Aller au contenu

Classiques Garnier

Langue, poésie et histoire Les Veilles (1555) de Claude Fauchet et la défense d’une tradition nationale

  • Type de publication : Article de revue
  • Revue : Cahiers de recherches médiévales et humanistes / Journal of Medieval and Humanistic Studies
    2018 – 1, n° 35
    . varia
  • Auteur : Coulombel (Arnaud)
  • Résumé : Rédigé en 1555, le manuscrit des Veilles de Claude Fauchet offre les premiers résultats des recherches entreprises par l’humaniste sur la langue, la poésie et l’histoire françaises. Ce texte témoigne de l’engagement de Fauchet pour la défense d’une tradition nationale qui se traduit, dans le domaine des lettres, par une réhabilitation de la poésie française (du Moyen Âge à Clément Marot) et, dans le domaine historique, par la consécration de Commynes comme « prince » de tous les historiens.
  • Pages : 473 à 494
  • Revue : Cahiers de recherches médiévales et humanistes - Journal of Medieval and Humanistic Studies
  • Thème CLIL : 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
  • EAN : 9782406083221
  • ISBN : 978-2-406-08322-1
  • ISSN : 2273-0893
  • DOI : 10.15122/isbn.978-2-406-08322-1.p.0473
  • Éditeur : Classiques Garnier
  • Mise en ligne : 29/08/2018
  • Périodicité : Semestrielle
  • Langue : Français
473

LANGUE, POÉSIE ET HISTOIRE

Les Veilles (1555) de Claude Fauchet
et la défense dune tradition nationale

Claude Fauchet, avocat au Châtelet, commença en 1555, à lâge de vingt-cinq ans, la rédaction de son manuscrit intitulé Veilles ou observations de plusieurs choses dinnes de memoires en la lecture daucuns autheurs François1. Ce manuscrit se présente sous forme dun cahier de 131 feuillets divisé en deux parties. La première partie (51 feuillets), composée de quatre « livres », eux-mêmes structurés en chapitres, constitue, à nen pas douter, lébauche dun ouvrage que Fauchet avait lintention de publier et qui aurait présenté les premiers résultats de ses recherches historiques commencées quelques années plus tôt au retour de son voyage en Italie. La seconde partie du cahier se limite quant à elle à une série de notes prises par le jeune érudit au fil de ses lectures douvrages historiques dont notamment lHistoire des Francs de Grégoire de Tours, des Annales carolingiennes ou bien encore des chroniques du bourguignon Enguerrand de Monstrelet dont Fauchet nous dit quil a commencé à lire son « Histoire » le « premier jour de janvier 15572 ».

Comme lindique le titre de la première partie du manuscrit, Veilles ou observations de choses dinnes de memoire en la lecture daucuns autheurs françois, ces « essais » historiques sont placés sous le double signe de lérudition et de la variété. Le modèle suivi par Fauchet, tant pour la forme que pour le fonds, renvoie de façon explicite aux Nuits attiques 474dAulu-Gelle3. Comme chez lérudit latin du deuxième siècle après Jésus-Christ, le choix du terme « Veilles » souhaite mettre en avant le « labeur » du jeune humaniste. Lensemble des « matières traitées » dans les quatre livres est ainsi présenté comme le fruit dun travail assidu et de stricte érudition. Le caractère savant de cette étude, qui pourrait rebuter le lecteur, est atténué par lannonce faite dans le même titre de la variété thématique qui a prévalu à la composition des Veilles, comme elle avait aussi prévalu à celle des Nuits Attiques. Ainsi, chacun des quatre livres du manuscrit aborde une grande diversité de sujets qui rattache louvrage de Fauchet au genre des florilèges ou des mélanges en vogue à la Renaissance4.

Certaines dissertations adoptent la forme de notices bio-bibliographiques consacrées à des historiographes ou des poètes français5 ; dautres traitent de questions détymologie ou de sémantique6 ; dautres encore sintéressent à lorigine et à lhistoire de la langue et de la poésie françaises7 ou portent sur lanalyse de questions historiques précises 475tels que, par exemple, la fondation de la ville de Paris, le récit de la prise de Calais par les Anglais, ou bien encore lorigine des dignités de sergent, comte, marquis et de connétable8. Toutes ces analyses ont néanmoins pour point commun dêtre liées à un aspect de lhistoire ou de la culture nationale. En ce sens, on peut dire que cet ouvrage de jeunesse fait apparaître les fondements mêmes sur lesquels va se développer lœuvre historiographique à venir de Claude Fauchet. Par les thèmes quelles abordent, lérudition quelles mobilisent et le fort sentiment national dont elles sont animées, les Veilles ou observations annoncent et préparent les écrits historiques majeurs de l« antiquaire » français. De la même façon quAulu-Gelle avec ses Nuits attiques souhaitait démontrer la richesse et la grandeur de la langue et de la civilisation latines par rapport à la Grèce, lérudit français entend pour sa part offrir une défense et illustration de la langue et de la civilisation françaises par rapport à Rome et à lItalie.

Notons que lhumaniste choisira de ne pas publier ces études sous cette première forme et quil préfèrera les réintégrer plus tard soit dans ses Antiquitez gauloises et françoises, soit dans ses traités historiques sur la langue et la poésie ou sur les institutions. On constate ainsi que la quasi-totalité des chapitres des Veilles consacrés à la langue et à la poésie françaises réapparaissent presque sans modification en 1581 dans le Recueil de lorigine de la langue et poésie françoise. Il en va de même des dissertations sur les titres de sergent, marquis, comte ou de connétable qui trouveront leur place dans le traité sur les Origines des dignitez et magistrats de France que Fauchet publiera à la fin de sa vie. Ce choix éditorial est à notre avis révélateur dune évolution de la part de Claude Fauchet. Alors que dans les années 1550, Fauchet éprouve 476encore le besoin de présenter ses recherches historiques sur le passé national sous forme de mélanges, sans doute afin de répondre au goût du lectorat, à partir de la fin des années 1570, cest désormais le genre du traité qui sera privilégié par lhistorien. Sans en exagérer la portée, cette transformation offre un exemple du changement de statut que connaissent lhistoire et lhistoire littéraire au cours de cette période. Elles simposent peu à peu comme des disciplines à part entière et les écrits historiographiques adopteront de plus en plus la forme douvrages dérudition9.

Notre analyse des Veilles portera sur deux thèmes principaux de lœuvre qui lui donnent son unité. Dans un premier temps nous analyserons les prises de position du jeune humaniste en faveur de la langue et de la poésie françaises, prises de position qui sinscrivent dans les débats passionnés qui agitèrent le monde lettré en France au début des années 1550. Dans un second temps, nous nous intéresserons à lattachement que porte Fauchet au passé national et à sa volonté dillustrer lhistoire glorieuse du royaume de France. Pour chacun de ces deux thèmes, lhumaniste français témoigne dune même volonté de défendre une tradition nationale et souhaite montrer le rayonnement culturel qua souvent exercé la France en Europe.

CLAUDE FAUCHET ET LE COMBAT
POUR LA LANGUE ET LA POÉSIE FRANÇAISES

Dans ses Veilles ou observations, Claude Fauchet apporte son soutien au programme denrichissement de la langue vernaculaire proposé par les membres de la Pléiade. Après Joachim Du Bellay, il affirme que la création de néologismes et le rajeunissement de « motz antiques françoys » sont les deux moyens les plus sûrs d« amplifier la Langue 477Françoyse10 » et de permettre à cette dernière de devenir « imitable » et « prisable aus estrangiers11 ». Le jeune humaniste rend en particulier hommage au travail de tout premier ordre accompli par le poète Pierre de Ronsard en faveur de lidiome national12. Si certains ont pu critiquer lobscurité de son style et « se fachent de plusieurs parolles dont il use », Claude Fauchet pour sa part, « loue » au contraire « le renouvellement, invention et composition » dont le poète a su faire preuve notamment dans ses Odes et dans ses Amours13. Ce dernier a réussi en effet à la fois à « ramener » en usage plusieurs « parolles » « esgarées et presque estrangées de nous pour le peu de compte que nous en faisions » et à « enrichir nostre langue de plusieurs aultres discretement inventées et forgée[s] sur nostre enclume, empruntant du greq et latin la matiere, quant la nostre se trouvoit faillie14 ». En procédant de la sorte, Claude Fauchet estime que lauteur des Amours na fait qu

imiter (…) nos bons peres de famille, qui se jolivent aussi bien dun fin simple tapis de Turquie ou Flandres (sans toutefois y emploier tout leur bien) que de la plus riche hautlice ou broderie, que lon pourroit faire à Paris ou Envers ou aultres draps tissés en nostre contrée15.

