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Classiques Garnier

Fragment d’une Continuation de la Chanson de Jérusalem

  • Type de publication : Article de revue
  • Revue : Cahiers de recherches médiévales et humanistes / Journal of Medieval and Humanistic Studies
    2018 – 1, n° 35
    . varia
  • Auteurs : Herbin (Jean-Charles), Grüber (Gauthier)
  • Résumé : Le passage contenu dans ce fragment de la Continuation de la Chanson de Jérusalem se situe juste après l’empoisonnement de Godefroi de Bouillon par le patriarche Éracle et Tangré de Pouille ; le texte en est plutôt remanié dans le détail par rapport aux deux seuls manuscrits connus de la chanson, même si le contenu général est stable. Copié au nord de l’aire d’oïl, il permet notamment d’étudier l’origine et l’évolution de la locution « si j’étais que de vous », dont il offre une étape déterminante.
  • Pages : 567 à 590
  • Revue : Cahiers de recherches médiévales et humanistes - Journal of Medieval and Humanistic Studies
  • Thème CLIL : 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
  • EAN : 9782406083221
  • ISBN : 978-2-406-08322-1
  • ISSN : 2273-0893
  • DOI : 10.15122/isbn.978-2-406-08322-1.p.0567
  • Éditeur : Classiques Garnier
  • Mise en ligne : 29/08/2018
  • Périodicité : Semestrielle
  • Langue : Français
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Fragment dune Continuation
de la Chanson de Jérusalem

Ce fragment, qui nous a été signalé par Thomas Falmagne, se trouve aux Archives de la Dordogne, à Périgueux, sous la cote Ms. 183-04 (dans une boîte cartonnée, avec dautres fragments) ; retiré de la reliure dun registre de la commune de Doissat (Dordogne1), cest un bifeuillet denviron 330 mm sur 460 mm (bifeuillet central dun cahier), 2 colonnes à la page, 46 lignes, soit 368 vers. Le fragment, que nous nommerons désormais Per, paraît dater de la fin du xiiie siècle et appartenait à ce qui a dû constituer un beau manuscrit.

Il sagit dun fragment de limposante Continuation de la Chanson de Jérusalem dans la version des manuscrits de Londres (I) et de Turin (T), qui compte 27 388 vers dans I, version publiée par Peter Grillo2 ; le texte transmis par IT retravaille une partie de la matière des continuations précédentes et introduit nouveaux épisodes et nouveaux personnages3. Le passage transmis par Per se situe dans la première moitié de la Continuation de la Chanson de Jérusalem (v. 10475-10867) : Godefroi de Bouillon a été empoisonné par le patriarche Éracle avec la complicité ou au moins laccord de Tangré de Pouille, qui convoite la reine, épouse de 568Godefroi ; Baudouin, frère de Godefroi, convoque Tangré (notre passage commence lorsque le messager énonce la convocation à celui-ci) ; devant Baudouin, Tangré accuse Éracle qui, à son tour, paraît devant Baudouin à Jérusalem et accuse Tangré ; se sachant plus fort que son accusateur, Éracle propose un jugement de Dieu contre Tangré pour se laver de toute accusation et établir la vérité. Le fragment sarrête deux vers avant lénonciation explicite de cette proposition : « Vers li le prouverai a loi de champion » (v. 10869 de léd. P. Grillo).

La comparaison précise quon peut faire de Per avec la version I publiée (et les variantes de T) fait ressortir les particularités du texte quil transmet : le fragment nous propose une version écourtée par rapport au manuscrit de Londres (I) suivi par P. Grillo dans son édition4, sans compter des remaniements plus ou moins étendus portant sur divers éléments.

On ne relève aucun vers faussé dans Per ; toutefois, un mot dassonance se trouve répété dans deux vers consécutifs (10715-10716), et deux lacunes importantes (vingt-deux et huit vers) suggèrent un copiste inattentif. La première (10575-10596) sexplique peut-être par un bourdon (voir, dans léd. P. Grillo, les v. 10573-10575 présentant à la rime raison / on / non et 10595-10598 raison / glouton / on / renom) ; la seconde, 10847-10854, est moins aisée à expliquer ; vingt-sept vers sont omis par rapport à IT : 10492, 10511-10512, 10517, 10520, 10559, 10562, 10565-10566, 10571, 10609, 10628-10629, 10633-10634, 10636, 10750 (en fait, écrasement de 10749 et 10750 en un seul vers), 10785-10787, 10795, 10861-10862 ; les v. 10506-10508 sont remplacés par un seul vers, 10549-10553 par trois vers ; les v. 10556 et 10607, qui figurent dans I et Per sont omis par T. Per insère trente-deux vers par rapport à I : 10496a-i, 10497a, 10513a, 10544a, 10554a, 10560a, 10567a, 10573ab, 10607a, 10676a, 10692a, 10698a, 10702a, 10737a, 10759a, 10783a, 10815a, 10819a, 10825a-d, 10844a.

Dans notre fragment, on remarque une longue phrase à la syntaxe approximative (10716-10724, voir la note). Enfin, certains vers de Per sont complètement réécrits par rapport à IT (ou linverse) ; ainsi, pour ne donner que quelques exemples :

« Sainte Marie, Dame, venés moi conseillier » 10485 IT

# « Hé las, com sui honis, com porrai esploitier ? » Per.

569

Or se pense (sapense T) li glous que la mer passera 10742 IT

# Apensés sest li glous quen la mer entrera Per.

« Mais par Dieu, se jescape, jamais ne finerai (éd. fuierai), / Si arai enerbé Bauduïn au cuer gai ; / Et se li rois est mors, nului ne douterai – / Encore ferai tant que couronné serai » 10780-10783 IT

# « Mais par Dieu qui me fist, jamais ne finerai, / Si laverai ocis, car je lenerberai. / Car se li rois est mors, nullui ne douterai / Lors se leva en piés, ni a fait lonc delai, / Sa gent fist aprester, puis monte el ceval bai » Per.

Il est clair que le texte transmis par Per ne suit pas fidèlement la version IT, même si le contenu général reste très semblable. Labsence dans T des v. 10556 et 10607, qui figurent dans I et dans Per, permet de penser que T na pu servir de modèle à Per ; pour I, on ne peut rien déduire de semblable.

Brève étude de la langue du fragment

Ce fragment présente une scripta nettement picarde :

dans le traitement des palatales5 : cangier 10482, 10830, calongier 10487, mescaïr 10496a, camp 10544a, etc. ; anchois 10570, 10613, cha / decha 10477, 10607, 10693, 10711, 10727, chaiens 10661, che 10607, choilent (< celer) 10691, corrouchoie 10663, chou 10498, 10659, corrocha 10556, (a/re)drecha 10518, 10532, 10702a, 10816, nochoiier 10489, raanchon 10866, norrechon 10567a, pieche 10815a, rechevrai 10762, etc. ; et acemina 10523, ceval 10698a, 10783a, cier 10496a, 10723, ciere 10805, 10815a, france 10798, patriarce 10599, 10720, 10823, Perce (« Perche ») 10803, etc. ;

dans la morphologie pronominale6 : jou 10500, 10569, 10572, 10643, 10777, 10827, jo 10541, 10567, 10839 ;

dans lévolution de la diphtongue ou > au7 : vautie 10794, et les formes de la conjugaison de vouloir : vaut 10491, vaura 10480, vausist 10831 ;

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noter encore : fu « feu » 10506, 106868 ; u « ou » 10541, et sans doute 10827, et « où » 105499, 10802, lenclise leu (= la ou) 10554, 10710, 10726, 1077410 ; les graphies doignon 1085511, laideigna (< laidengier) 1066312 ; poi pour poix 1082713 ; goie pour joie 10640 ; et labsence du graphème z dans ce passage14.

