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Classiques Garnier

L’avocat de Huarte

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LAVOCAT DE HUARTE

Sinquiétant de lincompétence des personnes en charge de la destinée du royaume1, le médecin et adepte de la « philosophie naturelle2 » Juan Huarte sinterroge sur les moyens de remédier à ce mal, et propose dans son Examen de ingenios3, publié en 1575, une méthode quil présente en ces termes à son souverain :

Sire, à fin que les ouvrages des artisans ayent la perfection, propre et convenable à lusage et profit de la Republique, il me sembleroit estre besoin ordonner sur ce et establir une loy. Que le Charpentier ne fist loffice du Laboureur : le Tisserant de lArchitecte : lAdvocat du Medecin, ny le Medecin de lAdvocat : mais que chacun exerçast et fist profession seulement de lart, quil ha aprinse, et à laquelle il est né, laissant à part toutes les autres4.

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Se fondant sur les travaux de Galien5, Huarte associe étroitement corps et esprit et fonde les différences daptitudes sur les différences de tempéraments quil constate parmi ses contemporains. Comme lindique le titre complet de son ouvrage, Examen de ingenios. Donde se muestra la differencia de habilidades que ay en los hombres, y el genero de letras que a cada uno responde en particular, son but est de montrer « quelle science correspond à chacun en particulier, en luy ostant celle qui luy est repugnante et contraire6 ».

Une réforme de la profession davocat lui paraît tout particulièrement nécessaire, comme le montrent les premières lignes de lépître à Philippe II. Cette réforme fait lobjet du chapitre xi7, dédié aux hommes de loi : « Donde se prueva que la Theorica de las leyes pertenesce a la memoria ; y el abogar y juzgar (que es su practica), al entendimiento. Y el gobernar una republica, a la ymaginativa8 ». Il sagira ici dexaminer les suggestions offertes par Huarte en vue de la formation dun « parfait avocat » et plus particulièrement dévaluer le poids de la tradition philosophique dans le discours du médecin espagnol. Une étude détaillée du vocabulaire employé par Huarte permettra ainsi de dégager les tâches de lavocat ainsi que les qualités requises à cet office selon le médecin espagnol. La place particulière accordée à la faculté dentendement et lhéritage aristotélicien seront ensuite explorés.

LE MÉTIER DAVOCAT SELON HUARTE

La présence de lavocat est très localisée dans lExamen de Ingenios – il sagit du chapitre xi essentiellement, avec quelques brèves mentions dans les chapitres viii et x et dans lépître liminaire. Ce chapitre xi fait suite à un chapitre consacré à lexercice, sur les plans théorique et pratique, de 391la théologie9 et précède celui qui est dévolu à la médecine10 : les lois des hommes viennent donc juste après celles de Dieu (chapitre x), et avant celles de la nature (chapitre xii). Suivront encore un chapitre consacré à lart militaire (chapitre xiii) et un dernier consacré à loffice de roi (chapitre xiv).

Champ lexical

Le champ lexical relatif à lavocat développé par Huarte dans le texte de 1575 est assez limité. On relève le verbe « abogar (= plaider) », sous sa forme verbale (4 occurrences, la plupart à linfinitif) ou nominale (« el abogar »). Le substantif « abogado (= avocat) » est utilisé au singulier (15 occurrences) ou au pluriel (8 occurrences). Il peut être complété par un adjectif qualificatif (« grande », « buen ») ou un groupe nominal prépositionnel (« de buen entendimiento », « de grande entendimiento »). On notera en outre, dans lenvoi final de louvrage, une louange à la « la virgen sancta María, señora y abogada nuestra11 », dans laquelle la vierge Marie est qualifiée d« avocate ». Enfin le substantif « abogacia [= profession davocat] », est utilisé à cinq reprises. Le chapitre viii laccompagne dune définition : « la practica de la Jusrispericia : que llaman abogacia12 ». On notera quà de nombreuses reprises, le substantif « abogado » est utilisé dans une paire où il est coordonné au substantif « juez [= juge] » : « juez ni / o abogado » (4 occurrences), « jueces o / y abogados » (4 occurrences). De même, le verbe « abogar » saccompagne à trois reprises du verbe « juzgar » : « juzgar y / ni abogar ».

Le mot « letrado » est parfois utilisé par Huarte comme synonyme, ou bien comme hyperonyme, et peut également désigner le juge13. Bien que « quelque peu mystérieux14 », ce terme désigne « un spécialiste du droit15 », cest-à-dire celui qui a étudié le droit romain de Justinien avec 392les commentaires médiévaux et les lois royales ou princières qui ont adapté le droit romain16.

Enfin le mot « legista » semploie également parfois comme hyperonyme, même si Huarte prend soin de le distinguer les « letrados » des « legistas », lesquels ne sont que des « legisladores, o jurisconsultos17 ».

On notera en outre que la ville de Salamanque, célèbre pour sa faculté de droit18, désigne par métonymie les étudiants en droit.

Les tâches de lavocat

Quelles sont les tâches de lavocat selon Huarte ? Et quel rôle lavocat joue-t-il dans la « république19 » ?

