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Classiques Garnier

L’assassinat de Roger d’Auterive (Wouter van Outrive), le 6 septembre 1379, dans quelques manuscrits des Chroniques de Froissart du début du xve siècle et leur illustration

  • Type de publication : Article de revue
  • Revue : Cahiers de recherches médiévales et humanistes / Journal of Medieval and Humanistic Studies
    2017 – 2, n° 34
    . varia
  • Auteur : Raynaud (Christiane)
  • Résumé : Jean Froissart relate avec angoisse dans le livre II des Chroniques l’assassinat de Roger d’Auterive (1379). L’événement, peu représenté, est retenu par trois enlumineurs, à Paris au début du xve siècle, pour des commanditaires marqués par la guerre civile et les troubles de 1413 et 1418 qui lui redonnent une actualité. Ils situent l’affaire en dehors de Gand, critiquent le bailli et, avec les Chaperons blancs, précisent les responsabilités des meneurs et des exécutants, avant ou pendant la tuerie.
  • Pages : 39 à 60
  • Revue : Cahiers de recherches médiévales et humanistes - Journal of Medieval and Humanistic Studies
  • Thème CLIL : 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
  • EAN : 9782406077411
  • ISBN : 978-2-406-07741-1
  • ISSN : 2273-0893
  • DOI : 10.15122/isbn.978-2-406-07741-1.p.0039
  • Éditeur : Classiques Garnier
  • Mise en ligne : 20/01/2018
  • Périodicité : Semestrielle
  • Langue : Français
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Lassassinat de Roger dAuterive (Wouter van Outrive),

le 6 septembre 1379, dans quelques manuscrits
des Chroniques de Froissart du début du xve siècle
et leur illustration

Les affaires de Flandre1 ont fait lobjet de travaux très nombreux et riches en débats vigoureux2. Les grandes lignes des événements sont connues. Dès le xe siècle, le comté de Flandre se signale par la vitalité de ses villes3. Aux xiie et xiiie siècles, sa prospérité, à lintérieur du royaume le plus riche dEurope, est éclatante avec la naissance dune puissante industrie drapière qui repose sur lapprovisionnement en laine anglaise et lorganisation de foires très actives. Bruges est le plus grand port septentrional du continent et dès la fin du xiiie siècle la principale 40place financière européenne, hors dItalie. Entre la fin du xiiie siècle et le début du xive siècle, la mainmise des milieux daffaires sur les gouvernements municipaux, la crise de la Flandre agricole puis la dépression générale bouleversent le pays. Dans le même temps, depuis Philippe Auguste, les rois de France cherchent à dominer la principauté en tentant dexercer une tutelle étroite qui froisse les particularismes locaux. Les troubles commencent avec la succession de la comtesse Marguerite en 1280. Le conflit de Guy de Dampierre et de Philippe le Bel, ouvert en 1297, est marqué entre autres par les Matines de Bruges (18 mai 1302) et la défaite de la chevalerie française à Courtrai (11 juillet 1302). Après 1304, les Flamands matés sont accablés de lourdes indemnités de guerre. Ils rechignent à les payer, ce qui entraîne lannexion de Lille, Douai, Béthune en 1312, des expéditions militaires jusquen 1319 et une nouvelle révolte en 1323. Le roi de France écrase les milices flamandes, le 23 août 1328, à Cassel. Les troubles réapparaissent à la fin du principat de Louis de Male (1346-1384). Intervient alors, de 1379 à 1385, une période définie comme critique par Philippe Contamine4. Lassassinat de Roger dAuterive, bailli de Gand, est le premier coup porté contre le comte, le 6 septembre 1379. Il est suivi immédiatement de la mise en place dun gouvernement populaire5. Lévénement nest pas le premier du genre6 et noccupe dans lhistoriographie quune place modeste, tant Philippe van Artevelde domine la période. Parmi les chroniqueurs qui 41en font état, Jean Froissart est un des plus prolixes. Son récit donne lieu dans quelques exemplaires des chroniques à une illustration7. Mise en relation avec la personnalité des commanditaires et des peintres, la mémoire de lévénement rapporté avec angoisse par Froissart est alors ravivée avec force dans un contexte dramatique et montre son influence bien au-delà du comté.

La mémoire de lévénement
du texte au discours visuel

Un Hennuyer au fait des affaires flamandes

Jean Froissart leur consacre une Chronique de Flandre qui sétend de 1378 à 1385, écrite jusque vers 1386 et corrigée et reprise dans le livre II de ses Chroniques8. Né vers 1337 à Valenciennes, il finit ses jours en Hainaut après 14049. Il a dabord pour mécène10 la reine dAngleterre 42dont il est clerc et familier. À la mort de Philippa de Hainaut en 1369, il bénéficie des libéralités de Wenceslas de Luxembourg et, dès avant 1373, devient curé à Estinnes-au-Mont (Hainaut). Il fait alors la connaissance de Robert de Genève, évêque de Cambrai, futur Clément VII. Si le Hainaut est neutre pendant tout le schisme, Froissart est, comme une grande partie de ses contemporains, favorable à Avignon. Le schisme le prive du canonicat. De fin 1380 à 1383, il fait plusieurs séjours à la cour de Wenceslas, à Bruxelles. Au décès de son second mécène, en août 1383, il se rapproche de Guy de Blois, seigneur de Chimay, qui lui confère loffice de trésorier du chapitre vers 1385. Dès 1373, est mentionné un autre mécène : Enguerrand VII de Coucy, possessionné en Picardie. Ce chef de guerre livre des informations qui nourrissent de nombreux passages des chroniques11. Froissart aurait été lui même témoin de certains événements12. Il comprend les enjeux, y compris pour les révoltés, qui nont pas sa sympathie même sil met en scène les excès de leurs adversaires. Pour les troubles de Flandre, les historiens considèrent, au-delà dun certain nombre derreurs factuelles, quil est bien informé.

Le récit

Il figure déjà dans le manuscrit de Leyde terminé en 1403-1404, témoin le plus ancien du livre II13. Froissart, en une dizaine de folios, 43évoque linimitié de Bruges et de Gand, haines contenues par le comte qui les empêche de se faire la guerre. Elle se déclenche pourtant après deux incidents. À Gand une rivalité ancienne oppose pour obtenir la faveur du comte deux familles. La première est celle de Jean Yoens14. Il assassine Jan Doncker qui a déplu au comte et ce dernier le fait doyen des bateliers en récompense. La seconde famille est celle de Gilbert Mahieu, qui pour ruiner linfluence de la première persuade le comte de faire payer une taxe supplémentaire aux bateliers étrangers. Yoens soppose à cette nouvelle taxe, le comte le remplace par Mahieu et la nouvelle redevance est établie. Les Brugeois réveillant alors une vieille querelle décident, avec le consentement du comte, de creuser un canal entre la Lys et la Reye, autant dire la ruine pour Gand15. Les Gantois se tournent vers Yoens, qui les invite à rétablir lassociation des Chaperons blancs16, vieille dun demi-siècle ; il en est élu chef. Avec une bande de cinq cents hommes, il sapprête à courir sur les Brugeois, mais comme ils senfuient, il reste à Gand.

Les Gantois ont un second sujet de plainte. Ils accusent le comte de porter atteinte à leurs franchises en tenant en prison un meunier, bourgeois de Gand, que le bailli refuse de rendre sans le consentement du comte et un Chaperon blanc arrêté pour son attitude provocante. Des messagers, dont Gilbert Mahieu, sont envoyés au comte, ils ont gain de cause, à condition que les Chaperons blancs soient dissous. Yoens démontre au peuple quavec une telle exigence cen est fait des franchises de la ville puis, craignant quelque surprise de la part de Mahieu, il donne ordre à ses gens de se tenir sur leurs gardes. Peu après, le bailli de Gand, Roger dAuterive, avec deux cents chevaux, arrive dans la ville pour exécuter les ordres du comte. Il savance jusquau marché du Vendredi, la bannière du comte à la main, escorté des Mahieu et des doyens des menus métiers. 44Ils devaient saisir Yoens avec six ou sept de ses gens et leur couper la tête. Ce dernier qui, se doutant de la chose, avait rassemblé quatre cents Chaperons blancs, marche au milieu dune troupe qui grossit jusquau marché. À sa vue, les Mahieu et les petits métiers senfuient, le bailli est jeté à terre, tué, la bannière du comte mise en pièces et foulée aux pieds. Les gens du comte, qui ne sont pas attaqués, remontent à cheval et prennent la fuite sans être poursuivis. Les Chaperons blancs se rassemblent derrière Yoens et partent à la chasse des partisans de Mahieu. Le corps du bailli est enterré par les frères mineurs dans leur église17.