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pour lauteur / remanieur, on relève la forme el pour « elle » 10491 (plutôt que il, mais cette partie du feuillet est peu lisible).

Le passage fournit deux expressions proches signifiant « prouver sa loyauté, sa droiture » : soi faire loial 10751 ITPer et 10836 Per, soi faire preudom 10564 ITPer et 10836 IT. Pour les traits régionaux, on relève greeillier 1050615, maisnier 10499 (« domestique, serviteur, officier », ici peut-être au sens de « courtisan » ; en ancien français, le mot maisnier – que notre fragment partage avec le seul manuscrit de Londres, celui de Turin préférant chevalier – paraît surtout cantonné à la Picardie, à la Flandre et au Hainaut16) ; et en la pardefin 10735 (accord avec T), « pour finir », locution régionale17 qui se relève dans la même aire que maisnier. Pour rousie, voir la note au vers 10811.

Noter Boorges 10804 Per avec hiatus confirmé par le mètre, alors que IT proposent Borges avec hiatus réduit confirmé là aussi par le rythme du vers dans ces deux témoins.

Plus intéressant : là où lédition de P. Grillo (manuscrits IT) présente, pour le v. 10682, Sestoie com du roi, Eracle manderoie18, le fragment Per propose : Se giere que del roi, Eracle manderoie. Dans les deux cas, on traduira volontiers en français moderne par : « si jétais à la place du roi », sans y regarder de plus près. Mais on aurait tort de passer trop vite sur les locutions, apparemment équivalentes, contenues dans le premier hémistiche du vers.

Au v. 10682, en effet, la divergence des leçons respectives des manuscrits IT et du fragment Per invite à sinterroger, avant de revenir aux deux formulations citées précédemment, sur les explications données par les grammairiens, au fil des siècles, à la locution si jétais que de.

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Voici le corpus dont nous disposons :

Locution avec que de :

xve siècle

« Ces choses considerees, pour nulle riens, se jestoie que du roy, ne le delivreroie », Trois fils de Rois, éd. G. Palumbo, Paris, Champion, 2004, p. 236 [18, 70] ; [« autour de la moitié du xve siècle », p. 66].

« Et, se jestoie que du roy, li soudoier sen revenroient et laisseroient les frontières », Kervyn de Lettenhove, Istore et Croniques de Flandres, Bruxelles, Académie Royale de la Belgique, 1879, t. i, chap. xiii, Guy de Dampierre, p. 265a (note) ; [« milieu du xive siècle », Kervyn de Lettenhove, Istore, t. i, p. ii]19.

xvie siècle

« Je puisse mourir si jestoye que du Sénat, si je ne vous envoyoye bien tous a la charrue, aux vignes, ou en galleres », Bonaventure Des Périers, Le Cymbalum mundi, texte de lédition princeps de 1537, avec notice, commentaire et index, par Félix Frank, Paris, Lemerre, 1873, p. 24.

xviie siècle

« Si jestois que de vous, Madame, je ferois en sorte de le porter dans les finances », Les Caquets de lAccouchée, nouv. éd. revue sur les pièces originales, et annotée par M. É. Fournier, avec une Introduction par M. Le Roux de Lincy, Paris, Bibliothèque Elzévirienne, 1855, p. 173.

« Si jétois que de vous, je lui achèterois, dès aujourdhui, une belle garniture de diamants », Molière, LAmour médecin, i, 1 ; « Si jétois que de vous, je fuirois les procès », Fourberies de Scapin, ii, 5 ; « Je ne souffrirois point, si jétois que de vous, Que jamais dHenriette il pût être lépoux », Femmes savantes, iv, 2, v. 1139-1140 ; « Si jétois que de vous, mon fils, je ne la forcerois point à se marier », Malade imaginaire, ii, 6 ; « Si jétois que des médecins, je me vengerois de son impertinence », Malade imaginaire, iii, 3 ; « Voilà un bras que je me ferois couper tout à lheure, si jétois que de vous », Malade imaginaire, iii, 1020.

« A coups de pied, si jétois que de vous,

Je lenvoirois ainsi quelle est venue », J. de La Fontaine, Contes, « La Servante justifiée », 1666.

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« Si jétois que de vous, je chasserois bien cette chalandise-là », C. Sorel, La vraie histoire comique de Francion, éd. E. Colombey, Paris, 1877, Livre v, p. 170.

« Si jétois que de vous, je voudrois hasarder », Corneille, Suite du Menteur, iii, 3, v. 1019, éd. de 1645, 1648, 1652, 1654, 1655 et 165621.

« Si jétois que de vous, et si jeusse une nièce,

Je saurois men défaire aussitôt », Th. Corneille, Baron dAlbikrac, iv, 7.

Pour la plupart des grammairiens, si jétais que vous (et probablement, par analogie, lexplication vaut-elle aussi pour les variantes de cette locution retenues dans notre corpus) constitue un gallicisme et présente une ellipse, voire deux, puisquil sagirait de comprendre : « si jétais [ce] que vous [êtes]22 ». Sil sagit dun gallicisme, implicitement, il est suggéré quil nest pas utile de chercher à lexpliquer plus avant. Pourtant, il ne paraît pas oiseux de sinterroger sur la présence de de et de que dans si jétais que de vous.

Avant daller plus loin, notons que, si lon ne dépasse pas le xve siècle, les exemples que nous citons dans ce qui suit proviennent uniquement de textes originaires du Nord et du Nord-Est du domaine doïl, y compris le fragment que nous éditons ici.

Si lon veut sengager dans une perspective plus intéressante que celle quon trouve chez les grammairiens traditionnels, il faut consulter les travaux de Jacques Damourette et Édouard Pichon, bien que ces derniers indiquent pour la locution si jétais que de vous quelle présente un que qui « paraît explétif, cest-à-dire que sa suppression naltère que très peu le sens de la phrase23 ». Cependant, si lon cherche un peu autour de la locution ici en examen, on est amené à une tout autre conclusion.

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La locution examinée précédemment est en effet concurrencée par une variante quon peut considérer, au premier abord seulement, comme allégée du que24 :

Locution avec de seul :

xviie siècle

« Mais enfin, si jétois de mon fils, son époux,

Je vous prirois bien fort de nentrer point chez nous », Molière, Tartuffe, i, 1, v. 35-36.

« Si jétois de vous, je ferois mettre là un paravent, cela est nécessaire dans une salle », Du Verdier, Le Flatteur, 1696, i, 5.

xviiie siècle

« Si jétois de vous autres comédiens, jaimerois mieux tirer la langue dun pied que de présenter de pareilles sottises », Regnard, Critique du Légataire universel, 1708, sc. 2.