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Cest tout dabord en tant que « letrado » que lavocat se voit présenté. Comme la prétendue étymologie20 de son nom lindique, le « letrado » se doit de suivre « à la lettre » les « loix et reigles de droict » :

es cosa muy clara, saber ya : por que razon el legista se llama letrado, y no los demas hombres de letras : y es : por ser (a letra dado), que quiere dezir : hombre que no tiene libertad de opinar con forme a su entendimiento, sino que por fuerça ha de seguir la composicion de la letra21.

« Cest une chose fort claire de sçavoir, pourquoy le Legiste sappelle Letrado, et non pas tous les autres hommes de lettres : cest pource quil est (a letra dado) adonné à la lettre, cest à dire, homme qui na liberté dopiner selon son entendement, mais qui est contraint de suyvre la composition de la lettre22. »

Ces textes de loi sont selon Huarte « la fontaine et lorigine, doù les advocats tirent leurs argumens et raisons, pour prouver ce quils veulent23 ». La tâche de lavocat consiste donc à interpréter le droit, ce qui se fait en « distinguant, inferant, discourant, jugeant et élisant24 ». La même énumération, diminuée de lun de ses constituants, se lit de nouveau quelques pages plus loin pour définir la profession : « la maniere de juger et advocacer, se fait en distinguant, inferant, discourant et élisant25 ». Les avocats se distinguent ainsi des législateurs, qui eux ont lautorité damender les lois :

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[] sils ont pouvoir et autorité de les [= les lois] interpreter, referrer, amplifier, et den tirer exceptions, sils les peuvent corriger et amender, je dy bien quils semblent Legislateurs26.

Plus généralement, le rôle de lavocat est de « conseill[er]27 » et « defend[re] les causes28 ». Le défi consiste alors à trouver la loi qui correspond le mieux à la cause plaidée :

Aux causes et plaidoyers, chaque Advocat donne son advis, le mieux fondé en droit quil peut29.

La situation toutefois se complique du fait que lavocat nest pas seul, et doit tenir compte de la partie adverse, « en distinguant, limitant, amplifiant, inferant et respondant aux argumens de la partie contraire30 ». Huarte souligne quil ne sagit pas dun pur débat intellectuel, mais bien dun procès :

Mais quand un advocat parle pour une partie : et un autre, pour lautre, et quentre eux il y a un juge pour decider le different : cest un vray proces, où nest parlé comme si lon escrimoit sans adversaire31.

Lavocat dépend donc également de l« opinion » du juge, ce qui nest pas sans créer de problème :

La sentence du juge ne demonstre la vraye justice, et ne se peut appeller succes : pource que la sentence est pareillement opinion, et quil ne fait quaprocher et se joindre à la cause de lun des deux advocats32.

La versatilité des juges, qui complique la tâche de lavocat, est dénoncée par Huarte :

Les advocats voyant la grande diversité des entendemens des juges, [] comme aujourdhuy ils concluent, par un argument, et un autre jour, par le 395contraire, se hazardent à deffendre chacun proces, pour la partie affirmative et negative : voyans mesmement par experience, que des deux manieres ils obtiennent sentence en leur faveur33.

De grands désordres sont donc créés dans le monde judiciaire, ce que le médecin espagnol déplore amèrement.

Les facultés requises pour le métier davocat

Selon Huarte, la République court un grand danger si elle ne sélectionne pas soigneusement ses hommes de loi :

si on permet [] que les hommes entrent en ces charges, à la foule, sans faire preuve de leur esprit (comme maintenant est la coustume) tousjours adviendront les desordres et erreurs que nous avons noté [sic]34.

Il est donc nécessaire selon Huarte de recruter des personnes suffisamment qualifiées pour remplir les fonctions davocat. Dans une visée pragmatique, Huarte explore donc les différents types desprits (ingenios). On se rappelle les trois conclusions – ou plutôt assomptions – auxquelles il aboutit et quil expose dans son épître « Au lecteur » :

La première est que de plusieurs differences desprit, que lon trouve au genre humain, tu nen peux recevoir quune principalle et eminente []. Lautre, que à chacune difference desprit respond principallement une seule science et non plus []. La troisiesme, que ayant entendu quelle science est la plus conforme à ton esprit, il te reste une autre difficulté à souldre, encores plus grande, qui est de sçavoir si ton esprit saccommode plustost à la pratique quà la theorique, pource que ces deux parties en quelque genre de lettres que soit, sont tellement opposees, et requierent telle difference desprits, que lune est nuisible à lautre, comme si elles estoient totallement contraires35.

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Huarte dégage ainsi trois dispositions principales – mémoire, entendement et imagination36 – et sattache à distinguer celle qui est nécessaire pour chacun des métiers. Le chapitre viii fait linventaire des « arts et sciences » et opère un classement des disciplines intellectuelles en fonction de la faculté qui leur correspond. On notera quune même discipline peut relever de lune ou de lautre des facultés, selon quil sagit de sa théorie ou de sa pratique : ainsi la théorie de la médecine repose sur lentendement, sa pratique sur limagination. De la même façon, la théorie du droit se fonde sur la mémoire, sa pratique sur lentendement, comme le souligne demblée le titre du chapitre xi37.