Le jeune humaniste, cependant, ne limite pas son propos à la simple expression de son admiration pour « lentreprise » de Pierre de Ronsard et des autres poètes de la Pléiade, il entend aussi apporter sa propre contribution à l« illustration » de la langue vernaculaire. Cest ainsi que celui-ci consacre un chapitre entier de ses Veilles à létude du vieux mot français « pallefroi » dont il retrouve la signification à partir de plusieurs occurrences respectivement relevées dans le Roman dAlexandre, le Roman des Oiseaux (ou Roman des deduis) de Gace de la Buigne et les 478Chroniques de Froissart16. Selon lauteur des Veilles, ce mot servait à désigner « tous chevaulx damble : aulbins, traquenars, haquenées », et il précise : « Voulontiers cestoit la monture des dames à cause de leur doulce alleure17 ». Claude Fauchet se réjouit que le « seigneur Louis des Masures, lun des plus sçavans traducteurs » ait eu recours à ce vieux mot français dans sa traduction du livre IV de lÉnéide parue en 155218. Il préfère ce choix à celui fait la même année par Joachim du Bellay qui avait traduit quant à lui le mot latin « sonipes », présent dans le vers de Virgile, par le néologisme « piesonnant ». Le jeune humaniste ne doute pas que lauteur de la Deffence et Illustration, « tant favorable de son autorité si grande » pourra « naturalizer » cette « parolle nouvelle aus oreilles françoises », mais il estime néanmoins quil serait plus approprié dutiliser le mot de « pallefroi » qui est « le plus propre que nous aions19 ».

Dans la même perspective, Claude Fauchet cite dans le chapitre quil consacre au Roman dAlexandre plusieurs vers de cette œuvre car, dit-il, « Il y a beaucoup de bons motz et qui méritent bien le renouveller20. » Il encourage « le studieux de poesie françoise » à « imiter » ces « belles manieres de parler et motz [], et aucune fois refondre se les appropriant, comme jadis Virgile faisoit, lisant les œuvres du bon père Ennius auquel ces autheurs peuvent estre comparez21. » Claude Fauchet met toutefois en garde le poète de ne choisir des mots

si viez [sic] et usez quils soient inconnus ou inutiles, pour ce quon lui pourroit reprocher ce que jadis un savant Romain fit a un trop grant afectateur 479danciennes parolles lui disant : Tu parles à moi comme si le roi Servius Tullius regnoit22.

Parmi les anciens auteurs français qui méritent dêtre lus pour les « bons motz » que leurs œuvres recèlent, lhumaniste accorde une place toute particulière à Gaston Phébus et Gace de la Buigne dont les livres respectifs sur la chasse sont, affirme-t-il, dune richesse linguistique sans égale ; « Maistre Allain Chartier poete et orateur françois », qualifié de « grave et sententieux », est lui aussi considéré par Claude Fauchet comme lune des sources à laquelle les poètes français pourront aller puiser23 ; enfin, cest sans surprise que lhumaniste partage lengouement de ses contemporains pour le Roman de la Rose de Guillaume de Lorris et de Jean de Meung24.

Favorable au mouvement de la Pléiade, Claude Fauchet sait aussi parfois se démarquer des prises de position du groupe de Pierre de Ronsard et de Joachim du Bellay. Cette indépendance est perceptible au moins dans deux domaines.

On constate tout dabord que lintérêt que lauteur des Veilles manifeste pour les poètes français du « Moyen Age » ne se limite pas au seul domaine lexical. Pour Claude Fauchet, en effet, si les œuvres des « vieux auteurs françoys » peuvent permettre denrichir la langue vernaculaire, elles méritent aussi dêtre lues pour leur qualité littéraire ainsi que pour le savoir dont elles sont les détentrices. Le jeune humaniste souligne ainsi la filiation, déjà revendiquée par Guillaume de Lorris et Jean de Meung, entre le Roman de la Rose et lArt daimer dOvide « duquel, affirme-t-il, ces deux ont pris la pluspart de leur 480matiere : y meslant de la Philosophie morale25. » Claude Fauchet se montre aussi très intéressé par le Livre de chasse écrit par le comte de Foix, Gaston Phébus, dans lequel on trouve décrit « la nature tant des chiens que de toutes bestes qui se chassent26. » Cest cependant le Roman des Oiseaux de Gace de la Buigne qui fait lobjet des commentaires les plus élogieux de la part de lauteur des Veilles. Ce dernier loue en premier lieu le style élevé utilisé par le poète dans les différents « déduits » dont est composé son traité en vers : « [] il est impossible de mieux dire, écrit Claude Fauchet, ni avec plus grant contentement des escoutans car il est meslé dune infinité de belles 481sentences27. » Au plaisir suscité par la lecture de ce texte se mêle en second lieu linstruction que peut en tirer tout lecteur. Le jeune humaniste nhésite pas à comparer le savoir du poète français à ceux dHésiode ou du Virgile des Géorgiques :

[] tout lœuvre mérite bien, oultre la venerable antiquité des mots, quon le lise, mestant avis que je li ung Hesiod ou Georgices de Virgille, car tout ainsi que lung fait un bon pere de famille ou ung laboureur, cetui-ci fait un bon fauconnier et veneur par son discours28.

Claude Fauchet prend ici lexact contre-pied du mépris affiché par Joachim du Bellay pour les « anciens Poëtes Françoys » dans sa Deffence et Illustration de la Langue françoyse29. Celui-ci avait en effet très clairement déclaré que la forme et le contenu des œuvres médiévales nationales nétaient que dun intérêt tout à fait négligeable pour qui cherchait à « illustrer » la poésie française. Seule comptait, pour lui, « lImitation des Grecz, et Romains30 ». Filant sa métaphore de « linnutrition », le défenseur de la langue vernaculaire avait déclaré que des « Aucteurs Françoys [], on ne sçauroit prendre, que bien peu, comme la peau, et la couleur » alors que des « vieux Grecz, et Latins », on pouvait « prendre la chair, les oz, les nerfz, et le sang31. » Cest précisément contre ce culte 482quasi-exclusif de la Pléiade pour lAntiquité que réagit Claude Fauchet. Dans la lignée de lArt poétique françoys attribué à Thomas Sébillet et publié un an avant La Deffence et Illustration, le jeune humaniste encourage le « studieux de la poésie » à lire et à sinspirer des auteurs français du Moyen Âge. Pour Claude Fauchet, en effet, ces derniers sont les représentants dune tradition nationale dont lintérêt et la richesse sont comparables à celles respectives des Grecs et des Romains32.

