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Classiques Garnier

Présence du corps absent Théâtre et disparition du prince au xve siècle

  • Publication type: Journal article
  • Journal: Cahiers de recherches médiévales et humanistes / Journal of Medieval and Humanistic Studies
    2016 – 2, n° 32
    . varia
  • Author: Doudet (Estelle)
  • Abstract: In 1461 and 1468 the official writer George Chastelain staged La Mort du roi Charles VII and La Mort du duc Philippe during the celebrattions for these princes’ heirs. The French play, based on the mystical theory of the Capetian royal blood showing how the deceased duke is mourned by his subjects without any reference to a precise political identity. The theoretical and aesthetic choices made by the playwriter illustrate the way Drama reflected and reshaped the diverse conceptions of the royal body during the 15th century.
  • Pages: 19 to 36
  • Journal: Journal of Medieval and Humanistic Studies
  • CLIL theme: 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
  • EAN: 9782406067450
  • ISBN: 978-2-406-06745-0
  • ISSN: 2273-0893
  • DOI: 10.15122/isbn.978-2-406-06745-0.p.0019
  • Publisher: Classiques Garnier
  • Online publication: 01-28-2017
  • Periodicity: Biannual
  • Language: French
19

Présence du corps absent

Théâtre et disparition du prince au xve siècle

« Le roi ne meurt jamais » est le titre donné aux pages finales des Deux corps du roi dErnst Kantorowicz1. La mort princière est lun des moments-clefs de la théorie des corps symboliques et des imaginaires politiques quelle articule. Cest alors que se pose de façon aiguë la dialectique de labsence et de la présence, de léphémère et du permanent. Lorsquadvient un décès royal, les commentateurs contemporains déploient en général ce que Francis Assaf a appelé une thanatographie2 : se multiplient déplorations poétiques, proses commémoratives, épitaphes ornées des couleurs de la louange. Grâce à une rhétorique mêlant plainte et consolation, ces productions disent le changement de règne tout en prévenant les troubles quil pourrait provoquer. Les spectacles ont activement participé au xve siècle à une telle publicisation de la mort du souverain. Parallèlement aux effigies présentes aux funérailles des rois de France depuis Charles VI3, des mises en scène théâtrales montrant le prédécesseur disparu ont parfois été intégrées aux entrées urbaines offertes aux nouveaux gouvernants.

Les spectacles qui saffrontent à la représentation de la mort du prince régnant visent moins, en général, à commenter la disparition de tel ou tel individu quà démontrer la pérennité du corps politique dont il était le chef. En cela, leur propos ne se distingue guère des thanatographies lyriques et narratives. Cependant le théâtre étant lui-même un lieu où sarticulent des corps de chair, ceux des acteurs, et des corps de fiction, ceux des personnages, y montrer un souverain qui vient de décéder 20soulève des problèmes délicats. Comment donner à voir ce qui échappe désormais aux regards à une époque où les spectres hantent rarement les planches4 ? Quel corps du roi les corps de théâtre permettent-ils dincarner ? Pour quelles raisons représente-t-on un passé désormais révolu lors des fêtes davènement ?

Pour tenter dapprocher le fonctionnement assez complexe du corps du roi dans ce quon pourrait appeler la « thanato-scénographie » en moyen français, la présente enquête se propose dexplorer deux pistes. Lune, dans une perspective dramaturgique, interroge la représentabilité du corps royal défunt au théâtre. Lautre, fondée sur lhypothèse quentre les imaginaires du pouvoir politique et les circonstances de leur énonciation existe une profonde interdépendance, sattache à étudier les variations que les occasions de représentation font naître au sein dune production dramatique cohérente. Voilà pourquoi le corpus choisi pour létude est dû à la plume dun unique dramaturge, George Chastelain, actif dans la seconde moitié du xve siècle.

Lœuvre de George Chastelain senracine dans un espace partiellement francophone mais situé en dehors du royaume, la Grande Principauté de Bourgogne5. De la fin du xive siècle au milieu du siècle suivant, cet ensemble territorial pluriel sest affirmé, sous la houlette de ducs Valois, comme une puissance rivale du trône des lys. En 1455, Philippe le Bon a nommé pour la première fois un historiographe officiel de sa dynastie en la personne de Chastelain6. La mission de celui qui recevra en 1473 le titre dindiciaire est de répondre hic et nunc à lentreprise royale des Grandes Chroniques de France, tout en assurant in secula seculorum la gloire de ses maîtres. Mue par cette ambition, lécriture géorgine est devenue 21rapidement polygraphique : chroniques du présent, poésies de circonstance, commentaires sur lactualité, spectacles politiques ont assuré à Chastelain une position de porte-parole de la Grande Principauté et le surnom flatteur d« orateur George7 ».

Lactivité dramatique du Bourguignon nous est connue par quatre œuvres : Les Épitaphes dHector, dont une représentation est attestée en 1454 ; La Mort du roi Charles VII rédigée en 1461 à la suite du décès du monarque ; La Mort du duc Philippe représentée en mars 1468, quelques mois après la disparition de ce prince ; enfin La Paix de Péronne qui commente lalliance entre Louis XI et Charles le Téméraire à la fin de la même année8. Bien que la documentation soit lacunaire, il semble que les deux premières pièces aient été présentées à Nevers pour Les Épitaphes dHector, possiblement à Paris pour La Mort du roi Charles VII. Les deux œuvres de 1468 sont demeurées en territoire bourguignon, La Mort du duc Philippe ayant été jouée à Mons9. La carrière dhomme de scène de Chastelain10 sest ainsi accompagnée dune certaine mobilité géographique, non sans conséquence sur son travail décriture.

