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Classiques Garnier

Les Neapolitaines de François d’Amboise, deux textes pour le prix d’un Comédie et histoire comique combinées

  • Type de publication : Article de revue
  • Revue : Cahiers de recherches médiévales et humanistes / Journal of Medieval and Humanistic Studies
    2016 – 2, n° 32
    . varia
  • Auteur : Weber (Romain)
  • Résumé : Les Neapolitaines, Comedie Françoise facétieuse publiée par François d’Amboise en 1584 présente une originalité : une nouvelle racontant la même histoire précède la pièce. L’analyse de cette bizarrerie éditoriale et de son contexte de publication nous éclairent sur la manière dont la comédie et la narration facétieuse ont été perçus à l'époque : divertissement humaniste relativement bien implanté ou, au contraire, texte nouveau et d’importation étrangère cherchant sa voie.
  • Pages : 221 à 235
  • Revue : Cahiers de recherches médiévales et humanistes - Journal of Medieval and Humanistic Studies
  • Thème CLIL : 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
  • EAN : 9782406067450
  • ISBN : 978-2-406-06745-0
  • ISSN : 2273-0893
  • DOI : 10.15122/isbn.978-2-406-06745-0.p.0221
  • Éditeur : Classiques Garnier
  • Mise en ligne : 28/01/2017
  • Périodicité : Semestrielle
  • Langue : Français
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Les Neapolitaines
de François dAmboise,
deux textes pour le prix dun

Comédie et histoire comique combinées

Pour cerner les relations quentretiennent le théâtre comique et la facétie à la Renaissance, je me suis proposé détudier la comédie des Neapolitaines de François dAmboise1 qui possède une originalité passée jusque-là inaperçue2 : elle est publiée conjointement à une « histoire » ou « nouvelle » située entre la « Preface » et le « Prologue3 ». Il sagit, semble-t-il, du seul exemple connu dassociation dune comédie et dun récit facétieux. Pourtant, à lexception des Contens dOdet de Turnèbe (Paris, Felix le Mangnier, 1584), les comédies ne sont jamais publiées seules au xvie siècle, mais bien en recueil, associées à de la poésie4, à des tragédies5 ou à dautres comédies6. Le contexte de publication de la comédie humaniste est bel et bien le recueil, mais le recueil disparate, car on ne constate jamais de relation entre la comédie et les œuvres qui laccompagnent. Pas de recueils thématiques ou génériques, sauf chez 222Larivey qui groupe ses comédies pour les publier. Les Neapolitaines font donc figure dexception puisque narration et comédie y sont intimement liées.

En les examinant de plus près, on saperçoit que les comédies humanistes sont en retrait dans leur recueil. Il ny en a pas, en dehors des Neapolitaines, qui soient en quelque sorte « en tête daffiche » sur la page de titre du volume. Lorsquelles apparaissent tout de même au titre, elles ne sont jamais en première position, comme chez Pierre Le Loyer par exemple7. Parfois, elles nont droit quà une simple mention générique : « Ensemble une comedie8 », mais le plus souvent, elles sont totalement absentes du titre du recueil9. La comédie est au xvie siècle un genre nouveau quil semble difficile de vendre, les libraires (ou les auteurs) attendant le prétexte dun recueil pour les écouler. Et une fois couchés sur le papier, ces textes ne valent pas même la peine dune mention en page de titre. La comédie nest pas vendeuse, du moins sous sa forme imprimée. Elle souffre de toute évidence dun fort déficit de légitimité.

Le cas des Neapolitaines semble donc là encore une originalité qui prend le contre-pied de tout ce qui sest fait jusque-là puisque la pièce est en « tête daffiche », accompagnée dun texte secondaire, au statut flou et qui na pas les honneurs de la page de titre. On apprend que ce texte secondaire est extrait dun recueil écrit par lauteur : « Parmi plusieurs histoires facétieuses qui sont plus au long recueillies en mon livre des Amours Comiques10 ». Quel est ce recueil dhistoires facétieuses ? Personne ne le sait, car on nen trouve aujourdhui aucune trace. Il est 223bien mentionné par le bibliographe La Croix du Maine, mais celui-ci nen sait pas plus que nous11. Étonnant, lui qui publie sa Bibliotheque françoise la même année et chez le même libraire que dAmboise12 ! Cest que manifestement ce recueil na jamais été publié, puisque nous découvrons que lhistoire sera trouvée « fort nouvelle13 ».

Que nous apprend le texte des Neapolitaines sur cette « Histoire comique » ? Le mot « Histoire » tout dabord prend une majuscule en page de titre14 pour bien signifier quil sagit dun terme générique. Nous sommes en présence dune narration facétieuse, mais celle-ci na pas de titre à proprement parler puisquelle nest qualifiée, dans son titre propre, que de « Sommaire de ceste histoire Comique ». Un peu plus loin nous apprenons que cette histoire nest en réalité que « sommairement decrite15 ». Nous ne serions donc quen présence du résumé dune histoire dun recueil constituant largument de la comédie16. Enfin, cette histoire-résumé serait tout de même à prendre comme une œuvre puisque lauteur affirme quelle « merite estre entendue » et sera trouvée fort « recreative17 ».

Quen est-il de la présence de résumé / argument dans les comédies de lépoque ? Il y a différents cas de figure. Certaines nen contiennent aucun18 ou lont intégré à un « prologue19 ». Trois seulement présentent 224un argument autonome20. On peut donc conclure que la présence dun véritable argument est rare et, surtout, quon ne trouve rien qui approche le développement énorme de celui des Neapolitaines qui sétend sur 19 pages, correspondant à environ 20 % de la taille de la pièce21. Éditorialement parlant, cela représente un investissement en caractères et en papier pour limprimeur. Deux éléments au coût important, on le sait, dans la production dun livre au xvie siècle.

