonstances de la Guerre de Cent Ans pour imposer à la société un système fiscal 426beaucoup plus autoritaire et coercitif : « les populations sont si lasses de la guerre quà partir de 1436 Charles VII lève annuellement les tailles sans que les états généraux – quil réunit de moins en moins – doivent ly autoriser57 ». Lacceptation de cette pression fiscale sest révélée dautant plus profonde et durable que les esprits y avaient été auparavant préparés par les ponctions liées au paiement de la rançon énorme de Jean II le Bon58. Cette différence fondamentale en matière de politique fiscale a bien été illustrée par la célèbre distinction que le jurisconsulte Sir John Fortescue avait dressée entre la France et lAngleterre, distinguant la monarchie limitée anglaise (dominum politicum et regale) de la royauté française, un pays de droits régaliens (dominum regale)59.

En définitive, il est clair que le système politique anglais ne pouvait fonctionner que sil se conformait à une logique déchanges réciproques entre le souverain et ses sujets60, car même si le roi était au sommet de la communauté politique, il en était néanmoins partie intégrante et soumis à ses principes contractuels61.

Un roi chevaleresque

La logique de coopération et de consensus propre à la société politique anglaise avait pour conséquence que les qualités attendues dun monarque étaient largement modelées par les représentations mentales du monde aristocratique62 : la nécessité pour la monarchie de sappuyer sur des individus qui disposaient de leurs propres ressources et soutiens et qui sinscrivaient en grande partie dans des mécanismes dautorégulation privée, impliquait que les monarques se devaient de 427gagner leur confiance en se conformant aux standards de comportement propres aux élites terriennes.

Cette réalité était dautant plus prononcée quil ne faut pas se tromper sur la nature du service royal dans lequel sinvestissait la haute aristocratie : même sil semble évident, au moins pour la fin du xve siècle, que le service royal a considérablement renforcé le principe dallégeance à la couronne63, faisant du roi le patron suprême en termes dhonneur et dautorité, la mentalité du noble serviteur de la couronne nétait pas pour autant celle dun courtisan servile, quémandant des faveurs à un roi dont il était totalement dépendant. En effet, la faveur royale, aussi profitable quelle fût, ne faisait pas tout car les serviteurs de la couronne évoluaient toujours au sein dun univers dans lequel leurs positions sociales demeuraient dabord forgées par les multiples relations quils nouaient avec leurs clients, alliés et dépendants64. Ils nétaient nullement dans un face-à-face exclusif avec le roi, contraints à une obéissance inconditionnelle. Sa faveur était certes extrêmement convoitée, mais elle nassurait nullement à elle seule le statut dun homme. Philippe Contamine a dailleurs souligné que la noblesse anglaise sollicitait probablement moins la faveur royale que la noblesse française, qui était beaucoup plus dépendante de la redistribution des ressources de la fiscalité65.

Le service royal reposait donc sur la base dun engagement volontaire ; il concernait des hommes qui, bien quayant beaucoup à gagner du souverain et à perdre en ne bénéficiant plus de sa faveur, ne pouvaient être contraints de suivre aveuglément les désirs de ce dernier. Il était en conséquence fondé sur la bonne volonté réciproque des parties en présence et non sur un principe dobéissance inconditionnelle66. Or, cette dimension implique que lhonneur demeurait un ciment essentiel des relations : puisque chacune des parties impliquées avait intérêt à obtenir lappui de lautre, mais ne pouvait contraindre la partie opposée à tenir ses engagements, ni être elle-même contrainte, elles ne pouvaient se fier quà la réputation, à la propension reconnue de lautre à respecter ses obligations pour espérer une relation viable. Le roi ne pouvait ainsi 428se permettre daccorder ses faveurs quaux nobles reconnus comme des hommes loyaux et dévoués, tout comme lui-même se devait de gagner lappui de ses lords par sa valeur en tant que patron fidèle et équitable. Les nobles navaient rien de pions démunis, tout comme les membres de la gentry disposaient de leur marge de manœuvre face aux lords, il en allait de même pour ceux-ci dans les relations qui les unissaient à leur patron royal. Ils attendaient en conséquence du monarque une relation loyale, fondée sur les principes du monde aristocratique, impliquant un fort principe de réciprocité.

Un roi se devait dêtre dautant plus vigilant dans laccomplissement de ses devoirs de good lord suprême que sa fonction de monarque lobligeait à faire preuve, dans une certaine mesure, déquité et de représentativité envers lensemble de la communauté nobiliaire. Dans ces conditions, toute faveur jugée excessive ou imméritée pouvait être ressentie comme une véritable humiliation par les lords laissés pour compte67. Cétait par exemple le cas pour le Duc dYork, lorsque ce dernier avait perdu la lieutenance de Normandie en 1446 au profit dun rival68. De même, lorsquune faveur royale avait été accordée à son ennemi Sir William Tailboys, Lord Cromwell lavait ressenti comme une insulte directe faite à son honneur69. Des souverains comme Henri IV, Henri V ou Henri VII sétaient montrés en conséquence particulièrement précautionneux quant à la distribution de leur patronage70.

Les lords, quoique de manière exceptionnelle, pouvaient même parfois se sentir investis dun droit de résistance légitime lorsque le monarque bafouait ses engagements71. Ainsi, lEnglish Chronicle explique comment Sir Henri Percy, surnommé Hotspur, aurait évolué dun service loyal à Henri IV à la révolte, en mentionnant comment Hotspur se serait indigné du fait que le roi navait rien tenté pour payer la rançon de son beau-frère détenu par les Gallois. Selon le 429chroniqueur, le roi était même allé jusquà considérer que le versement dune somme dargent aux Gallois de la part de Percy constituait une trahison. Confronté à une telle attitude, Percy lui aurait rétorqué quil demeurait un « true man72 », exempt de toute trahison, et avait clamé son droit de sexprimer comme il lentendait en tant que tel : Hotspur, en tout cas dans la version du chroniqueur, se sentait légitimement indigné par le comportement du roi qui avait bafoué ses obligations à son égard73.

Il faut certes bien spécifier que létat de révolte était lexception et non la règle74. Mais, aussi exceptionnel que soit un tel exemple, il sous-tend la forte idée de réciprocité qui imprégnait le lien entre le roi et la noblesse : le roi ne pouvait compter sur le soutien inébranlable de ses sujets les plus éminents que sil accomplissait sa part du marché. De ce fait, un lord de la fin du Moyen Âge pouvait encore adopter une attitude tout à fait similaire à celle exprimée par le personnage de Fouke dans lœuvre Fouke le Fitz Waryn datée de la fin du xiiie siècle : lorsque Fouke est lésé par le roi qui accorde ses domaines à un rival, son discours exprime la nature contractuelle de la relation qui lunit à son souverain, en lui faisant clairement comprendre que son soutien nest nullement inconditionnel :

Sire roy, vous estes mon lige seignour, e a vous su je lïé par fealté tant come je su en vostre service, e tan come je tienke terres de vous ; e vous me dussez meyntenir en resoun, e vous me faylez de resoun e commune ley, e unqe ne fust bon rey qe deneya a ces franke tenauntz ley en sa court ; pur quoi je vous renke vos homages75.

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En conséquence, le roi ne pouvait se permettre de faire affront aux valeurs chevaleresques76. Comme le souligne Gerald Harriss, il se devait toujours de composer avec la vieille éthique féodale selon laquelle fidélité, aide et conseil exigeaient en retour confiance, protection et récompense77. Il apparaissait dès lors largement comme le good lord de tous les good lords78, si bien que les valeurs de la chevalerie et de la royauté tendaient toujours à se chevaucher79.

