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Classiques Garnier

À propos des motifs rhétoriques dans quelques chansons tardives

  • Type de publication : Article de revue
  • Revue : Cahiers de recherches médiévales et humanistes / Journal of Medieval and Humanistic Studies
    2018 – 1, n° 35
    . varia
  • Auteur : Martin (Jean-Pierre)
  • Résumé : Si les chansons de geste tardives connaissent les motifs rhétoriques traditionnels, elles en donnent un traitement très varié, qu’il s’agisse des contextes d’emploi, des dimensions comme de l’expression, généralement peu formulaire. De nouvelles variantes se développent ; certaines formules stéréotypées se répandent, souvent de façon isolée, sans s’intégrer à une série structurée. Chaque chanson exploite d’ailleurs les motifs d’une manière et dans des conditions qui lui sont propres.
  • Pages : 75 à 100
  • Revue : Cahiers de recherches médiévales et humanistes - Journal of Medieval and Humanistic Studies
  • Thème CLIL : 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
  • EAN : 9782406083221
  • ISBN : 978-2-406-08322-1
  • ISSN : 2273-0893
  • DOI : 10.15122/isbn.978-2-406-08322-1.p.0075
  • Éditeur : Classiques Garnier
  • Mise en ligne : 29/08/2018
  • Périodicité : Semestrielle
  • Langue : Français
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À propos des motifs rhétoriques
dans quelques chansons tardives

Il y a dans le style formulaire une certaine stylisation hiératique qui saccorde bien à laustérité de chansons comme Roland, Le Couronnement de Louis, La Chanson de Guillaume ou Raoul de Cambrai – notamment dans la première partie de ces deux dernières – et qui trouve un équivalent plastique dans lart contemporain : la sculpture romane, les vitraux de Saint-Denis ou de Chartres. Ces premières chansons se signalent par la simplicité, la linéarité et la symétrie de leur contenu narratif, tant laction en est unie et claire, monodique en quelque sorte. Jugées à laune de ces chefs-dœuvre, les chansons tardives ont longtemps suscité le mépris de la critique pour le foisonnement et la fantaisie des aventures quelles relatent, de sorte que la conservation dune forme fondée sur la succession de laisses monorimes pouvait alors paraître comme une sorte de vestige résultant dun automatisme formel, ou la manifestation dun illégitime désir de dignité.

La publication dont certains de ces textes ont fait lobjet pour la première fois au cours des cinquante dernières années a largement contribué à leur actuelle réhabilitation1 ; il apparaît plutôt que, en recourant à des procédés formels hérités des chansons les plus anciennes, loin de témoigner de la décadence du genre, ils en illustrent au contraire le renouvellement. Mais la multiplicité et souvent lextravagance de leurs intrigues nont pas pu demeurer sans effets sur les conditions demploi dune rhétorique caractérisée par une rigidité dailleurs plus apparente que réelle2. Je voudrais ici mattacher à quelques réalisations des procédés formulaires, 76plus spécialement certains motifs rhétoriques, dans plusieurs chansons tardives pour évaluer la mesure dans laquelle les schémas anciens y ont été conservés, mais aussi comment ils ont été adaptés à des « matières » renouvelées. Jenvisagerai successivement les récits de combat, le devenir de quelques autres motifs bien attestés dans les chansons anciennes, et certaines interventions codifiées du narrateur3.

Comme il est naturel dans un genre originellement guerrier, ce sont les motifs servant à raconter les combats qui apparaissent avec le plus dévidence, et lon peut étendre à lensemble des chansons tardives ce que dit Claude Roussel à propos de la Belle Hélène de Constantinople : « bien quils subissent quelques aménagements dus à la diversification de la scénographie guerrière, les motifs directement liés au combat sont [les] mieux représentés4 ». Il donne ensuite lexemple du combat entre Antoine et le païen Abel (v. 442-452), qui reproduit effectivement les sept éléments – ou clichés5 – définis par Jean Rychner pour le motif de l« attaque à la lance » (1. Éperonner son cheval, 2. Brandir la lance, 3. Frapper, 4. Briser lécu de ladversaire, 5. Rompre son haubert ou sa brogne, 6. Lui passer la lance au travers du corps, ou alors le manquer, lérafler seulement, 7. Labattre à bas de son cheval, le plus souvent mort), suivis du fréquent cri de victoire du vainqueur après le coup victorieux. Mais cest la seule occurrence complète dans cette chanson. Aucune des autres ne présente lensemble des clichés ; elles se limitent souvent à quatre ou cinq, quand elles ne se contentent pas dun résumé en deux vers :

Lors broche le destrier et sabesse le lance,

A ung laron le fist passer parmy la panche.

(Hugues Capet, v. 424-425)

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Le trouvère nactualise ici que trois des sept ou huit clichés. Cest ce que Dominique Boutet appelle la « forme squelettique6 » du motif, forme déjà bien attestée depuis la fin du xiie siècle : il suffit de faire ainsi allusion au motif pour que le lecteur reconstitue de lui-même les clichés absents7.

Une autre variante du motif, également attestée depuis longtemps, mais qui semble se développer dans les chansons tardives, consiste à envisager à la fois le mouvement des deux adversaires, ainsi lorsque, dans Lion de Bourges, Raymond de Vauvenisse, pour affronter le bâtard de Calabre, vient de se procurer une grosse lance :

Le riche duc Raymon le prist tantost a baisier,

Ver le bastard san va pour cez homme vangier.

Le bastart vient a lui, ne lou volt resoingnier :

Li ung va ferir lautre per moult grant desirier.

La lance au duc Raymon ne pot pais adressier :

Par desous lez essellez vai tout oultre mussier

Et li lance au bastard dont moiez plaidyer

Assenait si lou duc, que Jhesus puist aidier,

Cou senestre costez passait sans esparrgnier

Que daultre parrt lez arme en parut ung quartier.

Se fuit es costez destre, mort fuit san recovrier,

Tout li mire dou monde ni eussent mestier.

(Lion de Bourges, v. 11148-11159)

On reconnaît les clichés 2, 3, 6 et même, à lirréel, 7, « labattre mort ». Mais le fait denvisager à la fois les deux adversaires aboutit à une formulation qui séloigne des stéréotypes traditionnels. Le procédé sapplique tout particulièrement lorsque lun et lautre sont des personnages importants, et cest aussi pourquoi le motif se conclut souvent sans mort dhomme, comme dans lépisode de Tristan de Nanteuil où le héros éponyme sattaque à son père lorsquil le rencontre pour la première fois :

[] quant il la veü, il a grant voulenté

De behourder a lui ; sa lescu acollé

Et a baissé la lance a panoncel doré

Et Guy vient contre lui, qui bien la regardé.

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Ly ung en vient vers lautre par droite poesté,

Ly filz contre le pere par tres grande fierté.

La se sont embeduy tellement encontré

Par poy quilz ne se sont et occis et tué,

Mais Dieu ne le volt mye qui maint en Trinité.

Les lances sont brisees, ly tronçon sont volé [].

(Tristan de Nanteuil, v. 8904-8913)

Absente de La Belle Hélène, cette variante du combat à la lance se rencontre aussi dans Hugues Capet, et six fois au moins dans Tristan de Nanteuil comme dans Lion de Bourges, dont deux fois lors du tournoi où Lion affronte aussi son père. Elle permet une sorte deffet de suspens à lenvers, qui évite ou diffère la conclusion mortelle du combat ; elle témoigne du goût des chansons tardives pour la variété et les détails pittoresques, mais aussi du désir de renouveler des schémas stéréotypés qui pouvaient paraître usés alors même quon sentait encore le besoin dy recourir8.

