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Classiques Garnier

La strophe d’Hélinand dans Perceforest

  • Type de publication : Article de revue
  • Revue : Cahiers de recherches médiévales et humanistes / Journal of Medieval and Humanistic Studies
    2018 – 2, n° 36
    . varia
  • Auteur : Seláf (Levente)
  • Résumé : Le Roman de Perceforest contient près de 70 poèmes : lais narratifs, ballades, rondeaux, textes à rimes plates, etc. La strophe d’Hélinand est représentée parmi ces formes, avec trois occurrences, ainsi que des formules strophiques qui s’y apparentent. L’article présente leur place dans le répertoire poétique du roman. Le survol des formes poétiques utilisées permet de suggérer que l’auteur a voulu présenter l’évolution de la poésie, des formes archaïques jusqu’aux plus populaires du xive siècle.
  • Pages : 135 à 152
  • Revue : Cahiers de recherches médiévales et humanistes - Journal of Medieval and Humanistic Studies
  • Thème CLIL : 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
  • EAN : 9782406089537
  • ISBN : 978-2-406-08953-7
  • ISSN : 2273-0893
  • DOI : 10.15122/isbn.978-2-406-08953-7.p.0135
  • Éditeur : Classiques Garnier
  • Mise en ligne : 29/01/2019
  • Périodicité : Semestrielle
  • Langue : Français
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La strophe dHélinand
dans Perceforest

Le vaste roman de Perceforest a suscité de nombreux commentaires surtout depuis ces dernières années1. Ses insertions lyriques, en revanche, ont pu bénéficier dune attention particulière depuis longtemps, parce que même si lampleur du roman a retardé sa publication intégrale, Jeanne Lods a mis à la disposition du public scientifique les lais qui y sont insérés, bien avant que la publication du texte ne soit entamée2.

Lods a identifié au total vingt pièces lyriques dans Perceforest. En fait, il y a beaucoup plus que vingt textes versifiés dans le roman, mais elle a écarté les nombreuses inscriptions (à une seule exception), qui sont composées dans des formes diverses, souvent à rimes plates, et certains autres textes dont elle na peut-être pas reconnu le caractère lyrique. Selon Lods, Roussineau et les autres critiques qui se sont occupés du roman, le caractère des insertions et la manière dont lauteur les utilise imitent le Roman de Tristan en prose ; il est fort probable néanmoins que le Tristan en prose nétait pas lunique source dinspiration de lauteur pour proposer un roman avec des lais insérés, même si la thématique bretonne rapproche les deux romans, et si une semblable interprétation des chansons avec accompagnement musical à la harpe suggère également cette imitation – tout comme la grande popularité du Tristan. Michelle Szkilnik évoque encore comme modèle potentiel le Roman de la Rose ou de Guillaume de Dole de Jean Renart, parce que la situation 136dénonciation de certains lais par des ménestrels devant la cour rapproche Perceforest de ce roman également populaire3. Ici, cependant, ce nest pas le modèle précis des insertions qui nous intéresse, mais le rôle de la strophe dHélinand dans le répertoire poétique de lauteur du Perceforest et sa conception de la poésie lyrique, chantée. Pour comprendre la signification de cette formule strophique pour lauteur, il faut dabord faire le bilan de lensemble des insertions dans le roman du point de vue de la forme, ensuite analyser les autres structures qui sont apparentées à la strophe dHélinand4.

Typologie des insertions dans Perceforest

Jeanne Lods parle d« insertions lyriques » à propos de sa sélection de vingt poèmes insérés dans le roman, mais du point de vue formel cet ensemble est assez hétérogène, même si elle a écarté les formes trop simples, les inscriptions souvent sans structure strophique, à rimes plates. Lods identifie quatre poèmes « purement narratifs » par leur contenu parmi les textes lyriques, mais à partir de la forme, on peut suggérer une classification plus détaillée5. Michelle Szkilnik quant à elle accepte la bipartition en « inscriptions » dune part et en « chansons et lais » 137dautre part6. Elle remarque aussi que nous ne connaissons jamais les auteurs des inscriptions qui émanent dun pouvoir surnaturel, tandis que les lais et chansons ont des créateurs parmi les personnages du roman.

Or une analyse formelle détaillée permet déjà de distinguer plusieurs types de poèmes parmi les chansons et lais7. Sans tenir compte du contenu, narratif ou lyrique, on peut les répartir en plusieurs catégories poétiques traditionnelles. On y trouve non seulement des formes lyriques classiques (IV, XIV-XX)8, mais aussi un groupe important de formes strophiques dites « non lyriques » (formes qui prennent ou pourraient prendre place dans le répertoire métrique de Gotthold Naetebus9 : IX, X, XI) et un groupe de poèmes particuliers, avec des traits « mixtes » (variantes des formes non-lyriques, compliquées par lajout dun refrain ou dun vers orphelin, ou autrement : I-III, V-VIII, XII et XIII). Pour pouvoir interpréter la signification de la forme hélinandienne pour lauteur du Perceforest, il est nécessaire de présenter brièvement toutes les formes strophiques du roman, sous un angle un peu différent de celui de Lods.

