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Classiques Garnier

Les « chançons » de Charles d’Orléans Une énigme en mouvement

  • Type de publication : Article de revue
  • Revue : Cahiers de recherches médiévales et humanistes / Journal of Medieval and Humanistic Studies
    2017 – 2, n° 34
    . varia
  • Auteur : Sieffert (Mathias)
  • Résumé : Le BnF fr. 25458 contient une série de rondeaux nommés chançons. L’article interroge conjointement leur énigme visuelle et leur énigme sémantique : pourquoi le prince les appelle-t-il ainsi et pourquoi choisit-il une telle mise en page ? Ces pièces pourraient constituer au départ un recueil destiné à être enchâssé dans le cycle des ballades. Ce projet, devenu illisible au fil des ans dans l’album du prince, est partiellement reconstitué dans deux manuscrits : le Royal 16 F. II et le manuscrit de Grenoble.
  • Pages : 201 à 220
  • Revue : Cahiers de recherches médiévales et humanistes - Journal of Medieval and Humanistic Studies
  • Thème CLIL : 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
  • EAN : 9782406077411
  • ISBN : 978-2-406-07741-1
  • ISSN : 2273-0893
  • DOI : 10.15122/isbn.978-2-406-07741-1.p.0201
  • Éditeur : Classiques Garnier
  • Mise en ligne : 20/01/2018
  • Périodicité : Semestrielle
  • Langue : Français
201

Les « chançons »
de Charles d
Orléans

Une énigme en mouvement

Il est des termes dont lusage fréquent obscurcit peu à peu le sens. Ainsi en va-t-il du mot chanson, que son omniprésence dans les dictionnaires de musique médiévale, les ouvrages philologiques et les éditions critiques, rend problématique : il est parfois difficile de distinguer lacception médiévale et lacception moderne. Lintroduction du bel inventaire des rondeaux et refrains de Nico van den Boogaard donne une idée frappante de cette ambivalence. Le critique nomme chanson « toutes les compositions monodiques destinées à être chantées, et divisées en strophes », cest-à-dire les « chansons dites à forme fixe comme la ballade (…) », mais aussi les « chansons définies le plus souvent par leur sujet, telles que les pastourelles, les chansons damour, les chansons religieuses (…)1 ». Le mot chanson sert à désigner, on le voit, toutes sortes de poèmes chantés ou chantables, sans prendre en compte le fait que certains dentre eux sont bel bien présentés comme « chansons » dans les manuscrits, quand dautres sont plus volontiers présentés par une annonce formelle ou thématique (ballade, pastourelle…)2. Certaines études prennent dailleurs soin de préciser le sens quelles donnent au mot chanson, tant le terme prête à confusion3.

On ne saurait pourtant reprocher aux philologues modernes dêtre ambigus : en moyen français, le mot chanson est tout aussi polysémique. 202Dans le « Prologue » de Guillaume de Machaut, le poète raconte comment Amour et Nature lont invité

A faire dis et chansonnettes

Pleines donneur et damourettes

Doubles hoqués et plaisans lais,

Motés, rondiaus et virelais,

Quon claimme chansons baladées []4

Dans la première occurrence, le mot chansonnettes, associé au terme dis5, permet dénumérer, dans les vers qui suivent, tous les types de « chansons » possibles (rondeau, virelai, lai, ballade…). Dans la deuxième occurrence, le mot chanson sinscrit dans une formule figée : chanson balladée qui est, chez Machaut, synonyme de « virelai » (« virelais, / Quon claimme chansons baladées » précise le poète)6. À ces deux acceptions pourraient sen ajouter beaucoup dautres. Dans les dits de Guillaume de Machaut, il est fréquent de rencontrer le mot chanson avant et après une insertion lyrique, comme pour signaler le surgissement dune voix au milieu du récit. Cétait déjà le cas dans Le Roman de la Rose ou de Guillaume de Dole, que le narrateur dit écrire « par remenbranche des chançons7 ». Jean Renart systématise lemploi du mot chanson avant et après les insertions. Le mot sert alors à coudre deux régimes décriture, celui de la parole et celui du chant, au sein dune œuvre où « len (…) chante et lit8 ». On songe également à certaines dénominations génériques (chanson royale, chanson de geste)9 ou même à des emplois plus 203métaphoriques : « Tant court chanson quelle est apprise », écrit François Villon dans sa célèbre « Ballade des proverbes10 » ; « Noublye pas ceste chanson », dit lAdversaire à Franc Vouloir dans Le Champion des Dames de Martin le Franc11. Chanson est alors synonyme de leçon, de rengaine, de discours facilement mémorisable.

Fait étonnant, cest le terme de chançon que choisit Charles dOrléans pour désigner une série de 72 poèmes apparentés au rondeau et dont les 62 premiers furent copiés autour de 1440 dans le fonds primitif du BnF fr. 25458 (ms. O), manuscrit destiné à devenir le fameux album de Blois12. 52 premières chançons ont dabord été copiées par un scribe français et décorées par un enlumineur anglais13, puis, la même année, dix autres pièces ont été ajoutées par un deuxième scribe. Quelques années plus tard (ca. 1441-1445) dix autres « chansons » et un quatrain vinrent compléter cet ensemble14.

