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Classiques Garnier

L’occulte en Italie entre astrologie, athéisme et nigromancie (xive-xviie siècle) Éléments de réflexion

  • Type de publication : Article de revue
  • Revue : Cahiers de recherches médiévales et humanistes / Journal of Medieval and Humanistic Studies
    2017 – 1, n° 33
    . varia
  • Auteur : Verardi (Donato)
  • Résumé : Le discours sur l’occulte et sa rationalisation pendant le Moyen Âge et la Renaissance est particulièrement complexe. La question de la diabolisation de l’astrologie est liée à ce problème. Ce travail analyse les relations qui existent entre les différentes pensées sur l’astrologie et les conceptions démonologiques qui les sous-tendent ; l’influence que ces conceptions astrologiques et démonologiques chrétiennes ont eu durant cette même période sur le processus de rationalisation de l’occulte.
  • Pages : 419 à 434
  • Revue : Cahiers de recherches médiévales et humanistes - Journal of Medieval and Humanistic Studies
  • Thème CLIL : 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
  • EAN : 9782406070290
  • ISBN : 978-2-406-07029-0
  • ISSN : 2273-0893
  • DOI : 10.15122/isbn.978-2-406-07029-0.p.0419
  • Éditeur : Classiques Garnier
  • Mise en ligne : 11/08/2017
  • Périodicité : Semestrielle
  • Langue : Français
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Locculte en Italie entre astrologie, athéisme et nigromancie
(xive-xviie siècle)

Éléments de réflexion1

Le discours sur locculte et sur sa rationalisation pendant les siècles du Moyen Âge et de la Renaissance est particulièrement complexe et il intéresse des problématiques afférentes à différentes traditions de pensée. Tout aussi complexe est la question de la diabolisation de lastrologie (sous les aspects que jai étudiés), qui semble être strictement liée à ce problème. Dans ce travail, je ne développerai que quelques-uns des possibles éléments de réflexion sur le sujet. En effet, mon attention se concentrera dune part sur les éventuelles relations qui existent du xive au xviie siècle entre les différentes pensées sur lastrologie nées en contexte chrétien et les conceptions démonologiques respectives qui les sous-tendent ; et dautre part sur linfluence que ces conceptions astrologiques et démonologiques chrétiennes pourraient avoir eu durant cette même période sur le processus de rationalisation de locculte. Dans les deux cas, mon regard se tournera vers le contexte italien.

Les traditions démonologiques chrétiennes médiévales
et les enseignements sur lastrologie dAugustin dHippone et Thomas dAquin : la bulle Coeli et terrae de Sixte V

L astrologia, comunemente detta Giudiciaria, è nemica di ogni genere di persone, ripugnante ad ogni ragione, contraria ad ogni legge. Poscia che tutta vuota, e priva di verità, piena di fallacia, scompiglia l umana vita, conturba la Religione, introduce il Fato nemico della provvidenza divina, sterminatore di ogni virtù, perdizione delle 420 Repubbliche : allenta le redini a huomini ribaldi, e rompicolli a sfogare ogni libidine, ad essere schiavi di ogni malvagità, fino al dare nell heresia, e finalmente nell ateismo coloro, che poco apprezzando la pietà, et il timor di Dio, d ingegno svegliato, e petulante dotati, si danno abbondantemente all inchiesta di sapere cose arcane, et occulte 2 .

Jean-Baptiste Noceto résume avec ces mots, dans un texte paru en 1663, les motivations qui, à son avis, auraient poussé une partie de la pensée chrétienne, dès le temps des Pères de lÉglise, à condamner lastrologie judiciaire. Pendant des siècles, il y eut deux approches opposées sur cet art. Ceux qui, en insistant sur ses racines païennes, comme Augustin et ses disciples, le considéraient comme entièrement démonique et ceux qui, comme Thomas dAquin, ont établi une distinction entre lastrologie acceptable, simplement probable et structurée sur les lois de lastronomie de Ptolémée, et lastrologie détestable en tant quœuvre du démon et négatrice du libre arbitre. Comme Tullio Gregory la établi, cette dernière approche a été bien diffusée au cours du MoyenÂge dans le milieu théologique3.

En ce qui concerne la question astrologique, lun des ennemis jurés de lastrologie, le dominicain Jérôme Savonarole relit lautorité de Thomas dAquin à la lumière de laugustinisme. En pleine époque de la Contre-Réforme, la bulle Coeli et terrae contra exercentes Astrologiae Iudiciariae Artem, que le pape Sixte V promulgue le 5 janvier 15864, 421marque un tournant officiel en ce qui concerne la position de lÉglise sur le sujet de lastrologie. En marginalisant des siècles délaboration conceptuelle autour du thème de « la connaissance probable » de lavenir, le pape plaçait lastrologie judiciaire au même rang que tous les autres arts « diaboliques ». La prévision des actions futures qui dépendent du libre arbitre est toujours regrettable, même lorsquelle déclare se fonder sur des conjectures.

La discussion porte sur un point essentiel du débat sur lart astrologique tel quil avait été structuré par Ptolémée et repris, sur cet aspect spécifique, par Thomas dAquin et par la plupart des érudits et théologiens médiévaux5. Lastrologie est considérée comme un savoir acceptable à partir du moment où elle élabore des conjectures dont la pertinence nest nullement assurée.

