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Classiques Garnier

Les bons, la brute et le truand Le meurtre d’Étienne Marcel vu de Montpellier

  • Type de publication : Article de revue
  • Revue : Cahiers de recherches médiévales et humanistes / Journal of Medieval and Humanistic Studies
    2017 – 2, n° 34
    . varia
  • Auteur : Challet (Vincent)
  • Résumé : Un long récit relatif au meurtre d’Étienne Marcel est inséré dans les annales de la ville de Montpellier. Source longtemps négligée, ce récit, marqué par la hantise de la trahison, met en exergue la figure de l’un des compagnons les plus radicaux du prévôt des marchands, Pèire Gili, commis méridional devenu l’un des plus importants épiciers de la place de Paris. Mais au travers de la narration du complot parisien, ce sont leurs propres angoisses que révèlent les consuls montpelliérains.
  • Pages : 23 à 38
  • Revue : Cahiers de recherches médiévales et humanistes - Journal of Medieval and Humanistic Studies
  • Thème CLIL : 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
  • EAN : 9782406077411
  • ISBN : 978-2-406-07741-1
  • ISSN : 2273-0893
  • DOI : 10.15122/isbn.978-2-406-07741-1.p.0023
  • Éditeur : Classiques Garnier
  • Mise en ligne : 20/01/2018
  • Périodicité : Semestrielle
  • Langue : Français
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Les bons, la brute et le truand

Le meurtre dÉtienne Marcel vu de Montpellier

Dans limposante et précoce construction historiographique que met en place le consulat de Montpellier à travers la rédaction des annales occitanes incluses au sein du Petit Thalamus et poursuivies sans interruption depuis 1204 jusquen 1426, le milieu du xive siècle représente, à bien des égards, un tournant dans le système narratif utilisé et dans lampleur géographique de lespace considéré1. Dès 1350 en effet, la procédure traditionnelle de lenregistrement des avenimens sous une forme brève et séparée est définitivement abandonnée au profit dune narration plus développée et mieux intégrée à la suite des Fastes consulaires2. Un tel changement fait entrer les annales occitanes du Petit Thalamus dans le temps dune histoire consulaire pleinement assumée qui ne se contente plus dêtre une chronique urbaine mais révèle une ambition plus large, celle dêtre le reflet dune histoire à la fois de langue doc et de Languedoc. Une telle mutation de la forme est à mettre en relation avec une série dévénements qui ancrent plus directement le consulat montpelliérain dans lorbite française et en font lune des capitales à part entière dune province, enfin dotée dune identité stable à partir de 1359 et de lunion perpétuelle des trois sénéchaussées de Beaucaire, Carcassonne et Toulouse et qui est en train de donner une nouvelle définition et une nouvelle impulsion à la patria occitania3. Lacquisition des droits du roi de Majorque sur la ville par Philippe VI de Valois – que 24suit presquimmédiatement la mort de Jacques III de Majorque lors de la bataille de Llucmajor en 1349 – en est évidemment lun des signes les plus marquants, dautant quelle coïncide plus ou moins avec lirruption de la guerre de Cent Ans dans la province sous la forme de la chevauchée du Prince Noir4 et avec la réunion de plus en plus fréquente des États de Languedoc, phénomène lié aux besoins financiers croissants de la royauté.

Les lettres royales
comme source dinformation

Lélargissement de lespace pris en considération par les annales occitanes témoigne de ce nouvel état de fait qui saccompagne, en outre, dune diffusion accrue des lettres circulaires par le biais desquelles la royauté entretient une correspondance suivie avec celles des communautés urbaines quelle qualifie de « bonnes villes5 » et dont Montpellier, désormais, fait pleinement partie. De tels messages royaux, dont la fréquence est à mettre en relation avec les difficultés de la monarchie et son besoin croissant de sassurer du soutien des élites urbaines du royaume, largement complétés par les nouvelles que les lieutenants du roi en Languedoc – Jean dArmagnac, Louis dAnjou ou encore Jean de Berry – ne manquent pas denvoyer régulièrement aux consuls méridionaux, constituent, à nen pas douter, le principal canal officiel dinformation des annales montpelliéraines qui peuvent cependant se nourrir à des sources plus informelles, nombreuses dans une ville dont les connexions tant avec la cour pontificale quavec le monde méditerranéen ou les parties septentrionales du royaume sont bien établies par le biais du négoce.

Ce basculement des annales vers une chronique régionale et cet élargissement de lhorizon pris en compte peuvent être interrogés à la lueur de deux épisodes particuliers qui constituent autant dévénements 25dramatiques pour la dynastie Valois, à savoir la bataille de Poitiers et le meurtre dÉtienne Marcel. Dans les deux cas en effet, il savère possible de confronter la version livrée par les annales occitanes et le texte du bref message expédié par le lieutenant du roi en Languedoc afin dinformer les villes méridionales des récents événements et, sans doute aussi, déviter la panique – dans le cas de Poitiers – ou la contagion – en ce qui concerne les événements parisiens. Le 1er octobre 1356, soit douze jours après le combat livré à Maupertuis entre les troupes du prince de Galles et celles du roi de France, Jean Ier, comte dArmagnac, expédia, depuis Moissac où il se trouvait alors, une lettre aux différentes villes de la province pour leur mander denvoyer au plus vite leurs représentants à Toulouse pour y tenir conseil sur la manière de pourvoir à la sécurité du pays. Loriginal de la missive envoyée aux consuls de Montpellier na pas été préservé mais nous en connaissons la teneur par le biais de la lettre adressée à leurs homologues de Nîmes où elle fut reçue le 7 octobre6. Le comte dArmagnac y livre cette brève relation de la défaite de Jean le Bon sur le champ de bataille de Maupertuis :