Mais avant de parcourir les insertions lyriques choisies par Lods, il faut mentionner que la strophe dHélinand apparaît également parmi les inscriptions écartées par elle comme « non lyriques ». Il est vrai que la plus grande partie de ces inscriptions sont à rimes plates, mais il y en a dautres, qui ont des formes strophiques, non seulement lEpitaphe de la Reine de la Roide Montagne quelle publie (X), mais aussi deux poèmes dune seule strophe dHélinand : Cy aour lon, nul ne sen feigne (17) dans la quatrième partie10 et Des Bretons la chevallerie (36) dans la 138sixième11. Dans la sixième partie du roman, la plus riche en vers, on rencontre encore dautres formes plus élaborées que les rimes plates : par exemple linscription qui commence par Or est la male œuvre prouvee (30), rimée abababbababaccdd avec des octosyllabes ; une autre, Or viengne avant qui doit despendre (43), rimée ababc12 ; et une forme très proche de la strophe dHélinand, un neuvain qui reproduit les neuf premiers vers de la formule hélinandienne, dans Le chastel est de tel nature (13 et 39). Ainsi nous voyons que la strophe dHélinand peut aussi sassimiler à la forme des inscriptions, majoritairement en couplets doctosyllabes à rimes plates : elle peut décorer les murs et émaner de cette voix mystérieuse qui donne des présages et des avertissements aux personnages du roman.

Les formes de la lyrique courtoise

Parmi les formes lyriques, la Chanson du Bossu de Suane (IV) est la plus artistique : composée de cinq coblas unissonans, avec une formule de rime quon ne retrouve pas dans le Répertoire métrique de Mölk et Wolfzettel (ababbbccbbc 10-10-10-10-10-10-4-6-10-10-10), elle est dune grande qualité. Par labsence de refrain, elle se rapproche de la forme traditionnelle du grand chant courtois du xiiie siècle et remplit tous les critères de ce genre. Si le septième vers, brisé à la césure par une rime intérieure, nétait compté que comme un seul décasyllabe (au lieu de deux vers de quatre et de six syllabes), alors la strophe pourrait être conçue comme un dizain de décasyllabes, ce qui ajoute au ton solennel du poème une touche délégance. Je ne voudrais pas exclure que cette brisure du septième vers puisse être mise en relation avec la difformité physique du Bossu qui compose cette chanson : la forme avec onze vers serait ainsi encore plus subtile, même sil lui manque quelque chose pour atteindre la perfection du dizain de décasyllabes.

Nous trouvons toujours dans la sixième et dernière partie du roman quatre ballades amoureuses de trois strophes chacune, sans envoi (XVII : Moult sui tenu ; XVIII : Vous qui avez eü ottroy damie, XIX : Rossignolet 139qui chantes sur la branche ; XX : Ha ! papegay, tu sces plus dun langaige). La ballade est une forme qui se rattache déjà plus à la mode poétique des xive et xve siècles que la chanson du Bossu, plus proche de lesthétique du xiiie siècle. Il y a encore un troisième groupe de compositions strictement lyriques dans le roman, à savoir deux débats amoureux de sept strophes chacun (numéros XIV et XV chez Lods, appelés partures dans le texte) et le jugement commun qui en est donné (XVI, une strophe) : selon la classification moderne des genres lyriques courtois, on pourrait parler de deux jeux-partis sur une thématique amoureuse (avec une décision dune seule strophe13). Toutes ces compositions sont unissonans, donc elles utilisent les mêmes rimes dans le même ordre dans chaque strophe, et ainsi la même distribution de rimes féminines et masculines.

Ajoutons encore que Lods na pas édité les rondeaux qui se trouvent vers la fin du roman et qui sont chantés lors des festivités. Peut-être a-t-elle eu du mal à reconnaître le caractère lyrique de ces pièces, mais lédition proposée par Roussineau ne laisse aucun doute à ce sujet. La forme des rondeaux 45-48 correspond à la forme qui est enregistrée comme aaabab, numéro 181 du Répertoire métrique de Mölk et Wolfzettel ; cest la forme la plus fréquente de ce genre, dont il y a pas moins de 171 exemples dans le Répertoire. À cause de lemploi du refrain initial, et de labréviation du refrain à la fin des poèmes, jai transcrit la formule métrique des rondeaux insérés ainsi : ABaAabA(B).

Les insertions « non lyriques »

Les autres insertions « lyriques » du roman sont en réalité des variantes des « formes strophiques non lyriques », cette catégorie étrange, dont les poèmes ont un seul trait de caractère formel commun qui est lhétérogonie, cest-à-dire la non observation de la règle de lhomogonie : les rimes 140de la même position dans les strophes successives ne sont pas obligatoirement soit masculines soit féminines, lauteur les mélangent à son gré, contrairement aux exigences traditionnelles des poèmes chantés. Curieusement, tout comme les lais du Tristan en prose, ces poèmes du Perceforest sont présentés comme des chansons avec accompagnement musical, donc de ce point de vue Lods a eu tout à fait raison de les assimiler aux lais lyriques.

Ces formes du roman sapparentent aux types les plus fréquents du corpus recueilli par Gotthold Naetebus. Il y en a néanmoins trois qui sont un peu à part. Le Lai de Confort (VI) est présenté dans lédition comme un poème en quatrains (aaab, 8-8-8-4), quatrains à clausule selon la terminologie de Lods. En fait il sagit dune version allongée de la forme appelée « rimes couées », parce que la rime du vers bref est reprise dans la strophe suivante comme rime des vers longs (aaab, bbbc, cccd…), ce qui crée un effet dentrelacement, comme la terza rima de Dante : une forme qui est à la frontière de la strophe et de la narration à rimes plates14. Traditionnellement lunité de base des rimes couées est le couplet doctosyllabes suivi dun vers de quatre syllabes (aab, bbc, ccd… 8-8-4, 8-8-4, 8-8-4…), mais lauteur du Perceforest a préféré ajouter un vers long par élément, pour former des quatrains au lieu de tercets15. Lods et Roussineau trouvent des formules identiques seulement chez des poètes plus tardifs comme Alain Chartier ou Arnoul Gréban16, mais on peut supposer que lauteur sest inspiré des rimes couées de Rutebeuf, ou de Jean de Condé. Deux autres poèmes restent difficiles à classer, lun fondé sur le quatrain de rimes embrassées, lautre sur le quatrain avec rimes alternées. Il sagit des traductions des deux poèmes de Geoffrey de Monmouth, en distiques élégiaques dans loriginal, qui sont recomposés dans deux formes similaires mais différentes : la Prière de Brutus à Diane (I) rime en abbac avec 2 strophes homogoniques 10-10-10-10-6, et la Réponse de Diane (II), composée de trois strophes hétérogoniques, rime en ababa, cdcda, efefa avec des octosyllabes. Comme 141nous le voyons, la dernière rime des strophes reste identique tout au long de ce poème (cette technique est très chère à lauteur, comme Lods lavait déjà remarqué), mais pour le reste du poème lhomogonie nétait pas indispensable.