Cette dimension est bien illustrée dans la littérature des miroirs aux princes, puisque de telles œuvres insistent fortement sur les vertus personnelles qui étaient attendues du souverain, à limage de la fortitude, une valeur profondément ancrée dans léthique chevaleresque, aux côtés des idéaux de prouesse et de fidélité, que Nicolas Upton (un clerc, fin connaisseur des coutumes de la guerre, secrétaire au service du grand combattant Thomas Montague, Comte de Salisbury, durant les années 1421-1422) assimile dailleurs à lhonneur lui-même80. Comme le souligne John Watts, dans lunivers des miroirs aux princes il nest guère question de Parlement, de loi, de conseil, ou de représentation du royaume, mais avant tout de la dimension aristocratique du pouvoir royal81. En témoigne lœuvre du poète John Lydgate (auteur, entre autres, du The Fall of Princes (1431-1438), un miroir aux princes commandité par Humphrey, Duc de Gloucester), dans laquelle royauté et chevalerie se complètent mutuellement puisquil célèbre notamment Henri V comme un modèle de roi chevaleresque, digne des neuf preux82. Thomas Hoccleve (un clerc ayant fait carrière dans loffice gouvernemental du sceau privé à partir de 1387 et jusquen 142683), dans son Regiment of Princes, attendait pareillement du souverain quil se comporte comme un « chevalier honorable84 ». Il mar431telait également la nécessité pour le roi de respecter ses engagements, en plaçant résolument laccent sur le caractère crucial du serment85. Dans la conception dHoccleve, il nexistait pas ainsi de différence fondamentale de nature entre les devoirs incombant aux aristocrates et ceux du monarque, ils partageaient tous un même ensemble de vertus.

Les miroirs aux princes sont loin dêtre les seules sources à témoigner de cet idéal de comportement. Édouard Ier est ainsi dépeint dans la Anonymous Short Chronicle of England, une compilation du xive siècle, comme un « vaillant chevalier86 ». De façon similaire, lorsque le chroniqueur monastique Thomas Walsingham raille dans sa chronique les chevaliers de la household de Richard II à propos de leur manque évident de virilité, en affirmant quils étaient des chevaliers de Vénus plutôt que de Mars, il ajoute également que « ceux qui passaient leur temps autour du roi ne faisaient aucun effort pour lui inculquer les qualités convenant à un grand chevalier ; je ne parle pas seulement des talents guerriers, mais des qualités qui conviennent spécialement aux nobles rois en temps de paix, telles que la chasse et la fauconnerie, et des talents similaires à ceux-ci à travers lesquels lhonneur dun roi est consolidé87 ». Cette conception guerrière et aristocratique de la royauté est tout aussi patente chez William Worcester et son argumentaire destiné à persuader Édouard IV de sengager dans une expédition militaire en France88, puisquil lencourageait à agir en 432suivant lexemple prestigieux de ses prédécesseurs qui sétaient couverts de worship (léquivalent en moyen anglais du terme honneur) par leur courage et leurs victoires89. Dailleurs, le discours de Worcester ne sadressait pas seulement au monarque mais aussi à tous les « autres nobles princes et autres puissants lords et nobles de divers rangs », si bien quil plaçait le roi dans un schéma de valeurs comparable à lensemble du monde chevaleresque90. Les vertus attendues des souverains faisaient dailleurs écho à celles attribuées aux rois mythiques dans les œuvres prisées par les nobles et gentlemen. Dans le Morte Darthur de Sir Thomas Malory, le pouvoir du roi Arthur est ainsi justifié par ses capacités personnelles de chevalier, Arthur savérant digne de sa fonction royale tant par ses qualités de combattant que de good lord. Le good lordship avait donc largement tendance à se confondre avec le good kingship91.

Plus concrètement, le lien étroit entre royauté et éthique aristocratique est corroboré par le fait que, même au xve siècle, des monarques étaient susceptibles dintercéder au nom de leurs hommes avec les officiels locaux. En témoigne le soutien accordé par Henri VI à Robert Hungerford, Lord Moleyn, dans le cadre de la querelle qui lopposait aux Paston au sujet de la possession du manoir de Gresham en 1451, le sheriff local ayant été à cette occasion exhorté par le roi à constituer un jury pour acquitter Moleyn92. Édouard II avait agi de façon similaire lorsquil avait institué des commissions Oyer et terminer complètement partiales contre lennemi juré de son favori Despenser, lévêque de Coventry93. Il sagit dexemples 433classiques de pressions exercées dans le cadre de la féodalité bâtarde, sauf quen loccurrence le lord qui exerçait de telles pressions était le roi lui-même. Ceci reflète la persistance du caractère personnel du gouvernement et le manque patent de tradition de service public par rapport au concept traditionnel de good lordship qui imprégnait lautorité du roi94.

Toujours dans la même perspective, il est significatif de remarquer, dans le contexte de la Guerre des Deux Roses, la manière avec laquelle les records officiels de la couronne faisaient référence à la volonté de réconciliation dont avait fait preuve Édouard IV au début des années 1460 en accordant son pardon au Duc de Somerset. Ils décrivent en effet lévénement en recourant au jargon féodal traditionnel empreint dune éthique de réciprocité : le roi avait généreusement octroyé son good lordship en attendant, en retour, que le « noble honneur » du bénéficiaire le contraigne à une allégeance sans faille envers son souverain95. Dans un ordre didée comparable, il est frappant de noter lattitude dHenri V lorsque celui-ci avait fait mettre à mort le Français Jean dAngennes en 1418, pour avoir négocié contre de largent la reddition de la ville de Cherbourg quil était chargé de défendre au nom du roi de France, Charles VI. Une fois que son sauf-conduit avait expiré, Angennes avait été capturé par les Anglais et jugé par Henri V qui lavait condamné pour avoir trahi son souverain, cest-à-dire son ennemi Charles VI96. Ce geste qui ne répondait à aucune nécessité puisque, selon le droit darmes, Henri V navait nulle obligation de punir un homme pour une trahison commise contre son adversaire, est significatif du fait quun roi pouvait se sentir membre à part entière de la communauté de lhonneur chevaleresque : en agissant de la sorte, le souverain Lancastre avait montré son attachement à une éthique où la valeur phare demeurait la loyauté personnelle, avec pour implication quil partageait la détestation profonde de lhomme dhonneur envers le traître, le félon, quand bien même ce dernier aurait trahi son ennemi à son profit. De 434façon plus générale, Richard Firth Green a souligné le caractère atypique des relations unissant les souverains anglais et leurs plus grands sujets, marquées par lusage courant de serments, alors que de telles pratiques étaient par ailleurs tombées en désuétude97.

Dans de telles conditions, puisque le roi était tributaire de ses capacités privées dans lexercice de ses fonctions publiques, il pouvait très bien se couvrir de honte par sa lâcheté ou sa déloyauté. En témoigne la chronique de Sir Thomas Gray of Heaton (un chevalier du xive siècle, qui a rédigé la Scalacronica, une chronique en prose écrite en anglo-normand entre 1355 à 1359 alors quil était gardé prisonnier par les Écossais au château de Norham98), qui dénonçait vigoureusement linaptitude à régner dÉdouard II en considérant, à propos dune trêve conclue par ce dernier, quil « nentreprenait rien en matière dhonneur ou de prouesse99 ». Le chroniqueur affirmait aussi que le roi « faisait tout ce qui le rendait impropre à la chevalerie, se délectant en avarice et plaisirs sensuels », et quil bafouait tous ses devoirs de good lord suprême en protégeant éhontément ses favoris et en déshéritant ses opposants100. Le roi pouvait également être dénoncé comme traître à ses engagements. Lun des chroniqueurs de lEnglish Chronicle se montrait ainsi acerbe envers Richard II en rapportant les paroles attribuées à larchevêque Thomas Arundel : ce dernier sindignait quant au fait que le souverain avait trahi sa parole, notamment parce quil avait nommé quelquun dautre archevêque de Canterbury alors que la possession de ce titre lui avait été garantie101. De façon similaire, les opposants à Richard II avaient tenté 435de justifier sa déposition en le présentant comme un traître ayant bafoué ses devoirs envers ses fidèles serviteurs102, comme lillustrent les articles de sa déposition qui insistent sur le fait que le roi avait perfidement mis à mort le Duc de Gloucester : larticle trente-deux affirme quil sétait solennellement engagé, en présence de nombreux témoins et sur le saint sacrement placé sur lautel de Langley, à pardonner Gloucester pour ses offenses, et quil navait pourtant pas hésité à se parjurer par la suite en le mettant odieusement à mort103. Un chroniqueur anonyme manifestement pro-yorkiste du xve siècle développe un point de vue similaire à propos dHenri VI, puisquil considérait que le roi, à la suite de la mort de Richard dYork, avait agi comme un traître et un parjure en bafouant la confiance de « trewe lordis » comme Norfolk et Warwick104.