Autre véritable originalité, cet argument nest pas le résumé exact de la comédie. Car sa narration se déroule sur une longue durée (plusieurs années) alors que la pièce est restreinte à un temps très court (une journée). Cet usage de la longue durée est une spécificité de la fiction narrative. Grâce à elle, nous apprenons ce qui est arrivé aux personnages plusieurs années avant quils nentrent en scène, nous apprenons même les tribulations dun personnage, Alfonce, qui meurt avant le début de la comédie. Par ailleurs, il ny a pas de surprise sur le statut des deux Napolitaines, car très vite nous savons quAngélique nest pas la mère de Virginie, ce qui fait sécrouler en partie le coup de théâtre final de la pièce.

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Cette histoire comique est donc bien plus quun argument. Elle a sa temporalité, ses recours propres, elle est indépendante de la comédie, même si elle en partage la trame. Ce qui a probablement incité les deux éditeurs des Neapolitaines au xixe siècle, E. Viollet-le-Duc et É. Fournier, à la supprimer de leurs rééditions22. Le cas qui nous occupe est atypique aussi parce quon ne sait pas si lon peut vraiment parler dun recueil. Les deux textes ne sont pas simplement juxtaposés, il y a un lien organique fort entre eux, qui plus est annoncé dans le titre et le « Sommaire » : la comédie est tirée de la nouvelle, ils racontent la même histoire. De tous les recueils examinés, aucune comédie ne présente de liens avec les œuvres qui laccompagnent.

On peut se demander à quoi servait la présence de cette « histoire comique », dautant plus que ses possibilités narratives demeurent sous-exploitées. Seules les quatre premières pages se déroulent avant que ne commence laction de la pièce, le reste narre les mêmes événements. On ny trouve ni réflexions sur le récit présenté, ni jeux de narrateur/lecteur, ni dialogues ; autant déléments fondamentaux du genre « nouvelle ». L« histoire » reste assez sèche, en ce sens plutôt éloignée de la tradition. Un épisode est symptomatique du fait : une ruse féminine sortie tout droit des meilleurs recueils comiques et remontant au Décaméron23. Mais lépisode est avorté : pas de suspens, pas dinquiétude pour les protagonistes comme dans la version de référence24. DAmboise rate loccasion dune véritable histoire comique dans la plus pure tradition, ce qui fait douter de lintérêt quil pouvait porter au genre ou de la connaissance quil pouvait en avoir.

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L« histoire comique » nest pas non plus nécessaire à la pièce qui reste bien sûr parfaitement autonome. Le résultat est donc mitigé : on a une impression de redite entre les deux textes qui racontent la même histoire, bien quavec de légères différences. Pourquoi introduire cette filiation avec un texte que lauteur ne sest jamais donné la peine de publier ? Pourquoi publier cet argument trop long ou cette « nouvelle » redondante qui nexploite que timidement les recours spécifiques de la narration facétieuse ? Cet élément est pourtant suffisamment important pour que le libraire le mette en exergue sur la page de titre comme argument de vente pour le lecteur ou lacheteur potentiel.

Puisque ne nous sont parvenus ni témoignage, ni information extérieurs au texte, la réponse est bien sûr à chercher dans louvrage lui-même ; or, on y trouve beaucoup déléments originaux. La « Preface », tout dabord, fait un éloge très appuyé de la pièce, ce qui est rare dans le domaine comique où généralement les auteurs font profil bas25. On y apprend que cette comédie fait partie de pièces écrites dans sa jeunesse qui ont été, sans modestie, « veües & receües avec un plaisir indicible » ; on apprend encore quil lui en reste dautres « plus excellentes, quil nous garde pour un meilleur loysir26 ». Enfin, que la pièce est publiée pour faire savoir que la France, qui a déjà surpassé les Latins depuis longtemps en matière de tragédie, a maintenant pour les comédies de quoi arracher des lauriers aux plus savants Italiens27.

La « Preface » rappelle aussi à quel point les anciens tenaient en haute estime le genre de la comédie et combien elle participait de la grandeur des princes28. Enfin, il nous est dit que la pièce « apportera aussi un grand 227proffict & contentement, autant ou plus que pas une de celles qui ont esté divulguées jusques à present » pour son sujet, sa construction, son invention… et grâce à son « François aussi pur & correct quil sen soit veu depuis que nostre langue est montée à ce comble29 ». François dAmboise prend donc acte de lévolution de la langue française et prétend participer à une excellence encore jamais atteinte « à laide de tant de laborieux & subtils esprits qui y ont chacun contribué de leur travail & diligence pour la rendre polie & parfaicte30 ». De plus, convaincu de la supériorité du genre de la comédie, il a dépassé la rivalité qui loppose à la farce et qui irrigue la plupart des textes de ses prédécesseurs. Il na plus besoin dy faire référence comme Jean de La Taille en 1573, dans le prologue des Corrivaus. Pour résumer, cest tout un programme qui semble se dessiner dans ce paratexte : défendre et illustrer la langue et la culture françaises en fondant une comédie nationale, affranchie de ses modèles antiques et italiens.