La Mort du roi Charles VII et La Mort du duc Philippe ont en commun une présentation lors dentrées princières. Intégrées à des manifestations dédiées à la spectacularisation dune communauté politique au moment 22où le nouveau gouvernant en accepte la charge, les deux œuvres sont fondées sur une double temporalité : elles commémorent les anciens règnes qui sachèvent au moment où souvrent ceux des héritiers tout en sefforçant de placer lactualité politique quelles représentent dans une perspective transcendante. En découle le choix de la dramaturgie allégorique. Les convergences esthétiques et contextuelles entre les deux pièces sont cependant nuancées par des divergences notables, qui révèlent, selon notre hypothèse, les cultures politiques différentes du royaume de France et de la Grande Principauté de Bourgogne.

La Mort du roi Charles VII :
du corps du roi au sang de la France

En 1461, le décès de Charles VII apporte à son fils la couronne tant attendue. Philippe de Bourgogne, protecteur du dauphin depuis 1456, paraît triompher. Daoût à septembre 1461, le duc et son entourage se rendent à Reims puis à Paris pour les fêtes de joyeux avènement en lhonneur de Louis XI. La Chronique de Chastelain ainsi que son œuvre de circonstance LEntrée du roi Louis en nouveau règne suggèrent que lhistoriographe est à leurs côtés11. La Mort du roi Charles VII est conçue à cette occasion12. Ni la date, ni les circonstances dune possible représentation ne nous sont connues, malgré quelques indices sur lesquels nous reviendrons.

Le spectacle sarticule en trois moments, organisation qui souligne demblée limportance donnée au rythme dramatique – duos, trios, 23figures et discours en miroirs – et à ses possibles sens symboliques. Le roi Charles est mort. Chastelain le fait apparaître sur les tréteaux pour répondre aux demandes de France, qui souhaite exalter sa personne par une « histoire » :

france

Roy sur tous roys, haut roy victorieux,

O, et quel los, quelle fameuse histoire

Mettray je avant de tes faits glorieux13.

Écartant lépithète à connotation biblique de « roi des rois », Charles rappelle sa disparition, qui le mêle désormais à la poussière des choses passées : « Roy jadis fus, or suys devenu terre14 ». Lécart entre individu et incarnation du pouvoir est manifesté par le face-à-face du corps failli de Charles et de la personnification intemporelle de France. Le contraste est amplifié par lopposition rhétorique des couleurs de la vanitas, le roi rappelant humblement ses faibles mérites, et de la gloria, France louant le destin exceptionnel offert par Dieu au souverain, qui a permis à ce dernier de sauver le royaume dune situation désespérée. Ces deux faces du roi esquissées, les rimes cristallisent leur désunion dans la mort : le corps transcendant, auquel France promet « memoire », « gloire », « victoire », séloigne irrémédiablement du corps immanent, que le défunt renvoie à « terre », « guerre » et « misere15 ».

À la demande de Charles, vingt-quatre serviteurs de son règne apparaissent successivement. Tous sont nobles, les trois quarts dentre eux décédés sur les champs de bataille de la guerre civile et internationale des années 1420-1440. Corps abolis, oubliés parfois, ils se réincarnent devant leur ancien seigneur, chacun lui adressant, ainsi quau public, deux huitains dalexandrins16. Le tempo énumératif des tirades esquisse une grossière chronologie : Arnaud de Barbazan, tué lors de lengagement de Bugnéville en 1433, ouvre la théorie des capitaines défunts, dont lun des derniers est le connétable Arthur de Bretagne, décédé en 1458. Les figures sarticulent entre elles en de brèves séries, dont la forme la plus fréquente est celle du trio héroïque. Ainsi des chefs tombés à Verneuil en 241424, dAumale, Jean Stuart, comte de Buchan et Archibald Douglas17 ; ou encore de Poton de Xaintrailles, de La Hire et de son frère Amadoc de Vignoles, que leur célébrité en tant que compagnons de Jeanne dArc place en tête de la troupe martiale18. La réplique de Poton de Xaintrailles, qui disparaît en octobre 1461 – peu après une éventuelle mise en scène de lœuvre de Chastelain –, est encadrée par celles de ses compagnons, morts respectivement en 1443 et 1434. Le tempo scénique et la commémoration symbolique quil soutient prennent le pas sur le destin des corps réels.

Les trios de guerriers, redoublant la structure ternaire de lœuvre elle-même, appellent à une lecture trinitaire et spirituelle du spectacle politique. Pour la plupart glorieusement tombés, les capitaines de Charles VII offrent un miroir louangeur à la disparition du roi dans une France désormais pacifiée. Les chefs de guerre mettent en perspective leur propre mort et celle de leur seigneur grâce à la « remembrance » des devoirs chevaleresques à laquelle ils invitent le public19. La mise en scène exploite la polysémie de ce mot : entre appel à la mémoire et méditation sur la reconstruction dun pays naguère déchiré, le spectacle « remembre » le royaume en affirmant sa plénitude retrouvée20.

Enfin les défunts se taisent. Ils laissent place au couple de France et de lActeur. Les derniers mots de celui-ci, enjoignant lallégorie et les spectateurs à prier Dieu pour le salut de « Charles mort que le viie. on nomme », révèlent la voix auctoriale :

lacteur

Donc et afin quencore en plus proflues,

George en fait ladvertance a tout homme21.