Cars amix, am la plus gran tristor et dolor de cor que avenir nos pogues, vos sam a saber que dilus ac VIII jorns que lo rey mossenhor se combatet am lo princep de Galas ; et ayssi com con a Dieu a plagut a sufrir, lo rey mossenhor es estat descofit, et es pres am lo milhor cavalier que fos lo jorn de sa part, et es nafrat el visatge de II plaguas ; mossenhor Philip, son derrier filh es pres am luy ; mossenhor lo duc de Normandie, mossenhor dAnyo et de Paytés, lo duc dOrlhiés, de comandament del rey mossenhor, se so salvatz ; e lo princeps es o sera dins III jorns à Bordeus, e mena lo rey mossenhor am lhuy, et son dig filh, et dautres pros7.

Au-delà de lannonce de la défaite et de la capture du roi Jean le Bon et de son dernier fils Philippe et de lindication que les autres fils du roi de France – les ducs de Normandie, dAnjou et de Poitiers – avaient pu séchapper du champ de bataille en compagnie du duc dOrléans, Philippe, la lettre contient un détail fort intéressant puisquelle précise que Jean le Bon fut blessé de deux plaies au visage, information restée ignorée 26de la plupart des historiens comme dailleurs des annales consulaires qui, si elles restent particulièrement laconiques sur le déroulement de laffrontement, comportent en revanche une très longue liste de seigneurs tués lors de laffrontement ou fait prisonniers par les Anglais8. Cette liste présente une parenté très étroite avec celle établie par le prince de Galles et jointe à une lettre expédiée à lévêque de Worcester9. Elle sen distingue néanmoins par laddition du nom de simples chevaliers et dun certain nombre de seigneurs méridionaux qui ne figurent dans aucune autre liste. Elle croise donc au moins deux canaux dinformations, à savoir une source anglaise parvenue, de manière un peu remaniée et déformée, par la voie gasconne, et des sources locales qui permirent dajouter un certain nombre de prisonniers dorigine méridionale. Indéniablement, les consuls montpelliérains disposaient dautres sources dinformations, plus fiables et plus précises, que le simple billet informatif expédié par le lieutenant du roi.

La mort dÉtienne Marcel
ou le récit dune trahison

Une confrontation identique entre contenu dune missive royale et texte des annales consulaires peut être conduite à propos du meurtre dÉtienne Marcel survenu à Paris le 31 juillet 1358 et passé à la postérité sous la plume de Jacques dAvout comme lune de ces « trente journées qui ont fait la France10 ». Sans vouloir reprendre ici le long débat historiographique sur la pertinence de voir « dans lannée 1358 27la première des cinq grandes dates révolutionnaires qui ont marqué lhistoire de France11 » et la question de la signification que revêt pour la société politique du temps le meurtre du prévôt des marchands12, il paraît néanmoins opportun de se demander ce que le long récit des annales consulaires peut nous apprendre sur la manière dont lépisode fut appréhendé au sein dun consulat méridional. Cest quen effet le récit montpelliérain13, loin de se contenter de décrire les événements survenus dans la capitale royale, déconstruit lémeute parisienne et la reconstruit à la lueur dun hypothétique complot dont les marchands languedociens seraient les principales victimes. Lenjeu de lécriture nest donc aucunement de raconter le meurtre dÉtienne Marcel mais de revisiter lascension et la chute du prévôt des marchands à la lueur des angoisses de magistrats urbains vivant dans un climat permanent de hantise dun complot14.

Ces annales occitanes sont dautant plus intéressantes quelles constituent certainement lune des sources dont la rédaction, du point de vue chronologique, est la plus proche de cette dramatique journée du 31 juillet 1358, le récit étant composé dune année sur lautre à partir de notes prises au fur et à mesure du déroulement des événements ou, pour être plus exact, de larrivée des informations jusquà Montpellier. Ce procédé explique que le texte dont nous disposons a sans doute été rédigé antérieurement à lécriture de la plupart des chroniques sur lesquelles sappuie dordinaire la reconstruction de lémeute parisienne. Or, si la narration incluse dans le Petit Thalamus nest pas inconnue des historiens, elle est rarement mise en exergue par ceux qui se sont intéressés à Étienne Marcel. Cest le cas, par exemple, de Jacques dAvout qui, dans sa monographie consacrée au meurtre du prévôt des marchands, cite parmi ses sources la Chronique des règnes de Jean II et Charles V de 28Pierre dOrgemont, les chroniques de Jean le Bel, Jean de Venette et Jean Froissart, y ajoute La Chronique normande de Pierre Cochon, pourtant bien plus tardive, et même les lointains échos que suscita lépisode dans la Cronica florentine de Matteo Villani, mais ignore totalement le Petit Thalamus15.

Peut-être convient-il de voir dans ce silence historiographique lindice dun détournement de sens opéré par le récit montpelliérain dont le personnage principal, loin dêtre le prévôt des marchands lui-même, est un traître dorigine languedocienne du nom de Pèire Gili et peut-être plus encore que ce Pèire Gili, la trahison elle-même, le récit nhésitant pas à procéder à un effacement de la figure dÉtienne Marcel, dont le nom va jusquà disparaître des annales, au profit dune « trop gran tracion contra lo rey que era pres en Englaterra e contra sos enfans e contra autres rials ». Davantage que le prévôt des marchands, cité sans être nommé, cest la trahison qui envahit le récit montpelliérain et en devient le moteur essentiel16.