Dans la Summa theologiae6, Thomas identifie deux types dastrologie : a) une astrologie naturelle et légitime qui conduit à la « prédiction » et à la « préconnaissance » de certains événements futurs connaissables par la pensée causale ; et b) une astrologie superstitieuse qui, en revanche, prétend pouvoir « prédire » des événements futurs (confiés au choix rationnel ou au hasard). Si les astres ne sauraient – selon Thomas – influer directement sur lesprit humain, ils peuvent toutefois exercer sur lhomme une emprise indirecte en touchant son corps. Les prédictions des astrologues sur les actions humaines sont seulement probables, jamais certaines7. Tout en reconnaissant la validité de la prévision probable des futures actions humaines, Thomas considère en tout cas comme illégitime la prédiction des événements futurs et des événements 422aléatoires qui sont inconnaissables par un discours rationnel rigoureux. Les astrologues possèdent deux moyens de prédire lavenir : le premier, « secundum inclinationem caelestium corporum » ; le second, enseigné par Augustin, « propter daemones se immiscentes8 ». Cette dualité de lastrologie me paraît un point essentiel si lon veut comprendre le débat déclenché par les prises de positions de Thomas. Lauteur de la Somme théologique rejette les conceptions dAugustin, qui condamnait lastrologie dans son ensemble. Cette astrologie « superstitieuse », qui procéderait par une intercession diabolique, nest que lune des deux formes possibles de la discipline astrologique. Il existe parallèlement une astrologie légitime, fondée sur les lois de lastronomie édictées par Ptolémée, qui nest nullement compromise avec le diable : elle sintéresse seulement au caractère probable de tel ou tel événement à venir.

Comme cela semble émerger dune enquête préliminaire sur les textes débattant de la légitimité de lastrologie, certains interprètes voient en Augustin et en Thomas les deux auctoritates vers lesquelles il faut se tourner respectivement pour condamner ou pour défendre cet art. Cette attitude peut être remarquée, par exemple, dans les critiques portées contre lastrologie par Nicole Oresme9 et, surtout, par Pic de la Mirandole, ce dernier auteur étant fondamental pour comprendre le débat anti-astrologique pendant la Contre-Réforme. Là où Nicole Oresme se livre à une critique de lart astrologique dans ses aspects les plus techniques, tout en sefforçant de battre en brèche lauctoritas théologique de Thomas dAquin (grâce à la réhabilitation des idées de lévêque dHippone)10, Pic de la Mirandole, dont on sait quil a lu Oresme11, condamne sans appel dans ses Disputationes lastrologie divinatoire. Du point de vue de la science nécessaire dAristote, telle quelle est interprétée par Pic, une astrologie comme celle de Ptolémée12, qui ne saurait de son propre aveu que formuler des hypothèses, ne peut en aucun cas être considérée 423comme scientifique. Au moyen dune lecture partielle et tendancieuse de Thomas, Pic affirme avec Augustin que les astrologues, quoi quils puissent prédire, le font toujours « occulte daemonum afflatione13 ».

Ainsi quil ressort de la liste des textes contenus dans sa bibliothèque, Sixte V connaît aussi bien la leçon de saint Augustin que les arguments de Pic : bien loin de prendre en compte la distinction logique et ontologique par laquelle les physiciens et les astrologues, depuis le Moyen Âge, avaient tenté de préserver le libre arbitre14, le pape Sixte V considère la prédiction de lavenir de lhomme comme un acte essentiellement mauvais  une position qui cantonne lastrologie au rôle dune fausse science. Au moment où la Réforme vient briser lunité de lÉglise, lenjeu devient dautant plus crucial que le luthéranisme sefforce de saper lidée du libre arbitre. Dès lors, lastrologie, perçue comme lart de deviner les choses probables, se révèle dangereuse pour la protection de la foi, non quelle compromette en soi le principe du libre arbitre, mais simplement parce quelle pourrait conduire à le faire. Le pape Sixte V expose des idées on ne peut plus diamétralement opposées à celles de Thomas ou à celles de ses commentateurs (Tommaso de Vio et Francesco Silvestri), tous daccord pour distinguer – comme on la vu – lastrologie licite (mise au point par Ptolémée) de lastrologie diabolique15. Par conséquent, pour Sixte V, seul Augustin dHippone – « Augustinus praecipuum Ecclesiae lumen16 »  peut fournir la base conceptuelle adéquate pour condamner lensemble de lastrologie, quelle procède par conjectures ou quelle prétende détenir le statut dune science certaine. Certes, le pape reprend dans sa critique de lastrologie quelques expressions de la Somme théologique, sans jamais toutefois mentionner cet ouvrage (je pense par exemple au caractère licite de la prédiction per astra, quand celle-ci est possible, grâce au principe aristotélicien scire per causam)17. 424Cependant, si Sixte V reprend des extraits entiers de la Somme théologique, il en change radicalement le sens, préférant aux idées de Thomas les positions défendues neuf siècles auparavant par Augustin dHippone. Laccusation de superstitio élaborée par Sixte V sappuie essentiellement sur un usage « superbo » mais surtout « periculoso18 » (car diabolique) de la ratio. Ce lien entre lorgueil de la science et lorgueil démoniaque avait en effet déjà été souligné par Augustin. Dans la Cité de Dieu, lévêque dHippone sempare de létymologie grecque du mot « démon » pour le rapprocher du mot scientia, posant ainsi les bases de la diabolisation de l« arrogance scientifique » remise à lhonneur plusieurs siècles plus tard par Sixte V19.

Toutefois, le pape estime que le diable, tout comme lhomme, est absolument incapable de savoir quoi que ce soit dafférent à la destinée 425terrestre des hommes. Ce qui réunit les hommes et les démons nest donc pas, contrairement à ce que croit Augustin, seulement lorgueil, mais surtout labsence totale de scientia de lavenir. Sixte V proclame donc que la connaissance des événements futurs liés au libre arbitre est interdite aux astrologues, « sed nec demone ipsi presentire possunt20 ». Toutefois, il est daccord aussi bien avec Augustin quavec Thomas sur un aspect : le désir absolu qua le diable de conduire lhomme à la perdition21. Ce danger « diabolique » ne peut être évité que si lon condamne une fois pour toute ceux qui pratiquent lastrologie judiciaire « et alia quaecumque divinationum genera, librosque legentes vel tenentes ».

