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Classiques Garnier

Claude Fauchet historien de la littérature médiévale dans le Recueil de l’origine de la langue et poesie françoise (1581)

  • Type de publication : Article de revue
  • Revue : Cahiers de recherches médiévales et humanistes / Journal of Medieval and Humanistic Studies
    2018 – 1, n° 35
    . varia
  • Auteur : Menegaldo (Silvère)
  • Résumé : L’étude s’attache à montrer que le Recueil de l’origine de la langue et poesie françoise de Claude Fauchet (1581) en général et son second livre en particulier, avec ses 127 notices d’auteurs ou d’œuvres du Moyen Âge, ne sont pas seulement un assemblage de citations mises bout à bout et plus ou moins superficiellement commentées, mais peuvent aussi apparaître au moins comme l’ébauche d’une première histoire de la littérature médiévale française.
  • Pages : 495 à 523
  • Revue : Cahiers de recherches médiévales et humanistes - Journal of Medieval and Humanistic Studies
  • Thème CLIL : 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
  • EAN : 9782406083221
  • ISBN : 978-2-406-08322-1
  • ISSN : 2273-0893
  • DOI : 10.15122/isbn.978-2-406-08322-1.p.0495
  • Éditeur : Classiques Garnier
  • Mise en ligne : 29/08/2018
  • Périodicité : Semestrielle
  • Langue : Français
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Claude Fauchet historien
de la littérature médiévale
dans le Recueil de lorigine
de la langue et poesie françoise
(1581)

Comme la montré en dernier lieu Nicolas Lombart, Claude Fauchet sest livré dans son Recueil de lorigine de la langue et poesie françoise, ryme et romans. Plus les noms et sommaire des œuvres de CXXVII poetes François, vivans avant lan MCCC (dorénavant Recueil1) à une véritable « défense et illustration » de la littérature médiévale française : cest-à-dire, en loccurrence, quil ne sest pas seulement livré – par la recherche assidue de documents, par le contact direct avec le manuscrit, par la lecture, la citation et le commentaire des textes – à un travail d« antiquaire », comme dautres à son époque et comme lui-même dans dautres œuvres, mais aussi à celui dun « poéticien médiéviste dont les remarques et les jugements, même hâtifs et décousus, constituent autant déléments dune sorte dintroduction à la lecture des poètes médiévaux2 ».

De fait, que ce soit dans le premier livre du Recueil, qui sintéresse dabord – mais pas seulement – aux origines de la langue française, ou bien dans le second, où les abondantes citations de « poetes François » 496sont accompagnées de commentaires mettant avant tout en évidence leur intérêt documentaire, historique ou linguistique, louvrage nen porte pas moins les signes incontestables dun goût et dune intelligence de la littérature médiévale certainement sans équivalents au xvie siècle. Dune part, en effet, comme la critique la déjà remarqué mais peut-être insuffisamment souligné, les considérations esthétiques, même si elles sont le plus souvent très rapides et stéréotypées dans leur formulation, occupent dans le Recueil une place non négligeable et montrent par leur relative abondance que Fauchet appréciait et voulait faire apprécier les « bonnes inventions » et les « belles sentences » des poètes médiévaux3. Dautre part, sans que cela fasse dailleurs de la part de Fauchet lobjet dun exposé en tant que tel ni même, sinon dans quelques cas, de développements spécifiques, le Recueil témoigne dans son ensemble, par la somme de toutes les brèves remarques ou analyses quil contient, par ses choix et son organisation mêmes, explicites ou implicites, dune remarquable compréhension des principaux aspects de la littérature française du Moyen Âge – eu égard du moins à ce que peut en savoir aujourdhui un médiéviste moyen, que je tâcherai de représenter ici.

Lobjet de la présente réflexion, on laura donc compris, sera de tenter de confronter ce que lon sait (ou que lon croit savoir) aujourdhui de la littérature médiévale « avant lan MCCC » à ce quen dit Fauchet et de montrer quau-delà de son intention de contribuer globalement à une meilleure appréciation de lancienne « poesie françoise », de mettre en évidence son unité en même temps que la diversité des auteurs et des œuvres, ou encore de valoriser la continuité entre cette dernière et la poésie du xvie siècle, Fauchet parvient à dresser un panorama relativement représentatif, malgré dinévitables lacunes, de cette littérature ; en somme que le Recueil en général et son second livre en particulier ne sont pas seulement un assemblage de citations mises bout à bout et plus ou moins superficiellement commentées, mais peuvent aussi 497apparaître au moins comme lébauche dune première histoire de la littérature médiévale française4.

ThÉorie

Le Recueil de Claude Fauchet, rappelons-le, comporte deux parties ou deux livres, organisés de façon très différente : un premier livre plus « théorique », si lon peut dire, divisé en huit chapitres, qui sintéresse à la question des origines du français (chapitres i à v) puis à celle de la rime, considérée comme une invention de la poésie française (chapitres vi à viii), dans une perspective, pour ne pas dire un parti-pris, visant à prouver lantériorité et la supériorité de cette dernière vis-à-vis de sa rivale italienne ; un second livre plus « pratique », rassemblant sans ordre immédiatement apparent une collection de 127 notices numérotées, restituées en tête de louvrage sous la forme dune liste alphabétique dauteurs ou « Indice des noms des Poetes François, contenus au second livre ».

Même si lon y trouve, suivant J. G. Espiner-Scott, « une des rares discussions scientifiques sur lorigine de la langue que nous ayons pendant toute la période de la Renaissance5 », le premier livre du Recueil, tel quil est conçu, ne laisse aucune place à un quelconque « essai de poétique médiévale » (pour paraphraser P. Zumthor), ni même plus modestement à lexposé un tant soit peu suivi de ce que pouvaient être les conceptions de Fauchet en matière de littérature française du Moyen Âge. Au fil de la démonstration, néanmoins, plus ou moins incidemment, certaines de ces conceptions se font jour, qui somme toute ne savèrent pas si éloignées de celles que lon peut avoir aujourdhui sur le même sujet.

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Le lien entre histoire de la langue et histoire
de la littérature : origine et sens du mot « roman »

Ainsi, dans le chapitre iv du livre i, qui se demande « quelle estoit la langue appelee Romande », puis précise demblée que « ceste langue Romande nestoit pas la pure Latine, ains Gauloise corrompue par la longue possession & seigneurie des Romains » (p. 26), histoire de la langue et histoire de la littérature médiévales apparaissent étroitement liées, ce quaucun médiéviste ne saviserait aujourdhui de contester. À la naissance et au développement du « Romain rustique » ou « Romain vulgaire », autrement dit de la langue française, Fauchet associe la naissance et le développement dune littérature faite, entre autres, de « Romans », le terme ne renvoyant pas demblée à un genre littéraire, comme ce sera assez rapidement le cas, disons à partir du xiiie siècle, mais seulement à une œuvre écrite en français :

Ce fut lors (ainsi que je pense) quescrire en Roman commença davoir lieu, & que les Conteor & Jugleor, ou Jongleurs, Trouverres & Chanterres, coururent par les cours de ces Princes : pour reciter ou chanter leurs contes sans ryme, chansons & autres inventions poëtiques : usans du Romain rustique, ainsi que du langage entendu par plus de gens, encores quil leur eschapast assez de mots de leur terroir. Delà vient que lon trouve tant de livres de divers dialectes, Limosin, Wallon ou François, & Provençal, portans le nom de Romans : voulans les poëtes donner à cognoistre par ce tiltre, que leur œuvre ou langage nestoit pas Latin ou Romain Grammatic, ains Romain vulgaire. (p. 32)

Fauchet la bien compris, « le nom de Romans » na pas au xiie siècle la valeur quil prendra plus tard et il est à entendre avant tout dans un sens linguistique et non littéraire. En outre, le Roman(s), quil sagisse de la langue ou bien du texte écrit dans cette langue, ne peut trouver à se définir que par rapport à une autre langue, à la fois plus ancienne et plus prestigieuse, dont il dépend et diffère en même temps, évidemment le « Latin », comme il apparaît dans la première citation littéraire du Recueil, empruntée au Roman dAlexandre :

Et pour monstrer que parler Roman, ne sentendoit pas au temps jadis pour parler Latin : je maideray de ces vers pris du Roman dAlexandre, composé par gens vivans environ lan mcl. sous Louys le Jeune, Roy de France.

« La verté de lHistoirsi comli Roix la fit,

499

Un Clers de Chasteaudun, Lambert li Cors lescrit :

Qui de Latin la trest, & en Roman la mit. »

Il faut donc dire que Latin & Roman fussent differens : puis que cestuy-cy tire du Latin une histoire, pour la mettre en Roman. (p. 27)

Un peu plus loin dans le même passage, Fauchet cite encore le prologue du Roman de Dolopathos dHerbert, qui est aussi la traduction « en Romans » (p. 33) du texte latin de Jean de Haute-Seille. Il nignore donc évidemment pas tout ce que le français doit au latin, mais aussi tout ce que la littérature française naissante en général, et en particulier le genre naissant du roman6, doit à la littérature latine, antique ou médiévale.