Le vocabulaire

Dans les sept paragraphes qui précèdent lassassinat, Froissart explique que les lignages des riches, des sages, des paisibles laissent faire les Chaperons blancs, cette « pendaille et ribaudaille », car pour être craints et renommés, ils ont besoin de « fols et outrageus18 ». Les portraits des principaux protagonistes sont plus nuancés. Jean Yoens est décrit comme « sage homme, soutil, hardit, cruel et entreprenant et froit au besoing assès19 ». Son rival Gilbert Mahieu est « riche homme, sage, soutil et entreprendant grandement trop plus que nuls de ses frères20 ». Jean Yoens « entoueille » la ville de Gand contre ceux de Bruges et envers son seigneur21. Il met le peuple en garde : « ceste parole aveugla si le peuple22 ». Surtout il a « tant semés de blans capprons aval la ville et donnés as compaignons hardis et outrageus que on ne losoit assaillir23 ». Étienne Mahieu considère dailleurs que Yoens est « plus fors en le ville que li contes24 ». De fait Yoens, « doyen des blancs capprons est à la tête dune route avec diis ou douze des plus notables révoltés25 ». 45Cette compagnie, jour et nuit sur ses gardes, a lorganisation dune milice communale avec « cappitaines des blans capprons, centeniers, chienquanteniers et diseniers26 ».

Dans le paragraphe consacré à « loutrage27 », Froissart explique que le bailli doit se saisir dans sa maison « du doiien des blans capprons et siis ou siept de leur sexte des plus notables ». Yoens qui « avoit ses gettes et ses escoutes semés aval la ville » fait rassembler dans la rue derrière sa maison « ceux qui blans capprons portoient », ils sont plus de quatre cents. Plus « fier quun lion28 », Yoens les exhorte et « avec sa route, sen vint le grand pas ». Sans cesse la troupe saccroit de nouveaux venus. Le doyen et sa « grosse route » de Chaperons blancs se dirigent vers le bailli et « sans sonner mot » (cest-à-dire sans cri de guerre), il est « pris et atierrés et présentement occis ». Puis se rassemblant autour de Yoens, ils laissent les gens du bailli quitter la ville « tout esbahi29 ».

Froissart, qui sadresse à un public daristocrates, montre par linjure son mépris à légard des révoltés. Il manifeste son inquiétude en décrivant en termes militaires lorganisation et lhabitude de combattre ensemble des Chaperons blancs30. Le peuple en armes est trompé, abusé par la parole de chefs habiles rhéteurs à la cour comme à la ville et contraints à risquer le tout pour le tout. Il approuve Yoens et le suit aveuglément jusquà lassassinat, qualifié fortement doutrage31, cest-à-dire faute grave, acte inadmissible, acte de défi à lautorité32.

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Froissart décrit avec précision
l
échec du rituel qui suit loutrage

J.-M. Moeglin fait la démonstration de son efficacité dans lépisode des Bourgeois de Calais33, M. Boone létudie pour Gand34 et J. Haemers le décrit pour la période 1432 à 149235, dans les anciens Pays-Bas. Il est utilisé de manière rationnelle par les révoltés et de longue date.

Le prince a porté par trois fois atteinte aux privilèges et franchises de la ville et à son intérêt. Il na pas entendu les avertissements, les murmures après la réintégration de Yoens, il semble ne pas vouloir tenir compte du rétablissement des Chaperons blancs et de lexpédition manquée de Yoens contre les Brugeois. Son bailli avec arrogance refuse de libérer le bourgeois et le Chaperon blanc, quil a fait incarcérer au nom du maintien de la paix publique. Sil a le droit darrestation et de saisie et peut emmener ses prisonniers dans la prison comtale, les échevins ont eux le droit de faire élargir le détenu quand il ny a pas de flagrant délit36. Les Keures37 stipulent aussi que le Magistrat partage avec le bailli lautorisation délargir38. Le bailli laccorde dordinaire car, sil refuse, il doit entretenir à ses frais le prisonnier. Par ailleurs, les nombreux déplacements du bailli dans les villes voisines visent à faire libérer les bourgeois de la ville qui auraient pu être arrêtés, ce que Gand ne tolère pas39.

La première phase est celle dune violence maîtrisée. Le bailli, pour les Gantois, a outrepassé ses fonctions qui sont définies et lui valent dêtre étroitement surveillé tant par le comte que par la ville. Il est exécuté. Le texte insiste sur la rationalité de lopération : le rassemblement des Chaperons blancs derrière la maison de Yoens, leur arrivée par les rues étroites sur la place du marché dès lannonce de lentrée dAuterive, lassassinat du bailli désarçonné et tué sans que les Chaperons blancs 47disent un mot. Dans le feu de laction, la bannière du comte est déchirée et foulée aux pieds alors que les gens du comte ne sont inquiétés en aucune manière. Lenterrement du corps par les Mineurs qui, par leurs prêches sont favorables aux Gantois, est révélateur.

La deuxième phase est la demande de pardon. La réaction des riches et des notables ne permet pas de lentamer, première entorse au rituel. Plusieurs bonnes gens de la ville de Gand, « li sage homme et li riche homme » mesurent la gravité de loutrage. Mais aucun nose instaurer et lever une amende, ni corriger les auteurs. Jehan de Faucille, pour éviter dêtre inquiété, quitte Gand le plus « coiement » possible et fait dire quil est malade. Les riches et les notables, qui avaient appris à vivre avec leurs femmes et leurs enfants, leurs marchandises et leurs héritages honorablement et sans danger se sentant coupables « se concertent pour chercher à amender ce forfait et eulx mettre en le merchi dou comte, si valoit mieux tempre que tart40 ». À ce « conseil et parlement » ils appellent Jean Yoens et les capitaines des Chaperons blancs, ils ne peuvent pas faire autrement. Après discussion, ils décident de choisir douze hommes notables et sages et de les envoyer « requerir merci et pardon de la mort du bailli et de revenir en la paix et que jamais riens nen fust demandé », moyennant une amende, processus en quelque sorte habituel et dont le résultat fait peu de doute. De fait, le rituel fonctionne, le comte, sa nécessaire colère apaisée, accorde son pardon à la ville moyennant une amende. Mais Yoens, conscient davoir commis lirréparable envers son seigneur et certain de le payer de sa vie dun jour à lautre, trouve le moyen de lier la ville à son sort. Pendant lambassade, il conseille aux Chaperons blancs de se réunir pour parer à toute éventualité et semblant ignorer lissue prévisible du rituel, en convainc six mille pour être plus craints, daller au beau et très couteux château comtal de Wondelghen. Il est pillé et le feu est mis en vingt lieux « par aventure, mescheance et non autrement41 » sans que Yoens ait donné lordre et à titre préventif, car il est près de la ville. Froissart conclut que la ville le paya de deux cent mille vies. Froissart de son vivant aurait donné des instructions concernant le programme iconographique de ce récit dense et complexe. Il est illustré par des images qui ajoutent des éléments nouveaux et donnent à lévénement une toute autre portée.

