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Classiques Garnier

« L’Animo ciascuna sua passion sotto el contrario manto ricopre » Guichardin et les passions « italiennes » dans le livre I des Essais

  • Type de publication : Article de revue
  • Revue : Cahiers de recherches médiévales et humanistes / Journal of Medieval and Humanistic Studies
    2017 – 2, n° 34
    . varia
  • Auteur : Cavallini (Concetta)
  • Résumé : L’étude analyse le rapport entre l’histoire et les passions à travers les emprunts à la Storia d’Italia de François Guichardin. L’influence de Guichardin sur l’auteur des Essais semble toucher tant le contenu des textes empruntés que la forme (style, modalités de la description, etc.), ainsi que le traitement des passions décrites. L’analyse des exemples empruntés à Guichardin dans le livre I des Essais permet de tirer les premières conclusions ; cependant, la recherche aurait besoin d’être poursuivie.
  • Pages : 339 à 358
  • Revue : Cahiers de recherches médiévales et humanistes - Journal of Medieval and Humanistic Studies
  • Thème CLIL : 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
  • EAN : 9782406077411
  • ISBN : 978-2-406-07741-1
  • ISSN : 2273-0893
  • DOI : 10.15122/isbn.978-2-406-07741-1.p.0339
  • Éditeur : Classiques Garnier
  • Mise en ligne : 20/01/2018
  • Périodicité : Semestrielle
  • Langue : Français
339

« LAnimo ciascuna sua passion
sotto el contrario manto ricopre 
»

Guichardin et les passions « italiennes »
dans le livre I des
Essais

Et cosi aven che lanimo ciascuna

sua passïon sotto l contrario manto

ricopre co la vista or chiara or bruna :

però salcuna volta io rido o canto,

facciol, perchi non ò se non questuna

via da celare il mio angoscioso pianto1.

Les trois premiers vers de cette citation de Pétrarque, presque en ouverture du chapitre i, 37 des Essais, nous poussent à plusieurs réflexions. Premièrement, Montaigne choisit douvrir son chapitre « Comme nous pleurons et rions dune mesme chose » par une citation qui nest pas tirée de Plutarque, lequel raconte lépisode de la douleur de César devant la tête de Pompée à deux reprises, dans la Vie de César (LXII) et dans la Vie de Pompée (CXII), mais de Pétrarque. Lédition du Canzoniere que Montaigne possédait (Lyon, G. Rouillé, 15502) porte la mention 340de sa main « Riletto assai volte3 ». Or, il est indéniable quà partir des éditions lyonnaises de Pétrarque, que nous devons à Jean de Tournes et Guillaume Rouillé4, Pétrarque devient le champion du sentiment, un modèle non seulement de langue italienne mais aussi un modèle proposant l« imposant ensemble des lieux communs » utile à exprimer le « discours amoureux5 ».

Une deuxième réflexion sajoute à la première. Dans la citation de Pétrarque, les passions sont rigoureusement entendues au pluriel, dans une réciprocité où chaque passion appelle son contraire : le rire de Démocrite et les larmes dHéraclite. Le Dictionaire Francoislatin, contenant les motz & manieres de parler Francois, tournez en Latin de Robert Estienne, suivant la tradition classique latine et grecque, ne contient quune entrée au pluriel « Passions » :

Passions et accidens desprit, comme ioye, douleur, &c. Affectus, plurali animo

Qui ha quelques passions et accidens en son esprit, Affectus animo6.

Le dictionnaire Nicot de 1606 reprend en la réduisant lentrée dEstienne. Ce nest quen 1680, avec le dictionnaire de Richelet, suivi du dictionnaire de Furetière et du dictionnaire de lAcadémie en 1694, que le mot se rapproche de lacception moderne, avec sa polysémie et ses déclinaisons, singulière et plurielle7. Mais les effets de la Préciosité et lattention portée par la société du xviie siècle à la 341casuistique amoureuse font passer en premier, dans les définitions, la passion entendue comme « agitation » provoquée par les mouvements de lâme. Ce nest quen deuxième place, dans le dictionnaire Richelet, que nous trouvons lacception classique, qui renvoie à la Rhétorique dAristote et aux pièces de Sophocle et dEuripide pour appeler passion « tout ce qui, étant suivi de douleur et de plaisir, aporte un tel changement dans lesprit quen cet etat il se remarque une notable diférence dans les jugemens quon rend8 ». Dans le Dictionnaire de lAcadémie, les choses se déclinent avec plus de précision et, à une première acception religieuse, où la « passion » est par antonomase la Passion du Christ, font suite les acceptions qui voient lâme agitée respectivement par son côté « concupiscible » et par son côté « irascible9 ». Si dans cette dichotomie linfluence de la société du xviie siècle se fait sentir, il est indéniable que cette perspective binaire des passions comme les deux facettes dune même médaille témoigne de la nature « ouverte » quon donnait à la notion de « passion ».

Létude récente dEmiliano Ferrari, Montaigne. Une anthropologie des passions, rend compte à partir de la première ligne du « Prologue » de cette vision plurielle des passions à la Renaissance et chez Montaigne :

Amour, amitié, compassions, espoir, plaisir, désir, orgueil, ambition, gloire, colère, vengeance, peur, tristesse : tout au long de son ouvrage, Montaigne sattache à observer, décrire et comprendre autant que possible le « nombre infiny de passions ausquelles nous sommes incessamment en prise » (II, 12, 486 A)10.

Le parcours pour décrire et recomposer une « anthropologie des passions » chez Montaigne peut se fonder sur des réflexions précédentes, peu nombreuses, à vrai dire, dont lauteur rend compte de manière 342précise11. Hugo Friedrich, quand il avait voulu esquisser son portrait de Montaigne, avait reconnu la dette que ce dernier avait envers les doctrines des stoïciens et des péripatéticiens, mais aussi sa dette envers les lectures de Plutarque et de Cicéron, parmi dautres. Les « troubles du jugement12 » provoqués par les passions sont liés à lessence même de lhomme, qui est variable, mixte, « ondoyante » ; vouloir éviter les passions serait plus quimpossible : « Tant que nous restons hommes, lapathia est non seulement impossible, mais encore immorale. Cest un orgueil démesuré13 ». Ces idées sont tirées des humanistes anti-stoïciens, comme Lorenzo Valla et Giannozzo Manetti14, liés damitié avec Poggio Bracciolini, lun des représentants les plus importants de lécriture de la brevitas, avec ses Facéties15. Lauteur des Essais tend à ne pas tirer de conclusions immédiates, à ne pas donner denseignement moral, à ne pas constituer une hiérarchie des passions ; de la même manière, il ne veut pas reconnaître légalité des vices. Il tend, comme le remarque bien H. Friedrich, à privilégier plutôt la description, surtout dans le premier livre des Essais, et à laisser le lecteur tirer des conclusions.

Il y a de ces traces [des troubles du jugement] dans les premiers essais, par exemple I, 2 (« De la tristesse »), ou I, 18 (« De la peur »). Mais la marche du développement, au lieu de mener au précepte de se dominer, bifurque vers lanalyse descriptive, en recommandant, si lon veut conserver lhumanité naturelle, de subir ou endurer les passions jusquau bout16.