À plus dun titre, ces pièces constituent une énigme pour le lecteur. Si elles empruntent au rondeau sa forme générale (un refrain initial, un couplet, un refrain médian, un second couplet, un refrain final), elles partagent avec lui une nuance graphique frappante. Au lieu dabréger la reprise du refrain médian et final sur un seul vers, comme le veut lusage du rondeau, le copiste abrège le refrain médian en copiant le début des deux premiers vers (dans le cas dune chanson quatrain) ou des trois premiers (dans le cas dune chanson cinquain). Le détail est minuscule mais sa constance est frappante.

Deuxième énigme, celle de la mise en page : sous la rubrique « chançon », un espace dune demi-page est laissé vierge, la pièce étant copiée sur la moitié inférieure de la page. Cet espace blanc, sur lequel le prince 204a parfois fait copier des rondeaux à partir des années 1450, a inspiré de nombreuses hypothèses depuis létude de Pierre Champion sur le « manuscrit autographe15 ». La plus récente et sans doute lune des plus stimulantes, celle de Sylvie Lefèvre16, consiste à dire que le duc avait songé un temps à utiliser ces blancs pour livrer la version anglaise de ses chançons. 52 chançons en anglais sont en effet consignées dans le Harley 682, manuscrit dont les travaux de Mary-Jo Arn ont montré quil fonctionnait comme un véritable jumeau de O17.

Pourquoi le prince choisit-il de nommer chançons et non rondels cette série de pièces ? Ce choix sémantique peut-il être mis en rapport avec cette mise en page qui, sans nécessairement être le signe dun inachèvement, permet peut-être de singulariser visuellement, dans le manuscrit, un recueil enchâssé ? Cest la thèse que nous souhaitons défendre ici : le prince nomme chançons un recueil de rondeaux quil nenvisage pas comme une « section » purement formelle, mais comme un recueil lyrique cohérent dun point de vue poétique. Pierre Champion parlait, à son sujet, dun « roman de Beauté18 ». Il semble que ce recueil ait été au départ conçu comme une vaste insertion lyrique enchâssée dans le livre des ballades. Cest ce que révèle une ballade-pivot du manuscrit anglais, qui est absente du manuscrit français.

Lénigme de ce petit recueil est une énigme en mouvement : dautres manuscrits font disparaître son unité en le mettant sur le même plan que les rondeaux, aboutissant à un mélange anthologique. Dautres, comme le manuscrit de Grenoble ou le Royal 16 F. II, choisissent au contraire de faire un sort à ce corpus : il est à la fois dispersé en alternance avec des ballades et recueilli sous forme de section autonome. Le mot chançon et la particularité graphique de ces pièces se voient ainsi à nouveau justifiées.

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Lénigme dune désignation générique

Pouvant paraître parfaitement innocent, lusage du mot chançon ne saurait, chez Charles dOrléans, être le fruit dun hasard : on le sait, le choix des mots est lessence même de la poésie du prince19. Le terme chançon qui apparaît sous forme de rubriques en haut des pages 235 à 29820 de O et, pour les dix dernières pièces, en haut des pages 329 à 337, sert à désigner une série de poèmes qui ne se distinguent du rondeau que par une particularité graphique. En abrégeant le refrain médian non plus sur un seul vers mais sur deux ou trois, la pièce prend une allure étrange, immédiatement identifiable, et singulièrement allongée. Quand le rondeau quatrain occupe, sur la page, douze lignes, la chançon quatrain en occupe treize21. Le rondeau cinquain occupe quinze lignes, la chanson cinquain, dix-sept [figure 1 infra]22.

Cette nouvelle graphie du refrain médian, que lon retrouve aussi dans le Harley 682, est-elle une ingénieuse façon de renvoyer au rondeau chanté ? La tradition musicale du rondeau veut en effet quon reprenne pour moitié le refrain médian : la graphie expliciterait alors ce qui demeure implicite dans labréviation traditionnelle23.

Ce qui est sûr, cest que cet emploi systématique du terme de chançon, associé à cette originalité graphique, exprime un désir : susciter un sentiment détrangeté face à une forme connue. Le poète ne cherche-t-il pas à créer un effet similaire lorsquil intitule « carolle » quatre pièces dont la forme sapparente au virelai ? Comme le mot chançon, le mot de 206carolle est très ambivalent : il renvoie à la danse24, au genre désuet du rondet de carole, au carol anglais mais aussi, par une heureuse coïncidence, au nom même du prince dont lex-libris « Karolus » est visible sur de nombreux documents25.

On peut envisager une autre hypothèse : ce choix de rubrique permet au prince disoler et de délimiter un corpus particulier au sein de son manuscrit. Cest à ce cycle précis quil se réfère dans la ballade 72, lorsquil écrit « Balades, chançons et complaintes / sont pour moy mises en oubly26 ». Dans cette ballade, il fait bien allusion aux trois formes quil a jusqualors explorées dans le codex. Chançon nest pas ici un hyperonyme. Il renvoie à une section autonome que le prince prend soin de faire copier sur des cahiers indépendants (T, V, X et Y27).