Le lien entre littérature latine
et littérature française : du rythme à la rime

Évidemment, en citant par exemple le cas du Roman dAlexandre, Fauchet sait – ce qui na rien détonnant de la part dun auteur du xvie siècle – que la littérature française est redevable dans son développement à la littérature latine de lAntiquité, mais il a aussi conscience – et cest plus inattendu – de ce quelle peut devoir à la littérature latine du Moyen Âge. Ainsi dans le chapitre vii, qui est lun de ceux consacrés à linvention et à la diffusion de la rime, « considérée comme porteuse de lidentité poétique française7 », Fauchet semble bien considérer – son exposé nétant pas toujours dune grande limpidité – que linvention de la rime « omioteleute & consonante », autrement dit telle que la pratique la prosodie française, sest transmise de la poésie latine médiévale, aussi bien rythmique que métrique8, à la poésie française, et ce, dit-il, dès lépoque de « Charles le Grand » :

500

La ryme donc omioteleute & consonante estant venue de quelque part, ou nation que ce soit (car je veux confesser que jusques ici je nay encores leu qui en est lautheur) il est certain quelle a eu cours parmi le peuple & les langues vulgaires nées depuis la ruine de lempire Romain : à tout le moins du temps de Charles le Grand. (p. 65)

Quand donc Eginard dit que Charles le Grand prenoit plaisir à ouir reciter les faits des Roys composez en sa langue, je croy quil entend ceux qui ja estoyent mis en ryme. De sorte quil peut bien estre que de son temps nostre ryme fust en usage, mesmes en langues vulgaires, puis quelle avoit cours en hymnes & proses Ecclesiastiques Latines. (p. 67)

Il est fait ici allusion à un passage célèbre, souvent cité à propos de la question des origines de la chanson de geste, de la Vie de Charlemagne dEginhard : « Item barbara et antiquissima carmina, quibus veterum regum actus et bella canebantur, scripsit memoriaeque mandavit9 ». Mais Fauchet le comprend dans le sens qui lui convient – la « langue » de Charlemagne nétant évidemment pas, comme Eginhard le dit dailleurs très clairement10, le français, mais le francique, forme ancienne dallemand – de manière à associer à la figure prestigieuse de lempereur des Francs, héritier de « lempire Romain », sinon linvention du moins laffirmation de la rime, particularité de la prosodie française elle-même héritée de la prosodie latine tardo-antique et médiévale – reconstitution somme toute assez juste, même si Charlemagne ny a joué aucun rôle !

501

Chant, musique et littérature :
le rôle des jongleurs

Enfin – mais peut-être est-ce moins notable, à une époque où les liens entre poésie et musique sont encore étroits – Fauchet semble avoir bien pris la mesure du caractère à la fois oral et musical de la littérature médiévale, comme le montre le début du chapitre viii du livre I, qui se demande « qui furent les Trouverres, Chanterres, Jugleor & Jongleor » :

Or est il certain que bien tost apres la division de ce grand Empire François en tant de petits Royaumes, duchez & comtez, au lieu de Poetes commencerent à se faire cognoistre les Trouverres & Chanterres, Contëours & Juglëours : qui sont Trouveurs, Chantres, Conteurs, Jongleurs ou Jugleurs, cest à dire, Menestriers chantans avec la viole. Les uns desquels composoyent, comme les Trouveurs, ou Conteurs : les autres chantoyent les inventions dautruy, comme les Chanterres & Jugleours. Encores peut on dire, que les Trouverres faisoyent & inventoyent les rymes, & les Conteor les proses : vous ayant dit cy devant, quil y avoit Roman rymé, & Roman sans ryme. Ces Trouveurs donc & Chantres, ayans affaire lun de lautre saccompagnoyent volontiers. (p. 72-73)

En dépit dune certaine confusion, ou en tout cas dune certaine surcharge (car les distinctions essentielles sont faites) terminologique, Fauchet nen souligne pas moins, me semble-t-il, le fait le plus important : la littérature médiévale, où le vers domine, même si elle ne méconnaît pas la prose, est destinée à être récitée ou chantée (pour paraphraser un passage de la p. 32 cité plus haut) devant un public, notamment un public de cour, à charge pour lui de rétribuer ceux qui font spécialité dune telle activité, « Jongleurs » et autres « Menestriers ». Ainsi le peuple des interprètes – dont Fauchet reconstitue à sa manière le destin, de lefflorescence liée aux croisades jusquà la déchéance à la fin du xiiie siècle11 – est-il 502un rouage essentiel de cette littérature qui dès les origines a partie liée avec la musique12.

Chronologie

En bon historien, ou du moins en bon « antiquaire », Claude Fauchet se montre dans le Recueil très attentif à la chronologie.

En premier lieu, il fixe à son enquête des bornes précises – « avant lan mccc », donc – qui pour ne faire lobjet, sauf erreur de ma part, daucune justification13, ne sont pas pour autant arbitraires. De fait, de nos jours, chez les spécialistes de la littérature française du Moyen Âge, la période, qui nest évidemment pas dun seul bloc, se laisse assez volontiers scinder, on le sait, en deux grands ensembles : xiie-xiiie siècle dune part, puisque sont conservés très peu de textes français antérieurs à 1100, ce qui coïncide sur le plan proprement linguistique avec la période de lancien français ; xive-xve siècle de lautre, correspondant à la période du moyen français. Du point de vue de lhistoire littéraire, comme de lhistoire de la langue dailleurs, la limite de 1300 se justifie donc parfaitement et 503Fauchet, bon connaisseur également de la littérature française des xive et xve siècles14, en avait certainement conscience pour sy arrêter.

Dans le livre ii, Fauchet se montre en outre soucieux dune chronologie plus fine, sefforçant dans la mesure du possible – la tâche nest, le plus souvent, pas aisée – de situer chacun des auteurs dont il parle dans le temps, en relevant des indices textuels et en les faisant parler comme nimporte quel philologue dhier ou daujourdhui, et par conséquent de situer ces mêmes auteurs relativement les uns aux autres, ce qui apparaît en fait comme le premier (parmi dautres, comme on le verra plus loin) des critères dordonnancement des notices rassemblées dans la seconde partie du Recueil. Ainsi, de la notice 1 (Wace) à la notice 13 (Huon de Méry) le principe de succession est-il chronologique, suivant dailleurs une chronologie relativement exacte, telle quelle se laisse reconstituer de nos jours. De fait, comme le dit explicitement Fauchet dans sa première notice, le Roman de Brut de Wace nest peut-être pas le plus ancien des textes quil ait rencontrés, mais cest le plus ancien dont la date de composition soit clairement établie :

Combien quil se trouve plusieurs livres faisans mention de Charles le grand, & autres princes de sa Cour, que lon soupçonne avoir precedé cestuy-ci, & les autheurs du Roman dAlexandre : on ne les peut pas remarquer par leurs noms, ne par le temps de la composition de leurs œuvres. Cest pourquoy je suis contraint de mettre le premier en rang, maistre Wistace ou Huistace : autheur du Roman appelé Brut. (p. 82)

Suit la citation de lépilogue de ce roman, où de fait figure en toutes lettres15 la date de 1155, qui fournit donc un point de départ à lanthologie. À lautre extrémité de ce premier ensemble de notices, le terminus ad quem est donné par le Tournoi de lAntéchrist dHuon de Méry, que Fauchet situe en 1228 grâce à la mention dans le prologue de ce roman de la campagne qui opposa en Bretagne le roi Louis ix à Pierre ier Mauclerc – campagne dorénavant datée de 123416, ce qui toutefois nenlève rien à 504la valeur chronologique de ce détail, bien repéré et exploité par Fauchet, dont la justesse des déductions nest en tout cas pas compromise par ce léger écart de six années. En effet, le même Huon de Méry mentionnant à plusieurs reprises dans son roman Chrétien de Troyes (signalé comme « mors », v. 22) et Raoul de Houdenc, Fauchet en conclut très logiquement que ces derniers ont vécu avant Huon de Méry :

Il est bien certain que Raoul de Houdanc & Christien de Troies sont morts avant lan m. ccxxvii. par ce qua laissé deux Huon de Meri au tournoiment dAntechrist17. (p. 96)

Et ainsi de suite : pour la plupart datés grâce à des indices historiques internes aux textes, les œuvres et les auteurs sont situés relativement les uns aux autres et se succèdent en ordre chronologique. Après Wace et son Roman de Brut daté de 1155 (notice 1) viennent les auteurs du Roman dAlexandre et dune de ses suites, la Vengeance dAlexandre de Jean le Nevelon ou le Venelais (notices 2 à 5), cette dernière assez judicieusement sinon exactement reliée à lannée 1193 grâce à la mention dun « Conte Henri » dans le prologue18 ; puis un sous-ensemble de trois notices (6, 7 et 8) consacrées à Guiot de Provins et sa Bible, située « environ lan 1200 » (p. 9119), à Blondel de Nesle (« Jeusse peu mettre Blondiaux avant Guiot de Provins, nestoit que je ne trouve point la mort de lun & lautre : mais tous deux ont veu Richart Roy dAngleterre, lequel mourut lan 1200 », p. 92) et à Thibaut de Marly, dont les Vers 505ne sont pas précisément datés par Fauchet, mais dont apparemment il parle à cet endroit car ils font suite, dans le manuscrit quil a consulté, à la Bible de Guiot de Provins20 ; sont ensuite mentionnés (notices 9 à 11), pour les raisons quon a dites, Raoul de Houdenc21, Chrétien de Troyes (Fauchet fixant à juste titre, grâce à la mention de Philippe dAlsace dans le prologue, le terminus ad quem du Conte du Graal à 1191) et Godefroi de Leigni, celui qui est donné pour avoir achevé le Chevalier de la charrette du même Chrétien ; enfin, avant la notice 13 sur Huon de Méry sintercale celle dHerbert, le traducteur du Dolopathos de Jean de Haute-Seille, dont le roman est placé à raison sous le règne de Louis viii (1223-122622). Eu égard à nos connaissances actuelles, on constatera donc que les datations proposées par Fauchet sont dans lensemble, pour cette première série de texte, remarquablement justes.

Cependant, faute de repères exploitables, il nest rapidement plus possible, dans la suite du livre ii, de sen tenir à lordre chronologique, qui paraît compromis dès la notice 14 consacrée à Huon de Villeneuve, auteur prétendu dun ensemble de chansons de geste associant Renaut de Montauban à trois chansons du Cycle de Nanteuil (Doon de Nanteuil – chanson aujourdhui perdue23 –, Aye dAvignon et Gui de Nanteuil24), auquel Fauchet raccroche celle de Cipéris de Vignevaux, pour des raisons semble-t-il chronologiques, et peut-être génériques25. De fait, lensemble de ces textes est situé « environ lan mcc » (p. 114 et 115), ce qui semble quelque peu contrevenir, en les plaçant après Huon de Méry, à lordre 506chronologique suivi jusque là. Mais il est probable que dautres critères dordonnancement entrent alors en vigueur, comme on va le voir.