Il nous semble que, lorsquil combine une réflexion sur les passions en préférant les formes précises de la narration caractérisées par la brevitas 343et le choix dexemples, Montaigne suit un schéma bien clair qui le porte non seulement à décrire des événements à travers des formes de narration comme les anecdotes, mais à les enrichir dune dimension « humaine » à travers la description des passions éprouvées par les protagonistes de tel ou tel épisode. Y a-t-il une connexion entre forme et contenu, dans ces épisodes ? Pouvons-nous repérer un fil rouge dans la description des passions dans les anecdotes historiques de provenance italienne ? Nous allons analyser le cas de François Guichardin qui figure parmi les lectures de Montaigne dans les années de rédaction du livre I des Essais. Guichardin a pu jouer, dans ce cas, un rôle non négligeable. La vue de Montaigne sur les passions a peut-être suivi un parcours « italien », un parcours qui a influencé non seulement ses idées et positions mais aussi sa manière de décrire les passions, de les faire passer à travers les anecdotes citées.

Passions et histoire :
linfluence italienne entre forme et contenu

Le domaine concernant les connexions, à la Renaissance, entre forme décriture et genre littéraire, dans le récit bref, doit encore être défriché17. Les frontières entre lanecdote, la nouvelle courte, lapologue, lexemple, ne sont pas claires quant à la définition de leur nature et de leur fonction18. De plus, ces formes brèves se trouvent souvent enchevêtrées à lintérieur dœuvres qui ont, dans leur ensemble, une autre fonction, une autre nature, des finalités globalement différentes de celles des simples parties qui les composent.

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Lorsquil rédige les Essais, Montaigne crée un genre nouveau dans son ensemble ; cependant, la forme des Essais nest pas nouvelle, bien au contraire. Les recueils danecdotes ou dhistoires (prodigieuses, tragiques, édifiantes, etc.) se fondent sur une esthétique de la brevitas de source antique. Cependant, la floraison de recueils et compendia de ce genre à la Renaissance19 répond à plusieurs exigences, à la fois de divulgation culturelle et historique, surtout dans les collèges, et de plaisir de la lecture. Ces recueils reflètent donc une stratégie de composition à laquelle les imprimeurs, avec leurs politiques éditoriales, ne sont pas étrangers. Il est souvent possible, avec un peu deffort, didentifier à lintérieur de ces recueils une structure, une disposition cohérente des sujets ou des formes, des fils rouges de la lecture. Cependant, il faut reconnaître que ces ouvrages, dans leur ensemble, vivent désormais de manière autonome et il est souvent impossible de repérer la/les sources ou le/les modèles suivis.

Les récits historiques se prêtent, plus que les autres, à occuper le devant de la scène20, pour plusieurs raisons : premièrement, ils peuvent se fonder sur une autorité reconnue, celle des ouvrages et des auteurs classiques latins et grecs (lAnthologie de Strobée, les Exemples de Valère Maxime, mais aussi les anecdotes nombreuses des Vies de Plutarque traduites par Amyot ou de ses Œuvres Morales, par exemple). Mais il faut ajouter à cela la nature de lHistoire, une matière où les narrations ont le poids que leur confère le fait quelles sont vraies (vera narratio, comme la théorise aussi Bodin dans sa Methodus ad facilem historiarum cognitionem de 156621) ; les récits peuvent compter sur des témoignages, et ils jouissent en plus de lautorité morale que leur 345confère le fait de former et dinstruire ceux qui lisent ou écoutent (historia magistra vitae).

Plusieurs de ces récits concernent des vies de rois, philosophes, personnages illustres, qui sont pris comme exemple ; dautre part, la plupart de ces narrations historiques ont à faire avec les passions humaines, prises souvent dans leurs manifestations contraires. Ainsi Néron, qui ordonne lassassinat de sa mère, ne peut que pleurer en la quittant pour la dernière fois (I, 37, 240). La chose essentielle de la relation entre lépisode individuel et les passions est que, comme nous lavons déjà souligné en citant Friedrich, aucun de ces épisodes ne permet, à lui seul, de rendre compte de la complexité des passions humaines.

Les études sur lensemble des Essais de Montaigne prouvent que ces formes brèves décriture, que lon peut appeler anecdotes22, mais aussi exemples, épisodes, évoluent au cours de la rédaction des trois livres des Essais ainsi quau fil des révisions et des remaniements de lauteur23. Montaigne reconnaît que les histoires quil raconte « portent souvent, hors de mon propos, la semence dune matiere plus riche et plus hardie : et souvent à gauche, un ton plus délicat,… » (I, 39, 255) ; cependant, il est indéniable que dans le premier livre des Essais les anecdotes concernant les passions se limitent à la présentation dune situation, au récit dun épisode. Celles tirées de sources classiques ou dhistoriens dépassent en quantité les récits dévénements personnels concernant Montaigne ou sa vie. Nous allons essayer de déceler la nature de linfluence italienne dans ces emprunts et, surtout, dans la description des passions.

Dans une étude datant dune quinzaine dannées, nous avons essayé de « dessiner » la nature des emprunts italiens dans les Essais de Montaigne24. Pour ce faire, il a fallu faire une distinction préalable entre les emprunts directs, aux livres que nous savons que Montaigne possédait ou quil a lus25 et les emprunts indirects, plus difficiles à définir, car leur provenance nest pas clairement identifiable (Montaigne pourrait les avoir lus dans 346des ouvrages dautres auteurs et les avoir cités de manière indirecte). Selon Pierre Villey, la lecture directe des historiens italiens se situe après le voyage en Italie, quand il lit les ouvrages de Giovanni Villani26, de Gerolamo de Franchi Conestaggio27, mais aussi de Girolamo Balbi28. Avant 1580, daprès Villey, il naurait lu que Machiavel, lArioste, Pétrarque, lArétin et, surtout, Guichardin29. La lecture de Paolo Giovio ne se situe quaprès 1582 ; après un voyage en Italie, en effet, Montaigne augmente le nombre de ses lectures italiennes, parmi lesquelles figurent plusieurs livres de Paolo Giovio30.

Nous allons partir des épisodes que Montaigne emprunte à François Guichardin et à son livre Storia dItalia, dont leditio princeps in-folio fut imprimée à Florence en 1561 (Fiorenza, L. Torrentino31). Lédition la plus connue de louvrage reste toutefois celle qui fut imprimée quelques années après, en 1564, à Venise, par Giolito de Ferrari. Premièrement, Montaigne lit Guichardin en italien32, ce qui constitue déjà un élément important pour notre propos, car cela signifie que nous pouvons avancer lhypothèse de lexistence dune influence réelle sur la forme de la narration, sur la langue et, donc, sur la représentation des passions.

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Guichardin fournit des faits importants à au moins six essais, ceux qui, dans lédition de 1580, portent les numéros 3, 5, 6, 12, 13 et 34. Que Montaigne les ait pris directement de lœuvre de Guichardin, la fidélité de la traduction ne permet guère den douter. Ce sont les mêmes termes33.