Cette désignation est-elle nouvelle ? Il existe, à notre connaissance, deux cas significatifs où le terme chanson est utilisé au sens de rondel : le premier exemple se situe dans la version du Livre de Messire Ode dOton de Granson contenue dans le BnF fr. 1727, datant du milieu du xve siècle. Alors même quun rondeau situé en dehors de Messire Ode dans le codex, attribué au poète savoyard par léditeur, est qualifié de rondel par la rubrique28, tous les rondeaux quatrains et cinquains insérés dans Messire Ode (fol. 94r-124v, 7 pièces au total) sont précédés de la rubrique « chanson29 ». On peut comprendre ce choix de deux manières : soit il sagit de sinscrire dans la lignée des dits à insertions lyriques qui nomment chanson toute pièce insérée, soit il sagit duser volontairement dun terme musical au sein dun dit dont lenjeu est celui de la possibilité même de la parole amoureuse30. Au rondeau chanté par lamant heureux, le poète répond par un autre rondeau quil na précisément pas la force de chanter : « Moy plaignant feiz une 207chanson / dont jay escript cy la fachon, / maiz point ne lay voulu chanter31 », dit le poète avant de livrer un rondeau que la rubrique appelle chanson (fol. 100v). Si rien ne permet de confirmer un jeu dinfluences, lexemple de Messire Ode donne peut-être une indication sur le sens que Charles dOrléans peut donner, en ce milieu de xve siècle, au mot chanson : le terme peut désigner un rondeau dont la longueur ne répond plus au laconisme du rondeau ancien (Oton de Granson utilise des rondeaux quatrains et cinquains) mais qui porte en lui le fantôme de la musique. Cet usage esthétique du terme chanson tendrait alors à confirmer la thèse de Jean-Marie Fritz : dans la poésie de Charles dOrléans, le vocabulaire musical serait teinté dune incertitude sur le pouvoir du chant32.

Un manuscrit dAlain Chartier présente une deuxième piste intéressante33. Dans le manuscrit Nj (Grenoble, Bib. Mun., 874) les 22 rondeaux réunis en section donnent lieu à un véritable kaléidoscope de désignations génériques34 : les rubriques jouent avec le mot rondeau (rondel, rondelet, rondeau, rondin – rondelinet et rondinot dans la version du manuscrit de Lyon35) mais aussi avec les dérivés du mot chansons : chanczon, chançon nouvele, chançonnette. Si lune de ces pièces a été mise en musique par Gilles Binchois36, il est peu probable que tous les rondeaux appelés chanczon ou chançonnette aient été écrits dans une visée musicale. Il sagit plutôt de jouer sur la dimension poétique de la rubrique tout en rappelant que, par définition, tout rondeau est chantable. Chez Oton de Grandson, Alain Chartier et Charles dOrléans, la connotation musicale du mot chanson permet de déployer un imaginaire vocal au sein dune poésie sans musique. Cest en ce sens que le mot apparaît au sein de la chanson 31 du manuscrit O :

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Pour vous moustrer que point ne vous oublie,

Comme vostre que suis ou que je soye,

Presentement ma chançon vous envoye,

Or la prenés en gré, je vous en prie37.

Dautres exemples pourraient être relevés, mais ils sont postérieurs à Charles dOrléans. LArt de rhétorique de Jean Molinet nomme ponctuellement des rondeaux chansons38 , de même que Clément Marot, dans une pièce qui est peut-être dailleurs un hommage à Charles dOrléans puisquil emploie exactement le même type dabréviation : deux vers pour le refrain médian, un vers pour le refrain final39.

Mise en page, mise en scène du poème

Il faut en tout cas considérer le lien entre cette désignation générique et loriginalité de la mise en page. Lénigme que représente la disposition exceptionnelle des pages consacrées aux chançons, comprenant un espace vierge dune demi-page entre la rubrique et la pièce elle-même, a fait naître plusieurs hypothèses. Pierre Champion pensait que ces espaces blancs étaient destinés à recevoir une notation musicale. Alice Planche supposait même que le prince espérait trouver un musicien disposé à mettre en musique sa poésie sans que celle-ci succombe au maniérisme de lars subtilior40. Nigel Wilkins, dans un article synthétique, réfutait lhypothèse de Champion41 : la place était insuffisante pour lajout dune notation, la réglure inadaptée, et, surtout, la disposition générale de la page très éloignée de celle des chansonniers de la même époque.

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Pourtant, comme si lhypothèse erronée de Champion avait déjà inspiré quelques rêveries au xvie ou au xviie siècle, on rencontre, sur quelques folios du Harley 682, dont la mise en page est semblable au manuscrit français, des neumes damateurs gribouillés sur ces espaces blancs42. Ces petites notes témoignent certes du peu dintérêt accordé au codex (le propriétaire y fait également quelques essais de plume), mais disent aussi quelque chose des espérances que partagent ce lecteur-profanateur et le philologue moderne. Dans chançon, il y a chant. Dès lors, le blanc est senti comme un silence quil faudrait combler.

Réfutant aussi lhypothèse musicale mais également celle dun projet dillustration43, Sylvie Lefèvre préfère voir dans ces blancs la « promesse » inaboutie dun « double manuscrit bilingue44 » : le prince aurait envisagé, un temps, de fusionner le manuscrit français et le manuscrit anglais en plaçant sur la moitié supérieure des pages la traduction du poème inscrit au-dessous45. Chaque manuscrit aurait ainsi accueilli la langue de lautre en première position. Le projet aurait été abandonné en raison du manque de place dû à ces fameux refrains médians trop longs : ils ne laissaient pas assez de lignes pour pouvoir copier une autre pièce de même longueur, ce qui suppose dailleurs un étonnant défaut danticipation de la part du prince et de ses copistes46.

Pourtant, dautres indices peuvent au contraire renforcer une autre thèse, celle de Nancy Freeman Regalado47 qui suggère que « ces espaces blancs dans lalbum de Blois illustrent le principe courtois de la libéralité 210(…) » Les blancs ne seraient pas une marque dinachèvement : ils seraient la marque dun luxe, dun gâchis délibéré.