La Mort du roi Charles VII développe une réflexion sur la représentation du corps du roi dévidence influencée par les théories théologico-politiques 25contemporaines. La scène exploite, à travers des corps détruits et réincarnés, le paradoxe du caduc et de léternel. Lindividu Charles, décrit par lui-même comme commun et fragile, laisse place et parole au corpus mysticum du royaume et aux capitaines qui ont permis sa pérennité. La tension entre mort et immortalité est amplifiée par les vingt-quatre héros, certains dentre eux désignant les traces sanglantes de leur décès comme des parures sur leurs costumes de théâtre22. Mais les corps nobles ont eux aussi une dimension collective. Ils représentent dautres disparus, la foule anonyme des sujets dont la mort a assuré la survie du pays :

le seigneur de gamaches

Les morts pour toy par milliers plus de trente

Ont tant saoulé ta fortune adversaire

Que vainqueur delle en a fin refulgente23.

En les invitant à prendre corps auprès de lui, Charles VII redonne à ses serviteurs doutre-tombe ce que ceux-ci lui avaient offert, leur vie. Échange placé sous le signe explicite du sacer facere, où le roi est tour à tour sacrifié et sacrificateur. Le maréchal de Boussac, disparu en 1433, est le premier défunt à insister sur lanalogie entre le sacrifice de la messe et le service du prince :

le mareschal de boussac

On doit a Dieu sacriffice à lautel

Et a son roy service par prebende24.

La comparaison avec le martyre est suggérée par le comte Douglas, lamour de Dieu se confondant avec lamour du roi et de la patrie :

le conte douglas

Amour vers Dieu fit entrer en martire

Les saints jadis pour la foy catholique []

Amour me fit entrer fier en bataille25.

26

Limage du sang versé circule à travers les huitains, y faisant retentir des accents eucharistiques :

le comte daumalle

De leur sang rouge ont restably ton trosne

Toy rendant vie en leur mortelle outrance

Et la ou mort de gloire les fleuronne26.

Dans la théorisation capétienne des relations entre représentants de la dynastie et corpus mysticum du pays, le sang royal, à linstar de celui du Christ, est supposé doté dune vertu coalescente qui assure le fonctionnement harmonieux du corps social27. La mise en scène du Bourguignon Chastelain reflète fidèlement cet imaginaire français. Elle développe en particulier la pensée de lofficium qui lui est sous-jacente : office entendu ici au double sens de service rendu à Charles VII et de ministère royal, auquel sajoute la dimension liturgique que la théologie chrétienne associe à cette notion depuis saint Ambroise et que Giorgio Agamben a récemment rappelée28.

Les choix de Chastelain se laissent aisément déchiffrer à cette lumière. Les vingt-quatre personnages que le monarque appelle à apparaître autour de lui font écho aux vingt-quatre vieillards de lApocalypse auprès du Christ en gloire29. Lhistoire contemporaine se déplace par là vers une eschatologie dont les Français seraient les héros ; le spectacle théâtral se confond avec la Révélation. Pareillement, la lente succession des figures, leurs brefs discours à la fois constatifs et ostensifs (« ceci est mon corps », « ceci est ma mort ») rappellent les Ordres des prophètes. Dans ces processions liées aux offices pascals, le cortège de ceux qui ont annoncé la gloire du Seigneur précède et suit à la fois les pas du 27Messie, descendu aux Limbes pour les faire participer à la Résurrection30. Visuellement, stylistiquement, une grille dinterprétation mystique simpose aux spectateurs de la manifestation politique. De ce point de vue, le titre de « mistere » donné à La Mort du roi Charles VII dans les six manuscrits de la pièce paraît bien venu, si on lentend, non pas au sens générique, mais au sens spirituel du mot31.

La dramaturgie construite par George Chastelain ne laisse pas cependant de soulever quelques questions. La première est soulevée par la figuration de Charles VII. La signature de lécrivain officiel de Bourgogne à la fin de la pièce suggère que celle-ci nest pas une commande du pouvoir français. Ceci pourrait expliquer quelques infléchissements donnés à lhistoire du règne français. Le message adressé au public exalte la paix retrouvée après les guerres contre les Anglais. À ces « tors-faisans » orgueilleux32, La Mort du roi Charles VII nattribue ni chefs, ni alliés. Silence est aussi fait sur Jeanne dArc, remplacée par ses compagnons, et sur le rôle de Philippe de Bourgogne dans le conflit. Le sacre de Charles par des figures doutre-tombe dont le nombre symbolique ne permet pas dajout semble en ce sens un spectacle aveuglant : le regard est détourné dun passé déplaisant – la guerre civile, lalliance entre Angleterre et Bourgogne, le bûcher de Rouen – pour mieux faire « remembrer » à des spectateurs – petit groupe choisi ou large public33 – une histoire franco-bourguignonne partagée. Pour autant quon puisse en juger, les intentions de Chastelain nétaient pas seulement iréniques. Le corpus mysticum du royaume, que les historiographes officiels des Capétiens ont 28traditionnellement lié à lexistence dune dynastie stable selon le principe Dignitas numquam perit, est ici détaché de la famille royale. Aucune référence à Louis XI, nulle allusion à la succession. Tout se passe comme si le nouveau monarque nétait pas concerné ; comme sil importait seulement de conclure le règne de Charles VII. La Chronique de Chastelain montre que la disparition du roi en 1461 na pas été ressentie comme une perte, mais comme un soulagement pour le parti bourguignon34. Charles mort, peut enfin sapaiser la vieille querelle entre Bourgogne et France. Aussi est-ce à celle-ci que lActeur adresse sa harangue finale : « France, entens cy, prens garde a ceste histoire35 ». À lallégorie, « nourrice et mere » des personnages36, image dune communauté nationale à laquelle Chastelain sassocie37, est offert le seul corps récurrent, le seul corps éternel sur le théâtre.