Manuscrits

On sait que Claude Fauchet a eu accès à un nombre important – exceptionnellement important, pour son époque – de manuscrits, quil a possédés, empruntés ou consultés auprès dautres érudits (pour sen tenir à ceux qui sont cités dans le Recueil : Henri de Mesmes, p. 116 ; Étienne Pasquier, p. 151 ; Antoine Matharel, p. 183) ou à la « bibliotheque du Roy » (p. 88 et 15226) : au total, peut-être près dune centaine de manuscrits français (sans compter les manuscrits latins, donc), si lon en croit le relevé, à ma connaissance le plus complet, établi par J. G. Espiner-Scott, qui prolonge les travaux plus anciens de Dillay et S. W. Bisson27, et qui même sil nest pas exhaustif suffit à se figurer lampleur des lectures de Fauchet, sans aucun doute considérables.

Le support manuscrit

Comme en témoignent certains passages du Recueil, notamment dans les notices 10 (Chrétien de Troyes) et 14 (les cinq chansons de geste regroupées sous le nom dHuon de Villeneuve), la longue familiarité acquise par Fauchet avec le support manuscrit la rendu sensible à certaines de ses particularités, essentiellement sa vétusté et sa fragilité28 507qui le menacent dune disparition susceptible dentraîner avec elle celle de nombreuses œuvres, en partie ou en totalité. Cest pourquoi Fauchet semploie à citer dans la notice 10 tout ce quil a pu sauver du Chevalier au lion et du Conte du Graal, à partir de quelques feuillets manuscrits trouvés – ô combien symboliquement, ce qui peut dailleurs conduire à douter de la véracité de lanecdote – dans une imprimerie29 :

Il y a deux ans quallant en une imprimerie, je trouvay que les imprimeurs se servoyent à remplir leur timpan dune fueille de parchemin bien escrite : où ayant leu quelques vers assez bons, je demanday le reste : & lors on me monstra environ huit fueilles de parchemin, toutes de divers cahiers, mais de pareille ryme & subject : qui me faisoit croire que cestoit dun mesme livre. Le premier monstroit evidemment lautheur, & pour ce que je crain que le reste soit perdu, je mettray ici tout ce que je copiay lors, & qui me sembla bon. (p. 98)

De même, un peu plus loin, toujours à propos de Chrétien de Troyes :

Il continua le Romans de la Table ronde : & Huon de Meri ha bonne raison de le nommer le premier de ceux de son temps : car en ce peu que jay veu de ses œuvres, il y a dassez bons traits, que je mettray à fin quil prenne envie à ceux qui en ont des livres entiers, de les garder & ne les vendre pour les perdre : ainsi quont esté ceux dont jay retiré ces pieces. (p. 99-100)

À la fois fragile et périmé, face à limprimerie, le support manuscrit demande à être préservé30, afin que les œuvres médiévales ne finissent pas en « pieces », comme les romans de Chrétien, ou encore « rompues au commencement, au milieu, & à la fin » (p. 116), comme les deux copies de Cipéris de Vignevaux qua vues Fauchet.

508

Lordre manuscrit

Un grand nombre des manuscrits qua lus Fauchet sont, comme bien souvent au Moyen Âge, des manuscrits recueils, qui rassemblent plusieurs œuvres, en général un petit nombre lorsquil sagit de textes longs, le plus souvent narratifs (comme le manuscrit, aujourdhui perdu, évoqué au début de la notice 14, qui regroupait quatre chansons de geste), parfois en très grand nombre si ce sont des textes courts, lyriques ou non (comme le fameux ms. BnF, fr. 837, qua consulté Fauchet, qui en contient environ deux cent cinquante). Aussi le manuscrit dispose-t-il les œuvres quil réunit dans un certain ordre, ordre auquel il est loisible de prêter – faute de mieux, certainement, dans le cas de Fauchet – une certaine logique ou une certaine autorité, ou du moins, à défaut de lune ou de lautre, une certaine attention31. Cest ce qui apparaît en tout cas au début de la notice 15, qui ouvre une nouvelle section du livre II (notices 15 à 82) consacrée aux poètes lyriques :

Entre plusieurs livres excellents en toutes langues, dont la librairie de messire Henry de Mesmes, chevalier, seigneur de Roissy, Conseiller destat, est aussi bien garnie que pas une qui se puisse trouver : Il y en a un de vieilles chansons, le plus entier & curieusement recueilli dentre celles des meilleurs maistres, que jaye veu pour ce regard. Car il nomme 64. autheurs de chansons tous louables, & lesquels je veux icy mettre selon lordre du livre. Dautant que je ne puis asseurer en quel temps plusieurs deux ont vescu : & quil y a apparence que celuy qui a fait ce recueil, les a mis selon laage quils ont flori : pource quil escrit devant, aussi tost les Chansons dun Menestrel, que dun Duc, Conte, ou Chevalier. (p. 116-117)

De fait, comme il lannonce explicitement, pour la première section lyrique du livre ii, jusquà la notice 78 (les notices 79 à 82 constituant un sous-ensemble à part, voir infra), Fauchet, faute de pouvoir « asseurer en quel temps » certains des poètes quil cite ont vécu, autrement dit faute de pouvoir suivre un ordre chronologique, sen remet à « lordre du livre » ; ordre quil suppose cependant chronologique, puisquil nest pas social, 509si cest bien ainsi toutefois quil faut comprendre « pource quil escrit devant, aussi tost les Chansons dun Menestrel, que dun Duc, Conte, ou Chevalier » ; mais probablement Fauchet nen est-il pas vraiment persuadé, puisque ses propres essais de datation contreviennent rapidement à cet ordre prétendu, ainsi quand il cite Gillebert de Berneville, correctement situé « environ lan mcclx » (p. 137), avant Richard de Fournival quil place, il est vrai erronément, au « temps de Philippe Auguste » (p. 146), alors quil vécut en fait pendant la première moitié du xiiie siècle. Néanmoins, à côté dautres critères, complémentaires ou concurrents, lordre dans lequel senchaînent les textes dans les manuscrits simpose bel et bien comme un principe dordonnancement tout au long du livre ii, dès la notice sur Thibaut de Marly (notice 8), qui suit de près celle consacrée à Guiot de Provins (notice 6), étant donné, dit Fauchet, quen « mon volume de la bible Guiot, suivoit une satyre intitulee lEstoire li Romans [sic] de monseignor Thiebault de Mailli » (p. 93), jusquaux troisième (notices 83 à 102) et quatrième (notices 103 à 115) sections du livre ii, respectivement consacrées aux fabliaux (pour une grande part) et aux jeux-partis : la première suivant à peu près lordre du ms. BnF, fr. 1593, qui appartint à Fauchet, quoiquen omettant un certain nombre de pièces et en complétant la série avec le fr. 83732 ; la seconde suivant, de façon là encore sélective, lordre du manuscrit prêté par Antoine Matharel, aujourdhui le ms. Biblioteca Apostolica Vaticana, Reg. lat. 152233.

Ainsi, en dépit de sa « désorganisation apparente », le livre ii du Recueil suit bien un ordre qui nest pas seulement celui de la lecture34, obéit à un classement, ou plutôt à plusieurs classements, qui se succèdent ou se combinent selon les cas : classement chronologique, classement manuscrit et classement générique (ainsi pour la section 3, regroupant beaucoup de fabliaux) – sans compter dautres critères qui peuvent encore entrer en ligne de compte, comme la variété, afin de soutenir lintérêt du lecteur (doù, par exemple, une habile alternance entre les sections 1, 3 et 5, narratives, et les sections 2 et 4, lyriques), ou encore la préséance, qui conduit Fauchet à conclure sur le Roman de la Rose, non seulement pour 510des raisons chronologiques, mais aussi parce que « maistres Guillaume de Lorris, & Jehan Clopinel [sont] les plus renommez de tous nos poetes anciens » (p. 207).

Quant à lorganisation du livre ii du Recueil, on peut résumer et compléter ce qui vient dêtre dit avec le tableau suivant :

Sections

Notices

Contenu

Classement

1

1 à 14

Textes narratifs, principalement romans et chansons de geste

1A

1 à 13

Romans, de Wace à Huon de Méry, plus les 2 satyres de Guiot de Provins et Thibaut de Marly (notices 6 et 8)

Chronologie (de 1155 à 1228) + manuscrit (notices 6 et 8)

1B

14

5 chansons de geste, regroupées dans le même ms., sauf la dernière, Cipéris de Vignevaux

Manuscrit + genre + chronologie (autour de 1200)

2

15 à 82

Poésie lyrique (chansons damour)

2A

15 à 78

Chansons, de Thibaut de Champagne au Comte de la Marche

Manuscrit (dHenri de Mesmes, perdui)

2B

79 à 82

Chansons et extraits concernant des trouvères tirés du Roman de la Rose de Jean Renart

Genre

3

83 à 102

Fabliaux, principalement

Genre + manuscrit (fr. 1593 et fr. 837)

4

103 à 115

Poésie lyrique (jeux-partis)

Manuscrit (BAV, Reg. lat. 1522)

5

116 à 127

Textes divers, surtout narratifs, de la fin du xiiie siècle, de lépoque de Philippe le Hardi (Adenet) à celle de Philippe le Bel (Jean de Meun et Pierre Gentien)

5A

116 à 124

Textes divers, surtout narratifs, dAdenet le Roi à Jacquemart Gielée (texte daté de 1290)

Chronologie (même si plusieurs auteurs ne sont pas situés)

511

5B

125 à 127

Guillaume de Lorris, antérieur mais « joint de composition » (p. 198) avec Jean de Meun, puis Pierre Gentien, ces deux derniers « du temps de Philippes le bel » (p. 207)

Chronologie (malgré Guillaume de Lorris)

i.Voir la tentative de reconstitution du contenu de ce manuscrit dans Espiner-Scott, Documents, p. 264-271.