Or, la transformation des émeutes parisiennes en un récit emblématique de trahison dont la visée est à la fois didactique et mémorielle, ne procède nullement dun défaut dinformation mais relève bien dune réécriture consciente. Dès le 12 août 1358, les consuls avaient reçu de la part de Jean, comte de Poitiers et lieutenant du roi en Languedoc, une missive leur apprenant que :

le bon peuple de Paris sest adverti, et sont mors des gros de Paris, le prevost des marchans, Jehan de Lille, Charles Toussac, Philippe Giffart et jusques a VII des plus grans, et tous les autres poursuient, et ont mises les bannieres monseigneur le Roy, et crié vive le Roy et monseigneur le duc17.

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I trahidor que avia nom P. Gili

Fort de tels renseignements, le rédacteur des annales occitanes aurait fort bien pu consigner les noms des partisans les plus influents dÉtienne Marcel tués en sa compagnie et tous échevins parisiens, à savoir Jean de Lille, Charles Toussac et Philippe Giffart18. Il choisit néanmoins de les ignorer dans la mesure où, si du point de vue de la royauté, ces magistrats ne devaient pas être des inconnus en raison de leur participation aux États de Langue dOïl des années 1356-1357, aux yeux des consuls montpelliérains, ils pèsent de peu de poids au regard dun « traître qui avait pour nom P. Gili de Saint-Guilhem-le-Désert, partisan du roi de Navarre19 ».

Le parcours de ce Méridional, dont les sources septentrionales francisent le nom en Pierre Gilles, est éclairé par de nombreuses sources mettant en lumière le rôle prépondérant quil joua lors des événements parisiens aux côtés dÉtienne Marcel. Si lon en croit la Chronique des quatre premiers Valois20, Pèire Gili aurait fait partie des bourgeois parisiens qui accompagnèrent, en novembre 1357, Jean de Picquigny lors de lexpédition destinée à délivrer le roi Charles de Navarre, pour lors emprisonné au château dArleux. À compter de ce moment, les sympathies navarraises de Pèire Gili ne se démentirent plus et il apparaît même comme lun des principaux meneurs du mouvement parisien. Aux côtés de lorfèvre Pierre des Barres, il se trouve ainsi à la tête dun contingent militaire fort de cinq cents hommes et chargé de semparer et de détruire le domaine que possédait le premier président du Parlement de Paris Simon de Bucy à Vaugirard et le manoir de Pierre dOrgemont, conseiller du roi et futur chancelier de Charles V, à Gonesse. Laction 30menée sous légide de Pèire Gili sapparenta, plus quà un pillage, à un véritable démantèlement en règle du manoir de Gonesse, puisque, si les Parisiens se répartirent les biens du conseiller du roi – dont un important troupeau ovin –, ils nhésitèrent pas à réquisitionner charpentiers et couvreurs afin de détruire la toiture, briser tuiles et fenêtres et démanteler la charpente, ne laissant guère en place que les seuls murs du manoir21 et faisant de cette opération le décalque de la procédure légale de labatis de maison, précisément réservée aux traîtres22. Les sources qui documentent cette expédition – et quil convient, bien entendu de prendre avec certaines précautions23 – le décrivent à la fois comme le véritable meneur du contingent parisien et comme un homme irascible, nhésitant pas à parcourir le village de Gonesse, lépée nue et comme furibond, blasphémant à lenvi et agonissant dinjures ses ennemis, prêt enfin à incendier lensemble de la localité pour parvenir à ses fins sil nen avait été dissuadé par les habitants, dressant ainsi le portrait dun homme emporté par la colère et mû par ses propres émotions, ce qui sapparente à un topos littéraire et juridique de la description des révoltés.

Après ces faits darmes, Pèire Gili et ses hommes se dirigèrent vers lest de la capitale, ravageant au passage Tremblay, Gournay-sur-Marne ou encore Pomponne, où ils réservèrent un sort funeste à la demeure quy possédait un autre conseiller royal, Jean de Charny. Le but essentiel de ce mouvement vers lest parisien semble toutefois avoir pour but dopérer leur jonction avec les Jacques afin de donner lassaut au Marché de Meaux où sétait réfugiée la duchesse de Normandie, épouse du futur Charles V. Le contingent parisien put ainsi entrer, le 9 juin 311357, dans la ville de Meaux où la population lui fit un fort bel accueil, ce quelle devait amèrement regretter par la suite24. Comme on le sait, cette expédition armée tourna à la déconfiture, milices parisiennes et Jacques étant taillés en pièces par les troupes du comte de Foix, Gaston Fébus, et de Jean de Grailly, captal de Buch, tout juste revenus de leur croisade prussienne aux côtés des chevaliers teutoniques. Notons au passage quà loccasion de cette confrontation entre un natif de Saint-Guilhem-le-Désert et le prince dOrthez, la « révolution parisienne » prend détranges accents méridionaux ! Toujours est-il que Pèire Gili se tira sans encombre de cette confrontation puisquon le retrouve peu de temps après à Paris où, sil faut en croire une lettre de rémission délivrée en janvier 1359, il se serait livré à quelques diatribes à lencontre des soldats anglais qui tenaient alors garnison dans la capitale pour le compte du roi de Navarre en leur tenant publiquement ces propos : « De par les diables ne venez pas si près de Paris pour faire vos procès ! Allez les faire entre Guines et Calais dont vous êtes25. »