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Du rituel flamand
à la peur et la haine

Les manuscrits, les copistes et les peintres

La moitié des volumes subsistant des chroniques a été conçue pour être illustrés, certains nont quune image en frontispice, beaucoup en comprennent dix à trente et certaines copies bien plus42. Les premières copies illustrées, dix pour le livre II, sont parisiennes et datent de la première décade du xve siècle43. Le libraire Pierre de Liffol organise tous les stades de la production du travail de copie jusquà la reliure et même la restauration44. La mort du bailli figure dans deux manuscrits du livre II : le Besançon, BM, 865, le Paris, BnF, fr 2664 et dans une copie plus tardive, de facture médiocre, le Paris, BnF, fr 2658. Les deux premiers sont exécutés en même temps à partir dun manuscrit de base, dune même maquette et en recrutant les mêmes copistes45, enlumineurs et relieurs. Dimensions et mise en page sont identiques46 et les mains de trois copistes se retrouvent dans les deux volumes. Ces exemplaires se distinguent des autres manuscrits du groupe parisien par la place quils accordent dans leur programme iconographique aux troubles de 49Flandre de 1379 à 1385 : cinq miniatures sur vingt-et-une dans le 865 de Besançon et quatre sur six dans le fr 266447 et le fr 265848.

Le Maître de Giac a illustré le Paris, BnF, fr 2664 pour Tanguy du Chastel et le Maître de Boèce le Besançon, BM, 86549. Les deux maîtres collaborent de manière régulière en fonction de leurs disponibilités respectives avec un calendrier chargé50. Chaque volume a sa singularité, adaptée au commanditaire ou au goût de la clientèle, pour les manuscrits dont les écus sont vides darmoiries comme le 865. Le Maître de Giac, originaire de Troyes, sinstalle à Paris au plus tard en 1415 et jusquen 1420 environ avant de gagner lAnjou. Il a œuvré dans une quarantaine de manuscrits. Surtout spécialiste de livre dheures, il réalise un livre de la chasse pour le dauphin Louis de Guyenne, un Boccace pour Jean de Berry51 et deux Bibles historiales. Le Maître de Boèce travaille avec lui dans ces deux derniers manuscrits. Il sinspire du Maître de Giac aux environs de 1415 et se spécialise dans lenluminure de textes dhistoire. Il a peu de goût pour lhéraldique, mais lui accorde à la demande une grande place. Ses représentations de ville sont stéréotypées52. Pour G. Croenen et L. Harf-Lancner, ces premiers exemplaires parisiens des chroniques sont profrançais53. Ils ne le sont pas de la même façon. I. Villela Petit remarque que les commanditaires identifiés par leurs armoiries sont 50tous des laïcs, seigneurs et officiers de la cour de Charles VI. Beaucoup sont des seigneurs bourguignons proches de Jean sans Peur : Charles de Savoisy chambellan du roi et grand bouteiller, Jean de Roubaix, le connétable Waleran de Luxembourg, son neveu Pierre futur comte de Saint-Pol, Pierre de Fontenay. Au moins un est armagnac, Tanguy du Chastel. Pour les autres, non identifiés par des armoiries, ne reste que le programme iconographique pour suggérer une option politique54. La situation à Paris joue sur la composition de la clientèle. Après la Révolte cabochienne, les Bourguignons sont écartés et la ville est de 1413 à 1418 sous le contrôle des Armagnacs. Les peintres œuvrent alors principalement pour eux et après 1418, sils nont pas quitté la capitale, sans doute pour les Bourguignons.

Les commanditaires, le bailli
et les chaperons blancs

Du commanditaire du manuscrit fr 2658, on ne sait rien. Pour le Besançon 865 qui comprend aux folios 1 et 201 des écus restés vides darmoiries, il est possible davancer quil na pas trouvé preneur dans limmédiat et détablir un lien avec le contexte de réalisation de son programme iconographique, entre 1412 et 1414. Le manuscrit fr 2664 a pour commanditaire Tanguy du Chastel55. Le folio 6 porte les armes dans des écus surpeints de Jean de Derval56. Les deux sont bretons et hommes de guerre. Tanguy III du Chastel (1370-1449) entre dès 1404 au service de Louis dOrléans. Son frère tué par les Anglais devant lîle de Jersey, il lance une expédition contre Darmouth en Angleterre. Après lassassinat en 1407 du frère du roi, il commande en 1410 à Rome les troupes de Louis II dAnjou, roi de Sicile contre Ladislas Ier de Naples. De retour en France, il sert le dauphin Louis de Guyenne, qui en fait son 51maréchal de Guyenne. Il est prévôt de Paris à plusieurs reprises entre 1413 et 1418. En 1415, chambellan de Charles VI, il chasse les Bourguignons de Chevreuse et participe le 25 octobre 1415 à la bataille dAzincourt. En 1417, il est nommé maréchal et gouverneur de la Bastille par le dauphin Charles, dont il est un favori. Il soppose aux Bourguignons et fait échapper le Dauphin de la capitale le 28 mai 1418. Il négocie en 1419 au nom du Dauphin une paix avec Jean sans Peur, mais il est avec Jean Louvet un des principaux instigateurs de lassassinat du duc de Bourgogne. Présent à Montereau, le 10 septembre, il aurait frappé un des premiers57. Entre 1413 et 1418, il nest pas capitaine de la ville car sont nommés à cette charge des grands seigneurs58 qui ont la confiance du parti au pouvoir ; cependant, commandant la garnison, son rôle en temps de guerre est très important. Surtout il est prévôt de Paris à trois reprises entre août 1413 et mai 141859. Son rôle à ce poste clef est déterminant aux moments les plus dangereux avant quil naccède plus longuement à cette fonction dans un contexte militaire assombri60. Le prévôt, officier royal nommé, joue le rôle dun bailli royal et en a les attributions : administrer, juger ou prélever limpôt. La mort du bailli de Gand na pu le laisser indifférent. La personnalité de la victime joue dans le choix de représenter lépisode et dans la manière dont il est figuré.

52

Même si le grand bailli de Gand61 na pas des pouvoirs aussi étendus que le prévôt du roi, sa fonction au temps de Louis de Male a pris une nouvelle dimension qui en fait une pièce maîtresse de la réforme administrative. Roger dAuterive62 est bailli dYpres du 20 septembre 1367 au 7 janvier 1368, bailli dAlost du 30 mars 1369 à 1370 et bailli de Gand du 8 janvier 1375 au 6 septembre 1379. Étranger à la ville, il ne doit pas y rester longtemps pour mieux défendre les intérêts du comte. Il ny a pas de différence hiérarchique entre les trois postes quil occupe tour à tour. Son long séjour à Gand atteste une carrière réussie. Représentant du comte, cest un homme nouveau63, nommé et révoqué par lui. Entretenu par le pouvoir central, il reçoit des dons et porte livrée, cest-à-dire des robes du prince, car il ne peut pas être vêtu comme les bourgeois des villes. Il est justiciable devant la justice comtale, qui se réserve de juger les méfaits dont il est victime. Sous les ordres du receveur de Flandre, il est, après la création en 1372 de loffice de souverain bailli de Flandre, aussi sous son autorité. Très surveillé, il a des attributions financières, reçoit des serments, préside au renouvellement des magistrats, participe à la nomination des officiers territoriaux urbains et contrôle la gestion des échevins. Il a des fonctions de police et relève de lui la publication des ordonnances comtales et échevinales, la protection des religieux, des veuves et des orphelins. Par délégation comtale, il est gardien de la paix publique, maintient lordre et veille à la sécurité dans les villes et les campagnes. Ses fonctions militaires découlent de ses attributions policières. Les baillis sont accusés de mal traiter leurs administrés et de faire preuve dune insatiable cupidité, leurs sergents sont brutaux. Pourtant la plupart restent en charge et exercent dans un nouveau bailliage paisiblement. Leurs administrés leur manifestent même leur reconnaissance en des circonstances privées. En temps de commotions populaires, la colère du peuple est dirigée contre 53eux, car agents du comte ils font tout pour sauvegarder les droits de leurs maîtres. Ils font face en 1379 comme Roger dAuterive à Gand ou Olivier de Steenbrugghe à Ypres, qui déploie la bannière comtale, descend au milieu des insurgés et leur tient tête. Déjà en 1364, Jean de Prisenare, bailli dYpres, avait été jeté par la fenêtre des halles sur la GrandPlace, ce qui avait frappé durablement les esprits.