Mais en fait, ce programme nest pas vraiment neuf, car dAmboise semble marcher dans les pas de son ami Larivey qui publie en 1579 ses Six premieres comedies facecieuses (toujours chez le même LAngelier). Dans lépître dédicatoire de ce recueil, dédiée justement à François dAmboise, Larivey dit utiliser une « nouvelle façon descrire [] qui na encores esté beaucoup praticqué entre noz François31 ». Un peu plus loin, il appelle de ses vœux une comédie en prose se déroulant en France32 et évoque dans son « Prologue » un futur proche où la France naura plus besoin daller chercher ailleurs le théâtre glorieux quelle va produire33. 228Larivey désire donc fonder une comédie « françoise » quil ne suit pas, puisque ses pièces sont des adaptations faites « A limitation des anciens Grecs, Latins & modernes Italiens », mais qui correspond exactement au projet des Neapolitaines. Nous apprenons enfin que ce projet est une initiative de… François dAmboise lui-même34, Larivey se plaçant pour cette raison sous sa protection. Ce renversement chronologique ne doit pas surprendre puisque les Neapolitaines qui ne sont publiées quen 1584 ont en fait été jouées dès les années 1569-1570. Ce programme semble finalement le programme commun de toute une génération de dramaturges35.

Une lecture attentive du texte nous révèle aussi limportance de la question des nationalités. Dès le titre, nous apprenons la spécificité de la pièce : cest une comédie « Françoise » avec des personnages de trois nationalités, « un Parisien, un Espagnol, & un Italien ». Ce qui pourrait passer pour un élément insignifiant est ici mis en évidence, il faut donc y prêter attention. Le paratexte, par ailleurs, glorifie la France et dévalorise lItalie qui a perdu de sa grandeur. Le royaume de Naples, nous dit-on, vit sous le « servage insupportable » de lEspagne dont le commandement est arrogant, cruel et avaricieux36. Les Italiens 229maintenant admirent Paris. Dans un passage souvent cité, le Napolitain Marc-Aurel fait un éloge long et dithyrambique de Paris, de sa richesse, de sa grandeur : « Paris est veritablement sans pair, sans second37 ». Un peu plus loin cest luniversité française et ses savants universaux qui sont décrits comme ayant dépassé de loin lItalie38.

Des personnages principaux, seul le Français Augustin a toutes les qualités, il est généreux et respecte celle quil aime, cest un « accort & gentil personnage39 ». LItalien Alfonce, lui, suit « le naturel ombrageux de sa nation40 ». Quant au jeune Napolitain Camille, il organise le viol de la belle Virginie dès leur première rencontre. Enfin, la palme (si je puis dire) revient à Diegho, gentilhomme espagnol, matamore ridicule, traité de marrane ainsi que tous ses compatriotes41. On apprend quil a massacré « lachement, un Gentilhomme à Naples » et a fait pression « tantost par presens [], tantost par menaces » sur Angélique pour obtenir ses faveurs42.

La volonté de François dAmboise de valoriser la France passe par un abaissement de lItalie et une forte critique de lEspagne, lennemie politique des Guerres dItalie avec laquelle le pouvoir entretient toujours de mauvaises relations. On dit François dAmboise proche dHenri III et tout cela sent vraiment son soutien à la politique royale.

Dernier avatar de cette entreprise de légitimation : faire remonter linspiration de la pièce non pas à un modèle théâtral redevable de létranger (grec, latin ou italien), mais à un autre genre littéraire, les histoires facétieuses, considéré comme français, dautant plus que dans notre cas, le modèle est écrit par dAmboise lui-même. Un second aspect important du paratexte concerne justement le rapport de la comédie à ce genre narratif. Le « Prologue, ou avant-jeu » souvre en effet sur un parallèle entre le théâtre et la « nouvelle ». On y apprend que les auteurs dArts poétiques affirment que la comédie est bâtie sur une « nouvelle » « inventée à plaisir43 ». DAmboise contredit alors immédiatement la 230seconde partie de ce propos en affirmant quon peut sécarter de cette règle, comme il le fait dans ses Neapolitaines fondées sur « une histoire vraye & fort recreative avenue de nostre tems en la ville Capitale de ce royaume44 » dont plusieurs spectateurs peuvent se souvenir. Il opère alors un double mouvement en étayant sa comédie sur la véracité des événements relatés et en passant sous silence la topique qui voudrait que la comédie se cantonne au bas populaire45. Il place comme élément principal de la définition de la comédie la véracité du sujet qui se trouve être aussi un des principaux arguments de justification des recueils comiques.

Pourquoi sappuyer sur le genre du recueil de narrations facétieuses ? Probablement parce que cest le seul genre qui associe gaité, véracité, prose et narration. Le dialogue, par exemple, a des lettres de noblesse depuis lAntiquité, il peut être comique, voire satirique46, mais semble trop proche de la forme théâtrale, probablement pas assez narratif, ne présentant que peu daction et ambigu quant à la véracité des propos rapportés47.

Le recueil dhistoires comiques a toujours revendiqué par contre la véracité des faits rapportés, lici et le maintenant, des effets de réalité appuyés, loin de tout exotisme, ce qui convient parfaitement à lheure où il sagit de créer une comédie française parisienne. Il se différencie en cela du roman, de lépique et du fabuleux. Il se différencie par là également de deux nouveaux genres en vogue : les recueils dhistoires prodigieuses et ceux dhistoires tragiques qui, même sils revendiquent 231aussi dêtre fondés sur des faits réels, doivent une partie de leur succès à leur exotisme, faisant voyager le lecteur de lItalie à la Turquie, de lÉgypte antique au pays des Goths…

Il existe dautres liens entre histoires facétieuses et comédies humanistes : la volonté de divertissement, le rire bien sûr (comique verbal, mise en scène de ruses, de tromperies), la présence de dialogues, la prose (dans le cas des Neapolitaines, seconde comédie en prose après Les Corrivaus de La Taille, si lon excepte les traductions dœuvres italiennes), un va-et-vient constant entre lécrit et loral, la pièce jouée et lhistoire entendue ou dite48. Enfin, les recueils facétieux connaissent une trajectoire proche de celle de la comédie. Ils sont aussi dimportation italienne avec pour référence, bien sûr, le Décaméron. Mais ils ont trouvé en France des traducteurs et des imitateurs depuis plus de 150 ans. En 1584, le genre ne semble plus italien. Des œuvres à succès lont naturalisé : Les Cent Nouvelles nouvelles, lHeptameron de Marguerite de Navarre ou Les Nouvelles recreations de Bonaventure Des Périers49, pour ne citer que les plus prestigieuses. On peut imaginer quune pareille trajectoire est le but que recherche dAmboise pour la comédie : être si bien acclimatée que disparaisse son origine étrangère.