La deuxième question porte sur la nature du spectacle dont nous conservons le texte. Son statisme est frappant : les personnages dialoguent moins quils nenchaînent des tirades ; les mouvements scéniques semblent inexistants. En outre, « lhistoire » et la « peinture » que France et lActeur souhaitent faire du règne de Charles38, la « remonstrance » que la voix auctoriale propose de voir dans la pièce39 et lintitulé « mistere par personnages » sont autant dindices décelant une mise en scène particulière. Dans la langue théâtrale des xve et xvie siècles, tous ces termes désignent 29en effet des dispositifs spectaculaires mêlant des figures inanimées – personnages peints, tapisseries, sculptures, automates –, et des figures animées – acteurs mobiles ou immobiles. Laura Weigert la récemment montré, cette articulation était fréquente lors des entrées princières ; elle appelait le public à observer ensemble des corps de nature différente et à réfléchir à leur possible mise en tension40. Si lon accepte lhypothèse que La Mort du roi Charles VII a mêlé des acteurs vivants, des fictions inanimées et des voix de récitants, ce théâtre hybride a pu donner à voir et à comprendre la complexité du corps royal français, au moment où la mort le transforme.

La Mort du duc Philippe ou le corps inachevé
de la Grande Principauté de Bourgogne

En juin 1467, Philippe de Bourgogne séteint à Bruges. Le décès provoque chez Chastelain une thanatographie intense qui mobilise toutes les facettes de son écriture pendant plusieurs mois : plaintes lyriques de la part du poète (Le Lion Rampant, Les Rythmes sur le trépas du duc Philippe), récit de lévénement dans la Chronique, réflexions sur le bilan du règne par le moraliste (Les Hauts Faits du duc Philippe)41. En mars 1468 est jouée La Mort du duc Philippe42. Les circonstances de la représentation sont relativement documentées43. À loccasion de la prise de pouvoir officielle du nouveau duc sur le comté de Hainaut, une entrée princière a été organisée à Mons. Des joueurs valenciennois ont participé aux manifestations en présentant devant Charles de Bourgogne une pièce offerte par leur cité et composée par George Chastelain, lécrivain officiel de la cour en résidence à Valenciennes. Ils ont été récompensés par un don de vingt livres, somme qui suggère la satisfaction ducale44.

30

La Mort du duc Philippe a été conçue pour une occasion comparable à celle de La Mort du roi Charles VII, une fête urbaine de joyeux avènement. Mais les modalités de la « thanato-scénographie » sont bien différentes. Dans la pièce bourguignonne dominent les dialogues, au style influencé par la forme du débat45. Lespace est animé de personnages en mouvement, le cœur de la pièce étant la quête, entre Terre et Ciel, du prince défunt.

Philippe de Bourgogne est désormais un corps dérobé par la mort. Le trouble provoqué par sa disparition suscite en retour lapparition de personnifications allégoriques. Seuls personnages visibles en scène – car le jeu suppose un hors-scène, la voix off dun acteur « sans nom et clos dedens le ciel sans estre vu » retentissant au dénouement46 –, leurs traits sont empruntés aux moralités spirituelles. Le protagoniste est une incarnation du genre humain dotée dun nom pluriel, Les Hommes. Il sengage dans un voyage allant de lici-bas, siège de La Terre, à lau-delà où règnent Le Ciel et Les Anges. La métaphore du cheminement, usuelle dans les moralités47, structure le jeu selon un axe vertical, Les Hommes franchissant les étapes qui mènent du lieu terrestre au lieu céleste et débattant avec leurs représentants. Discussions et parcours ont le même moteur : retrouver le duc dont la soudaine absence plonge ses peuples dans le désarroi. Mais où découvrir le corps du souverain lorsquil est frappé par la mort ?

Les Hommes évoquent dabord le bouleversement de la situation politique en Bourgogne par le biais dune métaphore. Pendant plusieurs décennies, un « vaissel de voirre » a été suspendu au-dessus des territoires ducaux. Recueillant les rayons du soleil divin et les renvoyant à la manière dun puissant miroir, la « fiole » a protégé les peuples et repoussé les menaces des ténèbres :

31

les hommes

Les princes sy enrichissoient,

Les riches sy assouffissoient

Les bons dhonneur sy exemploient

Et de bien faire sarregloient

Desoubs le ray de ses splendeurs.

Luppars et tigres le craignoient

Felons voisins le redoubtoient48.

Limage mariale de la verrière traversée par le soleil, que Chastelain a par ailleurs élue pour décrire sa propre poétique49, insiste sur le rôle dintercesseur céleste longtemps assumé par Philippe. La fiole de verre a été pour ses sujets une corne dabondance – elle donnait aux « marchands » « richesse » et « liberté » –, un graal qui assurait « a la terre fecondité50 ». Mais le filage de la métaphore laisse aussi transparaître la fragilité de lobjet. Le « vaissel de voirre » est « materiel ». Tous sont conscients que la « fracture » le guette :

les hommes

Car quoyque riche fust et bel

Sy estoit il materiel

Et se pouvait rompre et desfaire

Par le seul fillet luy fourtraire51.