La seconde prise de distance de la part de lauteur des Veilles vis-à-vis des principes énoncés dans La Deffence et Illustration de la Langue françoyse sinscrit dans le prolongement de la précédente et concerne le jugement très négatif porté par Joachim du Bellay sur les poètes de la première moitié du xvie siècle et en particulier sur Clément Marot. Alors que lArt poétique françoys de 1548 accordait une place de choix au poète de LAdolescence clementine en le désignant comme un modèle à imiter33, Joachim du Bellay adoptait quant à lui, dans son manifeste, le parti exactement contraire en multipliant les attaques explicites ou implicites contre ce « rimeur » qui incarnait à ses yeux la médiocrité et « lignorance » dans lesquelles la poésie française sétait jusqualors complu. Joachim du Bellay souhaitait que vît le jour « une forme de Poësie beaucoup plus exquise34 » qui exigeait des poètes français quils cessassent de sestimer « estre des meilleurs, quand plus ilz ressembl[oient] un Heroet, ou un Marot35. » Son manifeste se présente donc comme une rupture par rapport aux conceptions et aux pratiques poétiques admises jusqualors. On se souvient du passage célèbre de La Deffence et Illustration 483dans lequel Joachim du Bellay exhorte le « Poëte futur » à feuilleter « de Main nocturne, et journelle, les Exemplaires Grecz et Latins » et à laisser « toutes ces vieilles Poësies Françoyses aux Jeuz Floraux de Thoulouze, et au Puy de Rouan : comme Rondeaux, Ballades, Vyrelaiz, Chantz Royaulx, Chansons, et autres telles episseries, qui corrumpent le goust de nostre Langue : et ne servent si non à porter temoingnaige de notre ignorance36. » Après avoir condamné ces genres traditionnels de la poésie française, lauteur du manifeste dresse la liste de ceux, tous repris à la poésie gréco-latine à lexception du sonnet, que doit « élire » le « Poëte Françoys ». Quil sagisse de lépigramme, de lélégie, de lode, de lépître, de la satire ou du « mignard Hendecasyllabe », Joachim du Bellay reste fidèle à sa position : seuls méritent dêtre imités les auteurs grecs et latins ; quant aux poètes français, dont notamment Clément Marot, qui ont déjà pratiqué ces genres, Joachim du Bellay estime que leurs tentatives sont indignes du « plus hault, et meilleur Style » quexige la poésie et il recommande de façon systématique à ses contemporains de se détourner de leurs exemples37.

Ces critiques très sévères dont Clément Marot était plus particulièrement la cible donnent lieu à une vive réaction de la part de Claude Fauchet dans ses Veilles38. Le chapitre que le jeune humaniste consacre à lauteur des Épîtres sapparente à une véritable réhabilitation. Claude Fauchet commence par rendre hommage au Clément Marot traducteur des Psaumes :

[] meu de bon zelle il tralata (sic) les Psalmes de David, chose tant laborieuse, par quoi il a merité telle louange des studieux de la langue françoise, quà jamais on len doit estimer ; la fidelité et heur de sa tralation (sic) est telle quil ne sest trouvé homme apres lui aprochant de sa grace – je ne parle point seullement en françois, mais en aultres langues. Mais quelle recompense a 484il eu de chose tant louable, o France ingrate et indigne de tel homme ! Les diables et ennemis du Dieu et du nom françois le poursuivirent tant quil fut contraint vuider le pais et se retirer en Piedmont, ou il mourut []39.

Ingrate, la France lest encore vis-à-vis de ce poète, estime Claude Fauchet, à la lecture des jugements sans appel que certains se sont permis de prononcer sur son œuvre : « Ses vers, rapporte lauteur des Veilles, furent trouvez par aulcuns laches, peu virilz et trop coulantz jusques à dire que sestoient vers de barbier40. » Tout en déclarant sen rapporter « au jugement des plus sçavants », le jeune humaniste ne peut sempêcher dexprimer sa désapprobation et de mettre en avant les qualités dune poésie fidèle, selon lui, à lun des principes essentiels de lArt poétique dHorace : « quant à moi, écrit-il, je lestime avoir esté fort propre en sa composition, usant de doulceur et gravité là où il en estoit besoin41 ». Abordant alors la question des genres poétiques considérés comme mineurs pratiqués par lauteur de LAdolescence clementine, Claude Fauchet développe une double argumentation. Dans un premier temps, le jeune humaniste estime que si Clément Marot « ne sest amusé quà faire petites pieces comme epigrames et aultres », la responsabilité en incombe avant tout à ceux qui sollicitèrent son talent poétique sans jamais lui commander « chose plus grave42 ». Claude Fauchet invoque pour preuve l« Eglogue sus la naissance du filz de Monseigneur le Dauphin », qui montre selon lui, et sil en était besoin, que « Marot, emploié en plus grand-chose que une epistre ou epigrame, eut fait honte aus plus braves estrangers43. » Dans un second temps, lauteur des Veilles donne un tour différent à sa défense de lépigramme marotique. Cest ainsi que Claude Fauchet fait un rapprochement entre ce genre poétique tel quil fut pratiqué par Clément Marot, cest-à-dire « fluide » dans sa « composition » et « poingnant à la fin », et le « naturel 485du François44 ». Le jeune humaniste établit une correspondance entre dun côté une forme poétique et de lautre un « naturel » propre à la nation française : « Lepigrame, déclare-t-il, nous est si familier et tant approchant de la nature françoise que jose asseurer lui soier mieux qua toutes aultres nations45. » La poésie marotique sapparente donc pour lauteur des Veilles à lexpression dun esprit « facétieux » particulier à la France et à son peuple. Dans ces conditions, condamner cette œuvre équivaut à renier ce qui fait la spécificité même de la poésie française ; pour lauteur des Veilles, à travers le rejet de la poésie de Clément Marot, cest lessence même de la poésie et de lesprit français qui se trouve remise en cause.

Face aux jugements catégoriques portés par Joachim du Bellay contre le « Prince des Poètes françoys » de la première Renaissance, Claude Fauchet adopte donc une position plus nuancée. Pour ce dernier, en effet, limitation des Grecs et des Latins, leitmotiv de la Deffence et Illustration de la Langue françoyse, ne doit pas conduire à faire table rase de la tradition poétique nationale dont Clément Marot fut le plus digne représentant dans la première moitié du xvie siècle. À côté du style « élevé » préconisé par les membres de la Pléiade, il y a aussi la place, estime le jeune humaniste, pour un style « humble » quincarne mieux quaucune autre la poésie de Clément Marot. « Mais quel besoin est-il de tonner et foudroier quant lon veult rire ? » interroge lauteur des Veilles46. Tout en rendant hommage à la « hardiesse » du Ronsard des Amours et des Odes47, Claude Fauchet défend une poésie plus légère, expression dun « naturel Françoys » dont « le propre [] est plus de traicter choses communes et facetieuses que graves48 ». Ainsi, quil sagisse des « Anciens poetes Françoys » du Moyen Âge ou de ceux plus récents de la première Renaissance française, la position de lauteur des Veilles reste toujours la même : tout en souscrivant aux innovations préconisées 486par l« école » de la Pléiade, celui-ci souhaite néanmoins que soient prises en considération les richesses de la poésie française depuis les premiers « romans » médiévaux jusquà Clément Marot. À ses yeux, léducation du poète doit reposer autant sur la lecture des auteurs grecs et latins que sur la connaissance des « bons et classiques poètes français49 ». Dans cette perspective, les chapitres des Veilles consacrés à la poésie peuvent être considérés comme une tentative de synthèse entre lArt poétique françois attribué à Thomas Sébillet, favorable à la tradition poétique nationale, et La Deffence et Illustration de la Langue françoyse, fondée sur limitation de la culture gréco-latine. Pour Fauchet, il ny a pas incompatibilité entre ces deux approches mais au contraire complémentarité ; une complémentarité dont les poètes français doivent tirer le meilleur parti pour illustrer le « nom françoys » à travers lenrichissement de leur langue et de leur poésie nationales50.