Le recueil comique a par ailleurs conquis des lettres de noblesse. Cest en général une littérature dhumanistes, émanant des milieux de cour50 : Laurent de Premierfait traducteur du Décaméron dans lentourage de Charles VI ; Guillaume Tardif, celui du Pogge, proche de Charles VIII ; Les Cent Nouvelles nouvelles dans lentourage des ducs de Bourgogne ; Marguerite de Navarre, Des Périers son valet de chambre, Antoine Le Maçon son secrétaire particulier comme probablement lénigmatique ADSD des Comptes du monde adventureux, etc. Laspect matériel de ces 232ouvrages, souvent grands et luxueux, vient renforcer ce statut. Nombre de contemporains de François dAmboise devaient avoir conscience du fait et pouvaient désirer une intégration identique pour la comédie.

Malgré ces bons auspices, le projet des Neapolitaines est un échec. Pas de réédition. Seuls sept exemplaires sont conservés dans les bibliothèques publiques de par le monde, ce qui montre une faible diffusion du texte. De plus, on observe une variation dans le titre de certains exemplaires : Les Neapolitaines, Comedie Françoise fort Facecieuse et lajout dune signature en fin de privilège51 qui fait penser à une modification en cours de tirage pour rendre le texte un tout petit peu plus alléchant ? En dépit de ce quannonce la « Preface », aucune autre pièce de dAmboise ne sera publiée. Notre auteur a-t-il a pris acte de linsuccès de son texte ?

On ne relève pas davantage de reprise par dautres écrivains du procédé associant fiction narrative et comédie ni, semble-t-il, dinfluence sur la manière dont les doctes ont envisagé le genre. Pour Laudun dAigaliers, dans son Art poetique françois, la comédie demeure encore en 1597 un art grec et latin qui présente des « persones viles & de bas estat52 ».

Son recueil facétieux, enfin, ne sera pas non plus édité. La manière quil a de le nommer, ainsi que lhistoire qui en provient est troublante, car les « Amours Comiques », les « histoires facetieuses », l« Histoire Comique » (au singulier), ne renvoient jamais à des formules consacrées. Les titres de recueils publiés depuis le xve siècle jusquen 1584 ne révèlent rien de semblable. Brouille-t-il sciemment les pistes ou méconnaît-il les règles du genre ? Aussi, on peut supposer que si le recueil des Amours Comiques avait été publié, son imprimeur lui aurait trouvé un titre mieux défini génériquement, plus immédiatement classable, dans un souci de visibilité et donc de rentabilité économique.

Les recueils narratifs et plus spécifiquement les recueils comiques, obéissent à des critères relativement repérables pour le lecteur de lépoque et assez stables dans le temps. En général leur titre contient les substantifs « nouvelles », « contes », « devis », « discours », « rencontres », « recreations »…, on y trouve aussi les adjectifs, « nouvelles », « joyeux », « joyeuses », « facétieux » ou « facétieuses »… tout est proche du lexique employé par dAmboise, mais sans le recouvrir exactement.

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Il faut ensuite remarquer que ce que nous appelons « nouvelle » ou « conte » nexiste pas au singulier sous forme autonome à lépoque. Il ny a pour ainsi dire pas dhistoires publiées séparément. De très nombreux livrets de quelques pages nous sont parvenus, mais quasi pas de fictions narratives. Les contes et nouvelles étaient toujours proposés sous forme de recueils et le titre de ceux-ci, toujours pluriel, faisait systématiquement référence à lensemble et non à une histoire mise en avant comme cela se pratique aujourdhui. Le titre pouvait aussi faire référence aux moments où ont été créés ou rassemblées ces histoires, aux narrataires et parfois à la réception possible ou à lusage des textes.

Aucun lien, aucune thématique ne viennent organiser ces textes. Le recueil est un dispositif éditorial qui a pour fonction de faire tenir ensemble un grand nombre dunités narratives tout en veillant à ce quelles restent autonomes. Sinon, il bascule dans le roman. Ce nest pas la taille qui détermine ce genre, mais le regroupement et lorganisation pour une lecture discontinue : maintenir le désordre et faciliter la circulation en son sein. Pour cela, le recueil a une organisation qui lui est propre : une table, une pagination, une numérotation des unités narratives permettant un repérage plus fin du texte. Peu de volumes y échappent. Chaque histoire comporte un titre résumant laction, qui peut être repris par un titre courant, au haut de chaque page, là encore par souci de « navigation » dans la « bibliothèque » que constitue le recueil. On le voit, recueils dhistoires et comédies obéissent à des exigences éditoriales très différentes. Comme pour la majorité des comédies humanistes, dAmboise aurait pu opter pour une publication dans un véritable recueil et tenter dinnover en adossant sa pièce à ses Amours comiques. Mais ce nétait manifestement pas son but.