Le reste de cette catégorie peut être réparti en deux groupes de poèmes du point de vue de la forme : dune part ceux qui sont fondés sur le quatrain monorime et dautre part ceux qui sapparentent à la strophe dHélinand, parce quils sont fondés sur le module métrique aab. Les poèmes suivants appartiennent au premier groupe : 1) le Lai de la Complainte (V), en 22 strophes hétérogoniques, rimées aaaab 10-10-10-10-6, en coblas doblas, où la rime b reste identique dans une paire de strophes ; 2) le Lai de Pergamon, très similaire (aaaab, ccccb… 12-12-12-12-6), hétérogonique, mais également en coblas doblas par la répétition de la rime b dans les strophes paires ; 3) le Lai des jeunes filles au dieu des desiriers qui est de 16 strophes hétérogoniques, en coblas doblas également (ababababc, babababac 6-6-6-6-6-6-6-6-6), forme quon pourrait simplifier comme un quatrain dalexandrins monorime où les premiers hémistiches des vers sont également rimés, bouclé par un vers de clausule de six syllabes qui rime deux par deux avec la fin de la strophe suivante (aaaab, ccccb 12-12-12-12-6).

Dans lautre groupe, proche de la strophe dHélinand, nous trouvons le Lai piteux (incipit : « Pitié qui durs cuers atendrist », XI), de 52 strophes hétérogoniques, également en coblas doblas, avec les rimes b qui se maintiennent pour une paire de strophes : aabaab et ccbccb, avec octosyllabes. LInscription du tombeau de la reine de la Roide Montagne (incipit : « Le tombeau segniffie merveilleuse aventure », X) aurait pu trouver sa place parmi les autres inscriptions, mais Lods a trouvé la forme suffisamment sophistiquée pour la ranger parmi les insertions lyriques. Cette épitaphe reproduit la formule hélinandienne, mais avec des alexandrins : 12aabaabbbabba. À cause de la coupure syntaxique après le sixième vers léditrice présente la pièce comme étant composée de deux strophes de six vers17. LOraison des Troyens au Dieu inconnu (III) est également fondée sur le module métrique aab, mais avec des décasyllabes, sauf le treizième et dernier vers qui est hexasyllabique 142(aabaabaabaabc 10-10-10-10-10-10-10-10-10-10-10-10-6). Le poème compte six strophes hétérogoniques ; les rimes a et b peuvent être masculine ou féminine, tandis que la rime c reste identique tout au long du poème. Le Lai de la Rose (XIII), purement narratif, ressemble beaucoup à cette oraison par lusage des décasyllabes et la clôture de la strophe avec un vers de six syllabes, celui-ci avec la même rime dans les 43 strophes. La formule de rimes reproduit celle de la strophe dHélinand, avec lajout dune rime c : aabaabbbabbac. Le poème est hétérogonique, le choix des rimes a et b ne suivant aucune règle.

Le Lai secret

Cest dans le contexte de ces poèmes strophiques que nous pouvons interpréter le choix formel de lauteur pour le Lai secret (IX) qui est lunique composition en strophes dHélinand parmi les lais et chansons du roman18. De six strophes au total, il commence par une suite de trois strophes très artistiques, riches en figures rhétoriques. On rencontre à la première strophe des rimes léonines (changier/mengier/dangier/prangier), étymologiques (estrangier/estrange ; mengier/menge ; frangier/frange ; prange/prangier ; changier/change) et homonymes (estrange v. 3 et 10)19. Cette versification veut être virtuose et se maintient encore à la deuxième strophe (par la rime paronymique mesdisans / mal disans, par exemple), et elle se poursuit encore à la troisième strophe avec des rimes homonymes et léonines (lys v. 25 et 26, alys v. 29, fallys v. 33 et 35, monde v. 30 et 31), mais les rimes recherchées de ce type disparaissent dans le reste du poème. De plus, les trois premières strophes sont homogoniques (avec des rimes a masculines et des rimes b féminines), tandis que les strophes iv à vi abandonnent cette contrainte. La situation dénonciation de ce poème suggère clairement, comme dans le cas des autres lais du roman, quil sagit dun texte chanté, avec accompagnement musical, en loccurrence le jeu de harpe dune demoiselle ; pourtant linterprétation 143chantée, même au niveau de la fiction romanesque, est rarissime dans le cas des poèmes en strophe dHélinand20.