CLAUDE FAUCHET
ET LA REDÉCOUVERTE DU PASSÉ NATIONAL

À côté de ces prises de position sur la langue et la poésie nationales, Claude Fauchet consacre de nombreux chapitres de ses Veilles à létude du passé du royaume de France. Lintention évidente de lhumaniste 487est de combler une lacune. Fauchet constate en effet avec regret que les Français contrairement aux Romains ou aux Grecs nont jamais pris la peine de léguer à la postérité les actes glorieux dont ils étaient les auteurs : « Mais noz François, déplore-t-il, aimantz mieux faire que bien dire, ne se sont souciez (au moins bien peu) décrire leurs faitz et gestes non moins grands toutefois que ceulx des estrangers si bien, et doctement écris51. » Et pourtant, estime Fauchet, lhistoire de France na rien à envier à celles de la Grèce ou de lItalie. Ainsi historiens et poètes devraient puiser dans le passé national pour exalter la grandeur française plutôt que de toujours chercher à létranger des exemples dhéroïsme et de vertu. Dans cette perspective, les écrits historiques respectifs de Jean Froissart, Philippe de Commynes et Jean Lemaire de Belges apparaissent à Fauchet comme les premières tentatives plus ou moins abouties de mise en récit historique du passé national. Soucieux de promouvoir ces initiatives, Fauchet consacre une étude à chacun de ces trois auteurs. À travers ces portraits dhistoriens, il met en place une réflexion sur la démarche historique, sur la relation de lhistorien au pouvoir politique et sur l« utilité de lhistoire52 » qui doit permettre « dillustrer » la grandeur de la France.

Jean Froissart est lun des historiens les plus souvent cités dans les Veilles ; ses Chroniques sont la source de nombreux chapitres de lœuvre manuscrite de Claude Fauchet53. Lopinion de lhumaniste sur lhistorien de la guerre de Cent Ans reste cependant ambivalente.

Claude Fauchet reconnaît un véritable mérite à lentreprise historiographique de Froissart. Il est en particulier sensible à la recherche de linformation à laquelle sest livré le chroniqueur. Froissart, en effet, na pas hésité pour composer son œuvre à voyager « en plusieurs pais 488comme Angleterre, Escose, Languedoc, France et aultres, entrant aus maisons des princes et grands seigneurs hardiment54. » La documentation personnelle quil a collectée en interrogeant de nombreux témoins ou acteurs des faits quil relate donne à son récit une indéniable valeur historique. De plus, il nhésite pas à confronter les témoignages, à les opposer les uns aux autres pour reconstituer lenchaînement des faits et établir les causes des événements.

Pour Claude Fauchet, cette œuvre se distingue encore par ses qualités littéraires. Lhumaniste est sensible à la langue de Froissart, lune des plus riches et des plus colorées du Moyen Âge. Il voit en ce chroniqueur un précurseur : « Cest le premier de nos François qui sest estudié a mieux faire parler lHistoire quelle ne souloit et dune aultre façon55 ». Pour Fauchet, Froissart innove donc de deux manières : tout dabord, par sa méthode historique qui repose à la fois sur un travail documentaire solide et sur la confrontation des témoignages ; ensuite, par les qualités littéraires de sa narration historique.

« Louable56 », lentreprise historiographique de Froissart nen souffre pas moins de graves défauts qui compromettent sa valeur historique.

La première faute du chroniqueur tient aux nombreux développements inspirés des romans de chevalerie ou des contes qui viennent émailler la narration. Fauchet reproche à Froissart davoir mélangé les « genres » en insérant dans la trame du récit historique des passages qui tiennent plus du « romant ou conte57 » que de lhistoire. Les longues digressions consacrées à la description des tournois ou des fêtes princières semblent tout droit tirées du cycle arthurien et tranchent avec les témoignages recueillis par le chroniqueur au cours de son enquête. Les « Histoires » de Froissart, apparaissent ainsi aux yeux de lhumaniste comme une œuvre hétéroclite où la « fable58 » corrompt lhistoire.

À ce premier défaut vient sajouter un second plus grave encore aux yeux de Fauchet. Dans la notice biographique quil consacre à Froissart, lauteur des Veilles se livre au relevé des nombreux protecteurs dont bénéficia le chroniqueur. Lhumaniste remarque ainsi que la rédaction des Chroniques fut commencée à linstigation de « Messire Robert de 489Namur Seigneur de Beaufort » mais que lœuvre fut ensuite dédiée à « Gui comte de Blois et dAvennes59 ». Fauchet souligne surtout le rôle déterminant que joua la reine dAngleterre Philippa de Hainaut, femme dÉdouard III dAngleterre, dans la continuation de lentreprise historiographique. À partir de 1361, en effet, date du premier séjour de Froissart en Angleterre, lhistoriographe fut « secrétaire » de la reine dAngleterre, et son « familier » et cest elle, affirme Fauchet qui « lui commanda [de] poursuivre son Histoire60 ». Fauchet mentionne encore les cours que fréquenta Froissart après le décès de la reine dAngleterre : la cour des ducs de Brabant, dabord, où le chroniqueur eut pour protecteur Wenceslas de Luxembourg ; celle, ensuite, des rois de France, Jean II le Bon et le dauphin Charles ; la cour de Richard II, enfin, dont Froissart fut le familier lors de son second séjour en Angleterre.

Le recensement de tous ces protecteurs nest pas gratuit. Fauchet reproche en effet au chroniqueur davoir fait varier son récit des événements au gré des protections successives dont il bénéficia : « on voie clairement la faveur quil porte aus siens ou a ceus qui lui ont fait du bien, chose que sur tout doit fuir celui qui entreprent descrire une Histoire, car ce faisant il la depouille de son plus beau joiau, qui est verité61 ». Dans un autre passage, Fauchet reprend le même grief contre Froissart et son continuateur Enguerrand de Monstrelet quil accuse « davoir failli a la principale partie requise à lHistoriographe, qui est Verité. Car lun, et lautre ne pouvant devestir ce naturel apetit de favoriser ses bienfaiteurs, se fait connoistre pour Anglois ou pour Bourguignon62. » Le jugement porté par Fauchet sur les deux chroniqueurs est sans appel. Froissart comme Monstrelet ont manqué à leur devoir dhistorien en faussant le récit des événements passés. Ils ont travesti la vérité historique pour flatter leurs bienfaiteurs. Leur récit est souillé, écrit Fauchet, de « lorde tache décrire par faveur63 ». À travers ce réquisitoire contre les deux chroniqueurs, Fauchet énonce ce qui constitue pour lui le but ultime de lhistorien : mettre au jour la vérité. Cest à la seule quête de la vérité que lhistorien doit semployer et rien ne devrait le faire dévier de ce dessein.

490

À côté de Froissart et de Monstrelet, sévèrement épinglés par lhumaniste, Philippe de Commynes fait figure de véritable modèle de lhistorien dans les Veilles64. Fauchet consacre dailleurs à ses Mémoires deux chapitres et dresse de ce dernier un portrait des plus élogieux65. Pour lhumaniste, Commynes conjuguait tous les

dons que doit avoir lHistoriographe, [] pour avoir esté de son vivant gouverneur des princes, sage, de bon discours, aiant (la plus part) assisté au conseil, ou a lacte quil décrit, asses eloquant pour le temps, riche pour nescrire sous esperance de guerdon66.

À travers le portrait de Philippe de Commynes, cest bien le portrait de lhistorien idéal que dresse Fauchet. Lauteur des Mémoires sut associer des qualités morales (la sagesse, le bon conseil) à une situation dans le monde qui lui permit à la fois dêtre un témoin privilégié de son époque et de conserver son indépendance vis-à-vis des Grands dont il écrivait lhistoire. Ce qui distingue encore Philippe de Commynes aux yeux de Fauchet, cest sa culture, sa connaissance des lettres qui font de lui un exemple pour la noblesse française :

Cetui premier môntra à nos gentishommes que la science seioit ausi (sic) bien au gendarme, que lépée bien fourbie et le montra bien : redigant par memoires les faitz des rois Louis XI, et Charles 8 son filz67

Ainsi, pour Fauchet, Philippe de Commynes fut bien ce « personnaige doué de toutes choses necessaires68 » pour être historiographe. Le portrait du mémorialiste fait apparaître les enjeux qui sont liés pour lhumaniste à lécriture de lhistoire. Lobservation et la compréhension des faits nécessitent de la part de lhistorien quil évolue dans lentourage des princes. À cet égard, la connaissance quil a du passé et des affaires humaines peuvent 491lui permettre de jouer le rôle de conseiller auprès des rois. Lhistorien cependant doit toujours veiller à conserver toute liberté de jugement dans son appréciation des faits. Dans ce rapport de lhistorien au pouvoir, lautonomie financière sinon totale tout du moins partielle apparaît comme une nécessité. Elle est garante en effet de son indépendance. Sur lhistorien gagé pèse la menace de lasservissement à son maître. La recherche de la récompense risque de fausser la narration historique et de détourner lhistorien de son but premier qui doit être, comme Fauchet ne cesse de laffirmer, la recherche de la vérité. Dans cette perspective, la figure de Philippe de Commynes apparaît comme une référence essentielle dans la réflexion de lhumaniste sur lhistoire et sur les devoirs de lhistorien. Il est, affirme Claude Fauchet, le « prince de nos (si jose dire, de tous aultres) historiographes69 » et son œuvre qui offre une analyse des règnes de Louis xi et de Charles viii est un modèle décriture historique.

