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Classiques Garnier

Justice, meurtre et leadership politique dans la Révolte anglaise de 1381

  • Publication type: Journal article
  • Journal: Cahiers de recherches médiévales et humanistes / Journal of Medieval and Humanistic Studies
    2017 – 2, n° 34
    . varia
  • Author: Fletcher (Christopher)
  • Abstract: Recent interpretations of the 1381 Peasant’s Revolt in England have played down its violence. By focusing on the identity of the victims who were put to death, the article draws attention to an aspect of this movement that has been neglected, namely the commoners’ seizure of the monopoly of violence that had been held by the nobility and members of the royal court. This violence allowed the insurgents to assume political leadership in a movement against the Crown for the first time across the realm of England.
  • Pages: 61 to 86
  • Journal: Journal of Medieval and Humanistic Studies
  • CLIL theme: 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
  • EAN: 9782406077411
  • ISBN: 978-2-406-07741-1
  • ISSN: 2273-0893
  • DOI: 10.15122/isbn.978-2-406-07741-1.p.0061
  • Publisher: Classiques Garnier
  • Online publication: 01-20-2018
  • Periodicity: Biannual
  • Language: French
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Justice, meurtre
et
leadership politique
dans la Révolte anglaise de 1381

La révolte majeure qui éclate pendant lété 1381 se distingue comme la première révolte de lhistoire de lAngleterre dont les acteurs les plus importants ne sont pas issus de la grande noblesse du pays. Le royaume dAngleterre a été secoué à plusieurs reprises par des mouvements de contestation du pouvoir royal aux xiiie et xive siècles, visant des erreurs politiques, la partialité juridique, des mauvaises pratiques financières et les excès fiscaux de rois successifs. Tous ces mouvements sont dirigés par des hommes de la haute noblesse. Les barons qui se sont opposés au roi Jean au début du xiiie siècle ne sont peut-être pas les hommes les plus influents du royaume, mais ils tiennent leurs terres directement du roi, et ils ont parfois été proches du roi1. Lopposition à Henri III entre 1258 et 1261 sest finalement concentrée sur la personne de son beau-fils et ancien favori, Simon de Montfort2. La résistance aux demandes fiscales dÉdouard Ier en 1297 est dirigée par le Connétable et le Maréchal dAngleterre, les comtes de Norfolk et de Hereford3. Lopposant le plus déterminé dÉdouard II nest autre que le plus grand propriétaire terrien du pays après le roi, Thomas, comte de Lancastre4.

Il est vrai que la mobilisation politique en réponse aux événements nationaux nest pas le monopole des princes du royaume au xiiie et au 62début du xive siècle. Les propriétaires terriens de rang chevaleresque ou immédiatement inférieur, la gentry dont le poids politique collectif compense leur relative insignifiance individuelle, constituent un précieux renfort pour les barons réformateurs de 1215 et de 1258-12615. Les historiens ont pu montrer la participation active de certains paysans dans le mouvement de contestation contre Henri III6. Ces derniers nont pas pu ignorer le poids grandissant de limpôt royal à la fin du xiiie et au début du xive siècle7. Les historiens ont longtemps souligné limportance de la mobilisation des paysans et des gens des villes pour défendre leurs droits contre leur seigneur et de plus en plus pour protester contre le poids de limpôt et dautres impositions royales8. Toutefois, si lon compare le cas de lAngleterre à dautres aires géographiques, il est frappant de constater à quel point le leadership des révoltes reste le pré-carré des plus grands nobles du royaume, pendant une fin du xiiie et un début du xive siècle au cours desquels les mouvements de contestation ailleurs en Europe sont souvent dirigés par des gens des villes et par des paysans9. Il est vrai que la révolte de 1381 sinsère dans une vague de contestation que lon voit se propager à partir des années 1350 en France, en Italie, aux Pays-Bas, voire dans lEmpire mais, en Angleterre, la rupture avec ce que lon a vu auparavant dans les mouvements de contestation à léchelle du pays semble plus abrupte. Là où la noblesse a toujours occupé le devant de la scène dans la contestation du pouvoir royal, en 1381 les paysans et les gens des villes ont pris le relais.

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Dans le contexte anglais, il y a par conséquent un paradoxe ou un problème qui nexiste pas dans dautres contextes européens : comment le leadership politique du soulèvement de 1381 a-t-il pu être endossé par dautres groupes que la haute noblesse ? En effet, cest une question qui recoupe plusieurs pistes de recherche explorées par les historiens, notamment lanalyse prosopographique des insurgés. Mais pour comprendre ces analyses, il faut dabord présenter les circonstances immédiates qui ont provoqué la révolte du printemps 1381.

À partir de la fin du mois de mai dans le comté dEssex, et peu après dans le Kent, des communautés locales – à la fois des villages et des petites villes ou des villes de taille moyenne qui caractérisent lurbanisation développée mais peu concentrée du royaume dAngleterre – ont commencé à résister aux commissions royales envoyées pour corriger le mauvais rendement dun prélèvement de trois groats, soit un sou, sur tout homme ou femme laïque de plus de quinze ans10. Cette taxe est la troisième de ce type à être octroyée par le Parlement, et elle prend la suite dune série dexpériences fiscales peu heureuses qui ont été mises en place depuis la reprise de la guerre en France en 136911. De 1360 à 1371, aucun impôt direct na été levé mais, au cours de la décennie suivante, le pays est soumis à un niveau dimposition sensiblement supérieur à celui des années 135012, se rapprochant de celui des années 134013, cest-à-dire avant que la population ne soit réduite de plus de la moitié par la peste. Entre 1371 et 1380, sont levés pas moins de six et demi « subsides » traditionnels (un « dixième » sur les villes et un « quinzième » sur la campagne) dune valeur estimée de 37.000 £ chacun ; une nouvelle « taxe des paroisses », dont la collecte fut chaotique mais qui rapporta pourtant 49.500 £ entre 1371 et 137414 ; et trois 64poll taxes, dont la première en 1377 aurait dû récolter 22.500 £, et la troisième en 1380-1381 était censée ramener trois fois plus15. Toutes ces impositions ont été levées sur fond dactivités militaires en France à la fois très onéreuses et sans utilité apparente, dautant quaprès le ralliement du royaume de Castille à Charles V et la bataille navale de La Rochelle en 1371 les côtes dAngleterre sont soumises à des raids répétés16.

La troisième poll tax fut fixée à trois fois la contribution de 1377, et elle ne comprenait pas le mécanisme de 1379 selon lequel le niveau dimposition devait varier selon le statut du contribuable. Selon la règle établie pour la taxe de 1380-1381, chaque individu devait sacquitter dun paiement de 12 deniers, les plus riches devant aider les plus pauvres17. Puisque le niveau de limpôt était établi par communauté par le constable local, aidé de deux autres personnes, il sagissait détablir la contribution totale de chaque ville ou village, et de sarranger ensuite pour partager le poids de limposition entre tous selon leurs revenus18. Cette taxe fut octroyée par les hommes de la gentry et des élites urbaines qui représentaient les Commons au Parlement le 3 décembre 1380. Les deux premiers tiers étaient dus dans un délai très court, le 27 janvier 1381, tandis que le dernier tiers devait être payé quatre mois plus tard, le 2 juin. Il apparut dès le premier versement que le rendement de ce nouvel impôt serait nettement inférieur aux précédents. Il a également dû être évident que ces mauvais résultats étaient la conséquence dune évasion fiscale à grande échelle : les listes de contribuables ne comptaient plus que les deux tiers de la population recensée pour la première poll tax de 137719. Par conséquent, deux vagues de commissions de contrôle furent envoyées dans un total de quinze comtés, le 16 mars, puis le 3 mai, pour vérifier les listes de contribuables établies lors du premier recensement 65de limpôt20. Ces enquêtes ont dû être particulièrement humiliantes pour les hommes dimportance locale qui ont été chargés détablir les listes initiales de contribuables, et dont lautorité fut remise en cause par larrivée de ces commissions21.