Le combat à lépée suit la même matrice, en général sans le cliché initial « éperonner » : la violence du choc, nécessaire à lemploi de la lance, est sans utilité pour lépée, et cest souvent une fois démontés que les adversaires en font usage. Les clichés peuvent se définir ainsi : 1. Tenir ou lever lépée. 2. Frapper ladversaire, sur le heaume ou le bouclier. 3. Faire tomber les fleurs et pierres ou le cercle du heaume, ou trancher le bouclier. 4. Rompre la coiffe ou le haubert. 5. Fendre ladversaire jusquaux dents ou lui plonger lépée dans le corps. 6. Résultat. 7. Cri de victoire possible. Hugues Capet en donne un exemple assez conforme au schéma ancien, quoiquincomplet :

Beuve ly Tarsiiens ne se tint mie cois,

1. Entre cez mains tenoit ung bon branc vïanois,

2. Ung chevallier fery qui estoit dAvallois,

4. Ly haubers jaserans ny vally .i. tournois,

De lachier ly trencha les maillez et lez plois,

6. Mort labaty ly bers devant ly celle fois,

Dont fu grande ly noise et hautaine ly vois [].

(Hugues Capet, v. 3951-3957)

Autre exemple, plus resserré :

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1. Le duc haulce lespee[,] 2. sy le fiert roidement,

Au lez dessus lespaulle lassena tellement

4. Quarmeüre que il eust ne lui vallut neant.

5. Plus de paulme et demie dedens la char le prent,

Le sanc lui raye a terre sur lerbe qui resplent [].

(Tristan de Nanteuil, v. 4190-4194)

Lexpression des trois premiers clichés est encore assez formulaire, mais le dernier donne lieu en revanche à un développement plus spectaculaire. Des variations plus pittoresques se rencontrent, comme lorsque Lion affronte un géant :

Et Lion tint lespee que dun feivre achetait.

Tost et appertement ver le joiant san vait ;

Per dessus lez espaulle bien ferir le cudait,

Maix il estoit si hault, point ne li assenait.

Sur la hainche senestre vistement le fraippa.

Lez maille du haubert illuec li detrancha

Et plus de plainne palme en la chair entra.

Li joiant chiet a terre, maix tost se releva [].

(Lion de Bourges, v. 19336-19343)

Guillaume essayait en vain de frapper Corsolt sur le heaume9 ; Lion préfère attaquer directement son adversaire au milieu du corps et le texte développe ce détail sur trois vers, ce qui est une façon plaisante den rendre la taille sensible. On notera la formule de lavant-dernier vers, très voisine de celle de lexemple précédent, alors quelle représente elle-même une variation par rapport au schéma canonique : même les variantes sont susceptibles de produire des stéréotypes.

La même matrice donne lieu à un motif qui tend à se développer au xive siècle, le combat à la hache :

Tristan haulce la hache, va ferir Glorïant,

Oncle roy Agrappart, sire de Belïant

Ou Jhesus Crist fut nez pour nous fere garant.

Et Tristan le fery par itel convenant

Quarmeüre quil eust ne lui vallut ung gant.

La teste lui pourfent, jus le va tresbuchant.

(Tristan de Nanteuil, v. 14448-14453)

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On reconnaît les clichés 1, 2, 3, 5 et 6 du combat à lépée, avec une conclusion plus définitive. Alors que, dans les chansons anciennes, le recours à la hache était exceptionnel, on le rencontre à plusieurs reprises dans chacun des textes examinés ici, avec plus ou moins de variété. Dans le dernier épisode de Tristan de Nanteuil en particulier, saint Gilles en fait un usage redoutable contre les Sarrasins. Autre exemple :

Une hache demande ; on ly a aporté ;

Il le prist a deux mains, sa le ceval hurté,

Venus est a Butor, se ly a escrié :

« Par foy, roy dErmenie, che ne vous vault .i. dé.

Pas narés lapostoles ne larés comparé. »

Dont fiert le roy Butor de telle volenté,

Ou lés devers senestre la sy bien asené

Le manche du haubert et locqueton doré

Ly a par fine forche de lachier entamé,

Et de la char ly a un grant bachon osté.

Pau sen faut que le brac ne ly rua au pré.

(Belle Hélène, v. 3937-3947)

La variation résulte ici notamment dune inversion de lordre des clichés, lapostrophe du héros à son adversaire précédant le coup quil lui porte. Mais si les différents éléments se reconnaissent assez bien, il nen va pas de même concernant les formules proprement dites, la forme de lexpression manifestant une liberté accrue par rapport aux canons traditionnels.

La hache nest quune des armes qui servent à diversifier larsenal des chansons tardives. On rencontre encore des combats à la massue (Belle Hélène, v. 4056-4061 ; Hugues Capet, v. 2839-2842), au marteau (Hugues Capet, v. 4126-4130), et surtout au couteau (Belle Hélène, v. 1878-1886, 5897-5901, 15234-15238 ; Lion de Bourges, v. 16710-1671410). On assiste même, vers la fin de Lion de Bourges, à un duel judiciaire au bâton entre un messager et un clerc (v. 32819-32985), où la description des coups successifs sinspire du combat à lépée, arme dont sont évidemment indignes les deux adversaires.

En dehors des combats singuliers, les chansons de geste se sont aussi attachées, dès les plus anciennes, à décrire les affrontements guerriers en plan densemble. Jai autrefois montré que le motif rhétorique de 81la mêlée générale consistait plus en un stock de clichés susceptibles dêtre combinés librement quen une matrice ordonnée comme celle des combats à la lance ou à lépée11, certains clichés insistant sur les boucliers et les hauberts mis à mal et les armes qui les détruisent, dautres sur les morts et les blessés, le sang et les membres tranchés, le point commun étant le recours à des quantifieurs marquant le haut degré tels que maint ou tant et des tours suscitant une évocation visuelle ou auditive, la veïssiez, la oïssiez. Bien entendu ces procédés se retrouvent dans lépopée tardive :

La fu mains poing coppé et fu maint chief fendus

Et fu maint bon cheval a le terre estendus,

Mainte ensaingne versee et maint cheval mis jus,

Mainte lance brisie et faussé mains escus,

De cors et doliffans il fu moult grant ly hus.

(Hugues Capet, v. 4148-4152)

La oÿssiés paiens moult hault brere et crïer,

Et nos barons leur vont testes et bras couper,

Leurs buysines sonnerent pour Turs espouanter.

La veïssiés bataille qui moult fist a doubter,

Et sarrasine gent abatre et cravanter.

(Tristan de Nanteuil, v. 1245-1249)

Les occurrences de ce motif sont dautant plus fréquentes que les clichés en sont en quelque sorte détachables et peuvent intervenir isolément à nimporte quel moment du récit, qui dès lors consiste beaucoup moins en successions de combats singuliers quen représentations de masses qui saffrontent ou de héros pris dans la multitude ennemie. Il en résulte à loccasion des tableaux très vastes :

Grande fuit la baitaille qui moult fuit a dobter.

La oyssiez busine et cor dairain sonner,

Trompe, tabour, nocquaire et teille nose mener

Que de lue et demie lez pot on oyr cler.

Despee et de branc oyssiez merteller

Que se trestout li feivre qui sont desa la mer

Estoient tout ansamble et volcissent ouvrer,

Ne porent il (mie) plux grant noise mie mener

Que li cop que on faisoit dez espees donner

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Sur cez riche hialme qui lusoient si cler.