Montaigne lisait Guichardin dans un exemplaire qui ne nous est pas parvenu mais dont la présence dans la célèbre librairie ne peut être contestée34. Montaigne nous fait part de son jugement sur Guichardin historien dans le chapitre ii, 10 (« Des Livres »). Ce jugement remonte aux années 1570-1572, quand il lit les Storie dItalia « dans le texte italien, probablement dans lédition de 1564, et ne semble pas sêtre servi de la traduction français due à Jérôme de Chomedey (1568)35 ». Il vaut la peine de citer le passage en entier car Montaigne affirme deux choses qui mettent laccent sur des éléments que nous avons déjà évoqués. Tout dabord, Guichardin raconte « la vérité des affaires de son temps », ratifiée par le fait quil a été non seulement témoin de ce quil écrit mais souvent « acteur lui mesme, et en reng honorable ». Dautre part, les récits de Guichardin sont impartiaux ; ils ne veulent pas conduire le lecteur à une conclusion, fût-elle vertueuse ou édifiante, mais tout simplement présenter les choses ; raison pour laquelle, du point de vue de la morale ou, mieux, des morales36, lauteur des Essais préfère être prudent dans son jugement :

Voicy ce que je mis, il y a environ dix ans en mon Guicciardin (car quelque langue que parlent mes livres, je leur parle en la mienne) : Il est historiographe diligent, et duquel, à mon advis, autant exactement que de nul autre, on peut apprendre la verité des affaires de son temps : aussi en la pluspart, en a-il esté acteur luy mesme, et en rang honnorable. Il ny a aucune apparence que par 348haine, faveur, ou vanité il ayt déguisé les choses : dequoy font foy les libres jugemens quil donne des grands : et notamment de ceux, par lesquels il avoit esté avancé, et employé aux charges, comme du Pape Clement septiesme. Quant à la partie dequoy il semble se vouloir prevaloir le plus, qui sont ses digressions et discours, il y en a de bons et enrichis de beaux traits ; mais il sy est trop pleu : car pour ne vouloir rien laisser à dire, ayant un suject si plain et ample, et à peu près infiny, il en devient lasche, et sentant un peu le caquet scholastique. Jay aussi remerqué cecy que, de tant dames et effects quil juge, de tant de mouvemens et conseils, il nen rapporte jamais un seul à la vertu ; religion, et conscience, comme si ces parties là estoyent du tout esteintes au monde ; et, de toutes les actions, pour belles par apparence quelles soient delles mesmes, il en rejecte la cause à quelque occasion vitieuse, ou à quelque profit. Il est impossible dimaginer, que parmi cet infiny nombre dactions dequoy il juge, il ny en ait eu quelquune produite par la voye de la raison. Nulle corruption peut avoir saisi les hommes si universellement, que quelquun neschappe de la contagion : cela me fait craindre quil y aye un peu du vice de son goust, et peut estre advenu quil ait estimé dautruy selon soy37.

Quand Montaigne parle de « de tant dames et effects quil juge, de tant de mouvemens et conseils », il prouve son attention non seulement pour lévénement historique en soi, mais pour les hommes qui y sont impliqués. Les passions dont ces hommes font preuve pendant que les choses se déroulent intéressent Montaigne car il est « habitué à observer sa propre vie à travers celle des autres38 » et parce quil existe une certaine ressemblance entre les dynamiques affectives et actionnelles des hommes (« les hommes sont tous dune espece : et sauf le plus et le moins, se trouvent garnis de pareils outils et instruments pour concevoir et juger » (I, 40, 25939).

Ce sont, toutefois, des passions liées au caractère individuel, des passions « anthropologiques », comme les appelle Emiliano Ferrari, cest-à-dire liées à une « égalité anthropologique naturelle, au-delà des hiérarchies, des différences sociales40 » et qui caractérisent tous les êtres 349humains. Il faut exclure de cette catégorie ce quon pourrait appeler les « passions politiques41 », dans lesquelles nous pouvons inclure la longue liste de conseils, opinions, descriptions de la vertu des princes, des rois, des chefs militaires dont les mêmes auteurs se faisaient parfois porteurs. Il suffit de citer Guichardin sous cet angle différent, avec ses Più Consigli et Avvertimenti di M. Fr. Guicciardini, imprimés à Paris par les soins de Jacopo Corbinelli42 et dédiés à Catherine de Médicis43, assorti dune traduction dAntoine de Laval44. Mais nous sommes dans ce cas dans une situation qui séloigne de notre propos. Le domaine des passions que nous pouvons définir comme « politiques » est très vaste et les auteurs qui lexplorent dans la seconde moitié du xvie siècle comptent des précurseurs illustres, comme Érasme et son Éducation du prince chrétien (Institutio principis christiani, 1516).

Pour ce qui est de cette typologie de passions, les spécialistes ont déjà effectué une analyse assez approfondie pour prouver quil y a une méthode précise dans la description, qui porte les auteurs, souvent des historiens, à utiliser toujours les mêmes syntagmes et locutions. Guichardin et Della Casa le font par exemple pour présenter une théorie précise de la « raison détat », en utilisant des expressions assez proches45. Dans une étude sur la Naissance de la méthode, Philippe Desan avait analysé la rigueur de la présentation des exemples chez Machiavel, en dévoilant « une exposition parfaite et ordonnée didées politiques46 ». Encore une 350fois, cette présentation se fondait sur lutilisation de formules figées, de connecteurs logiques précis, de conjonctions et adverbes qui de manière régulière marquaient lavancement de largumentation. Bien que tout le monde soit daccord sur une subjectivisation de la méthode décriture et du style de la description chez Montaigne, il demeure à notre avis indéniable que les textes lus, surtout les textes italiens, puissent avoir influencé sa manière de présenter, voire de considérer, les événements historiques et, avec eux, les passions que la narration évoquait.

Guichardin et les passions
dans le livre I des
Essais

Nous avons classé les exemples empruntés à Guichardin que nous avons pris en considération, avec lindication de la « passion », du sentiment que lexemple cité évoque :

chapitre

titre

passion

I, 2, 37

« De la Tristesse »

Joie

I, 3, 40

« Nos affections semportent au delà de nous »

Courage/Hardiesse

I, 5, 49

« Si le chef dune place assiegée, doit sortir pour parlementer »

Peur

I, 12, 68

« De la constance »

Constance

I, 18, 80 (I, 19 édition Villey)

« Quil ne faut juger de nostre heur, quaprès la mort »

Prudence

Dans le premier livre, il y a encore trois passages tirés de Guichardin, qui ne semblent pas faire entrevoir une passion dans les épisodes racontés : le premier est lépisode de la mort du pape Alexandre VI, qui mourut en 1503 pour un cas fortuit. Il but du vin empoisonné que son fils le duc de Valentinois destinait au cardinal Hadrien Cornet47 (Storia 351dItalia, VI, 448) ; le deuxième est lépisode du seigneur dAubigny qui prit Capoue profitant dun affaiblissement des contrôles de larmée de Fabrice Colonne qui défendait la ville et qui était en train de parlementer (I, 6, « Lheure de parlemens dangereuse », I, 6, 5149). Enfin, lépisode de la rencontre entre Charles Quint et Clément VII à Bologne en 1529, quand lEmpereur permit au pape dentrer en ville quelques jours avant lui pour lui permettre de se reposer et de se préparer à la rencontre (I, 13, 70)50.

Pour ce qui est des épisodes qui contiennent des renvois aux passions, il est évident quaucune cohérence ou continuité ne les relie. Il arrive même que Montaigne insère un épisode concernant la joie dans un chapitre qui a pour titre « De la Tristesse » et où cette allusion se justifie par contraste. Montaigne garde par rapport à sa source une certaine liberté, car il cite seulement la partie de lépisode concerné qui est fonctionnelle dans son discours. Dans lépisode inséré dans le chapitre « De la Tristesse », Montaigne reprend Guichardin (XIV, 10) pour raconter que le pape Léon X mourut de joie pour une fièvre qui le saisit à la 352nouvelle de la prise de Milan. Il najoute pas, comme lhistorien italien lavait fait, que cette fièvre était peut-être le résultat du poison envoyé par François Ier51. Lépisode de la rencontre entre le pape Clément VII et Charles Quint (I, 13, 70) est précédé dun épisode parallèle, qui raconte la rencontre du pape Clément VII et du roi François Ier à Marseille en 1533. Guichardin (XX, 7) ne signale pas que le roi céda la place au pape, comme laffirme Montaigne.