En même temps ce jeu très élaboré avec les rimes rappelle parfaitement la tradition des poèmes satiriques, moraux ou religieux en strophes dHélinand. Il est vrai que les rimes homonymes et homographes sont également fréquentes dans les lais du modèle présumé du roman, le Tristan en prose, à tel point quelles ont été repérées dans leur première édition21. Mais dans le Tristan en prose les rimes recherchées compensent la simplicité de la forme strophique choisie : presquexclusivement des quatrains, avec des rimes plates ou rarement croisées. Lauteur du Perceforest fait des rimes riches et virtuoses ailleurs aussi, mais leur fréquence est très spectaculaire dans ce poème de six strophes, relativement court par rapport aux lais narratifs. La strophe dHélinand étant assez complexe en soi, limitation de ce modèle ne peut pas vraiment être un argument pour la richesse des rimes dans le Lai secret. Je dirais que lauteur a suivi lexemple dun poète comme Adam de la Halle, le Renclus de Molliens, Baudouin ou Jean de Condé, dans léquivocité des rimes, pour produire un effet dopacité, par une composition suivant les exigences de lornatus difficilis. Le début homogonique, puis labandon de la contrainte et la faiblesse relative de la deuxième partie du poème, si on croit quelle est volontaire, peuvent être mis en parallèle avec la solution des Vers damour dAdam de la Halle, dont la dernière strophe sur seize est la seule à changer lordre des rimes masculines et féminines de la composition. Lauteur du Lai secret aurait pu composer un poème homogonique en six strophes dHélinand sans difficulté, sil avait voulu ; sil y a renoncé, cest certainement consciemment, dans le respect dune tradition.

Jean Molinet, dans son Art de rhétorique, affirme à propos de la strophe dHélinand quelle est utilisée dans des « histoires et oroisons richement decoreez » ; donc pour lui, probablement bien après lécriture de Perceforest, le recours à cette strophe signifie encore un niveau de style élevé, convenable pour lécriture de poèmes riches en figures de 144rhétorique22. Le Lai secret accomplit cette exigence à son début, par ses rimes recherchées. La suite, plus plate, apparaît comme un compromis entre le message que lauteur voulait transmettre et le registre revendiqué par la forme. Le début virtuose rappelle les modèles métriques et stylistiques hélinandiens du poème, tandis que la fin sen éloigne : le ton utilisé à son commencement était suffisamment typé pour assurer la reconnaissance du contexte générique de la forme (ou bien, si le « poème en strophe dHélinand » nest pas un genre, alors au moins celle des modèles stylistiques du Lai secret), et la deuxième partie pouvait sen éloigner. Il est important de noter que le Lai secret prouve que la strophe dHélinand comme forme poétique comporte en soi une irrégularité inhérente par son caractère hétérogonique. Je pense que la brisure stylistique au milieu du Lai secret est en rapport avec cette faiblesse (lhétérogonie) de la forme choisie par lauteur.

Il y a quelques années, dans mon parcours de lhistoire de la forme hélinandienne, jai proposé une évolution à partir de la tonalité plaintive, dabord personnelle et moralisatrice, vers une complainte généralisée23. Jai remarqué que la forme souvre à dautres sujets et à dautres registres encore plus tard. Dans loptique de cette évolution, on peut constater que le Lai secret sest déjà éloigné des Vers de la Mort dHélinand, ou des Congés de Jean Bodel ou dAdam de la Halle. Par lusage de cette forme le poète du Lai secret veut assurer un ton solennel à sa composition, et une certaine obscurité : effet de style renforcé par les rimes recherchées. Si on cherche un argument pour le choix de la forme dans le contenu, on peut penser que pour avertir du danger de la « mutation du cœur », de linfidélité, lauteur pouvait trouver utile le caractère miroité de la structure de rimes de la strophe dHélinand. En tout cas lornementation riche de la forme correspond bien à lopacité de ce poème que personne ne pouvait déchiffrer, sauf les trois chevaliers coupables dinfidélité et, bien sûr, les lecteurs avertis.

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Conclusion

Comme nous lavons vu, trois poèmes du roman sont composés en strophes dHélinand : dune part deux inscriptions dune seule strophe (Cy aour lon, nul ne sen feigne et Des Bretons la chevallerie) où la question du chant ne se pose pas et où le contexte assimile cette forme à la versification en couplets, la plus fréquente pour les inscriptions. Dautre part nous la retrouvons dans un lai, le Lai secret, composé de six strophes, poème de caractère lyrique mais hétérogonique. Lauteur devait connaître la tradition des poèmes hélinandiens du xiiie siècle et le choix de cette forme pour ce poème particulier qui devait transmettre un message crypté, décodable seulement pour certains membres du public, a été certainement conscient.

Lautre remarque que nous avons pu faire concernant la strophe dHélinand est que plusieurs poèmes du roman sont fondés, comme elle, sur le module métrique aab, et sont dune certaine façon ses variantes. On peut ainsi observer la décomposition de la forme par lauteur, ou plutôt un jeu avec ses potentialités, dabord par lusage dautres mètres que loctosyllabe (lhexasyllabe, le décasyllabe et lalexandrin), ensuite par un effet de style très typique des poèmes insérés dans le roman : lajout dun vers de clausule, dun dernier élément de clôture à la fin des strophes, dans les poèmes de « type hélinandien » que sont lOraison au Dieu inconnu et le Lai de la Rose.