On observera, in fine, que deux principes organisateurs simposent plus particulièrement au livre ii du Recueil : dune part lordre manuscrit, qui régit plus ou moins complètement les sections 2, 3 et 4 de lanthologie ; dautre part lordre chronologique, auquel répondent non seulement la section 1 (avec des textes narratifs, surtout des romans, situés entre 1155 et 1228) et la section 5 (textes divers, plutôt narratifs, de la fin du xiiie siècle), mais aussi, implicitement, lensemble du Recueil, qui commence en 1155 pour sachever, avec Jean de Meun et Pierre Gentien, « du temps de Philippes le Bel » (p. 207). En outre, un classement générique est également à lœuvre dans les différentes sections du Recueil, mais sans quil soit appliqué systématiquement ni que Fauchet sen explique, puisque le plus souvent il découle en fait de lordre manuscrit – tel manuscrit ou telle partie de manuscrit regroupant déjà un ensemble de textes appartenant à un même genre, comme cest le cas pour les deux sections lyriques.

Genres

Pendant des décennies, au moins depuis les Veilles (1555) restées manuscrites35 jusquau Recueil de 1581, Fauchet a lu des dizaines de manuscrits, ce qui a porté à sa connaissance un nombre considérable dœuvres et dauteurs, que lon retrouve pour la plupart dans le livre ii du Recueil, mais parfois seulement dans dautres de ses œuvres, comme 512cest le cas par exemple pour les Vers de la mort dHélinand de Froidmont, brièvement mentionnés dans les Antiquitez gauloises et françoises, ou bien pour le Reclus de Molliens, dans les Origines des dignitez et magistrats de France36 – quon peut sétonner, soit dit en passant, de ne pas voir figurer parmi les « poetes François vivans avant lan mccc », étant donné la notoriété dont ils jouissaient lun et lautre au Moyen Âge37. À partir dune telle masse de textes, cependant, dans quelle mesure Fauchet est-il parvenu à se représenter les différents genres caractéristiques de la littérature médiévale, avec leurs particularités ? Dans son étude de 1938, J. G. Espiner-Scott a dressé la liste visiblement très complète de toutes les lectures de Fauchet, précisément en les classant par genres et « matières » (pour utiliser une dénomination plus médiévale) ; on sait ainsi que Fauchet a lu des chansons de geste, des romans « antiques » ou « bretons », des fabliaux, des pièces lyriques, etc.38, mais on ne sait pas quelle conscience il avait lui-même de ces genres.

Pour sen faire une première idée, avant dentrer dans le détail du livre ii, on peut se reporter au chapitre viii du livre i, où Fauchet, à partir dune citation empruntée à Huon de Méry décrivant des jongleurs en action39, veut dresser une sorte de panorama des activités littéraires du poète médiéval :

Nos Trouverres, ainsi que ceux-la [les anciens poètes grecs], prenans leur subject sus les faits des vaillans hommes (quils appelloyent Geste, venant de gesta Latin) alloyent, comme jay dit, par les Cours resjouir les Princes, meslans quelque fois des Fabliaux : qui estoyent comptes faicts à plaisir, ainsi que des 513nouvelles : des Sorvantois, ou Servantois aussi : esquels ils reprenoyent les vices, ainsi quen des Satyres (combien que Fabri curé de Merai, dise que les Servantois sont invention de Picards, & parlent plus damour que dautre chose) des chansons, lais, virelais, sonnets, ballades, traittans volontiers damours, & par fois à lhonneur de Dieu. (p. 73-74)

Quoique partiel, le tableau nen est pas moins relativement exact : ayant déjà parlé du « Roman », aussi bien « rymé » que « sans ryme » (p. 73), Fauchet ajoute la « Geste » (autrement dit la chanson de geste, cette dernière expression napparaissant jamais, sauf erreur de ma part, sous sa plume) ; les « Fabliaux », assez vaguement décris comme des « comptes faicts à plaisir, ainsi que des nouvelles » ; les « Servantois », dont la définition oscille, dailleurs à juste titre, entre chanson satirique et chanson damour40 ; enfin les « chansons, lais, virelais, sonnets, ballades », dont les noms peuvent probablement se passer encore dautres précisions pour un lecteur de la fin du xvie siècle.

On voit donc dans ce passage un Fauchet conscient – dans une certaine mesure, et probablement de façon assez intuitive – de lexistence de différents genres littéraires médiévaux, qui peuvent correspondre plus ou moins à ceux de son temps (ainsi, peut-on supposer, les « chansons, [] sonnets, ballades », sinon les « lais » et les « virelais »), ou bien en différer plus ou moins profondément, même si Fauchet se fait volontiers le promoteur dune continuité entre Moyen Âge et Renaissance, surtout quand il sagit den déduire la primauté de la littérature française sur sa rivale italienne – et cest ainsi que daprès Fauchet les « Sonnets » existaient déjà du temps du Roman de la Rose, et que les fabliaux ou le Dolopathos ont inspiré le Decameron de Boccace41.

514

Les éléments que lon peut relever dans le reste du Recueil permettent, jusquà un certain point, de compléter ce premier panorama et de préciser la conscience générique de Fauchet.

Roman et chanson de geste

En fait, il ressort de plusieurs passages du Recueil que Fauchet nétablit pas de franche distinction entre roman et chanson de geste – ces deux genres narratifs médiévaux sopposant, rappelons-le, aussi bien sur le plan de la forme (couplet doctosyllabes puis prose pour le roman ; laisse de décasyllabes ou dalexandrins pour la chanson de geste) que sur celui du contenu ou de la « matière », daprès la fameuse tripartition tirée du prologue de la Chanson des Saisnes de Jean Bodel, de Rome ou de Bretagne pour le roman, de France pour la chanson de geste42. Cest ainsi, à la fin du chapitre v du livre i, à propos de linfluence de la poésie française sur celle de ses voisins, en particulier italiens, que Fauchet parle de « nos Trouverres, Chanterres, Conteor, & Jugleor (tant caressez par toutes les Cours dEurope, pour leurs chansons de la table ronde, Roland, Renaud de Montauban, & autres Pairs & Paladins de France) » (p. 48-49), mêlant indistinctement forme épique (« chansons ») et « matière » romanesque (« de la table ronde ») ; de même, en tête de la notice 14 du livre ii consacrée aux chansons du Cycle de Nanteuil, est-il question des « Romans de Regnaut de Montauban, Doon de Nantueil, etc. » (p. 109).

Pourtant, en dautres passages du Recueil, Fauchet parvient à toucher du doigt certaines différences, soit de contenu, notamment lorsquil est question de « Geste », terme relié à juste titre p. 73 au latin gesta, ou encore, dans la notice 5 du livre ii, des « Romans qui parlent de Geste [] composez en vers de douze & treize syllabes » (p. 85) ; soit de 515forme, sagissant notamment du rôle de lassonance ou de la rime dans la chanson de geste, constitutive de la laisse43 ; des différents types de vers et de lantériorité de loctosyllabe par rapport à lalexandrin44 ; ou encore de lexistence au Moyen Âge de romans en vers aussi bien quen prose, Fauchet concluant à lantériorité de cette dernière45 – ce qui, en loccurrence, est une erreur, mais une erreur dautant plus excusable que cétait encore celle dun Paulin Paris dans les années 1870-1880, avant dêtre définitivement rectifiée par son fils46.

On ne saurait, en somme, reprocher à Fauchet de ne pas être parvenu à distinguer nettement chanson de geste et roman, les relations entre les deux genres, qui finiront dailleurs par se confondre à la fin du Moyen Âge, et leur évolution nétant pas des plus aisées à reconstituer, même aujourdhui.

516

Fabliaux

Claude Fauchet appréciait apparemment beaucoup les fabliaux, auxquels il donne une bonne place dans son Recueil : non seulement la section 3 du livre II (notices 83 à 102, p. 160-183) est-elle consacrée en grande partie à ce genre (en dehors tout de même des notices 84, 85, 90, 91, 93, 94, 96 et 97), ce qui tend à la constituer comme la section fabliaux de lanthologie, mais il en est encore question dans les notices 81 (Jouglet), 119 (De Honte et de Puterie47) et 120 (Des deux chevaux).

En outre, Fauchet prend soin de proposer une définition du genre, présentant les fabliaux comme des « comptes faicts à plaisir, ainsi que des nouvelles » (p. 73-74) ; définition quil répète à deux reprises, dabord p. 96, avec quelques précisions supplémentaires (« un conte faict à plaisir, comme une nouvelle meslee de fables, où volontiers à la fin il y a quelque interpretation morale », à propos du Songe dEnfer de Raoul de Houdenc, qui nest pas considéré comme un fabliau aujourdhui), puis p. 160, dans la notice consacrée à Rutebeuf. Quoique peu précises, ces définitions nen mettent pas moins en valeur deux ou trois composantes essentielles du genre : il sagit dun récit bref (si lon peut donner cette valeur au mot « conte »), mêlant fiction et réalité, divertissement et morale.

Enfin, évoquant au total une quinzaine de fabliaux différents48, Fauchet en résume certains en quelques lignes (notices 81 et 83) et propose une adaptation plus ou moins intégrale de trois dentre eux : les Trois aveugles de Compiègne (notice 86), la Bourse pleine de sens (notice 88) et le Sacristain (notice 89). La perspective de cette étude ne nous permet pas denvisager une analyse détaillée de ces adaptations, qui serait certainement intéressante à mener, Fauchet devant constituer un des jalons les plus anciens dans la longue et riche histoire de la réception post-médiévale des fabliaux. Contentons-nous de noter que contrairement aux romans ou chansons de geste, dont le contenu nest jamais résumé, ou seulement très rapidement, Fauchet semble avoir 517accordé plus dintérêt à celui des fabliaux, probablement parce quil sagit de textes courts, plus susceptibles dintéresser le lecteur et de lui donner une image attrayante de la littérature médiévale49.