À propos de cette variante sans que, Damourette et Pichon concluent : « il est naturel de penser que cest [] [un] mécanisme de désomption25 qui fonctionne dans la locution si jétais de []. « Si jétais de mon fils » signifie en somme : « Si javais part aux conseils du for intérieur de mon fils ». Lhypothèse « si jétais vous » est en réalité assez absurde ; lintroduction de de, sans en supprimer limpossibilité, en atténue pourtant labsurdité, en ce que les deux personnalités différentes du locuteur et de la personne à laquelle il se substitue ne sont pas entièrement confondues et identifiées26 ».

Nous considérerons que de dans si jétais que de vous fonctionne de la même manière que dans si jétais de vous. Pour prendre une image 575peut-être plus immédiatement compréhensible que la démonstration de Damourette et Pichon, on pourrait considérer que de agit comme ce que nommerions volontiers une « pincette », à laquelle on a sans doute eu recours, à lorigine, pour souligner quon nentendait nullement se mettre à la place de la personne à laquelle on sadressait ou dont on parlait, ni même en envisager concrètement léventualité. Dans ces conditions, sagissant des trois premiers exemples (se jestoie que du roy / si jestoye que du Sénat), on évitait le sacrilège, voire le crime de lèse-majesté si lon sadressait à un roi, une entité politique ou si lon parlait deux, et ce nest sans doute pas un hasard si les plus anciens exemples concernent précisément le roi.

Certes, objectera-t-on, voilà réglé le sort de de, mais non celui de que. Cest ici quil convient de revenir aux deux variantes proposées au v. 10682 par les témoins de la Continuation de la Chanson de Jérusalem : Sestoie com du roi / Se giere que del roi, où lon constate qualternent que et com.

Là encore, un détour simpose. On rencontre dans les anciens textes, en effet, dautres constructions où alternent com (qui paraît plus ancien) et que : com pour / com de et que pour / que de :

Locution avec com pour :

xiiie siècle

« Not pas aleit li damoisiaz Hervis

Contremont Marne .x. arpans et demi,

1244 Quant il encontre les escuiers gentis

Qui en amoinne[nt] la bele Bïautrix,

Comme por vandre a la foire a Ligni.

Un cercle dor ot sor son chief assiz ;

1252 Comme por vandre la moinne[nt] a Ligni27 ».

Hervis de Mes, éd. J.-Ch. Herbin, Genève, Droz, 1992.

« De Geronvile se sont tot a plain mis,

1936 Trestot en órdene ausi com por ferir.

4240 Trestoute riens com pour gent aaisier

Refont as nés toute jour kariier. (var. S)

576

Garniers mes sires mi a fait envoiier

21466 Com pour savoir sil se doit dyaus gaitier ». (var. S)

Anseÿs de Gascogne, éd. J.-Ch. Herbin et A. Triaud, Paris, Champion, sous presse.

xve siècle

« … sen vint ung soir au giste a Avesnes le Conte comme pour le lendemain se trouver a Trassegnies », Messire Gilles de Chin natif de Tournesis, éd. A. M. Rouzé, Lille, Septentrion, 2010, chap. xv [358], p. 105 ; [avant 1467].

Locution avec que pour :

xve siècle

« … il se commencha ung pou a plongier que pour soy eslever pour voler vers la marine », Le Florimont en prose, éd. critique du manuscrit bourguignon B.N. 12566, Thèse de doctorat inédite dH. Bidaux, Université de Lille iii, 2007, t. ii, p. 179.

« molt fort lappressoit que pour lochire », Le Florimont en prose, t. ii, p. 270.

« … ils firent par lez maronniers preparer le navie que pour monter ens au plus matin », La Manequine [en prose], éd. M. Colombo Timelli, Paris, Classiques Garnier, 2010, lxi-12, p. 217.

« Et pareillement se commencherent a preparer les .II. rois devant dis et la roynne que pour passser et aller en Ermenie », La Manequine [en prose], lxii-18, p. 219 ; et probablement encore lx-4, p. 21428.

Dans ces locutions, com entre dans une construction où ce mot « indique, avec un peu plus de force que ne le ferait la locution prépositionnelle suivante toute seule, quune action saccomplit conformément à son but29 ». On peut donc dire que com, et plus récemment que, servent à renforcer le sens de la préposition qui les suit.

Locution avec com de :

xiiie siècle

« Mes, se jestoie com de li,

Ceenz navriez oés ne fromage,

Savriez restoré le domage :

Des pois mengerez et du pain ! »

Willem Noomen & Nico Van den Boogaard, Nouveau Recueil complet des Fabliaux, Assen, Van Gorcum, t. iii, 1986, Aloul, texte diplomatique, p. 12 (ms. A, v. 400-403), et texte critique, p. 30.

577

xvie siècle

« … il est vray ce que vous dictes, mais se jestoie comme de vous, jen useroie par aultre maniere », Philippe de Vigneulles, Les Cent Nouvelles Nouvelles, éd. Ch. H. Livingston, Genève, Droz, 1972, p. 221-222, lignes 88-90.

Dans les exemples qui précèdent, com(me) ou que doivent donc renforcer la valeur spécifique de de, même sil est paradoxal de parler de renforcement, puisque de, dans ce cas, sert essentiellement à atténuer lincongruité de la perspective envisagée. Il serait sans doute mieux venu de dire que com(me) / que servent à rendre latténuation déférente encore plus sensible à légard de la personne ou de lentité à qui lon sadresse ou dont on parle30.

Sur ces bases, on doit pouvoir reconstituer lévolution des locutions qui nous intéressent ici :

à lorigine probablement, même si aucun exemple ancien na été repéré à ce jour, la locution existait avec de seul (qui servait de « pincette » et atténuait lincongruité, voire le quasi sacrilège quil pouvait y avoir à seulement envisager de se mettre à la place de quelquun) ;

puis sest produit un premier renforcement ou doublement de la « pincette » de avec com, et secondairement avec que – qui alterne si souvent avec com dans lancienne langue31 ;

ensuite, la double « pincette » nétant plus comprise, lusage est revenu à la locution avec de seul32 ;

enfin, le français moderne (et probablement, si lon en croit les commentaires des grammairiens, dabord le français familier), se révélant moins sensible au respect que la langue dautrefois, a opéré une simplification drastique – en vérité un appauvrissement – qui amène la locution à si jétais vous, dont le sens nest plus 578le même, qui paraît nettement plus intrusive que les variantes anciennes et qui instaure, pour ainsi dire, une violence virtuelle entre le locuteur et la personne ou lentité à laquelle il prétend se substituer. De ce point de vue, la formulation moderne avoue une agressivité certaine dans la mesure où elle est très souvent implicitement critique : si jétais vous signifie à la fois que je ne suis pas vous et que vous vous y prenez mal en la circonstance. Le risque quencourt le locuteur, cest de sentendre répondre, selon le niveau linguistique de léchange : occupez-vous de vous (avec la même violence virtuelle que celle dont il a fait preuve), ou, de manière plus intéressante pour notre propos : occupez-vous de vos affaires, de ce qui vous regarde, de ce qui vous concerne ou vous touche, cette dernière réponse se situant, même si la chose peut surprendre, plutôt au même degré de congruité ou de pertinence que permettait de lespérer la formulation avec (com / que) de.