Cependant, le meurtre dÉtienne Marcel et la répression de ses partisans qui sensuivit entraînèrent son arrestation et sa détention au Châtelet. Considéré comme lun des principaux meneurs de la rébellion, Pèire Gili est décapité aux Halles de Paris en compagnie de Gilles Caillart dès le 4 août 1358, deux jours seulement après lentrée dans la capitale du dauphin Charles, le bourreau leur ayant au préalable coupé la langue en raison des propos injurieux quils auraient tenus à lencontre de la famille royale26. Son exécution intervient le jour même où le dauphin sadresse aux Parisiens pour dénoncer publiquement la trahison dÉtienne Marcel et 32le complot que le prévôt des marchands avait noué avec le roi de Navarre pour lui livrer la ville. Limportance de Pèire Gili se lit également dans le fait quil se trouve en tête de la liste des dix individus exécutés comme principaux responsables des événements parisiens établie par le dauphin Charles dans une lettre quil adresse au comte de Savoie le 31 août 1358. Selon ce même document, Pèire Gili aurait aussi confessé que, lorsque les Parisiens assassinèrent en février 1358 Jean de Conflans et Robert de Clermont dans la chambre même du dauphin, il aurait souhaité tuer lui-même le dauphin27. Plus donc quÉtienne Marcel, cest Pèire Gili – que les sources dépeignent comme un homme colérique aux positions bien plus extrêmes que celle du prévôt des marchands – qui fait figure de héros en négatif du récit montpelliérain, cest lui qui constitue le « truand » que stigmatise le texte des annales montpelliéraines.

Elles le stigmatisent dautant plus que Pèire Gili est loin dêtre un inconnu pour le milieu marchand qui préside aux destinées du consulat montpelliérain. Originaire de Saint-Guilhem-le-Désert si lon en croit le Petit Thalamus, Pèire Gili commença sa carrière comme commis dun riche négociant dorigine montpelliéraine installé à Paris, Regnaut dAuriac, qui possédait des comptoirs à Montpellier, à Figeac, à Paris et à Bruges. Dabord employé à Montpellier même, Pèire Gili fut ensuite appelé à diriger létablissement parisien et épousa la fille de Regnaut dAuriac, prénommée Margote. Il gagna si bien la confiance de son employeur que ce dernier, mort avant 1355, lui confia la tutelle de ses deux enfants mineurs et la gestion dune succession estimée à près de 30 000 livres dans un arrêt du Parlement de Paris. Pour Siméon Luce qui sintéressa de près à ce personnage à la « fougue toute méridionale », Pèire Gili représente une étonnante figure de parvenu qui, par le biais de son entrée dans la famille de Regnaut dAuriac, réussit à devenir lun des plus riches épiciers de Paris28. Linventaire de la boutique quil tenait rue Saint-Denis, réalisé le 33jour même de son exécution, révèle en effet dimportantes quantités de sucre et de cire, des sacs damandes, des balles de poivre, de la cannelle, du macis, du gingembre ou encore des clous de girofle, attestant de la réussite professionnelle de lancien commis29. Mais ce Méridional dont limplantation parisienne fit la fortune avant de lui coûter la vie était également apparenté à une importante famille montpelliéraine qui accéda au consulat au début du xive siècle avec la figure de Bernat dAuriac, consul en 1310 et 1328 au titre des changeurs et des poivriers30. Aux yeux des magistrats montpelliérains de 1358, Regnaut dAuriac et Pèire Gili faisaient partie de leur propre milieu, celui des changeurs, des poivriers et des drapiers qui dominaient le corps politique de la ville. Même à le considérer seulement comme un parvenu sétant hissé au sommet de lépicerie parisienne par le biais dune heureuse stratégie matrimoniale, Pèire Gili, de par son engagement aux côtés dÉtienne Marcel, ne pouvait être vu que sous lapparence dun traître. Non pas seulement parce quil était traître et rebelle au dauphin, ce qui lui valut dêtre décapité, mais aussi parce quil était traître à son propre milieu et soupçonné, si lon en croit les annales montpelliéraines, de vouloir sattribuer, après leur mise à mort, les biens de tous les marchands languedociens31.

Les émeutes parisiennes
au prisme de lhistoire languedocienne

La comparaison entre la missive expédiée par le comte de Poitiers aux consuls montpelliérains et le récit inséré dans le Petit Thalamus est particulièrement instructive quant aux différences de perception sur les journées parisiennes entre un prince de sang royal qui répercute des informations de nature officielle et des consuls méridionaux pour lesquels les échevins parisiens paraissent être de complets étrangers. Si, en effet, Étienne Marcel prit soin de sadresser aux Flamands et tout 34particulièrement aux échevins dYpres dont il recherchait lappui32, aucune communication ne fut établie entre le prévôt des marchands et les villes méridionales du royaume alors que Toulouse fut agitée, en 1357, dune violente révolte qui alla jusquà menacer la vie du comte dArmagnac, Jean Ier, et dans laquelle les capitouls furent impliqués. La division des États généraux entre États de Langue doïl et de Langue doc, plus encore que léloignement géographique et la différenciation linguistique, joua sans doute un rôle déterminant dans labsence de toute concertation entre France du Nord et France du Midi.