Lentendement est donc la faculté essentielle dont lavocat doit être pourvu. Un éventuel défaut de cette disposition entraînera des conséquences dommageables :

Et si le juge ou ladvocat na bon entendement, pour tirer de la loy, soustraire et adjouster ce quelle ne peut dire par parolles, il fera beaucoup de fautes, suivant la lettre38.

Dans un premier temps de sa démonstration, Huarte sattache à exclure les dispositions non requises. Ainsi, contrairement aux idées reçues, la mémoire nest pas une faculté nécessaire à lavocat. Loin dêtre un atout, la mémoire est même un grave inconvénient, car « le lettré ayant grande memoire ne peut faire [la vraye interpretation des loix] en sorte quelconque39 ». Huarte recourt à une comparaison amusante pour illustrer son propos :

si le lettré a tout lart en la memoire, et que lentendement et limagination luy defaillent, il na non plus desprit et moyen de juger et advocacer, que le 397Code mesme et le Digeste, lesquels comprenants toutes les reigles et loix du droict, ne peuvent neantmoins faire un escrit40.

Huarte recourt en outre à une autorité philosophique pour exclure la faculté de mémoire, celle de Platon. Sappuyant sur le témoignage de ce dernier contenu « Au livre des loix », il dénigre « le lettré, qui [sait] beaucoup de loix par cœur » :

[Platon] vid seulement par experience que les Legistes ayans bonne memoire, qui venoient deffendre une cause ou la juger, nappliquoyent le droict tant bien quil estoit convenable41.

Pour affermir sa démonstration, Huarte développe une longue comparaison vestimentaire :

On compare celuy qui sçait beaucoup de Loix par cœur, au Frippier qui a dans sa boutique quantité de sayes couppez au hasard, et qui pour en donner un qui soit propre à celuy qui en demande, les luy fait tous essayer lun apres lautre, et sil nen trouve pas un qui vienne bien, il renvoye le marchand [= le client] ; là où lAdvocat de bon entendement, est comme le bon Tailleur, qui a les ciseaux en main, et la piece de drap en sa maison : lequel ayant pris la mesure, couppe un saye selon la taille de celuy qui le veut. Les Ciseaux du bon Advocat, cest un entendement aigu, avec lequel il prend la mesure convenable au fait dont il sagit, et le revest dune loy, qui luy vient bien, et sil ne la trouve pas toute entiere pour le decider en propres termes, il bastit un accoustrement de pieces de Droict, pour couvrir et le defendre42.

Lavocat est donc celui qui sait offrir du sur-mesure à son client.

Ayant écarté le critère de la mémoire, Huarte refuse de même le critère de léloquence judiciaire. Comme il la démontré au chapitre ix, léloquence est incompatible avec lentendement, puisque cette dernière requiert mémoire et imagination : « leloquence et netteté de parler, ne peut estre aux hommes de grand entendement43 ».

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Dans un second temps, après avoir établi limportance de lentendement pour la pratique du droit (lart de juger et de plaider), Huarte examine « les qualitez de lentendement et toutes les differences diceluy, à fin que nous sçachions distinctement, à laquelle dicelles les loix appartiennent44 ». Le médecin espagnol sappuie sur lautorité dAristote qui est mentionné à trois reprises.

LHÉRITAGE ARISTOTÉLICIEN

Pour définir les qualités de lentendement, Huarte se réfère tout dabord à Aristote pour établir un contraste entre lentendement et les cinq sens.

Selon Aristote (daprès Huarte), les cinq sens disent toujours vrai : « le sens est tousjours veritable45 ». Mais lentendement (malgré sa noblesse et dignité) se trompe facilement au sujet de la vérité, et tient en général un mauvais raisonnement : « lentendement, pour la plus part, discourt mal46 ». Huarte ajoute que lexpérience nous confirme ce point : du fait de leur usage de leur entendement, philosophes, médecins, théologiens, juristes, divergent dans leurs vues alors que la vérité est une :

Lexpérience est là pour nous le montrer. Sil nen était pas ainsi, y aurait-il parmi les grands philosophes, les grands médecins, les théologiens et les juristes célèbres, de si nombreuses divergences de vues, des opinions si contrastées, un tel amas de jugements et davis sur toute chose, alors que la vérité est une47 ?

Huarte explique ainsi le phénomène : « les objects des cinq sens et les especes par lesquelles ils se cognoissent, sont fermes et stables, naturellement que devant les cognoistre48 ».

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Cest bien en effet lopinion dAristote, qui est un réaliste au sujet du contenu de la perception sensible49. Les objets et qualités que les sens nous présentent sont constitués indépendamment de nos facultés perceptuelles.

En ce qui concerne lentendement, en revanche, la vérité qui est son objet nest pas constituée indépendamment de lopération de ce même entendement. Huarte suggère ici une approche constructiviste (et donc opposée au réalisme de son approche de la perception sensible) : lentendement na à sa disposition que des matériaux séparés quil sagit dassembler – à limage dune maison qui doit être rebâtie à partir de ses éléments. Contrairement aux sens, lentendement ne peut pas simplement copier une réalité qui est constituée indépendamment de lui.