Voilà une approche de la question que semblent autoriser les deux formes de la locution Sestoie com du roi / Se giere que del roi que fournissent très opportunément les témoins de la Continuation de la Chanson de Jérusalem, approche sans doute plus sémantique que proprement syntaxique, ce qui – nous lespérons – nen invalide pas lintérêt.

Édition du texte

Laisse 275

[]

10475 « Sire, par moi vous mande, aceler ne vous quier,  1 ro a

Que vous alés a lui parler et plaidoier,

Car na decha la mer haut homme ne princier,

Por tant quil croie Dieu le Pere droiturier,

Qui ne soit a son mant venus por cortoier,

10480 Car il vaura porter la corone dor mier

A ceste Ascentïon quë on doit festiier ».

Quant Tangrés lentendi, color prist a cangier ;

579

Ne respondi nul mot, ains commence a bro[n]cier

Et dist a soi meïsmes que nus ne lot plaidier :

10485 « Hé las, com sui honis ! com porrai esploitier ?

Deshonorés me sui tot par mon fol quidier,

Qui voloie autrui terre33 avoir et calongier,

Dont je nestoie sires në oir në iretier,

Et mal gré sien voloie tel feme nochoier

10490 Qui navoit de moi cure ne de mon dosnoier.

10491 Et quant el34 ne me vaut, si le fis assegier,

10493 Par ce sui mescreüs del bon roi droiturier

Godefroi le vaillant, le bon roi au vis fier.

10495 Tot ce ma fait Eracles, le traïtor murdrier,

10496 Qui me loa mon mal et mon grant encombrier.

a Bien men doit mescaïr, par le cors saint Ricier,

b Quant le conseil creï del traïtor lanier ;

c Et quant li consenti, on me devroit noier,

d Quil enerba le roi que javoie tant cier.

e Mon més li envoiai por laffaire noncier

f Et por ce que sa mort li quidai respitier,

g Mais trop tart i ala, ce ne li ot mestier,

h Trop se hasta Eracles, que Diex puist vergoignier,

i <?>35 averai por lui .i. dolereus loier,

10497 Car Bauduïns me mande, jel sai bien sans quidier,

a Por moi faire morir et por moi escillier ;

10498 Por chou a assamblé tant prince et tant rentier,

10499 Car bien quide li rois, et il et si maisnier,

10500 Que jou aie enerbé son frere au cors legier.

Lués que giere montés en son palais plenier,

Mapelera de murdre por moi plus avillier.

Mais, par cel saint Signor qui tot a a jugier,

J<enc>userai36 Eracle, si avra son loier

10505 De sa grant traïson, car jel ferai lancier

Dedens .i. fu despines, ardoir et greeillier ».

580

Laisse 276

10509 Tot37 ensement Tangrés par lui se dementa,

10510 Et jure le Signor q<ui>38 sa mort pardona

10513 KEracle le felon tantost encusera

a Q il verra le roi, ja ne li celera

La traïson qua faite, achater li fera,

10515 Et së il le renoie, maintenant sarmera,  1 ro b

A son branc aceré connoistre li fera.

10518 A iceste parole en estant se drecha

Et a dit au message qua Jhersalem ira.

10521 Del palais descendi, isnelement monta,

Dusqua.c. chevaliers avoeques lui mena,

Droit vers Jherusalem li quens sacemina,

Tant chevaucha li quens quen la cité entra,

10525 Dusqual maistre palais onques ne saresta.

As degrés descendi, en la grant sale entra,

Et trova les barons qui furent venu la

Et le roi Bauduïn qui gaires ne lama.

Atant es vous Tangré qui le roi salua :

10530 Quant li rois lentendi, tous li sans li mua,

Mot ne li respondi ne mot ne li sona,

Ains enbroncha vers terre et quant il se drecha,

Les barons et les princes Bauduïns apela :

« Signor, conseilliés moi, por Dieu qui tot forma,

10535 Que doi faire de lhomme qui mon frere ocis ma ?

En mortel traïson li cuvers lenerba,

Et sestoit ses drois sires kommage li jura.

Se son nom ne savés, je le vous dirai ja :

Cest Tangrés li Puillois, qui ce murdre fait a.

10540 Mais, par cel saint Signor qui sa mort pardona,

Jo le ferai destruire u il se desfendra

De ceste traïson que li fel bastie a.

Vers lui le proverai, ja par el nen ira ».

10544 Ensi dist Bauduïns que Tangré conquerra,

581

a Cors a cors en .i. camp a lui se combatra,

10545 Et se vaintre le puet, tantost le pendera39 ;

Et se Tangrés le vaint, sa mort li pardonra,

Et sen face justice tele com lui plaira.

10548 Quant Tangrés lentendi, a poi quil ne derva ;

U quil voit Bauduïn, fierement dit li a :

« Bauduïns, tort avés, et paroir vous porra,

Que, par icele crois, la ou Diex saombra,

10554 Ne par le saint Sepulcre, leu il resuscita,

a Ne par icele Virge qui Jhesu Crist porta,

10555 Conques rois Godefrois par moi ne devïa

10556 Nonques ne le haï nains ne me corrocha ! »

Laisse 277

« Bauduïns40, dist Tangrés, vous faites mesproison

10558 Quant vous me metés sus si grande traïson41,

10560 Mais, par cel saint Signor qui soffri Passïon

a Ens en la sainte crois por no sauvatïon42,

10561 Conques43 not mal par moi Godefrois de Buillon :

10563 A vous men combatrai cors a cors a bandon

10564 Sor mon destrier armés por moi faire preudom,  1voc

10567 Et jo proi le Signor qui Longis fist pardon,

a Por quele amor gissi fors de ma norrechon,

10568 Que, sains ot mal par moi nanui ne marison

10569 Li bons rois Godefrois a qui jou estoie hom,

10570 Kanchois q il soit vespres en aie guerredon !

10572 Certes, si avrai jou së il i a raison,

10573 Mais bien sai qui ce fist, ja nel vous celero:

a Li uns de cels le fist, par le cors saint Simon,

b Que li rois amoit plus de cels de sa maison.

582

10574 Se le volés oïr, je vous dirai son nom44 :

Laisse 279

10597 Il a a nom Eracles, ensi lapela on.

10598 Tant par lamoit vos freres, li rois de bon renom,

Quil lot fait patriarce par bone ententïon

10600 De ceste grant cité et de tot le roion,

Et siert ses conseilliers, tant creoit le gloto:

Rendu len a li fel trop malvais guerredon,

Car il la enerbé, ja nait sarme pardon.

– Certes, ce puet bien estre, ce dïent li baron,

10605 Mais, comment le savés ne par quele ocoison ?

– Certes, ce dist Tangrés, et nous le vous diro:

10607 Li fel le me jehi cha sus en che donjon,

a Dont je me merveillai, et si ot bien raison ».

Laisse 280

10608 « Seignor45, ce dist Tangrés, par tous les sains con proie,

10610 Il me fist creanter, por coi le celeroie,

Que de riens quil fesist ja ne lencuseroie

Ne riens que me desist a homme ne diroie,

Anchois a mon pooir tous jors len aideroie.