De telles condamnations impliquent clairement que le lien qui unissait le roi à ses sujets aristocratiques était soumis à de fortes attentes de service réciproque et reposait donc sur un lien personnel et contractuel. Cette réalité pouvait naturellement fragiliser, le cas échéant, la royauté. Cependant, elle pouvait également la renforcer lorsquun dirigeant se montrait à la hauteur des attentes qui pesaient sur lui. En effet, le poids de léthique chevaleresque ne constituait pas nécessairement une faiblesse pour le roi car, dès lors que celui-ci remplissait sa part du marché, il bénéficiait alors de la meilleure garantie de service fidèle qui soit, lhonneur105. Cétait dautant plus vrai que la position du roi au centre de la toile de redistribution du patronage avait pour conséquence quil canalisait largement à son profit les liens dallégeance et de fidélité. On peut même dire que le principe de loyauté envers la monarchie constituait un élément de plus en plus structurant des représentations de laristocratie tout au long de la période, samalgamant peu à peu avec 436le vieux code dhonneur de laristocratie féodale106, à tel point que lon peut parler d« une aristocratie centrée sur la royauté107 ».

En témoigne le Pageant of the Birth, Life and Death of Richard Beauchamp Earl of Warwick, une œuvre composée vers 1485-1490, qui narre la vie de Richard Beauchamp, Comte de Warwick, grand combattant et diplomate de la première moitié du xve siècle, puisquelle met en lumière le lien étroit entre honneur chevaleresque et service royal. Dans cette œuvre, qui représente les grands moments de la vie du Comte sous la forme de cinquante-trois dessins agrémentés de brèves légendes108, Warwick est tout à la fois célébré comme un chevalier de grande valeur, réputé pour sa courtoisie et ses prouesses guerrières qui lui ont permis de remporter « greet honour & worship », et comme un grand serviteur de la couronne. Un certain nombre dillustrations dépeignent ainsi le magnat comme un serviteur dévoué de la monarchie, notamment dans une scène représentant Henri V couronné, assisté de son porteur dépée et dun autre seigneur, avec devant lui le Comte Richard accompagné de sa retenue, qui sagenouille pour recevoir les lettres patentes le désignant comme capitaine de Calais109. Le Pageant met aussi laccent sur la volonté délibérée de Beauchamp de saffirmer comme le noble le plus proche du monarque, à limage du commentaire et de lillustration consacrés au siège de Rouen, où il est précisé que le Comte avait choisi de placer sa tente aux côtés de celle de son souverain et où Beauchamp est représenté une nouvelle fois agenouillé devant Henri V110. Cette volonté de magnifier la loyauté de Richard Beauchamp envers son seigneur royal est encore plus évidente dans lillustration et le commentaire réservés au couronnement dHenri VI à Paris en tant que roi de France : il y est mentionné que le Comte avait été chargé de léducation du jeune souverain et quune recluse avait eu une révélation divine selon laquelle aucun autre seigneur ne serait plus digne que lui pour remplir cette tâche, une révélation qui faisait dailleurs référence à sa loyauté sans pareille envers la couronne111. Il nest dailleurs 437question dans le Pageant ni du propre mariage de Beauchamp, ni des naissances daucun de ses enfants, mais du mariage dHenri V et de la naissance dHenri VI. Une illustration entière est même totalement consacrée au mariage entre Henri V et Catherine de France ainsi quà la naissance dHenri VI112. Les célébrations du grand aristocrate en tant que serviteur fidèle de la couronne et comme guerrier dexception se fondent parfois ensemble. Ainsi, la représentation consacrée au siège de Caen dépeint le magnat dressant sur les murs de la cité assiégée la bannière du roi, dans la mesure où il servait alors sous les ordres du Duc de Clarence, le frère dHenri V113. Il est donc clair que lœuvre est imprégnée par lidée que le service royal était non seulement digne dêtre exalté, mais quil nétait nullement perçu comme sopposant à la conquête de lhonneur dans la plus pure tradition chevaleresque. Il était même conçu comme le meilleur moyen pour y accéder114. Le Pageant of the Birth, Life and Death of Richard Beauchamp Earl of Warwick constitue une œuvre dautant plus significative quelle a probablement été composée à linitiative de la fille de Richard Beauchamp, Anne Neville, Comtesse de Warwick et épouse de Richard Neville115. Elle sétait en effet assignée la tâche, durant les dernières années de sa vie, de chérir et de protéger la mémoire de son père en commissionnant le Pageant116. Par conséquent, cette œuvre exprimait le point de vue dune famille de la haute noblesse de la fin du xve siècle, avec pour implication évidente que limportance indéniable accordée aux valeurs aristocratiques traditionnelles se combinait étroitement dans lesprit des nobles avec le principe fondamental dallégeance à la couronne.

En conclusion, comme le souligne Joël Rosenthal, le roi était bien un membre de laristocratie, partageant un ensemble de valeurs communes avec toute la communauté chevaleresque117, si bien que la pensée politique des souverains pouvait sapparenter dans une large mesure à « un spectacle grave dhonneur et de vertu… un noble jeu aux règles édifiantes et héroïques118 ». Nigel Saul va même jusquà affirmer que, 438par opposition à une monarchie française qui se définissait dabord par son caractère sacré, la monarchie anglaise se définissait avant tout par son caractère chevaleresque119.

Devoirs honorables
et responsabilités publiques

Le poids indéniable de léthique aristocratique ne signifie pas pour autant que le pouvoir du souverain navait pas de réelle dimension publique. Au contraire, le caractère public de lautorité royale tendait indubitablement à émerger puisque lAngleterre de la fin du Moyen Âge se caractérisait par une idéologie dÉtat précoce où le roi saffirmait comme la tête dune communauté politique fondée sur lapplication universelle de la loi et de la justice, avec le droit de demander un soutien militaire et financier de la part de tous ses sujets120. Il faut particulièrement souligner à cet égard le rôle joué par le Parlement. En effet, même si la composition de cette institution nétait nullement représentative de la société, elle était de plus en plus perçue, de fait, comme porteuse dune véritable exigence de représentation au service du bien commun121. Ce phénomène peut notamment sexpliquer par le fait quà partir des années 1340, au plus tard, les communes ont acquis le droit de présenter au cours de chaque Parlement une « requête commune », qui contenait toutes les requêtes ou doléances concernant le bien de tous122 (selon Christopher Fletcher, de telles requêtes impliquaient explicitement toutes les classes sociales, si bien que la formule laconique et récurrente « pour commun profit » dépassait « une manifestation ponctuelle dintérêt mutuel123 »). De plus, le statut social des 439membres des communes du Parlement demeurait suffisamment indéfini pour quils puissent apparaître, au moins symboliquement, comme lincarnation dune part notable de la société124. En conséquence, puisque des personnes qui relevaient dun large spectre social se sentaient intégrées à une communauté imaginée légitimant laction du souverain, la conscience politique ne se limitait pas au seul lien dallégeance envers la personne royale, mais incluait aussi le sentiment dappartenance à une communauté politique qui intégrait potentiellement toute la société. Ce phénomène se traduisait par lusage de plus en plus répandu dune série de concepts (communauté du royaume, communitas, common et commons, ou encore, de manière plus courante durant notre période, la notion de common weal125) qui exprimaient lidée dune communauté politique dépassant le simple agrégat dintérêts et de groupes composant la société126.

Le sentiment dappartenance à une communauté politique était si fortement enraciné que les rebelles de certaines insurrections populaires, à linstar de la révolte des paysans de 1381, se présentaient comme agissant au nom du bien commun (les émeutiers sétaient dépeints comme les « trew communes » ou encore comme les « loyals comunes dAngleterre127 »). De même, durant la révolte de Jack Cade en 1451, les rebelles du Kent avaient défendu la légitimité de leur marche sur Londres au nom du common weal et en se désignant comme les « trew lege menne » qui agissaient au nom de « alle the comynealte of Ynglond128 ». À un plus haut niveau, le discours propagandiste de certaines factions politiques pouvait délibérément mettre laccent sur de tels concepts pour séduire les esprits, ce qui suggère que les esprits en question étaient déjà, au préalable, réceptifs aux messages diffusés. La propagande yorkiste a ainsi cherché à exploiter le sentiment de désarroi et de honte provoqué par la défaite en France, à lexemple du manifeste diffusé par le Duc Richard dYork en 1452, pour défendre sa cause au nom de lhonneur 440national blessé129. Le Duc dYork était en effet bien conscient de la force politique quil pouvait retirer en se présentant comme le défenseur de lintérêt collectif130. Dailleurs, selon John Watts, la politique yorkiste durant les années 1450-1470 était presque une politique de bien commun qui se préoccupait de tous les membres de la communitas, les puissants comme les humbles131.