Le dernier historien auquel Claude Fauchet consacre une notice dans ses Veilles est Jean Lemaire de Belges, « Poete et Historiographe », auteur en particulier des Illustrations de Gaule et Singularitez de Troye parues en trois volumes entre 1509 et 151370. Cet ouvrage, qui connut un large succès dans la première moitié du xvie siècle, retrace lhistoire nationale depuis les premiers rois gaulois de lépoque post-diluvienne jusquau règne de Pépin, père de Charlemagne. Lœuvre se caractérise par une érudition syncrétique où les auteurs apocryphes nouvellement redécouverts par Annius de Viterbe côtoient les auteurs grecs et latins, les poètes, les Pères de lÉglise et des auteurs modernes71. Cette vaste compilation pseudo-historique fut à lorigine du courant celtophile qui traversa tout le xvie siècle.

492

Quel jugement Claude Fauchet porte-t-il sur cette œuvre historiographique de la première Renaissance ?

Fauchet commence par rendre hommage au patriotisme de Lemaire de Belges qui « nestima faire chose plus louable que dillustrer le pais, auquel il debvoit et la vie et lavancement de son bien, cest assçavoir, France72. » Il se dit ensuite « esmerveillé du travail et labeur enduré par lui en lisant tant et si divers aulteurs que ceux quil allegue en si grant nombre », et lhumaniste ajoute : « [] je ne mesbahis point du temps quil dit y avoir emploié, qui fut par lespace de neuf ans73. » Ce que Claude Fauchet apprécie avant tout dans les Illustrations de Gaule et Singularitez de Troyes, cest la très vaste documentation collectée par Jean Lemaire de Belges. Après avoir reconnu cette qualité à louvrage de ce dernier, Claude Fauchet adopte alors une position plus critique : « il me semble advis quil avoit lesperit plus poetiq quaultrement » et lhumaniste considère que lauteur des Illustrations doit surtout être loué pour ses « inventions bonnes de motz et de fictions poetiques74 ». De ce fait, le crédit dabord accordé aux Illustrations de Gaule et Singularités de Troyes se trouve considérablement diminué. Lœuvre révèle un Lemaire de Belges plus poète quhistoriographe. La démarche érudite revendiquée na pas abouti à lécriture dune histoire nationale expurgée des « fables et de contes » comme le revendiquera bien plus tard Claude Fauchet à propos de ses Antiquitez gauloises et françoises.

De ces trois portraits, il ressort que pour Claude Fauchet, le but principal de lhistorien est la recherche de la vérité. Son travail repose sur la collecte la plus rigoureuse possible des témoignages et des documents. La fréquentation des princes apparaît comme indispensable dans la mesure où elle permet daccéder à une meilleure intelligence des faits et de leurs causes. Dans son rapport avec le pouvoir cependant, lhistorien doit toujours veiller à conserver son indépendance. Son récit doit rester fidèle à la stricte narration des faits établis et ne pas chercher à présenter les événements sous un jour favorable au souverain dont on relate les actions. Enfin, Claude Fauchet considère que lhistorien doit privilégier létude et la connaissance du passé de son pays. Il doit faire sortir de loubli les actions héroïques des ancêtres afin que les Français 493naillent plus « chercher des exemples chez les estrangers » mais sinspirent de ceux « quils ont en leur maison75 ». Fauchet prend pour exemple dhéroïsme propre aux Français lépisode rapporté par Jean Froissart des six Bourgeois qui « sexposèrent a la mort volontairement pour sauver leurs conbourgeois76 » lors du siège de Calais par le roi dAngleterre, Édouard III. Pour lauteur des Veilles, il appartient aux historiens mais aussi aux poètes du royaume de révéler ces faits exemplaires afin que les Français aient une meilleure connaissance de leur passé et quils développent ainsi un fort sentiment national.

CONCLUSION

Quil sagisse de létude de la poésie, de la langue ou de lhistoire, on relève donc toujours chez Claude Fauchet le même souci détablir et de défendre une tradition nationale. Cette démarche sinscrit dans une volonté daffirmation de la civilisation française face à lhégémonie de la culture italienne en Europe. Ainsi, dans de nombreux chapitres de ses Veilles, Fauchet cherche-t-il à montrer lautonomie de la culture française par rapport à la civilisation italienne, voire même à établir la préséance de la première sur la seconde. À propos de lUniversité de Paris aux xiiie et xive siècles, le jeune humaniste constate que « non seullement les François y acouroient mais aussi les Italiens, Espaignolz, Anglois, Allemantz ». Et Fauchet ajoute : 

Danthe poète florentin, Bocace y ont estudié. Et quant à Bocace, si quelquun veult prendre la poene de le leire et voir de pres, il trouvera une infinité non seulement de parolles mais de manieres de parler françoises. Et qui vouldra voir nos antiens autheurs, il trouvera lorigine des plus braves parolles dont les Italiens se parent aujourdhui ; voire des noms de leur poesie comme sonnet, ballade77.

Lauteur des Veilles considère donc que la dette culturelle de lItalie à légard de la France est des plus significatives. Si translatio studii il y eut, 494ce fut de la France vers lItalie et non linverse. Mais lItalie nest pas le seul pays redevable à la France. Ainsi lAngleterre, suite à la conquête que fit Guillaume le Conquérant de ce pays, adopta non seulement la langue du vainqueur mais aussi ses lois : « les Anglois avoient lois françoises78 » écrit Fauchet. Du xie au xive siècle, le rayonnement culturel de la France fut donc intense. Cest précisément ce rôle de premier plan que Fauchet voudrait que la France retrouve sur léchiquier européen. Ainsi, les Veilles constitue une défense et illustration de la civilisation française pour que la France redevienne « mère des armes, des arts et des lois » en Europe.

Arnaud Coulombel

Université de Chicago

Centre à Paris

1 Veilles ou observations de plusieurs choses dinnes de mémoire en la lecture daucuns autheurs François par C.F.P. lan 1555, BnF, ms. fr. 24726 (désormais, Fauchet, Veilles). Des extraits de ce manuscrit autographe de Fauchet ont été publiés par J. G. Espiner-Scott dans Documents concernant la vie et les œuvres de Claude Fauchet, Paris, Droz, 1938, p. 135-179 (désormais, Espiner-Scott, Documents). Sur ce manuscrit, voir les études de J.G. Espiner-Scott, Claude Fauchet, sa vie, son œuvre, Paris, Droz, 1938, p. 270-281 et dA. Schoysman, « Le regard de Claude Fauchet sur le Moyen Âge finissant », LAnalisi Linguistica e Letteraria, 12, 2004, p. 197-206.