Dans le programme iconographique des manuscrits parisiens évoquant le 6 septembre 1379, les Chaperons blancs sont la clé. Le récit de ce qui passe en mai 1413 à Paris par lauteur du Journal dun Bourgeois de Paris en donne la raison :

En ce dit mois de mai prit la ville chaperons blancs et en firent bien faire de 3 à 4000 et en prit le roi un et Guyenne et Berry et Bourgogne, et avant que la fin du mois fût, tant en avait à Paris, que tout partout vous ne vissiez guère autres chaperons, et en prirent hommes déglise et femmes dhonneur marchands qui a tout vendaient les denrées64.

Dans un premier temps 3 à 4 000 chaperons blancs sont donc confectionnés, ils sont portés dès le début du mois de mai, puis la fabrication augmente et fin mai le port du chaperon devient obligatoire, tout le monde en est coiffé. Le 10 mai, 12 000 Chaperons blancs viennent entendre le carme Eustache de Pavilly. En se couvrant du chaperon le 18 mai dans une assemblée devant lHôtel Saint-Pol, à la demande de Jean de Troyes, prévôt des marchands, des échevins et des bourgeois, le roi Charles VI et les ducs Guyenne, de Berry et de Bourgogne, le Parlement et le recteur de lUniversité consentent à lintensification du mouvement. Leur sécurité est à ce prix65. Les Cabochiens ont donc renoncé au chaperon pers, (vert) de Bourgogne, au collier avec la croix de Saint-André et au souhait de longue vie pour le roi en faveur du chaperon blanc, couleur de Gand. La référence à la ville, symbole des révoltes urbaines, est pour les Cabochiens un moyen de légitimer leur propre révolte et de réaffirmer les libertés de Paris. Intervient alors une démonstration de plus grande portée. À ce moment arrivent à Paris des envoyés de Gand, ils viennent demander au duc de Bourgogne, Jean sans Peur, de leur confier son fils aîné. Il y a entre Gantois et Parisiens le souvenir de communes 54épreuves subies pour la même cause. Aussi leur est offert à lHôtel de ville un banquet magnifique où les chaperons sont échangés après de beaux discours. Les Gantois promettent aux Parisiens secours de leurs biens et de leurs personnes en toute occasion. Lalliance sappuie sur une communauté dintérêts, un large réseau commercial sétendant du nord du royaume à la Flandre. Les Parisiens en attendent un soutien moral pour la partie septentrionale du royaume. Ils cherchent ensuite à obtenir le soutien dautres villes du royaume ; ils envoient des représentants et des messages invitant les bourgeois à prendre le chaperon blanc. Sens et Rouen adhèrent sous réserve daccord du roi. Mais lalliance ne se traduit pas concrètement dans les faits66. Dans les trois manuscrits étudiés, les Chaperons blancs sont figurés lors de lassassinat de Roger dAuterive, mais ne le sont plus avec leur coiffe emblématique dans les combats qui ont suivi, sous la direction de Philippe dArtevelde67.

Les représentations du 6 septembre 1379

Dans le discours visuel68, les chaperons symboles dautogestion, instruments de mobilisation et signes de reconnaissance tiennent une place déterminante69. Les images présentent dautres traits communs. Le cadre urbain, les ruelles étroites, qui débouchent sur la place et jouent un rôle essentiel dans le déplacement des troupes, et le marché disparaissent70. Ils sont remplacés par un fonds géométrique dont les carreaux dessinent 55des diagonales ou des lignes brisées qui se retrouvent pour les scènes de violence. Lhéraldique nest pas convoquée pour donner des éléments de contextualisation. Ont disparu la bannière du comte, les bannières des « navieurs » (bateliers) et des menus métiers qui ont abandonné Roger dAuterive71. Ne sont pas non plus figurées les cottes de drap blanc72. Dernier point commun, les milices urbaines, qui ne sont plus armées de godendars73, sont nombreuses et fortes, sans être homogènes74.

Les images diffèrent sur les acteurs en présence, léquipement défensif et offensif des protagonistes et le moment représenté. Dans le manuscrit 865, fol. 15v75, le bailli et les révoltés sont en armes. Léchelonnement des casques, pour traduire le nombre des combattants, est caractéristique de la manière du Maître de Boèce, qui préfère inscrire la scène dans un cadre végétal, un vallon avec une forêt76. Limage se lit de haut en bas et de droite à gauche. Un cavalier, coiffé dun chapel de fer77, porté dordinaire par les piétons, lutte au corps à corps avec le bailli, au gambison vert, pour le pers de Bourgogne. Ce dernier est le plus haut personnage dans la miniature. Le mézail de son bacinet est relevé. La tête est de profil, le visage de trois quarts, son camail de face, le tout suggère un déséquilibre. Du bras gauche il tente une prise sur son adversaire78.

56

En première ligne, à gauche et sur deux rangs, à pied, sont disposés trois Chaperons blancs, avec leur coiffure emblématique sur un camail de mailles et un homme darmes coiffé dun bacinet79, mézail relevé. Derrière lui, un milicien est protégé par une simple cervelière. Tous portent un haubert de mailles sous une cotte, fendue devant ou sur le côté et ceinturée, et pour lune lacée sur le devant80. Les jambes ne sont pas protégées de plates81. Les trois au premier rang sont armés de lances et dun épieu. Leur nombre pourrait être une allusion à Absalon percé au cœur de trois javelots. Au second rang, un Chaperon blanc est protégé dun pavois non armorié dont la forme ovale est caractéristique de la manière du Maître de Boèce82. Les hommes du premier rang ont les chausses roulées sous les genoux pour leur permettre dadopter leur position de combat en fente, pied gauche en avant. De manière significative, lhomme darmes du premier rang vise le cavalier à la cotte rouge, les deux Chaperons blancs sa monture. En réponse le cavalier menacé pointe sa lance vers le visage de son adversaire83. À droite les chevaliers84 portent bacinets, gorgerins de mailles, braconnières, protections complètes de bras et gambisons, une seule lance est visible de leur côté. Le Maître de Boèce évoque dans la même image deux temps : la fin du bailli de Gand et un affrontement possible entre un corps de cavalerie et une troupe de gens de pied ayant à leurs têtes des Chaperons blancs et un chevalier. Le peuple gantois en armes nest pas homogène85.

57

Limage donne à voir avec des procédés conventionnels un affrontement entre gens de pied et cavaliers bourguignons. Il ny a pas de sang versé. Le bailli pour partie déconsidéré, nest pas désarçonné. Laccent est mis sur loffensive des Chaperons blancs, leur détermination et la présence dans leur rang de chefs. Dans la fourchette de datation pour la réalisation du manuscrit proposée par G. Croenen et P. F. Ainsworth, la date de 1412 semble judicieuse, la révolte cabochienne donne ensuite une tonalité plus dramatique aux représentations.

Dans le fr 266486, fol 16v, comme dans le fr 2658, fol.14r, plus tardif, les protagonistes nont aucune arme de défense. Le bailli est seul et à cheval, sans arme offensive, au centre de la composition. Les deux cents cavaliers qui lui sont restés ne sont pas figurés, sa monture tourne le dos aux Chaperons blancs comme pour fuir, elle est debout mais blessée mortellement. Les Gantois lont encerclée. Ils sont composés de miliciens et de quatre personnages, chaussés de petites bottes noires. Ils sont, tous sauf un, coiffés dun chaperon de la même façon, ce qui nest pas indifférent puisquà Paris, en 1413, un homme est molesté et arrêté pour lavoir porté à moitié dénoué. À gauche les Chaperons blancs sont revêtus de tuniques au-dessous des genoux. Elles sont ourlées de fourrures ou découpées et ceinturées de cuir noir avec des clous dorés. Un seul est représenté en train de frapper, les autres ne le font plus. Les menus plus proches du bailli ont un vêtement court et non ceinturé87. Les coups viennent des deux côtés et lintention de tuer est manifeste. Aucun visage nest visible à lexception du menu le plus près dAuterive ; de profil et de petite taille, il frappe à deux mains et de toutes ses forces avec un bâton noueux couvert de sang. Il représente les Gantois qui se sont joints aux Chaperons blancs sans encore en faire partie daprès le texte, la populace pour lenlumineur. À gauche, un Chaperon blanc transperce avec sa lance le bailli, coup mortel, un autre est armé dune hache darme au tranchant sanglant. Enfin, au dessus du reste de la troupe, armes levées, une lance ensanglantée a déjà frappé. Sur la droite trois Chaperons blancs, un frappe avec un bâton noueux avec lequel il a déjà donné un coup, son voisin, avec un épieu et le troisième, avec 58une arme dhast dont seule la hampe est visible. Le groupe nest pas homogène et la responsabilité des menus métiers est soulignée.