Et je li creantai comme fols que jestoie,

10615 Car de sa traïson garde ne me donoie.

Lors me dist li traïtres, que vous en mentiroie,

Que le roi haoit trop, dont je me mervilloie,

Et quil lenerberoit se je ne lenherboie.

Quant joï le gloton, tous men esbahissoie,

10620 <Qui>l46 dist quaprés le roi cest roiaume tenroie

Et Florie la bele a moillier prenderoie,

Ne que ja de vo part destorbés nen seroie,

Quil vous feroit ocire, ja blasme nen avroie,

A la paiene gent qui Jhesu Crist renoie.

583

10625 Molt en fui corrociés et forment li blasmoie,

Et si jurai Jhesu, qui tot le mont ravoie,

Que ja vers mon signor traïson ne feroie,

10630 Mais por ma foi sauver son bon consentiroie.

10631 Desfendu li eüsse, mais de lui me doutoie

Q il ne menerbast se je li desfendoie.

10635 A Damas sen ala li fel la droite voie,

10637 Et je pris .i. message, aprés lui lenvoioie  1 vo d

Droitement a Damas, et au bon roi mandoie

Quil se gardast dEracle, el faire nen pooie.

10640 Mais li glous se hasta qui Diex doinst male goie,

Nuit et jor chevaucha, et que vous en diroie ?

Tost ot fait son malice, dont li cuers me gramoie ;

A tart i vint li més que jou i trametoie,

Car Eracle encontra lés une sapinoie,

10645 Qui dist a mon message ja mar me cremiroie

Del bon roi Godefroi, car ja mais nel verroie,

Ne Bauduïn son frere, delivrés en estoie.

Et mes més retorna, dont molt le laidengoie,

Mais il me dist lafaire, et quant tels mos ooie,

16550 Molt par en fui dolans, se jamais Diex me voie,

Durement en plorai et grant duel en menoie,

Mais bien vi quel duel faire noient ne conquestoie.

Fors de la cambre issi et mon grant duel laissoie,

La roïne esgardai ou tous biens monteploie,

10655 Por la beauté de lui durement lenamoie.

La dame et le roiaume tant forment covoitoie

Que ma gent assamblai si com mains hom foloie,

A Jherusalem ving, car vraiement quidoie

Que vous fuissiés ocis, et por chou mapensoie

10660 Que vers homme vivant noient ne forfaisoie.

Entrer quidai chaiens, mais fol pensé avoie,

Car la roïne dist que ja ni entreroie ;

Forment me laideigna, dont molt me corrouchoie,

Dont fis tendre mes trés, la cité assegoie

10665 Et se jurai Jhesu que mais nen partiroie,

584

Savroie la cité, mais47 je men parjuroie.

Quant je soi vo venue dont pas ne me gardoie,

Tous en fui esbahis, tantost me deslogoie,

A Cesaire la bele tantost men retornoie.

10670 Mais, par Dieu le poissant qui tous les biens envoie,

Ains ne fis traïson ne je ne le feroie

Por.lx. roiaumes, ne ne men melleroie.

Mais, sEracles fust ci, tantost lapeleroie

De ceste traïson, et si men combatroie

10675 Cors a cors en .i. camp, et se li proveroie

Quil enerba le roi, dont no gent affebloie,

a Car onques mieudres princes ne vesti dras de soie.

10677 Dit vous ai verité, par saint Florent de Roie.

– Certes, dist Bauduins, drois est con vous en croie ».

Dist Hues Duedequins48 : « Sor tous sains jureroie

10680 Quil a dit verité, qui conques le mescroie,

Car de grant loiauté le conte plegeroie.

Se giere que del roi, Eracle manderoie  2 roa

Quë il venist a cort, se li demanderoie

Por coi a mort le roi et si lassaieroie :

10685 Sil connissoit le murdre, tot errant larderoie

Dedens .i. fu despines, ensi en ouvreroie

Et en tele maniere mon frere vengeroie ».

Quant Bauduïns lentent, bonement si otroie.

Laisse 281

Bauduïns49 li rois dAcre les barons demanda

10690 Molt debonairement, et por Dieu lor proia

Que, sil sevent Eracle, quil ne li choilent ja.

Bauduïns de Beauvais, qui le Serpent tua,

a Est salis en estant quant le roi escouta,

Et li a dit : « Bons rois, entendés a moi cha !

Hier le laissai a Acre, par Dieu qui tot forma,

10695 Forment me mervillai quant il a moi vint la ;

585

.viii. jors i a esté kains ne sen remua.

– Hé Diex, ce dist li rois, com mal gloton i a !

Mon frere a enerbé, qui de fin cuer lama,

a Onques si mals traïtres sor ceval ne monta.

10699 Mais, se Dieu plaist de gloire, par tans le comparra ! »

10700 Li rois prist .i. message, a Acre lenvoia,

Eracle le felon isnelement manda,

10702 Et li més est montés, le congié demanda,

a De Jhersalem issi, vers Acre sadrecha ;

10703 Tant ala chevauchant quen la cité entra,

Duscal maistre palais sa resne ne tira.

10705 Au perron descendi, en la sale monta,

Et a trové Eracle qui se sejornoit la.

Li més vint devant lui et si sagenoilla,

Dit li a son message ensi con li rova,

Et dist que Bauduïns de Rohais mandé la

10710 Droit a Jherusalem leu coronés sera ;

Mandé a son barnage et decha et dela

Qui li ont fait hommage, nus ne li refusa.

Quant Eracles lentent, tous li sans li mua,

Et dist a soi meïsmes que nus ne lescouta :

10715 « Las, com mest mescheü ! cis caitis que fera ?

Bien sai que Bauduïns destruire me fera,

Car bien lai desservi, conques ne se mella

Nus hom de sifait murdre, ne jamais ne fera,

Quant le mien droit signor – qui tant honoré ma

10720 Quil me fist patriarce et tant fort mamonta

Quas consaus de ses cambres tot premiers me hucha,

Lonor q il ma faite, Diex, si mal emploia –,

Quant je lai enerbé, mais cier le me vendra

Rois Bauduïns, ses freres, qui tant de proece a50.

10725 Mais de ce me merveil quant onques escapa  2 ro b

Del Bos de Belleem leu Lÿons le gaita ».

Lors a dit au message : « Amis, entendés cha :

586

Nest pas mors Bauduïns ? » et cil respondu a :

« Nenil, par ma foi, sire, onques ne devïa ;

10730 A ceste Ascencïon corone portera.

Quant il vint de Rohais, grans paines endura,

Car païen lassalirent, qui Diex onques nama,

Et Lÿons li traïtres qui maint mal fait li a :

Molt perdi Bauduïns de sa gent quil guia,

10735 Mais en la pardefin Lÿon desbareta,

Et lui et ses .ii. fils ocist et decoupa,

10737 Son frere et ses .ii. oncles ocist et detrença,

a Et tous ses Sarrasins ocist et lapida ».

10738 Quant Eracles lentent, durement len pesa,

Lors dist a soi meïsmes, së a Jhersalem va,

10740 Que Bauduïns li preus tantost le destruira ;

Encusé51 la Tangrés, sa foi mentie en a.