La comédie humaniste, en tout cas celle que propose dAmboise, est également loin de suivre la composition, léthique et les personnages des histoires comiques qui ne mettent jamais en scène de jeunes amoureux cherchant à se marier. Elles ne traitent de la ruse et du désir que dans loptique de ladultère. On rit de lhabileté des personnages à enfreindre les conventions sociales et non de leur capacité à prendre en main leur destin : les histoires comiques ne finissent jamais par le mariage des amoureux. Elles renvoient moins à lunivers de la comédie humaniste quà celui de la farce.

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Que conclure de tout cela ? Probablement que cette publication arrive trop tard dans la carrière de notre auteur. En 1584, dAmboise est devenu un personnage important. Nous apprenons, sil faut len croire, que ce nest que sous la pression de ses amis « le voyant constitué en dignité, & occupé en affaires plus graves53 » quil consent à publier son texte, 15 ans après sa représentation. Plus prosaïquement, on peut considérer quil na pas défendu la culture française et la politique royale de manière totalement désintéressée. Si aucune de ses « plus excellentes » pièces, ni son recueil narratif nont été publiés, cest que dAmboise devient lannée même de la publication des Neapolitaines avocat du roi à la chambre du trésor. Il est anobli un peu plus tard. Une fois bien installé socialement, entre autres grâce à ses écrits, tout cela ne semble plus lintéresser. Léchec du croisement de la comédie humaniste avec le recueil de narrations facétieuses est manifestement le résultat dun succès personnel.

Cet échec peut aussi sexpliquer par la recherche dune autorité qui nen est plus vraiment une. Avec son étrange dispositif éditorial, dAmboise tente une stratégie de légitimation osée. Pour la première fois, il ne sagira plus de sappuyer sur des modèles étrangers (antiques ou italiens), mais bien de participer à la défense de la langue française en proposant une « comedie françoise » basée sur un genre ancré dans une tradition séculaire et ayant acquis ses lettres de noblesse. Mais dAmboise na pas perçu que le recueil facétieux est dune certaine manière aussi sur son déclin, sa période « noble » est passée. Il se popularise nettement à partir des années 1560, au sens où il nest plus loccasion de production de livres de prestige : plus aucun recueil en grand format ou des recueils némanant plus forcément de la cour ou de milieux humanistes. La production se diversifie. On voit aussi se développer la pure compilation de libraire, ne provenant pas dun vrai projet décrivain, ne présentant ni création littéraire ni réécriture du matériau compilé. DAmboise na pas perçu ce phénomène. Ce nouveau visage du recueil narratif traduit aussi une évolution de son lectorat. Et celui-ci ne correspond pas à celui que dAmboise espère toucher. Lhomme de cour, lhomme de loi voulant porter très haut la culture française, a 30 ans de retard dans la conception quil se fait du recueil facétieux. Ce texte nous permet de prendre conscience de ce mouvement discret, inscrit dans la longue durée 235et nous confirme, sil était besoin, limage quil a pu avoir dans lesprit des hommes de la Renaissance. Il est un témoignage intéressant de la réception des recueils dhistoires facétieuses à cette période charnière.

Pour Larivey, dAmboise fut un maître qui a montré la voie de la création dune comédie française en prose. Sa pièce résume, pour ainsi dire, ce que toute une génération de dramaturges appelle de ses vœux. Son échec est symptomatique de la difficulté qua rencontrée la comédie humaniste pour simposer par elle-même54. Il faudra attendre les années 1630 pour quune production française acquière une reconnaissance, un statut équivalent à celui rêvé par nos dramaturges. Pour quelle soit adoubée par le pouvoir royal, dans un mouvement général qui va mettre les arts et les lettres (dont le théâtre) au service de lÉtat. Le théâtre devient à ce moment-là un important outil de culture nationale, mais il se transforme aussi et cest une autre comédie qui acquiert cette reconnaissance. Ironie de lhistoire, cest une comédie tournée vers lEspagne qui simpose. Au xviie siècle, nous assistons donc à un total renversement de situation : la comédie devient un genre « noble » pendant quune partie de la production de recueils facétieux glisse lentement vers la littérature de « second rayon ».

Romain Weber

Bibliothèque Historique
de la Ville de Paris

1 François dAmboise, Les Neapolitaines, Comedie Françoise [fort] Facecieuse. Sur le subject dune Histoire dun Parisien, un Espagnol, & un Italien. À Paris, Pour Abel lAngelier, Au premier Pillier de la grand Salle du Palais, Avec Privilege du Roy, 1584. Les références seront données dans cette édition.

2 Aucune mention dans lédition Dante Ughetti (François dAmboise, Œuvres complètes, Edizioni Scientifiche, Napoli, 1973), ni dans celle de Hilde Spiegel (François dAmboise, Les Neapolitaines, comédie, Heidelberg, C. Winter, 1977).

3 Voir Amboise, Les Neapolitaines, « Sommaire de ceste histoire Comique », fol. 4r-13r.

4 Voir lEugene (1574) de Jodelle ; La Reconnue (1578) de Rémy Belleau ; Le Muet insensé (1576) et la Nephelococugie (1579) de Pierre Le Loyer (1579).

5 Voir La Tresoriere et Les Ebahis (1561) de Jacques Grévin ; Les Corrivaus (1573) de Jean de La Taille.

6 Voir Les Six premieres comedies facecieuses de Pierre de Larivey [] (Paris, A. Langelier, 1579) et Trois comedies des six dernieres de Pierre de Larivey Champenois (Troyes, Pierre Chevillot, 1611) ; Les Escoliers de François Perrin à la suite de Sichem ravisseur, Tragedie [] (Paris, Guillaume Chaudiere, 1589).