Cest ainsi que selon Huarte sexpliquent les divergences de vues qui accompagnent lopération de lentendement : bien que la vérité soit une, différents individus construiront une maison différente à partir des matériaux qui sont à leur disposition.

Le fait que lusage de lentendement génère si facilement des divergences de vues est important pour lanalyse de la pratique de lavocat proposée par Huarte. Comme il est conscient du fait que différents individus déploieront leur entendement de manière différente50, le bon avocat ne concentrera pas son attention sur les arguments quil juge lui-même être les plus persuasifs. Au contraire, il ne négligera « aucun argument » dans lespoir que lun dentre eux convaincra le juge.

Huarte va ici bien au-delà dAristote (qui ne propose pas de conception constructiviste des opérations de lentendement). Si Aristote énumère bien différents types de fautes de raisonnement, en particulier dans le domaine pratique et éthique51 – par exemple choisir des moyens inadéquats à la fin que lon sest donnée, ou choisir des moyens appropriés, mais en vue dune fin elle-même inadéquate, Aristote ne partage pas la vision négative de lentendement proposée par Huarte dans ce chapitre, ni le contraste fort que le médecin espagnol introduit entre les différentes facultés humaines, ici entre la perception sensible et lentendement52. 400Ce qui intéresse au contraire Aristote, cest la façon dont les différentes facultés humaines sintègrent harmonieusement chez les individus doués de sagesse pratique, comme nous le verrons plus loin.

Allant plus loin dans sa réflexion sur lentendement, Huarte se pose également la question de la vérité et se demande à qui lon peut se fier.

En matière juridique, les divergences de vue générées par le déploiement de lentendement posent un problème de taille. Dans le cas de la médecine53, comme dans celui de la théologie54, nous pouvons faire appel à un critère indépendant pour vérifier laquelle des opinions contradictoires est vraie – la Bible pour la théologie, la survie du patient dans le cas de la médecine. Mais il ne semble pas y avoir de critère indépendant qui puisse, de manière similaire, permettre aux juristes de déterminer quelles sont les opinions vraies.

Ici encore, Huarte fait appel à lautorité dAristote pour asseoir son propos. En effet dans de tels cas, il faut, selon Aristote, sen remettre à lopinion commune, en privilégiant la qualité par rapport à la quantité : « pour trouver une verité plus cachée, vaut mieux un haut entendement que cent mille55 ». Il faut donc « élire personnages de grand entendement, pour estre jusges et advocats : car Aristote dit que les raisons et argumens de ceux là sont aussi certains et fermes que la mesme experience56. »

La référence à Aristote est ici à nouveau correcte dans les grandes lignes. Dans lÉthique à Nicomaque57, par exemple, Aristote souligne bien que lopinion populaire joue un rôle déterminant dans la recherche de la vérité éthique. Aristote affirme également que cest la qualité des individus consultés plutôt que leur nombre qui compte.

La question importante est cependant de savoir comment identifier les individus de « grand entendement » auxquels il convient de faire confiance. Sans un critère didentification, linjonction de sen remettre aux individus de grand entendement quand il sagit de la recherche de la vérité serait en effet vide de contenu. Cest à ce point précis que la divergence dapproche entre Aristote et Huarte est la plus marquée.

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Pour Huarte, on la vu, une forte mémoire entraîne un manque dentendement : « sil a grande memoire, nous avons dejà prouvé autrefois, que par consequent il ha faute dentendement58 ». Les différentes facultés de lesprit (mémoire, imagination, entendement) ne peuvent toutes être florissantes chez le même individu. Elles semblent au contraire être en concurrence et requérir des dispositions mutuellement incompatibles. Ainsi, pour repérer les manifestations précoces du talent davocat, on examinera avec soin si un enfant acquiert facilement une belle écriture (disposition qui requiert limagination). Dans ce cas il faudra conclure quà moins dun miracle lenfant est sûrement dépourvu dentendement59. La même conclusion simpose si plus tard le jeune homme apprend avec facilité la grammaire (disposition qui repose sur la mémoire). Comme il manquera dentendement, cet individu ne sera jamais un bon juge ni un bon avocat60. Par contre, « si lenfant ne profite bien en la Grammaire, il y a soupçon quil puisse avoir bon entendement61 ».

Pour Aristote au contraire, la recherche de la vérité repose sur lintégration harmonieuse des différentes facultés de lesprit. Cette intégration nécessite expérience et ne peut seffectuer que grâce à un long entraînement. Dans le domaine éthique par exemple, une bonne éducation, affinée par lexpérience, est la condition nécessaire à lintégration harmonieuse des facultés émotionnelles et des facultés intellectuelles – tel lentendement. Cette intégration, qui ne peut être atteinte dans la jeunesse, est la clé de la sagesse pratique, et donc de laccès à la vérité dans le domaine pratique. Lindividu doué de sagesse pratique sera capable de combiner harmonieusement expérience et arguments : il saura identifier les prémisses vraies, et en tirer les conclusions qui en 402découlent. Cest aux individus doués dune telle sagesse pratique quil faut donc sen remettre dans la recherche de la vérité éthique62.

Huarte cependant peine à aller jusquau bout de son raisonnement, pour révoquer en une palinodie embrouillée ce quil sétait efforcé de démontrer.