Le diable et le trident :
athées, astrologues et nigromanciens

Selon Graziella Federici Vescovini22, lapproche du monde démonique au cours du Moyen Âge est elle-même au moins de deux sortes. Daprès les théologiens dorientation platonicienne-augustinienne comme Guillaume dAuvergne (1180-1249), qui propose une démonologie biblique que lon retrouve aussi dans la Comédie de Dante Alighieri, les démons envahissent le monde dans le but de tourmenter lhomme : avec la permission de Dieu, bien évidemment. Selon Guillaume, les images et les amulettes agissent dune façon réelle dans les pratiques magiques, bien que temporairement, non grâce à une vertu naturelle mais comme résultat dun accord, dun « pacte » trompeur que le magicien conclut avec le diable23. Il sagit dune démonologie un peu différente de celle de Thomas dAquin (1225-1274) et de ses disciples dominicains. Même si la notion de pacte est également importante pour Thomas et ses disciples, ceux-ci, en effet, réduisent les pouvoirs du diable tout en sauvegardant la croyance chrétienne. Le conflit entre ces deux positions 426émerge dans les théories condamnées à Paris en 1270-127724 et on en retrouve les traces aussi dans le débat démonologique des xve-xvie siècles. Cependant, on doit éviter des généralisations trop larges. Il suffit de penser à lobsession pour le diable de deux dominicains, Sprenger et Institoris, auteurs du Malleus Maleficarum, une œuvre qui fournit des bases philosophiques, doctrinales et juridiques-procédurales solides à la bulle Summis desiderantis affectibus dInnocent VIII. Comme cela a été démontré par Claudio Buccolini25, ce texte est fortement influencé par Augustin et Guillaume dAuvergne. Mais Thomas est également lune des principales autorités du texte. Toutefois, sa doctrine est relue à la lumière de lautorité dAugustin.

Entre le xvie et le xviie siècle, parce que précisément lÉglise prend officiellement cette position, lobsession pour le diable va senrichir dun élément absent ou secondaire dans le débat médiéval : lélément politique.

Le démonologue Martin Del Rio, en révélant la présence du diable dans la vie de lEurope26, rapproche les thèses athéistes des « politiciens »  que Leonardus Lessius en 1612 aurait attribuées à Machiavel27 – des pratiques magiques des sorciers et des rites obscurs du Sabbat. Tant la magie, qui a ses racines dans lancien polythéisme, que lathéisme des « modernes »  selon la partie la plus extrémiste du catholicisme post-tridentin28 – sont des enseignements de Satan. Selon les démonologues comme Del Rio, la nigromancie et la négation du surnaturel sont les deux visages du Malin, « le prince de ce monde29 » , qui se jette sur lhumanité pour lentraîner à la perdition. Peu dannées après, le Père 427Mersenne, mathématicien, écrit beaucoup contre la magie comme contre les athées et les « pyrrhoniens30 ».

La comparaison du rationalisme extrême avec les pratiques de la « nigromancie » nest pas une nouveauté dans le domaine italien. Déjà à la fin du xive siècle le philosophe et astrologue Blaise de Parme (v. 1347-1416), malgré sa négation de lexistence des démons (ou peut-être exactement parce quil avait nié lexistence des démons), fut appelé Doctor diabolicus. Par ailleurs, cela nétonne quen partie, surtout si lon se réfère à lancienne conviction de lÉglise selon laquelle « nullus diabolus, nullus redemptor ». En effet, la négation de lexistence de Satan et de son « armée de démons » aurait pu conduire à lidée de linutilité de la rédemption réalisée par le Christ, en mettant en péril le rôle de lÉglise, son vicaire ici-bas. Pourtant, si dans un contexte duniversalisme religieux comme celui du Moyen-Âge Blaise de Parme a été réintégré dans sa charge et dans son salaire de professeur après une simple rétractation devant lévêque de Pavie31, nul doute quà lépoque de la Contre-Réforme la négation de lexistence des démons aurait conduit, en Italie comme ailleurs, à des événements autrement dramatiques. Certes, les thèses extrêmes du rationalisme de Blaise de Parme32  qui contient tous les topoi de la pensée libertine exposés dans le Theophrasus redivivus,à lexception du topos politique – sont périlleuses dans le contexte historique où elles sont formulées. Cependant, elles apparaissent encore plus dangereuses dans une période de division des églises comme celle des xvie et xviie siècles.

Dune part, comme je lai montré précédemment, avec Sixte V et sa bulle33 lÉglise condamne non seulement les pratiques de magie et de sorcellerie (auxquelles, déjà en 1484, Innocent VIII avait consacré sa bulle Summis desiderantes affectibus), mais aussi la rationalité 428astrologico-mathématique. La prétention à prédire le futur de lhomme, au-delà de toutes distinctions logiques et ontologiques sur les événements (nécessaires, possibles ou impossibles34), est toujours pour le pontife une action superstitieuse. Lastrologie divinatoire, comme toute pratique de la nigromancie, est toujours le fruit dune inspiration démoniaque, trompeuse pour ce qui concerne le domaine de la science et dangereuse pour le domaine religieux et moral.

Cest à la lumière aussi de cette prise de position officielle par lÉglise que lon explique le destin tragique de certains hommes de culture de ce temps-là. Le florentin Côme Ruggeri est accusé dêtre un athée et il est condamné à mort en 1615, en tant que négateur de lexistence des démons et du surnaturel. Lucilio Vanini, pour avoir développé la thèse de la non-existence des démons avec autant dextrémisme que Blaise de Parme et Pietro Pomponazzi (1463-1512)35, connaît un sort beaucoup plus tragique que celui de ses maîtres à penser, qui sachève dans un bûcher à Toulouse36.