2 Fauchet, Veilles, fol. 81r (Espiner-Scott, Documents, p. 177).

3 Dans son manuscrit, Claude Fauchet fait plusieurs fois références à Aulu-Gelle et à ses commentateurs (Gilles de Maizières et Josse Bade), Fauchet, Veilles, fol. 4v (Espiner-Scott, Documents, p. 138). Sur la réception dAulu-Gelle en France à la Renaissance, consulter le chapitre de Michael Heath, « Gellius in the French Renaissance », The Worlds of Aulus Gellius, éd. L. Holford-Strevens et A. Vardi, Oxford, Oxford University Press, 2004, p. 282-317.

4 Sur la poétique et lesthétique de la variété à la Renaissance, voir La varietas à la Renaissance, éd. D. de Courcelles, Paris, École nationale des chartes, 2001.

5 Pour les historiens, on relève les noms de Philippe de Commynes (Premier Livre, chap. 1 et Second Livre, chap. 2), Jean Froissart (Premier Livre, chap. 7) et Jean Lemaire de Belges (Troisième Livre, chap. 10) ; pour les poètes, il sagit des « autheurs du Romant dAlexandre » (Premier Livre, chap. 2), de Guillaume de Lorris et de Jean de Meung (Premier Livre, chap. 4), de Gaston Phebus (Premier Livre, chap. 6), dAlain Chartier (Second Livre, chap. 7), de Gaces de la Buigne (Second Livre, chap. 8), de Clément Marot (Troisième Livre, chap. 8), de Pierre de Ronsard (Troisième Livre, chap. 9), de Huon de Méry (Quatrième Livre, chap. 1) et de Hugues de Berzé (Quatrième Livre, chap. 2). Les notices bio-bibliographiques consacrées aux auteurs du Roman dAlexandre, à Guillaume de Lorris et à Jean de Meung, à Huon de Méry et à Hugues de Berzé réapparaîtront sous une forme remaniée dans le Recueil de lorigine de la langue et poésie françoise publié en 1581.

6 Trois chapitres sont respectivement consacrés à la signification des mots « pallefroi », « mallettotes » et « ferrant » (Premier Livre, chap. 5 ; Troisième Livre, chap. 4 ; le dernier chapitre est un chapitre isolé), deux autres à létymologie des mots « sergent » et « corfeu » (Second Livre, chap. 6 et chap. 7).

7 Il sagit des chapitres 1 et 4 du second Livre respectivement intitulés « Que antiennement les vers rimez de nos poëtes se chantoient au son des instrumentz » et « Lestendue de nostre langue avoir esté plus grande quelle nest maintenant ». Ce dernier chapitre réapparaîtra avec quelques ajouts dans le Recueil de lorigine de la langue et poésie françoise.

8 Il sagit respectivement du chap. 3 du Premier Livre, du chap. 3 du Second Livre et, pour les dignités, du chap. 6 du Second Livre et des chapitres 1, 6 et 7 du Troisième Livre. À la liste de ces chapitres historiques, il convient dajouter un long chapitre sur le duel « durant le regne de Charles 5 et 6 au roiaulme de France » (Premier Livre, chap. 8), un autre sur la « vieille coustume » militaire de faire hisser l« estandart » avant la bataille (Second Livre, chap. 5), un chapitre sur lorigine de lépithète « le Hardi » attribuée à Philippe, duc de Bourgogne, un dernier chapitre, enfin, sur les remparts de la ville de Paris (Quatrième Livre, chap. 3). Pour être complet, citons trois chapitres qui sapparentent plus à des histoires merveilleuses, lun tiré de Froissart, qui porte sur un acrobate funambulesque, un second repris à Georges Chastellain, sur un jeune homme prodige, le dernier, enfin, extrait de lHistoire dAngleterre de Polydore Virgile, relatif aux habitants dun village anglais qui avaient « dez queues come bestes ».

9 Sur le développement de la science historique dans la seconde moitié du xvie siècle, voir en particulier, C.-G. Dubois, La conception de lhistoire en France au xvie siècle (1560-1610), Paris, Nizet, 1977 et B. Barret-Kriegel, La défaite de lérudition, Paris, P.U.F., 1988 ; sur la naissance de lhistoire littéraire dont Fauchet fut un des précurseurs avec Étienne Pasquier, voir E. Mortgat-Longuet, Clio au Parnasse. Naissance de l« histoire littéraire » française aux xvie et xviie siècles, Paris, Champion, 2006.

10 J. du Bellay, La Deffence, et Illustration de la Langue françoyse (1549), éd. J.-C. Monferran, Genève, Droz, 2001, p. 93. Sur les débats qui entourèrent la question de lenrichissement de la langue française au milieu du xvie siècle, voir la synthèse de Michel Magnien, « Le français et la latinité : de lémergence à lillustration », Histoire de la France littéraire. T. I. Naissances, Renaissances, Moyen Âge-xvie siècle, éd. M. Prigent, Paris, P.U.F., 2006, p. 36-77.

11 Fauchet, Veilles, fol. 41v (Espiner-Scott, Documents, p. 170).

12 Fauchet, Veilles, Troisième Livre, chap. 9 : « De Pierre de Ronsard Poete », fol. 39v-42r (Espiner-Scott, Documents, p. 168-171). Pour un résumé du chapitre consacré par Claude Fauchet à Ronsard, voir Espiner-Scott, Claude Fauchet, p. 233-234.

13 Fauchet, Veilles, fol. 41r (Espiner-Scott, Documents, p. 170).

14 Ibid.

15 Ibid.

16 Fauchet, Veilles, fol. 7r (Espiner-Scott, Documents, p. 139). Lhumaniste se livre au même exercice avec le mot « ferrand » plus loin dans son manuscrit, Veilles, fol. 74r (Espiner-Scott, Documents, p. 139).

17 Ibid.

18 Ibid. Louis des Masures traduisit lintégralité de lÉnéide de Virgile entre 1547 et 1560. Le vers de Virgile (LÉnéide, IV, 135) dont il est question est le suivant : « Stat sonipes frenaque ferox spumatia mandit ». Sur lactivité de traducteur de Louis des Masures, voir en particulier larticle de J. Pineaux, « Louis des Masures traducteur : expression française et expression latine chez un humaniste du xvie siècle », Revue des Sciences Humaines, 180, 1980, p. 51-71. Il existe une édition critique de cette traduction, LÉnéide de Virgile, éd. R. Thomas, East Ardsley, 1972.

19 Ibid. Sur la traduction du Livre IV de lÉnéide de Virgile par Joachim du Bellay, voir A. Hulubei, « Virgile en France au xvie siècle : éditions, traductions, imitations », Revue du seizième siècle, 18, 1931, p. 1-77, ici p. 37-42.

20 Fauchet, Veilles, fol. 2v-3r, voir Espiner-Scott, Claude Fauchet, p. 164-165.

21 Fauchet, Veilles, fol. 3r (passage transcrit par nos soins).

22 Ibid. Ce passage fait directement écho à celui de Joachim du Bellay dans sa Deffence et Illustration, Livre II, chap. vi, « Dinventer des Motz, et quelques autres choses, que doit observer le Poëte Françoys » : « Quand au reste, use de motz purement Françoys, non toutesfois trop communs, non point aussi trop inusitez, si tu ne voulois quelquefois usurper, et quasi comme enchasser ainsi quune Pierre precieuse, et rare, quelques motz antiques en ton Poëme, à lexemple de Virgile []. Pour ce faire te faudroit voir tous ces vieux Romans, et Poëtes Françoys [] » (Deffence et Illustration, p. 148).

23 Fauchet, Veilles, fol. 26v-27r (Espiner-Scott, Documents, p. 157-158).

24 Fauchet, Veilles, « Des deux autheurs du Romant de la Rose Guilleaume de Lorris et Jehan de Meung », fol. 2r-3v. Sur la « fortune » du Roman de la Rose à la Renaissance, voir en particulier D. Hult, « La fortune du Roman de la Rose à lépoque de Clément Marot », Clément Marot, « Prince des poëtes françois », 1496-1996, éd. G. Defaux et M. Simonin, Paris, Champion, 1997, p. 143-156.