En effet, Huarte a du mal à sen tenir à sa seconde règle (« à chacune difference desprit respond principallement une seule science et non plus »), qui, en matière de faculté fondamentale, prétend à lexclusivité. Dans un raisonnement embarrassé, il convient que la faculté de mémoire est malgré tout nécessaire à lavocat. Étant donné la nature particulière de la « science de droict » :

chacune loi contient seulement un cas, sans que celle qui suit, en depende, combien quelles soient toutes deux souz un mesme tiltre. Et partant est necessaire sçavoir toutes les loix, estudier chacune particulierement, et les garder distinctement en la memoire63.

Huarte concède donc la nécessité de cette faculté pour lexercice de la profession davocat :

Car encores que nous ayons dit que ladvocat de bon entendement est maistre des loix, si est ce que toutes les raisons et argumens diceluy doivent estre fondez et appuyez sur les principes de cete faculté, sans lesquels ils sont de nul effect et valeur. Et à fin de pouvoir faire cela, il est besoin dune grande mémoire, laquelle garde et retienne un si grand nombre de loix escrites aux livres. Cet argument prouve estre necessaire au parfait advocat davoir grand entendement et mémoire : ce que je confesse64.

Le médecin espagnol, conscient de se désavouer, termine cependant sur une acrobatie verbale :

Mais quant à moy je veux dire, que, là où ne se trouvera un grand entendement joint à une grande memoire (à cause de leur repugnance), il vaut mieux que ladvocat soit prouveu dun haut entendement, et de peu de memoire, que dune grande mémoire, ayant peu dentendement : car pour supleer à la mémoire, il y a beaucoup de remedes, comme les livres, tables abecedaires et autres inventions des hommes : mais sil ha faute dentendement, il nest possible dy remedier65.

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Se fondant sur Aristote et Platon, il tente une nouvelle fois de justifier la place minimale de la mémoire parmi les compétences de lavocat en introduisant la notion de réminiscence. Cette dernière apporte une « certaine connaissance confuse » et permet à lavocat « faisant reflexion et raisonnant » de se « ressouvenir » de ce quil aurait « une fois veu, ouy ou leu ». Et Huarte de conclure :

Ainsi donc advient maintes fois quun Juge de bon entendement donne sentence, sans sçavoir la decision de la Loy, quil va trouver puis apres dedans les livres ; et ce que mesmes nous voyons advenir aux advocats, quand aucunefois ils donnent leur advis sur le champ66.

Conclusion

Le chapitre xi de LExamen des esprits se propose dexaminer les signes auxquels lon reconnaît le futur avocat, et qui permettent de savoir si lenfant possède « la difference de lentendement » requis pour létude des lois. Huarte peine cependant à « dire et averer [] les qualitez de lentendement et toutes les differences diceluy67 ». Sans doute dans le souci de sen tenir à la méthode quil a mise au point, selon laquelle une faculté et une seule est requise pour chaque profession, il sécarte des théories dAristote, lequel valorise lexpérience et lintégration harmonieuse des différentes facultés de lesprit.

Huarte procède par discrimination : si lenfant a une trop grande mémoire, ce qui peut être détecté lors de lapprentissage de lalphabet, il est dénué dentendement ; de même sil est pourvu dimagination et dessine bien ses lettres, « cest un mauvais signe pour lentendement68 ». Des compétences en grammaire et en latin sont également rédhibitoires. Enfin de longues études de droit semblent insuffisantes : létudiant nest quun lecteur dun « mediocre entendement », passif et incapable de contradiction69.

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La « pierre de touche », cest-à-dire la seule discipline scolaire apte à détecter le talent davocat, semble être la dialectique. Si létudiant est bon en dialectique, « cest un argument infaillible, quil a un tel entendement que les loix demandent70 ». Huarte précise toutefois que lenseignement de la dialectique ne doit être abordé quune fois la formation en arts achevée. Il agrémente sa démonstration dune comparaison imagée :

Toutefois estimay-je quil vaut mieux ouir premierement tout le cours des arts : car la Dialectique nest non plus à lentendement, que le travers que lon met aux pieds dune mule, pour la faire aller lamble, et dune manière gracieuse et posee71.

Mais là encore, Huarte nhésite pas à se contredire et imagine le cas dun étudiant qui ne serait ni bon ni en latin, ni en dialectique, mais « prouveu de bonne imagination » et capable de faire « merveilles [] à ladvocacerie72 ». Bref, lavocat semble se dérober à toute définition.

Huarte na donc dautre possibilité que de conclure son chapitre par une pirouette, en mentionnant lexistence de sujets exceptionnels, dotés de toutes les facultés, et excellant dans tous les domaines :

Parquoy nest ce chose repugnante destre grand advocat, et fameux gouverneur voire mesmes descouvrirons nous cy apres questant la nature garnie de toutes les forces quelle peut avoir, et avec une matiere bien raisonnee, elle fera un homme de grande memoire, de grand entendement, et de grande imagination : lequel estudiant les loix, sera fameux lecteur, grand advocat, et non moindre gouverneur : mais nature forme tant peu de ceux là, que ceste reigle peut passer pour generalle73.