Apensés sest li glous quen la mer entrera52,

Par mer ira en Puille ou en France dela,

Ou outre en Alemaigne, si se desvoiera

10745 Q hom qui le connoisse de lui parler norra,

En itele maniere sa vie sauvera.

Lors dist a lautre mot que ja ne sen fuira,

10748 Mais a Jherusalem tot maintenant ira ;

10749 Son lapele de murdre, son gage ploiera,

10751 Por soi faire loial en camp se combatra,

Molt est preus et hardis, bien se desfendera.

Lors dist a lautre mot que recreans sera,

10754 Car Diex li ert nuisans et li tors q il a.

Laisse 282

10755 Eracles53 fu dolans, pensis et en54 esmai :

« Hé, Diex, ce dist li glous, Peres, que devenrai ?

Së a Jhersalem vois, grant folie ferai,

Bauduïns mocira, tot vraiement le sai.

587

Molt lai bien deservi quant son frere enerbai :

a Ne me sai conseillier ne que faire porrai,

10760 Trop par fis grant folie quant ains me conseillai

A Tangré mon cousin vers qui je mencusai,

Car il ma encusé, par coi mort rechevrai.

Se je men vois fuiant, ja cele part nirai

Con ne me face querre tant que trovés serai.

10765 Je sui bons chevaliers et en moi grant force ai ;

Son me met sus le murdre, mon gage ploierai,

Au roi et as barons tot plainement dirai

Kenerbé a Tangrés le roi au cuer verai,

Et quencontre son cors molt bien le <proverai>55

10770 En .i. camp arami vers lui me combatrai,  2 vo c

10771 Et se je le puis vaintre, grant joie en averai,

Grant los et grant honor a tous jors conquerrai.

10773 Tangrés est molt hardis, car bien esprové lai

En maint pesant estor leu je le regardai,

10775 Molt est bons chevaliers, a paines meillor sai ;

Mais, se javoie droit ausi bien que tort ai,

Jou ne le douteroie une fueille de glai !

Li cuers me va disant que je le vainterai,

Et se je le puis vaintre, ma pais au roi avrai.

10780 Mais, par Dieu qui me fist, jamais ne finerai,

10781 Si laverai ocis, car je56 lenerberai,

10782 Car, se li rois est mors, nullui ne douterai ».

10783 Lors se leva en piés, ni a fait lonc delai,

a Sa gent fist aprester, puis monte el ceval bai.

Laisse 283

10784 Eracles57 est montés qui li cors Dieu maldie,

10788 .c. chevaliers od lui qui sont de sa maisnie ;

10789 Droit vers Jherusalem ont lor voie aqillie.

10790 Tant chevaucha Eracles, il et sa compaignie,

Q a Jhersalem vint la fort cité garnie ;

588

10792 Entresi qual palais li glous ne si detrie,

10793 Devant la tor descent qui grans ert et antie.

10794 Tous les degrés monta en la sale vautie,

10796 Et trova Bauduïn entre sa baronie,

Et le roi Corbarant et les rois de Nubie,

Et la france roïne qui ot a nom Florie,

Et ses .ii. fils od lui qui furent de Rousie.

10800 Dencoste le roi sist Hues de Tabarie,

Et dautre part Raimons a la barbe florie,

< Et H>ues58 de Melans u li rois molt se fie,

Li quens Rotous del Perce qui not pas coardie,

Quens Herpins de Boorges et dans Jehans dAlie,

10805 Et dans Rambaus Cretons a la ciere hardie,

Bauduïns de Beauvais qui en Jhesu se fie,

Et Gerars de Gornay qui ot grant signorie59,

Et Richars de Caumont qui sot de lescremie,

Le veske dOliferne qui molt sot de clergie.

10810 Le roi ont fait hommage la grans chevalerie.

Atant es vous Eracle qui la barbe rousie60 !

Le roi a salué basset a vois serie ;

Quant li rois la veü, tous li sans li formie,

Bien entent le gloton, mais ne li respont mie,

10815 Ains senbronça aval, sa la ciere baissie ;

a Une pieche pensa li rois chiere marie.

10816 Quant il se redrecha, a haute vois sescrie :

10817 « Prendés me cel gloton, gent de bone lignie,

10818 Le plus mal traïtor qui onques fust en vie,  2 vo d61

10819 Qui mon frere ma mort par sa grant derverie,

589

a Par sa grant traïson et par sa felonie !

10820 Sans mesfait lenerba li leres par envie,

10821 Et sestoit ses drois sires, quil li ot foi <pl>evie62,

Tant lavoit amonté par sa grant cortoisie

Quil lot fait patriarce de sa cité antie ;

Le Crois et le Sepulcre li ot mis en baillie

10825 Et totes les reliques qui bien valent Persie,

a Tant par lamoit li rois, dont il faisoit folie,

b Son conseillier ot fait del gloton par s< ?>ie :

c Mal len a li traïtres la deserte merie

d Quant onques lenerba, trop fist grant dÿablie.

10826 Mais, par cel saint Signor qui tot le mont maistrie,

Jou le ferai ardoir <u metre en>63 poi boulie !

Ne <le> respiteroit lonor d< ? >ie64,

<Li roiaumes de France ne tote Romenie>65 ».

10830 Quant <Eracles>66 lentent, sa la color cangie,

Dont vausist il bien estre as pors de Lombardie.

Nonporquant respondi anchois que nus len prie :

« Sire, dist il au roi, sil est nus qui ce die

Kenvers mon droit signor qui a la < ? ?>ie

10835 Fesisse onques nul jor traïson ne boisdie,

Bien men ferai loiaus a mespee forbie :

Na si hardi François en terre de Surie

Nen France par dela tant com la mers tornie,

Se murdre me met sus, que jo ne len desdie ;

10840 Vers lui men combatrai a bataille aramie,

Vaincu le vous rendrai ains leure de complie ! ».

Laisse 284

10842 « Sire67, ce dist Eracles, vous faites mesproison

10843 Quant vous me metés sus si mortel traïson,

590

10844 Mais, par cel saint Signor qui vint a Passïon

a Ens en la Sainte Crois por no redempsïon,

10845 Onques par moi not mal mes sires li frans hom,

10846 Godefrois li bons rois qui fu dus de Buillon68.

10855 Mais cil qui lenerba est en cestui doignon,

Et sil vous plaist, bons rois, je vous dirai son nom,

Cest quens Tangrés de Puille, qui est de grant renom,

Qui le roi enerba com traïtor felon,

Car il quida avoir sa terre et son roion,

10860 Et sa feme la gente Florie au cler menton,

10863 Et vous fist il gaitier au linage Mahon

El Bos de Bellehem, et au cuvert Lÿon :

10865 Bien quida li traïtres, par le cors saint Simon,

Que vous fuissiés ocis sans nule raanchon ;

10867 Por ce manda sa gent dentor et denviron ».

[]

Jean-Charles Herbin

Gauthier Grüber

Calisthe EA 4343

Université de Valenciennes

et du Hainaut-Cambrésis

1 Au bas de la dernière page, on lit, au crayon de mine : « Couverture du registre des délibérations de Doissac [lire Doissat] 1815-1858 » ; en haut de la première page, de la même écriture, au crayon en partie effacé : « < ?> dEracle », et, à lencre, dune écriture qui paraît remonter au xixe siècle : « en montant ut ré mi fa sol la si ut / en descendant ut si la sol fa mi ré ut ».