Lambivalence du qualificatif « démoniaque » aux xvie et xviie siècles, qui a aussi bien le sens de nigromantique que celui de rationaliste ou athée, est attestée chez un autre auteur de lépoque, le français Gabriel Naudé, un important représentant du libertinisme érudit. Dans une défense passionnée de Pietro dAbano37, Naudé fait remonter cette attitude à la condamnation du maître padouan38. Daprès lui39, Pietro aurait été mis 429en accusation non en tant que nécromant (malgré les œuvres magiques apocryphes quon lui avait attribuées à tort), mais en tant que défenseur dune astrologie médicale qui excluait le plan démoniaque, surnaturel et miraculeux du discours rationnel du philosophe de la nature. Cette thèse semble être soutenue par un autre penseur, très éloigné de Naudé, Jean-François Pic de la Mirandole40. En effet, le duc, dans le De rerum praenotione,affirme que Pietro dAbano a été accusé dhérésie parce que « daemonos esse negabat nec ullo pacto in rerum reperire natura credebat41 » ; une accusation contre laquelle Pietro se serait défendu42.

La fortune de cette interprétation de la vicissitude de Pietro dAbano paraît trouver une confirmation dans une lecture attentive de certains textes qui précèdent lApologie de Naudé et qui remontent au xve siècle. Il sagit du De constitutione mundi de Giovanni Michele Alberto Carrara, où ce dernier propose une image de Pietro dAbano qui soutient le déterminisme astral (point qui, pour Carrara, justifierait sa condamnation pour hérésie), et du Speculum physionomie de Michel Savonarole, médecin ferrarais qui travaillait à Padoue dans la première moitié du xve siècle. Savonarole43, tout en rappelant que Pietro a été condamné pour nécromancie, mentionne ses doctrines pour confirmer linterprétation dune médecine qui exclut le recours au démoniaque pour lexplication des phénomènes de la nature. De plus, explique Savonarole, Pietro avait nié que la mélancolie et les troubles de lesprit soient dus à lintervention desprits malins. Les ambiguïtés et les précautions continuelles de Savonarole44 (même sil affirme que Pietro a été condamné en tant que nécromant, il rapporte les passages de lœuvre de Pietro dAbano qui le disculpent) montrent probablement que la négation de laction du démon dans lexplication des phénomènes naturels est, à son époque aussi, une position inconfortable et mal vue, surtout parmi les disciples de la démonologie augustinienne que promouvait déjà Guillaume dAuvergne, mais que les disciples de Thomas dAquin nacceptaient pas.

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En pleine époque de la Contre-Réforme, le débat démonologique est brûlant. Après la décision de Sixte V concernant les pratiques divinatoires (magiques ou non), on pourrait écrire que le diable a été représenté comme un être muni dun trident : la première branche renfermant la magie de la nécromancie et de la sorcellerie ; la deuxième indiquant le rationalisme extrême des athées, des libertins et des fatalistes ; la troisième, et ceci constitue la vraie nouveauté, désignant lastrologie judiciaire qui procède par conjectures. Comme Noceto45 nous le rappelle, cette forme dastrologie, même si lon ne peut pas la superposer à lastrologie fataliste parce quelle est fondée sur la catégorie logique du « possible », doit être considérée de toute façon comme un produit du diable, parce quelle pourrait induire en erreur et conduire à lhérésie.

Lassociation sorcellerie-diable aux xvie et xviie siècles est alors bien ancrée grâce à presque un siècle délaborations conceptuelles sur ce sujet46. Lassociation entre le rationalisme et le diable, même si elle nest pas une nouveauté, a eu de son côté des conséquences malheureuses durant cette période. Il semble que les hommes de culture de ce temps devaient se soucier surtout de laccusation dathéisme, de même que ceux que lon commence à définir avec quelque suspicion comme « naturalistes ».

Selon les démonologues en effet, le diable peut arriver à faire croire quil nexiste pas. Le diable alors se camoufle grâce à des phénomènes occultes que les « naturalistes » considèrent comme indépendants de laction démoniaque. « Diabolus [] opera naturae non ingreditur47 » assure ainsi Tommaso Campanella (1568-1639)48.

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Locculte entre religion et nature

La Contre-Réforme
et le cas de Giovan Battista Della Porta

Laccusation de complicité avec le diable est toujours proche. Certains philosophes cherchent à rationaliser le discours sur la nature, avec des marges de manœuvre très réduites, en sauvegardant la notion d« occulte » de toute contamination démoniaque. Cependant, libérer les « points obscurs » de la nature49 de la domination du diable, en combattant la croyance dans lintervention du diable dans le monde naturel (croyance que certains philosophes considèrent alors comme une superstition dindividus mal dégrossis50) est plutôt hardi dans ce contexte historique. Il faut faire attention à ne pas tomber dans le piège de la « tentation libertine51 » du matérialisme astrologique, et de la négation de lexistence des démons qui sensuivrait, thèse à la limite de lathéisme52. Mais il est aussi dangereux de défendre lastrologie conjecturale. Même si elle nest pas fondée sur une vision fataliste du monde conduisant à lathéisme, cette forme de savoir est de toute façon suspecte et à la limite de lhérésie. Et de fait, daprès les autorités religieuses de ce temps, elle est aussi un fruit du diable.

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Certains auteurs médiévaux comme Arnaud de Villeneuve et Pietro dAbano avaient élaboré une doctrine qui replaçait locculte dans le domaine naturel et non démoniaque, grâce à la notion dorigine avicennienne de forme spécifique. La période comprise entre le xiie et le xve siècle est en effet caractérisée par laffirmation de locculte comme réalité objective53. Le point de départ de ce processus est le Canon dAvicenne54, traduit dans la seconde moitié du xiie siècle par Gérard de Crémone. Avicenne, en partant dune notion de Galien, la forma totius, formule la notion de forme spécifique. Elle a été utilisée, pendant les siècles médiévaux, pour expliquer les effets curatifs des plantes dont on ignorait la cause.