Les travaux prosopographiques menés depuis les années 1970 ont souligné limportance occupée dans la révolte de 1381 par des hommes dune certaine importance dans leurs communautés rurales. Les travaux de C. Dyer et plus récemment de H. Eiden ont pu montrer quune proportion significative des rebelles venus de la campagne a également été active en tant quofficiers au niveau du village, du manoir ou du hundred. Dyer a pu montrer que 53 des 87 rebelles quil a identifiés dans les sources imprimées pour quatre comtés ont rempli des offices locaux tels que reeve (lofficier seigneurial le plus important du manoir), chief pledge (les chefs des groupes dune douzaine dhommes à partir de ladolescence, garants mutuels de leur bon comportement), juré, testeur de bière, bailli de village, constable ou dautres positions de responsabilité locale22. Dans une étude portant sur 150 personnes du comté de Suffolk, Dyer a pu montrer que les chefs des rebelles venaient en grande partie de « lélite paysanne » remplissant des offices à léchelle du village et possédant des terres et des ressources relativement étendues23. H. Eiden, travaillant à partir de sources inédites des comtés dEssex et Norfolk a pu trouver des données sociales et économiques pour quelques 532 rebelles. Dans lEssex, 75 sur 283 (26,5 %) et dans le Norfolk, 77 sur 249 (30 %) ont été des officiers locaux24. Dyer reconnait que ces chiffres sont biaisés dans la mesure où nous avons plus de chances de trouver des données concernant des individus dune certaine importance dans leur village25. Pour la plupart des personnes dont il a trouvé le nom, Eiden na pas été en mesure de rassembler plus de renseignements (1636 des 2168 individus, soit 75 %). On peut imaginer que la proportion 66dofficiers parmi eux est moindre. Il est pourtant clair que les hommes dun certain statut au niveau du village ont bien participé à la révolte, et quils en ont souvent été les chefs. Il est intéressant de constater que 14 des rebelles identifiés dEssex et 15 du Norfolk ont été assesseurs ou collecteurs dune des trois poll taxes. Ce phénomène paraît moins étonnant si nous réfléchissons au fait que la cause immédiate de la révolte ne fut pas la collecte de limpôt en elle-même, mais lenvoi des commissions mettant en question les efforts antérieurs des collecteurs au niveau local. Les officiers locaux et les hommes les plus importants de chaque village avaient autant de raisons de sopposer à larrogance du pouvoir royal que les pauvres hommes et femmes qui souffraient de manière disproportionnée de ces impôts nouveaux et fortement régressifs.

Il est clair que les travailleurs pauvres et les serviteurs contractuels furent des participants majeurs dans la révolte de 1381. Au fur et à mesure de la progression de la révolte, et surtout après larrivée des rebelles à Londres, les exigences dabolition du servage, de loyers raisonnables, voire de la suppression de toute seigneurie à part celle du roi, toutes ces demandes répondent autant aux besoins des paysans pauvres quà ceux des coqs de village26. J. Bennet a récemment insisté sur limportance de la législation imposée après la peste de 1348-1349 et affinée à plusieurs reprises, non seulement dans la mesure où elle tentait de limiter le salaire des artisans et des ouvriers, mais aussi dans son imposition dun contrat de service obligatoire à toute personne nayant pas de moyens financiers indépendants et ne vivant pas dun métier27. Cest exactement ce que visait Wat Tyler dans son premier entretien avec le roi Richard II à Mile End, lorsquil a demandé « qe nulle ne deveroit servire ascune homme mes a sa volunte de mesme et par covenant taille », cest-à-dire par un contrat libre28. Cela dit, il est indéniable que ces hommes de moindre statut étaient aussi accompagnés et parfois dirigés par des hommes issus des strates supérieures de la société villageoise.

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Interprétations modernes
et médiévales de la révolte de 1381

Les historiens ont souvent insisté sur la nature structurée de la révolte de 1381. Ils ont souligné limportance des structures reposant sur les offices locaux et les hiérarchies sociales existantes. Ils ont noté lutilisation des institutions de la paroisse et des moyens de communication et de mobilisation militaire intrinsèques à ladministration royale des comtés29. Parallèlement, les critiques littéraires de lécole du « nouvel historicisme » américain, notamment S. Justice, ont argué que la destruction des archives écrites caractérisant la révolte doit être considérée comme la manifestation dun programme conscient qui visait à remplacer les pratiques administratives en langue latine et française par une nouvelle insurgent literacy en langue anglaise30. De manière moins radicale, P. Strohm a appliqué les méthodes de la critique littéraire pour faire entendre certains aspects de la « voix » authentique des rebelles, même dans les chroniques qui leur sont très hostiles31.

Quils soient de nature socio-historique ou new historicist, ces arguments ont en commun la volonté de corriger une vision de la révolte de 1381 qui remonte aux chroniqueurs et aux écrivains de lépoque, et confortée par la publication dextraits des sources juridiques de la révolte à la fin du xixe et au début du xxe siècle. Dans cette tradition historique, le soulèvement de 1381 est présenté comme lexplosion soudaine et incontrôlée dun peuple certes opprimé, mais surtout conçu comme une masse confuse, irraisonnée et bestiale32. Les historiens et les critiques littéraires plus récents ont tous partagé la volonté de corriger cette calomnie vieille de six siècles.

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La version la plus développée de cette présentation des rebelles est sans aucun doute la Visio cauchemardesque que le poète John Gower a ajouté au début dun long traité moral en latin, le Vox Clamantis, après les événements de 138133. Le Vox original traitait surtout des péchés des strates gouvernantes de la société, et avant tout des fautes des hommes dÉglise. Mais, suite à la rébellion, Gower a rajouté un long prologue de 2150 lignes qui met en scène une vision terrifiante de la révolte de 1381, figurée comme la transformation danimaux domestiques familiers en bêtes sauvages assoiffées de sang, très inspirée par les œuvres dOvide, dont il reprend des passages entiers34. Ces animaux/paysans sont divisés en plusieurs groupes que Gower considère un par un. Il y a des ânes rebelles qui refusent dêtre bridés, mais qui deviennent plus féroces que les lions et les léopards35. Il y a des bœufs de labour qui ne se soumettent plus à la charrue, mais qui développent des pieds dours et des queues de dragons : ils sont transformés en lions, en panthères et en ours36. Les cochons se comportent comme des sangliers et des loups37. Les chiens ordinaires ne servent plus leurs humbles maîtres, tels des bergers, des prêtres ordinaires, des boulangers, des cuisiniers, des bouchers ou des meuniers, mais se prennent pour de nobles chiens de chasse, aboyant et mordant38. Les chats et les renards sallient entre eux et avec les chiens qui adoptent les mœurs des loups39. Les coqs et les oies deviennent des faucons, des corbeaux et des milans40. Chaque transformation saccompagne du refus de la nourriture et des conditions de vie appropriées pour les animaux de bas état quils sont.

La plupart des lecteurs du Vox Clamantis ont souligné la haine et la peur de classe qui suinte de ce poème41. Plus récemment on a 69néanmoins trouvé une certaine sympathie pour les revendications des rebelles, au moins celles contre les péchés de leurs gouvernants42. Je me demande sil est possible daller plus loin. On sest souvent arrêté à la manière dont Gower présente les rebelles comme des animaux, cest-à-dire des non-êtres humains. Mais les lecteurs modernes nont pas analysé en détail le type danimaux représentés et le sens de leur transformation. Gower décrit des paysans, dabord des animaux domestiques, puis transformés par leur orgueil en des animaux certes sauvages ou mythiques, mais souvent représentés dans lhéraldique. Le lion, le léopard, lours, le dragon, la panthère, le sanglier et le loup sont tous des figures familières des blasons de la noblesse. Ce sont des animaux prisés, et non méprisés, pour leur force, leur ténacité. Les armes de Gower lui-même, issu dune famille de la gentry, portent des chiens de chasse, des gowers43. Les faucons et les milans sont des oiseaux nobles, mangeurs de viande. La transformation des « rustres » en animaux sauvages fait deux des monstres, certainement, mais en même temps elle leur octroie des caractéristiques que la noblesse a voulu sapproprier pour elle-même. Sur les blasons des nobles, ces animaux féroces sont les symboles de leur lignée, de leur sang et surtout de leurs qualités de force et de dangerosité. Lusurpation des rebelles/animaux de Gower nest pas limitée à la volonté de sapproprier une vie meilleure en dépit de condition inférieure : elle est également lusurpation des attributs de force et de violence qui sont censés être le monopole des nobles.

Dans lœuvre de John Gower, lhomicide se justifie surtout dans deux circonstances : la défense de son pays, et le châtiment dun criminel44. Punir le malfaiteur est le devoir de caste des dirigeants qui ne doivent pas se permettre de pardonner trop souvent pour éviter dencourager de futurs criminels45. En relisant les travaux récents sur la révolte de 1381, il est parfois facile doublier que les rebelles ont effectivement 70tué de nombreuses personnes, et que les menaces de mort ont été proférées envers un beaucoup plus grand nombre dindividus. Les révoltés ont justifié autant que possible ces actes de violence en faisant valoir leur fidélité à la personne du roi, en se servant des structures de ladministration royale dans leurs localités, voire des mandats du pouvoir royal pour poursuivre « les traîtres46 ». Les chroniques ont bien remarqué que les révoltés se sont présentés comme les légitimes défenseurs du profit commun du royaume, pour le roi et contre les traîtres47, sidentifiant entre eux par la question-réponse : « À qui tenez vous ? » « Au roi Richard et les vrais communs » (With whom haldes yow ? Wyth kynge Richarde and wyth the trew communes)48. La deuxième proclamation issue pour mettre fin à la révolte a ainsi pris soin de déclarer que le roi ne soutenait pas les révoltés, contrairement à ce que ces derniers ont déclaré49. Les commissions royales qui enquêtaient dans les comtés à la suite de la révolte ont souvent insisté sur ce point, en partie parce que lusurpation du pouvoir royal pouvait être interprétée comme un acte de trahison50. Ils soulignaient ces phénomènes non seulement parce quils les cherchaient mais également parce quils étaient importants pour les rebelles. Faire une proclamation, dérouler une bannière, en loccurrence la bannière royale de la croix de St Georges, ou faire appel à des mandats royaux fictifs51, témoignait dune réelle volonté dusurpation : du pouvoir dagir pour le bien commun du roi et du royaume en poursuivant les traîtres jusquà la mort.