2 P. R. Grillo, The Jérusalem Continuations – The London-Turin Version, The Old French Crusade Cycle, vol. viii, Tusculoosa and London, The University of Alabama Press, 1994 ; les manuscrits de Londres (I) et de Turin (T) sont tous deux datés de la fin du xiiie siècle ou du début du xive siècle (Grillo, The Jérusalem Continuations, vol. viii, respectivement p. 16 et 22) ; lédition donne les variantes du manuscrit de Turin, mais celui-ci a beaucoup souffert de lincendie de 1904 et son témoignage se révèle souvent incomplet ou peu précis. Les autres continuations de la Chanson de Jérusalem sont La Chrétienté Corbaran, La Prise dAcre, La Mort Godefroi et La Chanson des Rois Baudouin.

3 Pour un résumé détaillé, on se reportera à The Jérusalem Continuations, p. 1-16.

4 Dans la version I publiée, le passage ici en examen contient 393 vers alors que le fragment Per nen transmet que 368.

5 C. T. Gossen, Grammaire de lancien picard, Paris, Klincksieck, [1976], ici les § 38-42, p. 91-102.

6 Gossen, Grammaire, § 64, p. 123.

7 Gossen, Grammaire, § 23, p. 73.

8 Gossen, Grammaire, § 25, p. 77-79.

9 Largement attestée en picard « surtout dans les chartes du Hainaut et de la Flandre », Gossen, Grammaire § 28b, p. 85.

10 La forme leu, contraction pour « là où », nest pas fréquente et apparaît surtout, semble-t-il, dans le nord du domaine doïl ; Godefroy (IV, 737) en relève deux occurrences dans Gerbert de Metz (manuscrit J, Montpellier, École de Médecine 243, fo 164d2 et 181d17, correspondant respectivement au vers 3986 et au vers qui suit 5685 dans Gerbert de Metz, éd. P. Taylor, Namur-Louvain-Lille, 1952), ainsi quune occurrence dans une charte dAire-en-Artois, aujourdhui Aire-sur-la-Lys (sans doute tirée de N. de Wailly, « Recueil de chartes en langue vulgaire provenant des archives de la collégiale Saint-Pierre dAire », Bibliothèque de lÉcole des Chartes, 31, 1870, P 25 juillet 1295, p. 284, ligne 21 et P 26 juillet 1295, p. 285, ligne 11 – Wailly retient la graphie le ù et commente « probablement pour là où ») ; Tobler-Lommatzsch (V, 14) signalent un exemple en variante dans le Roman de Thèbes (renvoyant à G. Paris, Romania, 10, 1881, p. 48-49 ; voir Le Roman de Thèbes. Manuscrit A (BnF, fr. 375) [manuscrit picard daté de 1289], éd. L. Di Sabatino, Paris, Classiques Garnier, 2016, v. 20) ; le FEW reprend probablement les exemples de Godefroy et de Tobler-Lommatzsch ; Gilles Roques nous signale encore Les Cantiques Salemon [BnF, fr. 14966, manuscrit picard, circa 1300], éd. T. Hunt, Turnhout, Brepols, 2006, v. 288, 991, 1453, 2237, 2447 ; la Zeitschrift für romanische Philologie, 118, 2002, p. 342, note 27 (rétablir le texte rejeté, à lire leu et non le u) ; nous ajouterons un document des Archives de Tournai (fonds des voirs-jurés, détruit pendant la dernière guerre), cité dans « Étude dun contrat privé du Droit médiéval (1297-1334) », Revue du Nord, 28, 1946, p. 267-297 (« et enmener leu il li plaira » se lit p. 293).

11 Forme quon relève notamment dans le manuscrit S dAnseÿs de Gascogne, BnF, fr. 4988 (xive siècle, de provenance probablement artésienne) et dans les Chroniques de Froissart.

12 Gilles Roques relève des graphies analogues dans des documents du Nord : « Pour ce que ledit Martin oyt que ledit suppliant lui dist : Va-t-en, il se retourna, laidaignant ledit suppliant et sesforchant dentrer en sa maison », Archives du Nord, B 1716, fol. 18 (1505), N. Dupire, « Ln mouillé en ancien picard », p. 133 (et compte-rendu par M. Roques, Romania, 66, 1940-1941, p. 269-270, et par G. de Poerck, Revue belge de Philologie et dHistoire, 21, 1942, p. 223), Mélanges de linguistique romane offerts à Jean Haust, Liège, 1939 ; « Et en ce mesmes temps fut pris par justice a Lille (…) ung herese (…). Finablement fut mené a Tournay et preschié, la ou (…) ne fit que rire du preschant ; mesmes, soy courchant a ly, le raboua et le laidaigna de villaines parolles », G. Chastellain, Chroniques IV, D., c. 1461-1472, 227 (dans le DMF) ; « por Mahomet cui laidenge et desment », Folque de Candie von Herbert de Danmartin, éd. O. Schultz-Gora, Dresden, Niemeyer, 1909, t. I, p. 83, v. 1845 (var. laidaigne B = Boulogne-sur-Mer 192 [artésien, 1295]) ; « Qui oublie son pere Jhesu Cris le ledaigne ! », Baudouin de Sebourc [circa 1350], éd. L. S. Crist, Paris, S.A.T.F., 2002, t. i, v. 5988.

13 La graphie poi (« poix »), sans consonne finale, paraît rare et se lit dans La Fille du comte de Ponthieu, dans la Vie de Saint Quentin de Huon le Roi de Cambrai et dans le Vengement Alixandre de Gui de Cambrai, dans des manuscrits flamands, tournaisiens ou artésiens.

14 Noter que « labsence de -z indique la partie occidentale de la région picarde », A. Långfors (qui sappuie sur H. Suchier), compte rendu de La bataille de Caresme et de Charnage, éd. G. Lozinski, Romania, 60, 1934, p. 257-258 ; retenons que ce phénomène est surtout picard à lépoque du fragment considéré.

15 Cette forme se rencontre notamment dans Der festländische Bueve de Hantone – Fassung II, éd. A. Stimming, Dresden, Niemeyer, 1912, vol. i, p. 596, v. 14973 [ms. de base picard, seconde moitié du xiiie siècle], et dans Maugis dAigremont, éd. P. Vernay, Berne, Francke, 1980, v. 821 (var. C = Cambridge Peterhouse Coll. 2.O.5, 201) [picard, fin xiiie s.].

16 FEW, vi-1, 253b.

17 Voir G. Roques, « Les régionalismes dans les traductions françaises de la Consolatio Philosophiae de Boèce », La traduction vers le moyen français, éd. Cl. Galderisi et C. Pignatelli, Turnhout, Brepols, 2007, p. 187-203, ici p. 194.

18 Daprès le ms. I (London, British Library Additional MS 36615), qui doit correspondre aussi, en labsence de variante signalée, à la leçon du ms. T (Turin, Biblioteca Nazionale Universitaria, MS L-III-25).