7 Voir lErotopegnie, ou Passetemps damour. Ensemble une Comedie du Muet insensé. Par Pierre Le Loyer (Paris, Abel LAngelier, 1576) et Les œuvres et meslanges poetiques de Pierre Le Loyer Angevin. Ensemble la comedie Nephelococugie (Paris, Jean Poupy, 1579).

8 Comme La Reconnue de Remy Belleau, dans les Odes dAnacreon [] Avec quelques petites Hymnes de son invention, & autres diverses poësies : Ensemble une comedie (Paris, Gilles Gilles, 1578).

9 Cest le cas de La Tresoriere et des Ebahis de Jacques Grévin, dans Le theatre de Jacques Grevin, Ensemble, la seconde partie de lOlimpe & de la Gelodacrye (Paris, Vincent Sertenas et Guillaume Barbé, 1561) ; Les Corrivaus de Jean de La Taille, dans La Famine, ou Les Gabeonites, tragedie prise de la Bible, & suivant celle de Saül. Ensemble plusieurs autres Œuvres poëtiques de Jehan de La Taille de Bondaroy [] (Paris, Federic Morel, 1573) ; lEugene de Jodelle, dans Les œuvres et Meslanges Poetiques dEstienne Jodelle sieur du Lymodin. Premier volume (Paris, Nicolas Chesneau et Mamert Patisson, 1574) ; Les Escoliers de François Perrin, dans Sichem ravisseur, tragedie extraicte du Genese, trente quatriesme chapitre par François Perrin, Autunois (Paris, Guillaume Chaudière, 1589).

10 Amboise, Les Neapolitaines, fol. 4r.

11 Voir La Croix du Maine, Premier volume de la Bibliotheque du sieur de la Croix du Maine, Paris, Abel lAngelier, 1584, p. 86 : « Il a escrit dés ses plus jeunes ans, plusieurs Tragedies & Comedies, & entre autres un livre intitulé Amours Comiques, contenant plusieurs histoires facétieuses, entre lesquelles est celle quil appelle les Neapolitaines, imprimee à Paris chez Abel lAngelier lan 1584 » ; et p. 87 : « soubs un nom deguisé, de Thierry de Timophile G. Picard. / Soubs lequel nom il a autrefois traduit [] / Ensemble la Comedie des Neapolitaines, dont nous avons parlé cy dessus ».

12 À noter également que le libraire lAngelier nexclut pas ce genre de textes de sa politique éditoriale puisquil publie les Facetieuses nuicts de Straparole dans la traduction dun autre auteur de comédies, Larivey, dès 1576 et de nouveau en 1585, donc un an après les Neapolitaines. Il publie également un an avant (1583) les Cent excellentes nouvelles de Giambattista Cinzio.

13 Amboise, Les Neapolitaines, fol. 4r.

14 Voir supra la première note de larticle.

15 Ibid.

16 De loin en loin, on trouve au cours de lhistoire, des rappels de sa fonction de résumé de la comédie : voir Amboise, Les Neapolitaines, fol. 6v : « en cest endroict est la Protase & premiere partie de ceste Comedie » ; puis fol. 7v : « lEpitase & seconde partie de ce Poëme Comic ».

17 Amboise, Les Neapolitaines, fol. 4r.

18 Le Negromant de la Taille, La Tresoriere et Les Esbahis de Grévin, LEugene de Jodelle, Les Escoliers de François Perrin.

19 Voir La Taille, Les Corrivaus, dans La Famine, ou les Gabeonites [], fol. 65r-67v ou Le Loyer, Le Muet insensé, dans Erotopegnie, fol. 65r-67v. Larivey, quant à lui, aime jouer avec largument des pièces de ses Six premieres comedies facecieuses. Le « Prologue » du Laquais donne un argument de 13 lignes, puis le narrateur sexclame : « Mais quand jy pense, je vous ay sans y penser dict largument de la Comedie » (éd. 1579, fol. [b iiir] ; Les six premieres Comedies facecieuses (Le Laquais, La Vefve, Les Esprits), éd. L. Zilli, Paris, Classiques Garnier, 2011, p. 61). Un argument rapide (6 lignes) est donné à la fin du « Prologue » du Morfondu (Les Six premieres comedies, 1579, fol. 167r) sous prétexte dexpliciter le titre de la pièce. Dans le « Prologue » des Esprits, il sabstient volontairement den donner un : « Au reste lAutheur a pensé que ce seroit chose superflue, vous reciter largument parce que dacte en acte la Comedie vous le declarera. » (Les six premieres comedies, éd. 1579, fol. 112r ; éd. Zilli. p. 381). Procédé quil continue à la fin du « Prologue » Des Jaloux : « Il vous vouloit dire largument : mais parce quil a veu sortir ces deux jeunes hommes, il a pensé quils vous le feront entendre : & puis la Comedie est largument delle mesme. » (Les six premieres comedies, éd. 1579, fol. 228r). Et que lon retrouve enfin dans le « Prologue » du Fidele (Trois comedies, éd. 1611, fol. 3r-v).

20 La Nephelococugie de Le Loyer possède un « Argument par acrostiche » de huit vers (Les œuvres et meslanges poetiques de Pierre Le Loyer Angevin, Paris, Jean Poupy, 1579, fol. 169r). Il y a un « Argument de la Reconnue » de Remy Belleau, mais faisant un peu moins de deux pages (Les Odes dAnacreon [] Par Remy Belleau, t. II, Paris, Gilles Gilles, 1578, fol. 111r-v). Enfin, dans Trois comedies, recueil tardif (1611) de Larivey, Les Tromperies présente une pièce liminaire nommée « Sommaire » (et non « Prologue ») donnant bien un argument relativement développé de 4 pages de la pièce (fol. 2r-4r).