Lorsquils identifiaient et exécutaient des criminels au nom de lautorité royale, les rebelles jouaient un rôle qui était normalement celui de la noblesse, de la gentry et des juristes royaux comme gardiens et juges de paix, nommés dans chaque comté, ou des commissions royales doyer et terminer qui répondaient à des moments de désordre ponctuels. Si beaucoup des révoltés ont été des officiers locaux dans leur ville ou leur village, peu dentre eux, sauf certains membres de la gentry qui ont 71rallié la révolte de gré ou de force, auraient été en position de délivrer des jugements capitaux au nom de la justice royale. Au mois de juin 1381, ils se sont saisis de cette prérogative. John Gower na pas manqué de noter cette usurpation.

Morts violentes et exécutions
pendant la révolte de 1381

Le « meurtre politique » ou plutôt l« homicide politique » est au centre de la logique politique et sociale de la révolte de 1381. Il est pourtant étonnant de constater que les historiens ne se sont pas penchés systématiquement sur la question des exécutions qui se sont déroulées pendant la révolte. Dans une certaine mesure, cest peut-être la conséquence du désir des chercheurs modernes de réhabiliter les rebelles. En outre, se limiter aux personnes effectivement tuées peut sembler une sous-division assez arbitraire des victimes des révoltés, les sources juridiques nous apprenant en effet que le nombre de personnes menacées de mort pendant la révolte est beaucoup plus important que celles ayant été effectivement tuées. Une des bêtes noires de la révolte, Jean de Gand, duc de Lancastre, na pas été tué parce quil était en Écosse, mais on a pu sen prendre à sa propriété et à ses associés. Dautres hommes, tels le sheriff dEssex, John Sewale, ou le juge de paix de Cambridgeshire, John Sibill, ont été amenés jusquà leur lieu dexécution, mais sont parvenus à séchapper vivants52. Le fait de se concentrer sur ceux qui ont réellement été tués pendant la révolte a toutefois lavantage dexclure ceux qui se sont présentés comme ayant été obligés de se joindre à la révolte sous menace de mort mais dont on peut suspecter quils agissaient en fait de leur plein gré. Il exclut également un grand nombre de cas où les menaces de morts en marge de la révolte ont permis à certains de résoudre leurs querelles personnelles par la force, voire de commettre 72des actes dextorsion purs et simples. Se concentrer sur les morts nous permet détablir si lon doit classer ces phénomènes comme marginaux ou essentiels au mouvement de révolte.

La suite de cet article présente une enquête préliminaire sur le rôle de lhomicide dans la révolte, afin de mieux comprendre limportance de ces décès dans la prise de direction de ce mouvement politique par des hommes relativement modestes des villes et des communautés rurales. En me fondant sur les documents publiés53 et sur la littérature existante54, jai pu identifier 43 hommes qui ont été tués de manière certaine pendant la révolte. On relève également dans ces documents des mentions de personnes anonymes plus ou moins caractérisées, notamment un très grand nombre de Flamands et dautres ressortissants des Pays-Bas, néerlandophones et, à ce titre, groupés ensemble comme Flemings ou Flandrenses. Ce recensement de lidentité des personnes tuées peut certainement sallonger en examinant systématiquement les archives juridiques non publiées. Toutefois, même une telle analyse serait loin dêtre exhaustive, puisque les archives des commissions royales denquête postérieures à la révolte nont pas survécu dans les régions ayant connu le plus de violence, notamment à Londres55. Les archives existantes sont volumineuses, parfois difficilement maniables et nont été publiées que partiellement. La documentation de lenquête du comte de Buckingham dans lEssex est particulièrement difficile : plus dune centaine de membranes diverses, sans numérotation, attachées par une ficelle, que lon ne peut citer que par une seule cote56. 73Une thèse récente réalisée par M. Xu se concentre ainsi uniquement sur le cas du Cambridgeshire, dont les archives sont relativement accessibles57. Enfin, toute étude sérieuse de la révolte de 1381 doit se fonder sur la thèse de 1984 de A. Prescott, qui reste inédite, ainsi que celle de H. Eiden58.

Contrairement à ce que lon aurait pu imaginer, le premier mort connu intervient alors que la révolte est assez avancée. Les circonstances du début du soulèvement ont longtemps été analysées au travers de lAnonimalle Chronicle, dont le récit bien informé a toutefois été remanié pour présenter un récit plus lisible, ce qui le pousse à introduire des erreurs dans le détail. Selon lAnonimalle, la révolte commença par une attaque contre la commission de John Bampton, envoyée pour enquêter sur la sous-évaluation de la poll tax. Les révoltés sen seraient ensuite pris à une commission denquête dirigée par le Chief Justice Robert Bealknap, envoyée pour rétablir lordre, le forçant à senfuir59. En réalité, il ne semble pas que John Bampton ait fait partie dune des commissions nommées pour enquêter sur la sous-évaluation de la poll tax60. Il a effectivement été attaqué ainsi que son collègue John Gildesborough lorsquils siégeaient comme juges de paix dans la ville de Brentwood, Essex, le 30 mai 1381, et cest probablement à cet événement que le chroniqueur fait référence61. En outre, Bealknap na pas été envoyé au sein dune commission spéciale, mais il est bel et bien en mission dans lEssex et le Kent pendant cette période dans le cadre dune tournée régulière des juges. Il est à Maidstone, Kent, le 29 mai, traversant la Tamise pour être à Stratford Longhorn, Essex le 30 mai, à Barnet, Hertfordshire le 31 mai, avant de regagner le Kent pour être à Dartford le 3 juin62. Les archives des commissions denquête qui siégeaient après la révolte révèlent que pendant ce temps la révolte sorganisait, à la fois 74dans lEssex et dans le Kent, avec un échange régulier dhommes et dinformations de part et dautre de la Tamise63.

Le jeudi 6 juin, la rébellion monta dun cran. John Sewale, le sheriff dEssex fut attaqué à Coggeshall, Essex64, et les rebelles entrèrent dans la ville de Rochester, Kent, prenant le château dassaut, et libérant un prisonnier65. Toutefois, si quelquun a été tué jusquici, nous ne connaissons pas son nom. LAnonimalle Chronicle prétend que trois scribes de la commission denquête de John Bampton ont été tués, mais il ne les nomme pas, et il est possible quil fasse référence à des exécutions qui eurent lieu plus tard66. Le 7 juin, les rebelles de Kent se rendirent à Maidstone, une quinzaine de kilomètres au sud, où un homme identifiable fut tué. Il sagit de John « Stonehelde » ou John « Southalle » de Maidstone67. John Stonehelde a longtemps été considéré comme un homme complètement obscur68. Il na pas été un collecteur de la poll tax, ni le détenteur daucun office royal et Eiden na pas pu lidentifier dans ses recherches69. Toutefois, il est bien cité le 26 janvier 1380, date à laquelle un résident de Canterbury est réadmis dans la grâce royale après avoir été mis « hors la loi » à cause dune dette de 5 marcs, 6 sous et 8 deniers due à un certain John « Stonhell70 ». Un de ses assaillants, Thomas Raven a déjà été identifié par les historiens. Il a été le député de la ville de Rochester au Parlement de 137871. Après avoir rejoint la révolte à Dartford, le 755 juin, il la suivie jusquà Londres. Il a participé à la destruction de la prison royale à Southwark, en face de Londres sur la rive sud de la Tamise. Il a été présent lors de lexécution du Trésorier dAngleterre, Sir Robert Hales, le 14 juin. Raven est déjà connu des historiens pour avoir profité de la rébellion pour poursuivre ses propres intérêts. Dans le sillage de lexécution de Hales, il est allé, accompagné par dautres rebelles, à la maison dun certain Reginald Allen, à Walbrook, dans la Cité de Londres. En le menaçant de mort, il a extorqué à Allen un document annulant une dette de 10 marcs que Raven lui devait. Il parait vraisemblable que la mort de John Stonehelde ait été occasionnée par un différend comparable.

Le dimanche 9 juin, les révoltés attaquèrent la propriété de plusieurs personnes dans le Kent, brûlant leurs maisons. Deux hommes furent tués pendant ces événements : John Glover à Rochester et John Charlet, tout près, à Chatham72. Bien que plusieurs « John Glovers » (« Jean le Gantier ») puissent être trouvés dans les archives royales, aucun dentre eux ne semble être notre homme, et ces victimes restent obscures pour linstant73. Ce que lon peut dire des trois premiers morts de la révolte, cest quil ne sagit pas de juges de paix, ni de collecteurs des impôts, ni de membres de la gentry que lon trouve dans ces mêmes archives. Eiden identifie un autre mort à cette époque, à savoir Walter Pour (ce qui signifie peut-être « le Pauvre »), vraisemblablement un berger74. Concernant une rébellion violente qui a déjà duré plusieurs jours, il est intéressant de remarquer que le taux de mortalité ne soit pas plus élevé, et que les morts soient des personnages relativement insignifiants, probablement tués en marge de la destruction de propriétés et darchives, voire pour des motifs personnels. On peut se poser la question de savoir sil sagit réellement, dans cette phase de la rébellion, dhomicides « politiques ».