Genres lyriques

Les genres lyriques médiévaux sont fort bien représentés dans le Recueil par deux espèces, la chanson damour et le jeu-parti, qui font lobjet de deux sections (2 et 4) nettement délimitées. Seuls les jeux-partis sont définis, simplement et clairement, comme « des demandes et responses amoureuses, debatues pour et contre » (p. 183 ; voir aussi p. 184), probablement parce que les chansons damour, pour leur part, se passent fort bien de définition, vivant encore sous dautres formes au xvie siècle. De fait, en bon lecteur de la Pléiade50, Fauchet ne manque pas de sintéresser à cette poésie qui selon lui fut le modèle dun Dante ou dun Pétrarque, avant que le pétrarquisme ne fleurisse en France51. Aussi Fauchet passe-t-il en revue un grand nombre de trouvères, tentant parfois den reconstituer la biographie, dans la mesure de ses connaissances et dans une attitude qui peut rappeler celle des auteurs de vidas occitanes, enclins à individualiser une poésie qui par définition ne lest guère ; surtout, il cite abondamment les chansons damour, dont il énumère thèmes et figures, tandis quil résume plutôt les jeux-partis, et multiplie les jugements élogieux, comme lavait déjà remarqué J. G. Espiner-Scott52.

518

Un tableau relativement représentatif

Évoquant encore, en passant ou plus au long, dautres genres comme la fable (notice 84, « fables dEsope moralisees » de Marie de France) ou la « satyre » (largement représentée, non seulement par Guiot de Provins et Thibaut de Marly, mais aussi par Hugues de Berzé, Rutebeuf, le Clerc de Vaudoy, Renaut dAndon, Huon le Roi ou Jacquemart Gielée53), qui en loccurrence nont rien de spécifiquement médiévaux, Fauchet parvient finalement à dresser un tableau relativement représentatif des différentes formes et « matières » de la littérature médiévale, en dépit dinévitables lacunes54 et de notables disparités entre certains genres clairement définis et illustrés (ainsi le jeu-parti ou le fabliau), peut-être pour des raisons qui ne tiennent pas seulement à leur intérêt intrinsèque, mais aussi au goût dune époque55, et dautres qui le sont de façon beaucoup plus approximative ou partielle, en particulier le roman, dont la richesse au Moyen Âge se perçoit mal, en dépit du nombre de textes cités, à la lecture du Recueil, faute probablement davoir évoqué plus largement le contenu de ces textes et davoir tenté de les classer en différentes catégories.

Mais ce nest pas tant, comme on va le voir, la question des genres médiévaux qui préoccupe Fauchet que celle des auteurs, dont il entend citer et situer (dans le temps) le plus grand nombre.

Auteurs

Comme en témoigne demblée le titre du Recueil et son intention affichée de donner, à côté du « sommaire des œuvres », les « noms » de 127 poètes français vivant avant 1300, ou encore l« Indice des noms » placé 519en tête de louvrage, lauteur et son nom ont pour Claude Fauchet une grande importance. Quelque peu anachronique, voire paradoxal, puisque lanonymat de lœuvre est chose courante dans les premiers siècles de développement de la littérature française et que la notion dauteur ny a pas une importance telle, en particulier dans certains genres comme la chanson de geste ou le fabliau, cet attachement de Fauchet au nom du poète le conduit en outre à un geste étonnant, consistant précisément à éliminer autant que possible de son Recueil ce qui est anonyme. Ainsi, près de la fin de la section 2 consacrée à la poésie lyrique, après la notice 78 portant sur le Comte de la Marche, Fauchet décide dinterrompre la série de trouvères quil déroule daprès le manuscrit dHenri de Mesmes, tout simplement parce que la suite de ce manuscrit ne contient plus que des textes anonymes :

Le livre du seigneur de Roissi, ne nomme plus aucun apres les chansons de ce Conte : encores quil y en ait plus de deux cens autres : sinon quau 177. fueillet il fait mention dun Jolivet de Paris, Qui damors a grant renom. Je pouvois extraire davantage de belles manieres de parler, tant de ceux qui sont nommez, que des autres sans nom : mais tout ainsi que je me suis lassé de lire, aussi croy-je bien, lecteur, que tu ne le seras pas moins. (p. 157)

De même, à la fin du Recueil :

Or je confesse quil se trouve assez dautres Romans, precedens ceux que jay nommez, desquels je nay voulu parler : pour ce que je ne sçavoy le nom, ne le temps de ceux qui les ont composez. (p. 208)

Ce nest donc pas seulement le manuscrit dHenri de Mesmes qui est concerné. De manière générale, Fauchet lavoue franchement, il a préféré exclure de son Recueil les œuvres sans auteur (quitte, comme dans le cas de la notice 7 consacrée à Blondel56, à mentionner des auteurs sans œuvre…), en tout cas ceux quil nétait pas capable de dater. De fait, dans les rares cas où Fauchet renvoie à un texte anonyme, il sagit, sauf exception57, soit dun texte daté, comme Cipéris 520de Vignevaux (notice 14, p. 115), le Roman de Fauvel (p. 202) ou encore ladaptation française par Nicolas de Senlis (dont Fauchet ne connaît pas lauteur) de la Chronique du Pseudo-Turpin (p. 34) ; soit – mais cest aussi le cas pour les deux derniers – dun texte cité non pour lui-même, mais à titre documentaire, comme la « bonne Chronique Francoise » (p. 92) encore évoquée à plusieurs reprises p. 117, 122 (« nos grans Chroniques ») et 124 (si toutefois il sagit bien toujours de la même, probablement les Grandes chroniques de France), ou encore le Roman de la Rose (ou de Guillaume de Dole, roman aujourdhui attribué à Jean Renart), dont plusieurs extraits sont reproduits dans les notices 79 à 82 afin justement dajouter quelques noms à la liste des trouvères cités dans la section 2 du Recueil.

Notons en outre – signe supplémentaire de ce goût pour lauteur et sa personne – que lapproche de Fauchet est volontiers biographique, quand il en a du moins la possibilité, en sappuyant justement sur le témoignage dune « Chronique », comme cest le cas pour Blondel (notice 7), Thibaut de Champagne (notice 15), le Châtelain de Coucy (notice 17), plus encore pour Jean de Meun (notice 126, p. 201-207), sur lequel Fauchet est parvenu à rassembler un nombre impressionnant dinformations. Enfin – mais la chose est anecdotique – son désir de citer le plus grand nombre dauteurs est tel quil en vient à en inventer, en loccurrence en prenant (selon toute apparence, du moins) un personnage de fiction, celui du ménestrel Jouglet dans le Roman de la Rose (toujours celui de Jean Renart), pour un poète réel et en lui associant de surcroît un fabliau, Jouglet, évidemment parce quil met en scène un personnage homonyme (notice 81).

Esquisse dun Parnasse littéraire médiéval

Inévitablement, parmi tant de noms dauteurs, certains bénéficient de commentaires plus longs, dappréciations plus élogieuses, et cest ainsi que se constitue ou du moins sesquisse une sorte de Parnasse littéraire 521médiéval58, que lon peut samuser à comparer à celui de nos manuels de littérature, pour constater quil ne sen éloigne pas tant, notamment parce que Fauchet, comme le font les médiévistes encore aujourdhui, est conduit à calquer plus ou moins son goût sur celui que révèlent les manuscrits quil a consultés.

Cest ainsi quon ne sétonnera pas de voir le Roman de la Rose (de Guillaume de Lorris et Jean de Meun, cette fois) figurer à une place éminente, à la toute fin du Recueil, ni de voir ses auteurs considérés comme « les plus renommez de tous nos poetes anciens » (p. 207), étant donné le succès ininterrompu dont a joui ce texte depuis le xiiie siècle, dont Fauchet possédait ou connaissait dailleurs plusieurs copies. De même, parmi les poètes lyriques, en sattardant plus longuement sur Thibaut de Champagne, Gace Brulé, le Châtelain de Coucy, Blondel de Nesle ou Perrin dAngicourt, Fauchet ne fait-il que décalquer la mise en vedette dont bénéficiaient déjà, parce que leur notoriété était telle au Moyen Âge, ces poètes dans le manuscrit dHenri de Mesmes, en étant cités en tête des autres, avec le plus grand nombre de chansons59. De même, encore, pour Rutebeuf, limportance et la variété de lœuvre conservée ouvrant la possibilité à de nombreux commentaires, esthétiques, chronologiques ou encore biographiques : « Il fut marié par deux fois : & combien quil eust peu de biens, il prist (dit-il) femme qui nestoit ne gente ne belle. Aussi Dieu lavoit fait compagnon de Job, luy ayant osté tout à coup ce quil avoit, avec lœil dextre dont il voyoit le mieux », dit notamment Fauchet p. 163, tirant directement ces informations des poèmes de lauteur parfois dits « de linfortune60 ».

Plus surprenant peut-être, Fauchet sattache, son goût pour la « satyre » et les « bonnes sentences » (p. 95) aidant, à Guiot de Provins ou Thibaut de Marly (notices 6 et 8), deux poètes bien oubliés aujourdhui ; à Raoul de Houdenc (notice 9), auteur qui a suscité dernièrement – et à juste titre – un regain dintérêt de la part de la critique61 ; ou encore à Chrétien de Troyes (notices 10 et 11), pour qui Fauchet se montre 522particulièrement élogieux62, alors que paradoxalement il ne connaît que « peu [] de ses œuvres » (p. 99), le Chevalier de la charrette dans son entier, semble-t-il, ainsi que des fragments du Chevalier au lion et du Conte du Graal ; mais il est probable, concernant ces deux derniers auteurs, que Fauchet tienne aussi compte du fait quHuon de Méry les mentionne dans le Tournoi de lAntéchrist et « louë grandement » (p. 97) Chrétien.