Le feir en veoit on per tout estinceller ;

Cez nobles chevalier lour limaux reteler ;

Ces destrier aufferant courrir et trestorner

Et contrevalz cez valz cez rengne trayner

Quil ne vont ramenant sergens ne baicheler,

Maistre ne chevalier qui lez puist gouverner.

La peussiez oyr moult hault braire et crier,

Et cez navré amont a lour grief fin pener,

Et lez plussour aussi raenson demander.

Et si sanfuyent aussi li plus pour la vie salver

Maint gentilz chevalier qui ne vorent retorner.

La veyssiez morturaire que fist a redoubter,

Mainte lanse brisier et maint escu faulser,

Mainte riche banniere a la terre verser.

Nulz hons ne vous poroit dire ne recorder

La trez grande hideur que cest a regarder.

(Lion de Bourges, v. 11096-11121)

Cet extrait est particulièrement caractéristique, dabord par limportance quil donne à la perception auditive et, trait notable dans nos textes, aux instruments de musique ; mais aussi par le traitement quil applique au cliché des chevaux sans cavalier, certes connu des chansons plus anciennes – ainsi dans Gerbert de Mez12 – mais ici développé de façon moins formulaire. Sy ajoutent des éléments nouveaux comme les propositions de reddition (raenson demander) et la comparaison du combat avec le bruit de ferraille émanant dun atelier de forgeron, variation sur la comparaison plus courante du combat avec le travail des charpentiers – cherpentement (Lion, v. 14177 et 15769), carpenterie (Belle Hélène, v. 3987), tant y ont charpenté (Tristan, v. 17350) – et quon trouve déjà au début du xiiie siècle, dans Guillaume de Dole13, comme métaphore clairement ironique à propos de la joute entre Guillaume et le chevalier de Ronquerolles :

Qui i fust, mout bien li samblast

Que ce fust gieus de charpentiers.

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On séloigne alors de la pure célébration des exploits héroïques avec cette image qui peut sembler peu glorieuse des combats, et à laquelle le contexte de la Guerre de Cent Ans nest peut-être pas étranger. La formule assez fréquente come leux a brebis14 pour décrire une attaque, étant donné la symbolique négative du loup, pourrait relever dune appréciation analogue. Les chansons plus anciennes usaient plutôt dune comparaison évoquant, avec la chasse au vol, une scène plus positive de la vie courtoise – « Ansi fuient le conte conme aloe esprevier15 » – dailleurs attestée aussi dans Lion de Bourges aux vers 25292 et 31890-31891.

En survolant ainsi ces quelques motifs de combat, on observe dune part que les chansons tardives restent attachées à la tradition de la rhétorique épique, mais quelles sefforcent den renouveler la lettre, soit en recourant aux formes brèves, soit en faisant apparaître de nouvelles variantes, soit encore en actualisant des clichés bien établis à travers des formulations nouvelles, moins stéréotypées dans le détail, ce qui nempêche nullement que ces expressions plus originales cohabitent avec des formules tout à fait repérables et abondamment répétées.

Avec des motifs moins marqués par la thématique guerrière, les choses sont plus contrastées. Jévoquerai quatre motifs appartenant à des registres variés, en commençant par le planctus, qui se signale par sa rareté ; je nen ai repéré que deux occurrences dans Lion de Bourges, lune après la mort de Thierry, le premier compagnon de voyage du héros, lorsquil se rend au tournoi de Monlusant dans lespoir dy gagner la main de la belle Florantine :

Dont revint a Thiery qui gist mort estandus,

Doulcement le regraitte li vaissalz esleus :

« A, dist il, damoisialz de tout bien pourveus,

Pour moy avés la mort, bien men sus perceus.

Certe, ceu poise moy quansement sus tenus ;

Du tresor ne man chault, de vous mannoie plux,

Car il avoir estoit et robés et tollut :

Se nan fuit ja nulz hons en haulte honnour venus ;

Mais il mannoie trop quansi esteit perdut ;

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La voustre arme puist estre en parraidis laissus ! »

(Lion de Bourges, v. 4526-4535)

On relève notamment le verbe regraitter au deuxième vers et la prière pour lâme du défunt à la fin ; la plupart des clichés identifiés par Paul Zumthor dans les deux études quil leur a consacrées16 sont toutefois absents, et la moitié de la réplique porte sur un sujet annexe, la perte du trésor dérobé par les deux compagnons au sénéchal à qui Lion avait refusé de prêter allégeance pour le tournoi et qui avait essayé de se débarrasser de lui en le jetant dans un cachot dont Thierry lavait libéré.

La seconde occurrence est située après la mort du roi de Sicile, et cest alors sa fille Florantine, désormais épouse de Lion, qui le profère :

Elle destorte cez pungs per vive poesteit,

La furent cez cheveux desront et desxirés. []

« Elais, dit la damme, que lou mien perre ait tuér,

Tout le millour princier de toute la crestienter !

Laisse, que devanrait ? Vecy grant crualteit !

Ne sai que porait faire, jai tout demennevér. [] »

Elle tint en cez main ung coutelz acerér,

Jai leust en son corpz per grant ayr boutér [].

(Lion de Bourges, v. 15909-15922)

On reconnaît le cliché des signes extérieurs de la douleur, ici redoublé, avec les poings tordus et les cheveux arrachés avant le discours direct, et le suicide esquissé ensuite ; léloge du mort, lui aussi redoublé par lévocation de la détresse dans laquelle Florantine se trouve plongée ; lexpression de la douleur intérieure, ici exprimée par crualteit plutôt que par duel. Mais ni regreter, ni mare fus, ni même prière pour lâme du défunt. Cette fois encore, le motif est réduit à quelques éléments, et ceux-ci dans une formulation renouvelée.

Hugues Capet prononce aussi un planctus lors de la bataille contre le comte de Champagne et le duc de Bourgogne, pour déplorer la mort dun grand nombre de ses chevaliers, dans une formulation tout aussi éloignée des stéréotypes traditionnels, le motif étant par ailleurs redoublé du fait de son emploi en enchaînement entre deux laisses :

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Adont le rois de France en jeta ung soupir :

« Aÿ ! bons chevallier, or vous ay fait perir !

Certez ce poise moy quensy vous voy finir.

Or say que gentilz homme mont enpris enhaÿr,

Se ne poray en pais du royaulme goïr. »

Moult fu dolans li rois, durement lui anoye,

Il regrete se gent qui sont sur lerbe coie :

« Aÿ ! ma bonne gent, tout ainsi le songoie !

Dolans suy de vo mort, saidier vos en pooie ! [] »

(Hugues Capet, v. 5447-5455)

Le planctus est en revanche absent de La Belle Hélène comme de Tristan de Nanteuil, malgré les nombreuses circonstances qui permettraient dy recourir. Ces trois occurrences sont les seules à figurer dans les 80000 vers que totalisent les chansons examinées, et, du fait de leur formulation largement autonome, elles constituent plutôt des éléments textuels isolés, résultant du contexte narratif, que les actualisations dun motif qui semble en quelque sorte avoir disparu du stock traditionnel.

Autre motif bien attesté dans lépopée, le credo épique, ou « prière du plus grand péril », connaît une distribution très irrégulière. Totalement absent de Hugues Capet, il est vrai la chanson la moins longue du corpus envisagé ici, il napparaît véritablement quune fois dans Tristan de Nanteuil contre huit dans Lion de Bourges et quatorze dans La Belle Hélène. Chaque chanson lexploite dune façon qui lui est propre.