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Le lundi 10 juin, toutefois, la violence des révoltés change de nature. Une foule se rassemble à Cressing Temple, Essex où se trouve un prieuré des Hospitaliers de lordre de Saint-Jean de Jérusalem, quils mettent à sac. Cette action est loin dêtre neutre. Le prieur des Hospitaliers en Angleterre est le Trésorier dAngleterre, Sir Robert Hales, et cest pourquoi les propriétés de lordre sont attaquées durant toute la révolte75. Les révoltés continuent leur chemin jusquà Coggeshall, où ils semparent du sheriff dEssex, John Sewale. Malgré les menaces de mort proférées à son encontre, Sewale a survécu, mais la foule tue un autre officier important du roi, lescheator dEssex, John Ewell76. Le même jour, dans le Kent, les rebelles entrent dans Canterbury, une ville liée symboliquement au pouvoir royal dans la mesure où larchevêque de Canterbury, Simon Sudbury, est également Chancelier dAngleterre77. Selon lAnonimalle Chronicle, les rebelles ont demandé au maire, aux baillis et aux « communes » de la ville de leur dire sil y avait « ascunes traitours parentre eux » ; ils ont nommé trois hommes, que les « communes » ont tiré de leurs maisons avant de les décapiter78. Les sources juridiques présentent ces événements de manière différente : selon elles, bien que les maisons de huit personnes aient effectivement été attaquées à Canterbury et aux alentours, un seul homme, John Tebbe, a été tué ce jour, et sa mort na pas eu lieu à Canterbury, mais juste au sud, à Otehelle79. Un des révoltés de Canterbury, Henry Bungay, armurier, est accusé davoir fait circuler une proclamation demandant la mort de Tebbe. Tebbe, comme plusieurs hommes qui ont subi des attaques sur leur propriété, était un bourgeois et un officier important quelques années plus tôt, en 1375, lorsque Bungay fut emprisonné pour divers méfaits80. Il semble probable que Tebbe ait surtout eu la malchance de ne pas sêtre enfui assez 77rapidement. Bien plus tard, le 15 juin, un deuxième homme, John Tyece, également bourgeois et adversaire de Bungay, fut tué à Canterbury81. Les événements ne se sont pas déroulés de manière aussi linéaire que lAnonimalle Chronicle les raconte, suivant un strict ordre juridique. Il est possible que trois hommes aient formellement été condamnés ce jour, mais prévenus par lannonce de leur exécution, ils ont réussi à senfuir, au moins pour un certain temps.

Enfin, un troisième homme est mort ce jour-là, à Borden, près de Sittingbourne, Kent, à mi-chemin entre Rochester et Canterbury. Il sagit de John Godwot que lon décrit comme « un membre de la gentry locale qui na vraisemblablement jamais occupé doffice important82 ». Godwot a fait partie de plusieurs commissions chargées dentretenir les digues et les fossés à la suite des inondations dans les marais de cette région83, mais il na jamais été juge de paix, par exemple. Il avait toutefois des fréquentations qui auraient pu attirer lattention des rebelles. Il se trouve ainsi associé à un certain Nicholas Herring dans une transaction foncière, le 6 avril 138184. Herring a été lescheator de Kent, un juge de paix et intendant (steward) des terres du roi dans ce comté85. Il est nommé au mois de mai 1381 à la commission de mobilisation militaire dans le comté, et il est membre de la commission envoyée pour vérifier la poll tax de 1380-138186. Sa propriété fut attaquée pendant la révolte, mais il survécut à la rébellion pour mourir assassiné un an plus tard87. Enfin, le mardi 11 juin, un autre homme trouva la mort des mains des rebelles ; il sagit de John Hemmynghurst, à Mersham, Kent, mais il na aucun lien connu avec les doléances politiques des rebelles, et on na pas pu identifier de raisons personnelles ni sociales pour son meurtre88.

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À la lecture des chroniques, et notamment lAnonimalle Chronicle, on a limpression que la première phase de la révolte annonce dans son déroulement la façon dont elle se développa ensuite : une série de proclamations solennelles suivies par des exécutions sommaires. Ce nest en réalité pas limpression que donne un examen détaillé des morts rapportées par les archives judiciaires. Des huit personnes qui sont mortes du 7 au 11 juin, deux seulement furent « décapitées » (X decollauit Y)89. Dans les six autres cas, on a simplement « tué » (interfecit) la victime, ce qui suggère plus un acte de violence libre quune exécution formelle. En ceci, contrairement à ce que lon peut penser, les actions des rebelles ressemblent à la justice royale. Les traîtres sont publiquement identifiés, on sen prend à leur propriété, mais ils sont exécutés uniquement sils ne senfuient pas assez rapidement. Cétait le cas pour les criminels ordinaires : on rendait public leurs méfaits, mais sils parvenaient à senfuir, ils avaient toutes les chances de recevoir un pardon royal ou de survivre en exil. Pour la justice royale et pour les révoltés de 1381, lessentiel était « lexemple ». Quelques exécutions, pourtant nécessaires, suffisaient à donner du poids à des menaces de mort et des proclamations de condamnation, elles beaucoup plus courantes.

Le jeudi 13 juin, les rebelles entrèrent dans Londres, et le nombre de morts augmenta brutalement. Les rebelles du Kent et dEssex arrivèrent devant Londres le mercredi 12 juin90. Sur la rive sud de la Tamise, ils attaquèrent la prison royale du Marshalsea à Southwark, et libérèrent les prisonniers. Ils sen prirent également aux maisons closes qui se situaient dans le même quartier. Le 13 juin, après être entrés dans Londres, les rebelles attaquèrent la prison de Fleet, avant de sen prendre au Temple et à dautres lieux de résidence des hommes de loi qui se situaient à louest du mur denceinte de Londres. Ils mirent à sac le palais du duc de Lancastre, Jean de Gand, le Savoy. Dans la Cité de Londres elle-même, un groupe de révoltés tira Roger Legett du sanctuaire de léglise de Saint-Martin-le-Grand, et le décapita publiquement dans la 79rue commerciale principale, le Chepe91. Legett était un homme de loi riche et agressif qui sétait fait des ennemis à Londres et dans sa région durant de longues années92. Un autre groupe est allé à Clerkenwell, au prieuré de lHôpital de Saint-Jean-de-Jérusalem, certainement ciblé pour son association avec le Trésorier Sir Robert Hales. Ils y ont trouvé au moins sept Flamands « dont nous ne connaissons pas le nom » qui sy étaient réfugiés, et les ont mis à mort93. Les tisserands originaires du comté de Flandre, et plus tard de Brabant, invités par Édouard III et dotés dun statut protégé, étaient détestés par les tisserands anglais et autres travailleurs du textile, non en tant que concurrents, mais parce que les profits du commerce du textile de haute qualité quils produisaient ne contribuaient pas à la rente payée à la couronne par la guilde des tisserands anglais94. Selon lAnonimalle Chronicle, 18 personnes moururent à Londres ce jour-là95. Dans un incident survenu dans lEssex ce même jeudi, qui ressemble à lexécution préméditée dun prisonnier, Nicholas Davenaunt, un officier du Chambellan du roi, Aubrey de Vere, fut exécuté à Brentwood, à 75 km de lendroit où il avait été capturé, au monastère de Saint-Osythe96.

Mais cest le lendemain que la violence des révoltés changea de nature. Le vendredi 14 juin, le roi Richard II rencontra enfin les rebelles et leur chef, Wat Tyler, à Mile End. Selon lAnonimalle Chronicle, la première demande de Tyler était simple : « quil leur permette de prendre et avoir tous les traîtres contre lui [le roi] et la loi97 ». Le roi lui répondit « quils pourraient prendre à leur volonté ceux qui seraient traîtres et pourraient être prouvés dêtre traîtres par la loi98 ». Malgré lévidente volonté du roi de remettre les révoltés sous lautorité de la justice royale, en les 80obligeant à prouver dabord selon la loi quil sagissait bien de traîtres, par cette réponse il leur donna le mandat royal quils avaient longtemps recherché pour tuer les traîtres. Avant que le roi nait pu revenir à la Tour de Londres, les rebelles sen emparèrent de force. À Tower Hill, ils exécutèrent au moins cinq personnes : le Chancelier et archevêque de Canterbury, Simon Sudbury ; le Trésorier et prieur des Hospitaliers, Sir Robert Hales ; Frère William Appleton, médecin de Jean de Gand et du roi99 ; John Legge, un officier royal impopulaire et collecteur de la poll tax dans le Kent100 ; et Richard Somenour of Stepney, encore un homme de loi101. Peu après, un certain John de Grenfeld, écuyer, fut tué pour avoir dit du bien de Frère Appleton102. Sir Richard Imworth, gardien de la prison du Marshalsea, « homme sans pitié comme un tourmenteur103 », fut arraché de force à un pilier de marbre de labbaye de Westminster auquel il sétait agrippé avant dêtre amené sur le lieu de son exécution dans le Chepe104. Le financier royal Richard Lyons, déjà la cible dattaques pendant le « Bon Parlement » de 1376, fut également tué à Londres105. Un certain John Spayne, peut-être un étranger (« Jean Espagne »), qui sétait réfugié à léglise de Saint-Clement-Danes, en fut extrait pour être exécuté à Tower Hill106. Le même jour, Thomas Shoutman tua John Butcher sur le Pont de Londres, bien que lenquête rapporte quil lavait fait parce que ce dernier lui devait 3 deniers, et non pro alia causa107. Ainsi dix personnes dont nous connaissons le nom furent exécutées à Londres le jour de la réunion entre Richard II et Wat Tyler à Mile End, en très grande majorité pour des raisons politiques : soit parce quils étaient associés au mauvais gouvernement du royaume, 81soit parce quils étaient des officiers royaux ou des hommes de loi connus pour leur rapacité. En marge de ces homicides politiques, quelques actes de violence pour des motifs personnels eurent lieu, comme au début de la révolte.