De fait, si lon considère lagencement général de la page, on constate que lenjeu nest pas tant de laisser la place pour autre chose que de soigner une luxueuse coïncidence entre la fin du poème et la fin de la page. Ainsi le poème ne serait jamais coupé en deux, comme cest souvent le cas pour les ballades. La technique du copiste est aisément identifiable : après avoir pris note du nombre de vers à écrire, il compte le nombre de lignes réglées en partant du bas, puis commence à écrire de telle sorte que le dernier vers du poème coïncide avec la dernière ligne réglée. Fin de la page, fin du poème. Cette technique nest dailleurs pas réservée aux seules chançons. Les caroles 1, 2 et 448, de même que le rondel double de la page 394, sont copiés de la même façon, laissant aussi un espace vierge entre la rubrique et le début de la pièce. Là encore, les espaces « vacants » ne laissent guère de place ni pour une traduction, ni pour une réelle ornementation, encore moins pour de la musique [figure 2 infra].

Il semble donc que le prince soit en réalité soucieux dune mise en page qui place le poème au centre. Dans le cas du manuscrit anglais, labsence de réglure dans la moitié supérieure des pages renforce encore cette hypothèse : cet espace nétait peut-être pas fait au départ pour être comblé, mais pour mettre en scène le poème.

Un « canzoniere » à la française ?

Lhomogénéité de cette mise en page produit, sur le lecteur qui feuillette lalbum de Blois, un autre effet : elle permet de visualiser dun seul coup dœil lunité dun recueil enchâssé que lon serait tenté dappeler, avec Pierre Champion, le « roman de Beauté », ou le « canzoniere » de Charles dOrléans49.

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Là encore, il est fécond de se reporter au manuscrit anglais. Une ballade qui ouvre la série de chansons dans le Harley 682, et qui na pas déquivalent dans O, joue le rôle dun prologue. Dans la ballade 84, le poète feint de sadresser à des auditeurs au cours dun festin et leur annonce une série de petites chansons : « And for folk say “short song is good in ale” / That is the cause in rundell y hem write50 ». Si le manuscrit français ne possède pas de pièce similaire, rien nempêche dimaginer que les pages laissées vierges après les ballades 72 et 73 (qui nont été remplies que des années plus tard) étaient au départ destinées à recevoir des pièces-pivot de cette nature. La ballade 72 remplissait déjà, à certains égards, une fonction analogue :

Balades, chançons et complaintes

Sont pour moy mises en oubly,

(Car ennuy et pensees maintes

Mont tenu long temps endormy.)

Non pour tant, pour passer soussy,

Essaier vueil si je sauroye

Rimer ainsi que je souloye.

Au meins jen feray mon pouvoir,

Combien que je congnois et sçay

Que mon langage trouveray

Tout enroillié de Nonchaloir51.

Lordre des pièces suggéré dans lincipit était peut-être celui quenvisageait le prince au départ, ce que lautonomie des cahiers rend plausible : chaque forme poétique était consignée sur des cahiers autonomes quon pouvait encore agencer autrement. Après les ballades seraient venues les chançons. Elles seraient alors moins présentées comme 212un renouveau poétique que comme un souvenir ou comme une version miniaturisée des ballades (« Essaier vueil si je sauroye / Rimer ainsi que je souloye ») dont le langage courtois serait, dans ce nouveau cycle, miné de lintérieur, tout enroillié de Nonchaloir. Dans cette même ballade-pivot, le poète se livre à une captatio benevolentiae ironique. Il prévient : la belle langue amoureuse du passé a laissé place, au fil des années, à une langue imparfaite :

Amoureux ont parolles paintes

Et langage frais et joly.

Plaisance dont ilz sont accointes

Parle pour eux. En ce party

Jay esté, or nest plus ainsi52.

De manière rétrospective, cest la sincérité même du langage amoureux à lœuvre dans les ballades qui est ici mise en doute. Amoureux ont parolles paintes : la formule est très ambiguë puisque ladjectif peut à la fois être entendu au sens d« ornées », et au sens plus péjoratif d« embellies » ou de « truquées53 ». Nest-ce pas précisément ici lannonce dun recueil dont on a parfois souligné quil ressemblait à une parodie de langage courtois54 ? Les chançons seraient une version parodique ou désenchantée des ballades.

Lexamen du manuscrit anglais est, dans tous les cas, éclairant : le cycle des chançons a sans doute été conçu, à un moment de lélaboration du fonds primitif, comme une vaste insertion lyrique rattachée au cycle des ballades, dont elle est le contrepoint parodique. Force est de constater quun tel projet na, dans le manuscrit français, jamais abouti : non seulement les pièces pivot manquent, mais le prince semble renoncer définitivement à la cohérence de lensemble en faisant copier, un peu plus tard, des rondeaux sur la partie supérieure des pages.

213

Le projet de recueil inséré est-il alors définitivement abandonné ? Face à ce désordre, les manuscrits tardifs ont probablement eu du mal à donner au mot « chançon », à cette mise en page et à la place du recueil, leur raison dêtre. On repère en fait deux grands types de manuscrits : ceux qui se présentent comme des copies mécaniques ou anthologiques de ; ceux qui, à linverse, cherchent à redonner à cet ensemble de pièce une justification esthétique et poétique.