Lunique occurrence de Tristan de Nanteuil se situe au moment où Blanchandine, toujours sous le nom masculin de Blanchandin, vient dépouser Clarinde, la fille du soudant, et, alors quelle va entrer dans le lit, craint par conséquent dêtre démasquée ; elle invoque alors la Vierge Marie, dont lintercession simpose dans la circonstance, puis Dieu lui-même, pour demander que la jeune épousée sendorme immédiatement – et elle est aussitôt exaucée. La prière proprement dite occupe les vers 15420-15431, dimension très réduite pour ce motif :

Glorïeuse roÿne, je vous requier et prie

Quil vous plaise prïer le digne fruit de vie

Qui se lessa pener en la grant Croix fichie ;

Au tiers jour suxitas par divigne maistrie.

Hé ! Dieu, sy con cest voir, et vous Vierge Marie,

Je vous prie et requier sans nulle villenye

Que je puisse gesir sans estre ravisee

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Delez ceste roÿne qui est sy eschauffee

Et sur la convoitise destre depucellee,

Et quelle me puist estre bonne, doulce et privee,

Car je suis maintenant maisement aprestee

De fere son vouloir. Mye nen suis garnye.

(Tristan de Nanteuil, v. 15420-15431)

Sans doute Blanchandine explique-t-elle que la situation crée pour elle un danger mortel. Il y a cependant quantité dautres circonstances tout aussi périlleuses où ni Dieu ni Marie nont été ainsi mis en demeure dintervenir durgence : ainsi, aux vers 20014 et 20071, Gilles, injustement condamné au bûcher, ne demande pas dans ses prières à échapper à son sort. Dans ces conditions, linsistance sur la chaleur du désir qua Clarinde destre depucellee suggère un emploi quelque peu parodique du motif17. Pourquoi choisir spécialement dy recourir dans cette seule circonstance, alors que la même chanson, lune des plus longues de toutes, met si souvent ses protagonistes dans des situations pratiquement désespérées ? Plusieurs autres indices confortent cette interprétation. Cest dabord le contenu du motif, réduit à sa plus simple expression : la mention dun unique article de foi, certes parmi les plus fondamentaux de la religion chrétienne, et la formule sy con cest voir, qui établit léquivalence chez lorant entre la vérité de sa foi et la sincérité de sa demande ; on a le sentiment que lauteur a choisi de ne conserver que le minimum nécessaire pour que ces vers soient bien identifiés comme credo épique. Cest ensuite la complaisante description de la situation où se trouve la dame, avec leuphémisme de la précision finale, qui prépare la description plus précise encore du changement de sexe dont elle va bientôt faire lobjet : Dieu lui envoie en effet

Toute nature de home tant que besoing en a

En manière dun home et tout lui ottroya.

(Tristan de Nanteuil, v. 16198-16199)

Cest-à-dire, explique le vers 16357, « le membre questoit gros et quarrés ». Cest enfin le fait que, lorsque Clarinde se trouve abandonnée au gré des flots avec lenfant issu de ce mariage, le futur saint Gilles, le 87credo épique est amorcé, mais délibérément évité avec labsence de la formule si com cest voir et de toute référence à lHistoire Sainte :

Sire Dieu, sy con je croy en vous parfaitement,

Si gardés mon enffant ; de moy ne mest neant,

Car jain mieulx a mourir qua vivre longuement.

(Tristan de Nanteuil, v. 18199-18201)

Et son lait de jaillir aussitôt en abondance.

Plus nombreux, les emplois de Lion de Bourges semblent plus conformes à la tradition. Par leur longueur : si lon en trouve deux dune brièveté certaine (v. 17781-17790, 21010-21017), trois frôlent la vingtaine de vers (v. 12364-12383, 17006-17024, 29924-29943), et trois autres en occupent entre 47 et 70 (v. 19440-19490, 28404-28473, 31529-31575). Mais plus encore par les circonstances dans lesquelles ils sont énoncés : cela se produit trois fois au cours dun combat contre un ennemi sarrasin, dont un géant et un diable (v. 17006, 19440 et 28405) et une autre dans la perspective dun affrontement armé, lorsque Lion se prépare, à lincitation du Blanc Chevalier, envoyé de Dieu, à récupérer Bourges contre les usurpateurs qui oppriment la ville (v. 21012). À deux reprises, Joieuse a recours à cette prière, soit parce quelle vient dêtre menacée de mort (v. 29924), soit alors quelle sattend à être brûlée vive et ne demande quà pouvoir aller en paradis (v. 31529) ; Lion en fait usage pour la première fois alors que, privé de lappui du Blanc Chevalier à cause de ses péchés, il se trouve vaincu, capturé par ses ennemis, pieds et poings liés et menacé dêtre pendu, et implore alors le pardon divin (v. 1236418). Plus atypique est son utilisation par Florie qui nest pas encore chrétienne lorsquelle demande à recevoir le baptême (v. 17781). On observera en passant que, à la différence des personnages féminins, cest toujours dans un contexte guerrier que lemploient les personnages masculins ; mais lorsque la duchesse Alis, sous une identité masculine, affronte un géant sarrasin à la demande de Dieu, la prière quelle prononce aux vers 1821-1822 est une prière de demande ordinaire, sans rien du credo épique, ce qui nempêche pas quun nuage miraculeux vienne aussitôt la dérober au regard de son adversaire. Sur le contenu enfin, on note dune part que les actes de foi recouvrent le plus souvent, soit la 88totalité de lhistoire sainte, soit au moins celle de la vie de Jésus, jusquà sa résurrection et au couronnement de Marie, et dautre part que lépisode apocryphe de Longin est mentionné dans six des huit occurrences. On constate ainsi que, si le contexte de son emploi nest pas uniment celui du « plus grand péril », cest-à-dire dun combat qui pourrait paraître désespéré (circonstance au cours de laquelle seuls les héros masculins semblent ici pouvoir légitimement interpeller le Ciel sur ce mode), le credo épique est toujours employé dans des circonstances mettant en jeu la foi de lorant, soit à cause de la nature des ennemis quil affronte, soit parce quil implique directement sa relation avec Dieu.

Avec La Belle Hélène enfin, on a non seulement une utilisation très importante du motif, presque une occurrence pour mille vers, mais aussi des conditions demploi largement renouvelées19. Les énonciateurs sont cette fois en majorité des femmes, et en deuxième lieu des « hommes de religion » : lermite Félix, Martin, le pape ; mais les deux principaux guerriers, lempereur de Constantinople et le roi dAngleterre, nen prononcent aucun ; quand lancien roi dÉcosse Amaury, héros de la conquête de Jérusalem, y a recours, cest alors que les païens qui lont capturé se préparent à le crucifier, et donc dans le moment où il devient un martyr de la foi. À part les vers 3916-3922, où le pape, ayant pris les armes contre les Sarrasins, sadresse à Dieu pour conjurer le risque dune défaite chrétienne, le seul emploi en contexte guerrier, et par un véritable homme de guerre, se trouve aux vers 9519-9528 dans la bouche de Clovis encore païen, dans un passage imité de la légende de sa conversion, puisquil y invoque le dieu de Clothilde pour obtenir de vaincre ses ennemis :

Or verray au jour duy, ains que soit lavespree,

Se ly dieux ma moullier feroit pour my riens nee.

(Belle Hélène, v. 9527-9528)

Dieu est bien bon de céder au chantage et de lui accorder aussitôt tout à la fois la victoire et les lys de France en remplacement des crapauds qui ornaient son écu. Ce nest pas le seul moment où lon peut se demander sil ny a pas une volonté de renverser les règles traditionnelles dans lemploi du motif, avec parfois une vraisemblable intention humoristique. 89Lorsque Martin, ayant distribué toutes les réserves de lévêque aux pauvres, évoque la vie de Jésus de lAnnonciation à la Pentecôte, pour demander à Dieu, sy vray que (v. 8002) le sont les épisodes mentionnés, dont bien entendu les Noces de Cana et la Multiplication des pains, de pourvoir au repas destiné aux deux souverains, on ne peut éviter de trouver là matière à sourire.