À vouloir analyser lensemble des passions concernées, joie, courage, peur, prudence, constance, le lecteur se rend compte quelles sont bien différentes. Voici alors quaux passions « primitives » comme les appelle Descartes52 dans Les Passions de lâme (1649), cest-à-dire la joie et la tristesse, sajoutent des passions particulières, comme le courage ou la hardiesse que Descartes définit dans lart. 171 de louvrage de 1649.

Le courage, lorsque cest une passion et non point une habitude ou inclination naturelle, est une certaine chaleur ou agitation qui dispose lâme à se porter puissamment à lexécution des choses quelle veut faire, de quelque nature quelles soient. Et la hardiesse est une espèce de courage qui dispose lâme à lexécution des choses qui sont les plus dangereuses53.

La distinction de Descartes, tout en étant chronologiquement postérieure, cerne bien la question de la nature hétérogène des passions. Aristote, dans le livre II de sa Rhétorique, consacré essentiellement aux passions, et tous les traités grecs et latins et sur lart oratoire proposaient une analyse sur léventail des passions, que nous trouvons aussi décrites dans le traité Sur les passions de Chrysippe. Les passions présentées dans les épisodes tirés de Guichardin ne sont quune petite partie de toutes les passions présentées dans le livre I des Essais, considéré comme un « théâtre des passions » envisagées dans leur diversité54. Au-delà de la casuistique présentée, il 353faudrait faire une réflexion sur la langue utilisée, pour voir si les lectures italiennes ont pu influencer la présentation des passions décrites.

Bien que le texte de Guichardin concernant la mort du pape Léon X en 1521 soit résumé par Montaigne en quelques lignes – lauteur des Essais élimine la partie présentant des suspicions sur cette mort, puis il raccourcit les lignes mêmes concernant la mort de Léon – les mots concernant l« incredibile piacere », traduit par Montaigne de manière littérale « excez de joie » restent identiques. Du point de vue de la syntaxe aussi, les deux auteurs utilisent des formules censées exprimer le lien de cause/effet : la subordonnée de temps/cause pour litalien (« avendo avuto [], e ricevutone [] ») et la conjonction de cause (tel…que…) en français.

Guichardin

Morí di morte inaspettata, il primo dí di dicembre, il pontefice Leone : il quale, avendo avuto alla villa della Magliana, dove spesso si riduceva per sua ricreazione, la nuova dello acquisto di Milano e ricevutone incredibile piacere, soprapreso la notte medesima da piccola febbre e fattosi il dí seguente portare a Roma, ancora che da medici fusse riputato di piccolo momento il principio della sua infermità, morí fra pochissimi dí []. (Storia dItalia, XIV, 10)

Montaigne

[] Nous tenons en nostre siecle que le Pape Leon dixiesme ayant esté adverty de la prinse de Milan, quil avoit extremement souhaittée, entra en tel excez de joye, que la fievre len print, et en mourut. (I, 2, 37)

La tendance à raccourcir les passages est très évidente dans les Essais. Le lecteur le remarque aussi dans lépisode du siège de Reggio, où un accident mal interprété par les soldats provoqua une reprise de la bataille (Alexandre Trivulce mourut des suites des coups reçus) pendant la trêve établie pour que Thomas de Foix, sieur de Lescun, puisse parlementer avec Guy de Rangon, gouverneur de Reggio, ville du pape. Le comte de Lescun, pris de peur, accepta loffre de Rangon de se mettre à labri des coups dans la ville ennemie, sur la seule foi dans la parole de son ennemi et sur la sacralité de son propre rôle dintermédiaire. Guichardin est très explicite dans ce passage à légard du comte de Lescun et parle très ouvertement de « spavento » (peur), une passion si forte quelle avait bloqué complètement le capitaine, tant quil ne savait « risolversi o a stare fermo o a fuggire55 ». 354Montaigne est plus politique et, vu quil sagit dun aristocrate français, il est plus prudent dans la description de cette passion, le contraire du courage qui devrait caractériser un bon soldat. Dans les Essais, la peur nest pas a priori une passion négative ; il y a parfois une « éthique de la peur56 » quand elle concerne la mort et quelle sert à pousser lhomme à se préparer à ce moment. Cependant, dans lanecdote tirée de Guichardin, la peur est liée à un contexte de guerre et elle est donc soumise à une sorte de tabou « politique57 ». Jamais dans le texte français il ne parle de « peur » ; au contraire, il sous-entend que la faute, la peur, était celle de Rangon qui « abandonna de si peu son fort » que la délégation française dut se rapprocher trop de la ville ennemie. Submergée de coups (« de façon quAlexandre Trivulce y fut tué ») et pour des raisons de sécurité, la délégation se trouva obligée daccepter loffre de Rangon et de sabriter dans la ville ennemie. Donc si au niveau lexical nous trouvons une sorte de litote qui empêche de nommer la peur, au niveau de la structure du passage il faut remarquer une similitude évidente dans lutilisation de nombreuses phrases subordonnées, surtout temporelles ou causales, qui font avancer largumentation et la narration jusquau dénouement de laction (« essendo egli [] e lamentandosi [], nè sapendo [] », subordonnées de cause pour litalien – « lors que [], car [] non seulement [] de façon que [], mais [] », subordonnées temporelles et de cause/effet pour le français).

355

Guichardin

Ma essendo egli pieno di spavento, e lamentandosi essergli mancato della fede, né sapendo il governatore, presolo per la mano e confortandolo che sopra la fede sua lo seguitasse, lo introdusse nel rivellino []. (Storia dItalia, XIV, 2)

Montaigne

Comme fit en la ville de Regge, le comte Guy de Rangon (sil en faut croire du Bellay, car Guicciardin dit que ce fut luy mesmes) lors que le Seigneur de lEscut sen approcha pour parlementer : car il abandonna de si peu son fort, quun trouble sestant esmeu pendant ce parlement, non seulement Monsieur de lEscut et sa trouppe, qui estoit approchée avec luy, se trouva le plus foible, de façon que Alexandre Trivulce y fut tué, mais luy mesme fut contrainct, pour le plus seur, de suivre le Comte, et se jetter sur sa foy à labri des coups dans la ville. (I, 5, 49)

Toutes les passions décrites par Guichardin dans son Histoire dItalie ont des connexions avec la vie militaire. La constance du chapitre i, 12, si bien définie par Montaigne dans le même chapitre (« Et le jeu de la constance se joue principalement à porter de pied ferme, les inconveniens où il ny a point de remede », i, 12, 67) est donc plutôt la maîtrise de soi que Laurent de Médicis, père de la reine-mère Catherine eut au cours de la bataille de Mondolphe en 1517 quand il esquiva un coup, faisant preuve de calme et de lucidité lorsquil se mit à quatre pattes. Pour Montaigne, en effet, souvent les contraires se rejoignent. Dans le cas de la constance, il le dit clairement dans une des premières phrases du livre I : « Toutesfois la braverie, la constance, et la resolution moyens tous contraires, ont quelquefois servy à ce mesme effect » (I, 1, « Par divers moyens on arrive à pareille fin », 31). Ainsi, à propos de Laurent de Médicis :