Les copies mécaniques ou anthologiques font disparaître le « roman de Beauté ». Cest le cas par exemple du Harley 6916, qui témoigne certes dune sensibilité particulière à la blancheur de la page – les folios consacrés aux chansons et rondeaux ne comportent que deux poèmes par page – mais qui transcrit chançons et rondels sans en saisir la nuance formelle. Le copiste se contente de reprendre la rubrique telle quelle apparaît dans O, et de copier la pièce qui suit : or, dans O, lajout de rondeaux tardifs sur la partie supérieure de la page a entraîné, entre-temps, des confusions. Tel quil nous parvient aujourdhui, O annonce parfois deux pièces qui se suivent comme chançon, parce que le rondeau de la partie supérieure a été ajouté après. Parfois le copiste a ajouté la rubrique rondel sous le rondeau tardif, avant la chanson du premier jet. Les rubriques se trouvent alors mélangées ou inversées, ce qui présentait sans doute une difficulté pour les copistes [figure 3 infra].

Le BnF fr. 1104 choisit, quant à lui, dharmoniser toutes les pièces brèves en adoptant une abréviation longue pour tous les refrains médians : tous les rondeaux se transforment donc, dun point de vue formel, en chansons. La section consacrée à ces pièces brèves (fol. 55r-112v) est tout aussi incohérente puisque rondeaux tardifs et chansons anciennes sont copiés ensemble, sans distinction chronologique. Le manuscrit renoue avec un principe de regroupement générique au sens large, copiant toutes ces pièces brèves en colonnes, ne rompant la monotonie que par un habile jeu de positionnement des lettres filigranées qui créent, verticalement, des lignes serpentines.

Deux manuscrits en revanche semblent vouloir donner à ce corpus un sens particulier : il sagit du manuscrit de la British Library Royal 16 F. II et du manuscrit de Grenoble franco-latin Bib. Mun., 873/U. 1091.

La composition du manuscrit Royal 16 F. II, mentionnée par Sylvie Lefèvre comme un cas particulièrement intéressant55, montre quil ne 214sagit plus dune copie mécanique, mais dune réorganisation de la poésie du prince. Dans un geste presque philologique, il choisit dabord dintégrer deux chansons et deux rondeaux56 au cycle des ballades. La démarche témoigne dune lecture attentive de : les effets déchos entre chansons et ballades, difficiles à repérer dans O en raison de léloignement des sections, sont ici mis en valeur par la juxtaposition des pièces. Le refrain de la chanson 52 (initialement située p. 288 de O) précède, dans le Royal, la ballade 36 :

Mon seul amy, mon bien ma joye,

Cellui que sur tous amer veulx,

Je vous pry que soiez joieux

En esperant que brief vous voye.

(Chanson 52, fol. 20r)

Je ne vous puis ne sçay amer,

Ma dame, tant que je vouldroye,

Car escript mavez pour moster

Ennuy qui trop fort me guerroye :

« Mon seul amy, mon bien ma joye,

Cellui que sur tous amer veulx,

Je vous priy que soyez joyeux

En esperant que brief vous voye57. »

(Ballade 36, fol. 20r-v)

En mettant en avant cet effet décho, le Royal semble lire les chansons du manuscrit O comme un brouillon dune œuvre poétique qui aurait mêlé ballades et chansons, conférant alors à la chanson la valeur dune insertion lyrique au sein dun cycle de ballades. À partir du fol. 111v, le manuscrit opte pour une autre logique : les chansons sont copiées les unes à la suite des autres ; le manuscrit renoue alors avec un projet plus évident dans le manuscrit du duc : celui dun recueil linéaire.

Cette volonté de reconstruire la linéarité des chançons vaut aussi pour le manuscrit de Grenoble (Bib. Mun., 873/U. 1091, ms. G), fruit dune collaboration étroite entre Charles dOrléans et deux frères, Antonio et Nicolo Astesano, que le poète rencontre au cours dun voyage dans la province dAsti dont il essaye de récupérer ladministration en 2151447-144858. Il est probable quAntonio, après avoir passé trois ans en France comme secrétaire au service du prince, soit revenu en Italie en 1453 avec une copie des poèmes organisés selon les souhaits du poète. Rassemblant une grande partie des poèmes du fonds primitif assortis dune traduction en latin, ce volume probablement terminé en Italie avant 146159 réunit cette fois, un premier cycle de 57 chansons des folios 22v à 37v. Cette section souvre par une page décorée et sachève par un verso dont la moitié inférieure est blanche. En français comme en latin, les frères dAsti maintiennent la particularité graphique du refrain médian. Des fol. 22v à 30v, les pièces suivent lordre dapparition des 26 premières pièces dans O. La suite de la section est plus capricieuse puisque lordre varie légèrement et quelques pièces sont écartées60. Les deux frères concluent la section avec deux poèmes qui correspondent au deuxième jet des chansons (chansons 64 et 65, selon la numérotation de Mary-Jo Arn) et un rondeau (rondeau 22) transformé ici en chanson. Dautres chansons sont présentes dans ce manuscrit des fol. 66r à 67v, et aux fol. 75v, 78v, 79r, 79v, 80r, 95r-96r et 110r Ces pièces datant dépoques diverses ne sont dailleurs pas toutes considérées par Mary-Jo Arn comme des « chansons » à proprement parler, contrairement à Pierre Champion [figure 4 infra].