Dans le même ordre didée, il est frappant de constater que lexaltation des valeurs chevaleresques chez les nobles et gentlemen était susceptible daller de pair avec des appels au bien commun, comme lillustre la guerre privée qui avait opposé Lord Bonville et le Comte du Devon. Les lettres de défi échangées par les deux hommes mélangeaient le discours chevaleresque traditionnel et ses appels à lhonneur, à la loyauté et à la vaillance, avec limpératif de défense du common weal. Ainsi Bonville avait recouru dans la lettre de défi quil avait adressée à son rival en 1455, non seulement à des provocations invoquant, sans surprise, la lâcheté et la trahison de son adversaire, mais également la nuisance quil représentait pour le « commune wele ». Outre le fait daffirmer sa supériorité en tant que chevalier loyal, Bonville se présentait aussi comme le champion du bien commun sapprêtant à donner une correction justifiée au Comte du Devon, dépeint comme un fauteur de troubles et un persécuteur des bons sujets du roi. Un tel argumentaire est dautant plus digne dintérêt quil ne semble pas constituer un simple procédé rhétorique, puisque Bonville usait de tous les arguments possibles pour provoquer son adversaire et le contraindre à accepter son défi, compte tenu du fait que ce dernier était alors en position de force et navait donc guère intérêt à se lancer dans cette aventure périlleuse. Devon lui avait dailleurs répondu à son tour en utilisant des provocations similaires132.

Dans ces conditions, les conclusions de John Watts qui évoquent une « communauté de masse » en émergence à la fin du Moyen Âge133, ou encore celles de Jean-Philippe Genet qui postule lexistence potentielle dune « société civique134 », apparaissent tout à fait crédibles. Le royaume 441dans son entier se ressentait probablement dans une certaine mesure comme une unité politique, avec pour corollaire naturel laffirmation du caractère public de lautorité royale135. Le poète John Gower se fait lécho de cette dimension lorsquil insiste sur la nécessité pour tous les membres du corps politique de jouer leurs rôles au nom de lintérêt commun, tandis quil incombe au roi, à linstar de David, le harpiste suprême, dharmoniser leurs efforts pour le bien commun136. Dans le même esprit, la traduction remaniée de lœuvre de Végèce, Knyghthode and bataile, composée dans une perspective pro-Lancastre dans les années 1460, use de la métaphore du timonier conduisant à bon port son navire, y compris dans la tempête, pour lassimiler au bon souverain dont lhonneur est présenté comme explicitement lié à son service envers le royaume : cest seulement parce que le dirigeant sait comment protéger son équipage quil gagne « grete honour ». Dailleurs, un vaisseau offre une analogie idéale pour une communauté politique : dans cet espace très resserré, même le plus humble se doit de contribuer au « salus » commun, tandis quun tyran égoïste ferait sombrer lensemble dans la mer137. Sir John Fortescue faisait pareillement de la capacité du roi à agir au nom de son royaume une condition essentielle de son honneur138. Il ne faut pourtant pas sy tromper : le roi était clairement la figure centrale et personne ne songeait à remettre en cause ce principe, mais il était néanmoins jugé sur sa capacité à œuvrer au nom de la communauté du royaume. On peut certainement voir dans ce phénomène les prémices de lémergence dune « idéologie dÉtat moderne », cest-à-dire, comme le souligne Quentin Skinner, dune forme de pouvoir public abstrait distinct du prince et de ses 442sujets139. De ce fait, le roi nétait pas seulement le good lord de tous les good lords, mais également lincarnation dune communauté politique élargie140, qui trouvait notamment son expression dans le concept abstrait de la couronne (qui symbolisait les attaches étroites liant le roi, le royaume et lintérêt commun).

Cependant, même si lon peut sans doute parler de lémergence dune « société civique » résultant dun dialogue institutionnel, agir au nom de lintérêt public ne pouvait pas encore avoir le caractère impersonnel propre aux États modernes : il nétait nullement question dans lAngleterre de la fin du Moyen Âge dun principe de souveraineté conçu comme un ordre constitutionnel rationnel, légal et impersonnel, dont les agents ou les institutions possédaient le pouvoir incontesté de contrôler un territoire donné141. Pour toutes les raisons que nous avons déjà soulignées, le pouvoir royal devait toujours saccommoder des réalités dune société inégalitaire, caractérisée par limportance fondamentale des relations à caractère personnel, en sappuyant, directement ou indirectement, sur les ressources privées dhommes à son service142. Seule une fraction de lautorité administrative et judiciaire reposait ainsi sur un gouvernement central. Pour lécrasante majorité de la population, cette autorité était exercée, déléguée, appropriée par des individus ou corporations disposant dune autorité propre avec lesquels le roi se devait de composer. Comme le souligne Jean Philippe Genet, « la société politique de la fin du Moyen Âge nest pas une société de citoyens égaux, mais une société dominée par une aristocratie structurée par le bastard feudalism143 ». Cette réalité avait une double conséquence. Dune part, la couronne devait veiller à ne pas simmiscer trop ouvertement dans les mécanismes régulateurs traditionnels de la société, en laissant les élites locales défendre leurs intérêts selon leurs propres valeurs devant les cours de loi ou dans leurs fonctions dofficiers locaux (dune certaine façon, la logique de représentation a probablement accru le phénomène : puisque le roi gouvernait au nom 443de la société, il était normal quil en respecte les valeurs). Dautre part, ceci impliquait également quun monarque ne pouvait pas faire limpasse sur ses relations personnelles directes avec les membres des classes terriennes, en particulier de la noblesse, qui constituaient la chair et les os de son propre pouvoir. Michael Clanchy invite en conséquence à ne pas négliger limportance des « Kings Friends » dans le fonctionnement du système politique144, ce qui explique la place cruciale accordée aux vertus personnelles dans les théories du pouvoir (là encore, le devoir de représentativité du souverain a peut-être aussi favorisé le phénomène, puisque cela impliquait que le roi tirait sa légitimité dune société politique qui existait indépendamment de sa propre personne : le corps public du roi et son corps privé demeuraient dissociés, si bien que le roi ne pouvait pas prétendre à une obéissance inconditionnelle en tant quincarnation du corps politique, et se devait donc de démontrer ses qualités personnelles pour exiger la loyauté de ses sujets145).

Dans un tel contexte, la poursuite dune politique publique ne pouvait que passer par des canaux privés, puisque cétait le seul moyen pour les rois dêtre aptes à incarner la communitas. De ce fait, le pouvoir royal était fondamentalement un pouvoir de nature privée aux implications publiques, les dispositions privées du roi déterminant sa capacité à représenter la communauté du royaume, sa persona publica découlant largement de sa persona privata. Il nest dès lors guère surprenant de constater que les écrivains des traités politiques comme ceux des miroirs aux princes sattachaient tant à exalter les vertus honorables et chevaleresques attendues des souverains, puisque tout lédifice politique reposait sur la valeur personnelle du monarque146. Pour autant, les exigences honorables qui pesaient sur la personne du roi nen devaient pas moins être placées en adéquation avec un plus large devoir de représentativité. Dans ces conditions, lune des difficultés majeures auxquelles faisaient face les rois était de concilier leurs différentes sphères daction : bien que la force du souverain fût dabord dessence privée, en tant que garant de la loi, 444source de la justice et représentant de la communauté du royaume, il se devait néanmoins dœuvrer au nom dun intérêt général qui dépassait largement ses propres attaches personnelles147. Le contrôle de la cour et le patronage royal nétaient en effet jamais suffisants pour assurer une autorité incontestée148, si bien que les logiques de patronage, de clientèle, de lordship et dhonneur prenaient largement sens pour agir au nom dune communauté politique élargie. Cest dailleurs justement en raison de telles attentes « publiques » pesant sur le souverain que son incapacité à les satisfaire pouvait savérer si problématique et dégénérer en de graves crises politiques149. En conséquence, les monarques étaient contraints de se livrer à un délicat jeu déquilibriste pour répondre aux attentes complexes, parfois contradictoires, pesant sur eux, en veillant tout à la fois sur leurs relations personnelles et immédiates avec leurs serviteurs, ministres et partenaires de laristocratie, ainsi que sur leur devoir dapparaître comme les défenseurs de lintérêt plus général de la communitas.