Le bailli tombe du cheval88 bras en avant, de tout son long. Le bas de ses manches touche déjà le sol, et dans le mouvement sa ceinture et sa bourse ont glissé vers le haut du corps. Il se distingue des Gantois, ce qui est une obligation statutaire, par la longueur de sa robe et sa couleur bleue. Blond comme son assassin, il a deux blessures à la tête, une sur le haut de la poitrine, lautre sur lépaule gauche, trois blessures portent sur le bas du corps, le haut du dos et sur larrière des cuisses. Le sang coule en huit longs rubans sur le sol, un des Chaperons blancs piétine le sang. Les coups portés sur le haut du corps sont tous mortels, ceux sur le bas sont vicieux. Le bailli dans sa chute relève la tête en arrière. Le corps dans toute sa longueur a perdu de son épaisseur, seule est visible la main gauche. Il ressemble à un animal ; de la part dun enlumineur qui a illustré un livre de chasse ce nest sans doute pas fortuit. Surtout sa position est celle dOchozias, impie qui fait une chute grave et symbolique89. La tonalité dune grande violence90 en adéquation avec les soubresauts de lactualité et la position très tranchée de Tanguy du Chastel permet une datation plus fine du ms fr 2664 : le volume est sans doute celui réalisé le plus près des événements parisiens de 1413.

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Conclusion

Lassassinat de Roger dAuterive a marqué ses contemporains. La révolte des Cabochiens, qui prennent des chaperons blancs, donne à laffaire lors de la réalisation des premières copies des Chroniques de Froissart une actualité brûlante. Le Maître de Boèce, dans le Besançon, BM, ms. 865 traduit la valeur militaire, lorganisation et lhabitude de combattre ensemble des Chaperons blancs qui ne se laissent pas impressionner par une charge de cavaliers. Après la révolte de 1413, avec le Maître de Giac dans le Paris, BnF, ms fr 2664 réalisé pour Tanguy du Chastel, la tonalité change. Le discours visuel se fait lécho des événements les plus récents et enrichit le texte dune comparaison biblique. Les Chaperons blancs qui entourent le bailli ne constituent pas un groupe social homogène et les menus sont à la manœuvre. Aux armes des gens de guerre nobles sajoutent des armes de piétons. Pour autant, le commanditaire, scandalisé et effrayé par la brutalité des émeutiers, ne sidentifie pas à Roger dAuterive. Les fonctions du prévôt de Paris ne sont pas celles des baillis des villes flamandes. Surtout la chute dAuterive est expliquée : présomptueux, issu dune famille trop récente et très dépendante du comte, il sest aliéné ses administrés. En lassassinant, les Chaperons blancs ont signifié au comte leur désir de réforme et la revendication dune plus grande autonomie. Une génération plus tard, avec le Maître de Giac et Tanguy du Chastel, lépisode sert une double dénonciation des Bourguignons. Lorgueilleux représentant du comte a suscité le mécontentement des riches bourgeois comme des menus et sest montré incapable de faire face aux débordements. De même Jean sans Peur a déçu les Parisiens par le choix de ceux qui relaient son programme et na pas su contenir les violences de ses partisans.

Christiane Raynaud

Université dAix-Marseille

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Fig. 1 – Assassinat de Roger dAuterive, Paris,
Bibliothèque nationale de France, Ms 2664, fol. 16 v.

1 Communication présentée le 26 mars 2015 lors de la journée détude du Centre dÉtudes Médiévales de Montpellier III, Du meurtre en politique, regards croisés sur lutilisation de la violence en contexte populaire, dirigée par P. Victorin et V. Challet.

2 M. Mollat, P. Wolff, Ongles bleus, Jacques et Ciompi. Les révolutions populaires en Europe aux xive et xve siècles, Paris, Calmann-Lévy, 1970 ; D. Nicholas, The van Arteveldes of Ghent : The Varieties of the Vendetta and the Hero in History, Ithaca, Cornell University Press, 1988 ; M. Boone, « Armes, Coursses, Assemblees and Commocions. Trade People and the Use of Violence in Late Middle Ages Flemish Urban Society », Revue du Nord, 87, 359, 2005/1, p. 7-33, ici p. 25-26 et 32 ; J. Dumolyn, J. Haemers, « Patterns of Urban Rebellion in Medieval Flanders », Journal of Medieval History, 31, 2005, p. 369-393 ; M. Boone, « Le comté de Flandre dans le long xive siècle. Une société urbanisée face aux crises du bas Moyen Âge », Rivolte urbana e rivolte contadine nellEuropa del Trecento : un confronto, éd. M. Bourin, G. Cherubini, G. Pinto, Florence, 2008, p. 17-47 ; J. Haemers, D. Merlevede, « Le commun se esmeut. Een onderzoeknaar het politieke opt reden van het “gemeen” in het kader van de Gentse opstand (1379-1385) », Revue belge de philologie et dhistoire, 88, fasc. 2, 2010, p. 177-204, ici p. 186 ; V. Vejrychova, « Conclure la paix avec les révoltés. La paix de Tournai (1385) dans les Chroniques de Jean Froissart », Questes. Revue pluridisciplinaire détudes médiévales, 26, 2013, p. 57-73.

3 Au xie siècle, la Flandre royale est bien plus étendue que la Flandre impériale qui comprend : les Quatre métiers, certaines îles de la Zélande, le château de Gand et le quartier de Saint-Bavon, le comté dAlost, le pays de Waes, la ville de Grammont et la seigneurie de Bornem.

4 Ph. Contamine, « Jean Froissart, chroniqueur des “menues gens” », Froissart dans sa forge. Actes du colloque réuni à Paris du 4 au 6 novembre 2004 par M. Michel Zink, éd. O. Bombarde, Paris, Académie des inscriptions et belles lettres, 2006, p. 33-47, ici p. 34.

5 La date du 6 septembre est retenue par Thomas Walsingham dans ses Chronica Majora (p. 110, n. 2), par Jean Froissart dans ses Chroniques (éd. S. Luce, t. X, p. lxxvii) et H. Nowé (Les baillis comtaux de Flandre. Des origines à la fin du xive siècle, Bruxelles, Lamertin, 1929, p. 380) dans sa liste des baillis de Gand, mais le 5 dans De Witte Kaproenen : de Gentse opstand (1379-1385) & de geschiedenis van de Brugse Leie, éd. M. Vandermaesen, M. Ryckaert & M. Coornaert, Gand, 1979, Province de Flandre orientale, p. 12-14.

6 Sont tués les représentants du prince, ses alliés, ses partisans, comme Clauwaert, bailli du pays de Waes massacré par les Gantois en 1320, Jean le Prisenaere, bailli dYpres jeté par une fenêtre en 1364 (Nowé, Les baillis comtaux, p. 234, n. 3 et 4). À Gand, Jacques dArtevelde fait éliminer ses rivaux dans la ville (Paris, BnF, fr 2645, fol. 41r). Comme dautres meneurs populaires, il est à son tour assassiné par ses adversaires, le 24 juillet 1345 (Paris, BnF, fr 2645, fol. 134r-136r). Lassassinat dun prince, Charles Ier de Flandre, le 2 mars 1127, reste rare : voir R. Jacob, « Le meurtre du seigneur dans la société féodale. La mémoire, le rite, la fonction », Annales ESS, 2, 1990, p. 247-268 ; R. Villard, Du bien commun au mal nécessaire : tyrannies, assassinats politiques et souveraineté en Italie, vers 1470-vers 1600, Rome, E.F.R., 2008.