Véronique Duché

François Schroeter

The University of Melbourne

1 Né en 1529 à Saint-Jean-Pied-de-Port, en Basse-Navarre, Juan Huarte de San Juan a vécu principalement en Andalousie. Cest au roi Philippe II quil dédie son ouvrage.

2 Huarte conçoit une théorie médico-politique des aptitudes fondée sur une philosophie de la nature. En témoigne le titre de la première traduction en français procurée par Gabriel Chappuys à partir de lédition de Pampelune publiée en 1578 : Anacrise, ou Parfait Jugement et examen des esprits propres et nés aux sciences. Où par merveilleux & utiles secretz, tirez tant de la vraye Philosophie naturelle, que divine, est demonstree la difference des graces & habilitez qui se trouvent aux hommes, & à quel genre de lettres est convenable lesprit de chacun [], Lyon, François Didier, 1580. Le mot savant qui figure en tête du titre choisi par Chappuys, Anacrise, est un substantif formé sur le grec ἀνχρισις, et qui signifie « enquête », « examen ».

3 Juan Huarte de San Juan, Examen de ingenios. Donde se muestra la differencia de habilidades que ay en los hombres, y el genero de letras que a cada uno responde en particular, Baeza, Juan Baptista de Montoya, 1575, fol. 163. Lédition princeps date de 1575, celle dite sub princeps est posthume (Baeza, 1594). Nous citons lexemplaire de lédition princeps disponible en ligne sur le site de la Biblioteca Nacional de España. Nous consultons également la riche édition procurée par Guillermo Serés, Madrid, Cátedra, 1989.

4 Anacrise, fol. *5v. Texte original : « Para que las obras de los artífices tuviesen la perfección que convenía al uso de la república, me pareció, Católica Real Majestad, que se había de establecer una ley : que el carpintero no hiciese obra tocante al oficio del labrador, ni el tejedor del arquitecto, ni el jusrisperito curase, ni el médico abogase ; sino que cada uno ejercitase sola aquel arte para la cual tenía talento natural, y dejase las demás. » (fol. bi, omis sur le site de la Biblioteca Nacional de España, mais disponible sur celui de Cervantes virtual).

5 « Finalmente todo lo que escribe Galeno en su libro es el fundamento desta mi obra » écrit Huarte à la fin du chapitre ii (fol. 31v).

6 Il sagit de la traduction par Chappuys (fol. 114v) du titre du chapitre viii, « Donde se da a cada diferencia de ingenio, la sciencia que le responde en particular ; y se le quita la que es repugnante y contraria » (fol. 112 r).

7 Dans lédition princeps de 1575. Dans lédition subprinceps (augmentée et expurgée après la mise à lIndex de 1583), publiée de façon posthume en 1594, il sagit du chapitre xiv.

8 Examen de ingenios, fol. 163r.

9 Examen de ingenios, fol. 137v « Capitulo Decimo, donde se prueva, que la Theorica de la Theologia, pertenesce al entendimiento, y el predicar (que es su practica) a la ymaginativa ».

10 Examen de ingenios, fol. 187r : « Capitulo Doze, donde se prueva que la Theorica de la medicina, parte della pertenesce a la memoria ; y parte al entendimiento ; y la practica, a la ymaginativa ».

11 Examen de ingenios, fol. 356r. Il sagit là de lune des fonctions traditionnellement attribuées à la Vierge Marie, intercédant en faveur des fidèles.

12 Examen de ingenios, fol. 113r.

13 Comme le montre cet exemple : « si el letrado tuviere mucha memoria no vale nada para juzgar ni abogar » (Examen de ingenios, fol. 171v).

14 Le texte original porte : « En lengua española no debe carecer de misterio » (Examen de ingenios, fol. 163v).

15 Juan Huarte de San Juan, Examen des esprits pour les sciences, tr. J.-B. Etcharren, Biarritz, Atlantica, 2000, p. 215. Cest ainsi que le traduit Jean-Baptiste Etcharren dans sa version du texte de Huarte. Les premiers traducteurs de Huarte ont hésité, optant parfois pour « lettré » et « homme de lettres ». Selon le Tesoro de la lengua castellana o Española de Sebastián de Covarrubias (Madrid, Luis Sanchez, 1611), le Letrado est « el que professa letras, y han se alçado con este nombre los Juristas Abogados ». Pour la différence entre letrados et gramáticos, voir lédition citée de G. Serés, n. 1, p. 467. Serés renvoie par ailleurs aux travaux de F. Rico (« Laudes litterarum : humanismo y dignidad del hombre en la España del Renacimiento », Homenaje a J. Caro Baroja, Madrid, Centro de Investigaciones Sociológicas, 1978, p. 895-914) et de L. Gil Fernández (chapitre « Letrados, gramáticos y humanistas », Panorama social del humanismo español (1500-1800), Madrid, 1977, p. 229-250). Les « letrados » formaient une « classe moyenne » de petits nobles et de bourgeois instruits qui avaient étudié le droit civil et canonique. On les retrouve dans les principaux Conseils, Tribunaux et charges de corregidors sous Philippe II et Philippe III notamment. Ils perdront de leur influence dans la seconde moitié du xviie siècle (voir à ce sujet J.-M. Pelorson, Les Letrados : juristes castillans sous Philippe III. Recherches sur leur place dans la société, la culture et lÉtat, Le Puy, 1980). On notera que lespagnol « letrado » désigne encore de nos jours un avocat ou un juriste.