Conclusion

Le mot chançon désigne donc tout à la fois une variante du rondeau, une esthétique du désenchantement, et un projet de recueil linéaire. Il ne fait guère de doute que le prince cherchait, par cette désignation particulière et la mise en page luxueuse quil élabore dans le manuscrit O et le Harley 682, à réinventer lart du rondeau. Pourtant, ce corpus et son 216interprétation sont loin dêtre figés. Les chançons de Charles dOrléans sont une énigme en mouvement. Le BnF fr. 25458 est à la fois le lieu où sinvente cette section de poèmes et le lieu de sa disparition ou de son enfouissement. En ajoutant plusieurs rondeaux tardifs sur les espaces vierges, le prince rend peu à peu illisible son projet initial. Entre 1445 et 1450, il semble que son manuscrit, sans doute initialement conçu comme un manuscrit dauteur, change de statut. Accueillant désormais toutes les rectifications, tous les ajouts, tous les instants de la vie poétique du cercle de Blois, le livre devient un miroir du temps qui passe. Il ne sagit plus pour le prince délaborer un manuscrit clairement structuré, mais de faire un livre exhaustif61. Nul doute que le poète prenait, à cet apparent fouillis que lui seul comprenait, un certain plaisir. À dautres manuscrits, comme celui de Grenoble, revient le défi dune composition plus claire, mais non moins énigmatique.

Mathias Sieffert

Université de Paris 3, EA173/Université de Lausanne

217

Fig. 1 – Chanson cinquain, ms. O, Paris,
Bibliothèque nationale de France, ms. fr. 25458, fol. 243 r.

218

Fig. 2 – Carole 1, ms. O, Paris,
Bibliothèque nationale de France, ms. fr. 25458, fol. 315 r.

219

Fig. 3 – « Accidents » de rubriques, ms. O, Paris,
Bibliothèque nationale de France, ms. fr. 25458, fol. 258 r.

220

Fig. 4 – Poésies de Charles dOrléans, ms. 873, cote U.1091 Rés.,
fol. 22 v., Bibliothèque municipale de Grenoble.

1 Nico H. J. Van den Boogaard, Rondeaux et refrains du xiie siècle au début du xive, Paris, Klincksieck, 1969, p. 14.

2 P. Bec, La lyrique française au Moyen Âge (xiie-xiiie siècles). Contribution à une typologie des genres poétiques médiévaux. Études et Textes, vol. 1 (« Études »), Paris, A. & J. Picard, 1977, p. 38-39.

3 Jennifer Saltzstein indique ainsi dans lintroduction de son ouvrage : « “Song” is a term I use to specify works transmitted in chansonniers and/or designed for a sung performance, regardless of whether or not musical notation is preserved in their surviving manuscripts. » (J. Saltzstein, The Refrain and the Rise of the Vernacular in Medieval French Music and Poetry, Cambridge, D. S. Brewer, 2013, p. 4).

4 Guillaume de Machaut, « Prologue », Œuvres de Guillaume de Machaut, éd. E. Hœpffner, Paris, Firmin-Didot, 1908, t. 1, p. 6, v. 11-15.

5 Le substantif dis ne doit pas forcément être compris ici au sens de poésie narrative mais plutôt au sens, plus large, de poésie en vers et en strophes, comme lentend Eustache Deschamps lorsquil compose son Art de dictier (« Ci commence lart de dictier et de fere chançons, balades, virelais et rondeaulx… », Œuvres complètes dEustache Deschamps, éd. G. Raynaud, Paris, Firmin-Didot, t. 7, 1896, p. 266).

6 Ibid., v. 14-15. La formule réapparaît à la fin du Remède de Fortune, lorsque lamant chante un « virelay / quon claimme chanson baladée / einsi doit elle estre nommee » (Guillaume de Machaut, Remède de Fortune, Œuvres de Guillaume de Machaut, t. 2, p. 126, v. 3447-3450). La formule est reprise et commentée par Eustache Deschamps dans LArt de dictier, voir Œuvres complètes dEustache Deschamps, éd. G. Raynaud, t. 7, p. 270.

7 Jean Renart, Le Roman de la Rose ou de Guillaume de Dole, trad. J. Dufournet, éd. F. Lecoy, Paris, Champion, 2008, v. 3, p. 70.

8 Ibid., v. 19.

9 P. Zumthor, La poésie et la voix dans la civilisation médiévale, Paris, Presses Universitaires de France, 1984, p. 15-16.

10 François Villon, « Ballade des proverbes », Lais, Testament, Poésies diverses, éd. bilingue J.-C. Mühlethaler, avec les Ballades en jargon, éd. bilingue É. Hicks, Paris, Champion, 2004, p. 306, v. 18.

11 Martin Le Franc, Le champion des dames, éd. R. Deschaux, Paris, Champion, 1999, t. 2, p. 78, DCCLVIII, v. 6064.

12 Nous renverrons toujours, dans cet article, à lédition de M.-J. Arn et J. Fox, Poetry of Charles dOrléans and His Circle. A Critical Edition of the BnF MS. Fr. 25458, Charles dOrléanss personal manuscript, Tempe-Turnhout, ACMRS-Brepols, 2010.

13 F. Avril et P. Danz Stirnemann, Manuscrits enluminés dorigine insulaire viiexxe siècle, Paris, Bibliothèque nationale, 1987, p. 180-181. Voir aussi M.-J. Arn, The Poets Notebook. The personal Manuscript of Charles dOrléans (Paris BnF MS fr. 25458), Turnhout, Brepols, 2008, p. 55-60.

14 Pour un tableau synthétique des différentes couches décriture dans O, voir M.-J. Arn, The Poets Notebook, p. 189, tableau 5.