La grande exception à cette règle est le massacre des Flamands et dautres personnes originaires des Pays-Bas. Nous avons vu que la veille de la réunion à Mile End, sept Flamands furent tués à Clerkenwell. Selon lAnonimalle Chronicle, après lattaque de la Tour de Londres, une proclamation fut faite que « chacun qui pourrait prendre aucun Flemmynge ou aucune manière détranger, sans distinction de nation, quil coupe leur tête108 ». Il rapporte spécifiquement le massacre de plus de 35 Flamands, tirés de léglise Saint-Martin Vintry et décapités en pleine rue109. Il est certain quun nombre beaucoup plus important de Flamands furent tués ce jour-là dans les rues de Londres et aux alentours110. Dans les jours qui suivirent, plusieurs Flamands et dautres gens des Pays-Bas furent tués dans les comtés du sud et de lest de lAngleterre. Le 16 juin, John Preme, tisserand flamand, fut tué à Maldon, Essex111, tandis quun autre Flamand fut mis à mort à Manningtree dans le même comté112. La révolte dans le Norfolk fut particulièrement meurtrière pour les migrants néerlandophones. Hankyn Fleming mourut des mains de John Spanye de Lynn le 17 juin113. Il semble probable que John (ou Jan ?) Raas, ainsi quun de ses bourreaux, Richard Resshe, lui-même alienigena de Holonde, soit également originaire des Pays-Bas, ce qui porte atteinte à une interprétation strictement ethnique de la violence contre les Flamands114. Le lendemain, trois hommes des Pays-Bas furent tirés de la prison de Great Yarmouth et exécutés115. Adam Michel, bourgeois respectable de la ville de Colchester, fut pardonné trois ans plus tard pour avoir été « un de ceux qui ont tué les Flamands à Colchester au temps de la rumeur » (unus illorum 82qui Flandrenses in Colchestre tempore rumoris … interfecerunt)116. Ainsi, au moins 50 Flamands ou autres personnes originaires des Pays-Bas furent tués lors de la révolte, cest-à-dire sensiblement plus que les 38 autres morts que nous pouvons identifier.

Après la rencontre entre le roi et Wat Tyler, on constate des développements comparables dans les régions où le soulèvement a commencé, ainsi que des événements dans dautres régions qui font écho à la révolte dans lest et le sud-est. Dans le Suffolk, le jeudi 13 juin, le clerc et rebelle John Wrawe arriva à Bury Saint Edmunds, où le mouvement national se confondit avec le différend entre le monastère et la ville117. Un des deux Chief Justices, Sir John Cavendish, eut la malchance dêtre présent lors des émeutes qui sensuivirent. Le 14 juin, Cavendish, ayant pris la fuite, fut tué à Lavenham, Suffolk, quelques 120 km au nord de Londres, cest-à-dire bien avant que les révoltés aient pu avoir des nouvelles du prétendu mandat royal pour faire justice aux traitres118. Ce même jour, Thomas atte Ook (ou Oak) de Barham trouva la mort119. Atte Ook est encore un homme de loi qui a bien réussi, se faisant ainsi sans doute de nombreux ennemis. En 1367, il apparaît comme sous-connétable dans les archives du manoir de Bramford, Suffolk et, en 1368, comme intendant du seigneur de ce manoir, lévêque dEly, un rôle dans lequel il est très actif120. À la fin des années 1370, il est devenu juge de paix, présent au sein de plusieurs commissions, notamment en compagnie de Sir John Cavendish, et il siège à la commission chargée de vérifier la poll tax au mois de mars 1381121. Le 15 juin, labbé de Bury-Saint-Edmunds est rattrapé par les rebelles et exécuté ; le même jour, un moine, John de Lakenheath, est tué, vraisemblablement pour son rôle 83dans ladministration de labbaye122. Dans ce cas, ainsi que dans celui de larchevêque de Canterbury et du Frère Appleton, les révoltés se distinguaient de la justice royale, ne se privant pas dappliquer la peine capitale aux ecclésiastiques.

La révolte dans le Norfolk et le Cambridgeshire suivit un développement comparable, en lien étroit avec les événements dans le Suffolk, lEssex, le Kent et à Londres, mais en léger différé. Le lundi 17 juin, le chef rebelle Geoffrey Lister, teinturier, entra triomphalement à Norwich123. Affirmant agir par autorité royale124, il fit saisir un juge de paix, Reginald Eccles125, et un chevalier local, Sir Robert Salle, qui avait fait une carrière militaire et qui était peut-être dorigine paysanne126. LAnonimalle Chronicle suggère la mauvaise réputation de Salle : « une chivaler hardy et vigurous [] mes graunt laroun et combatour127 ». Les deux prisonniers furent amenés à Mousehold Heath, à lextérieur de la ville, où ils furent décapités. Pendant ce temps, à Ely, Cambridgeshire, Sir Edmund Walsingham, juge de paix, fut exécuté par les rebelles sous le commandement de Richard Leicester, et sa tête exposée en exemple128. Ce même jour, dans la foulée des événements du Suffolk, William Francis, bailli de lévêque dEly et gardien de la prison de Melton, fut exécuté à Ipswich129. Il sagissait vraisemblablement dun homme violent, puisquun William Francis avait été amnistié le 16 avril 1381 pour la mort de John Herward survenue le 5 mai 1379130. Mais ce ne sont pas 84uniquement les représentants de lordre légal corrompu qui méritent la mort aux yeux des rebelles. Ce même jour, John Newlyn of Bintree fut décapité, également à Mousehold Heath, apparemment parce quil était le serf du duc de Lancastre131.

Dans les jours qui suivent, la violence continue dans le sud-est et lest du royaume pendant que quelques mouvements inspirés par les événements, mais moins clairement liés à ces revendications politiques causent des morts ailleurs dans le pays. Le mardi 18 juin, Walter Hogyn, le clerc de la ville de Winchester, Hampshire, est tué en marge de lincendie des archives de la ville ; il semble avoir été la seule victime de ce mouvement inspiré par les événements dans le sud-est et lest132. On ne saura probablement jamais pourquoi les rebelles sen prirent à John Bernard, potier, tué à Danbury, Essex, le même jour133. Dans le Derbyshire, à Morley, deux hommes de Jean de Gand moururent des mains de la famille de Strathun, des membres de la gentry qui profitèrent de la rébellion pour sattaquer au duc de Lancastre, leur adversaire de longue date134. Le lendemain, Geoffrey de Southgate fut tué à Beccles, Suffolk, malgré une protection royale135, et trois hommes des Pays-Bas furent exécutés à Yarmouth136. À Bridgewater, Somerset, la rébellion donna loccasion à ses habitants, à linstar des citoyens de Bury, de poursuivre leur différend avec les chanoines augustins de lHôpital de Saint-Jean de la ville qui, sans être Hospitaliers, ont pu être associés (bien quà tort) à lordre de Sir Robert Hales137. Le 13 juin, des archives furent brûlées, et les chanoines furent attaqués, mais personne ne fut tué à Bridgewater même. Toutefois, un certain Adam Brugge et dautres révoltés poursuivirent la révolte jusquau manoir dEast Chilton, où ils décapitèrent un homme nommé Walter Baron138. Deux jours plus tard, 85le 21 juin, ils se rendirent à Ilchester, où ils tirèrent Hugh Lavenham, ancien gardien de la prison, qui venait dêtre accusé de divers crimes dans le comté, de ce qui avait été sa propre geôle139 avant de le décapiter. Il sagit de la dernière exécution que lon peut associer, dans létat actuel des recherches, au mouvement de révolte qui avait fait sa première victime deux semaines plus tôt140.