Si lon entre dans le détail des récits du meurtre dÉtienne Marcel, il est possible de constater que la lettre du comte de Poitiers rapporte un geste et un slogan constitués en une sorte dantithèse de la révolte et significatifs dun retour à la soumission vis-à-vis de lordre royal, à savoir la prise des bannières royales et le cri de « Vive le Roy et monseigneur le duc » qui signifient de manière visuelle et sonore le ralliement des Parisiens au dauphin. Ces éléments correspondent en tous points à la version livrée par la Chronique de Jean II et de Charles V qui attribue à Jean Maillart linitiative davoir arboré une bannière aux armes du roi de France et davoir rallié ses partisans au cri de « Montjoie au roi de France et au duc33 ! ».

En revanche, le récit du Petit Thalamus ne reprend quen partie ces informations, passant sous silence la prise de la bannière royale et transformant le cri de ralliement par un ajout tout à fait caractéristique des rébellions méridionales. Le « Montjoie au roi de France et au duc » devient ainsi « Viva lo rey e·l duc e mueyron los trahidors ! ». Or, cette apostrophe de « Mueyron los trahidors ! » – que meurent les traîtres ! – se rencontre dun bout à lautre du Languedoc dans le cadre démeutes fomentées par les populares et est attestée dans les sources écrites depuis 1234 au moins. Mieux encore, si lon en croit les lettres de rémission délivrées à lissue de la révolte du capage survenue à Toulouse en 1357, le cri de moyran los traidors aurait été lun des cris de ralliement du populus ameuté contre le comte dArmagnac, Jean Ier34. Nul doute en réalité quun tel cri na jamais 35été prononcé à Paris, aucune source septentrionale ne venant lattester, même si Jean Froissart place dans la bouche des partisans de Jean Maillart le cri, relativement proche, de : « À la mort, à la mort, tout homme de son côté, car ils sont traîtres ! », cri quil ne peut avoir emprunté à aucune autre chronique antérieure35. En revanche, cet appel à la mort des traîtres se retrouve abondamment dans les sources languedociennes, catalanes et toscanes, dessinant ainsi une aire de diffusion correspondant à un grand arc méditerranéen sétendant depuis Barcelone jusquà Florence. Il devient même un véritable topos des rébellions au sein des chroniques florentines du xive siècle, tant chez Dino Compagni que chez Giovanni et Matteo Villani, ce dernier plaçant lui aussi dans la bouche des adversaires dÉtienne Marcel le cri de « Viva il Delfino, e muoiano i traditori36 », quaucune source ne pouvait lui avoir transmis mais qui constituait, pour le chroniqueur florentin, le marqueur sonore par excellence dune révolte populaire comme il létait aussi pour le rédacteur des annales occitanes.

Toutefois, lun des traits communs à la lettre du dauphin au comte de Savoie, à celle du comte de Poitiers, aux annales montpelliéraines et à la chronique florentine réside dans la dépersonnalisation de la responsabilité de la mort du prévôt des marchands. Là, en effet, où la plupart des récits soulignent le rôle majeur joué par Jean Maillart et les bourgeois qui se trouvaient en sa compagnie, la missive du comte de Poitiers attribue au contraire au « bon peuple de Paris » une prise de conscience, certes tardive, mais essentielle dans la chute dÉtienne Marcel, opposant ainsi dans une rhétorique un peu facile un bon peuple revenu à la fidélité envers son souverain légitime et les plus « gros » de la capitale, milieu auquel appartenaient à lévidence tant le prévôt des marchands et les échevins que furent Jean de Lille, Charles Toussac et Philippe Giffart mais aussi le drapier quétait Jean Maillart. Le discours du comte de Poitiers reflète évidemment très étroitement les positions de son frère aîné, Charles, pour qui le pire a été évité grâce au « bon peuple et commun de Paris [] qui ne voult souffrir que celle horreur fut perpétrée37 ». Mieux encore, le dauphin nhésite pas à écrire au comte de Savoie que « par la grâce de 36Dieu et sans notre sceu, le dit peuple [] se esmut contre le dit prévost et six autres de nos traîtres38 ». Proprement miraculeuse, la chute dÉtienne Marcel ne devrait donc rien aux menées du dauphin et de ses soutiens au sein des élites parisiennes mais serait entièrement à mettre au crédit du « bon peuple de Paris ». De même, sous la plume du rédacteur du Petit Thalamus, ce serait aussi le peuple qui, se voyant déçu et trahi par le prévôt des marchands, aurait pris les armes. Les trois récits dissimulent donc laction décisive de Jean Maillart et lui substituent le schéma dun retournement de la violence populaire, explication dont lécho se retrouve chez Matteo Villani pour qui « tutto il popolo si levo a romore39 ». Or, un tel travestissement na pas quune fonction rhétorique, il a surtout une signification politique : lessentiel, dans ces deux récits, est de montrer que la chute du prévôt des marchands relève non pas de rivalités internes à léchevinat mais au contraire de la volonté dun peuple parisien qui se serait senti trahi par Étienne Marcel et serait revenu à la fidélité envers son souverain légitime. Dans un contexte de fragilisation du pouvoir royal comme du pouvoir consulaire, lutilité dune telle interprétation paraît évidente : il sagit à la fois de réaffirmer la légitimité du roi – et, par effet de miroir, des consuls montpelliérains – à gouverner son peuple et la nécessaire fidélité du peuple envers ses gouvernants.