Cette double exigence de représentativité et de comportement honorable constituait dailleurs la grande fragilité du système politique anglais : puisquil existait un lien causal entre les espaces les plus intimes de gouvernement et le fonctionnement de la politique à léchelle du royaume, toute défaillance personnelle dun roi était porteuse dun grave risque de disjonction entre la personne du souverain et lintérêt public. Un souverain comme Richard II a ainsi fait les frais de cette réalité, car son comportement choquant aux yeux des contemporains, sa manière de procéder, son acharnement à poursuivre ses ennemis personnels, sa propension à bafouer sa parole, ont eu pour conséquence quil avait en quelque sorte brisé le pacte implicite qui lunissait à ses sujets150. Durant les crises politiques, le véritable problème nétait pas en effet celui du pouvoir monarchique en lui-même, que personne navait intérêt ni ne songeait à remettre en cause, mais la possible accession au trône dun monarque au comportement inadéquat (John Watts a dailleurs souligné que les nombreuses usurpations de la période soulignaient paradoxalement limportance croissante 445de la royauté : la solution qui aurait consisté à diminuer le pouvoir royal aurait été inacceptable, car le système requérait obligatoirement un roi compétent à la capacité dinitiative sans entraves, en mesure de garantir la stabilité de la société politique et dagir au nom du bien commun, doù le recours au renversement pour préserver les prérogatives royales tout en résolvant le problème dun souverain « incapable151 »).

Il est significatif de constater à ce propos que même un chroniqueur aristocratique du xive siècle comme Sir Thomas Gray, qui ne manquait pourtant pas de dénoncer la faillite dÉdouard II par rapport aux idéaux de comportement chevaleresque, était néanmoins très clair quant au rôle déterminant de la royauté et au devoir dobéissance des sujets à son égard. En effet, à la suite de la déposition dÉdouard II, sinterrogeant sur la propension des Anglais à la révolte, Thomas Gray soulignait que pour être forte une « nation » doit être guidée par un seul esprit « pour préserver la dignité de ses seigneurs », à limage de leau, lélément le plus puissant qui soit car tous ses composants convergent dans le même sens. Il considérait dès lors que les désirs individuels se devaient dêtre subordonnés au bien-être de la communauté, dont lintérêt sexprime dans la dignité et le pouvoir incontesté du monarque. Il affirmait même que les États qui correspondent le plus à un tel principe de fonctionnement sont les moins susceptibles de voir se produire des révolutions ou des usurpations, qui constituent « le plus grand déshonneur pour le peuple152 ». Cette dénonciation de la faillite personnelle du roi, assortie dun éloge du pouvoir royal, semble symptomatique de la nature du système politique anglais, fondé sur une étroite imbrication de principes « féodaux » et « modernes ». Cest sans doute pour cette raison que tant dhistoriens, tel Bruce McFarlane, se sont focalisés sur les qualités personnelles des rois comme facteurs déterminants des crises politiques153, en négligeant les enjeux se cachant derrière les questions de vertu et dhonneur. Pourtant, si le comportement jugé indigne dun monarque constituait bien souvent le déclencheur des crises politiques, celles-ci étaient dabord graves parce quelles mettaient beaucoup plus en jeu. Il sagit là de la faiblesse majeure dun système où 446les logiques privées et publiques étaient intimement imbriquées. Toutefois, en dépit de cette fragilité intrinsèque propre à lédifice politique, un roi qui parvenait à veiller sur son good name tout en gouvernant au nom de lintérêt commun, disposait alors non seulement de lords fidèles prêts à le soutenir, mais aussi de lappui dune communitas entière, lui permettant de brandir un formidable pouvoir.

En fin de compte, le système politique de lAngleterre de la fin du Moyen Âge ne constituait ni un simple agrégat dintérêts privés, ni un État public moderne, mais un ensemble complexe, fondé sur une subtile alchimie entre différents éléments dont le pouvoir royal est lexemple le plus significatif. Cest tout le paradoxe dun État caractérisé par une structure institutionnellement très développée pour la période, impliquant notamment la participation dune véritable communauté politique élargie, mais qui nen était pas moins profondément marqué par des logiques personnelles de clientèle, de patronage, de lordship, de loyauté et dhonneur. Il sagit du résultat logique du caractère consensuel, participatif et représentatif dun régime dans lequel lautorité publique était diffusée à travers la société. Ce phénomène facilitait dun côté la pénétration des standards étatiques et laffirmation des structures institutionnelles, parce que ces éléments étaient fondamentalement acceptés et non subis. Mais ce principe de fonctionnement impliquait aussi une nécessaire mise en adéquation des structures politiques avec les réalités sociales de lépoque : dans un système basé sur une coopération vitale entre le roi et les élites de la société, où lautorité publique nétait pas suffisamment conceptualisée pour garantir lexercice dun pouvoir incarné dans des institutions impersonnelles, les acteurs des structures politiques, y compris le roi, devaient obligatoirement composer avec les modes de régulation traditionnels dont ils demeuraient tributaires afin de garantir leurs positions et leurs capacités daction.

Raoul Fievet

Docteur en histoire et archéologie des mondes anciens et médiévaux de luniversité de Nice

1 D. J. D. Boulton, The Knights of the Crown : The Monarchical Orders of Knighthood in Later Medieval Europe, 1325-1520, Woodbridge, Boydell Press, 1987, p. 2.

2 W. Ullmann, The Individual and Society in the Middle Ages, Baltimore, Johns Hopkins University Press, 1966, p. 66-67.

3 G. Harriss, Shaping the Nation : England 1360-1461, Oxford, Oxford University Press, 2007, p. 5-6.

4 Voir P. Lewis, « France in the Fifteenth Century : Society and Sovereignty », Europe in the Late Middle Ages, éd. J. R. Hale, J. R. L. Highfield et B. Smalley, Evanston, Northwestern University Press, 1965, p. 276-300, ici p. 279.

5 A. Demurger, Temps de crises, temps despoirs, xive-xve siècle, Paris, Éditions du Seuil, 1990, p. 155-164.

6 C. Gauvard, “De Grace especial”. Crime, état et société en France à la fin du Moyen Age, Paris, Publications de la Sorbonne, 1991, p. 749, 751-752.

7 Harriss, Shaping the Nation, p. 5-6.

8 M. A. Hicks, English Political Culture in the Fifteenth Century, Londres, Routledge, 2002, p. 26.

9 Ph. Contamine, Charles VII : Une vie, une politique, Paris, Perrin, 2017, p. 425.

10 P. Lewis, « Reflections on the Role of Royal Clientèles in the Construction of the French Monarchy (mid-xivth / end-xvth centuries) », LÉtat ou le roi : les fondations de la modernité monarchique en France (xive-xviie siècles), éd. N. Bulst, R. Descimon et A. Guerreau, Paris, Maison des sciences de lhomme, 1996, p. 51-67 ; G. Prosser, « “Decayed Feudalism” and “Royal Clienteles” : Royal Office and Magnate Service in the Fifteenth Century », War, Government and Power in Late Medieval France, éd. C. Allmand, Liverpool, Liverpool University Press, 2000, p. 175-189.

11 A. Demurger, « Guerre civile et changements du personnel administratif dans le royaume de France de 1400 à 1418 : lexemple des baillis et des sénéchaux », Francia, 6, 1978, p. 151-225, ici p. 202.

12 N. Grévy-Pons, « Propagande et sentiment national pendant le règne de Charles VI : lexemple de Jean de Montreuil », Francia - Forschungen zur westeuropäischen Geschichte, vol. 8, 1980, p. 127-146, ici p. 134.

13 A. Bossuat, « La formule “Le roi est empereur en son royaume”. Son emploi au xve siècle devant le Parlement de Paris », Revue historique de droit français et étranger, série 4, 39, 1961, p. 371-381, ici p. 380 ; S. M. Babbitt, Oresmes Livre de Politiques and the France of Charles V, American Philosophical Society, 1985, p. 40-41.