Guichardin

[] il colpo del quale per schifare gittandosi in terra bocconi, innanzi che arrivasse a terra, il colpo, che altrimenti gli arebbe dato nel corpo, gli percosse nella sommità del capo, toccando losso e riuscendo lungo la cotenna verso la nuca. (Storia dItalia, XIII, 4)

Montaigne

[] voyant mettre le feu à une piece qui le regardoit, bien luy servit de faire la cane : car autrement le coup, qui ne luy rasa que le dessus de la teste, luy donnoit sans doute dans lestomach. (I, 12, 68)

Montaigne suggère que les actions, qui semblent résulter de la constance, sont bien plutôt le résultat dun réflexe sans jugement préalable, la chose 356étant trop soudaine pour être soumise à une réflexion58. Ici aussi le texte est presque repris littéralement de litalien (« che altrimenti » traduit par « car autrement »), tout lépisode étant constitué en effet de deux parties de discours, la première décrivant lhomme qui se jette à terre (« in terra bocconi », « faire la cane »), la deuxième décrivant les conséquences du coup (« gli percosse la sommità del capo », « ne luy rasa que le dessus de la teste »). La constance, la maîtrise de soi dont fait preuve Laurent de Médicis rappelle la hardiesse dun autre épisode, qui a pour protagoniste Théodore Trivulce. Ce dernier préféra faire passer le cadavre de Bathélemy dAlviane par la force à travers les terres ennemies plutôt que de demander un sauf-conduit pour un capitaine qui navait jamais eu peur de lennemi.

Guichardin

E volendo condurlo a Vinegia, non comportò Teodoro Triulzio che per potere passare per veronese si dimandasse, come molti ricordavano, salvocondotto a Marcantonio Colonna ; dicendo non essere conveniente che chi vivo non aveva mai avuto paura degli inimici, morto facesse segno di temergli. (Storia dItalia, XII, 17)

Montaigne

Barthelemy dAlviane, General de larmée des Venitiens, estant mort au service de leurs guerres en la Bresse et son corps ayant esté rapporté à Venise par le Veronois, terre ennemie, la pluspart de ceux de larmée estoient dadvis, quon demandast sauf-conduit pour le passage à ceux de Verone : mais Theodore Trivulce y contredit ; et choisit plustost de le passer par vive force, au hazard du combat : nestant convenable, disoit-il, que celuy qui en sa vie navoit jamais eu peur de ses ennemis, estant mort fist demonstration de les craindre. (I, 3, 40-41)

Montaigne paraphrase ici le texte italien, quil rallonge de quelques lignes pour expliquer le contexte de lévénement ; il choisit toutefois de citer la phrase de Trivulce que Guichardin lui-même avait rapportée dans son texte (« dicendo… ») au discours direct (« disoit-il »). La phrase de Trivulce est traduite de manière littérale et marque létendue du courage et de la hardiesse de ce capitaine, Barthélemy dAlviane, qui navait jamais eu peur de ses ennemis.

357

La dernière des citations ne mentionne aucune passion de manière explicite, mais le lecteur peut aisément inférer du discours et du contexte quon parle de la prudence. Elle permet le contrôle des passions, et se rapproche de la constance, sélevant souvent à la hauteur dune vertu, les limites entre passions et maîtrise des passions étant souples et mouvantes : « [] ce Ludovic Sforce dixiesme Duc de Milan, soubs qui avoit si long temps branslé toute lItalie, on la veu mourir prisonnier à Loches ; mais après y avoir vescu dix ans, qui est le pis de son marché » (I, 18, 80). Cette brève réflexion est librement tirée de Guichardin ; très librement même, car le passage que Guichardin consacre à Ludovic Sforza est très long et raconte les détails de sa captivité59. La conclusion de lauteur italien est lapidaire : « tanto è varia e miserabile la sorte umana, e tanto incerte a ognuno ne tempi futuri le proprie condizioni » (Storia dItalia, IV, 14) et coïncide avec le titre du chapitre i, 18 : « Quil ne faut juger de nostre heure, quaprès la mort ». Les parties du bref récit de Montaigne qui reprennent le texte italien sont justement celles qui opposent la grandeur et le bonheur du passé de Ludovic à la misère de la prison, qui dura dix ans (« nella quale stette circa dieci anni », « apres y avoir vescu dix ans »). La phrase utilisée par Guichardin met en évidence le contraste entre limmensité de lambition de Sforza qui visait la totalité du territoire de la péninsule et les limites physiques de sa prison (« rinchiudendosi in una angusta carcere i pensieri e lambizione di colui che prima appena capivano i termini di tutta Italia ») ; cette même opposition est proposée par Montaigne, dans une version moins efficace quand il rappelle que sous le Duc « avoit si long temps branslé toute lItalie ». Montaigne reprend lidée de létendue du territoire italien quon trouve chez Guichardin ; lhistorien italien met bien en relief le contraste entre lItalie et lambition de Sforza.

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Il est évident que la lecture de Guichardin influence de manière importante le texte des Essais, non seulement du point de vue du contenu, mais aussi du point de vue du style de la narration ; cependant, lanalyse aurait besoin dêtre encore poursuivie. Les passions qui reviennent dans les anecdotes historiques semblent être proches de celles que présentent les exempla classiques voués à la formation des lecteurs ou à lillustration dun parcours déducation par lexemple. Cest la fonction que lexemple tiré des classiques latins et grecs avait dans les collèges pour les étudiants qui mettaient en scène des pièces. Le personnage « vient sur scène évoquer ses malheurs et pleurer sur ses joies passées » ; létudiant qui interprète ce personnage ou cite ses actions et raconte son histoire, « noubliera guère ces exemples classiques et ces topoï rhétoriques60 ». Les personnages des anecdotes historiques jouent donc ce rôle, se faisant porte-parole ou interprètes de passions qui, quant à elles, illustrent bien la diversité et le nombre « infiny » de clivages auxquels lâme et le corps61 sont soumis. Car Montaigne est bien conscient de lunité entre lâme et le corps, mais en même temps il sait aussi quune généralisation sur les connexions, les résultats, les exemples, les interactions entre les phénomènes liés à lun et à lautre est impossible. Lexemple doit donc décrire, sans tirer aucune conclusion. Il va sans dire que le choix même des passions à traiter, des épisodes, des personnages, de la langue, du style, de telle ou telle expression ou locution, et le choix de lagencement de lanecdote dans lensemble du chapitre ainsi que le choix de lagencement du chapitre dans lensemble du livre des Essais constitue déjà une trace qui pousse à la réflexion. Cest pour cela quà notre avis, linfluence des passions et de leur description à travers le filtre des lectures italiennes, dont cet article ne constitue quune première ébauche, pourrait être une piste intéressante à parcourir.

Concetta Cavallini

Università di Bari Aldo Moro

1 Petrarca, Canzoniere, Introduzione di Roberto Antonelli, Saggio di Gianfranco Contini, Note al testo di Daniele Ponchiroli, Torino, Einaudi, 1964, p. 135, CII « Cesare, poi che l traditor dEgitto ». Montaigne, Essais, I, 37, 238 « Comme nous pleurons et rions dune mesme chose ». Dans notre article, toutes les citations des Essais renvoient à lédition Pléiade (Montaigne, Les Essais, éd. J. Balsamo, M. Magnien et C. Magnien-Simonin, édition des « Notes de lecture » et des « Sentences peintes » établie par A. Legros, Paris, Gallimard « Bibliothèque de la Pléiade », 2007. Toute autre indication est précisée en note.