La tentative de rationaliser locculte, commencée au Moyen Âge et continuée au xve siècle de façons différentes, se poursuit au xvie siècle, en même temps quelle sentrecroise, principalement en Italie55, avec les problématiques religieuses que jai évoquées précédemment. De quelle façon est-il possible de continuer à expliquer en termes rationnels les phénomènes de la nature sans entrer en conflit avec une Inquisition de plus en plus soupçonneuse ? Lexpérience de Giambattista Della Porta (1535-1615) est plutôt emblématique des problèmes que les philosophes de la nature italiens ont pu rencontrer en ce temps-là.

Della Porta, auteur de nombreux traités sur la magie naturelle, sur la physiognomonie et sur le théâtre, sest chargé de ce problème pour lessentiel dans la Magia naturalis (1558). Della Porta soutenait dans la Magia naturalis – sans pour cela ressentir la nécessité de se justifier – que dans la nature, quil comprend comme un ens in fieri, ce ne sont pas les démons qui agissent mais la matière, la forme et la qualité des éléments qui composent la substance naturelle. Le rôle de la forme (qui est produite par le ciel étoilé) est essentiel pour que les vertus physiques des astres soient reçues. Toutefois, selon Della Porta, laction de la forme nest pas entièrement connaissable par le philosophe. Pour cette raison elle est « occulte ».

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Daprès le philosophe, même si laction de la forme dans la production dun phénomène déterminé nest pas connaissable, il est toujours possible de reconnaître la « propriété particulière » de leffet. La propriété dépend à son tour non seulement de la complexion des qualités des éléments qui composent la substance naturelle, mais aussi de laction « occulte » de la forme. Même si elle est « occulte », autrement dit inconnue, laction de la forme dérive du ciel étoilé, interprété par Della Porta en un sens physique (aristotélicien) et non comme peuplé par des démons célestes. Les corps célestes en effet agissent sur le monde avec leur mouvement et leur chaleur, sur la base également du lieu naturel des éléments et de laspect du ciel. La forme permet que les influences célestes soient reçues, en donnant au médicament sa « propriété particulière ». Laction de la forme, même si elle est « occulte », est quand même une action physique, et son siège, le premier ciel, est physique. Daprès le philosophe, cela nest pas en contradiction avec le fait que la forme a une origine divine.

Dans un univers structuré « par degrés », du premier ciel il est possible de remonter aux intelligences (que Della Porta, en suivant la doctrine dAvicenne et de lauteur du Liber de causis, identifie avec les anges56), jusquà Dieu lui-même, qui est lartisan de la forme, ainsi que la cause universelle de chaque être naturel.

Della Porta, à côté de cette explication de locculte, dispose dune autre doctrine relative à la sympathie et à lantipathie entre les choses, typique de la tradition de la magie naturelle de la Renaissance et fondée sur une vision vitaliste de la nature. Au cours du xvie siècle, le vitalisme est un élément qui est également présent dans laristotélisme57. À travers ce principe, le Napolitain dévoile une série de secrets dans sa Cryptologie (1606-1615), et celui relatif à laction à distance dun médicament nest pas le moindre dentre eux58. En effet, laction à distance narrive pas 434grâce à limagination, qui selon Avicenne et ses disciples est capable dagir « in corpore alieno sicut in proprio59 ». Della Porta a une conception strictement aristotélicienne de cette faculté de lâme, une conception qui exclut laction à distance sine medio. Par conséquent, dans lexplication des guérisons à distance, Della Porta penche pour la théorie de la sympathie naturelle parmi les choses. Le remède grâce auquel on guérit dune affection particulière du corps ou de lâme est lun des infinis secrets qui composent « la grande machine du monde ». La tâche du philosophe est celle de découvrir ces secrets et de les divulguer.

Le remède agit toujours grâce à un principe physique-naturel. Même si lon ne peut pas les expliquer à travers les critères de la rationalité aristotélicienne (cest-à-dire selon les canons de la science nécessaire des Seconds Analytiques, tout à fait dominante dans la culture officielle de ce temps-là), les remèdes naturels sont tout simplement les effets des « propriétés particulières » des choses, que Dieu a « ensevelies » dans le « sein de la nature ». Il ny a aucune place accordée aux démons dans lantre du philosophe naturel.

Donato Verardi

Université Paris-Est-Créteil –
CRHEC

1 Je tiens à remercier Nicolas Weill-Parot pour la lecture de ce texte.

2 « Lastrologie, généralement appelée judiciaire, est lennemie de toutes sortes de gens, elle est contraire à toutes sortes de raisons, elle est opposée à toutes sortes de lois. Lorsquelle est entièrement vide, dépourvue de vérité et pleine de fausseté, elle brouille la vie de lhomme, elle trouble la Religion et elle introduit le Fatum, ennemi de la divine Providence, destructeur de toutes sorte de vertus, perdition de la République : elle lâche les rênes aux hommes malhonnêtes et aux casse-cou pour quils sadonnent à toutes sortes de luxures et pour les rendre esclaves de la malveillance jusquà conduire tous ceux qui napprécient pas beaucoup la pitié et la crainte de Dieu, ceux qui ont un esprit vif, ceux qui sont très insistants et qui sont intéressés à découvrir de choses mystérieuses et occultes, à lhérésie et enfin à lathéisme. » [notre traduction]. Cf. G. Battista Noceto, Astrologia ottima, indifferente, pessima, Paris, Pozzo Certino, 1663, p. 51.

3 T. Gregory, « Astrologia e teologia nella cultura medievale », Mundana Sapientia. Forme di conoscenza nella cultura medievale, Rome, Edizioni di Storia e Letteratura, 1992, p. 291-328.