25 Fauchet, Veilles, fol. 2r. On rapprochera ce jugement de Claude Fauchet de ceux de T. Sébillet, Art poétique Françoys, II, XIV, « Grand œuvre. Le Roman de la Rose », éd. F. Goyet, Traités de poétique et de rhétorique de la Renaissance, Paris, Librairie Générale Française, 1990, p. 140 : « Pour ce si tu désires exemple [dun poème qui tombe sous lappellation de Grand œuvre], te faudra recourir au Roman de la Rose, qui est un des plus grands œuvres que nous lisons aujourdhui en notre poésie Française », et de J. du Bellay dans La Deffence et Illustration de la Langue françoyse, Livre II, chap. ii, « Des Poëtes Françoys », p. 121 : « De tous les anciens Poëtes Françoys, quasi un seul Guillaume du Lauris, et Jan de Meun sont dignes destre leuz, non tant pour ce quil y ait en eux beaucoup de choses, qui se doyvent immiter des Modernes, comme pour y voir quasi comme une premiere Imaige de la Langue Françoyse, venerable pour son antiquité. » Relevons dès maintenant que dans son appréciation des œuvres médiévales, Claude Fauchet est plus proche de lArt poétique Françoys de Thomas Sébillet que de La Deffence et Illustration de Joachim du Bellay. Sur le jugement porté par Joachim du Bellay sur la littérature médiévale, lire F. I. Tripplet, « Du Bellays Ambivalent Defense of Medieval Vernacular : La deffence et Illustration de la Langue françoise », Studies in Medievalism, 3/1, Fall 1987, p. 33-39. Pour une analyse des références au Roman de la Rose dans les écrits de Fauchet, voir Espiner-Scott, Claude Fauchet, p. 212-217.

26 Fauchet, Veilles, fol. 8v (Espiner-Scott, Documents, p. 140). Claude Fauchet a lu cet ouvrage en manuscrit comme il lindique au début de son chapitre : « [] (ainsi comme le dit un livre que jai escrit à la main) », Veilles, fol. 7v (Espiner-Scott, Documents, p. 139-140). On atteste lexistence de 44 manuscrits médiévaux du Livre de chasse de Gaston Phébus : voir sur cette question lédition de G. Tilander, Karlshamn, 1971. Nous navons pu identifier, jusquà maintenant et sil existe toujours, le manuscrit consulté par Claude Fauchet. Il apparaît par ailleurs que lhumaniste ignorait lexistence de lédition « imprimée pour Anthoine Verard » à Paris vers 1507 des Deduiz de la Chasse des bestes sauvaiges et des oyseaux de proye de Gaston Phébus. Cette édition comportait, imprimés lun à la suite de lautre, louvrage de Gaston Phébus et celui de Gace de la Buigne sans que le nom de ce dernier poète ne soit mentionné ; cest elle qui fut à lorigine de lattribution à Gaston Phébus de la paternité des deux ouvrages, attribution erronée à laquelle fait écho la remarque finale du chapitre de Claude Fauchet sur ce poète : « Jai ouï dire quil [Gaston Phébus] en a fait aussi un de la fauconnerie, mais je ne lai point veu » (Veilles, fol. 8v ; Espiner-Scott, Documents, p. 140). Pour un résumé du chapitre de Claude Fauchet sur Gaston Phébus dans les Veilles, voir Espiner-Scott, Claude Fauchet, p. 220.

27 Fauchet, Veilles, Second Livre, chap. 8 : « De Gaces de la Vigne, lequel a escript un Roman des Oiseaux et de leur chasse en vers françois », fol. 27v-30v (Espiner-Scott, Documents, p. 158-162). Comme pour louvrage de Gaston Phébus, Claude Fauchet dit avoir lu le Roman des deduis de Gace de la Buigne : « [] dans un exemplaire viel escript à la main (car jamais je nen vi dimprimé encor quil soit tres bien fait et utille) » (Veilles, fol. 27v ; Espiner-Scott, Documents, p. 158). De cette dernière citation, il apparaît que Claude Fauchet ignorait les trois impressions, dont deux avec le Livre de chasse de Gaston Phébus, que connut le Roman des deduis de Gace de la Buigne au début du xvie siècle, sur ce point voir Le Roman des deduis, éd. A. Blomqvist, Karlshamn, 1951. Pour une analyse de ce chapitre des Veilles, voir Espiner-Scott, Claude Fauchet, p. 219-220.

28 Fauchet, Veilles, fol. 29r (Espiner-Scott, Documents, p. 160). À cette liste dauteurs médiévaux, il conviendrait encore dajouter le nom de « Maistre Allain Chartier, poète et orateur françoys » dont Claude Fauchet écrit qu« Il fut homme de fort grant esperit, ainsi que ses œuvres tant de prose que de vers le montrent [] », Veilles, fol. 26v (Espiner-Scott, Documents, p. 157).

29 Du Bellay, Deffence et Illustration de la Langue françoyse, Livre II, chap. ii, « Des Poëtes Françoys », p. 121-127 et livre II, chap. iiii, « Quelz genres de Poëmes, doit elire le Poëte Françoys », p. 131-138. Dans le passage précédemment cité sur le Roman de la Rose, Joachim du Bellay estime que : « De tous les anciens Poëtes Françoys, quasi un seul Guillaume du Lauris, et Jan de Meun sont dignes destre leuz » (p. 121).

30 Du Bellay, Deffence et Illustration, p. 127.

31 Du Bellay, Deffence et Illustration, p. 126.

32 La défense la plus appuyée de la tradition poétique nationale apparaît à lépoque dans Le Quintil Horacien, pamphlet anonyme paru en février ou en mars 1550 et attribué à Barthelémy Aneau. Cet opuscule était une critique virulente des prises de position adoptées par Joachim du Bellay dans sa Deffence et Illustration. On dispose de deux éditions critiques de ce texte, par F. Goyet, Traités de poétique et de rhétorique de la Renaissance, p. 175-218 et J.-C. Monferran, Deffence et Illustration de la Langue françoyse (1549), p. 299-361.

33 Dans le deuxième livre de lArt poétique Françoys qui fait une analyse de « toutes les formes et différences des Poèmes usurpées en lart Poétique Français, et au passé, et au présent [] » (Sébillet, Art poétique François, « Préface », p. 97), la plupart des illustrations sont tirées de lœuvre de Clément Marot et introduites par une formule du type : « cet exemple pris de Marot te montrera plus clairement [] » Sébillet, Art poétique François, p. 116.

34 Du Bellay, Deffence et Illustration de la Langue françoyse, p. 126.

35 Du Bellay, Deffence et Illustration de la Langue françoyse, p. 94. Antoine Heroët, poète néoplatonicien, ami de Clément Marot, avait lui aussi été loué par Thomas Sébillet dans son Art poétique François, p. 60, 78, 80, 82 et 107.

36 Du Bellay, Deffence et Illustration de la Langue françoyse, p. 131-132.

37 Du Bellay, Deffence et Illustration de la Langue françoyse, p. 131-138. Seule exception à ce réquisitoire, le jugement favorable prononcé par Joachim du Bellay à légard de l« Eglogue sur la naissance du filz de Monseigneur le Dauphin » composée par Clément Marot.

38 Fauchet, Veilles, « De Clement Marot », fol. 37r-39r (Espiner-Scott, Documents, p. 165-167). Sur ce chapitre, voir Espiner-Scott, Claude Fauchet, p. 232-233. La spécialiste qualifie d« assez inattendue » la défense par Claude Fauchet de la poésie de Clément Marot à un moment où « la Pléiade avait définitivement conquis ses droits de cité à la Cour » (p. 233). Nous considérons pour notre part que cette prise de position de lhumaniste est tout à fait logique et quelle sinscrit dans le cadre plus large de la défense de la tradition poétique nationale entreprise par Claude Fauchet dans ses Veilles.