Linstant est venu où la fiole merveilleuse a chuté. Les Hommes ne peuvent se résoudre à cet accident et partent à la recherche des restes princiers. Terre leur confirme que les « tessons » sont conservés par elle, mais elle refuse de les laisser voir. Aucune ostension possible pour ce qui nest plus quun cadavre :

la terre

Je nen feroye ostension

A nulle vivant creature ;

32

Ne il ne loist telle froissure

Monstrer a creature nee.

Depuis quen moy est retournee

Le secret en sert seul a moy52.

Abandonnant le discours figuré, Les Hommes demandent alors raison de la mort dun homme, Philippe de Bourgogne :

les hommes

Sy nest-ce que fainte figure

Vous aussy, vous lentendez bien.

Il me deul dun prince chrestien,

Un homme que je voy plorant,

Et vous lavez laissé mourant53.

La tension entre le corps caduc du roi et ses corps politique et mystique qui traversait La Mort du roi Charles VII ne se remarque pas dans La Mort du duc Philippe. Ni le défunt, ni une allégorie de la Grande Principauté ne semblent pouvoir apparaître en scène. De ce fait, la quête change de sens. Elle se transforme en débat autour de la question : pourquoi le décès du souverain ? À largument de Terre, qui associe Philippe au commun sort de lhumanité, Les Hommes répliquent que dautres formes vivantes ont une longévité supérieure malgré un rôle moins important dans léquilibre du monde. Le Ciel est offusqué de cette audace argumentative, ce qui contraint Les Hommes à préciser leur question : à quel moment la mort du prince, par nature inéluctable, est-elle politiquement acceptable ?

le ciel

Cest homme a corps materiel

Le voulez-vous perpetuel

Et qua tousjours il vous durast ?

les hommes

Nennil, mais quil nous demorast

Encor par aucun nombre dans

Tant que beaucoup de mauvais temps

Qui sont en cours fussent passés54.

33

Alors que La Mort du roi Charles VII était entièrement dédiée à la « remembrance » dun passé que son évocation permettait de clore, La Mort du duc Philippe est mue par un questionnement prospectif : la disparition du prince sera-t-elle une rupture historique pour ses sujets ? La continuité du pouvoir, garante de léquilibre économique et social des territoires bourguignons, sera-t-elle assurée ?

Le thème de la succession dynastique, que Chastelain avait évité dans la pièce consacrée aux rois de France, donne son dénouement au spectacle sur les ducs de Bourgogne. Lâme de Philippe étant désormais en attente des prières de ses sujets pour accéder au Paradis, la bienfaisante influence paternelle se transfère à son fils :

le ciel

Car linfluence de son pere

Luy fait la sienne haute et clere.

Le temps la ainsy apporté55.

Le message à lhéritier est dautant plus clair que Charles fait partie des spectateurs. Ces derniers sont invités à déplacer leur regard des tréteaux, sur lesquels leffacement de lancien corps de pouvoir a été acté, vers le lieu quils partagent désormais avec leur nouveau prince. Ce mouvement vers le hors-scène est soutenu par lirruption dans la pièce de la voix off de Dieu. Elle rassure le public sur le salut éternel du vertueux Philippe. Les personnages, quittant les accents de la plainte, entonnent un chant de grâce final pour célébrer lavènement de Charles :

la terre

Dansons, chantons cy ou nous sommes

Dun nouvel prince recevoir56.

La Mort du duc Philippe se présente comme une pièce ouverte. Choix des métaphores, mouvements scéniques, jeux de dialogues et de points de vue, tout y exprime la traversée, le passage dun principat à lautre par lintermédiaire de corps de pouvoir réels, celui du mort laissant place à celui du vif.

34

La transfiguration théologico-politique qui caractérise limaginaire capétien du corps du roi est cependant affaiblie et surtout décalée. Malgré la dramaturgie allégorique, malgré le voyage des Hommes entre Terre et Ciel, lenjeu de la Mort du duc Philippe se situe hic et nunc. Le transfert de pouvoir que la mise en scène tente de cerner est moins celui dune dignitas immortelle, dun officium sacré, à linstar de celui des rois de France, que la transmission dun héritage humain et politique. Il implique la prise en compte de lécoulement du temps et son incarnation dans des corps princiers tour à tour défaits et reconstruits. De là découle peut-être le mouvement dune écriture portée par un rythme discursif circulaire – les couplets doctosyllabes enchaînés par les allégories au début de la pièce revenant la clore –, par des personnages mobiles, par des acteurs aux voix situées. Cest en effet une ville, Valenciennes, et un écrivain, Chastelain, qui sadressent ensemble in fine à Charles de Bourgogne :

Ce dit vostre humble Valenciennes

Par la bouche de vostre George57.

Cette double signature souligne par contraste labsence de corpus mysticum sur la scène de Mons. À la différence de France, Bourgogne ne se laisse pas facilement allégoriser. Plus encore, la personnification des sujets ducaux, Les Hommes, affiche dans son nom la pluralité des territoires bourguignons. Le détail révèle que la conscience dune identité politique, a fortiori nationale, na guère cours dans les espaces soumis aux ducs Valois de Bourgogne au xve siècle : à cet égard, comme la récemment démontré Élodie Lecuppre-Desjardin, la « burgondisation » semble bien avoir été plus fantasmée queffective58. La dramaturgie de Chastelain conforte cette hypothèse : sur le théâtre, le corps de la principauté, par nature inachevé, ne peut prendre chair que dans la succession toujours fragile de princes mortels.