Pour John Gower, le scandale de la révolte de 1381 était la transformation des hommes qui auraient dû rester dans leur basse condition en monstres qui usurpaient non seulement le statut mais aussi le monopole de violence de la noblesse, de la gentry et des hommes de droit. Les historiens ont longtemps observé que la rébellion pouvait être considérée comme une « révolte contre les juges141 » mais, ce faisant, ils ont négligé un autre aspect dun soulèvement qui était également une révolte pour devenir des juges. Les rebelles ont souvent manié la violence avec précision, selon des critères bien identifiés, mais, en plusieurs cas, ils ont montré le même arbitraire qui caractérise certains membres de la noblesse et de la gentry, ciblant leurs ennemis collectifs ou individuels, voire des individus qui avaient simplement la malchance de se trouver sur leur route. Au-delà du massacre des Flamands et des migrants néerlandophones qui ont été numériquement les premières victimes de la révolte, le deuxième grand groupe de personnes exécutées est celui des « mauvais officiers » et des hommes de loi dont les rebelles ont voulu prendre, pour quelques jours, les habits. Le Chancelier et le Trésorier, un des deux Chief Justices et trois juges de paix furent exécutés. Trois gardiens de prisons et lescheator dEssex, deux sergeant-at-arms et plusieurs officiers mineurs furent mis à mort. Les administrateurs de la ville de Winchester et de labbaye de Bury furent tués. Le déroulement des événements suggère que les chefs de la révolte dans le sud-est et lest suivaient un script ou un scénario selon lequel la violence serait limitée à la destruction de la 86propriété et aux menaces de mort jusquà ce quils obtiennent un mandat du roi susceptible de les laisser prendre le rôle de ses officiers et de ses juges pour tuer les traîtres. Tout au long de linsurrection, des morts eurent lieu en marge, résultant des différends personnels des groupes et des individus qui se sont révoltés, et de nombreux actes dextorsion perpétrés par des opportunistes qui profitèrent simplement de linsécurité ambiante. Les hommes du duc de Lancastre ou dautres individus associés aux « traîtres » durent faire profil bas pour sortir indemnes. La violence pouvait menacer chaque individu, bien que le centre de laction des révoltés restât clair : les mauvais officiers royaux, seigneuriaux voire municipaux qui, tout autant que les mauvais seigneurs, devaient être jugés, ainsi que les Flamands qui menaçaient la prospérité des tisserands anglais. La colère des révoltés une fois décuplée, elle touchait des malfaiteurs autant « privés » que « publics ». Se pencher sur les homicides lors de la révolte nous aide ainsi à sortir de loscillation historiographique qui va de linterprétation de la rébellion comme un soulèvement politique discipliné à une réduction de celle-ci à une explosion de règlements de comptes. De telles catégorisations expliquent mal un mouvement qui se comprend mieux comme la prise de leadership politique et juridique par des hommes qui nhésitaient pas à appliquer leur vision de la justice, contre leurs ennemis ou ceux du royaume.

Christopher Fletcher

CNRS – IRHiS

1 J. C. Holt, The Northerners, Oxford, Clarendon Press, 1961.

2 J. R. Maddicott, Simon de Montfort, Cambridge, Cambridge University Press, 1994 ; D. Carpenter, « What happened in 1258 ? », War and Government in the Middle Ages : Essays in Honour of J. O. Preswich, dir. J. Gillingham et J. C. Holt, Woodbridge, Boydell, 1984, p. 106-119 ; M. C. Clanchy, England and its Rulers, Londres, Fontana, 1983, p. 263-283.

3 M. Prestwich, Edward I, Londres, Methuen, 1988, p. 412-433 ; Documents Illustrating the Crisis of 1297-1298 in England, éd. M. C. Prestwich, Londres, Royal Historical Society, 1980.

4 J. R. Maddicott, Thomas of Lancaster, 1307-1322 : A Study in the Reign of Edward II, Londres, Oxford University Press, 1970.

5 Pour la gentry en général, voir F. Lachaud, « La formation de la gentry, fin xie-milieu xive siècle : un nouveau concept historiographique ? », Histoires Outre-Manche : tendances récentes de lhistoriographie britannique, dir. F. Lachaud, I. Lescent-Giles et F.-J. Ruggiu, Paris, Presses de lUniversité de Paris-Sorbonne, 2001, p. 13-36.

6 D. Carpenter, « English Peasants in Politics », Past and Present, 136, 1992, p. 3-42.

7 J. R. Maddicott, The English Peasantry and the Demands of the Crown, 1294-1341, Oxford, Past and Present Society, 1975.

8 R. H. Hilton, Bond Men Made Free : Medieval Peasant Movements and the English Rising of 1381, Londres, Routledge, 1973 ; R. H. Hilton, « Peasant Movements in England Before 1381 », Id., Class Conflict and the Crisis of Feudalism, Londres, Hambledon, 1985, p. 122-138 ; S. Cohn et D. Aiton, Popular Protest in Late Medieval English Towns, Cambridge, Cambridge University Press, 2013 ; Maddicott, English Peasantry.

9 S. Cohn, Lust for Liberty : The Politics of Social Revolt in Medieval Europe, 1200-1425 : Italy, France, and Flanders, Cambridge, Mass., Harvard University, 2006, p. 108-129 ; W. H. TeBrake, A Plague of Insurrection : Popular Politics and Peasant Revolt in Flanders, 1323-1328, Philadelphia, University of Pennsylvania, 1993 ; The Routledge Handbook of Medieval Revolt, dir. J. Firnhaber-Baker et D. Schoenaers, Abingdon, Routledge, 2017.

10 Sur cette taxe, voir Parliament Rolls of Medieval England, éd. C. Given-Wilson, Leicester, 2004, « Parliament of November 1380 », items 15 et 16.

11 Pour les impositions de cette période, voir M. Jurkowski, C. L. Smith et D. Crook, Lay Taxes in England and Wales, 1188-1688, Kew, Public Record Office Publications, 1998, p. 52-62. Pour cette phase des guerres anglo-françaises, voir J. Sumption, Divided Houses : The Hundred Years War III, Londres, Faber and Faber, 2009.

12 Jurkowski, Smith et Crook, Lay Taxes, p. 51-54.

13 Ibid., p. 43-50. Sur la crise de 1340, voir G. L. Harriss, « The Commons Petition of 1340 », English Historical Review, 78, 1963, p. 625-654.

14 W. M. Ormrod, « An Experiment in Taxation : The English Parish Subsidy of 1371 », Speculum, 63, 1988, p. 58-82.

15 N. Saul, Richard II, New Haven et Londres, Yale University Press, 1997, p. 57 ; M. McKisack, The Fourteenth Century, Oxford, Oxford University Press, 1959, p. 407.

16 J. Sherborne, « The Battle of La Rochelle and the War at Sea, 1372-1375 », Bulletin of the Institute of Historical Research, 42, 1969, p. 17-29 ; E. Searle et R. Burghart, « The Defence of England and the Peasants Revolt », Viator, 3, 1972, p. 365-388 ; G. Holmes, The Good Parliament, Oxford, Clarendon Press, 1975, p. 21-32 ; Sumption, Divided Houses, p. 61-211, 281-412.

17 Pour les poll taxes de 1377 et 1379, voir R. B. Dobson, The Peasants Revolt, 2e éd., Houndmills et Londres, Macmillan, 1983, p. 103-111.

18 Jurkowski, Smith et Crook, Lay Taxes, p. 57.

19 Ibid. p. 60-62 ; McKisack, The Fourteenth Century, p. 407.

20 Dobson, Peasants Revolt, p. 119-122.

21 L. R. Poos, « The Social Context of Statute of Labourers Enforcement », Law and History Review, 1, 1983, p. 27-52.

22 C. Dyer, « The Social and Economic Background to the Rural Revolt of 1381 », The English Rising of 1381, dir. R. H. Hilton et T. H. Aston, Cambridge, 1984, p. 15 et 17.

23 C. Dyer, « The Rising of 1381 in Suffolk : Its Origins and Participants », Proceedings of the Suffolk Institute of Archaeology and History, 36, 1988, p. 276.

24 H. Eiden, « Joint Action against “Bad” Lordship : The Peasants Revolt in Essex and Norfolk », History, 83, 1998, p. 24-26.

25 Dyer, « Rising in Suffolk », p. 276.

26 Pour leurs demandes, voir The Anonimalle Chronicle, 1333 to 1381, éd. V. H. Galbraith, Manchester et New York, 1970 [1927], p. 144-145 et 147.

27 J. Bennett, « Compulsory Service in Late Medieval England », Past and Present, 209, 2010, p. 7-51.

28 Anonimalle Chronicle, p. 144-145.

29 Hilton, Bond Men Made Free, p. 217 ; R. H. Hilton, A Medieval Society : The West Midlands at the End of the Thirteenth Century, Londres, Weidenfeld and Nicolson, 1966, p. 149-166 ; Dyer, « Rising in Suffolk », p. 275-276 ; N. Brooks, « The Organization and Achievements of the Peasants in Kent and Essex in 1381 », Studies in Medieval History Presented to R. H. C. Davis, dir. H. Mayr-Harting et R. I. Moore, Londres, Hambledon Press, 1985, p. 247-270.

30 S. Justice, Writing and Rebellion : England in 1381, Berkeley, University of California Press, 1994.

31 P. Strohm, « “A revelle !” Chronicle Evidence and the Rebel Voice » ; P. Strohm, Hochons Arrow : The Social Imagination of Fourteenth-Century Texts, Princeton, N.J., 1992, p. 33-56.

32 Pour lhistoire de ces thèmes à léchelle européenne, voir P. Freedman, Images of the Medieval Peasant, Stanford, California, Stanford University Press, 1999.

33 John Gower, Vox Clamantis, dans The Complete Works of John Gower, éd. G. C. Macaulay, Oxford, Clarendon Press, 1900-1901 ; The Major Latin Works of John Gower, trad. E. W. Stockton, Seattle, University of Washington Press, p. 47-288.