14 Ph. Contamine, « Noblesse française, nobility et gentry anglaises à la fin du Moyen Âge. Une comparaison », Cahiers de Recherches Médiévales et Humanistes, 13, 2006, p. 105-131, ici p. 128.

15 H. Kim, The Knight Without the Sword : A Social Landscape of Malorian Chivalry, Cambridge, D. S. Brewer, 2000, p. 8.

16 J.-Ph. Genet, La genèse de lÉtat moderne : culture et société politique en Angleterre, Paris, Presses universitaires de France, 2003, p. 3.

17 S. L. Waugh, « England : Kingship and the Political Community, 1272-1377 », A Companion to Britain in the Later Middle Ages, éd. S. H. Rigby, Oxford, Blackwell, 2003, p. 208-223, ici p. 208.

18 G. Harriss, « Political Society and the Growth of Government in Late Medieval England », Past and Present, 138, 1993, p. 28-57, ici p. 47-51.

19 F. Pilbrow, « The Knights of the Bath : Dubbing to Knighthood in Lancastrian and Yorkist England », Heraldry, Pageantry and Social Display in Medieval England, éd. P. R. Coss et M. H. Keen, Woodbridge, Boydell Press, 2002, p. 195-218, ici p. 215.

20 R. A. Griffiths, The Reign of King Henry VI : The Exercise of Royal Authority, 1422-1461, Berkeley et Los Angeles, University of California Press, 1981, p. 574-575 ; J. A. Wagner, Encyclopedia of the Wars of the Roses, Oxford, ABC CLIO, 2001, p. 69.

21 J. Watts, Henry VI and the Politics of Kingship, Cambridge, Cambridge University Press, 1999, p. 79 et 99.

22 J.-Ph. Genet, Les îles Britanniques au Moyen Âge, Paris, Hachette, 2005, p. 237.

23 Genet, La genèse de lÉtat moderne, p. 12.

24 Hicks, English Political Culture in the Fifteenth Century, p. 187.

25 Harriss, « Political Society and the Growth of Government », p. 30-33.

26 H. Castor, The King, the Crown, and the Duchy of Lancaster : Public Authority and Private Power, 1399-1461, Oxford, Oxford University Press, 2000, p. 5.

27 B. P. Wolffe, The Royal Demesne in English History, Londres, Allen and Unwin, 1971, p. 34, 38-40, 52-58, 65, 72-73 ; G. Harriss, King, Parliament, and Public Finance, Oxford, Clarendon Press, 1975, p. 149-150, 156-159 ; J. R. Studd, « The Lord Edward and King Henry III », Bulletin of the Institute of Historical Research, 60, 1977, p. 4-19, ici p. 4-5.

28 E. Powell, « Law and Justice », Fifteenth-Century Attitudes : Perceptions of Society in Late Medieval England, éd. R. Horrox, Cambridge, CUP Archive, 1997, p. 29-41, ici p. 36 ; P. Maddern, « Gentility », Gentry Culture in Late Medieval England, éd. R. Radulescu, A. Truelove, Manchester, Manchester University Press, 2005, p. 18-34, ici p. 31.

29 Watts, Henry VI and the Politics of Kingship, p. 9.

30 Genet, La genèse de lÉtat moderne, p. 41.

31 A. Gransden, Historical Writing in England : c. 1307 to the Early Sixteenth Century, Londres, Routledge, 1998, p. 36.

32 É. Bournazel, Le gouvernement capétien au xiie siècle (1108-1180). Structures sociales et mutations institutionnelles, Paris, PUF, 1975, p. 74 et 91.

33 T. K. Keefe, Feudal Assesments and the Political Community under Henry II and his Sons, Berkeley, 1983, p. 93-96, 110-112.

34 M. Aurell, Lempire des Plantagenêt (1154-1224), Paris, Perrin, 2004, p. 64.

35 Même si cette division nexcluait naturellement pas les interactions, elle a probablement constitué une entrave à la coopération jusquà la fin du Moyen Âge, les grands princes territoriaux étant plus désireux de sémanciper du pouvoir royal que de peser sur le centre du gouvernement. Voir Contamine, « Noblesse française, nobility et gentry anglaises à la fin du Moyen Âge », p. 127.

36 N. Elias, La dynamique de lOccident, Paris, Pocket, 2003, p. 20-22.

37 C. Given-Wilson, « The King and the Gentry in Fourteenth-Century England », Transactions of the Royal Historical Society, 5th series, 37, 1987, p. 87-102, ici p. 99.

38 R. Horrox, « England : Kingship and the Political Community, 1377-c.1500 », A Companion to Britain in the Later Middle Ages, éd. S. H. Rigby, Oxford, Blackwell, 2003, p. 224-241, ici p. 225.

39 Ibid., p. 238-239.

40 Watts, Henry VI and the Politics of Kingship, p. 95.

41 C. Given-Wilson, The Royal Household and the Kings Affinity : Service, Politics and Finance in England 1360-1413, Londres, Yale University Press, 1986, p. 264-265 ; D. Starkey, « The Age of the Household : Politics, Society and the Arts », The Context of English Literature : The Later Middle Ages, éd. S. Medcalf, New-York, Holmes and Meier, 1981, p. 225-290, ici p. 268-271 et 273-274.

42 J. A. Tuck, Richard II and the English Nobility, Londres, St. Martins Press, 1973, p. 180 et 193-194 ; N. Saul, Richard II, Londres, Yale University Press, 1997, p. 265-268 et 444-445 ; P. Fleming, « Politics », Gentry Culture in Late Medieval England, p. 50-62, ici p. 56.

43 Castor, The King, the Crown, and the Duchy of Lancaster, p. 20.

44 C. Carpenter, Locality and Polity : A Study of Warwickshire Landed Society, 1401-1499, Cambridge, Cambridge University Press, 1992, p. 393 et 628.

45 C. Beaune, « Chapitre vii. Cérémoniaux et politique », Les monarchies, Paris, Presses Universitaires de France, 1997, p. 205-223, ici p. 206.

46 M. H. Keen, « Chivalry and English Kingship in the Later Middle Ages », War, Government and Aristocracy in the British Isles, c. 1150-1500 : Essays in Honour of Michael Prestwich, éd. C. Given-Wilson, A. J. Kettle et L. Scales, Woodbridge, Boydell Press, 2008, p. 250-266, ici p. 260-261.

47 D. Green, The Hundred Years War : A Peoples History, New Haven et Londres, Yale University Press, 2014, p. 112.

48 Aurell, Lempire des Plantagenêt, p. 135-136.

49 N. M. Fryde, Why Magna Carta ? Angevin England Revisited, Hamborg, 2001, p. 53.

50 A. Boureau, Le simple corps du roi. Limpossible sacralité des souverains français, xve-xviiie siècle, Paris, éd. De Paris, 1988, p. 24-42.

51 A. Boureau, « Un obstacle à la sacralité royale en Occident. Le principe hiérarchique », La royauté sacrée dans le monde chrétien, éd. A. Boureau et C. S. Ingerflom, Paris, Éditions de lEHESS, 1992, p. 29-37.

52 A. Guéry, « Le roi est Dieu, le roi et Dieu », LÉtat ou le roi. Les fondations de la modernité monarchique (xive-xviie siècles), p. 27-47, ici p. 28.

53 Genet, La genèse de lÉtat moderne, p. 76.

54 R. Telliez, Les institutions de la France médiévale : xie-xve siècle, Paris, Armand Colin, 2016, Chap. 2.2 « Du suzerain au souverain ».

55 É. Bournazel, « Réflexions sur linstitution du conseil aux premiers temps capétiens (xiie-xiiie siècles), Cahiers de recherches médiévales, 7, 2000, consultable sur le site des CRMH.

56 Contamine, Charles VII, p. 445-446.

57 J.-Ph. Genet, « La France est-elle née dans la guerre ? », LHistoire, 380, 2012, p. 76-80, ici p. 80.

58 C. Allmand, La Guerre de Cents Ans, Paris, Points, 2013, p. 175-176.

59 J. H. Burns, « Fortescue and the Political Theory of Dominium », Historical Journal, 28, 1985, p. 777-797.

60 E. Kendall, Lordship and Literature : John Gower and the Politics of the Great Household, Oxford, Clarendon Press, 2008, p. 29.