En somme, même si Fauchet ne dit presque rien de Marie de France (notice 84), dont il ne connaît que les fables, même sil ne dit rien du tout, dans le Recueil, de la Chanson de Roland, quil connaît pourtant63, son Parnasse médiéval nest peut-être pas si éloigné du nôtre, dautant moins dailleurs quil a certainement contribué, par des voies qui resteraient à explorer en détail, à le constituer.

Conclusion

Comme le Recueil en témoigne, Fauchet a eu entre les mains un grand nombre de manuscrits médiévaux, et il les a lus. Comment les a-t-il lus exactement, voilà qui pourrait éventuellement faire lobjet dune enquête en soi. Comme on a pu le constater au fil du Recueil, Fauchet résume ou paraphrase volontiers les textes courts (les pièces lyriques, quelques fabliaux), mais pas les textes longs (romans, chansons de geste) ; de plus, sintéressant dabord à lauteur et son époque, il sarrête volontiers, dans ses citations du moins, au prologue et à lépilogue, comme cest le cas par exemple dans la notice, par ailleurs bien informée, quil consacre à Adenet le Roi (notice 116)64.

523

Reste, cependant, le nombre de manuscrits compulsés, dont une partie au moins, si ce nest la totalité, a dû faire lobjet dune lecture, sinon systématique (voir les cas déjà signalés du manuscrit dHenri de Mesmes ou des Vœux du paon), du moins attentive. Et cest à toutes ces lectures que Fauchet doit sa connaissance directe, personnelle et vaste en même temps de la littérature médiévale ; une connaissance, comme le notait déjà J. G. Espiner-Scott, « faite pour inspirer le plus profond respect même de nos jours65 ». Sans autre interprète que lui-même, sans même que ce soit vraiment lobjet du Recueil, de façon indirecte et presque involontaire, Fauchet offre à ses lecteurs de la fin du xvie siècle la première histoire de la littérature française du Moyen Âge, ou du moins son ébauche ; en tout cas un tableau de la littérature médiévale dune étendue et dune complexité sans commune mesure avec les vues parcellaires de ses rares prédécesseurs (Geoffroy Tory, Henri Estienne) ou suiveurs (Pasquier, du Verdier66).

Silvère Menegaldo

Université de Tours – CESR

1 Imprimé à Paris par Mamert Patisson pour Robert Estienne en 1581 ; consultable sur Gallica, dans une numérisation de qualité. Voir aussi lédition partielle, limitée au livre I, de J. G. Espiner-Scott, Recueil de lorigine de la langue et poesie françoise, ryme et romans. Livre ier, Paris, Droz, 1938.

2 N. Lombart, « Une défense et illustration de la poésie française médiévale : le Recueil de lorigine de la langue et poesie françoise de Claude Fauchet (1581) », Accès aux textes médiévaux de la fin du Moyen Âge au xviiie siècle, éd. M. Guéret-Laferté et C. Poulouin, Paris, Champion, 2012, p. 105-142, ici p. 107. Sur Fauchet, on renverra aux travaux toujours essentiels de J. G. Espiner-Scott, Claude Fauchet, sa vie, son œuvre, Paris, Droz, 1938 dune part, et Documents concernant la vie et les œuvres de Claude Fauchet, Paris, Droz, 1938 dautre part. Voir aussi la notice très complète que lui consacre N. Lombart dans Écrivains juristes et juristes écrivains, dir. B. Méniel, Paris, Garnier, 2015, p. 455-464.

3 Sur les appréciations esthétiques de Fauchet et leurs formulations, voir Lombart, « Une défense et illustration », p. 124. Cet aspect, même sil nest pas ignoré par la critique antérieure, est volontiers minoré (p. 107, n. 7), alors que ces notations, aussi brèves et stéréotypées soient-elles, réapparaissent à de nombreuses reprises dans le livre ii du Recueil, élogieuses le plus souvent, exceptionnellement plus mitigées ou critiques, ainsi sur Huon de Méry, à propos duquel Fauchet lâche : « Je nay pas remarqué de grans traits de poesie en tout son œuvre » (p. 108).

4 À propos du Recueil, outre les pages de J. G. Espiner-Scott dans Claude Fauchet, p. 115-217 et larticle récent de N. Lombart, il faut mentionner encore G. Clérico, « Claude Fauchet et la littérature médiévale des origines », La littérature et ses avatars, éd. Y. Bellenger, Paris, Aux amateurs de livres, 1991, p. 73-88 et E. Mortgat-Longuet, Clio au Parnasse. Naissance de l« histoire littéraire » française aux xvie et xviie siècles, Paris, Champion, 2006, notamment p. 58-62 et 96-98.

5 Espiner-Scott, Claude Fauchet, p. 125.

6 Parmi mainte autre référence, je me permets de renvoyer à S. Menegaldo, « De la traduction à linvention. La naissance du genre romanesque au xiie siècle », Translations médiévales. Cinq siècles de traductions en français au Moyen Âge (xie-xve). Étude et Répertoire, Volume 1, De la « translatio studii » à létude de la « translatio », éd. C. Galderisi, Turnhout, Brepols, 2011, p. 295-323.

7 Sur la question de la rime, voir Espiner-Scott, Claude Fauchet, p. 128-140 et Lombart, « Une défense et illustration », p. 112-115.

8 Sur la différence – dont Fauchet rend plus ou moins compte dans son exposé en distinguant le « Metre » et le « Rhythme » – entre poésie rythmique dune part, fondée sur des oppositions accentuelles, mais aussi sur le nombre de syllabes et la rime, et dont dérive la prosodie française, et poésie métrique (classique) dautre part, fondée sur des oppositions de quantité entre syllabes brèves ou longues, mais qui pouvait aussi user, au Moyen Âge, de la rime – comme le rappelle dailleurs Fauchet en opposant p. 64-66 « les plus doctes Poetes [qui] ont tousjours fuy la ryme Latine » (dont il cite quelques noms : Hildebert de Lavardin, Guillaume le Breton ou encore Gautier de Châtillon), à « Theodolet » (autrement dit lEcloga Theoduli anonyme) ou à « Bernard moyne de Cluny, autheur dun livre intitulé De contemptu Mundi » (soit Bernard de Cluny, dit aussi de Morlas, auteur vers 1150 dune sorte de tour de force poétique, un long poème satirique en hexamètres rimés à la fois en interne et en finale, précisément intitulé De contemptu mundi) comme exemples dauteurs ayant associé la rime à la métrique classique –, sur cette différence, donc, voir P. Bourgain, Le latin médiéval, Turnhout, Brepols, 2005, p. 420-429.

9 Eginhard, Vie de Charlemagne, éd. et trad. L. Halphen, Les Belles Lettres, 1938, p. 82 : « Il fit aussi transcrire [plutôt que « il transcrivit », comme lécrit L. Halphen], pour que le souvenir ne sen perdît pas, les très antiques poèmes barbares où étaient chantées lhistoire et les guerres des vieux rois. »

10 Voir, à la même page de la Vie de Charlemagne, juste après le passage cité ci-dessus, le développement consacré aux noms donnés aux mois par Charlemagne.

11 Voir le long développement des p. 75-76 du Recueil, qui avec une remarquable intuition situe « lâge dor » (pour reprendre une formule dE. Faral, Les jongleurs en France au Moyen Âge, Paris, 1910) des jongleurs au xiie-xiiie siècles, depuis la première croisade (« Mais les faits heroiques de Guillaume Bastard de Normandie, & de Robert Guischard : puis des pelerins de Jerusalem conduits par Hugues le grand, Godefroy de Boulongne, & tant dautres seigneurs & nobles François, firent croire (à tout le moins trouver vray-semblable) les contes ja faits dArtus, Charles le grand, & seigneurs de sa Cour. Ce fut donc lors, à mon advis, que les Trouverres & Chanterres eurent plus grand moyen den conter ») jusquaux dernières décennies du xiiie siècle : « Les victoires & prosperitez de Philippe Auguste son fils, en tirerent semblablement plusieurs en sa Cour, ainsi quil se voit par les Romans la plus part composez de son temps, ou de saint Louis son petit fils : continuans quelque temps, jusques à ce que les bons Trouverres venans à faillir, & les Jongleurs ne sçachans plus que conter de beau, lon se mocqua deux, comme ne disans rien qui valut. Et leurs contes estans mesprisez à cause des menteries trop evidentes, & lourdes : quand on vouloit parler de quelque chose folle & vaine, lon disoit Ce nest que Jonglerie : estant en fin Jongler ou Jangler, pris pour bourder & mentir. »

12 À propos de ce lien, voir aussi le passage du livre ii, notice 5 (p. 86) évoquant la question de lalternance des rimes masculines et féminines en rapport avec le chant et la musique, qui dépasse dailleurs le seul cas du Moyen Âge, puisquon y parle aussi, à côté du Roman dAlexandre, de Ronsard : « Une chose doit estre notee aux œuvres de ces bons peres, cest quils faisoyent la lisiere ou fin de leurs vers toute une, tant quils pouvoyent fournir de syllabes consonantes : à fin comme je croy, que celuy qui touchoit la harpe, violon, ou autre instrument, en les chantant ne fust contraint muer trop souvent le ton de sa chanson, estans les vers masculins & feminins meslez ensemble inegalement : ainsi que vous avez veu par le commencement du Roman dAlexandre cy dessus transcript. A quoy je pense que Pierre de Ronsard prince de nostre poesie Françoise, & les autres venus depuis luy, ont eu esgard : faisans suivre aux autres poemes que les odes, deux vers de ryme masculine à deux de ryme feminine, & au contraire. Car cest le vray moyen de faire chanter sous un seul chant, toutes leurs poësies. Chose bien inventee, & dont les precedents ne sestoyent advisez. »

13 Voir la page 208 du Recueil, où Fauchet dit seulement quil sest arrêté à cette date dans lintention de réserver à la fin du Moyen Âge « un autre volume », qui nest jamais venu.