34 Pour la représentation de paysans comme des animaux, domestiques sils sont bons et sauvages sils sont mauvais, voir Freedman, Images of the Medieval Peasant, p. 139-150.

35 Vox Clamantis, livre I, v. 183-240.

36 Ibid., v. 241-298.

37 Ibid., v. 299-378.

38 Ibid., v. 379-460.

39 Ibid., v. 461-504.

40 Ibid., v. 505-564.

41 Par exemple D. Aers, « Vox populi and the Literature of 1381 », Cambridge History of Medieval English Literature, dir. D. Wallace, Cambridge, Cambridge University Press, 1999, p. 432-453.

42 Justice, Writing and Rebellion, p. 208-213, suivi par exemple par S. Federico, New Troy : Fantasies of Empire in the Late Middle Ages, Minneapolis et Londres, University of Minnesota Press, 2003, p. 10-15.

43 J. H. Fisher, John Gower : Moral Philosopher and Friend of Chaucer, New York, New York University Press, 1964, p. 39.

44 John Gower, Confessio Amantis, dans The English Works of John Gower, éd. G. C. Macaulay, Londres, 1900-1901, livre III, l. 2210-2739.

45 Vox Clamantis, livre VI, ch. 8.

46 A. Prescott, Judicial Records of the Rising of 1381, thèse de doctorat, Université de Londres, 1984, p. 68.

47 The Westminster Chronicle, 1381-1394, éd. L. C. Hector et B. F. Harvey, Oxford, Clarendon Press, 1982, p. 2-3.

48 Anonimalle, p. 139.

49 Calendar of Patent Rolls, 1381-1385, p. 65.

50 Prescott, Judicial Records, p. 102-103.

51 Ibid., p. 101-102, 110, 114-115 et 118.

52 Kew, The National Archives [TNA], KB 145/3/6/1 (Sewale) ; KB 9/166/1, m. 73 (Sibill). Ils ont porté plainte contre leurs tourmenteurs après la révolte : H. Eiden, « In der Knechtschaft werdet ihr verharren… » : Ursachen und Verlauf des englischen Bauernaufstandes von 1381, Trèves, Trierer Historische Forschungen, 1995, p. 208-209 ; Prescott, Judicial Records, p. 172.

53 A. Réville et C. Petit-Dutaillis, Le soulèvement des travailleurs dAngleterre en 1381, Paris, Picard, 1898 ; E. Powell, The Rising in East Anglia in 1381, Cambridge, Cambridge University Press, 1896 ; E. Powell et G. M. Trevelyan (éd.), The Peasants Rising and the Lollards, Londres, Longmans, 1899 ; W. E. Flaherty, « The Great Rebellion in Kent of 1381 Illustrated from the Public Records », Archaeologia Cantiana, 3, 1860, p. 65-96.

54 Notamment : Prescott, Judicial Records ; Eiden, Knechtschaft ; The English Rising of 1381, dir. R. H. Hilton et T. H. Aston, Cambridge, Cambridge University Press, 1984 ; M. Pajic, The Migration of Flemish Weavers to England in the Fourteenth Century : The Economic Influence and Transfer of Skills, 1331-1381, thèse de doctorat, Universités de Strasbourg et de Gand, 2016 ; Dobson, The Peasants Revolt ; A. Dunn, The Peasants Revolt : Englands Failed Revolution of 1381, 2e éd., Stroud, Tempus, 2004.

55 A. Prescott, « “The Hand of God” : The Suppression of the Peasants Revolt of 1381 », Prophecy, Apocalypse and the Day of Doom : Proceedings of the 2000 Harlaxton Symposium, dir. N. Morgan, Donnington, Shaun Tyas, 2004, p. 317-341.

56 TNA, KB 145/3/6/1, utilisé notamment par Prescott, Judicial Records ; Brooks, « Organization » et Eiden, Knechtschaft.

57 M. Xu, Disorder and Rebellion in Cambridgeshire in 1381, thèse de doctorat, Université de Cambridge, 2016. TNA, JUST 1/103 regroupe les archives de lenquête de William Zouche dans le Cambridgeshire, notamment les événements à Ely.

58 Prescott, Judicial Records ; Eiden, Knechtschaft.

59 Anonimalle, p. 134-135.

60 T. F. Tout, Chapters in the Administrative History of Mediaeval England, Manchester, Manchester University Press, vol. 3, p. 366-367.

61 J. Sparvel Bayly, « Essex in Insurrection, 1381 », Transactions of the Essex Archaeological Society, new ser., 1, 1878, p. 218, cité par Prescott, Judicial Records, p. 128 et 134 ; Eiden, Knechtschaft, p. 191.

62 Prescott, Judicial Records, p. 128-129 ; Eiden, Knechtschaft, p. 192.

63 Réville, Soulèvement, p. 183-184 ; Prescott, Judicial Records, p. 134-135 ; Brooks, « Organization and Achievement » ; Eiden, Knechtschaft, p. 192-195.

64 Prescott, Judicial Records, p. 135 ; Eiden, Knechtschaft, p. 207.

65 Eiden, Knechtschaft, p. 197 ; Réville, Soulèvement, p. 187.

66 Anonimalle, p. 135, après lexpulsion de Bealknap : « En quel temps pristrent trois clerkes de Thomas de Bamptoun avauntdit et couperount lour testes et porterount les testes ovesqe eux de iour en iour sur bastouns en sample des autres. »

67 Thomas atte Raven est pardonné le 30 mai 1384 pour le meurtre de John Southalle de Maidstone (Réville, Soulèvement, p. 186-188 ; Calendar of Patent Rolls, 1381-1385, p. 409). William Brown, John Webbe et Robert Cave sont cités devant la commission denquête de Thomas Holand, comte de Kent, le 8 juillet 1381 à Canterbury, comme les tueurs de John « Stonehelde » ou « Stonhelde » (Flaherty, « Great Rebellion in Kent », p. 77 ; Réville, Soulèvement, p. 186-188). Brooks, « Organization », p. 265, n. 51 et Eiden, Knechtschaft, p. 197, n. 4 considèrent quil sagit du même homme.

68 Il nest pas souvent cité par les historiens, à lexception de Oman, Great Revolt, p. 35.

69 Eiden, Knechtschaft, p. 197, n. 4 : « Über Stonehelde ist nichts weiter bekannt. »

70 Calendar of Patent Rolls, 1377-1380, p. 428.

71 A. Prescott, « London in the Peasants Revolt : A Portrait Gallery », The London Journal, 7, 1981, p. 129 ; Calendar of Close Rolls, 1377-1381, p. 222.

72 Trevelyan et Powell, p. 11-12 ; Eiden, Knechtschaft, p. 199 et n. 24.

73 Une identification possible est celle de John Glover de Maldon, Essex qui a porté plainte contre Laurence Glover, de Londres, pour avoir pris dans son emploi John Herde, de Maldon, malgré son contrat de travail avec John Glover de Maldon, avant le 11 mai 1381 (Calendar of Patent Rolls, 1377-1381, p. 627). Toutefois, la victime des rebelles possédait une maison à Rochester au moment de la révolte (Trevelyan et Powell, Peasants Rising, p. 7), et il semble peu probable que ce Glover ait déménagé de Maldon à Rochester entretemps.

74 Eiden, Knechtschaft, p. 198, n. 11 ; p. 271, n. 56.

75 H. L. Nicholson, « The Hospitallers and the Peasants Revolt of 1381 Revisited » dans The Military Orders, vol. 3. History and Heritage, dir. V. Mallia-Milanes, Aldershot, Ashgate, 2008, p. 225-233.

76 Réville, Soulèvement, p. 221-222 ; Calendar of Patent Rolls, 1381-1385, p. 507 ; Eiden, « Bad Lordship », p. 13 ; Eiden, Knechtschaft, p. 207-209 ; Prescott, Judicial Records, p. 135. Sewale survécut pour porter plainte contre ses agresseurs, voir Eiden, Knechtschaft, p. 208.

77 Pour les événements à Canterbury, voir A. F. Butcher, « English Urban Society and the Revolt of 1381 », The English Rising of 1381, dir. R. Hilton et T. Aston, Cambridge, Cambridge University Press, 1984, p. 84-111.

78 Anonimalle, p. 137.

79 TNA, JUST 1/400, m. 3 ; Flaherty, « Great Rebellion in Kent », p. 74 ; Prescott, Judicial Records, p. 114 ; Butcher, « Urban Society », p. 107.

80 Butcher, « Urban Society », p. 107-108.

81 Flaherty, « Great Rebellion in Kent », p. 86 et 93-94 ; Butcher, « Urban Society », p. 105 et 108-109.

82 Powell et Trevelyan, Peasants Rising, p. 11 ; Prescott, Judicial Records, p. 145, suivi par Eiden, Knechtschaft, p. 200.

83 Calendar of Patent Rolls, 1374-1377, p. 161 et 319.

84 Calendar of Close Rolls, 1377-1381, p. 510. Pour une transaction semblable où Godwot joue un rôle, voir Calendar of Close Rolls, 1377-1381, p. 197.