Conclusion

Pour terminer, il convient de se demander réellement pourquoi le notaire du consulat montpelliérain, en charge de la rédaction des annales de la ville, prit soin de consacrer un tel développement au meurtre dÉtienne Marcel et de linscrire dans la memoria urbaine. Certes, le rôle majeur que joua Pèire Gili dans ces événements pourrait suffire à expliquer un aussi long récit mais le scribe néglige par ailleurs dévoquer tant le combat de Meaux que la Jacquerie et la figure du traître semble parfois seffacer derrière la hantise de la trahison. Lambition du rédacteur des annales nest 37donc nullement de retracer la carrière politique dun Pèire Gili mais de le construire en tant que figure archétypale du traître. De même ne sagit-il pas en réalité de narrer par le détail les actions du prévôt des marchands mais dériger le complot noué avec le roi de Navarre en archétype dune trahison tant redoutée par les élites urbaines. De ce point de vue, en faisant de la trahison le moteur même de laction, le récit montpelliérain se révèle étonnamment proche du ton adopté par le dauphin dans sa lettre adressée au comte de Savoie. Là où le Petit Thalamus met en exergue une « trop grant tracion contra lo rey » dont lune des clauses principales aurait été, outre le meurtre du dauphin et de lensemble des membres des princes de sang, lassassinat et la confiscation des biens des marchands étrangers – Italiens, Catalans, Provençaux et bien sûr Languedociens40 –, la lettre du dauphin Charles évoque une « traïson » qui aurait eu pour objet de mettre à mort « tout le clergié et gens déglise, tous les gentils hommes lors estans en la dicte ville, tous les officiers de monseigneur et de nous, et les deux pars du commun dicelle ville », allant jusquà dire que les maisons des victimes désignées avaient été marquées dun signe particulier pendant la nuit41. Lirruption de la fin tragique dÉtienne Marcel au sein du Petit Thalamus doit donc se lire comme le miroir déformant des réalités méridionales et des angoisses des consuls. Ce que lannaliste raconte nest pas tant ce qui sest passé dans la capitale du royaume que ce qui sest déroulé à Toulouse en 1357 et ce que les consuls redoutent quil se produise à Montpellier. Il construit un récit qui vise à conjurer le risque dune violence populaire qui sen prendrait à ses dirigeants en présentant le modèle dun peuple mettant en pièces ceux qui ont été désignés comme des rebelles et des traîtres. Précaution scripturaire et dérisoire qui nen révèle pas moins les angoisses des élites dirigeantes : pris entre le populus de 1325 dont lopposition aux consuls demeure essentiellement du ressort judiciaire42 et le futur populus de 1379 dont le soulèvement armé fit une centaine de victimes43, le notaire du consulat dresse le portait fantasmé 38de la violence dun peuple brusquement revenu à la raison et mettant à mort cette « brute » dÉtienne Marcel avant que la justice royale ne fasse de même avec ce « truand » de Pèire Gili. Et dans ce schéma dune violence populaire devenue acceptable parce que mise au service du roi, les consuls, à limage du duc de Normandie rétablissant la paix et ayant échappé au complot qui menaçait sa vie, tiennent le beau rôle, celui de « bons » et fidèles sujets que ne pourrait atteindre ni la violence du peuple, ni la traîtrise de certaines élites. Cest donc à une évidente réécriture des événements parisiens à la lueur de la situation méridionale que se livre le scribe montpelliérain, réécriture qui nest en rien dictée par une mauvaise information mais qui reflète avant tout la hantise de la trahison et du complot qui constitue un leit-motiv des annales occitanes. Lépisode apparaît in fine tout autant comme un épisode de lhistoire montpelliéraine que comme une relation de la mort dÉtienne Marcel, la mort du prévôt nétant vue quau prisme de lhistoire méridionale et des angoisses des consuls, comme si les événements parisiens de 1358 tendaient au notaire du consulat un miroir déformant et lui transmettaient un reflet dont il importait de préserver la mémoire.

Terminons par un clin dœil. En 1358, le notaire du consulat était maître Arnaut Ricart qui mourut le 20 juin 1361. Celui qui le remplaça alors et prit la suite de la narration des annales consulaires jusquà sa mort en 1393 nétait autre quun clerc royal du nom de Pèire Gili, sans quil soit possible de déterminer sil avait un quelconque lien de parenté avec son homonyme décapité en place des Halles à Paris et dont le souvenir devait encore hanter les murs de la maison consulaire. Rien ninterdit pourtant dévoquer la figure du notaire Pèire Gili lisant dans le Petit Thalamus le récit des événements parisiens et médisant – ou méditant – sur le funeste sort de lépicier Pèire Gili…

Vincent Challet

Université Paul-Valéry Montpellier 3

1 Grâce à un projet de recherches financé par lAgence Nationale de la Recherche et dirigé par Vincent Challet, ces annales occitanes ont fait récemment lobjet dune édition électronique entièrement accessible en ligne : thalamus.huma-num.fr/annales-occitanes.

2 Sur le principe de composition et les structures décriture des annales occitanes insérées au sein du Petit Thalamus de Montpellier, voir V. Challet, « Les Annales occitanes, introduction historique », http://thalamus.huma-num.fr/introduction/introduction-historique.

3 Sur ces différents aspects, voir V. Challet, « Lire, écrire, raconter : le Petit Thalamus ou linvention dune identité urbaine à Montpellier », Aysso es lo comessamen. Écritures et mémoires du Montpellier médiéval, dir. V. Challet, Montpellier, P.U.L.M., 2017, p. 63-78.