15 P. Champion, Le manuscrit autographe des poésies de Charles dOrléans, Paris, Champion, 1907.

16 S. Lefèvre, « “Au blanc de cest escript”. Vertiges de la page et dun autre langage », Sens, Rhétorique et Musique. Études réunies en hommage à Jacqueline Cerquiglini-Toulet, éd. S. Albert, M. Demaules, E. Doudet, S. Lefèvre, C. Lucken et A. Sultan, Paris, Honoré Champion, 2015, p. 311-327.

17 M.-J. Arn, « Two Manuscripts, One Mind : Charles dOrléans and the Production of Manuscripts in Two Languages (Paris, BN MS fr. 25458 and London, BL MS Harley 682) », Charles dOrléans in England (1415-1440), éd. Mary-Jo Arn, Cambridge, D. S. Brewer, 2000, p. 61-78.

18 P. Champion, Autographe, p. 40.

19 Voir par exemple larticle de M. Zink « “Mis pour meurir ou feurre de prison” : le poète, leurre du prince », Guerre, pouvoir et noblesse au Moyen Âge. Mélanges en lhonneur de Philippe Contamine, dir. J. Paviot et J. Verger, Paris, Presses Universitaires de la Sorbonne, 2000, p. 677-684 ; voir aussi, sur le mot truchement, J. Cerquiglini-Toulet, La Couleur de la mélancolie : La fréquentation des livres au xive siècle 1300-1415, Paris, Hatier, 1993, p. 20-21.

20 Nous renvoyons, comme le veut lusage des études auréliennes, aux numéros de pages écrits sur le manuscrit.

21 Il sagit des chansons 1-8, 11-12, 14-16, 18-38, 40, 42-43, 46-52, 54-59, 61-63.

22 Chansons 9-10, 13, 17, 39, 41, 44-45, 53, 60.

23 Le refrain final devrait en toute logique, être repris intégralement. Toutefois, certaines études ont montré quil existait des rondeaux chantés dont seul le premier vers du refrain était répété à la fin : voir H. Garey, « Can a Rondeau with a one-line refrain be sung ? », Ars Lyrica, 2, 1983, p. 9-21 et la réponse dH. Mayer Brown, « A Rondeau with a One-Line Refrain can be sung », Ars Lyrica, 3, 1986, p. 23-35.

24 Guide de la musique du Moyen Âge, dir. Françoise Ferrand, Paris, Fayard, 1999, p. 318-320.

25 P. Champion, Librairie de Charles dOrléans, Genève, Slatkine Reprints, 1975 (éd. originale Paris, Champion, 1910), p. xli.

26 Ballade 72, Poetry of Charles dOrléans, p. 172, v. 1-2.

27 M.-J. Arn, The Poets Notebook, p. 189.

28 Il sagit du rondeau XCII (« En servant ma dame et Amours ») conservé dans le BnF fr. 1727, fol. 144v-145r. La pièce suit, dans le manuscrit, le Parlement dAmours de Baudet Herenc.

29 BnF fr. 1727, fol. 100v, 111r, 113v, 114r, 114v, 118v, 124r. Trois autres rondeaux insérés dans Messire Ode ne sont pas rubriqués : le premier fol. 97v, et les deux derniers qui ferment le dit, fol. 124v.

30 H. Basso, « Comme un cri silencieux. Béances de la langue et désir dexpression dans Le Livre de messire Ode dOton de Granson », Le Moyen Français, 74, 2014, p. 3-21.

31 Oton de Granson, Poésies, éd. Joan Grenier-Winther, Paris, Champion, 2010, p. 403, v. 580-582.

32 J.-M. Fritz, « Chansons sans musique : la musique de la mélancolie chez Charles dOrléans », Œuvres critiques, 31, Tübingen, Narr Francke Attempto, 2006, p. 9-28.

33 Pour une description succincte des manuscrits dAlain Chartier, nous renvoyons à lédition de J. Laidlaw, The Poetical Works of Alain Chartier, éd. J. Laidlaw, Cambridge, Cambridge University Press, 1974, p. 43-144 ; les rondeaux se situent p. 371-392 de cette même édition.

34 Grenoble, Bibl. mun., 874 (ms. Nj), fol. 58v-64v.

35 Lyon, Bibl. mun., 1235 (ms. Tc), fol. 170v-174v.

36 Il sagit de la « chançon » « Triste plaisir et doulereuse joie », The Poetical work of Alain Chartier, p. 376.

37 Chanson 31, Poetry of Charles dOrléans, p. 362, v. 1-4.

38 Jean Molinet, LArt de rhétorique, éd. Guillaume Berthon et Philippe Frieden dans La Muse et le Compas : poétiques à laube de lâge moderne. Anthologie, dir. Jean-Charles Monferran, Paris, Classiques Garnier, 2015, p. 195-296, ici p. 228 et 231.

39 Clément Marot, LAdolescence clémentine, dans Œuvres complètes, éd. François Rigolot, Paris, Flammarion, 2007, p. 33-257, ici p. 191.

40 A. Planche, « Charles dOrléans et la musique du silence », Musique, littérature et société au Moyen Âge. Actes du colloque de lUniversité de Picardie, Centre détudes médiévales, 24-29 mars 1980, éd. D. Bushinger et A. Crépin, Paris, Champion, 1980, p. 437-450.