4 Constitutio S.D.N.D. Sixti Papae Quinti contra exercentes Astrologiae Iudiciariae Artem, Et alia quaecumque divinationum genera, librosque de eis legentes, ac tenentes, apud haeredes Antonij Bladij, Romae 1586, L. Tommasetti et Collegii adiecti Romae virorum s. theologiae et ss. canonum perito rum, Bullarium Romanum (t. XXIV), Augustae Taurinorum : Seb. Franco, H. Fory et Henrico Dalmazzo editoribus : A. Vecco et sociis, 1857-1872, VIII, 1863, p. 646-650. La bulle a été également publiée en vulgaire : Constitutione della Santità di N. S. Sisto Papa Quinto. Contra coloro che esercitano larte dellastrologia giudiziaria, et qualunque altra sorte di divinazioni, sortilegii, superstizioni, strigarie, incanti, etc. E contra coloro che leggono e tengono libri intorno a tal materia etc., Rome, dans les Heredi de Antonio Blado Stampatori camerali, 1586, ensuite, Bologne, pour Alessandro Benaci, MDLXXXVI. Cette œuvre a été rééditée en Appendice à T. Campanella, Opuscoli astrologici, éd. G. Ernst, Milan, Bur, 2003, p. 255-267.

5 Voir Gregory, « Astrologia e teologia nella cultura medievale ».

6 Thomas dAquin, Summa theologiae, Secunda secundae, Rome, Editio Leonina, editum ac automato translatum a Roberto Busa SJ in taenias editum denuo recognovit Enrique Alarcón atque instruxit 1897, qu. 95, a. 1.-5 [corpusthomisticum.org/sth3082.html].

7 Thomas dAquin, Summa theologiae, Secunda secundae, qu. 95, a. 5 : Corpora caelestia non possunt esse per se causa operum liberi arbitrii. Possunt tamen ad hoc dispositive inclinare : inquantum imprimunt in corpus humanum, et per consequens in vires sensitivas, quae sunt actus corporalium organorum, quae inclinant ad humanos actus. Quia tamen vires sensitivae obediunt rationi, ut patet per Philosophum, in III de Anima et in Ethic., nulla necessitas ex hoc libero arbitrio imponitur, sed contra inclinationem caelestium corporum homo potest per rationem operari.

8 Thomas dAquin, Summa theologiae, Secunda secundae, qu. 95, a. 5.

9 N. Oresme, Quaestio contra divinatores horoscopios, éd. S. Caroti, Archives dhistoire doctrinale et littéraire du Moyen Âge, 43, 1977, p. 201-310.

10 S. Caroti, « La critica contro lastrologia di Nicola Oresme e la sua influenza nel Medioevo e nel Rinascimento », Atti della Accademia Nazionale dei Lincei, CCCLXXVI, 1979, série VIII-volume XXIII, fascicule 6, Rome, Accademia nazionale dei Lincei, 1979, p. 545-685, ici p. 590-591.

11 Caroti, « La critica contro lastrologia di Nicola Oresme », p. 659.

12 Giovanni Pico della Mirandola, Disputationes adversus astrologiam divinatricem, éd. E. Garin, Florence, Vallecchi, 1946, vol. 1, p. 7.

13 Pico della Mirandola, Disputationes, p. 172.

14 G. Federici Vescovini, « Coluccio Salutati e Paolo Dagomari sullastrologia delle scelte (elezioni) », Le radici umanistiche dellEuropa. Coluccio Salutati cancelliere e politico, Florence, Edizioni Polistampa, 2012, p. 369-384.

15 Summa S. Thomae Aquinatis, Cum Commentariis R. D. D. Thomae De Vio Caietani, Lugduni, MLXXXI, pars. II, Secunda secundae, questio XCV, a. 5, p. 337. SummaDivi Thomae AquinatisContra Gentiles, fratris Francisci de Sivestris Ferrariensis, Doctoris Theologi, & totius ordinis Praedicatorii Generali Magistri, Commentariis illustrata, Lugduni, Apud Petrum Landry, MDLXXXVI, Liber tertius, Super cap. 84, p. 477 et 479.

16 Constitutio S.D.N.D. Sixti Papae Quinti contra exercentes Astrologiae, p. 647.

17 Constitutio S.D.N.D. Sixti Papae Quinti contra exercentes Astrologiae,p. 646-647.

18 Une distinction entre lastrologie sûre et lastrologie dangereuse est apparente chez saint Bonaventure, personnage assez cher à Sixte V. Si dans son Commentaire des Sentences (Cf.Bonaventurae IISent., d. XIV, pars II, art. II, q. 3 ad secundum), le penseur de Bagnoregio, comme Thomas dAquin et Duns Scot, reconnaît linfluence des astres sur le plan matériel du cosmos et de lhomme, dans les Collationes in Hexaëmeron, après avoir séparé lastronomie de lastrologie, il affirme que cette dernière « in parte est vera et in parte periculosa », reconnaissant à lastrologie une sorte de paternité sur toutes les pratiques de divination : Haec consideratio matematica est circa sex : aut circa numeros in sua puritate, et sic est arithmetica ; aut circa numeros, ut considerantur in sonis, et sic musica ; aut in quanti tate continua et circa proportiones dimensivas generaliter, et sic geometria ; aut per additionem de linea visuali, et sic perspectiva ; aut secundum quantitatem utramque et secundum discretiones numerales et substantiales, vel continuas et discretas, et sic astrologia, et illa est duplex : una de corporibus regulatis per motum, et sic astronomia ; alia de influentia, et haec partim est secura et partim periculosa, et haec est astrologia. Periculosa est propter iudicia, quae sequuntur ; et ab hac fluit geomantia, vel negromantia et ceterae species divinationis (Hexaëmeron, IV, 15, V, studio et cura PP. Collegii a S. Bonaventura, Florentiae, 1891, p. 351). Une critique déterministe de lastrologie est également formulée par Bonaventure dans le De septem donis Spiritus Sancti, texte dans lequel le franciscain réfute les trois erreurs quil attribue aux « philosophes » : léternité du monde, le déterminisme fataliste et lunicité de lintellect. Au sujet de la deuxième erreur, cest-à-dire du déterminisme fataliste ou plus exactement astrologique, Bonaventure affirme : Secundus error est de necessitate fatali, sicut de constellationibus : si homo sit natus in tali constellatione, de necessitate erit latro, vel malus, vel bonus. Istud evacuat liberum arbitrium et meritum et praemium : quia, si homo facit ex necessitate quod facit, quid valet libertas arbitrii ? Quid merebitur ? – Sequitur etiam, quod Deus sit origo omnium malorum. Verum est, quod aliqua dispositio relinquitur ex stellis ; sed tamen solus Deus principatur animae rationali.Cf.BonaventuraeDe septem donis Spiritus Sancti, Quaracchi, VIII, 18, V, p. 498.