On ne peut manquer dêtre frappé de la variété de ce que nous avons appelé les « thanato-scénographies » princières dans lœuvre dun dramaturge du xve siècle. Le théâtre nest pas une théorisation du politique, à linstar dun traité de philosophie, mais sa mise en pratique spectaculaire. 35Mise en scène, mise en contexte impliquent des choix décriture, ceux-ci éclairant en retour la complexité des imaginaires contemporains. La Mort du roi Charles VII, conçue pour un public français, présentée sur le sol du royaume, exploite scéniquement les principales caractéristiques de la pensée théologico-politique qui y a cours. Le corps du roi est présenté dans sa multiplicité : corps naturel du défunt, corps de la communauté quil a gouvernée, corps mystique de la nation. Mais le message distillé par le dispositif de la « remonstrance » est plus retors quil ny paraît. La préférence donnée au corpus mysticum de France sur le corps dynastique suggère que le règne du défunt sabolit dans léternité. Le théâtre forclôt ce quil paraît glorifier. La Mort du duc Philippe, au contraire, est animée de dynamiques qui sont autant de points de fuite et de questions ouvertes : traversée de lespace par les personnages, dialogue des débatteurs, transfert symbolique du pouvoir vers un héritier qui est aussi un spectateur. Ces mouvements se nouent autour dun corps dérobé, celui de Philippe de Bourgogne, et dun corps exposé, celui de son fils. Manque pourtant un corps qui permettrait de stabiliser le lien entre ces deux personnages hors-scène, celui de la Grande Principauté elle-même. De nouveau, le spectacle joue le rôle dun révélateur : il cristallise une culture politique où les relations et les identités sont plus locales que globales et dont les spécificités échappent à la théorisation du royaume voisin.

Au fil de son œuvre polygraphique, George Chastelain aborde fréquemment la représentation du pouvoir, dont un écrivain officiel est statutairement en charge, comme une voie privilégiée pour expérimenter le pouvoir de la représentation. Représenter conduit en effet à interroger la manière dont interagissent, dans une production donnée, des acteurs, des récepteurs, des occasions, mais aussi des pensées et des impensés. Les Épitaphes dHector, premier essai dramatique de Chastelain en 1454, avait déjà proposé darticuler au spectacle problématique dun roi mort un questionnement sur les relations entre représentation et interprétation59. Dans la pièce, les épitaphes dHector et dAchille déchiffrées dans un cimetière par Alexandre le Grand poussent limpérial lecteur à reconstituer et à conserver en mémoire la valeur de ces héros. Mais ces textes sont en réalité issus de 36la plume de commentateurs partiaux, qui ont coupablement occulté les personnalités des guerriers comme les circonstances de leur fin. Pour rétablir la vérité, les défunts se réincarnent sur une scène doutre-tombe et débattent une dernière fois. Les lettres de pierre des inscriptions funéraires sont complétées et rectifiées par le « publicque theatre » grâce auquel les corps royaux abolis reprennent vie.

Estelle Doudet

Université de Grenoble – Alpes [CNRS UMR 5316 Litt&Arts]

Institut universitaire de France

1 E. Kantorowicz, Les Deux corps du roi, essai sur la théologie politique au Moyen Âge, trad. J.-P. et N. Genet, Paris, Gallimard, NRF, 1989 (Princeton, 1re éd. 1957), p. 228-325.

2 F. Assaf, La Mort du roi, une thanatographie de Louis xiv, Tübingen, Gunter Narr Verlag, 1999.

3 Sur le rôle symbolique de leffigie du défunt et son évolution en France aux xve et xvie siècles, voir entre autres M. Gaude-Ferragu, Dor et de cendres, la mort et les funérailles dans le royaume de France au bas Moyen Âge, Lille, Presses du Septentrion, 2005, p. 242 et suiv.

4 La représentations des revenants est fréquente aux xiie et xiiie siècles, notamment dans les récits hagiographiques, miracles, exempla (voir J.-C. Schmitt, Les Revenants, les vivants et les morts dans la société médiévale, Paris, Gallimard, 1994). Ils restent en revanche discrets dans le théâtre dexpression française jusquaux premières décennies du xvie siècle. George Chastelain en offre un exemple dans Les Épitaphes dHector, Achille et Hector apparaissant dans un lieu indéfini qui semble être loutre-tombe. Voir George Chastelain, Les Épitaphes dHector [La Complainte dHector], Œuvres de Georges Chastellain, éd. J. Kervyn de Lettenhove, Bruxelles, F. Heussner, 1863-1866, 8 volumes ; réimpression Slatkine, Genève, 1971, 4 volumes (même pagination), t. VI, p. 168-202.

5 Nous empruntons cette désignation à É. Lecuppre-Desjardin, Le Royaume inachevé des ducs de Bourgogne (xive-xve s.), Paris, Belin, 2016, que nous remercions par ailleurs de ses conseils lors des relectures de cet article.

6 Sur les circonstances de cette nomination, voir G. Small, George Chastelain and the Shaping of Valois Burgundy, Suffolk, University of London Press, 1997, p. 91-102.

7 Pour une étude globale de lœuvre du premier Grand Rhétoriqueur, nous nous permettons de renvoyer à E. Doudet, Un cristal mucié en un coffre. Poétique de George Chastelain (1415-1475), Paris, Champion, 2005 (p. 671-688 pour lanalyse de la production dramatique).

8 Les quatre pièces sont entre autres conservées dans lune des anthologies des œuvres de lindiciaire, le manuscrit de Florence, Bibliothèque Médicéenne Laurentienne, ms. mediceo-palatino 120, fol. 103-131v, 139v-156, 399v-432 et 592-615v. Pour leurs autres témoins, voir E. Doudet, « Un dramaturge politique et son public au xve siècle : George Chastelain », European Medieval Drama, no 9, 2005, p. 61-86, liste p. 75.