Toutefois les circonstances demploi du credo épique demeurent généralement plus graves. Jai déjà mentionné le martyre dAmaury. Hélène deux fois, Plaisance une fois, y recourent alors quelles sont menacées de viol (v. 1009-1068, 9734-9742, 10477-10554), et invoquent particulièrement alors la Vierge Marie, Plaisance sattardant même sur la virginité conservée de la mère du Christ après la conception (v. 9736-9738). Hélène invoque Dieu quand elle craint de périr noyée lors dune tempête en mer (v. 878-885) ; lorsquelle redoute dêtre découverte par ceux en qui elle voit deux persécuteurs, le père qui veut lui imposer un mariage incestueux et le mari quelle croit lavoir condamnée au bûcher, elle sen remet à Jésus en mentionnant en particulier la résurrection de Lazare (v. 14881-14887). On pourrait poursuivre. La chanson témoigne tout à la fois dune connaissance précise de lAncien Testament comme de lÉvangile, mais aussi de linterprétation qui peut en être donnée ; elle adapte avec à propos les épisodes bibliques évoqués à la situation dans laquelle la prière se trouve énoncée. Comme Lion de Bourges, elle reprend fréquemment lépisode de Longin et celui de lAssomption de Marie, mais lusage quelle fait du credo épique est moins conforme à la tradition et témoigne dune réelle recherche de renouvellement.

Un troisième exemple sera celui des repas. Dans les chansons anciennes, le motif se construit essentiellement à partir de six clichés, dont on trouve rarement plus de deux ou trois actualisés ensemble : commander quon prépare le repas, disposer les tables / les nappes, demander/donner leau, sasseoir à table, être servi (qui sert/tranche, nourritures), fin du repas (se lever / préparer les lits / rentrer chez soi). Son usage est le plus souvent décoratif : il peut être utilisé pour mettre en scène les occupants dun château où arrive le voyageur auquel sattache le récit, afin de leur donner à son entrée une épaisseur de vie, et en ce sens il contribue à une sorte deffet de réel ; inversement, offrir un repas à un voyageur est une façon de laccueillir. On trouve aussi ce motif comme marque temporelle : le soir on passe à table, puis on va se coucher ; il 90inscrit alors laction dans la durée. Ces fonctions ne sont pas absentes des chansons du xive siècle. Lorsque Lion, avec laide des légions célestes conduites par le Blanc Chevalier, a débarrassé le roi de Chypre de ses ennemis, tous rentrent au palais, et

Dont saisit lez lou roy de qui fuit moult amér,

Et Garno et li aultre se sont assis delés.

La fuit chescun moult bien servir et honnorés.

Noble furent les més con lour ait apportér ;

Assés y ot beut viez vin et clarés.

Quant il orent mengiér li boin roy cest levés [].

(Lion de Bourges, v. 17212-17217)

Au soir de sa victoire sur les païens qui assiégeaient Rome, lempereur Antoine est accueilli par le pape ; alors

Les tables furent mises, au mengier vont seant,

Et furent bien servy du tout a leur commant.

Aprés souper sen vont as hosteux repairant.

(Belle Hélène, v. 618-620)

On remarque dans ces exemples de simples allusions, peu formulaires, aux clichés traditionnels. À ce niveau, le caractère stéréotypé peut paraître incertain. La fête suivant les retrouvailles dAlis et Herpin est plus détaillée :

Ensement se maintiennent desi a laneutier

Con fist lyauwe crier ; assis sont au mengier.

La furent bien servir tout a lour desirier,

De pain, de venison, de maint noble daintier.

Li rois fist apporter lez vins de son cellier,

Lez plus fort et les muedre et ceulz quil ot plus chier

Pour lamour de Herpin quil vuelt bien festyer.

Aprés souper se print la court a eslongier ;

Chescun a son hosteilt se print a repairier.

Ons avoit fait ung lit moult bel apparrillier

Pour Herpin et pour sa dame ou not quesliessier.

(Lion de Bourges, v. 19014-19024)

Est ici utilisé particulier un procédé courant pour présenter le motif sous la forme ornée, le développement des clichés concernant les mets par la déclinaison déléments descriptifs20.

91

Appliqué aux différents éléments dun motif, ce procédé, qui permet par exemple de transformer le motif de larmement en véritable séquence lors dun épisode très orné dadoubement, en commentant chacune des pièces de léquipement21, peut aboutir à léclatement du repas entre les divers épisodes dune scène qui se déroule autour de la table :

Et furent au disner tous ensemble seant,

Car ce jour tenoit court pour lonneur Tervagant.

Droit au jour Tervagant quaorent Sarrasin,

Tenoit le soudant court dedens son tref senguin ;

La vint roy Murgaffier avecques Corsabrin,

Et Tristan et Doon qui sayment de ceur fin,

Et s[]y fut la roÿne en abit de meschin ;

Ly doy frere loyal lappeloient Blanchandin. []

Soudant sist par devant en ung siege dor fin,

Delés lui sist sa fille quil ama de ceur fin,

Dautre part Aiglentine vestue dun samin,

Son filz Tristan la sert sans penser mal engin,

Et le gentilz bastart, qui Dieu doint bonne fin !

Daultre part Murgaffier avecques Corsabrin,

La furent bien servy et de pain et de vin.

En icelle journee que soudant celebroit

La feste Tervagant en qui moult se fïoit [].

(Tristan de Nanteuil, v. 12918-12937)

Ainsy furent servy ly baron la endroit.

Chascun y ot assés de ce que desiroit,

Se ce ne fut Clarinde qua Blanchandin pençoit.

Quant ilz orent souppé, chascun deulx se levoit,

Puis vont esbanoier pour le jour qui estoit.

(Tristan de Nanteuil, v. 12973-12977)

Cest entre les vers 12937 et 12973 que Clarinde tombe amoureuse de Blanchandin, alias Blanchandine. On repère quelques-uns des clichés dispersés ainsi sur une soixantaine de vers et trois laisses successives. Le motif rhétorique du repas nest plus ici limité à une fonction en quelque sorte périphérique par rapport à laction ; il permet de raconter comment le coup de foudre de Clarinde peut se produire. Doù, par exemple, limportance attachée au détail du placement des convives, qui va permettre dinsister sur les longs regards quelle pose sur le prétendu Blanchandin, et de déclencher lensemble des événements 92conduisant au changement de sexe de la dame. Dans des conditions analogues, lors du repas qui suit ses premiers exploits, Hugues Capet, lorsquon lui sert un paon, formule le vœu deffectuer une sortie dans le camp des assiégeants malgré leur supériorité numérique, vœu dont la réalisation sera récompensée par lattribution du duché dOrléans : avec les compléments qui permettent cette fonction nouvelle, le motif se développe alors sur une vingtaine de vers (Hugues Capet, v. 1528-1646).

Le dernier exemple sera celui des portraits. Malgré les développements « romanesques » et la multiplication de protagonistes parmi lesquels on risque parfois de se perdre, on est frappé par leur rareté et leur sobriété. Voici Hélène à sa naissance :

Dieux, con lenfes fu biaux et de bouce et de vis !

Elle avoit les yeux vairs comme faucons polis,

Et sestoit aussy blanche comme la fleur de lis.