19 Ce principe augustinien aurait influencé au Moyen Âge Bonaventure également, selon qui la science philosophique seule nest pas suffisante pour guider lhomme. Si, en fait, on ne cherche pas à la surpasser, elle peut également faire « tomber dans lobscurité », cf.Bonaventurae De septem donis Spiritus Sancti, IV, 12, V, p. 476 : Philosophica scientia via est ad alias scientias ; sed qui ibi vult stare cadit in tenebras.

20 Constitutio S.D.N.D. Sixti Papae Quinti, p. 646.

21 Constitutio S.D.N.D. Sixti Papae Quinti,p. 647.

22 G. Federici Vescovini, Le Moyen Âge magique. La magie entre religion et science aux xiiie et xive siècles, Paris, Vrin, 2011, p. 65-75 et 97-114.

23 A. Boureau, Satan hérétique. Histoire de la démonologie (1280-1330), Paris, Odile Jacob, 2004, p. 82-121.

24 A. de Libera, « Philosophie et censure. Remarque sur la crise universitaire parisienne de 1270-1277 », Was ist Philosophie im Mittelalter ?, Atti del X Congresso internazionale di filosofia medievale, 25-30 agosto 1997 in Erfurt, éd. J. A. Aertsen et A. Speer, Berlin-New York, De Gruyter, 1998, p. 71-89.

25 C. Buccolini, « Il diavolo nel Malleus maleficarum », Il diavolo nel Medioevo,Attidel XLIX Convegno storico internazionale, Todi, 14-17 ottobre 2012, Spolète, Fondazione Centro Italiano di Studi sullAlto Medioevo, 2013, p. 519-551.

26 M. Del Rio, Disquisitionum magicarum libri sex, Venetiis, 1611, « proloquium de difficultate et necessitate huius tractationis », p. nn.

27 Leonardus Lessius, De providentia numinis et animi immortalitate libri duo adversos atheos et politicos, Paris, ed. Lessii Opuscola, III, 1880, p. 313.

28 Tullio Gregory a bien mis en lumière cette obsession démoniaque ; lÉglise réformée nen sera pas immune, elle non plus : cf. T. Gregory, Principe di questo mondo. Il diavolo in Occidente, Rome-Bari, Laterza, 2013, p. 70.

29 Jn 12, 31.

30 M. Mersenne, La verité des sciences contre les Septiques (sic !) ou Pyrrhonien, Paris, Chez Toussainct du Bray, 1625.

31 Sur la rétractation de Blaise, cf. le document publié par R. Maiocchi, Codice diplomatico dellUniversità di Pavia, Pavie, 1905-1915, vol. I, doc. 305, p. 334.

32 Sur Blaise de Parme, cf. la monographie classique de G. Federici Vescovini, Astrologia e scienza. La crisi dellaristotelismo sul cadere del Trecento e Biagio Pelacani da Parma, Florence, Nuove edizioni Vallecchi, 1979.

33 G. Ernst, Dalla bolla Coeli et terrae allInscrutabilis. Lastrologia tra natura, religione e politica nelletà della Controriforma. Sur les arguments de la bulle Coeli et terrae et sur la pensée astrologique de Sixte V, cf. D. Verardi, « “Gli astri, glangeli e li vescovi”. Le fonti patristiche e medievali del pensiero astrologico di Sisto V », Rivista di Storia e Letteratura religiosa, XLVII, 2011, p. 147-156.

34 Les astrologues latins et arabes, qui étaient aussi croyants, ne niaient pas la liberté de lâme humaine ; au contraire, ils la sauvegardaient grâce à de subtiles argumentations qui trouveront place dans le Lucidator dubitabilium astronomiae de Pierre dAbano et dans les Questiones de anima de Blaise de Parme. Toutes ces sophistications conceptuelles auraient été également refusées par Coluccio Salutati. Cf. Federici Vescovini, « Coluccio Salutati e Paolo Dagomari sullastrologia delle scelte (elezioni) ».

35 Pietro Pomponazzi, De incantationibus, éd. V. Perrone Compagni, avec la collaboration de L. Regnicoli, Florence, Olschki, 2011 ; et la traduction italienne avec une ample étude introductive, Le Incantazioni, éd. V. Perrone Compagni, Pise, Edizioni della Normale, 2014.

36 F. P. Raimondi, Giulio Cesare Vanini nellEuropa del Seicento con una appendice documentaria, seconda edizione aggiornata, editrice Aracne, Ariccia, 2014.

37 Gabriel Naudé, Apologie pour touts les grands personages qui ont esté faussement supçonnez de magie, A. La Haye, Adrian Ulac, 1653, p. 380-381 et 389-390. Sur Naudé, cf. L. Bianchi, Rinascimento e libertinismo. Studi su Gabriel Naudé, Naples, Liguori, 1996.

38 G. Federici Vescovini, Introduzione à Pietro dAbano, Trattati di astronomia, éd. G. Federici Vescovini, Padoue, Editoriale Programma, 1992, p. iii-xxx.

39 D. Pirillo, « Magia e machiavellismo : Giordano Bruno tra “praxis” magica e vita civile », La magia nellEuropa moderna tra antica sapienza e filosofia naturale, éd. F. Meroi et E. Scapparone, Florence, Olschki, 2007, p. 513-542.