39 Fauchet, Veilles, « De Clement Marot », fol. 38v (Espiner-Scott, Documents, p. 167). Ce thème de lingratitude apparaît chez Clément Marot, lui-même : « O France ingrate, ingratissime / A ton poëte ».

40 Ibid.

41 Fauchet, Veilles, fol. 38v-39r (Espiner-Scott, Documents, p. 167). Souvenir dHorace, Art poétique, v. 343 : « Omne tulit punctum qui miscuit utile dulci ». (« Il enlève tous les suffrages celui qui mêle lagréable à lutile »).

42 Fauchet, Veilles, fol. 39r (Espiner-Scott, Documents, p. 167).

43 Fauchet, Veilles, fol. 38v (Espiner-Scott, Documents, p. 167). Rappelons que cette églogue, une fois nest pas coutume, avait aussi été citée en exemple par Joachim du Bellay dans sa Deffence et Illustration.

44 Fauchet, Veilles, fol. 40v-41r (Espiner-Scott, Documents, p. 170).

45 Fauchet, Veilles, « De Clement Marot », fol. 39r (Espiner-Scott, Documents, p. 167). Dans lArt Poétique françoys attribué à Thomas Sébillet, on relève un développement consacré précisément à cette notion de « Naturel des Français », p. 127-128 : « Mais en ce [le genre théâtral de la moralité] avons-nous comme en toutes choses suivi notre naturel, qui est de prendre des choses étrangères non tout ce que nous y voyons, ains seulement que nous jugeons faire pour nous, et être à notre avantage. »

46 Ibid.

47 Fauchet, Veilles, « De Pierre de Ronsard Poete », fol. 40v (Espiner-Scott, Documents, p. 170).

48 Fauchet, Veilles, « De Clement Marot », fol. 39r (Espiner-Scott, Documents, p. 167).

49 Sébillet, Art poétique François, éd. F. Goyet, p. 59-60.

50 Comme la montré Nicolas Lombart, Fauchet restera fidèle à ses positions dans son Recueil de lorigine de la langue et poésie françoise publié en 1581, vingt-six ans après les Veilles : N. Lombart, « Une défense et illustration de la poésie française médiévale : Le Recueil de lorigine de la langue et de la poésie françoise de Claude Fauchet (1581) », Accès aux textes médiévaux de la fin du Moyen Âge au xviiie siècle, éd. M. Guéret-Laferté et C. Pouloin, Paris, Champion, 2012, p. 105-142 ; citons en particulier ce passage, p. 106-107 : « [] la logique adoptée par Du Bellay dans La Deffence est renversée : si Claude Fauchet participe, à la fin du siècle, au mouvement de réhabilitation de la langue et de la poésie médiévales, légitimant lancienneté du génie français et justifiant la politique gallicane défendue par le Roi de France, cest en valorisant une authentique continuité entre la poésie de son siècle et celle “de nos bons pères”. Le principe de rupture entre les “vieilles Poësies Françoyses [et] autres telles episseries” et les genres modernes (cest-à-dire imités de lantiquité gréco-latine) nest plus de mise : la poésie française du Moyen Âge manifeste déjà un génie (genius) culturel quil ne faut pas se contenter de réhabiliter mais bien adapter au temps présent. »

51 Fauchet, Veilles, « De lutilité des histoires et que les memoires de Philippe de Commines telz que nous les avons sont imparfais », fol. 1r (Espiner-Scott, Documents, p. 135).

52 Ibid.

53 Tel est le cas du chapitre sur le duel (Premier Livre, chap. 8), de celui sur les « six François » de Calais (Second Livre, chap. 3) et de celui enfin sur les « souplesses » de lacrobate Turc lors dune entrée de Henri II à Paris (Troisième Livre, chap. 3). Claude Fauchet a lu Froissart dans lédition dAntoine Vérard parue vers 1495 en 4 vol. in-fol (voir Espiner-Scott, Documents, p. 140, note 2). Sur la réception de Jean Froissart au xvie siècle, voir P. Villey, Les Livres dhistoire moderne utilisés par Montaigne : contribution à létude des sources des Essais suivi dun appendice sur les traductions françaises dhistoires anciennes utilisées par Montaigne, Genève-Paris, 1972, p. 39-41. J. G. Espiner-Scott ne consacre que quelques lignes au chapitre de Claude Fauchet sur Froissart (Espiner-Scott, Claude Fauchet, p. 276-277).

54 Fauchet, Veilles, fol. 9r (Espiner-Scott, Documents, p. 141).

55 Ibid.

56 Ibid.

57 Ibid.

58 Ibid.

59 Fauchet, Veilles, fol. 8v (Espiner-Scott, Documents, p. 141).

60 Fauchet, Veilles, fol. 9r (Espiner-Scott, Documents, p. 141).

61 Ibid.

62 Fauchet, Veilles, fol. 1r (Espiner-Scott, Documents, p. 136).

63 Ibid.

64 Sur la réception de Commynes au xvie siècle, voir J. Dufournet, « Les premiers lecteurs de Commynes au xvie siècle », Mémoires de la société dhistoire de Comines-Warneton et de la région, 14, 1984, p. 51-94, et surtout p. 56-57. Consulter aussi J. Demers, « Montaigne, lecteur de Commynes », Seconda Miscellanea di studi e ricerche sul Quattrocento Francese, éd. F. Simone, Chambéry-Torino, 1981, p. 204-216 ; M. Tetel, « Montaignes glances at Philippe de Commynes », Bibliothèque dHumanisme et Renaissance, 60/1, 1998, p. 25-39.

65 Claude Fauchet a lu Commynes dans lédition de 1552 de Denis Sauvage quil considère comme « la meilleure qui fut » (Fauchet, Veilles, fol. 1v (Espiner-Scott, Documents, p. 136).

66 Fauchet, Veilles, fol. 1r (Espiner-Scott, Documents, p. 136).

67 Fauchet, Veilles, fol. 1r-1v (Espiner-Scott, Documents, p. 136).

68 Fauchet, Veilles, fol. 1r (Espiner-Scott, Documents, p. 136).

69 Fauchet, Veilles, fol. 17r (Espiner-Scott, Documents, p. 151).

70 Sur ce livre, on pourra se reporter à J. Abélard, Les Illustrations de Gaule de Jean Lemaire de Belges. Études des éditions. Genèse de lœuvre, Genève, Droz, 1976. Sur Jean Lemaire de Belges et les Illustrations de Gaule et Singularitez de Troye, voir G. Doutrepont, Jean Lemaire de Belges et la Renaissance, Bruxelles, Académie royale de Belgique, 1934 ; J. Frappier, « LHumanisme de Jean Lemaire de Belges », Bulletin dHumanisme et de Renaissance, 25, 1963, p. 289-306 ; P. Jodogne, Jean Lemaire de Belges, écrivain franco-bourguignon, Bruxelles, Palais des Académies, 1972 ; C.-G. Dubois, Celtes et Gaulois au xvie siècle. Le développement littéraire dun mythe nationaliste, Paris, Vrin, 1972, p. 31-39 ; C. Beaune, Naissance de la nation France, Paris, Gallimard, 1985, p. 39-51 ; J. Abélard, « Les Illustrations de Gaule de Jean Lemaire de Belges. Quelle Gaule ? Quelle France ? Quelle nation ? », Nouvelle Revue du Seizième Siècle, 13/1, 1995, p. 7-27. Sur la place de Jean Lemaire de Belges dans lœuvre de Claude Fauchet, voir Espiner-Scott, Claude Fauchet, p. 229-231.

71 Dubois, Celtes et Gaulois au xvie siècle, p. 35.

72 Fauchet, Veilles, fol. 43r (Espiner-Scott, Documents, p. 171).

73 Ibid.

74 Fauchet, Veilles, fol. 43v (Espiner-Scott, Documents, p. 172).

75 Fauchet, Veilles, fol. 19r (Espiner-Scott, Documents, p. 153).

76 Ibid.

77 Fauchet, Veilles, fol. 24r.

78 Fauchet, Veilles, fol. 23v.