14 Sur ce point précis, voir Espiner-Scott, Claude Fauchet, p. 218-229 et A. Schoysman, « Le regard de Claude Fauchet sur le Moyen Âge finissant », Actes du iiie colloque international sur la littérature en moyen français, éd. S. Cigada, A. Slerca, G. Bellati et M. Barsi, Lanalisi linguistica e letteraria, 12, 2004, p. 197-206.

15 Le roman de Brut de Wace, éd. I. Arnold, Paris, SATF, 1938-1940, précisément t. 2, v. 14865.

16 Huon de Méry, Le Tournoi de lAntéchrist, trad. S. Orgeur daprès léd. de G. Wimmer, Orléans, Paradigme, 1994, p. 7-9.

17 Cest bien « mccxxvii » qui est imprimé, alors quon attendrait mccxxviii, conformément à la datation figurant dans la notice 13 sur Huon de Méry.

18 Fauchet confond en fait deux comtes de Champagne, le père dune part, Henri Ier le Libéral, mort en 1181 et qui serait en effet, daprès son dernier éditeur (voir Jehan le Nevelon, La Venjance Alixandre, éd. E. B. Ham, Princeton-Paris, 1931, p. li-lv), le dédicataire du texte, composé en 1180 ou 1181 ; et dautre part le fils, Henri II de Champagne, qui devint roi de Jérusalem en 1192, doù le terminus ad quem (avec un écart dun an) de 1193 proposé dans le Recueil, p. 85 : « Encor sera du Conte Henry moult bien loiez, me fait deviner quil veut parler de Henry Comte de Champagne surnommé le Large, depuis Roy de Jerusalem. Que si ma conjecture est vraye, Nevelois auroit vescu du temps de Louis le jeune, Roy de France, & avant lan m. cxciii : qui fut celuy du couronnement dudit Henry : auquel Nevelois auroit presenté son œuvre. Car joseroy presque asseurer, quil fut subject de ce Comte : y ayant encores à Troyes, une honneste famille portant le nom de Neuelet. »

19 La Bible a peut-être été achevée par Guiot en 1206, en tout cas entre 1204 et 1209 ; voir Les œuvres de Guiot de Provins, poète lyrique et satirique, éd. J. Orr, Manchester-Paris, 1915, p. xx.

20 Les Vers de Thibaut de Marly sont aujourdhui situés entre 1182 et 1185 ; voir Les vers de Thibaud de Marly, poème didactique du xiie siècle, éd. H. King Stone, Paris, Droz, 1932, p. 45-46.

21 Aujourdhui lœuvre – principalement constituée des trois textes que Fauchet mentionne, le Songe dEnfer, le Roman des ailes et Méraugis de Portlesguez, auxquelles il faut probablement ajouter la Vengeance Raguidel (voir léd. de G. Roussineau, Genève, Droz, 2004, en particulier p. 7-37) – de Raoul de Houdenc est plutôt située dans les premières décennies du xiiie siècle, donc après celle de Chrétien de Troyes, mais cette datation reste largement hypothétique.

22 Sur la datation précise du Dolopathos dHerbert, voir J.-L. Leclanche, « La dédicace dHerbert, auteur du Dolopathos en vers français, à Louis viii », Romania, 111, 1990, p. 563-569.

23 Les vers de Doon de Nanteuil qui nous ont été conservés grâce à Fauchet ont été publiés par P. Meyer, « La chanson de Doon de Nanteuil, fragments inédits », Romania, 13, 1884, p. 1-26.

24 Sur ce cycle, voir F. Suard, Guide de la chanson de geste et de sa postérité littéraire, Paris, Champion, 2011, p. 126 et 228-233.

25 Sur Ciperis de Vignevaux, voir Suard, Guide de la chanson de geste, p. 306.

26 Sur ces personnages, notamment Henri de Mesmes et Antoine Matharel, voir Espiner-Scott, Claude Fauchet, p. 29-30 et 66, ainsi que les notices afférentes du Dictionnaire des lettres françaises. Le xvie siècle, éd. M. Simonin, Paris, Fayard, 2001 ou celles plus récentes dÉcrivains juristes et juristes écrivains, dir. Méniel.

27 Voir M. Dillay, « Quelques données bio-bibliographiques sur Claude Fauchet (1530-1602) », Neuphilologische Mitteilungen, 33, 1932, p. 35-82 ; S. W. Bisson, « Claude Fauchets Manuscripts », The Modern Language Review, 30, 3, 1935, p. 311-323 ; Espiner-Scott, Documents, p. 206-213. Dans son article de 1935, S. W. Bisson avance le nombre de 59 manuscrits français possédés ou empruntés par Fauchet, ensemble auquel le relevé de J. G. Espiner-Scott (qui mélange manuscrits français et latins) ajoute au moins une quinzaine dentrées, sans compter les manuscrits perdus ou à identifier.

28 Sauf erreur de ma part, Fauchet ne dit rien ou presque rien en revanche dautres aspects propres aux manuscrits, par exemple déventuelles difficultés de lecture ; de lexistence de leçons divergentes dun manuscrit à lautre dune même œuvre (voir cependant Espiner-Scott, Claude Fauchet, p. 177n, 207n et 209n : mais il sagit seulement dannotations faites par Fauchet directement sur tel ou tel manuscrit et signalant des variantes textuelles empruntées à un autre manuscrit) ; ou encore de leur illustration, sauf à propos de lenluminure figurant à la fin de Renart le nouvel de Jacquemart Gielée dans le ms. BnF, fr. 1593, p. 198 du Recueil.

29 Voir le commentaire de ce passage dans Lombart, « Une défense et illustration », p. 139-140.

30 Cf. aussi p. 91 : « Ce livre seroit trop gros qui voudroit mettre tous les poemes que jay leuz : & lextrait que jay faict daucuns, servira pour faire garder les vieils livres, & ne les vendre plus aux relieurs : car il se trouve quelque fois de bonnes pieces parmi tels cahiers moisis. »

31 Le recueil manuscrit et les diverses questions quil soulève (pourquoi rassembler telles ou telles œuvres, dans tel ordre, etc.) suscite depuis quelques années un intérêt marqué chez les spécialistes de littérature médiévale, dont on pourra par exemple se faire une idée grâce aux deux volumes suivants, qui font paire : Le recueil au Moyen Âge. Le Moyen Âge central, éd. O. Collet et Y. Foehr-Janssens, Turnhout, Brepols, 2010 ; Le recueil au Moyen Âge. La fin du Moyen Âge, éd. T. Van Hemelryck et S. Marzano, Turnhout, Brepols, 2010.

32 Pour le contenu de ces deux manuscrits, voir les notices correspondantes sur le site Arlima.

33 Pour une analyse détaillée du contenu de la section lyrique (f. 139-170) de ce manuscrit, qui contient 66 jeux-partis, voir M. Tyssens, « Intavulare ». Tables de chansonniers romans. ii. Chansonniers français. 1. a (B.A.V., Reg. lat. 1490), b (B.A.V., Reg. lat. 1522), A (Arras, Bibliothèque municipale 657), Città del Vaticano, Biblioteca Apostolica Vaticana, 1998, p. 157-171.

34 Lombart, « Une défense et illustration », p. 118-121, citation p. 118.

35 Sur les Veilles, voir Espiner-Scott, Claude Fauchet, p. 270-281 et Espiner-Scott, Documents, p. 135-175, qui en donne une édition partielle (des chapitres non repris ailleurs).

36 Références signalées dans Espiner-Scott, Claude Fauchet, p. 206-207.

37 Signalons quAntoine Loisel donnera en 1594 une édition des Vers de la mort dHélinand de Froidmont, précisément à partir dun manuscrit (le BnF, fr. 1593) que lui a procuré Fauchet, auquel est adressé une épître liminaire pleine de reconnaissance où Loisel le qualifie rien moins que de « pere et restaurateur de tant danciens Poetes François » : voir Vers de la mort. Par dans Helynand, religieux en labbaye de Froid-mont, Diocese de Beauvais, en lan m.cc., s.l.n.d., f. 2r. Sur Antoine Loisel, voir Espiner-Scott, Claude Fauchet, p. 68 ainsi que la notice très complète que lui a consacré C. Magnien-Simonin dans Écrivains juristes et juristes écrivains, dir. Méniel, p. 784-792.

38 Voir Espiner-Scott, Claude Fauchet, p. 141-244, p. 142 pour une vue densemble sur la classification adoptée. La liste de lectures étant très fournie, quelques petites erreurs de classement ont pu sy glisser, ainsi quand le Cléomadès dAdenet le Roi et le Méliacin de Girart dAmiens sont rangés parmi les romans « antiques » (p. 164), ou bien Méraugis de Portlesguez de Raoul de Houdenc dans les « romans daventures », alors quil sagit dun roman arthurien, ou « breton ».

39 Recueil, p. 73, qui cite les v. 481-487 du Tournoi de lAntéchrist.

40 Le serventois médiéval, correspondant plus ou moins au sirventes de langue doc, est de fait un genre lyrique difficile à définir, ou susceptible de plusieurs définitions : dabord chanson satirique chez les trouvères (comme chez les troubadours), le serventois devient chanson damour ou chanson religieuse dans le cadre des puys (concours) poétiques du Nord de la France, à partir du xive siècle ; ce à quoi renvoie évidemment la définition de Pierre Fabri, que lon trouve dans son Grand et vrai art de pleine rhétorique, éd. A. Héron, Rouen, 1889-1890, t. 2, p. 109.