40 Giovan Francesco Pico della Mirandola, De rerum praenotione Opera Omnia, Bailea, Enrico Pietro, 1573, p. 493-494.

41 Pico della Mirandola, De rerum praenotione, p. 493.

42 Federici Vescovini, « Pietro dAbano tra biografia e fortuna », Pietro dAbano, Trattati di astronomia, p. xxix.

43 Pietro dAbano, Trattati di astronomia, p. xxix.

44 Pietro dAbano, Trattati di astronomia, p. xxvii.

45 Noceto, Astrologia ottima, p. 51.

46 Pour une vision globale de la problématique, cf.La stregoneria in Europa (1450-1650), éd. M. Romanello, Bologne, Il Mulino, 1981, et les études récentes dans I vincoli della natura. Magia e stregoneria nel Rinascimento, éd. G. Ernst et G. Giglioni, Rome, Carocci, 2012.

47 T. Campanella, Disputatio an bullae SS. Pontificum Sixti V et Urbani VIII contra iudiciarios calumniam in aliquo patiantur, dans Opuscoli astrologici, éd. G. Ernst, Milan, Bur, 2003, p. 214.

48 Sur Campanella et la démonologie, cf. G. Ernst, « Magia, divinazione e segni in Tommaso Campanella », dans La magia nellEuropa moderna. Tra antica sapienza e filosofia naturale, Atti del Convegno (Firenze, 2-4 ottobre 2003), éd. F. Meroi et E. Scapparone, Florence, Olschki, 2007, p. 589-611.

49 N. Weill-Parot, Points aveugles de la nature. La rationalité scientifique médiévale face à locculte, lattraction magnétique et lhorreur du vide (xiiie-milieu du xve siècle), Paris, Les Belles Lettres, 2013.

50 Cest le cas de Cesare Rao, physicien de la fin du xvie siècle, qui commence avec toutes les précautions une lutte contre la superstition grâce à la vulgarisation de la tradition scientifique péripatéticienne. Sur ce sujet, je me permets de renvoyer à mes travaux, « I Meteori di Cesare Rao e laristotelismo in volgare nel Rinascimento », Rinascimento Meridionale, III, 2012, p. 107-120 ; « Linfluenza delle stelle in un trattato in volgare del Cinquecento. DellOrigine de Monti di Cesare Rao », Philosophical Readings, 2, 2012, p. 15-23 ; « Lingua italiana e divulgazione scientifica nel Rinascimento. Lesperienza intellettuale di Cesare Rao », Esperienze Letterarie, 3, XXXVIII, 2013, p. 57-64 ; « “In lingua nostra italiana”. Sul greco e il latino nel lessico filosofico vernacolare di Cesare Rao », Rinascimento, LII, 2012 mais 2014, p. 243-250.

51 Sur les « tentations » libertines de Campanella et sur la diffusion contemporaine du libertinisme dans les milieux monastiques méridionaux, cf. G. Spini, La teoria dellimpostura delle religioni nel Seicento italiano, Rome, Editrice universale de Roma, 1950, p. 117-135.

52 Sur ce point que lon mautorise à renvoyer à mon article, « Le radici medievali della demonologia di Giovan Battista Della Porta e Giulio Cesare Vanini », Bruniana & Campanelliana, XIX, 2013/1, p. 249-258.

53 N. Weill-Parot, « La science et locculte dans la nature au Moyen Âge », LHomme et la Science, textes réunis par J. Jouanna, M. Fartzoff et B. Bakhouche, Paris, Les Belles Lettres, 2011, p. 523-531. Sur ce sujet, cf. en outre G. Federici Vescovini, Medioevo magico, Turin, Utet, 2008, p. 171-222.

54 Avicennae Liber Canonis de medicinis cordialibus et cantica…,lib. I, fen II, doc. II, sum. I, cap. 15, fol. 36v-37v.

55 Sur le contexte napolitain, cf. N. Badaloni, « Fermenti di vita intellettuale a Napoli dal 1500 alla metà del 600 », Inquietudini e fermenti di libertà nel Rinascimento italiano, Florence, ETS, 2004, p. 127-176.

56 Daprès cette perspective néoplatonicienne, les anges ont une causalité propre, cest-à-dire pour influencer. Bonaventure aurait réagi à cette angélologie avec son angélologie ministérielle, selon laquelle les anges sont envoyés par Dieu pour une lex caritatis et ils doivent secourir lintellect et la volonté des hommes. Lidentification entre les intelligences et les anges est acceptée sans aucune réserve dans la première Magia naturalis, mais dans la seconde elle est mise en doute, probablement à cause du nouveau climat culturel de la Contre-Réforme caractérisé par le « retour à Bonaventure ».

57 B. Nardi, Naturalismo e Alessandrismo nel Rinascimento, éd. M. Sgarbi, Travagliato-Brescia, Edizioni Torre dErcole, 2012, p. 112-113.

58 Pour un approfondissement de ce point, cf. D. Verardi, « The Occult in the Natural Magic of Giovan Battista Della Porta and the Phenomena of Tarantism », Magie, Tarantismus und Vampirismus. Eine interdisziplinäre Annäherung, éd. M. Genesin et L. Rizzo, Hambourg, Verlag, 2013, p. 147-154.

59 V. Perrone Compagni, « Artificiose operari. Limmaginazione di Avicenna nel dibattito medievale sulla magia », Immaginario e immaginazione nel Medioevo, éd. M. Bettetini, F. Paparella, collab. R. Furlan, Louvain-la-Neuve, 2009, p. 271-296 ; N. Weill-Parot, « Pouvoirs lointains de lâme et des corps : éléments de réflexion sur laction à distance entre philosophie et magie, entre Moyen Âge et Renaissance », Lo Sguardo. Rivista di Filosofia, 10, 2012, p. 85-98.