Lusage dun dernier vers estramp, solitaire, qui ne rime pas avec le reste de la strophe mais trouve son écho dans la strophe suivante (ou précédente, ou bien, comme dans le Lai de la Rose, dans toutes les strophes), est un effet de style à valeur multiple. Il peut accentuer le caractère lyrique de ces compositions : le procédé se rapproche du refrain final par son indépendance vis-à-vis de la strophe, et sa dépendance de la strophe suivante ou précédente. La structuration hyperstrophique en coblas doblas est un élément formel fort, dont les auteurs de poèmes en quatrains monorimes ou en strophes dHélinand sétaient très peu souciés – de cette manière, lauteur prouve aussi ses qualités de versificateur. Mais on peut aussi concevoir cette façon de clore une suite de rimes par un vers estramp dans Perceforest comme une solution technique qui rapproche ces formes non 146seulement des poèmes lyriques à refrain, mais aussi dune versification lyrico-narrative, archaïsante. Pensons par exemple aux laisses dAucassin et Nicolette ou à celles de certaines chansons de geste qui sachèvent de cette même manière, avec un vers estramp ou avec un vers plus bref que le mètre usuel du poème. Mais le procédé évoque plus encore, à mon avis, les poèmes moraux dont les strophes sachèvent toujours par un proverbe ou une formule toute faite. Ajoutons en outre que cest le trait qui éloigne le plus le Lai de la Rose et lOraison au Dieu inconnu de la majorité des textes en strophe dHélinand. La fréquence de cet ajout de vers de clausule dans Perceforest prouve selon moi que lauteur na pas simplement puisé à un fonds commun de formes poétiques de son époque, mais quil a façonné certaines formes à son goût.

La question de la datation du roman étant très controversée, on ne peut pas vraiment dire quels pouvaient être les modèles précis de lemploi « lyrique » (chanté selon la fiction) de la strophe dHélinand quon peut observer dans le Lai secret. Même si lon admet que Perceforest est louvrage dun seul auteur, la composition du texte intégral a dû prendre plusieurs années, et lavancement du roman peut témoigner dun changement du goût littéraire. Par exemple le fait que la chanson du Bossu de Suave, chanson courtoise typique, se trouve dans la première partie du roman et les ballades amoureuses ou les rondeaux dans la sixième est en accord avec lévolution des formes poétiques telle quon la perçoit au cours du xive siècle : les formes semi-fixes à refrain (ballades, rondeaux, chants royaux) prennent la place du grand chant courtois. Cette lente uniformisation est repérable dans le roman, que lon peut interpréter soit comme le reflet inconscient du changement de goût littéraire, soit, et éventuellement en même temps, comme le reflet du temps passé au cours de la narration embrassant lhistoire de quatre générations de monarques qui ont régné sur la Grande Bretagne.

En tout cas, il semble que pour lauteur de Perceforest la strophe dHélinand a gardé son ambivalence et son autonomie par rapport aux formes lyriques traditionnelles : plus solennelle, plus proche en caractère des poèmes en mètres antiques comme ceux quil a traduits de Geoffrey de Monmouth, avec ses variantes elle pouvait servir autant pour les inscriptions que pour la poésie lyrique. De fait, cette forme nimpose pas les mêmes exigences que les compositions lyriques du roman (la chanson du Bossu, les partures, les ballades) : la preuve en est 147lhétérogonie du Lai secret. Bien quil soit chanté selon la fiction, lauteur a refusé dy appliquer du début à la fin la contrainte dhomogonie quil avait parfaitement su observer dans les poèmes lyriques mais ignorée dans les structures fondées sur le quatrain monorime ou bien sur le module aab. Incontestablement, la formule de rimes inventée par Hélinand de Froidmont a conservé à ses yeux son indépendance formelle vis-à-vis des genres lyriques et une tonalité spécifique qui la rendue suffisamment intéressante pour être utilisée à plusieurs reprises dans le roman. Cependant lauteur de Perceforest, dune manière assez typique du xive siècle, ne la pas considérée comme une forme figée, utilisable avec un seul type de vers spécifique, loctosyllabe qui était loriginal, et cest pour cette raison quil la expérimentée avec des alexandrins dans lÉpitaphe de la Reine de la Roide Montagne. Cest ce qui prouve finalement que même sil a probablement connu certains modèles littéraires prestigieux qui ont utilisé la strophe dHélinand, et le caractère spécifique de cette forme, différente des formes lyriques, il a aussi pris un peu ses distances par rapport à la tradition et a réutilisé le « douzain croisé » selon son propre goût et ceux de son époque.

Levente Seláf

Université ELTE, Budapest

Collegium de Lyon

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Annexe

Liste des poèmes insérés dans Perceforest

Insertions lyriques éditées par Lods

I. Prière de Brutus à Diane, O dyeuesse puissant ens es forestz, 2 strophes, abbac 10-10-10-10-6, Première partie, p. 17.

II. Réponse de Diane à Brutus, Brute, dessoubz soleil couchant, 3 strophes, ababc 8-8-8-8-8, Première partie, p. 18-19.

III. Oraison au dieu inconnu, Dieu tout puissant, de figure incongneue, 6 strophes, aabaabaabaabc 10-10-10-10-10-10-10-10-10-10-10-10-6 (rime c identique : -ie), Première partie, p. 349.

IV. La chanson du Bossu, Ou joly mois que clercz ont figuré, 5 strophes, ababbbccbbc 10-10-10-10-10-10-4-6-10-10-10 (coblas unissonans, rimes en -é, -er, -i), Première partie, p. 430.

V. Lai de complainte, Plus courroucié quhom qui onques nasquy, 22 strophes, aaaab, ccccb 10-10-10-10-6 (coblas doblas, rime b identique dans deux strophes de suite), Deuxième partie, p. 30-34.

VI. Lai de confort, Au grant besoin voit son amy, 30 strophes couées, aaab 8-8-8-8, Deuxième partie, p. 50-55.

VII. Lai de lours, Nest tresor tant repus, 39 strophes, abbac 6-6-6-6-4 (c vers orphelin), Deuxième partie, tome 2, p. 157-163.

VIII. Lai de Pergamon, Pergamon lermite commence cy con lay, 60 strophes, aaaab 12-12-12-12-6 (coblas doblas, la rime b est identique pour une paire de strophes), Deuxième partie, tome 2, p. 305-316.