41 Voir notamment le développement suivant, dans le chapitre v du livre i, où après avoir constaté la famosité de luniversité de Paris au xiiie siècle, Fauchet ajoute : « Aussi toutes sortes de gens y accouroyent : Italiens, Espagnols, Anglois, Alemans : comme tesmoignent les escoles & colleges, que ces nations bastirent en la ville de Paris. Dante Poete Florentin, & Bocace du mesme pais, y ont estudié : qui est la cause pourquoy vous rencontrez dans les livres de cestuy-ci, une infinité de parolles & manieres de parler toutes Françoises. Et qui voudra fueilleter nos vieils Poetes, il trouvera dedans, les mots dont les Italiens se parent le plus : voire les noms & differences de leurs Rymes, Sonnets, Ballades, Lais, & autres. Quant au Sonnet, Guillaume de Lorris monstre que les François en ont usé : puis quil dit au Roman de la Rose, Lais dAmours & Sonnets courtois. [v. 701 de léd. de F. Lecoy, Roman de la Rose, Paris, Champion, 1965-1970] Et je monstreray bien dans nos fableaux, & livres plus anciens que Bocace, [ici il manque manifestement quelques mots] cinq ou six de ses meilleures & plus plaisantes nouvelles » (Recueil, p. 47). Quant à linfluence de la littérature française sur Boccace, il en est encore question p. 106 (Dolopathos) et 162 (fabliaux).

42 Jean Bodel, La Chanson des Saisnes, éd. A. Brasseur, Genève, Droz, 1989, t. 1, v. 6-7.

43 Voir la notice 5 du livre ii, encore à propos des « Romans qui parlent de Geste » : « Une chose doit estre notee aux œuvres de ces bons peres, cest quils faisoyent la lisiere ou fin de leurs vers toute une, tant quils pouvoyent fournir de syllabes consonantes : à fin comme je croy, que celuy qui touchoit la harpe, violon, ou autre instrument, en les chantant ne fust contraint muer trop souvent le ton de sa chanson, estans les vers masculins & feminins meslez ensemble inegalement : ainsi que vous avez veu par le commencement du Roman dAlexandre cy dessus transcript. » (p. 85-86)

44 Dans un passage qui précède tout juste celui qui est cité dans la note précédente : « Le genre des vers de ces autheurs, est de douze & treize syllabes : & lon pense que les autres qui leur resemblent ont pris leur nom, ou pource que les faits du Roy Alexandre furent composez en ces vers, ou pource que Alexandre de Paris a usé de telle ryme. Je penseroy bien que les plus anciens vers fussent de huit & neuf syllabes comme vous avez veu ceux du livre de la Grace composé en Thiois, & de celuy de Brut. » (p. 85) Quant à lantériorité de loctosyllabe par rapport à lalexandrin, elle ne fait aucun doute et Fauchet a parfaitement raison. On notera cependant quil ne cite aucune chanson de geste en décasyllabes (du moins dans le Recueil, car il en connaît par ailleurs : voir Espiner-Scott, Claude Fauchet, p. 143-163), ce qui lui évite davoir à aborder la question, beaucoup plus complexe, de lancienneté relative de loctosyllabe et du décasyllabe.

45 Lantériorité, au moins partielle, de la prose par rapport au vers sexplique apparemment à partir dune citation du prologue du Conte du Graal de Chrétien de Troyes, où lauteur dit avoir mis sa peine « a rimoyer le meillor conte » à partir dun « livre » (autrement dit, une œuvre en prose, ainsi que semble le comprendre Fauchet) que lui a donné Philippe dAlsace : « Ce qui monstre que partie des Romans ont esté en prose premier quen ryme : mais je croy bien que ceux que nous avons aujourdhuy imprimez ; tels que Lancelot du Lac, Tristan, & autres ; sont refondus sus les vieilles proses & rymes, & puis refraichis de langage. » (p. 99)

46 Voir Ch. Ridoux, Évolution des études médiévales en France de 1860 à 1914, Paris, Champion, 2001, p. 767-770.

47 Cest Fauchet qui dans la notice 119 parle de « fabel » à propos du court poème de Richard de lIsle Adam, De Honte et de Puterie (uniquement conservé dans le ms. BnF, fr. 837, f. 252), le terme apparaissant, mais pas pour le désigner, au v. 2 du texte ; de fait le poème, mettant en scène deux personnifications, quoique sur le registre comique, nest pas considéré aujourdhui comme un fabliau.

48 Voir Espiner-Scott, Claude Fauchet, p. 195-199, qui énumère tous les fabliaux connus de Fauchet, y compris en dehors du Recueil.

49 Un tel intérêt trouve peut-être aussi à sexpliquer, dans une certaine mesure, par le témoignage que ces textes pouvaient apporter de linfluence exercée par la littérature française sur la littérature italienne, en loccurrence sur Boccace : voir en particulier, sur ce dernier point, la p. 162 du Recueil.

50 Voir notamment le chapitre consacré à Ronsard dans les Veilles, édité dans Espiner-Scott, Documents, p. 168-171.

51 Voir la notice 15, p. 119 du Recueil, à propos de Thibaut de Champagne : « Les Italiens ont jadis estimé ces chansons, & dautres François de ce temps-la, si bonnes, quils en ont pris des exemples, ainsi que monstre Dante. Lequel en son livre de Vulgari eloquentia, allegue ce Roy comme un excellent maistre en poesie ». Voir aussi le passage du livre i déjà cité, p. 47.

52 Espiner-Scott, Claude Fauchet, p. 190 : « Les remarques admiratives sont plus nombreuses et plus variées dans cette partie du Recueil. La sixième chanson de Thibaud de Champagne est très belle, pleine de similitudes et translations. Les poèmes de Blondiaux sont pleins de beaux traits. Jehan Moniot de Paris eut lesprit gentil et inventif. La cinquième chanson dEustace li Peintres est digne dêtre renouvelée et je passe les adjectifs banals tels que passable, beau, bon, excellent. »

53 Voir les notices 6 (Guiot de Provins), 8 (Thibaut de Marly), 59 (Hugues de Berzé), 87 (le Clerc de Vaudoy), 90 (Renaut dAndon), 93 (Huon le Roi) et 124 (Jacquemart Gielée).

54 Ainsi dans la notice 118, Fauchet parle du « Lai du vair pallefroy » (p. 195), autrement dit le Vair palefroi dHuon le Roi, sans envisager que le « Lai » puisse constituer au Moyen Âge un genre spécifique.

55 Comme le note Espiner-Scott, Claude Fauchet, p. 238 : « La satisfaction avec laquelle Fauchet a rempli son livre de chansons damour et de fabliaux nous renseigne assez non seulement sur son goût personnel, mais aussi et surtout sur celui de son siècle. »

56 En fait, comme Fauchet se le demande dailleurs (p. 93), le Blondel de la notice 7 est bien le même trouvère que le Blondel de Nesle de la notice 18 et nest donc pas dépourvu dœuvre ; ignorant de ce fait, Fauchet consacre néanmoins une notice à un auteur sans avoir aucun texte à lui attribuer…

57 Voir le cas particulier de la notice 5 du Recueil, p. 88, où Fauchet avoue exceptionnellement une lecture lacunaire : « Le Roman du Paon, est une continuation des faits dAlexandre : lequel se trouve en la bibliotheque du Roy, avec plusieurs autres, dont je nay peu nommer les autheurs, pour ne les avoir entierement leus ». Il sagit en loccurrence des Vœux du paon, continuation du Roman dAlexandre datée du début du xive siècle et attribuée (à la fin du texte) dans un seul manuscrit (le BnF, fr. 12565) à Jacques de Longuyon – la Bibliothèque nationale de France en conservant par ailleurs plusieurs exemplaires. Pour plus dinformations à ce sujet, voir H. Bellon-Méguelle, Du Temple de Mars à la Chambre de Vénus. Le beau jeu courtois dans les « Vœux du paon », Paris, Champion, 2008.

58 Voir N. Lombart, « Une défense et illustration », p. 124-125.

59 On trouvera la reconstitution du contenu de ce manuscrit dans Espiner-Scott, Documents, p. 264-271.

60 Voir Rutebeuf, Poèmes de linfortune et autres poèmes, éd. et trad. J. Dufournet, Paris, Gallimard, 1986, en particulier le Mariage de Rutebeuf et la Complainte de Rutebeuf.

61 Voir par exemple les deux thèses récemment publiées de M. Loison, Les jeux littéraires de Raoul de Houdenc. Écritures, allégories, réécritures, Paris, Champion, 2014 et de C. Giovénal, Le chevalier et le pèlerin. Idéal, rire et réalité chez Raoul de Houdenc, xiiie siècle, Aix-en-Provence, Presses universitaires de Provence, 2015.

62 Fait exceptionnel, la notice 10 comporte à elle seule cinq appréciations élogieuses : « quelques vers assez bons », « bon » (p. 98), « il y a dassez bons traits » (p. 99), « de bonne invention » (p. 102), « beaucoup de belles & gentilles inventions » (p. 103). Quant à la notice 11, consacrée à Godefroi de Leigni, elle prolonge léloge en y ajoutant encore deux : « de fort belles inventions » (p. 104), « plein de belles inventions » (p. 105).

63 Voir Espiner-Scott, Claude Fauchet, p. 143-145.

64 Dans cette notice, Adenet le Roi, à travers son (long) roman Cléomadès, est lobjet dune appréciation mitigée, qui peut faire soupçonner que Fauchet ne la pas lu jusquau bout, ou du moins un peu en diagonale : « On peult dire de luy, quil fut facile rymeur, autant quautre de son temps : mais il est fascheux en repetitions. » (p. 194)

65 Espiner-Scott, Claude Fauchet, p. 239.

66 Ces rapprochements sont faits dans Espiner-Scott, Claude Fauchet, p. 242-244.