85 Sur Herring, voir Prescott, Judicial Records, p. 143-144.

86 Calendar of Patent Rolls, 1377-1381, p. 574 ; Calendar of Fine Rolls, 1377-1383, p. 250.

87 Prescott, Judicial Records, p. 144, et p. 185, n. 58.

88 Flaherty, « Great Rebellion in Kent », p. 84 ; Eiden, Knechtschaft, p. 264-265. Un autre homme mentionné par lenquête dans le Kent, William Wootton, est vraisemblablement mort beaucoup plus tôt, le 17 avril, mais les jurés ont cru bon dy faire allusion parce quil a été tué par un des futurs rebelles. Voir Flaherty, « Great Rebellion in Kent », p. 85 et 88.

89 John Charlet et John Ewell.

90 Pour les événements à Londres, voir Dunn, The Peasants Revolt, p. 99-117 ; Prescott, « Portrait Gallery » ; C. Barron, Revolt in London : 11th to 15th June 1381, Londres, Museum of London, 1981.

91 Anonimalle, p. 142 et 145.

92 Prescott, « Portrait Gallery », p. 133-135 ; Harding, « Revolt against the Justices », p. 179.

93 Réville, Soulèvement, p. 203.

94 Pajic, Flemish Weavers, p. 174-192 ; B. Lambert et M. Pajic, « Immigration and the Common Profit : Native Cloth Workers, Flemish Exiles, and Royal Policy in Fourteenth-Century London », Journal of British Studies, 55, 2016, p. 633-657.

95 Anonimalle, p. 142.

96 Prescott, Judicial Records, p. 136 ; Brooks, « Organization », p. 265, n. 51 ; Eiden, Knechtschaft, p. 210 (qui se trompe cependant sur lidentité de Davenaunt).

97 Anonimalle, p. 144 : « qil vodroit soeffrer qils purroient prendre et avoir toutz les traitours quels furont encontre luy et la ley ».

98 Ibid. : « qils prendroient a lour volunte ceux qe furont traitours et qe purrount estre provez traitours par la ley ».

99 Anonimalle, p. 145 ; Westminster, p. 6-7 ; John of Gaunts Register, 1379-1383, éd. E. C. Lodge et R. Somerville, Londres, Offices of the Camden Society, 1937, vol. I, p. 72 et 557 ; Calendar of Patent Rolls, 1381-1385, p. 16.

100 Anonimalle, p. 145 ; Eiden, Knechtschaft, p. 246 ; Knightons Chronicle, 1337-1396, éd. G. H. Martin, Oxford, Clarendon Press, 1995, p. 206-209 et 212-215 ; Brooks, « Organization », p. 254-255 ; C. Given-Wilson, The Royal Household and the Kings Affinity, New Haven, Yale University Press, 1986, p. 53 et 55.

101 H. T. Riley, Memorials of London and London Life, Londres, Longmans and Green, 1868, p. 145.

102 Anonimalle, p. 146 ; Eiden, Knechtschaft, p. 246, n. 81.

103 Anonimalle, p. 146 : « homme sauns piet come tourmentour ».

104 Ibid. ; Réville, Soulèvement, p. 212-213.

105 Memorials, éd. Riley, p. 450 ; Eiden, Knechtschaft, p. 14 ; Holmes, Good Parliament.

106 Prescott, Judicial Records, p. 210.

107 Ibid., p. 15-16 ; Eiden, Knechtschaft, p. 252 ; Calendar of Patent Rolls, 1381-1385, p. 288.

108 Anonimalle, p. 145 : « qe chescune qe purroit prendre ascune Flemmynge ou ascune maner des aliens de quel nacione qil fuist, qils deveroient couper lour testes ».

109 Ibid. ; Westminster, p. 6-9 ; Pajic, Flemish Weavers, p. 198 ; Eiden, Knechtschaft, p. 249.

110 Nous savons par exemple que Roger Boye dIckham, Kent, tua trois Flamands ce jour-là. Voir Pajic, Flemish Weavers, p. 198 ; Eiden, Knechtschaft, p. 249.

111 Pajic, Flemish Weavers, p. 205.

112 Ibid. ; Réville, Soulèvement, p. 216.

113 TNA, KB 9/166/1, m. 73 ; Eiden, Knechtschaft, p. 330-331.

114 Eiden, Knechtschaft, p. 212.

115 Pajic, Flemish Weavers, p. 202-204, qui les identifie.

116 Réville, Soulèvement, p. 217-218 ; Pajic, Flemish Weavers, p. 207-208 ; D. Stephenson, « Urban Participation in the English Peasants Rising of 1381 : The Case of Colchester », Revue roumaine dhistoire, 26, 1987, p. 338.

117 Réville, Soulèvement, p. 175-182 ; Dobson, Peasants Revolt, p. 248-254 ; M. D. Lobel, The Borough of Bury St Edmunds, Oxford, Clarendon Press, 1935, p. 150-155.

118 Dyer, « Rising in Suffolk », p. 276 ; Palmer, Rising in East Anglia, p. 276.

119 Palmer, Rising in East Anglia, p. 133 ; Prescott, Judicial Records, p. 154 ; Eiden, Knechtschaft, p. 301 (mais atte Ook nest certainement pas un chevalier, comme laffirme Eiden, voir par ex. Calendar of Close Rolls, 1377-1381, p. 496 ; Calendar of Fine Rolls, 1377-1383, p. 302).

120 B. Sims, « The Bramford Rebels and the Uprising of 1381 », Suffolk Review, new series, 38, 2002, p. 20.

121 Prescott, Judicial Records, p. 154 ; Calendar of Patent Rolls, 1377-1381, p. 47, 96, 299, 305 (commissions doyer et terminer avec Cavendish) et 311 ; Calendar of Fine Rolls, p. 237 (commission de la poll tax, 6 mars 1381).

122 Réville, p. 177-178 ; Dobson, Peasants Revolt, p. 245-246 ; The St Albans Chronicle : The Chronica maiora of Thomas Walsingham, t. I, 1376-1394, éd. J. Taylor, W. R. Childs et L. Watkiss, Oxford, Clarendon Press, p. 482-485.

123 Ibid., p. 485-486 ; Dobson, Peasants Revolt, p. 256-260.

124 Powell, Rising in East Anglia, p. 131 : « affirmantes [] se habere et habuisse regale preceptum ».

125 Ibid. ; Eiden, Knechtschaft, p. 337, 344 et 355.

126 Powell, Rising in East Anglia, p. 132 ; Eiden, Knechtschaft, p. 20 ; Anonimalle, p. 151 ; Dobson, Peasants Revolt, p. 262-263 ; C. Richmond, The Paston Family in the Fifteenth Century : The First Phase, Cambridge, Cambridge University Press, 1990, p. 21-22 et 43, n. 99.

127 Anonimalle, p. 151.

128 TNA, JUST 1/103, m. 10. Pour la révolte dans le Cambridgeshire, qui fit peu de victimes, voir Dobson, Peasants Revolt, p. 239 ; A History of the County of Cambridge and the Isle of Ely : Volume 3, the City and University of Cambridge, dir. J. P. C. Roach, Londres, Oxford University Press, 1959, et maintenant Xu, Disorder and Rebellion in Cambridgeshire.

129 Prescott, Judicial Records, p. 47-48 et 101 ; Eiden, Knechtschaft, p. 307 ; Sims, « Bramford Rebels », p. 20-21.

130 Calendar of Patent Rolls, 1377-1381, p. 616. Le bourreau de Francis est rapidement amnistié, au mois de novembre 1381. Eiden, Knechtschaft, p. 307, n. 104.

131 TNA, KB 9/166/1, m. 55 ; Prescott, Judicial Records, p. 106-107.

132 H. Hinck, « The Rising in Winchester », English Historical Review, 125, 2010, p. 112-131.

133 Brooks, « Organization », p. 265, n. 51 ; Eiden, Knechtschaft, p. 205.

134 D. Crook, « Derbyshire and the English Rising of 1381 », Historical Research, 60, 1987, p. 9-23.

135 Eiden, Knechtschaft, p. 312-313.

136 Pajic, Flemish Weavers, p. 202-204.

137 Réville, Soulèvement, p. 283-284.

138 Pour cette révolte, voir T. Dilks, « Bridgewater and the Insurrection of 1381 », Proceedings of the Somersetshire Archaeological and Natural History Society, 73, 1927, p. 57-69. Baron est peut-être le Walter Baron, « milward » mentionné lors des attaques sur la propriété du prieur de Bodmin, le 28 octobre 1379, Calendar of Patent Rolls, 1377-1381, p. 421.

139 Calendar of Patent Rolls, 1381-1385, p. 22 et 24. Lavenham est « sergeant-at-arms » du roi : Calendar of Patent Rolls, 1370-1374, p. 309.

140 Ce compte exclut les événements dans les villes de York, Scarborough et Beverley qui semblent largement indépendants de la révolte dans le sud. Voir R. B. Dobson, « The Risings in York, Beverley and Scarborough », The English Rising, dir. Hilton et Aston, p. 122-142 ; C. D. Liddy, « Urban Conflict in Late Fourteenth-Century England : The Case of York 1380-1381 », English Historical Review, 118, 2003, p. 3-32.

141 A. Harding, « The Revolt against the Justices », The English Rising, dir. Hilton et Aston, p. 165-193 ; Brooks, « Organization », p. 265-266.