IX. Lai secret, Long demourer amy changier, 6 strophes, aabaabbbabba 8-8-8-8-8-8-8-8-8-8-8-8, Troisième partie, p. 275-278.

X. Inscription du tombeau de la Reine de la Roide Montagne, Le tombeau seigniffie merveilleuse aventure, 1 strophe, aabaabbbabba – alexandrins, (-ure, -ine), Troisième partie, tome 2, p. 125.

XI. Lai piteux, Pitié, qui durs cuers atendrist, 52 strophes, aabaab 8-8-8-8-8-8 (parfois la rime b est maintenue pour deux strophes successives), Troisième partie, tome 2, p. 351-362.

XII. Lai des jeunes filles au dieu des desiriers, Le confort aux pucelles, 16 strophes, ababababc 6-6-6-6-6-6-6-6-6 (coblas doblas, les 149rimes a et b sont alternées dans une paire de strophe, c est vers orphelin), Quatrième partie, p. 1100-1105.

XIII. Lai de la Rose, Il eult jadis dedens la Grant Bretaigne, 43 strophes, aabaabbbabbac 10-10-10-10-10-10-10-10-10-10-10-10-6 (rime c identique : -ie), Cinquième partie, p. 675.

XIV. Débat amoureux, Partures (échanges) des chevaliers, Sire, tant avez fait vers vostre amee, 7 strophes (en fait six strophes indépendantes + deux envois séparés qui forment ensemble une septième : ababc, caadde), ababccaadde 10-10-10-10-10-10-10-10-10-10-10 (coblas unissonans : -ee, -oie, -ire, -ant, -er), Sixième partie, p. 490.

XV. Débat amoureux, Partures des pucelles, Pucelle au Cercle dOr, ma chiere amie, 7 strophes indépendantes, la septième divisée en deux, comme les deux envois de léchange des strophes, abbaccddeef 10-10-10-10-10-10-10-10-10-10-10 (coblas unissonans : -ie, -ee, -oie, -aire, -ant, -oi), Sixième partie, p. 522.

XVI. Débat amoureux, Jugement définitif, Ha ! chevalliers de treshaulte venue, 1 strophe, ababccddeef 10-10-10-10-10-10-10-10-10-10-10, Sixième partie, p. 560.

XVII. Chant de Lizeus, ballade en décasyllabes sans envoi, Moult suis tenu dAmours louer sans nombre, 3 strophes, ababccddbbD, Sixième partie, p. 608-609.

XVIII. Chant de chevalier, ballade en décasyllabes sans envoi, Vous qui avez eü ottroy damie, ababccddeeF, Sixième partie, p. 610-611.

XIX. Chant de chevalier, ballade en décasyllabes, sans envoi, Rossignolet qui chantes sur la branche, ababccddeeF, Sixième partie, p. 612-613.

XX. Chant de chevalier, ballade en décasyllabes sans envoi, Ha ! mois de pleuve et de fort yvernage, ababccddeeF, Sixième partie, p. 615-616.

Autres poèmes insérés dans le texte

1. Inscription sur une statue, Chevaliers qui cy regardez, aabbccdd – octosyllabes, Deuxième partie, p. 369.

2. Autre inscription sur une statue, Damp chevalier, sonnez ce cor, aabbccdd – octosyllabes, Deuxième partie, p. 370.

3. Inscription sur un pilier, Gentil chevalier qui cy passes, aabbccddee – octosyllabes, Deuxième partie, tome 2, p. 5.

4. Inscription sur un pilier, Chevalier de haulte noblesse, aabbccddeeff – octosyllabes, Deuxième partie, tome 2, p. 59 et 103 (deux fois dans le texte).

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5. Inscription sur une porte, Or sachiez tous que desormais, aabb – octosyllabes, Deuxième partie, tome 2, p. 247.

6. Inscription sur une table de marbre, Or entendez bien ce notable, aabbccddee – octosyllabes, Deuxième partie, tome 2, p. 250.

7. Inscription dans lécorce dun arbre, Cy gist Fergus, qui roy de Norwegue, aabbcc – décasyllabes, Troisième partie, tome 2, p. 237.

8. Inscription près dun cor suspendu, O vous, chevaliers trespassans, aabbccddeeffgghhiijjkk – octosyllabes, Troisième partie, tome 2, p. 22-23.

9. Oracle entendu par Troÿlus dans le temple de Vénus, Hault chevalier, ne vois anoit, aabbccdd – octosyllabes, Troisième partie, tome 2, p. 80.

10. Suite de loracle, Les vers nont point mestier de glose, aabbccdd – octosyllabes, Troisième partie, tome 2, p. 80.

11. Inscription sur un pilier, O vous, trespassans, sans mensongne, aabbccddeeff – octosyllabes, Troisième partie, tome 2, p. 171.

12. Inscription au pied dun arbre, près dun lit, Qui pour couchier dessus ce lit sadjouste, aa – décasyllabes, Troisième partie, tome 2, p. 193.

13. Inscription, Cist chastel est de tel nature, aabaabbba, Quatrième partie, p. 355. Poème qui réapparaît dans la Sixième partie, cf. 39.

14. Prophétie de la tête venimeuse, Occis est le lÿon qui le paÿs tensa, aaab 12-12-12-6, Quatrième partie, p. 393.

15. Inscription du perron merveilleux, Ha ! terre tres noble, comme il tiert ore avers !, aabbcc 12-12-12-12, Quatrième partie, p. 399.

16. Inscription sur un perron merveilleux, A ce perron de renommee, aabbccddeeffgghhii – octosyllabes, Quatrième partie, p. 797.