(Belle Hélène, v. 106-108)

Et à lâge où son père envisage de la prendre pour femme :

Quant Elaine ot .xiii. ans, moult fu ses corps masis,

Et parcreüs et grans, et de biaulté garnis.

Navoit sy belle femme jusquau port a Brandis :

Droite est, et alignie, savoit les yeux traitis.

Oncques Dieus ne fist dame, puis qua le mort fu mis,

Qui passast la biaulté dElaine dont je dis.

(Belle Hélène, v. 124-129)

Hugues Capet, après son couronnement à Reims :

Bien sambloit Huëz rois et plain de grant renon,

Il ot le regart fier que lupart et lÿon,

Sy cheviel ly estoient plus gaune que laiton,

Savoit lez yeulz plus vairs quesprevier ne faucon.

Bien samble gentilz hons a sa noble fachon.

(Hugues Capet, v. 4661-4665)

Tristan, lorsquil vient de violer Blanchandine – qui ne lui en tiendra pas rigueur :

Il avoit beau vïaire et plus blanc que coton,

Ly eul lui sont ou chef aussy vert que faucon.

(Tristan de Nanteuil, v. 4550-4551)

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Comme ceux des chansons les plus anciennes, ces portraits se bornent à décliner les trois ou quatre éléments relevés par Aldo Moroldo22 : cheveux (blonds), teint (clair), regard (vif), prestance (noble), à quoi sajoutent, pour les personnages féminins, vêtements et bijoux. Cest dans Lion de Bourges que, à deux reprises seulement sur plus de 34000 vers, on rencontre des portraits plus détaillés. Dabord celui dOlivier, alors quil vit encore chez ses parents nourriciers et y garde les vaches :

Moult estoit Ollivier en biaulteit figuréz :

Il estoit loing et droit et parcreus et molléz,

Sot la bouche petite et bien li sist li neif,

Les yeulx vars et riant comme ung faulcon mués ;

Plainne palme ot de front, moult fuit establissés.

Mais sachiez quil estoit moult nissement parrér :

Il navoit nulle braie, dont moult fuit ahontéz []

Dun solleilz grant et hault a nowet taconnés ;

Cestoit son chaiperron en maint lieu desxirés.

Une cotte ot de toille li damoisialz loér.

(Lion de Bourges, v. 24155-24164)

Mais cest évidemment le contraste entre lallure noble résultant de ses origines aristocratiques et sa défroque rustique due au milieu où il a été élevé – entre la nature et la norreture – qui motive ici labondance des traits relevés. Si traditionnels que puissent être les détails (ainsi par exemple la largeur du front, souvent mentionnée dans les portraits romanesques), ils nen sortent pas moins des schémas stéréotypés et sont effectivement destinés à produire un effet de rupture par rapport aux portraits épiques habituels, non sans doute sans quelque intention plaisante. Quant à celui de Joieuse :

Belle fuit la pucelle dont je fais mencion :

Li yeulle li sont ou chief aussi vair que faulcon,

Droit est et alignie et sot fourchus menton,

Lez dent petit et blant que lenne ne couton,

Bouche riant, vermeille, de petite faisson,

Graicieuse et bien faite de toute condicion ;

Saige, bien enparlee, et de doulce raison ;

Biaul piet et bien agensis et a petit tallon ;

Lez mains tanre et blanche et lez dois deliez enson ;

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Graicieuse de vis et droite que ung bougon.

Oncque Dieu ne fit damme de si gente faisson ;

Nulz hons ne la veoit neust curtasion,

De lamour de la damme grant deziracion.

(Lion de Bourges, v. 27842-27854)

Sa longueur pourrait bien tenir au fait que, dans lépisode de la fille à la main coupée, lauteur de Lion, même sil connaît La Belle Hélène, sinspire en priorité de La Manekine de Philippe de Rémi23. À part les pieds et les mains, tous les traits mentionnés figurent dans les vers 1567-1610 du roman ; lordre même dans lequel les traits sont déclinés, du haut vers le bas, correspond à la tradition du portrait romanesque. Mais la comparaison entre les deux passages se signale en outre par deux détails : dune part, le début du vers 27844 se comprendrait mieux si lon intercalait avant lui un vers évoquant le biau nes, a point plantés, ne trop cours ne trop lons de Joie24 ; dautre part, le début du vers 27855, Ses perre le regarde, indique que la description est énoncée dans une vision orientée par le désir, et précisément, dans le roman, le portrait est situé à lintérieur du monologue au terme duquel le roi dÉcosse décide dépouser lhéroïne. Linscription du portrait dans la vision dun personnage nest pas exceptionnelle ; cest par exemple Thierry, le premier compagnon de voyage de Lion, qui lui décrit Florantine aux vers 4336-4343, en évoquant successivement son teint, sa bouche, ses dents et ses yeux ; et le premier portrait de Hugues Capet, aux vers 969-973, est peint à travers le regard de la reine ; cest néanmoins le narrateur qui le plus souvent prend ce motif en charge.

Reste que, dans lensemble, les portraits sont rares, et que les indications descriptives concernant les personnages se réduisent le plus souvent à des formules, voire à des chevilles, lune des plus notables étant, pour les personnages féminins, avec des variations de détail, que blance fu que fee (Belle Hélène, v. 749) : 4 occurrences dans La Belle Hélène, 6 dans Tristan, 1 dans Hugues Capet, et 18 dans Lion.

Ces observations sont assez voisines de celles qua permises lexamen des récits de combat, quoique avec quelques traits particuliers. On constate 95en effet laptitude des chansons tardives à développer considérablement tel ou tel motif comme à éviter tel ou tel autre. Certaines, dautre part, ne cachent guère, par rapport aux stéréotypes dont elles usent ou quelles adaptent, une certaine distance humoristique, sinon presque ironique, même si les plus débridés dentre eux donnent une place essentielle à lhistoire des saints et se veulent en même temps récits hagiographiques autour de figures aussi importantes que saint Martin et saint Gilles. On sent ici des choix décrivain, plus encore que pour les motifs de combat.

Enfin les « interventions de jongleur » – pour autant que le terme soit pertinent – constituent une autre catégorie de motifs rhétoriques, les motifs extradiégétiques25. La multiplication des personnages, lextension de lespace où se déroulent les divers épisodes à travers lEurope et un Orient largement fantaisiste et la complexification des intrigues qui en résulte nécessitent le recours fréquent à la transition explicite, le plus souvent construite sur le modèle largement répandu dans le roman en prose : « cessons à présent de parler de X, nous allons parler de Y26 ». Ainsi :

De la damme vous volrait ung petit laissier,

Et dirait de Clarisse la belle au corpz ligier

Que lou belz Lion fist estuver et baingnier

Et pués li fist venir abit de chevalier.

(Lion de Bourges, v. 10018-10021)

Les transitions explicites comportent parfois un élément danticipation, en général de portée immédiate :

Mais je vous en lairay, il y a occoison ;

Se vous voray conter le grande traÿson

QuElaine le roïne souffry en le saison,

Et par le fausse dame, le mere sen baron.

(Belle Hélène, v. 2512-2514)

Mais ce peut aussi être loccasion dembrasser des ensembles beaucoup plus vastes, comme après la fuite dHélène et lévocation des réactions de son père :

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Il a fait sen harnas et querquier et tourser.

A grant chevalerie se vault acheminer.

.xxxiiii. ans ala, che peult on bien prouver,

Ains quil reuïst se fille que le viaire ot cler.

Depuis le retrouva, si com morés conter,

Mais enchois li couvint moult de paine endurer.