9 Les comptes ducaux notent le paiement de six acteurs ayant joué une pièce devant Charles le Téméraire lors de son entrée dans la ville le 27 mars 1468. Nous suivons Graeme Small dans son interprétation de cette mention comme dune trace possible de la représentation de la Mort du duc Philippe (Small, George Chastelain, p. 118.)

10 Auteur dramatique, Chastelain a été sans doute impliqué dans lorganisation matérielle de certains spectacles, comme le suggèrent les comptes ducaux pour la représentation des Épitaphes dHector : « À George Chastellain, pour convertir et emploier en certains habillemens pour aucuns jeux que Monseigneur a fait jouer devant lui en la ville de Nevers, xiij francs ix. gros royaux » (Lille, Archives du Nord, B. 2017, fol. 237v). Une autre mention des mêmes comptes note la rémunération, pour cette représentation, de trois acteurs et de Chastelain. Les Épitaphes, dans la version conservée, comptent quatre intervenants, dont un commentateur sadressant au début et à la fin de la pièce. Il est impossible de préciser sil pouvait sagir de Chastelain lui-même.

11 La réception du duc de Bourgogne à Paris est décrite dans le chapitre xvii du livre VI de la Chronique (Œuvres de Georges Chastellain, t. IV, p. 73-79) ; LEntrée du roi Louis en nouveau règne insiste sur le dispositif théâtral de la cérémonie : « avez receu oh certes en lieu public [] en vostre publicque theatre ouvert tous lez, presenté a tous venans, Paris certes » (Œuvres de Georges Chastellain, t. VII, p. 7). Voir également W. Paravicini, « Le temps retrouvé ? Philippe le Bon à Paris en 1461 », Paris, capitale des ducs de Bourgogne, éd. W. Paravicini et B. Schnerb, Ostfildern, Jan Thorbecke Verlag, 2007, p. 399-470.

12 La Mort du roi Charles VII, Œuvres de Georges Chastellain, t. VI, p. 437-457. En attendant la nouvelle édition des pièces de Chastelain préparée en collaboration avec Tania van Hemelryck, nous citons cet ouvrage ancien, vérifié et amendé à partir du ms. de Florence, Biblioteca Laurenziana, ms. mediceo-palatino 120.

13 La Mort du roi Charles VII, p. 437.

14 Ibid.

15 La Mort du roi Charles VII, p. 437-438.

16 « Parlent lun apres lautre, chascun deux couplets », La Mort du roi Charles VII, p. 440.

17 La Mort du roi Charles VII, p. 446-447.

18 La Mort du roi Charles VII, p. 442-443.

19 Les derniers vers du texte dans le ms. de Florence synthétisent par ce terme le sens du spectacle : « Contentez vous, vous tous princes de France / Contentez vous de ceste ramembrance / Dun roy deffunct dexcellente nature… » (p. 457).

20 La restauration de lintégrité sociale et territoriale est une thématique encadrante de lœuvre : introduite par Charles VII (« Jay siege et trosne et gloire a plenitude », La Mort du roi Charles VII, p. 439), elle est reprise dans ladresse finale de lActeur louant France « remise en paix, en regne et en victoire / [] Rondie en rond comme une entiere pomme » (p. 456).

21 La Mort du roi Charles VII, p. 456.

22 Jean de la Haye, baron de Coulonces, fait du sang visible sur son habit la seule richesse qui lui reste dans loutre-tombe : « Nay fors le sang qui pend a mon achemme » (La Mort du roi Charles VII, p. 449). Mot fréquent sous la plume des écrivains bourguignons, achesme désigne un vêtement orné.

23 La Mort du roi Charles VII, p. 448. Guillaume de Gamaches a été un compagnon de Poton de Xaintrailles.

24 La Mort du roi Charles VII, p. 441.

25 La Mort du roi Charles VII, p. 447.

26 La Mort du roi Charles VII, p. 446.

27 La rédemption par le sacrifice du sang qui unit le roi et ses guerriers fait écho aux réflexions de Jean Chrysostome sur le sang de Jésus réunissant les membres de la communauté chrétienne : « Pretiosus Christi sanguis, si cum fiducia sumatur, omnis hoc remedio morbus extinguitur » (voir P. Camporesi, La Sève de la vie, symbolisme et magie du sang, trad. Brigitte Pérol, Paris, Le Promeneur, 1990, 1re éd. 1988). La représentation symbolique du sang dynastique comme légitimation de la « race capétienne » et lassimilation de ce sang dynastique et du royaume de France devient un topos au cours du xiiie siècle. Voir A. Lewis, Le Sang royal. La Famille capétienne et lÉtat, xe-xive siècle, trad. J. Carlier, Paris, NRF, 1986 (1re éd. 1981).

28 G. Agamben, Opus Dei, Archéologie de loffice (Homo sacer, II, 5), trad. M. Rueff, Paris, Le Seuil, 2012 (1re éd. 2011).

29 Apoc. 5 : 8-10.

30 Pour lune des premières attestations en français des Ordines prophetarum, voir le Jeu dAdam, éd. et trad. V. Dominguez, Paris, Champion, 2012, p. 142-144 et 292-314. Nous remercions léditrice de nous avoir suggéré ce rapprochement.

31 Sur les oscillations sémantiques du terme « mystère » dans les intitulés théâtraux en moyen français, voir G. Runnalls, « When is a mystère not a mystère ? Titles and Genres in Medieval French Religious Drama » (1980), Études sur les mystères, recueil de 22 études sur les mystères français, suivi dun répertoire du théâtre religieux français du Moyen Âge et dune bibliographie, Paris, Champion, 1998, p. 51-57.