2 Il Petrarca, con nuove et brevi dichiarationi, insieme una tavola di tutti i vocaboli, detti et proverbi difficili, diligentemente dichiarati, in Lyone, appresso Gulielmo Rovillio, 1550, in-8o. Les deux premières éditions publiées chez Rouillé sont annotées par Antonio Brucioli, les trois autres par Pietro Bembo. Sur G. Rouillé voir É. Picot, Les Français italianisants au xvie siècle, Paris, H. Champion, 1906, p. 195-197 et J. Baudrier, Bibliographie Lyonnaise, IX, Lyon, 1895-1921, vol. IX, p. 13-411 (surtout p. 37-42).

3 Sur lexemplaire qui porte lex-libris de Montaigne (Paris, Bibliothèque nationale de France, Rés. Z Payen 497), en plus de la phrase « Riletto assai volte » figure aussi : « Mentre si può ». La première a été longtemps considérée comme une annotation manuscrite non attribuable à Montaigne. Ce nest quassez récemment quon a avancé lhypothèse que la différence de graphie dépend peut-être du fait que cette phrase a été rédigée à une époque différente de lautre. Voir A. Legros, Montaigne manuscrit, Paris, Classiques Garnier, 2010.

4 N. Bingen, Les éditions lyonnaises de Pétrarque dues à Jean de Tournes et à Guillaume Rouillé, in Les Poètes français de la Renaissance et Pétrarque, études recueillies et publiées par Jean Balsamo, Genève, Droz, (collection des Travaux dHumanisme et Renaissance – Publications de la Fondation Barbier-Mueller pour létude de la poésie italienne de la Renaissance, n. 1), 2005, p. 139-155.

5 J. Balsamo, Les Rencontres de Muses. Italianisme et anti-italianisme dans les Lettres françaises de la fin du xvie siècle, Genève, 1992, p. 237.

6 Dictionaire Francoislatin, contenant les motz & manieres de parler Francois, tournez en Latin, À Paris, De limprimerie de Robert Estienne, 1539, ad vocem.

7 Dans un article de 1980, A. Lagrange se posait déjà la question du clivage du mot entre singulier et pluriel chez Montaigne : A. Lagrange, « Lhomme et le monde dans lédition des Essais de 1580 », Bulletin de la société des amis de Montaigne, 3-4, 1980, p. 31-52.

8 P. Richelet, Dictionnaire françois : contenant les mots et les choses, plusieurs nouvelles remarques sur la langue françoise, ses expressions propres, figurées et burlesques, la prononciation des mots les plus difficiles, le genre des noms, le régime des verbes…, Seconde partie, du dictionnaire françois, tiré de lusage et des meilleurs auteurs de la langue, Genève, J.-H. Widerhold, 1680, p. 133, entrée « Passion ».

9 Dictionnaire de lAcadémie françoise dédié au Roy, A Paris, Chez la Veuve de Jean Baptiste Coignard, Imprimeur ordinaire du Roy, et de lAcadémie Françoise, 1694, entrée « Passion » (seconde entrée).

10 E. Ferrari, Montaigne. Une anthropologie des passions, Paris, Classiques Garnier, 2014, p. 9. Voir aussi le numéro 2011-2, n. 54 du Bulletin de la société des amis de Montaigne, par E. Ferrari, qui rassemble des articles consacrés à ce sujet (« Ce nombre infiny de passions » : Montaigne et la diversité des affects).

11 E. Ferrari rend compte de la bibliographie assez réduite sur cette question dans la note 2 du « Prologue » de son volume (E. Ferrari, Montaigne. Une anthropologie, p. 10). Voir aussi lentrée « Passions » par C. Couturas et sa bibliographie dans le Dictionnaire Montaigne, nouvelle édition revue, corrigée et augmentée, sous la direction de Ph. Desan, Paris, Champion, 2007, p. 877-879.

12 H. Friedrich, Montaigne, Paris, Gallimard, 1968, p. 183.

13 H. Friedrich, Montaigne, p. 184.

14 S. Foà, « Manetti, Giannozzo », in Dizionario Biografico degli Italiani, Volume 68, Rome, Instituto dellEnciclopedia Italiana, 2007. Sur Valla, outre la fiche de référence de D. Cantimori (Enciclopedia Italiana, Rome, Istituto dellEnciclopedia Italiana, 1937), voir S. Camporeale, Lorenzo Valla. Umanesimo, riforma e controriforma. Studi e testi, Rome, Edizioni di storia e letteratura, 2002 [Florence, Instituto Nazionale di Studi sul Rinascimento, 1972].

15 Le Pogge, Facéties, texte établi par Stefano Pittaluga, introduction et traduction par Étienne Wolff, notes de Stefano Pittaluga, Paris, Les Belles Lettres, 2005.

16 H. Friedrich, Montaigne, p. 183.

17 À partir du xixe siècle, le récit bref devient un véritable genre littéraire avec ses règles et ses caractéristiques bien définies. Un colloque consacré à ce sujet (Le récit bref : co-textes et contextes) a eu lieu à Louvain du 4 au 6 mai 2017 (http://www.shortfiction.be).

18 S. Battaglia, « Dallesempio alla novella », Filologia Romanza, VII, 1960, p. 21-84 ; G. Pérouse, « Nouvelle et Histoire », La Nouvelle de langue française aux frontières des autres genres, du Moyen Age à nos jours, vol. I, sous la direction de V. Engel et M. Guissard, Ottignies, Quorum, 1997, p. 114-121 ; C.-G. Dubois, « Taxinomie et Poétique : compositions sérielles et constructions densembles dans la création esthétique en France au seizième siècle », in Le signe et le texte. Études sur lécriture au xvie siècle en France, textes réunis par L. D. Kritzman, Lexington, French Forum, 1990, p. 131-145.

19 On peut citer les Histoires prodigieuses (1559) de Pierre Boaistuau et de lAcadémie française (1577) de La Primaudaye, mais la liste serait infinie et pourrait remonter à Érasme, au Pogge, et sélargir à lArétin, à Matteo Bandello, pour ne penser quà lItalie.

20 Un numéro des Montaigne studies (XXIX, 1-2, 2017) sous la direction dÉric McPhail, est consacré à Montaigne et les historiens (Montaigne and Historians), et analyse les enjeux nombreux, textuels, biographiques, dinfluences, de lectures, entre Montaigne et les historiens. Un colloque, dont les actes ont été publiés en 1991, a été consacré au rapport entre Montaigne et lhistoire : Montaigne et lhistoire. Actes du colloque international de Bordeaux (29 sept.-1er oct. 1988), organisé par La Société française des Seizièmistes, avec la collaboration du Ministère de la recherche et de lenseignement supérieur, textes réunis par Claude-Gilbert Dubois, Paris, Klincksieck, 1991. Pour un supplément de bibliographie sur cette question, voir entrée « Histoire » par M.-D. Couzinet in Dictionnaire Montaigne, p. 533-537.

21 J. Bodin, Methodus ad facilem historiarum cognitionem, testo latino, traduzione e commento a cura di Sara Miglietti, Pisa, Edizioni della Normale, 2013.