Or est drois que dElaine vous doye recorder,

Comment Jhesus le volt par se grace sauver,

Et comment le roÿne ot maint mal a porter.

Oncques tant nen ot dame, che peult on bien conter,

Mais Jhesus li a fait che fait gueredonner,

Sainte est en paradis, en ses flans vault porter

Le vray corps saint Martin ; sen mantel vault cauper [].

(Belle Hélène, v. 828-840)

Et de nous donner encore des précisions pendant plusieurs vers. Ici le motif est pris entre deux anticipations, portant chacune sur le protagoniste du passage où elle se trouve, le père avant la transition, la fille ensuite. De telles projections vers lavenir reviennent ainsi fréquemment.

La part des anticipations est importante dans toutes les chansons de geste27 ; chaque épisode est annoncé largement à lavance. Dans Tristan de Nanteuil, la descendance de Tristan et Blanchandine est ainsi évoquée dès les vers 4565-4571, alors même que la demoiselle vient dêtre enlevée par la cerve qui nourrit le jeune sauvage :

Celle nuyt engendra Tristan le duc Raymon

Qui ot de Valvenise la duchesse en son non

– Parise fut clamee, la dame de renon –

et pour cë en fut duc de la grant regïon,

Ainsy que vous orrés es vers de la chançon,

Et fut duc de Saint Gille et sire dAvignon,

Car la terre lui vint de son estracïon.

Le changement de sexe de Blanchandine est de même annoncé très tôt dans la chanson, et revient à de nombreuses reprises, constituant ainsi comme une sorte de leitmotiv, une annonce récurrente. Dans La Belle Hélène, alors que, à la veille dépouser sa fille, Antoine va lui souhaiter 97la bonne nuit, le narrateur en profite de même pour évoquer, sommairement certes, la totalité du temps couvert par la chanson :

Li rois va a se fille le congiet demander,

Mes che fu de telle heure que de ly vault sevrer

Dedens .xxxiiii. ans ny porra mais parler.

(Belle Hélène, v. 705-707)

Lanticipation est aussi une des fonctions des prologues internes, fondés sur la reprise, en cours de récit, des clichés constitutifs du prologue : adresse à lauditoire, bénédiction, éloge de la chanson, dénonciation des mauvais jongleurs, annonce de ce qui va être raconté, formule de commencement (or/huimais comence + chançon). Deux ou trois seulement sont en général actualisés :

Seigneurs, or entendés, pour Dieu le tout poissant,

Sy diray dOnnoree comment alla ouvrant

Ne par quelle maniere ot Guy a son talant.

(Tristan de Nanteuil, v. 512-514)

Seigneurs, or entendés, que Dieux vous beneÿe !

Grande fu le bataille et fiere lestourmie.

(Belle Hélène, v. 6239-6240)

Le prologue comportant le plus souvent une annonce, les anticipations peuvent aussi sintégrer à un prologue interne :

Or entendés a moy, pour Dieu et pour son non,

Et je diray ystoire ou il na se voir non :

Cë est des nobles hoirs dame Aye dAvignon.

Par temps orrés conter par quelle oppinïon

Tristan rot le scien pere con appella Guyon,

Que le roy Murgaffier tenoit en sa prison

Par dedens Rochebrune en grant chetivoison.

(Tristan de Nanteuil, v. 13104-13110)

Mais dans les chansons tardives, le prologue interne peut prendre des dimensions plus vastes :

Signour, or antandés glorieuse chanson :

Maint menestrés si ont chantéz du duc Lion,

Comment sonnait le cors a Bourges sa maison,

Et comme il guerriait lemperreour Charlon ;

98

Mais ains ne vous en dirent la droite estracion,

Ne la fin ansement, ne lou maistre quoron. []

Mais si androit orés, si il vous vient a bon,

Tout le livre ordonnés san folle avision,

Des lancommancement de sa rengnacion

Tant quil allait a ffin, Dieu li faice pardont.

A ma droite matiere ferait reparison [].

(Lion de Bourges, v. 6518-6537)

Or les deux épisodes mentionnés aux vers 6520-6525 se situent aux vers 21070 à 22200 : il ne sagit donc plus seulement dannoncer un épisode prochain, mais bien dun jeu dannonces à distance destinées à assurer la cohérence dune histoire complexe dont les dimensions et lenchevêtrement risquent dégarer le lecteur.

La fonction douverture qui caractérise le prologue interne explique aussi quon en rencontre certains éléments dans les transitions explicites :

Or vous traiés en ça, sergent et chevalier.

Ystoire vous diray qui moult fait a louer,

DAiglentine la belle je vous vourray parler,

Nouvelles ot oÿes que forment doit amer ;

Mais au gentil bastart me vourray retourner,

Qui fut en Ermenye ou se fist meciner.

(Tristan de Nanteuil, v. 9315-9320)

Doù la tendance assez nette à y recourir en vers dintonation ou en enchaînement entre laisses, alors que, dans les chansons plus anciennes, les simples anticipations se situaient plutôt en fin de laisse28. Quant aux prologues internes, dont lemplacement se distribuait assez également entre début et fin de laisse (sans compter un nombre plus réduit mais non négligeable doccurrences en cours de laisse), les textes du xive siècle leur affectent en priorité les ouvertures et les enchaînements. Dans Tristan de Nanteuil, on ne trouve que deux prologues internes, dont lun réduit à un seul vers, qui soient situés juste avant la fin dune laisse (v. 1589 et 17765-17768), tous les autres figurant en ouverture (11 occurrences), en enchaînement (8 occurrences) ou en milieu de laisse (8 occurrences). Dans La Belle Hélène comme dans Lion de Bourges, la position en ouverture semble également privilégiée. Cela correspond à un usage de plus 99en plus marqué du prologue interne pour distinguer en quelque sorte les chapitres successifs, un peu à la manière des rubriques des romans en prose29. Ainsi les quatre prologues internes de Hugues Capet ouvrent successivement lépisode du siège de Paris (avec le secours apporté à la fille du comte Sauvage – première demoiselle que le héros rencontre sans la laisser enceinte – dont le père lui viendra en aide lors dune sortie : v. 402-406), la grande bataille qui aboutira à la défaite des prétendants au trône, permettant son mariage et son couronnement (v. 3896-3904), la trahison des seigneurs de Champagne et de Bourgogne et leur châtiment (v. 4835-4836), et la victoire des Vénitiens sur les Sarrasins grâce à laide quil leur a fournie (v. 6202).

On voit ainsi petit à petit les fonctions des principaux motifs extradiégétiques se confondre et presque fusionner, sous leffet dune esthétique narrative qui tend à se rapprocher de celle des romans en prose, même si les thèmes en restent très différents. Et cest dans les formules dadresse au public auxquelles elles ont recours que les expressions formulaires semblent se conserver le mieux, sans doute parce que, aux yeux des auteurs, elles constituent des éléments en quelque sorte marginaux par rapport au récit proprement dit, presque des inclusions paratextuelles où par conséquent le stéréotype est à sa place parce quil naffecte pas la recherche de variété dans lexpression dont peuvent témoigner les autres motifs. De là aussi la fréquente récurrence de chevilles anaphoriques telles que dont / que je fay mencion ou que / dont je vous signyffie30.