17. Inscription dans le temple de Flavora, Cy aour lon, nul ne sen feigne, aabaabbbabba – octosyllabes, Quatrième partie, p. 815.

18. Prophétie sur lépée, Par ceste bonne espee Bretaigne ert relevee, aaaaa – alexandrins, Quatrième partie, p. 914.

19. Inscription du perron merveilleux, Moult fus ja pierre esmerveillable, aabbccddeeffgghh – octosyllabes, Quatrième partie, p. 924.

20. Inscription sur le pilier de marbre noir, Sage fut la dame faee, aabbccddee – octosyllabes, Quatrième partie, p. 947.

21. Inscription sur le cor divoire, Damoysel, filz de grant dame, aabbcc – octosyllabes, Quatrième partie, p. 948.

22. Inscription, Jadis fut une damoiselle, aabbccddee – octosyllabes, Quatrième partie, p. 1110.

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23. Inscription sur un pilier, Entens, chelvalier qui veulz boire, aabbcc – octosyllabes, Cinquième partie, p. 159.

24. Inscription, Chevalier, tu qui veulz passer, aabbccddeeffgghhiijjkkll – octosyllabes, Cinquième partie, p. 530.

25. Inscription, Chevalier, se tu veuz passer, aabbccddeeffgghhiijjkkll – octosyllabes, Cinquième partie, p. 625-626.

26. Inscription sur un tableau, Ho ! chevallier, garde ou tu vas, aabbccdd – octosyllabes, Sixième partie, p. 34.

27. Inscription sur un tableau, Chevallier, bien dit ta esté, aabccddee – octosyllabes, Sixième partie, p. 36.

28. Inscription sur un pilier, Chevallier, la vostre venue, aabbccddeeffgghhiijjkkllmm – octosyllabes, Sixième partie, p. 38.

29. Inscription sur une tombe, O tu, chevalier trespassant, aabbccddee – octosyllabes, Sixième partie, p. 40.

30. Inscription, Or est la male œuvre prouvee, abababbababaccdd – octosyllabes, Sixième partie, p. 56.

31. Inscription sur un pilier, Chevallier qui me regardez, aabbcc – octosyllabes, Sixième partie, p. 62.

32. Inscription, Bien pert que la chevallerie, aabbccddeeffggh – octosyllabes, Sixième partie, p. 63.

33. Inscription sur un pilier, Chevalliers qui quiers adventures, aabbccddee – octosyllabes, Sixième partie, p. 68.

34. Inscription sur un pilier, Chevalier qui cy es errans, aabbccddeeffgghhii – octosyllabes, Sixième partie, p. 83-84.

35. Inscription sur un perron, Chevallier quy me regardez, aabbccddee – octosyllabes, Sixième partie, p. 96.

36. Inscription, Des Bretons la chevallerie, aabaabbbabba – octosyllabes, Sixième partie, p. 141-143.

37. Inscription, Tant livrera a tous estal, aa – octosyllabes, Sixième partie, p. 179.

38. Inscription, Chevallier, gardez a vos fais, aabbcc – octosyllabes, Sixième partie, p. 179.

39. Inscription sur un mur, Le chastel est de tel nature, aabaabbba – octosyllabes, Sixième partie, p. 183. Même poème que le no 13.

40. Inscription, Cy est le Mont aux Trois Couleuvres, aabbccddeeffgghhiijjkkllmmnnoopp – octosyllabes, Sixième partie, p. 194-195.

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41. Inscription, O tu, chevallier trespassans, aabbcc – octosyllabes, Sixième partie, p. 198.

42. Inscription, O tu, chevalier trespassans, aabbccddee – octosyllabes, Sixième partie, p. 203.

43. Inscription, Or viengne avant qui doit despendre, ababc – octosyllabes, Sixième partie, p. 312.

44. Inscription, Ne vous esteult de riens pener, aabbccdd – octosyllabes, Sixième partie, p. 376.

45. Chant, rondeau fragmentaire, Chevallier qui congié avez, ABaA… 8-6-8-8, Sixième partie, p. 585.

46. Chansonnette, rondeau, Jaime celluy, ABaAabA(B) 4-6-3-4-3-6-4-6, Sixième partie, p. 585.

47. Chansonnette, rondeau, Ces chevalliers trop arramy, ABaAabA(B) 8-5-7-8-7-5-8-5, Sixième partie, p. 586.

48. Chansonnette, rondeau, Froidure ne gellee, AbaAabA(B) 6-6-6-6-6-6-6-6, Sixième partie, p. 587.

49. Sentence dune voix féminine, Quy des amans les pensers osteroit, ababa – décasyllabes, Sixième partie, p. 681.

50. Inscription sur un perron, O vous, trespassans, sans mençongne, aabbccdde – octosyllabes, Sixième partie, p. 772.

1 Citons notamment : Chr. Ferlampin-Acher, Perceforest et Zéphir : propositions autour dun récit arthurien bourguignon, Genève, Droz, 2010 ; Perceforest. Un roman arthurien et sa réception, éd. Chr. Ferlampin-Acher, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2012 ; N. Chardonnens, Lautre du même : emprunts et répétitions dans le Roman de Perceforest, Genève, Droz, 2015.

2 J. Lods, Les pièces lyriques du roman de Perceforest. Édition critique, Genève-Lille, Droz-Giard, 1953. Lédition intégrale : Perceforest, éd. G. Roussineau, Genève, Droz, 1987-2015. Pour cette étude jai utilisé le texte fourni par G. Roussineau, mais jai pris en compte les commentaires de Lods également.