22 I. Zinguer, « Les anecdotes dans les Essais de Montaigne », Bulletin de la société des amis de Montaigne, V, 9, 1974, p. 81-107 et A. Bendelac, « Montaigne et les anecdotes : le réel, la vérité et lhistoire », Bulletin de la société des amis de Montaigne, VI, 7-8, 1981, p. 67-78.

23 Entrée « Anedctotes » par I. Zinguer, in Dictionnaire Montaigne, p. 49-51.

24 C. Cavallini, LItalianisme de Michel de Montaigne, préface de G. Dotoli, Fasano / Paris, Schena / Presses de lUniversité de Paris-Sorbonne, 2003.

25 B. Pistilli et M. Sgattoni, La biblioteca di Montaigne, Préf. di Nicola Panichi, Pise, Edizioni della Normale, 2014.

26 Giovanni Villani avait publié en 1537 son ouvrage Chroniche di messer Giovanni Villani, nelle quali si tratta dellorigine di Firenze, et di tutti e fatti e guerre state fatte da Fiorentini nella Italia, et nelle quali [] fa mentione dal principio del mondo infino al tempo dellautore, di tutte le guerre state per il mondo [] (Venise, Bartholomeo Zanetti), qui connut beaucoup de rééditions par la suite.

27 Ieronimo de Franchi Conestaggio, DellUnione del regno di Portogallo alla corona di Castiglia, (Gênes, Bartoli, 1585).

28 Viaggio dellIndie Orientali di Gasparo Balbi Gioielliero Venetiano, nel quale si contiene quanto egli in detto viaggio ha veduto per lo spatio di 9 anni consumati in esso dal 1579 fino al 1588, Venise, C. Borgominieri, 1590.

29 P. Villey, Les sources et lévolution des Essais de Montaigne, Paris, Hachette, 1908. Mais auparavant Villey avait publié Les livres dhistoire moderne utilisés par Montaigne, Paris, Hachette, 1908. Guichardin, avec Machiavel, représente un point de repère pour lhistoriographie italienne de la Renaissance. Voir Franco Fido, Machiavelli, Guicciardini e storici minori del primo Cinquecento, Padoue, Vallardi, 1994.

30 P. Giovio, Commentario delle cose de Turchi, Vinegia, in casa dei figliuoli dAldo, 1541 et P. Giovio, Delle histoirie. Prima (Seconda) parte, trad. Ludovico Domenichi, Venise, Giorgio de Cavalli, 1564, traduites par D. Sauvage en 1581 (Paris, Dupuis). Sur les traductions italiennes en France à la Renaissance, voir le répertoire par J. Balsamo – V. Castiglione Minischetti – G. Dotoli, Les traductions de litalien en français au xvie siècle, en collaboration avec la Bibliothèque nationale de France, Fasano-Paris, Schena-Hermann, 2009.

31 La Historia di Italia di m. Francesco Guicciardini gentilhuomo fiorentino [], in Fiorenza, appresso Lorenzo Torrentino impressor ducale, 1561. Lédition fut imprimée par les soins dAgnolo Guicciardini, sous la protection des Médicis.

32 P. Villey lavait déjà affirmé en 1908 (Les livres dhistoire moderne, p. 47).

33 P. Villey, Les sources et lévolution des Essais de Montaigne, p. 312.

34 B. Pistilli et M. Sgattoni, La biblioteca di Montaigne, p. 42 : « In qualche caso, come quello delle opere di Guicciardini, De Commynes, Martin et Guillaume du Bellay, il mancato ritrovamento non può comunque lasciar dubbi sulla loro presenza nella librairie, certificata dai giudizi di sintesi apposti sui relativi esemplari poi riportati per intero nel capitolo Des livres (II, 10) degli Essais [] ».

35 J. Balsamo (entrée « Guichardin, François (Guicciardini) », in Dictionnaire Montaigne, p. 520-521) reprend lopinion de Villey quant à la traduction de Chomedey (Les livres dhistoire moderne, p. 47).

36 Ph. Desan, Montaigne. Les formes du monde et de lesprit, Paris, PUPS, 2008, chap. 9 « Morales », p. 151. Ph. Desan trace bien les limites de la définition de morale pour la Renaissance, puis il parle pour Montaigne de « réflexions sur les mœurs et les coutumes » (p. 151) qui ne doivent pas être considérées comme des commentaires philosophiques sur une condition humaine abstraite, mais sur un hic et nunc précis et déterminé.

37 Montaigne, Les Essais, édition de Pierre Villey, Paris, PUF, 1965, II, 10, 418.

38 E. Ferrari, op. cit., p 167.

39 À partir de lédition 1595, le chapitre qui avait jusque-là été le I, 14 devient le I, 40, ce qui provoque un décalage dans la numérotation des chapitres du premier livre. Puisque notre article suit la pagination des Essais dans lédition de la Pléiade, qui suit celle de 1595, ce chapitre est le I, 40. Voir la note introductive au chapitre i, 14 dans lédition Pléiade par M. Magnien et C. Magnien-Simonin (p. 1351). Cependant, nous indiquons aussi entre parenthèses la numérotation du chapitre dans lédition Villey.

40 E. Ferrari, op. cit., p. 169.

41 Lexpression est de G. Hoffmann, (« Le roi “débonnaire” : Duplessis-Mornay, Montaigne et limage de Henri de Navarre en 1583-1584 »), in Montaigne politique. Actes du colloque international tenu à University of Chicago (Paris) les 29 et 30 avril 2005, réunis par Ph. Desan, Paris, Champion, 2006, p. 292.

42 G. Benzoni, « Corbinelli, Jacopo », in Dizionario biografico degli Italiani, XXVIII, Rome, 1983, p. 750-760. Voir aussi Paolo Carta, Francesco Guicciardini tra diritto e politica, Padoue, CEDAM, 2008, p. 170-187.

43 Piu consigli et auuertimenti di m. Fr. Guicciardini gentilhuomo fior. in materia di republica et di priuata, nuouamente mandati in luce : et dedicati a la regina madre del re. Stampato in Parigi, da Federigo Morello, regio stampatore, 1576.

44 Voir la communication de Maria Elena Severini, « Jacopo Corbinelli e Antoine de Laval : le prime edizioni dei Ricordi di Guicciardini in Francia, tra erudizione e vita di corte », au colloque Un fuoruscito fiorentino alla corte di Francia : Jacopo Corbinelli, Florence, Istituto Nazionale di Studi sul Rinascimento, 17-18 dicembre 2008. Les actes, à notre connaissance, nont pas encore vu le jour.

45 N. Panichi, « Au-delà de la vertu “innocente” : Montaigne et les théoriciens de la raison détat », in Montaigne politique, p. 77-79.

46 Ph. Desan, Naissance de la méthode : Machiavel, La Ramée, Bodin, Montaigne, Descartes, Paris, Nizet, 1982, p. 57.

47 « Le Duc de Valentinois ayant resolu dempoisonner Adrian Cardinal de Cornete, chez qui le Pape Alexandre sixiesme son père, et luy alloyent soupper au Vatican : envoya devant quelque bouteille de vin empoisonné, et commanda au sommelier quil la gardast bien soigneusement : le Pape y estant arrivé avant le fils, et ayant demandé à boire, ce sommelier, qui pensoit ce vin ne luy avoir esté recommandé que pour sa bonté, en servit au Pape, et le Duc mesme y arrivant sur le point de la collation, et se fiant quon nauroit pas touché à sa bouteille, en prit a son tour ; en maniere que le Pere en mourut soudain, et le fils après avoir esté longuement tourmenté de maladie, fut reservé a unautre pire fortune » (I, 33, 226, I, 34 dans lédition Villey).