7 G. Croenen, « Froissart Illustration Cycles », Encyclopedia of the Medieval Chronicle, éd. G. Dunphy, Leyde-Boston, Brill, 2010, vol. 1, p. 645-650. Dans les Grandes chroniques de France, le sujet est rare, car dans nombre dexemplaires le récit sarrête avant 1379. Le manuscrit de Londres, B.L., Royal 20 C VII, Chroniques de France dites de Saint-Denis, fol. 212r, en donne une représentation. La scène se déroule devant la porte dune ville fermée, Gand. Le fonds géométrique gris donne à la tuerie sa signification : une trahison. La composition montre le bailli cerné par six meurtriers, dont quatre posent une main sur lui. Les armes brandies dessinent un cercle : deux épées et une hache pour tailler, une épée pour estoquer et une dague. Elles ont déjà frappé. Le bailli, blessé à la tête et à la poitrine, terrifié, ne peut senfuir. Deux hommes, lun avec un épieu et lautre tirant lépée, viennent en renfort. Tous sont à pied. Le bailli est seul, ses gens ont disparu. La multiplicité des coups portés et leffusion de sang soulignent la responsabilité collective des Gantois. Sur le programme iconographique du manuscrit et son commanditaire, voir C. Raynaud, « Trois gouvernements à lépreuve des révoltes », à paraître, et V. Challet, J. Haemers, « La révolte médiévale en images », Images & Révoltes dans le livre et lestampe (xive-milieu du xviiie siècle), éd. S. Haffemayer, A. Hugon, Y. Sordet, C. Vellet, Paris, Bibliothèque Mazarine et Éditions des Cendres, 2016, p. 53-77, ici p. 58.

8 J. van Herwaarden, « The War in the Low Countries », Froissart Historian, éd. J. J. N. Palmer, Woodbridge, The Boydell Press, 1981, p. 101-117.

9 M. Jones, « Froissart, Jean », Oxford Dictionnary of National Biography, éd. H. C. G. Matthew, B. Harrison, Oxford, Oxford University Press, 2004, t. 21, p. 57-60 ; P. Ainsworth, « Froissart, Jean », Encyclopedia of the Medieval Chronicle, 1, p. 642-645.

10 G. T. Diller, « Froissart : Patrons and Texts », Froissart Historian, éd. J. J. N. Palmer, p. 145-160.

11 Lors des révoltes des Maillets, Enguerrand VII de Coucy sert dintermédiaire entre les oncles du roi et les Maillotins : voir L. Mirot, Les insurrections urbaines au début du règne de Charles VI (1380-1383), leurs causes, leurs conséquences, Paris, 1906, p. 129-130, 137-138, 151-155 et 181 n. 1.

12 Fin 1380-début 1381, il est à Bruxelles à la cour de Wenceslas, puis en juin-juillet 1382. Il y fait un dernier séjour en août 1383 daprès G. Croenen, « Froissart et ses mécènes : quelques problèmes biographiques », Froissart dans sa forge, éd. O. Bombarde, p. 9-27.

13 Il sert de base aux éditions : Œuvres complètes de Froissart. Chroniques, éd. J. Kervyn de Lettenhove Bruxelles, 1867-1877, t. 2-25, désormais Chroniques ; Chroniques de Jean Froissart, éd. S. Luce, G. Raynaud, L. et A. Mirot, Paris, Société de lHistoire de France, 1869-1975, 15 t. désormais Chroniques R. Le manuscrit New York, Pierpont Morgan Library, M 804 du premier quart du xve siècle est retenu pour lédition Jean Froissart, Chroniques, Livre I (première partie, 1325-1350) et Livre II, éd. P. F. Ainsworth et G. T. Diller, Paris, Librairie générale française, 2001. Froissart élague le texte précédent avec intelligence et utilise une langue claire. Ce livre, daprès G. T. Diller, comprend les couples binaires : municipalité de Gand et comté de Flandre, fief direct de la couronne de France ; Gand et Bruges en rivalité économique ; Mahieu et Yoens familles de démagogues gantois qui vident leurs querelles en rixes homicides. Surtout Froissart oppose hommes probes et opportunistes, les Mahieu qui rejoignent le camp du comte et Jean Yoens qui finit sa carrière au sommet dune hiérarchie communale dominée par la terreur, la contrainte et vouée à léchec (Chroniques, p. 693-695). Le début de la guerre de Flandre intervient p. 750-761, lassassinat p. 761-764.

14 M. Boone, « Yoens (Jan) », Nationaal biografisch woordenboek, dl 16, 2002, col. 903-906.

15 M. Boone, À la recherche dune modernité civique. La société urbaine des anciens Pays-Bas au bas Moyen Âge, Bruxelles, Éditions de luniversité de Bruxelles, 2010, p. 72.

16 Les Chaperons blancs sont une partie des milices urbaines gantoises, une troupe soldée par le gouvernement urbain pour des opérations de police dans le plat pays (destruction des ateliers textiles ruraux illicites), la poursuite des criminels ou des bannis de retour et la défense du pays. Plusieurs armées princières ou royales les affrontent au cours du xive siècle en bataille. Pour les chroniqueurs et Froissart, ils symbolisent les révoltes gantoises (Challet, Haemers, « La révolte médiévale en images », p. 60).

17 Rijmkronijk van Vlaenderen, éd. Kausler, Tübingen, 1840, p. 154 ; A. de Budt, Chronicon Flandriae, Corpus I, p. 336 ; J. van Dixmude, Kronyk, p. 253 ; Chronique rimée des troubles de Flandre en 1379-1380, éd. H. Pirenne, p. 12 ; Memorieboek der Stad Gent I, p. 86, cité par Nowé, Les baillis comtaux de Flandre, p. 234, n. 1.

18 Chroniques, t. 9, p. 173.

19 Ibid., p. 162.

20 Ibid., p. 162-163.

21 Ibid., p. 170, 173 et Chroniques R., t. 9, p. 167, 170. Entrée « entouiller » du Dictionnaire du Moyen Français (1330-1500), consultable sur le site de lATILF.

22 Chroniques, t. 9, p. 178.

23 Ibid., p. 174.

24 Ibid., p. 176.

25 Ibid., p. 177.

26 Ibid., p. 178.

27 Ibid., p. 183.

28 Ibid., p. 179.

29 Ibid., p. 180. Jean Yoens et les Chaperons blancs cherchent dans la ville, pour leur faire un mauvais parti, Gilbert Mahieu et ses frères qui se trouvaient aux côtés du comte, avant de labandonner. Leurs maisons sont pillées, abattues. Les Chaperons blancs constituent une si grande route que personne nose les attaquer. Après le meurtre, Jean Yoens réunit leurs capitaines, ils sont alors sept cents.

30 Il note de manière révélatrice : « Là furent fait li blanc cappron donnet et delivret plus de Vc et as compaignons qui trop plus chier avoient la guerre que la paix, car il navoient riens que perdre », ibid., p. 170.

31 Chroniques R, t. 9, p. 179, 223.

32 Entrée « outrage » du Französisches Etymologisches Wörterbuch, XIV, article 10, J. Picoche, consultable sur le site de lATILF. Il est défini par excès, présomption, témérité, offense extrêmement grave (F. Godefroy, J. Bonnard, A. Salmon, Lexique de lancien français, Paris, Librairie Honoré Champion Éditeur, 1994, p. 365) et acte, parole déraisonnable, illégalité, injustice, insulte, péché (J.-B. de la Curne de Sainte-Palaye, Dictionnaire historique de lancien langage françois ou Glossaire de la langue françoise depuis son origine jusquau siècle de Louis XIV, Niort, L. Favre éditeur, t. 8, 1875, p. 136-137). Le sens actuel est délit par lequel est mis en cause lhonneur dun personnage dans lexercice de ses fonctions (Dictionnaire de langue française, éd. A. Rey, Paris, 1990, p. 885).