16 On rappellera la distinction fondamentale entre « justicia letrada » et et « justicia non letrada ». Alors que, pour trancher les conflits, la « justicia letrada » se fonde sur le droit (romain), la « justicia non letrada » se fonde sur léquité, cest-à-dire sur ce qui paraît juste à larbitre, lequel na pas besoin de connaître le droit, mais dêtre reconnu par la communauté comme honorable.

17 Examen de ingenios, fol. 170v.

18 On recensait à la fin du Moyen Âge six chaires de droit canon et sept de droit civil ; voir à ce sujet A. Vaca Lorenzo, « Le campus de luniversité de Salamanque au Moyen Âge », Les universités et la ville au Moyen Âge. Cohabitation et tension, éd. P. Gilli, J. Verger, D. Le Blévec, Leiden, Brill, 2007, p. 20.

19 On se rappellera que sous la plume de Thomas More, lui-même juriste, les « avocats [] sont absolument exclus de chez les [Utopiens] » (« porro causidicos [] prorsus omnes excludunt », A. Prévost, LUtopie de Thomas More, Paris, Mame, 1978, p. 125, l. 19-20.) More met ainsi en évidence, en usant du paradoxe, limportance des avocats dans les sociétés dAncien Régime ; voir à ce sujet W. J. Bouwsma, « Lawyers and early modern culture », The American Historical Review, 78, 1973, p. 303-327.

20 Il sagit bien sûr dune étymologie fantaisiste, le substantif étant dérivé du latin litteratus.

21 Examen de ingenios, fol. 165r. « [] Il est facile [] de savoir pour quel motif le légiste sappelle “letrado”, à lexclusion des autres hommes de lettres. Cest quil est “a letra dado”, adonné à la lettre, ce qui veut dire quil est un homme privé de la liberté de se faire une opinion personnelle selon son entendement : il est forcé de prendre le texte au pied de la lettre. » (Examen des esprits, tr. J.-B. Etcharren, p. 217)

22 Anacrise, fol. 171v.

23 Anacrise, fol. 180r ; Examen de ingenios, fol. 173r : « la fuente y origen, de donde los Abogados sacan los argumentos y razones para probar lo que quieren ».

24 Anacrise, fol. 174v ; Examen de ingenios, fol. 168r : « la verdadera interpretación de las leyes [] se hace distinguiendo, infiriendo, raciocinando, juzgando y eligiendo ». Cest, selon Huarte, la méthode requise pour accéder à la vérité, comme on peut le lire à la fin du chapitre ix consacré à « leloquence et netteté de parler » : « distinguiendo, infiriendo, raciocinando y juzgando se viene a saber la verdad y descubrir la mentira » (Examen de ingenios, fol. 137r). Traduction par Chappuys : « en distinguant, inferant, raisonnant, et jugeant se vient à sçavoir la verité et découvrir le mensonge. » (fol. 141v).

25 Anacrise, fol. 181r. Examen de ingenios : « si el juzgar y abogar se hace distinguiendo, infiriendo, raciocinando y eligiendo ». Notons que les mêmes verbes sappliquent aux prédicateurs : « Et combien quen la chaire on doive distinguer, inferer, discourir, juger et élire pour tirer le vray sens de la loy » (Anacrise, fol. 192).

26 Anacrise, fol. 177r-177v. Examen de ingenios, fol. 170v : « Porque si ellos tienen poder y autoridad de interpretarlas, coaretarlas, ampliarlas y sacar de ellas excepciones y falencias, y las pueden corregir y enmendar, bien dicho está que parecen legisladores. »

27 Anacrise, fol. 179v.

28 Anacrise, fol. 178r.

29 Anacrise, fol. 189r.

30 Anacrise, fol. 178r-178v.

31 Anacrise, fol. 192r-192v.

32 Anacrise, fol. 189r.

33 Anacrise, fol. 190r.

34 Anacrise, fol. 189v.

35 Anacrise, fol. **2r-**2v ; Examen de ingenios, fol. 5r-5v : « La primera es, que de muchas differencias de ingenio que hay en la especie humana : sola una te puede (con eminencia), caber []. La segunda, que a cada differencia de ingenio le responde (en eminencia) sola una sciencia y no más ; de tal condicion, que si no aciertas a elegir, la que responde a tu habilidad natural, ternas de las otras gran remission, aunque trabajes días y noches. La tercera, que despues de aver entendido, qual es la sciencia que a tu ingenio mas le responde, te queda otra dificultad mayor por averiguar, y es : si tu habilidad es mas acommodada a la pratica, que a la theorica, por que estas dos partes (en qualquier genero de letras que sea) son tan oppuestas entre si, y piden tan differentes ingenios, que la una a la otra se remiten, como si fueran verdaderos contrarios. »

36 Sur le rôle joué par la mémoire, on pourra notamment consulter E. Berriot, « La mémoire, trésor ou entrave de lesprit », Juan Huarte au xx e siècle, dir. V. Duché, Biarritz, Atlantica, 2003, p. 237-251 ; sur le rôle de limagination, voir C. Orobitg, « Del Examen de ingenios de Huarte a la ficción cervantina, o cómo se forja una revolución literaria », Criticón, 120-121, 2014, p. 23-39 et J. Biedma, « Poder de la imaginación y fecundidad del entendimiento en el Examen de Ingenios para las ciencias », Juan Huarte au xxe siècle, p. 213-236.