Lexamen de ces quelques motifs napporte pas de révélations capitales sur les chansons de geste du xive siècle. On constate dabord une assez importante conservation des motifs rhétoriques traditionnels, ce quil convient de nuancer en tenant compte de la place quils occupent dans des textes qui sont loin dy recourir constamment. De plus cette conservation sopère au prix dun important niveau de variation dans le détail des clichés. Cela va parfois jusquà la limite de la parodie et la 100remise en question de lidéologie guerrière qui caractérise ordinairement le genre. Car, à côté des inévitables scènes de combat, toutes les chansons ne recourent pas nécessairement aux mêmes schémas traditionnels, comme on a pu le voir avec les planctus.

Il ressort de là que ces textes témoignent aussi dune véritable autonomie dans lutilisation des moyens proposés par les anciens poèmes, même si tous partagent, notamment pour trouver la rime et boucler les seconds hémistiches, une même série de chevilles. Hugues Capet est lœuvre la moins éloignée, dans son organisation et son recours à la rhétorique épique, de lesthétique des chansons ordinairement datées des environs de 1200. Lion de Bourges, malgré une histoire particulièrement accueillante pour des éléments merveilleux issus du folklore plutôt que de la tradition épique, montre finalement moins doriginalité dans le traitement des motifs rhétoriques que La Belle Hélène et Tristan de Nanteuil. Ce sont ces deux chansons qui, au plan de lexpression, semblent présenter le plus dinnovations, mais dans des orientations différentes, lune, fondée sur un conte traditionnel largement répandu, cherchant clairement à sapprocher des vies de saints telles quon peut les trouver dans La Légende dorée ; lautre au contraire choisissant délibérément une inspiration hautement fantaisiste, fruit dune imagination dune extrême fécondité, non sans une certaine tendance à la parodie : on y trouve des situations qui ne dépareraient pas lOrlando furioso, en même temps quun ton susceptible de rappeler parfois celui de certains fabliaux.

Jean-Pierre Martin

Textes et Cultures (EA 4028)

Université dArtois

1 Voir notamment W. Kibler, « Relectures de lépopée », Au carrefour des routes dEurope : la chanson de geste, Aix-en-Provence, Publications du CUER MA, Université de Provence, 1987, t. i, p. 103-140, véritable défense et illustration des « chansons daventure ».

2 Sur ce dernier point, je me permets de renvoyer à mon article, J.-P. Martin, « Variations stylistiques dans lépopée médiévale », La Variatio. Laventure dun principe décriture, de lAntiquité au xxie siècle, éd. H. Vial, Paris, Classiques Garnier, 2014, p. 335-349.

3 Je mappuierai ici sur les textes suivants : Tristan de Nanteuil, chanson de geste inédite, éd. K. V. Sinclair, Assen, Van Gorcum, 1971 ; Lion de Bourges, poème épique du xive siècle, éd. W. W. Kibler, J.-L. G. Picherit et T. S. Fenster, Genève, Droz, 1980, 2 vol. ; La Belle Hélène de Constantinople, chanson de geste du xive siècle, éd. Cl. Roussel, Genève, Droz, 1995 ; et Hugues Capet, chanson de geste du xive siècle, éd. N. Laborderie, Paris, Champion, 1997.

4 Cl. Roussel, Conter de geste au xive siècle. Inspiration folklorique et écriture épique dans La Belle Hélène de Constantinople, Genève, Droz, 1998, p. 360.

5 Sur lemploi de ce terme, voir J.-P. Martin, Les Motifs dans la chanson de geste. Définition et utilisation, Villeneuve dAscq, Centre dÉtudes Médiévales et Dialectales de lUniversité de Lille iii, 1992, p. 184-186.

6 D. Boutet, La Chanson de geste, Paris, Presses Universitaires de France, 1993, p. 89.

7 Voir M. Rossi, Huon de Bordeaux et lévolution du genre épique au xiiie siècle, Paris, Champion, 1975, p. 162.

8 Voir Roussel, Conter de geste, p. 363.

9 Voir Couronnement de Louis (Les rédactions en vers du), éd. Y. G. Lepage, Paris – Genève, Droz, 1978, réd. AB, v. 1050-1052.

10 Voir Roussel, Conter de geste, p. 361.

11 Voir Martin, Les Motifs, p. 193-195.

12 « Tant bon cheval sa regne traïner / Dont li signor gisent enmi le pré », Gerbert de Mez. Chanson de geste du xiie siècle, éd. P. Taylor, Namur, Secrétariat des Publications des Facultés universitaires – Louvain, Nauwelaerts – Lille, Giard, 1952, v. 12286-12287.

13 Voir Jean Renart, Le Roman de la Rose ou de Guillaume de Dole, éd. F. Lecoy, trad. J. Dufournet, Paris, Champion, 2008, v. 2804-2805.

14 Belle Hélène, v. 12049 ; même comparaison dans Lion, v. 17081, 31788, et Hugues Capet, v. 1328, 3845 ; ou con ly leus au mouton : Tristan, v. 1268, 6947, 11479 ; Lion, v. 12556, 25291, et Hugues Capet, v. 4003.

15 Fierabras, éd. M. Le Person, Paris, Champion, 2003, v. 3396.

16 Voir P. Zumthor, « Étude typologique des planctus contenus dans la Chanson de Roland », La Technique littéraire des chansons de geste, Paris, Les Belles Lettres, 1959, p. 219-235 ; et « Les planctus épiques », Romania, 84, 1963, p. 61-69.

17 Voir A. Georges, Tristan de Nanteuil. Écriture et imaginaire épiques au xive siècle, Paris, Champion, 2006, p. 386 ; lensemble de ce paragraphe sinspire des pages 384-387 de cet ouvrage.

18 Voir sur ce passage M. Gallois, LIdéal héroïque dans Lion de Bourges, poème épique du xive siècle, Paris, Champion, 2012, p. 359-361.

19 Voir Roussel, Conter de geste, p. 306-317, à qui jemprunte les quelques remarques qui suivent.

20 Voir Boutet, La Chanson de geste, p. 90.

21 Voir Martin, Les Motifs, p. 198-201.

22 Voir A. Moroldo, « Le portrait dans la chanson de geste », Le Moyen Âge, 86, 1980, p. 387-419 et 87, 1981, p. 5-44.

23 Voir Philippe de Beaumanoir, Œuvres poétiques, éd. H. Suchier, vol. 1, La Manekine, Paris, SATF, 1884 ; on distingue clairement aujourdhui le poète Philippe de Rémi de son fils, le juriste Philippe de Beaumanoir.

24 La Manekine, v. 1577-1579.

25 Voir Martin, Les Motifs, p. 215-216 et 220-253.

26 Voir Georges, Tristan de Nanteuil, p. 187-197.

27 Voir J.-P. Martin, « Dire lavenir. À propos des procédés danticipation dans les chansons de geste », Chanter de geste. Lart épique et son rayonnement. Hommage à Jean-Claude Vallecalle, éd. M. Possamaï-Pérez et J.-R. Valette, Paris, Champion, 2013, p. 261-278.

28 Voir J. Rychner, La Chanson de geste. Essai sur lart épique des jongleurs, Genève, Droz – Lille, Giard, 1955, p. 73.

29 Georges, Tristan de Nanteuil, p. 195, cite à ce propos E. Kennedy, « Les structures narratives et les allusions intertextuelles dans le Tristan en prose », Nouvelles Recherches sur le Tristan en prose, éd. J. Dufournet, Paris, Champion, 1990, p. 123-147, ici p. 132-134.

30 Roussel, Conter de geste, p. 383, en relève respectivement 17 et 12 dans La Belle Hélène. Si lon sen tient à lemploi anaphorique et aux variantes minimes de même sens, les chiffres sont 21 et 19 dans Tristan de Nanteuil, 28 et 13 dans Lion de Bourges et 1 ou 2 et 4 dans Hugues Capet.