33 J.-M. Moeglin, Les bourgeois de Calais : essai sur un mythe historique, Paris, Albin Michel, 2002.

34 Boone, « Armes, Coursses, Assemblees et Commocions », p. 7-33.

35 J. Haemers, « A Moody Community ? Emotion and Ritual in Late Medieval Urban Revolts », Emotions in the Heart of the City (14th-16th century), éd. É. Lecuppre-Desjardin, A.-L. van Bruaene, Turnhout, Brepols, 2005, p. 63-81.

36 Nowé, Des origines à la fin du xive siècle, p. 242-243.

37 Statuts généraux, droits, franchises et privilèges de la ville de Gand, de ses échevins et habitants.

38 Ibid., p. 251-252.

39 Ibid., p. 248.

40 Chroniques, t. 9, p. 183.

41 Ibid., p. 187.

42 Croenen, « Froissart Illustration Cycles », vol. 1, p. 645-650.

43 Patrons, Authors and Workshops : Book and Book Production in Paris around 1400, éd. G. Croenen, P. Ainsworth, Louvain-Paris-Dudley, Peeters, 2006. Un second groupe est constitué de manuscrits bourguignons (livres II à IV : 1475 et dans les années 1480-1485 surtout) : K. Närä, « Some Burgundian Manuscript of Froissarts Chroniques, with Particular Emphasis on British Library Ms Harley 4379-4380 », consultable sur le site The Online Froissart, apparatus 2010.

44 G. Croenen, M. et R. Rouse, « Pierre de Liffol and the Manuscripts of Froissarts Chronicles », Viator : Medieval and Renaissance Studies, 33, 2002, p. 261-293 ; G. Croenen, « Le libraire Pierre de Liffol et la production de manuscrits illustrés des Chroniques de Jean Froissart à Paris au début du xve siècle », Art de lenluminure, 31, déc. 2009-fév. 2010, p. 14-23.

45 G. Croenen, S. Loomans, « Scribes or Copy Editors ? Scribal Behaviour and the Production of Manuscript Copies of Jean Froissarts Chronicles in Fifteenth-Century Paris », consultable sur le site The Online Froissart, apparatus 2013.

46 Besançon, BM, ms. 865, parchemin, 464 fol., 350x282 mm, réglé à la mine de plomb, écrit en littera cursiva libraria sur 2 colonnes de 41 lignes ; Paris, BnF, ms fr 2664, parchemin, 209 fol., 250x280 mm, signature et réclames, réglé à la mine de plomb, écrit en littera cursiva libraria, 2 colonnes de 41 à 43 lignes, voir G. Croenen, « Caractéristiques des manuscrits », Art de lenluminure, p. 45.

47 Il ne comprend que le livre II.

48 Besançon, BM, 865 : fol. 1r frontispice (3), le duc de Bretagne et le comte de Flandre sermonnant Pierre de Bournesel ; fol. 15v les Chaperons blancs assassinent Roger dAuterive ; fol. 73r Grande révolte des paysans anglais 1381 ; fol. 103r bataille de Beverhoutsveld, bataille de Bruges ; fol. 120v bataille du pont de Commines ; fol. 133v bataille de Rosebecque ; fol. 151v siège dYpres. Paris, BnF, fr 2664 : fol. 1r, frontispice, registre 4, le duc de Bretagne et le comte de Flandre sermonnant Pierre de Bournesel ; fol. 16v les Chaperons blancs de Gand assassinent Roger dAuterive ; fol. 109v bataille de Beverhoutsveld ; fol. 140r bataille de Rosebecque ; fol. 142r reddition des Brugeois au roi de France. Paris, BnF, fr 2658 : fol. 14r assassinat de Roger dAuterive ; fol. 109v prise de Bruges par les Gantois ; fol. 146r bataille de Rosebecque ; fol. 148v reddition de Bruges. De manière significative dans les exemplaires jumeaux le livre I ne comporte aucune image des troubles du début du xive siècle (Besançon, 864, 25 miniatures et Paris, BnF, fr 2663, 22 miniatures).

49 En fait un chassé croisé : le Maître de Giac a réalisé le premier volume, Livre I des chroniques, Besançon, BM, 864, quand le Maître de Boèce travaille au Besançon, BM, 865 et ce dernier illustre le fr 2663 quand le Maître de Giac intervient sur le fr 2664.

50 I. Villela-Petit, « Le Maître de Boèce et le Maître de Giac, enlumineurs de guerre », Art de lenluminure, 31, p. 44.

51 Ibid., p. 27-36.

52 Ibid., p. 36-41.

53 Il est déjà possible de déterminer lorientation pour les exemplaires du Livre I, voir L. Harf-Lancner, « Image and Propaganda : The Illustration of Book I of Froissarts Chroniques », Froissart across the Genres, éd. D. Maddox, S. Sturm-Maddox, Gainesville, University Press of Florida, 1998, p. 220-250.

54 Villela-Petit, « Le Maître de Boèce et le Maître de Giac, enlumineurs de guerre », p. 26.

55 Les armes de Tanguy du Chastel sont « fascé dor et de gueules » et celle de Derval « de gueules à deux fasces dargent ».

56 Jean de Malestroit dit de Derval, né autour de 1430, est le fils de Geoffroy de Malestroit et de Valence de Chateaugiron, descendante des Derval et des Rougé. À la mort de sa mère, il hérite de Derval et prend le nom de Jean de Derval, en 1451. Le fief de Derval est lune des neuf grandes baronnies de Bretagne. Marié à Hélène de Laval, il meurt en 1482 sans laisser dhéritier et il est inhumé en labbaye Notre-Dame de la Vieuville à Épiniac, arr. de Saint-Malo.

57 Il est, en 1419 et 1420, maréchal des guerres du régent. À partir de 1425, son influence diminue au profit du connétable de Richemont, Arthur III de Bretagne. En 1429, alors que des conseillers de Charles VII préconisent une réconciliation avec les Bourguignons contre les Anglais, qui naurait pu se faire quà ses dépens, il oblige le Dauphin à recevoir et soutenir Jeanne dArc. En 1446, il se retire à Beaucaire et devient sénéchal de Provence. En 1448, il est ambassadeur du roi Charles VII à Rome. Il meurt sans héritier en 1459. Voir J.-C. Cassard, « Tanguy du Chastel, lhomme de Montereau », Le Trémazan des du Chastel : du château fort à la ruine, éd. Y. Coativy, Brest, 2006, p. 83-104.

58 Ce sont : en 1413 Élyon de Jacqueville, en août Jean de Berry, en 1415 Waleran de Luxembourg, en 1416 le dauphin Charles de France et en 1418-1419 Charles de Lens.

59 Sont prévôts de Paris : Robert de La Heuse, chambellan, du 12 mars 1412 au 22 septembre 1413 ; Tanguy du Chastel, maréchal de Guyenne, du 4 août 1413 au 11 août 1413 ; André Marchand, conseiller au Parlement, du 22 septembre 1413 au 19 février 1415, mais les 23 et 24 octobre 1414 et du 19 février 1415 au 30 mai 1418 Tanguy du Chastel est en exercice. Après lintérim en mai 1418 de Jean Villiers de LIsle-Adam, du 30 mai 1418 au 3 février 1419, Guy de Bar chambellan du duc de Bourgogne le remplace. Voir A. Demurger, « Guerre civile et changements du personnel administratif dans le royaume de France de 1400 à 1418 : lexemple des baillis et sénéchaux », Francia, 6, 1978, p. 151-298, ici p. 243-244.