48 Pour la Storia dItalia, nous avons consulté plusieurs éditions présentes dans les bibliothèques de Bari, notamment lédition 1565, La Historia dItalia, di M. Francesco Guicciardini gentilhuomo fiorentino, Nuouamente con somma diligenza ristampata, & da molti errori ricorretta. Con laggiunta de sommarij à libro per libro : & con le annotationi in margine delle cose più notabili : fatte dal reuerendo padre Remigio fiorentino. Oue sè messa ancora una copiosissima tauola per maggior commodità de lettori (Venise, Nicolò Bevilacqua), lédition 1574, réimprimée chez le même éditeur en 1583, (La historia dItalia di M. Francesco Guicciardini gentilhuomo fiorentino, nuouamente riscontrata con tutti gli altri historici & auttori, … & ornata in margine con lAnnotationi de riscontri fatti da Thomaso Porcacchi da Castiglione Arretino. Con un giudicio fatto dal medesimo, per discoprir tutte le bellezze di questa historia [], Venetia, Giorgio Angelieri), lédition 1590, La Historia dItalia di m. Francesco Guicciardini gentilhuomo fiorentino, diuisa in venti libri. Riscontrata con tutti gli altri historici, [] per Thomaso Porcacchi [] Con vn giudicio fatto dal medesimo [] & vna raccolta di tutte le sententie sparse per lopera. Et con due tauole [] Aggiuntaui la vita dellauttore, scritta da m. Remigio Fiorentino, In Venise, Paulo Ugolino, 1590.

49 Tirée de Guichardin, Storia dItalia, V, 7. Pour les éditions modernes de Guichardin, nous avons utilisé : Fr. Guicciardini, Opere, a cura di Vittorio de Caprariis, Milan/Naples, Riccardo Ricciardi, 1961.

50 I, 13 « Ceremonies de lentrevue des Rois ». Tiré de Storia dItalia, XIX, 16.

51 Guichardin, Storia dItalia, XIV, 10 : « [] non senza sospetto grande di veleno, datogli, secondo si dubitava, da Bernabò Malaspina suo cameriere deputato a dargli da bere. Il quale se bene fusse incarcerato per questa suspicione, non fu ricercata piú oltre la cosa, perché il cardinale de Medici, come fu giunto a Roma, lo fece liberare, per non avere occasione di contrarre maggiore inimicizia col re di Francia, per opera di chi si mormorava, ma con autore e congetture incerte, Bernabò avergli dato il veleno ».

52 La seconde partie de son ouvrage explique les six passions primitives, dont la joie et la tristesse.

53 Voir R. Descartes, Des passions en général : extrait de « Les passions de lâme » : dossier et notes réalisés par M. Rigaill : lecture dimage par Chr. Hubert-Rodier, Paris, Gallimard, 2008.

54 Fr. Charpentier, « La passion de la tristesse », Montaigne Studies, IX, 1-2, 1997, p. 35.

55 Guichardin, Storia dItalia, XIV, 2 : « Nel quale stato avendo alcuni del popolo, contro allordine dato, aperto una delle porte per introdurre uno carro carico di farina, Buonavalle che era di contro a quella porta, perché le genti dello Scudo sparsesi intorno alle mura ne circondavano una parte, si spinse innanzi con alcuni uomini darme, per entrare dentro : ma essendone cacciato e serrata la porta con grande strepito, il romore, venuto nel luogo dove lo Scudo e il governatore parlavano, fu cagione che quegli della terra e alcuni de fuorusciti, de quali erano piene le mura del rivellino, scaricati gli scoppi contro a quegli che erano vicini allo Scudo, ferirno gravemente Alessandro da Triulzio, della quale ferita morí fra due giorni, indegno certamente di questa calamità perché avea dissuaso il venire a Reggio : gli altri fuggirono : né salvò lo Scudo altra cosa che il rispetto che ebbe, chi voleva tirare a lui, di non percuotere il governatore. Ma essendo egli pieno di spavento, e lamentandosi essergli mancato della fede, né sapendo risolversi o a stare fermo o a fuggire, il governatore, presolo per la mano e confortandolo che sopra la fede sua lo seguitasse, lo introdusse nel rivellino : non laccompagnando altri de suoi che La Motta gentiluomo franzese : e fu cosa maravigliosa che tutte le genti darme, come intesono lo Scudo essere entrato dentro, andata tra loro la voce che era stato fatto prigione, si messono in fuga, con tanto timore che molti di loro gittorno le lancie per le strade, pochissimi furono quegli che aspettassino lo Scudo. »

56 J. D. Lyons, « Éthique de la peur », Bulletin de la société des amis de Montaigne, n. 55, 2012-1, p. 197-209.

57 Sur limportance de la dimension politico-sociale pour Montaigne, voir la biographie de Montaigne par Ph. Desan, Montaigne. Une biographie politique, Paris, Odile Jacob, 2014. Voir aussi A.-M. Cocula, Montaigne. Les années politiques, Bordeaux, Éditions confluences, 2011.

58 « [] voyant mettre le feu à une piece qui le regardoit, bien luy servit de faire la cane : car autrement le coup, qui ne luy rasa que le dessus de la teste, luy donnoit sans doute dans lestomach. Pour en dire le vray, je ne croy pas que ces mouvemens se fissent avecques discours : car quel jugement pouvez vous faire de la mire haute ou basse en chose si soudaine ? et est bien plus aisé à croire, que la fortune favorisa leur frayeur : et que ce seroit moyen une autre fois aussi bien pour se jetter dans le coup, que pour leviter » (I, 12, 68-69).

59 Nous citons ici le passage en entier : « Fu Lodovico Sforza condotto a Lione, dove allora era il re, e introdotto in quella città in sul mezzodí, concorrendo infinita moltitudine a vedere uno principe, poco fa di tanta grandezza e maestà e per la sua felicità invidiato da molti, ora caduto in tanta miseria : donde, non ottenuta grazia di essere, come sommamente desiderava, intromesso al cospetto del re, fu dopo due dí menato nella torre di Locces, nella quale stette circa dieci anni, e insino alla fine della vita, prigione : rinchiudendosi in una angusta carcere i pensieri e lambizione di colui che prima appena capivano i termini di tutta Italia. Principe certamente eccellentissimo per eloquenza per ingegno e per molti ornamenti dellanimo e della natura, e degno di ottenere nome di mansueto e di clemente, se non avesse imbrattata questa laude la infamia per la morte del nipote : ma da altra parte di ingegno vano e pieno di pensieri inquieti e ambiziosi, e disprezzatore delle sue promesse e della sua fede : e tanto presumendo del sapere di se medesimo che, ricevendo somma molestia che e fusse celebrata la prudenza e il consiglio degli altri, si persuadesse di potere con la industria e arti sue volgere dovunque gli paresse i concetti di ciascuno ».

60 M. Ferrand, « Le théâtre des collèges, la formation des étudiants et la transmission des savoirs aux xve et xvie siècles », Camenulae, no 3, juin 2009, p. 9. (http://www.paris-sorbonne.fr/revue-en-ligne-camenulae)

61 C. Montaleone (Montaigne o la profondità della carne, Milano/Udine, Mimesis edizioni, 2015) analyse la complexité du rôle du corps dans la constitution de lidentité de lindividu mais aussi dans la conception des Essais.