3 M. Szkilnik, « Le clerc et le ménestrel. Prose historique et discours versifié dans le Perceforest », Cahiers de recherches médiévales, 5, 1998, p. 87-105 (consultable en ligne). Voir encore sur la question de la datation du roman et le rapport des parties versifiées avec la narration en prose larticle de Chr. Ferlampin-Acher : « Le conte de la Rose de Perceforest et leffet “mise en prose” », Mettre en prose aux xive-xvie siècles, éd. M. Colombo Timelli, B. Ferrari et A. Schoysman, Turnhout, Brepols, 2010, p. 129-136.

4 La monographie sur les insertions lyriques des œuvres narratives dAnne Ibos-Augé arrête son corpus avec le Rosarius, composé vers 1330, et son investigation détaillée ne sétend pas au Perceforest, considéré par elle comme un peu plus tardif. Elle mentionne tout de même à deux reprises ce roman pour le situer par rapport à son corpus : les pièces lyriques sont des autocitations de lauteur ; les textes en vers sont attribués à différents personnages du roman, et aucun poète contemporain nest désigné comme leur créateur (contrairement au Méliador de Froissart, par exemple), donc on peut les attribuer selon toute probabilité à lauteur du roman. Voir A. Ibos-Augé, Chanter et lire dans le récit médiéval. La fonction des insertions lyriques dans les œuvres narratives et didactiques doïl aux xiiie et xive siècles, Berne, Peter Lang, 2010. Malheureusement je ne connais pas douvrage qui traite du Perceforest en détail dans le contexte des romans à insertions lyriques plus tardifs.

5 Lods, Les pièces lyriques, p. 10 : Lai de lOurs, Lai de Pergamon, Lai piteux, Lai de la Rose.

6 Szkilnik, « Le clerc », paragraphes 24-25.

7 Lods a proposé une répartition par structure strophique des lais, mais elle ignore complètement la tradition de la strophe dHélinand dans son édition, et de plus ses analyses métriques sont parfois fausses (ou pour le moins les erreurs typographiques sont trop nombreuses dans son livre). Lédition de Roussineau donne des analyses formelles très précises des poèmes, mais il me semble que certains compléments que je propose plus loin peuvent nous aider à une meilleure compréhension de la technique poétique de lauteur.

8 Cette numérotation est celle de Lods, Les pièces lyriques du roman de Perceforest, reprise dans mon Annexe en fin darticle.

9 G. Naetebus, Die nicht-lyrischen Strophenformen des Altfranzösischen, Leipzig, Hirzel, 1891. Voir aussi la base de données mise en ligne par L. Seláf sous le titre Nouveau Naetebus. Poèmes strophiques non-lyriques en français des origines jusquà 1400 (Budapest, depuis 2008). Cette base de données nest pas encore complète, mais une grande partie des poèmes en strophe dHélinand y a déjà trouvé place.

10 Perceforest, Quatrième partie, tome 2, p. 815. Entre parenthèses et en chiffres arabes, pour les distinguer des chiffres romains utilisés par Lods, figure le numéro dapparition dans la liste complémentaire des poèmes insérés dans le roman, donnée en Annexe.

11 Perceforest, Sixième partie, t. 1, p. 141.

12 Perceforest, Sixième partie, t. 1, p. 312.

13 En fait les six premières strophes des deux jeux-partis sont partagées par les deux interlocuteurs qui alternent la parole, et la septième strophe permet aux deux personnages de soumettre au juge leur propos : au lieu de deux tornadas ou envois de la même forme (celle de la cauda de la strophe), cest cette strophe qui sert de clôture. Lauteur coupe la septième strophe en deux, laissant à chacun des deux partenaires la moitié de cette dernière séquence.

14 Les poèmes en rimes couées sont recueillis par Naetebus dans lannexe de son ouvrage, Die nicht-lyrischen Strophenformen, p. 185-192.

15 Parfois les rimes couées commencent par un quatrain aaab, mais le reste est en tercets bbc, ccd… (8-8-8-4, 8-8-4, 8-8-4…) : cest le cas par exemple du poème de Jean de Condé, De lipocresie des Jacobins, dans Dits et contes de Baudouin de Condé et de son fils Jean de Condé, éd. A. Scheler, t. 3, Bruxelles, 1867, p. 181-188.

16 Perceforest. Deuxième partie, t. 2, Genève, Droz, 2001, Introduction, p. xxxviii.

17 Mais cette coupure nest pas forte ; Lods dans son édition met une virgule à la fin du sixième vers, donc si on coupe le poème en deux strophes, il faut supposer un enjambement de strophe, qui nest pas fréquent chez lauteur. Voir Lods, Les pièces lyriques, p. 56.

18 Perceforest, Troisième partie, t. 1, Genève, Droz, 1988, p. 275.

19 Lods propose une liste des rimes riches, léonines et équivoques des lais du roman, mais je trouve que cette liste nest pas complète, ni sans erreur.

20 Voir à ce propos L. Seláf, « La strophe dHélinand », Formes strophiques simples / Simple Strophic Patterns, éd. L. Seláf, P. Noel Aziz Hanna, J. van Driel, Budapest, Akadémiai, 2010, p. 83-87.

21 Les lais du Roman de Tristan en prose daprès le manuscrit de Vienne 2542, éd. T. Fotitch, Münich, Fink, 1974, introduction p. 11.

22 Je cite Molinet déjà dans « La strophe dHélinand », p. 80.

23 Seláf, « La strophe dHélinand », p. 83-89. Voir encore L. Seláf, Chanter plus haut. La chanson religieuse vernaculaire au Moyen Âge (essai de contextualisation), Paris, Champion, 2008, p. 59-90.