41 N. Wilkins, « Charles dOrléans : avec musique ou non ? », Romania, 112, 1991, p. 268-272.

42 Manuscrit British Library, Harley 682, fol. 100v, 101r, 102r et 103r.

43 S. Lefèvre, « “Au blanc de cest escript” », p. 317.

44 Ibid., p. 325.

45 Voir encore, sur le ms. Harley 682, M.-J. Arn, « Two Manuscripts, One Mind : Charles dOrléans and the Production of Manuscripts in Two Languages (Paris, BN MS fr. 25458 and London, BL MS Harley 682) », Charles dOrléans in England (1415-1440), éd. M.-J. Arn, Cambridge, D. S. Brewer, 2000, p. 61-78.

46 Sur les 32 lignes réglées de la page 242, les 13 dernières sont occupées par la chanson « Que me conseilliez vous mon cueur ». Les 19 autres laissent donc encore un espace suffisant pour copier une pièce de longueur similaire. En revanche, sur la page den face, la chanson de type cinquain, avec un refrain abrégé sur trois lignes, occupe 17 lignes, nen laissant que 12 vacantes. Impossible donc de copier une pièce miroir. 7 autres chansons du même type bloqueraient ainsi laboutissement du projet.

47 N. Freeman Regalado, « En ce saint livre : mise en page et identité lyrique dans les poèmes autographes de Villon dans lalbum de Blois (Bibl. Nat. Ms. Fr. 25458) », LHostellerie de Pensée, études sur lart littéraire au Moyen Âge offertes à Daniel Poirion par ses anciens élèves, dir. M. Zink et D. Bohler, Paris, Presses de lUniversité Paris-Sorbonne, 1995, p. 358-359, ici p. 364.

48 BnF fr. 25458, p. 315, 316, 347 (carole 4 en latin) et p. 394 pour le rondel double. Seule la carole 3, p. 317, ne répond pas à cette exigence.

49 La question de linfluence de Pétrarque sur le duc se heurte à des difficultés de sources : sil existe de nombreuses preuves du succès du Pétrarque humaniste, la réception de lamoureux de Laure est plus obscure au xve siècle. Les Rerum Vulgarium Fragmenta (le véritable nom du Canzoniere avant la Renaissance) semblent pourtant connus de René dAnjou qui y fait allusion dans Le Livre du Cœur damours épris (René dAnjou, Le Livre du Cœur damours épris, éd. Florence Bouchet, Paris, Librairie Générale Française, 2003, p. 364-366, v. 1603-1614). Sur la question du lien entre Pétrarque et Charles dOrléans, voir J. Lemaire, « Lhumanisme de Charles dOrléans : une conception originale de la vie de cour », Fifteenth Century Studies, 10, 1984, p. 107-119, S. Spence, « The French Chansons of Charles dOrléans : A Study in the Courtly Mode », Fifteenth Century Studies, 15, 1989, p. 283-294, et J.-C. Mühlethaler, « Poétique de la maîtrise et sentement : François Pétrarque et Charles dOrléans », Charles dOrléans, un lyrisme entre Moyen Âge et modernité, Paris, Garnier, 2010, p. 157-174.

50 Fortunes Stabilnes : Charles of Orleans English Book of Love, éd. M.-J. Arn, Binghamton, New York, Medieval and Renaissance Texts and Studies, 1994, Ballade 84, p. 248-249, v. 3118-3119.

51 Ballade 72, Poetry of Charles dOrléans, éd. M.-J. Arn et J. Fox, p. 172, v. 1-11.

52 Ibid., v. 23-27.

53 Entrée « peindre » du Dictionnaire du Moyen Français consultable sur le site de lATILF. Voir aussi le commentaire de Jean-Claude Mühlethaler dans son édition de Charles dOrléans, Ballades et rondeaux. Édition du manuscrit 25458 du fonds français de la Bibliothèque Nationale de Paris, éd. et trad. J.-C. Mühlethaler, Paris, Librairie Générale Française, 1992, p. 261. Sa traduction de « parolles paintes » par « paroles séduisantes » synthétise en effet les deux sens possibles de cet adjectif.

54 Le titre de larticle de T. J. Tomasik, « Les chansons de Charles dOrléans : des jalons pour une poésie inconvenante ? » (Le Moyen français, 35-36, 1996, p. 49-65) est de nature à souligner cette impertinence.

55 S. Lefèvre, art. cité.

56 Royal 16 F. II : Chansons 51 (fol. 18r), 52 (fol. 20r), le rondeau 361 en anglais présenté sous la rubrique chancon (fol. 69r), et, fol. 72r, un rondeau absent de O (« DAmour meschant par parolle de bouche »).

57 Nous soulignons.

58 P. Champion, Vie de Charles dOrléans, 1394-1465, Paris, Champion, 1911, p. 358-379.

59 Pour la datation de ce manuscrit, nous renvoyons à la notice de lédition dAimé Champollion-Figeac, Les poésies du duc Charles dOrléans publiées sur le manuscrit original de la Bibliothèque de Grenoble conféré avec ceux de Paris et de Londres, Paris, J. Belin-Leprieur et Colomb de Batines, 1842, p. xxii-xxvii.

60 Quelques pièces changent de place, dautres disparaissent : la chanson 38 (p. 268i de O), 40 (p. 270i), 42 (p. 280i), 49 (p. 289i), 58 (p. 296i), 60 (p. 298i) et 63 (p. 291i).

61 Un « livre damis » aussi, puisquil louvre à loccasion à des poètes de la maison et à des auteurs de passage.