60 A. Mirot, « La vie politique de T. du Chastel », Positions des thèses de lÉcole des Chartes, 1926, p. 101-104.

61 « Hoghe bailliu van Ghend ». Le qualificatif de grands ou souverains permet aux baillis ayant ladministration dune châtellenie entière de se distinguer de leurs subordonnés ; la titulature nest pas fixée, rien de commun avec les souverains baillis de Flandre créés par Louis de Male en 1372. Voir Nowé, Des origines à la fin du xive siècle, p. 80-81, 350.

62 F. Buylaert, Repertorium van de Vlaamse adel (ca. 1350-ca 1500), Gand, Academia Press, 2011, p. 543-545.

63 Les baillis sont recrutés dans la petite noblesse terrienne, le patriciat des villes et au cours du xive siècle dans des familles de fonctionnaires. Voir A. Demurger, « Le rôle politique des baillis et sénéchaux royaux pendant la guerre civile en France (1400-1418) », Francia, 9, 1980, p. 282-290.

64 Journal dun Bourgeois de Paris de 1405 à 1449, éd. C. Beaune, Paris, Librairie générale française, 1990, p. 59.

65 J. Sumption, The Hundred Years War, Londres, Faber & Faber, vol. IV, Cursed Kings, 2015, p. 332-365, ici p. 346-348 et 353.

66 A. Coville, Les Cabochiens et lordonnance de 1413, Paris, 1888, p. 193.

67 Les Chaperons blancs après 1385 déclinent, mais existent jusquà la fin du xve siècle ; ils ne sont abolis que par le traité de paix de Cadzand, à lÉcluse, entre les Gantois et lempereur Maximilien, le 29 juillet 1492.

68 P. Ainsworth, I. Villela Petit, « Deux cycles dillustrations des Chroniques de Froissart comparés », Art de lenluminure, p. 46-89, ici p. 77.

69 M. Pastoureau, « Pour une histoire des attributs dans limage médiévale », Des signes dans limage : usages et fonctions de lattribut dans liconographie médiévale (du concile de Nicée au concile de Trente), éd. M. Pastoureau, O. Vassilieva-Codognet, Turnhout, Brepols, 2014, p. 11-34.

70 Le Maître du Hannibal de Harvard montre les maisons serrées dans les murs de Gand et les rues pavées où interviennent les assassinats perpétrés, daprès le texte sur le même folio que limage, par ordre de Jacques dArtevelde (Paris, BnF, fr 2675, fol 1r, Jean Froissart, Chroniques, deuxième quart du xve siècle).

71 La bannière des Chaperons blancs de sable aux trois chaperons blancs lun sur lautre nest pas évoquée par le texte.

72 Les cottes de drap blanc ont sur la poitrine, le dos et les épaules la tête du lion de Flandres de sable et lampassée de gueules (en fait les armoiries de la famille Vilain de Gand, châtelain de la ville).

73 Larme est emblématique mais des incertitudes demeurent concernant sa morphologie ; elle ne se confond pas avec les lances, les épieux, les bâtons noueux, les haches darmes qui équipent les milices dans les manuscrits étudiés.

74 Froissart écrit à leur propos quils nont rien à perdre (Chroniques, t. 9, p. 170), peut-être en raison de la pauvreté des uns et de la compromission des autres. Chez le Maître de Giac comme pour le Maître de Boèce, les défenses de tête permettent didentifier le statut des combattants.

75 Voir Les blancs chaperons de Gand contre Roger dAuterive ©Bibliothèque municipale de Besançon, Ms 865, f15v : https://www.hrionline.ac.uk/onlinefroissart/browsey.jsp?img0=i&pb0=Bes-2_15v&GlobalMode=facsimile&div0=ms.f.transc.Bes-2&disp0=pb&panes=1 Consulté le 29 novembre 2017.

76 Le plat pays est le plus souvent le lieu où les Chaperons blancs affrontent leurs adversaires : voir Challet, Haemers, « La révolte médiévale en image », p. 60.

77 La bombe conique et les rebords inclinés protègent le visage, la nuque et les épaules des coups portés par les cavaliers (O. Renaudeau, Art de lenluminure, p. 48). Le combattant est vêtu dune cotte beige, couleur des vêtements non teints que portent les plus modestes.

78 Cette prise est utilisée pour un combattant par exemple à la bataille dAuray Paris, BnF, fr 2663, fol. 271r et ailleurs par le Maître de Boèce pour indiquer le passage à la mêlée, au corps à corps, une lutte interdite par les chapitres de tournois, car pratiquée par les roturiers.

79 Les bacinets dans les Chroniques signalent par convention les combattants nobles.

80 Lalternance chromatique est très esthétique : cottes rouges avec des chausses blanches, cottes vertes cousues devant avec des chausses rouges, ou cottes beiges avec des chausses blanches.

81 Un seul Chaperon blanc porte des gantelets.

82 Par exemple : Paris, BnF, fr 2663, fol. 74r, 164r, 312v, 346v, 374v, 381r ; Besançon, BM, 865, fol. 1r, 49v, 73r, 103r, 133v, 151v, 208r, 240v, 256r, 441r.

83 Entre les deux combattants nobles le combat est mortel, lattaque contre le cheval par les Chaperons blancs est considérée comme déloyale.

84 Ils accompagnaient Roger dAuterive, mais lont abandonné au moment de lattaque, ce que le Maître de Boèce ne montre pas. Il substitue à lépisode un affrontement comme il y en eut plusieurs dans le plat pays.

85 La répartition des couleurs (vert, rouge, blanc, beige) répond dabord à des considérations esthétiques qui se retrouvent dans dautres images. Mais les deux cottes beiges sont du côté des Gantois, où dominent le blanc de Gand, le rouge de Bruges, les Brugeois les rejoignant peu après. Les cavaliers ont avec le pers et le rouge, les couleurs de Bourgogne.

86 Les Chaperons blancs, massés en rangs serrés, sont venus par larrière. Une masse darmes et une hallebarde ensanglantée derrière le cheval et trois Chaperons blancs, bloquant sa progression, suggèrent que le bailli et sa monture ont été entourés, avant quAuterive ne soit jeté à terre.

87 Sur quatre deux portent des chausses et un troisième une tunique du même rouge-orangé.

88 Il tombe sur le flanc droit de sa monture. Plus souvent les cavaliers sont représentés basculant en arrière, ainsi lors de la mort dAmmonios, dans la traduction du De Casibus virorum illustrium de Boccace par Laurent de Premierfait, à Paris dans le premier quart du xve siècle illustrée par le Maître de Rohan et, entre autres, le Maître de Giac (Paris, BnF, fr 226, fol. 144v). La position du corps dune victime de leffondrement du temple de Dâgon ébranlé par Sanson (fol. 29v) est proche de celle du bailli sans être reprise à lidentique. Le motif des personnages qui tombent les montre plutôt de profil (fol. 93v, 134r, 137r, 147r, 175r, 260v), quils soient ou non déjà en contact avec le sol, rarement de dos (fol. 12v) ou de face. Dans lexécution de Jugurtha par défenestration, se retrouvent les blessures, les bras en avant, la tête relevée de trois quart face (fol. 152r).

89 Daprès le deuxième Livre des Rois (2 Rs 1, 1-8) Ochozias, souverain impie, tombe de son balcon et meurt des suites de sa chute, selon la prédiction dÉlie. Le Maître de Giac, qui a illustré deux Bibles historiales (fr 3 et 4 et fr 15393 et 15394) connaît le motif, même sil nest pas amené à lutiliser en raison de lampleur du programme iconographique. Deux exemplaires parisiens réalisés vers 1414-1415 par dautres peintres (Bruxelles, Bibliothèque royale, ms. 9001, fol. 244v et New-York, Pierpont Morgan Library, ms 394, fol. 158v) le reprennent à la suite de huit manuscrits du xive siècle, trois autres sont plus tardifs. Au xiie siècle et au xiiie siècle, il se rencontre déjà dans les Bibles enluminées.

90 Elle se retrouve dans les deux Boccace quil réalise en 1416 pour Berry puis plus tard pour Béraud III dAuvergne.