21 Ramené en nombre de caractères (la comparaison narration-théâtre étant rendue difficile par la répétition des noms des personnages, des alinéas, etc.) : le « Sommaire » 21.500 ; la pièce 111.800.

22 Voir E. L. N. Viollet-le-Duc (éd.), Ancien théatre [sic] françois ou Collection des ouvrages dramatiques les plus remarquables depuis les mystères jusquà Corneille, t. VII, Paris, Plon, 1856 et É. Fournier (éd.), Le Théâtre français au xvie et au xviie siècle ou choix des comédies les plus curieuses antérieurs à Molière [], Paris, Laplace, Sanchez et Cie, [s. d., ca. 1870], nombreuses rééditions chez Garnier Frères.

23 Voir Amboise, Les Neapolitaines, « Sommaire », fol. 8v-9r : Augustin et Camille risquent dêtre surpris chez Angélique par Diegho. Angélique demande alors à Camille de partir furieux, lépée au poing, grommelant quil se vengera et à Augustin de feindre de sêtre réfugié là pour échapper à la fureur dun inconnu armé. Pour les sources, voir : Décaméron, VII, 6 ; Le Pogge, Callida consilia Florentinae feminae in facinore deprehensae (facétie absente de Guillaume Tardif, Les Facecies de Poge (ca. 1492) ; no 267 de lédition E. Wolf, Facéties, Paris, Anatolia, 1994) ; H. Estienne, LIntroduction au traité de la conformité des merveilles anciennes avec les modernes, [s. l.], [s. n.], 1566, « Des larrecins de nostre temps, chap. xv. », p. 193-195.

24 Aussi, par une sorte de remords, dAmboise revient-il dessus dans la pièce, quatre scènes plus loin, en le faisant gloser, par deux protagonistes : « Mais quel esprit Angelique de femme : comme elle luy a bien donné soudain la trousse, faisant ceste mocquerie de vous & de moy » (Les Neapolitaines, fol. 54r).

25 Voir Amboise, Les Neapolitaines, « Preface de Thierri de Timofile Gentilhomme Picard. A hault et puissant prince, Messire Charles de Luxembourg, Comte de Brienne, & de Ligni », fol. 2r-3v. Dante Ughetti, léditeur des Œuvres complètes de François dAmboise, a saisi la fierté de cet auteur quant à la qualité de sa comédie et de sa langue : voir son introduction, p. xx-xxi.

26 Amboise, Les Neapolitaines, « Préface », fol. 2r et 2v.

27 Voir Amboise, Les Neapolitaines, « Preface », fol. 2v-3r : « la France, ayant de long temps surpassé les Itales en lartifice de bien faire de doctes tragedies, a aussy dequoy maintenant arracher le laurier aux plus sçavants, & mesmes aux plus grands seigneurs de lItalie, qui sy sont exercez à lenvi à qui composeroit & exhiberoit de plus ingenieuses & somptueuses comedies, jusques à là que les princes mesmes ont tellement affecté ceste gloire, quils ny ont espargné ny leur plume & leur esprit, ny leur bource & leur magnificence ».

28 Voir Amboise, Les Neapolitaines, « Preface », fol. 3v : « Nos roys, de toute ancienneté, ont pris plaisir den voir de telles que leur siecle rude le pouvoit porter, affin dapprendre par icelles la maniere de vivre de leurs subjects ». Elle entérine ce que Jean de la Taille appelait de ses vœux dans son Art de la Tragedie, A Treshaulte Princesse Henriette De Cleves, Duchesse de Nevers : « que les Roys & les grands sçeussent le plaisir que cest de voir reciter, & representer au vif une vraye Tragedie ou Comedie en un theatre tel que je le sçaurois bien deviser, & qui jadis estoit en si grande estime pour le passetemps des Grecs & des Romains » (dans Saul le Furieux, Tragedie prise de la Bible, Paris, Federic Morel, 1573, fol. 4v).

29 Amboise, Les Neapolitaines, « Preface », fol. 3v.

30 Ibid.

31 Larivey, Les Six premieres comedies facecieuses, « A Monsieur dAmboise, advocat en Parlement », éd. 1579, fol. a ijr ; éd. Zilli, p. 37.

32 Voir Larivey, Les Six premieres comedies facecieuses, « A Monsieur dAmboise… », éd. 1579, fol. a iijr ; éd. Zilli, p. 38-39 : « Jay dict que jen jette les premiers fondemens, non que par la je veulle inferer, que je sois le premier qui faict veoir des Comedies en prose : car je sçay quassez de bons ouvriers, & qui meritent beaucoup pour la promptitude de leur esprit, en ont traduict quelques unes. Mais aussi puis-je dire cecy sans arrogance, que je nen ay encore veu de Françoises, jenten qui ayent esté representees, comme advenues en France ».

33 Voir Larivey, Les Six premieres comedies facecieuses, « Prologue », fol. [b iijr-v] ; éd. Zilli, p. 59 : « ces bons peres à qui laage a desja mis un de leurs pieds en la fosse, lesquels vouldroient estre rajeunis de trente ans pour vivre encore autant dannées avecques nous, & oyr reciter tant de belles Comedies que je scay que noz Francois nous feront veoir cy-apres, dressans un Theatre autant magnifique, superbe & glorieux que nation qui soit au monde, affin de naller plus chercher ailleurs, quen noz propres maisons ces honnestes plaisirs, & utiles recreations ».