4 Ph. Contamine, « En guise de conclusion : les villes de Languedoc et la chevauchée dÉdouard, prince de Galles (12 octobre-28 novembre 1355) », Défendre la ville dans les pays de la Méditerranée occidentale au Moyen Âge, Montpellier, 2002, p. 195-210, et V. Challet, « Une ville face à la guerre : lentrée de Montpellier dans la guerre de Cent Ans (1352-1364) », Annales du Midi, t. 126, no 286, avril-juin 2014, p. 161-180.

5 B. Chevalier, Les bonnes villes de France du xive au xvie siècle, Paris, Aubier, 1982.

6 La lettre ayant pour objet de convoquer des représentants de lensemble des villes de la province à une réunion des États Généraux de Languedoc à Toulouse, il y a tout lieu de supposer que le texte en était, à la seule exception de ladresse, rigoureusement identique, quels que soient les consuls concernés.

7 Publiée par L. Ménard, Histoire civile, ecclésiastique et littéraire de la ville de Nismes, Nîmes, 1744-1758, vol. II, Preuves, p. 182, pièce CII.

8 Voir lédition en ligne : http://thalamus.huma-num.fr/annales-occitanes/annee-1356.html.

9 Sur la genèse de cette liste, voir Fr. Bériac-Lainé et Chr. Given-Wilson, Les prisonniers de la bataille de Poitiers, Paris, Honoré Champion, 2002, p. 84-88 ; la liste des prisonniers figure en annexe (p. 345-361). Nos propres recherches ont permis de compléter lindispensable travail didentification de ces personnages. Pour une synthèse récente des dernières avancées sur ce sujet, voir Fr. Lainé et N. Savy, « Un vicomte rescapé, un comte retrouvé et un chevalier ruiné. Note sur des prisonniers de la bataille de Poitiers », Annales du Midi, t. 128, no 293, janvier-mars 2016, p. 47-65.

10 J. dAvout, Le meurtre dÉtienne Marcel (31 juillet 1358), Paris, Gallimard, Coll. « Les Trente journées qui ont fait la France », 1960.

11 Ibid., p. ix. Lexpression est de Gérard Walter dans son introduction à louvrage et non de Jacques dAvout lui-même.

12 R. Cazelles, Étienne Marcel. La révolte de Paris, Paris, Tallandier, 1984.

13 Voir lédition en ligne : http://thalamus.huma-num.fr/annales-occitanes/annee-1358.html.

14 V. Challet, « Une stratégie de la peur ? Complots et menaces populaires en Languedoc à la fin du Moyen-Âge », Por politica, terror social, Fl. Sabaté (coord.), Lleida, Pagès, 2013, p. 153-171. La même année que le meurtre dÉtienne Marcel, les annales montpelliéraines évoquent par ailleurs un complot ourdi par un chevalier de Nîmes du nom de Georges Rati qui devait, avec ses complices, livrer Nîmes, Beaucaire, Lunel et quelques autres localités au sénéchal de Provence.

15 DAvout, Le meurtre, p. 333-335 pour la liste des chroniques sollicitées. Une constatation identique peut être faite à propos de louvrage de Raymond Cazelles.

16 Sur limportance et la signification de la notion de trahison, voir M. Billoré, « Introduction », La trahison au Moyen Âge. De la monstruosité au crime politique (ve-xve siècle), éd. M. Billoré et M. Soria, Rennes, P.U.R., 2009, p. 15-34.

17 Arch. Mun. de Montpellier, Louvet, D. 19, no 61. La lettre fut écrite à Albi le 8 août et reçue à Montpellier quatre jours plus tard. Le comte de Poitiers y précise quil a été informé de lévolution de la situation parisienne par son propre frère, Charles, duc de Normandie.

18 Jean de Lille, orfèvre parisien, ancien fournisseur de lArgenterie royale, échevin de Paris en 1357-1358, fit partie des généraux élus par les États pour contrôler la perception du subside voté par ces États en 1357 et 1358 ; Charles Toussac fut échevin en 1355-1356 ; Philippe Giffart, drapier, échevin en 1356-1357 et neveu dÉtienne Marcel, aurait été la première victime de lémeute.

19 Voir lédition en ligne : http://thalamus.huma-num.fr/annales-occitanes/annee-1358.html : « et I trahidor que avia nom P. Gili de Sant Guilhem del Dezert, que era de la part del dich rey de Navarra ».

20 Chronique des quatre premiers Valois (1327-1393), éd. S. Luce, Paris, Société de lHistoire de France, 1862, p. 61.

21 Arch. Nat., X1A 14, fol. 476-477 ; publié par S. Luce, Histoire de la Jacquerie, Paris, Honoré Champion, 1894, pièce justificative LVIII, p. 313-320.

22 Sur le sens de cette opération, voir V. Challet, « Violence as a Political Language. The Uses and Misuses of Violence in Late Medieval French and English Popular Rebellions », dans J. Firnhaber-Baker (éd.), The Routledge History Handbook of Medieval Revolt, Abingdon, Routledge, 2017, p. 279-291, et J. Dumolyn, « The Vengeance of the Commune : Sign Systems of Popular Politics in Medieval Bruges », éd. H. R. Oliva Herrer, V. Challet, J. Dumolyn et M. Carmona Ruiz, La comunidad medieval como esfera publica, Séville, Presses Universitaires de Séville, 2014, p. 251-289.