32 La Mort du roi Charles VII, p. 453.

33 Le recueil de Florence donne à la Mort du roi Charles VII deux épilogues adressés au public. Lun dentre eux contient une excusatio aux nobles qui nont pas pu être évoqués puis la promesse dune œuvre ultérieure qui leur rendra hommage : « Vous nestes pas laissés par ignorance / Ains expectans claire ailleurs couverture / Et la ou lettre et nouvele peinture / Espoir donront de vos faits remembrance / Contentez vous de cette remontrance. » (La Mort du roi Charles VII, p. 457). Si ces lignes ne sont pas seulement destinées à des lecteurs, elles suggèrent que la pièce a pu être présentée devant une audience aristocratique française ou franco-bourguignonne.

34 Chronique, Proesme du livre VI, Œuvres de Georges Chastellain, t. IV, p. 5-22. Sur ce texte crucial dans la pensée politique et la pratique rhétorique de Chastelain, Doudet, Un cristal, p. 274-278.

35 La Mort du roi Charles VII, p. 455.

36 « Jay deffendu ma nourrice et ma mere / La noble France en qui jay pris mon estre », dit Raoul de Gaucourt (La Mort du roi Charles VII, p. 442).

37 Sur le développement précoce de la « Nation France », voir C. Beaune, Naissance de la Nation France, Paris, Gallimard, 1985.

38 « [] Quelle fameuse histoire / Mettray je avant… », La Mort de Charles VII, p. 438 ; « Et la ou lettre et nouvelle peinture / Espoir donront de vos fais remembrance », p. 457. « Histoire » peut désigner aussi bien les jeux dramatiques (Philippe le Bon assiste à Bruges en 1449 à « certain jeu, histoire et moralité » donné par Nicaise de Cambrai et ses compagnons) que les décors des entrées (lors de la venue de Louis XI à Lyon en 1476, les rues sont tendues de « tapisseries honnestes avec pluseurs istoires et moralitez »). Nous nous permettons de renvoyer sur ce point à E. Doudet, Moralités et jeux moraux en français (xve-xvie s.), Paris, Garnier, à paraître en 2016.

39 Une ordonnance régulant les activités théâtrales dans les Pays-Bas méridionaux au xvie siècle définit ainsi la « remonstrance » : « jeuz muetz [] ou representations par personnages » (K. Lavéant, Un Théâtre des frontières, la culture dramatique dans les provinces du Nord aux xve et xvie siècles, Orléans, Paradigme, 2011, p. 247).

40 L. Weigert, French Visual Culture and the Making of Medieval Theater, Cambridge, Cambridge University Press, 2015, p. 26-73. Nous remercions lauteure de ses précieuses suggestions.

41 Sur ces textes et leur articulation, Doudet, Un cristal, p. 278-282.

42 La Mort du duc Philippe, mystere par maniere de lamentacion, Œuvres de Georges Chastellain, t. VII, p. 237-280. Le seul témoin conservé de cette œuvre est le ms. de Florence déjà cité.

43 Small, George Chastelain, p. 119-120.

44 G. Small, « When indiciaires meet rederijkers : a contribution to the history of the Burgundian theatre state », Stad van koopmanschap en vrede. Literaire cultuur in Brugge op de grens van Middeleeuwen en rederijkerstijd, éd. J. Oosterman, Louvain, Peeters, 2005, p. 130-162.

45 Voir C. Thiry, « Débats et moralités dans la littérature française du xve siècle : intersection et interaction du narratif et du dramatique », La Langue, le texte, le jeu. Perspectives sur le théâtre médiéval, Montréal, CERES, 1986, p. 203-244 et L. Tabard, « Le débat des allégories : construction et dissolution des personnages sur la scène médiévale », Revue dHistoire du Théâtre, no 265, janvier-mars 2015, p. 21-32.

46 La Mort du duc Philippe, p. 277.

47 Le cheminement organise entre autres, à la fin du xve siècle, les vastes pièces que sont Bien Advisé, Mal Advisé ou LHomme Pecheur ; mais il soutient également La Moralité de Pauvre Commun de Michault Taillevent, jouée à loccasion de la paix dArras en 1435 (Un poète bourguignon du xve siècle, Michault Taillevent, édition et étude, éd. R. Deschaux, Genève, Droz, 1975, p. 97-110).

48 La Mort du duc Philippe, p. 241.

49 La relation entre verrière mariale et écriture spéculaire est explorée dans La Louenge à la tres glorieuse Vierge (pour le tissage des métaphores de lintercession dans ce texte, voir V. Minet-Mahy, LAutomne des images, pragmatique de la langue figurée chez George Chastelain, François Villon et Maurice Scève, Paris, Champion 2009, p. 72-82) et dans Les Douze Dames de Rhétorique sous la forme du « cristal mucié en un coffre » (Doudet, Un cristal, p. 541-545).

50 La Mort du duc Philippe, p. 241.

51 La Mort du duc Philippe, p. 240.

52 La Mort du duc Philippe, p. 244.

53 La Mort du duc Philippe, p. 251.

54 La Mort du duc Philippe, p. 258.

55 La Mort du duc Philippe, p. 264.

56 La Mort du duc Philippe, p. 278.

57 La Mort du duc Philippe, p. 280.

58 Lecuppre-Desjardin, Le Royaume inachevé, p. 313-356.

59 Chastelain, Les Épitaphes dHector [La Complainte dHector], op. cit.