19 Noter aussi P. Meyer, « La manière de langage qui enseigne à parler et à écrire le français », Revue critique dhistoire et de littérature, 5, 1870/1873, p. 400 : « Par Dieu, se je fu[sse] que le roy, je rebateroi tresbien lour orgueille ». Voir aussi Tobler-Lommatzsch, Altfranzösisches Wörterbuch, viii, 13, lignes 51-52 : s. hierzu Tobler Verm. Beitr. I3 15 Anm. Se je fusse que le roy, Man. de lang. 400, ce qui revient à reprendre lexplication des Beiträge (que = ce que + verbe sous-entendu) ; les Manieres de Langue datent de 1396.

20 Dans cette même scène, Molière emploie un autre tour : « Vous avez là aussi un œil droit que je me ferois crever, si jétois en votre place ».

21 Dans lédition de 1660, Corneille modifie ce vers : « En ces occasions, il fait bon hasarder ».

22 N. Landais, Grammaire de Napoléon LandaisRésumé général de toutes les grammaires françaises, Paris, 1835, p. 135-136 ; A. Bret, Observations sur les Femmes savantes, dans Œuvres de Molière, Paris, 1786, t. viii, p. 127 ; N. Landais concluait : « si jétais à votre place est la seule manière noble de sexprimer ». Retenons que cette position (il serait exagéré de parler de démonstration) réduit le propos à la bonne tenue du discours.

23 J. Damourette et É. Pichon, Des Mots à la Pensée – Essai de Grammaire de la Langue Française 1911-1940, Paris, Éd. dArtrey, [1943], t. vii, p. 326, § 3066 en-tête et ß où si jétais que de vous est commenté « [cest-à-dire] si jétais que [je fusse] vous », « Si jétais sous un mode dexistence tel que je fusse vous ».

24 Pour des exemples plus récents, voir M. Grévisse, Le Bon Usage, Gembloux, Duculot, 1975, § 922, 10o, p. 1004 (ou 15e éd. § 245, p. 278) qui relève si jétais de vous notamment chez Musset et Flaubert, ainsi que si jétais vous, en indiquant : « mais cette expression signifie proprement “si jétais la personne que vous êtes” (tandis que si jétais de vous veut dire : “si jétais à votre place” = … dans le cas, dans la situation où vous êtes) ».

25 Le mot désomption, qui signifie « prélèvement dune quantité quelconque », est utilisé par Damourette et Pichon à loccasion dun développement sur le génitif, dont les attributions dans les langues indo-européennes a été « de séparer du tout une de ses parties » (et qui, en tant que cas, a été assez généralement remplacé et continué en français par de) : voir Damourette et Pichon, Des Mots à la Pensée, t. i, § 347, p. 438.

26 Damourette et Pichon, Des Mots à la Pensée, t. iii, § 898, p. 236 ; et encore : « Il est vraisemblable que de sert à indiquer là [dans on dirait de] quil ny a pas de vraie similitude entre ce que la chose est et ce quon la dirait être », Damourette et Pichon, Des Mots à la Pensée, t. viii, § 3032, p. 278.

27 Le texte de base est E (BnF, fr. 19160, xiii2, provenance lorraine, peut-être messine) ; pour le second exemple, N (Arsenal 3143, xiv1) donne « Si com por vendre ».

28 Comme lavait compris Hermann Suchier, Œuvres poétiques de Philippe de Remi, Sire de Beaumanoir, Paris, Didot, 1884, t. ii, p. 396.

29 A. Tobler, Mélanges de grammaire française, 2e éd., trad. de M. Kuttner et F. Sudre, Paris, Picard, 1905, p. 132.

30 Nous empruntons la formule « atténuation déférente » à G. Moignet, qui lemploie dans un cas somme toute comparable à propos du subjonctif imparfait utilisé en lien avec lépoque présente ou le futur : voir Grammaire de lancien français, Paris, Klincksieck, 1973, p. 244.

31 Voir par exemple Tobler, Mélanges, p. 18 et 131.

32 Qui peut être considérée alors comme une formulation allégée, ce quelle nétait pas, quoique formellement semblable, à lorigine. Une troisième « pincette » aurait pu être utilisée dans la locution pleine par le recours à limparfait du subjonctif dans la subordonnée, comme dans lexemple relevé par P. Meyer (cité plus haut dans la note 19), mais cest un exemple corrigé.

33 Exactement trre.

34 Peut-être il.

35 Mot presque totalement effacé (il y a trois lettres).

36 Syllabe illisible ; peut-être Jaccuserai.

37 Initiale de laisse bleue.

38 Petit trou juste au-dessus de linitiale du pronom relatif.

39 Exactement pendera.

40 Initiale de laisse rouge.

41 Début du mot conjectural.

42 Ou sauvacïon.

43 Ce vers se rattache implicitement à un verbe dénonciation (« Je dis… ») absent du propos de Tangré (lacune ?) ; la leçon de I (Onques not…) est plus claire.

44 Bourdon portant sur toute la laisse 278 et le début de la laisse 279, correspondant à un total de vingt-deux vers par rapport à la version IT.

45 Initiale de laisse verte.

46 Trou sur linitiale du vers.

47 Exactement māis.

48 Ms. dued.

49 Initiale de laisse rouge.

50 Longue phrase dans laquelle Quant je lai enerbé (10723) reprend en relance Quant le mien droit signor (10719), tout ce qui se trouve entre ces deux éléments devant être considéré comme une sorte daparté dans le monologue intérieur dÉracle.

51 Trait parasite au-dessus du c de encusé, ou lire entusé.

52 Exactement ent’’ra.

53 Initiale de laisse bleue.

54 Mot rajouté au-dessus de la ligne (avec petit signe dinsertion).

55 Mot sous une tache.

56 Peut-être jo.

57 Initiale de laisse bleue.

58 Parchemin éraflé et usé.

59 Trait parasite au-dessus du o.

60 qui = cui ; rousie doit représenter le présent de lindicatif de rousïer, forme parallèle au rare roussoier, à prendre au sens de « tirer sur la couleur rousse » (pour les hommes du Moyen Âge la rousseur et la traîtrise, depuis Judas, vont de pair) ; à rapprocher de rougïer (= rougeoier) chez Adenet le Roi (Enfances Ogier, éd. Aug. Scheler, Bruxelles, 1874, v. 2825, 3503, et note p. 280), ainsi que de Godefroy, rougeoier/rougier (VII, 243c) et de Tobler-Lommatzsch, rojoiier/rogiier (VIII, 1431).

61 Cette colonne du texte est la plus détériorée ; plusieurs mots des v. 10821-10834 sont à peu près complètement effacés.

62 Tache sur la première syllabe de plevie.

63 Lecture conjecturale (= leçon du manuscrit de Londres).

64 Peut-être dEsclavonie, comme dans le manuscrit de Londres.

65 Lecture conjecturale ; dans le manuscrit de Londres, on lit : « Le roiaume de France, Pulle ne Rommenie ».

66 Lecture conjecturale (= leçon du manuscrit de Londres).

67 Initiale de laisse rouge.

68 Lacune de huit vers par rapport à la version IT.