34 Voir Larivey, Les Six premieres comedies facecieuses, « A Monsieur dAmboise… », fol. a iiijr ; éd. Zilli, p. 41-42 : « vous [] mavez plus eguillonné de donner commancement à ces fables, quicy je vous offre & desdie, comme au meilleur de mes meilleurs amys : Affin que vous, qui estes mon auteur & garand formel, preniez sil vous plaist, la cause pour moy, []. Me semblant, puis quavez mis entre mes mains la pierre dont jay faict ce coup, que me devez garantir envers & contre tous, de loffense quen cet endroit je pourrois avoir faicte ».

35 Depuis La Taille dans son Art de la Tragedie : « Et voudrois bien quon eust banny de France telles ameres espiceries [spectacles théâtraux qui ne “sont faicts selon le vray art, & au moule des vieux”] qui gastent le goust de nostre langue, & quau lieu on y eust & naturalisé la vraye Tragedie & Comedie, qui ny sont point encor à grandpeine parvenues, & qui toutefois auroient aussi bonne grace en nostre langue Françoise, quen la Grecque & Latine » (dans Saul le furieux, 1573, fol. 4v). Suivi Des Contens de Turnèbe « comedie nouvelle en prose Françoise » (1584) et des Escoliers de Perrin (1589) dont le « Prologue » reprend la bataille : « Au reste il na pas voulu prendre / Largument vers les estrangers, / Menteurs, imposteurs et leger, / Aymant mieux la façon gauloise, / Que la phrigienne ou gregeoise ; / Car les fruicts luy semblent meilleurs / En nos propres vergers quailleurs » (éd. P. Lacroix, Bruxelles, A. Mertens, 1866, p. 3).

36 Voir Amboise, Les Neapolitaines, « Sommaire », fol. 4r.

37 Voir Amboise, Les Neapolitaines, V, 1, fol. 63r-v.

38 Voir Amboise, Les Neapolitaines, V, 4, fol. 64v-65r.

39 Voir Amboise, Les Neapolitaines, fol. 4v.

40 Voir Amboise, Les Neapolitaines, fol. 5r.

41 Voir Amboise, Les Neapolitaines, fol. 25v : « lon dict que ceux de son pays sont avaricieux, & Marranes » ; et fol. 44v : « et si il vous pourra servir decorte [sic], sil vous faut venir aux mains avec ce Marrane ».

42 Amboise, Les Neapolitaines, fol. 6r et 42v.

43 Argument repris par Pierre Laudun dAigaliers dans son Art poetique françois (Paris, A. du Brueil, 1598, p. 286), éd. J.-Ch. Monferran et al., Paris, Société des Textes Français Modernes, 2000, p. 206 : « largument de la Tragedie est vray, & celuy de la comedie est feinct & inventé ».

44 Amboise, Les Neapolitaines, « Le Prologue, ou avant-jeu », fol. 14v.

45 Voir lArt poëtique departi en deus Livres de Jacques Peletier du Mans (Lyon, J. de Tournes et G. Gazeau, 1555, p. 70), éd. M. Jourde et J.-Ch. Monferran, Paris, Champion, 2011, p. 369 : « an ęlɇ sintroduisɇt pęrsonnɇs populerɇs » ou lArt poetique françois de Laudun dAigaliers (éd. 1598, p. 271 et 286), éd. Monferran, p. 187 et 206 : « Comedie est un genre de Poëme [] auquel sont introduicts personnes viles & de bas estat » et « Les personnes de la [] comedie sont basses & de petit estat ».

46 Comme le Cymbalum mundi en françoys contenant quatre Dialogues poetiques, fort antiques, joyeux, & facetieux (Paris, Jehan Morin, 1537) ou Les Dialogues de feu Jaques Tahureau [] non moins profitables que facetieus (Paris, Gabriel Buon, 1565). Voir à ce propos E. Kushner, Le dialogue à la Renaissance, Genève, Droz, 2004.

47 François dAmboise na pas dédaigné le dialogue puisquil publie en 1581 les Dialogues et devis des damoiselles, à Paris, Chez Vincent Norment, qui est là encore ladaptation dun texte italien (voir léd. D. Costa, Paris, Société des Textes Français Modernes, 1998).

48 Cette double vie des œuvres théâtrales est notée par dAmboise dans le début de sa préface où il mentionne la difficulté spécifique à contenter un lectorat et un auditoire. Les histoires comiques, quelles aient un cadre comme le Décaméron ou non, mettent souvent en scène les instances dénonciation qui ont présidé à la création des histoires présentées. Elles semblent également faites pour être dites, pour retourner à loral, comme cela lest fréquemment évoqué dans leurs paratextes.

49 Les Cent Nouvelles nouvelles (dabord sous forme manuscrite en 1462 ; Paris, Anthoine Verard, 1486) ; lHeptameron sous le titre Histoires des amans fortunez (Paris, Gilles Gilles, 1558) ; Les Nouvelles Recreations et Joyeux Devis (Lyon, Robert Granjon, 1558).

50 Voir A. Blanckaert et R. Weber, « Nouvelles récréations et joyeux devis : pour qui ? Pourquoi ? », Lire les Nouvelles Récréations et joyeux devis de feu Bonaventure Des Périers, éd. D. Bertrand, Clermont-Ferrand, PU Blaise Pascal, 2009, p. 39-70.

51 Ainsi de lexemplaire BnF-Richelieu 8-RF-1239, contrairement à celui de lArsenal 8-BL-14478.

52 Voir supra les citations p. 230 n.45.

53 Amboise, Les Neapolitaines, « Preface », fol. 2v.

54 Pour Charles Mazouer « contrairement à la tragédie, la comédie humaniste ne simpose pas, cest le moins quon puisse dire : en deux générations de dramaturges, guère plus dune vingtaine de comédies » (Théâtre français de la Renaissance, Paris, Champion, 2002, p. 311).