37 Anacrise, fol. 169v : « Comme la theorique des loix appartient à la memoire : ladvocacer et juger (qui en est la pratique) à lentendement : et la maniere de gouverner une republique, à limagination. »

38 Anacrise, fol. 177v-178r. Examen de ingenios, fol. 171r : « Y si el juez, o abogado, no tiene entendimiento para sacar de la ley, o para quitar o poner, lo que ella no puede dezir con palabras : hara muchos errores, siguiendo la letra. »

39 Anacrise, fol. 174v.

40 Anacrise, fol. 175r.

41 Anacrise, fol. 174r-174v.

42 J. Huarte, Lexamen des esprits pour les sciences, tr. Charles de Vion dAlibray, Paris, J. Guignard le père et J. Guignard le fils, 1655, fol. 394-395. Nous utilisons exceptionnellement ici cette traduction, plus élégante. On appréciera les retouches stylistiques apportées par Vion à la traduction de Chappuys.

43 Il sagit du titre du chapitre ix (Anacrise, fol. 134v). Examen de ingenios, fol. 130v : « Capitulo nono, donde se prueva, que la eloquencia y policia en hablar, no puede estar en los hombres de grande entendimiento ».

44 Anacrise, fol. 181r-181v.

45 Anacrise, fol. 181v.

46 Ibid.

47 Examen des esprits, tr. J.-B. Etcharren, p. 225-226. On notera que Chappuys commet un contresens lorsquil traduit ce passage, Anacrise, fol. 181v : « Ce qui se voit clairement par experience : car si ainsi nestoit, on voirroit de grandes dissentions entre les graves philosophes, medecins, theologiens et legistes : on voirroit sur chacune chose diverses opinions et jugemens, attendu quil ny a quune verité. »

48 Anacrise, fol. 182r.

49 Analytiques Postérieurs, livre II, chapitre xix ; Métaphysique, livre alpha, chapitre 1.

50 Anacrise, fol. 185r : « si nous assemblons cent hommes de lettres, et si nous leur proposons quelque question, chacun en juge particulierement, et en parle de diverse sorte ».

51 Ethique à Nicomaque, livre VI, chapitre ix.

52 Anacrise, fol. 186r-186v : « La grande misere de nostre entendement qui compose et divise, argumente et discourt, et despuis quil a conclud, na preuve pour cognoistre si son opinion est veritable ».

53 Anacrise, fol. 187v-188r.

54 Anacrise, fol. 187r-187v.

55 Anacrise, fol. 188v.

56 Anacrise, fol. 191v.

57 Aristote, Éthique à Nicomaque, Livre I, chapitre iv.

58 Anacrise, fol. 191r.

59 Anacrise, fol. 191r-191v : « La facile escriture et les bons traits de lettres découvrent une grande imagination : et pourtant quand un enfant en peu de jours sçait bien asseoir la main, faire ses lignes droites et la lettre pareille, et de bonne forme et figure, cest un mauvais signe pour lentendement, pource que cest œuvre se fait par le moyen de limagination : et ces deux puissances son contraires, comme nous avons dit et noté. »

60 Anacrise, fol. 191r : « Et estant mis à la Grammaire, sil laprend aisement, sil parle latin en peu de temps, sil lescrit elegamment, et à limitation de Ciceron, il ne sera jamais bon juge ni asvocat, parce que cest un signe quil ha une grande mémoire, de manière que cest grand cas dadventure, sil nest deprouveu dentendement ». Toutefois Huarte ajoute aussitôt que linverse nest pas vrai : une incompétence en latin nest pas le signe dun « bon entendement ».

61 Anacrise, fol. 192v.

62 Ethique à Nicomaque, livre VI, chapitre viii.

63 Anacrise, fol. 174r.

64 Anacrise, fol. 178v-179r.

65 Anacrise, fol. 179r.

66 Anacrise, fol. 179v-180r.

67 Anacrise fol. 181v.

68 Anacrise fol. 191v.

69 Anacrise, fol. 192r : « le lecteur expose le cas comme il luy semble, resoult les doutes et contrarietez à son plaisir, et donne son advis comme il veut, sans que nul luy contredise : à quoy suffit un mediocre entendement. »

70 Anacrise fol. 192v-193r.

71 Anacrise fol. 193r.

72 Anacrise fol. 193v. Huarte avait mentionné plus haut déjà cette possibilité : « Il sen trouve dautres qui ayant mal estudié à Salamanque ne laissent pas de faire des merveilles quand il faut plaider une cause » (Examen des esprits, p. 402).

73 Anacrise fol. 194r-194v.