61 Green, The Hundred Years War, p. 113.

62 R. W. Kaeuper, Guerre, justice et ordre public : lAngleterre et la France à la fin du Moyen Âge, Paris, Aubier, 1994, p. 192.

63 M. Vale, War and Chivalry : Warfare and Aristocratic Culture in England, France, and Burgundy at the End of the Middle Ages, Londres, Duckworth, 1981, p. 170.

64 Watts, Henry VI and the Politics of Kingship, p. 65.

65 Contamine, « Noblesse française, nobility et gentry anglaises à la fin du Moyen Âge », p. 118.

66 Castor, The King, the Crown, and the Duchy of Lancaster, p. 17.

67 J. R. Lander, Conflict and Stability in Fifteenth-Century England, Londres, Hutchinson, 1969, p. 183.

68 K. B. McFarlane, The Nobility of Later Medieval England : the Ford Lectures for 1953 and Related Studies, Oxford, Clarendon Press, 1980, p. 120-121.

69 G. Harriss, « The Dimensions of Politics », The McFarlane Legacy : Studies in Late Medieval Politics and Society, éd. R. H. Britnell et A. J. Pollard, Stroud, Alan Sutton Publishing, 1995, p. 1-20, ici p. 5.

70 Waugh, « England : Kingship and the Political Community », p. 218.

71 M. H. Keen, English Society in the Later Middle Ages, 1348-1500, Londres, Allen Lane, 1990, p. 192-193.

72 En moyen anglais, la notion de truth constituait un concept qui englobait tout à la fois, en fonction des circonstances, les valeurs dhonnêteté, de loyauté, de droiture, de fidélité, dintégrité, de confiance et de franchise, lélément fondamental du caractère honorable dun homme. Voir D. G. Neal, The Masculine Self in Late Medieval England, Chicago, University of Chicago Press, 2008, p. 42.

73 « The kynge wasse then wrothe and seide vnto hym, “Thou arte a traytour. Wilt thou that I shulde socour my enemyes and enemyes off the reame ?”. Sir Henry Percye seide, “Traytour am I non, but a true man and as a true mon I speke”. The kynge drue to hym his dagger ; and then he seid to the kynge, “Not here but in the fielde”. And so he wente his way. » An English Chronicle, 1377-1461 : Edited from Aberystwyth, National Library of Wales MS 21068 and Oxford, Bodleian Library MS Lyell 34, éd. W. C. Marx, Woodbridge, Boydell Press, 2003, p. 33.

74 Hicks, English Political Culture in the Fifteenth Century, p. 26-27.

75 Fouke le Fitz Waryn, éd. E. J. Hathaway, Oxford, Anglo-Norman Text Society, 1975, p. 24.

76 M. H. Keen, Chivalry, New Haven, Yale Nota Bene, 2005, p. 247.

77 Harriss, Shaping the Nation, p. 4.

78 Horrox, « England : Kingship and the Political Community », p. 225.

79 Keen, « Chivalry and English Kingship in the Later Middle Ages », p. 257-258.

80 Nicholas Upton, The Essential Portions of Nicholas Uptons De studio militari, before 1446, Oxford, Clarendon Press, 1931, p. 16.

81 Watts, Henry VI and the Politics of Kingship, p. 38.

82 « Of knythod loodesterr, / Wis and riht manly, pleynly to termyne, / Riht fortunate, prrvid in pes and werr, / Gretly expert in marcial discipline, / Able to stoned among the Worthi Nyne. » John Lydgate, The Minor Poems, Londres, Early English Text Society, vol. II, 1934, p. 716.

83 A. Mairey, « Quest-ce que le peuple ? Quelques réflexions sur la littérature politique à la fin du Moyen Âge », Médiévales, 57, 2009, p. 54-74, ici p. 56-57.

84 « He medleth nevere but of thynges grete / And hye and virtuous ; he nevere is meeved / With smale thynges, as the bookes trete ; / And swich a drede hath for to be reprieved / That, unto thyng that may be knowe or preeved / For villenous or foul or repreevable, / He nevere obeyeth, this knyght honurable. » Thomas Hoccleve, The Regiment of Princes, Kalamazoo, Medieval Institute Publications, 1999, v. 3935-3948.

85 « Or a kyng swere, it is ful necessarie / Avyse him wel, for whan that it is past, / He may his ooth in no wyse contrarie / If he of shame or repreef be agast. / A kyng owith of word be stidefast ; / Nothyng byheete but he it parfourme / If he wole him to his estat confourme. » Ibid., v. 2332-2338 ; « Sweryng hath thise thre condicions / Folwyng, as trouthe, doom, and rightwisnesse. / Ooth axith trouthe and no decepcions, / But swere in his entente soothfastnesse / Doom moot discreetly, lest al hastynesse, / Swere, and nat needles ; and justice also, / Leeffully swere, and justly everemo. » Ibid., v. 2353-2359.

86 « After the kynges that ich itold / Regned a knight swithe bold : / Edward he het sikerly [] / He was a wel douty knight. » Anonymous Short English Chronicle, éd. E. Zettle, Londres, 1935, p. 11.

87 « Hii igitur circa regem conuersantes nichil quod deceret tantum militem informare curabant ; non dico tantum armorum usum, set nec ea que maxime reges generosos decent in pace, uidelicet, ueneracionem uel aucupacionem, aut hiis similia, quibus regius honor crescit. » Thomas Walsingham, The St Albans Chronicle, Oxford, Oxford University Press, 2003, p. 814.

88 Worcester, secrétaire au service de lillustre combattant Sir John Fastolf, est lauteur du Boke of Noblesse, un traité composé durant la seconde moitié du xve siècle dans le dessein de stimuler la reprise de la guerre en France.

89 « [] like as it shewethe welle at this tyme of what worship they have bene by here victorious dedis, for they in difference of other nacions have ever ewred and shewed the renomme and excellence of youre highe and mighty antecessours corages, aswelle in straunge regions as among the Sarrazyns in the region of Sirie and Turkie, as in the said neere regions of Fraunce, Spayne, Lumpbardie, Spruce, and other countrees. » William Worcester, The Boke of Noblesse : Addressed to King Edward the Fourth on His Invasion of France in 1475, Londres, Roxburghe Club, 1860, p. 43.

90 « [] and alle ye other noble princes and other puissaunt lordes and nobles of divers astates olde or yong, of so auncien a stok and of so worthy a lineage ». Ibid., p. 43.

91 R. Radulescu, The Gentry Context for Malorys Morte Darthur, Woodbridge, DS Brewer, 2003, p. 100-104.

92 « The sheriff is not so whole as he was [wrote Pastons servants] for now he will show but a part of his friendship [] also the sheriff informed us that he hath writing from the king that he shall make such a panel to acquit the Lord Moleyns. And he told us, and as far as we can conceive and feel, the sheriff will panel gentlemen to acquit the lord, and jurors to acquit his men ; and we suppose that this is by the motion and means of the other party. » N. David (éd.), Paston Letters and Papers of the Fifteenth Century, Oxford, Clarendon, 1971-1976, vol. II, p. 477-479.

93 Kaeuper, Guerre, justice et ordre public, p. 195-196.

94 Powell, « Law and Justice », p. 37.

95 « [] unto hym bounteously and largely the pleintith of his good Lordship [] to thentent that therby, of verray gentilnes and the noble honour that oweth to be grounded in every Gentilman, he shuld have been stablisshed in ferme feith and trouth unto his Highnes, according to his seid duete of Ligeaunce [] » Cité dans M. A. Hicks, Richard III and His Rivals : Magnates and Their Motives in the Wars of the Roses, Londres, Continuum International Publishing Group, 1991, p. 157.

96 M. H. Keen, The Laws of War in the Late Middle Ages, Londres, Routledge & K. Paul, 1965, p. 46-47.

97 R. F. Green, A Crisis of Truth, Philadelphie, University of Pennsylvania Press, 2002, p. 230-232.

98 A. King, « War and Peace : A Knights Tale. The Ethics of War in Sir Thomas Grays Scalacronica », éd. C. Given-Wilson, A. J. Kettle et L. Scales, War, Government and Aristocracy in the British Isles, c. 1150-1500 : Essays in Honour of Michael Prestwich, Woodbridge, Boydell Press, 2008, p. 148-162, ici p. 148-149 ; A. King, « Scaling the Ladder : the Rise and Rise of the Grays of Heaton, c. 1296-c. 1415 », North-East England in the Later Middle Ages, éd. C. D. Liddy et R. H. Britnell, Woodbridge, 2005, p. 57-73, ici p. 65.