23 Arch. Nat., X1A 14, fol. 476-477 ; ce portrait de Pèire Gili est en effet dressé dans cet arrêt du Parlement de Paris par des villageois accusés davoir participé à la destruction du manoir de Pierre dOrgemont. Ils tentent donc de se disculper en argumentant quils nont agi ainsi que sous la contrainte et en raison de la peur que leur inspirait le comportement de Pèire Gili et ils le font dautant plus volontiers quau moment du procès en Parlement, Pèire Gili a déjà été exécuté.

24 AN, JJ 105, no 91 ; publié par Luce, Histoire de la Jacquerie, pièce justificative XIX, p. 240-242. Il sagit dune lettre de rémission délivrée par Charles V en décembre 1373. Le texte précise que « feu Pierre Giles, traitte et rebelle à nous et à la couronne de France, comme capitaine des gens darmes de nostre dicte ville de Paris, comme noz ennemis et traytres, vindrent en notre dicte ville de Meauls à bannières desploiées, pour assaillir et prendre à leur volenté nostre dicte compaigne, et pour les gens darmes et les dis nobles de sa compaignie desconfire et debeller, les quelles portes de la dicte ville de Meauls les dis habitants, comme desobeissans et desloyauls à nous, ouvrirent au dit Pierre Giles et à ses complices nos ennemis et rebelles, et le recueillirent, et administrèrent vins et autres vivres et neccessitez, et leur feirent mettre les tables parmi les rues pour les raffreschir, et de tout leur pooir les confortèrent ».

25 Arch. Nat. de France, JJ 89, no 5, fol. 3r-v ; cité par R. Delachenal, Histoire de Charles V, Paris, Picard, 1909, t. I, p. 400, note 2.

26 Chronique des quatre premiers Valois, éd. S. Luce, Paris, Société de lHistoire de France, 1862, p. 85.

27 Lettre publiée par J. Kervyn de Lettenhove, Chroniques de Froissart, Bruxelles, 1868, t. VI, p. 473-479. La liste se présente comme suit : « Pierre Gilles, Gille Caillart, chastellain du Louvre, Josseran de Mascon, Charles Toussac, Jehan Godart, Pierre de Puisieux, Jehan Prévost, Pierre Leblont et Jehan Bonvoisin [] et Thomas de Ladit. » Lépisode du meurtre des maréchaux apparaît plus loin dans le même document : « Item, a confessé le dit Pierre Gilles que, lorsquils meurtrirent nos chevaliers, comme dit est, il nous cuida murtrir et tuer, se Dieu, plus que autre, ne nous eust garanti. »

28 S. Luce, « Un des meneurs de la commune de 1358 : Pierre Gilles », La France pendant la guerre de Cent Ans. Épisodes historiques et vie privée aux xive et xve siècles, Paris, Hachette, 1890, t. I, p. 25-30.

29 Luce, Histoire de la Jacquerie, pièce justificative XXII, p. 249-251.

30 Voir lédition en ligne : http://thalamus.huma-num.fr/index-personnes/lettre-A.html#BdAuriac.

31 Voir lédition en ligne : http://thalamus.huma-num.fr/annales-occitanes/annee-1358.html : « devia aver los bens dels merchans de Monpelier e dels autres de Lenguadoc ».

32 Étienne Marcel expédia aux échevins dYpres deux lettres datées des 28 juin et 11 juillet 1358 ; publiées par DAvout, Le meurtre, p. 303-310.

33 Chronique de Jean II et de Charles V, éd. R. Delachenal, Paris, Société dHistoire de France, 1910, t. I, p. 207.

34 V. Challet, « Mueyron, mueyron los traidors : histoire dun cri judiciaire », dans Fr. Chauvaud et P. Prétou dir., Clameur publique et émotions judiciaires. De lAntiquité à nos jours, Rennes, P.U.R, 2013, p. 221-234.

35 Chroniques de Froissart, éd. S. Luce, Paris, Société de lHistoire de France, 1874, t. V, p. 115.

36 V. Challet, « Mueyron, mueyron los traidors », art. cité. Précisons que le cri de « Vive le dauphin ! » est très improbable, les chroniques parisiennes attestant que Charles nest jamais été désigné par ce titre mais par celui de duc de Normandie.

37 Lettre publiée par Lettenhove, Chroniques de Froissart, p. 476.

38 Ibid., p. 476.

39 Cronica di Giovanni Villani a miglior lezione ridotta, éd. Fr. Gherardi Dragomanni, Florence, 1845, vol. 3, p. 120.

40 Voir lédition en ligne : http://thalamus.huma-num.fr/annales-occitanes/annee-1358.html.

41 Lettre publiée par Lettenhove, Chroniques de Froissart, t. VI, p. 476.

42 Sur laffaire des « populaires » de Montpellier, voir J. Combes, « Finances municipales et oppositions sociales à Montpellier au commencement du xive siècle », dans Vivarais et Languedoc, Montpellier, 1972, p. 99-120 ; J. Rogozinski, Power, Caste and Law. Social Conflict in XIVth Century Montpellier, Cambridge, 1982, et P. Chastang, La ville, le gouvernement et lécrit à Montpellier. Essai dhistoire sociale, Paris, Publications de la Sorbonne, 2013.

43 V. Challet, « Montpellier 1379 : une communauté au miroir de sa révolte », La comunidad como esfera publica, p. 377-397.