99 « [] qi fe tenoit tout coy en pefe qi rien ne fe entremift de honour ne pruefce ». Scalacronica, p. 150.

100 « [] il fift tout qi tout ly defcounfailloit a cheualery, delitaunt foy en auarice et en delitz du corps, defheritaunt fez gentz qe auoint rebellez encountre ly, et a deuenir meifmes riches dez grantz poffeffiouns de terres. » Ibid., p. 150.

101 « Thow arte a feyre mon, but thow arte falseeste of all men. Thou promised me and ensured me, swerynge be Goddes body, that thow woldeste do my brother no harme. And when I hadde broght hym to the into thi presence, I myghte neuer see hym after. Thou promised me also to calle me in haste agayne fro my exile and that ther shulde be non other archbisshoppe off Caunturbury but I while lived, and nowe thou haste made another archbisshoppe and also procured my dethe. » An English Chronicle, 1377-1461, p. 23.

102 Hicks, English Political Culture in the Fifteenth Century, p. 136.

103 Green, A Crisis of Truth, p. 226-227.

104 « And there Kynge Henry brake his othe and grement made be twene hym and his trewe lordis, and so wyckedly for sworne went to the contrary parte of the northe, and disseyved his trewe lordis that stode in grete jopardy for his sake, Northeffolke, Warwyke, with other moo, whiche were full fayne to scape with her lyves ». J. Gairdner (éd.), Three Fifteenth-Century Chronicles, with Historical Memoranda by John Stowe, the Antiquary, and Contemporary Notes of Occurrences Written by Him in the Reign of Queen Elizabeth, Westminster, Camden Society, 1880, p. 76.

105 Horrox, « England : Kingship and the Political Community », p. 232.

106 R. R. Davies, B. Smith, Lords and Lordship in the British Isles in the Late Middle Ages, Oxford, Oxford University Press, 2009, p. 2.

107 Ibid., p. 4.

108 Gransden, Historical Writing in England, p. 312.

109 John Rous, Pageant of the Birth, Life and Death of Richard Beauchamp, Earl of Warwick, K.G., 1389-1439, Londres, Longmans Green, 1914, p. 49.

110 Ibid., p. 76.

111 Ibid. p. 93.

112 Ibid., p. 86-88.

113 Ibid., p. 73.

114 Pilbrow, « The Knights of the Bath », p. 214-215.

115 Gransden, Historical Writing in England, p. 312.

116 N. Saul, For Honour and Fame : Chivalry in England, 1066-1500, Londres, Random House, 2011, p. 279.

117 J. T. Rosenthal, Nobles and the Noble Life, 1295-1500, Allen and Unwin, 1976, p. 42.

118 Kaeuper, Guerre, justice et ordre public, p. 192.

119 N. Saul, The Three Richards, Londres, Bloomsbury Academic, 2005, p. 94.

120 Castor, The King, the Crown, and the Duchy of Lancaster, p. 17.

121 C. Fletcher, « De la communauté du royaume au common weal : les requêtes anglaises et leurs stratégies au xive siècle », Revue française dhistoire des idées politiques, 32, 2010, p. 359-372.

122 C. Fletcher, « La communauté anglaise face à létranger : la loi de marque, le bien commun et la dot de Lucia Visconti († 1422) », Cahiers de Recherches Médiévales et Humanistes, 19, 2010, p. 105-122, ici p. 116.

123 Fletcher, « De la communauté du royaume au common weal », p. 359-372.

124 J. Watts, « “Les communes” : le sens changeant dun mot au cours du xve siècle », La sociedad politica a fines del siglo xv en los reinos ibéricos y en Europa, éd. V. Challet, Valladolid, Université de Valladolid, Publications de la Sorbonne, 2007, p. 197-216.

125 P. Withington, Society in Early Modern England, Cambridge, Polity, 2010, p. 140.

126 Harriss, « Political Society and the Growth of Government », p. 53-57.

127 Genet, La genèse de lÉtat moderne, p. 105 ; Fletcher, « La communauté anglaise face à létranger », p. 107 ; Watts, « “Les communes” », p. 203.

128 I. M. W. Harvey, Jack Cades Rebellion, Oxford, Clarendon Press, 1991, p. 186-191.

129 Keen, English Society in the Later Middle Ages, p. 158-159.

130 M. H. Keen, England in the Later Middle Ages : A Political History, Londres, Routledge, 2003, p. 362.

131 Watts, « “Les communes” », p. 205.

132 Hicks, Richard III and His Rivals, p. 47-49.

133 Watts, « “Les communes” », p. 209-216.

134 Genet, La genèse de lÉtat moderne, p. 102.

135 B. Tierney, Religion, Law and the Growth of Constitutional Thought, Cambridge, Cambridge University Press, 1983, p. 21, 23, 24-25, 70, 75.

136 Harriss, Shaping the Nation, p. 10.

137 « This Reume in Thoccian of propur kynde / Withoute wynde hath his commotioun, / The maryner therof may not be blinde, / But whenne and where in euery region / It regneth, he moste haue inspectioun ; [] The Maister Marynere, the gouernour, / He knoweth euery cooste in his viage / And port saluz ; and forthi grete honour / He hath, as worthi is, and therto wage. » Cité dans D. Wakelin, Humanism, Reading, and English literature, 1430-1530, Oxford, Oxford University Press, 2007, p. 89-90.

138 « Also it is the kings honour and also his office to make his realm rich », « and it is his dishonour when that he hath but a poor realm, of which men will say that he reigneth but upon beggars, yet it were much greater dishonour if he found his realm rich and then made it poor ». Sir John Fortescue, The Governance of England otherwise called the difference between an absolute and a limited monarchy, Oxford, Clarendon Press, 1885, p. 139-140.

139 Q. Skinner, The Foundations of Modern Political Thought, Cambridge, Cambridge University Press, 1978, vol. II, p. 353-355.

140 Horrox, « England : Kingship and the Political Community », p. 225.

141 A. J. Slavin, « The Tudor State, Reformation and Understanding Change : Through the Looking Glass », Political Thought and the Tudor Commonwealth : Deep Structure, Discourse, and Disguise, éd. P. A. Fideler et T. F. Mayer, Londres et New-York, Routledge, 1992, p. 229-260, ici p. 230.

142 Kendall, Lordship and Literature, p. 28-29.

143 Genet, Les îles Britanniques au Moyen Âge, p. 243.

144 M. T. Clanchy, « Law, Government, and Society in Medieval England », History, 59, 1974, p. 73-78.

145 Hicks, English Political Culture in the Fifteenth Century, p. 45.

146 J. Watts, « Usurpation in England. A Paradox of State-Growth », Coups dÉtat à la fin du Moyen Âge ? Aux fondements du pouvoir politique en Europe occidentale, éd. F. Foronda, J.-Ph. Genet et J. M. Nieto Soria, Madrid, Casa de Velázquez, 2005, p. 115-130, ici p. 121.

147 Castor, The King, the Crown, and the Duchy of Lancaster, p. 6 et 17.

148 Keen, England in the Later Middle Ages, p. 361.

149 F. M. Wright, Henry of Bolingbroke and the Revolution of 1399, Cornell University, 1949, p. 25-30.

150 S. Walker, « Richard IIs Views on Kingship », Rulers and Ruled in Late Medieval England : Essays Presented to Gerald Harriss, éd. R. E. Archer, G. L. Harriss et S. Walker, Londres, Continuum International Publishing Group, 1995, p. 49-64, ici p. 63.

151 Watts, « Usurpation in England. A Paradox of State-Growth », p. 119, 120 et 130.

152 « Tout enfi eft il dun nacioun qe dun corage mettount la mayn a maintener leftat lour siris qi ne defirent fors le bien eftre du comune, ne ne tirent autre acorde fingulerement. Entre tiel gent eft moult rerement vieu chaungement du fiecle, au mainz muement de leftat lour firis le greindre defhonour a le poeple. » Scalacronica, p. 153.

153 McFarlane, The Nobility of Later Medieval England, p. 120-121.