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Classiques Garnier

Un neveu entre deux évêques

  • Publication type: Journal article
  • Journal: Cahiers de recherches médiévales et humanistes / Journal of Medieval and Humanistic Studies
    2016 – 1, n° 31
    . varia
  • Author: Lejbowicz (Max)
  • Abstract: In tracing the beginnings of Adelard of Bath’s intellectual journey, it is useful to consider the bishops to whom he dedicated his first works: Guillaume de Syracuse in the case of De eodem et diverso, and Richard de Douvres in the case of Questiones naturales. A third individual, whom Adelard introduces as his nephew, is his interlocutor in these two texts and in De avibus tractatus. The sequence of these three treatises can be seen as the steps in an intellectual self-education.
  • Pages: 291 to 306
  • Journal: Journal of Medieval and Humanistic Studies
  • CLIL theme: 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
  • EAN: 9782406060673
  • ISBN: 978-2-406-06067-3
  • ISSN: 2273-0893
  • DOI: 10.15122/isbn.978-2-406-06067-3.p.0291
  • Publisher: Classiques Garnier
  • Online publication: 07-25-2016
  • Periodicity: Biannual
  • Language: French
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Un neveu
entre deux évêques

Dans lintroduction du De eodem et diverso (DEED), Adélard sadresse à ce quil a « de plus cher », son neveu, et linforme du but quil poursuit en rédigeant ce texte. Au retour dun « pénible voyage », des malentendus se sont glissés entre eux, qui mettent à mal « cette belle complicité entre deux êtres qui se trouve dordinaire entre les âmes damis » ; pour la rétablir, il se propose de lui « révéler » « lexpérience que jai gardée par devers moi1. »

Le neveu nignore pas les régions où son oncle a séjourné mais le lecteur nen sera informé quaux toutes dernières pages de louvrage : ce sont lItalie du Sud et la Sicile, quAdélard désigne en recourant à une expression synthétique mais anachronique, « la Grande-Grèce2 ». Cette information finale est divulguée sur le mode du deus ex machina : la surprise ainsi créée donne un éclat particulier aux mobiles du voyage. Là-bas, sur les rives de la Méditerranée, est prodigué un enseignement quà la consternation de son neveu, Adélard juge supérieur à celui qui

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lest en « Gaule ». Or, paradoxalement, la plus grande partie de louvrage décrit, justifie et loue ces Gallica studia3, identifiés aux sept arts libéraux. Comment comprendre que le vibrant plaidoyer en faveur du septénaire libéral soit suivi par une simple esquisse de son dépassement ? On peut penser quAdélard se comporte en habile rhéteur : il vante les mérites de lenseignement traditionnel pour prouver à son neveu quil en a assimilé la substance et quil est donc habilité à le juger inférieur à un autre, encore étranger à lEurope latine et, in fine, tout juste évoqué. Mais sil nimbe dune aura mystérieuse ses préférences éducatives pour mieux minorer lenseignement quil vient de célébrer, nest-ce pas parce quil na quune connaissance confuse des nouveautés vers lesquelles il se sent attiré ? Une dizaine dannées plus tard, les Questions naturelles (QN) seront toutes entières et explicitement dévolues à ces nouveautés, quà lentendre lauteur aurait eu cette fois loccasion de connaître à la faveur dun second voyage méditerranéen, au Proche-Orient, et toujours à la suite de lexpansion normande : il a pour lessentiel séjourné dans la principauté dAntioche, fondée en 1098 par Bohémond de Tarente4. Pour lheure, dans cette introduction, le DEED est présenté comme une oratio, un « traité5 ». Lauteur aurait pu le caractériser plus nettement en précisant la matière quil y expose : il rédige un traité des arts libéraux. Mais en restreignant son allusion à la désignation du genre littéraire quil entend pratiquer, il entrouvre la porte au coup de théâtre final, où se laisse entrevoir un enseignement sans commune mesure avec celui qui a été présenté tout au long de louvrage. La silhouette de deux éducateurs antithétiques, tous les deux anonymes et chacun deux étant placé à lune des extrémités de louvrage, souligne ce conflit pédagogique. Léducateur qui intervient au début du DEED enseigne lun des arts libéraux, lastronomie, à Tours, où Adélard a parfait une formation commencée à Bath. Celui qui apparaît à la fin surgit sur la route de Salerne : « mieux que les autres, il traitait de la médecine et de la nature des choses6 ». Adélard choisit « de le mettre à lépreuve » en linterrogeant sur le magnétisme. Il se contente de noter quil a

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obtenu une réponse : il laisse le lecteur supposer quelle la satisfait7. En faisant miroiter dautres domaines de connaissance, la fin du DEED brise lunité de lenseignement publiquement reconnu en « Gaule » au profit dun autre fondé sur de nouvelles matières. Elle ouvre la voie à une diversité de thèmes détude, qui avait été jusquici reléguée à une double périphérie. La première est temporelle et se rapporte aux traditions éducatives de lEurope latine, puisque le questionnement dAdélard sur le magnétisme précède sa rencontre salernitaine : il lui est donc venu à lesprit lors de sa formation aux arts libéraux ou dans la continuité de celle-ci, sans quil ait trouvé la moindre réponse avant cette rencontre. La seconde est spatiale : cest celle de lEurope latine du début du xiie siècle, puisquAdélard commence à satisfaire ses curiosités chez « un philosophe grec » croisé sur la route de Salerne.

Lintroduction du DEED nest pas le seul élément du traité déroutant au premier abord. Elle est précédée par une épître dédicatoire adressée à un homme « tout à fait érudit dans tous ces fameux arts libéraux », « omnium mathematicarum artium eruditissime8 » : Guillaume, lévêque de Syracuse. Lépître est composée de deux paragraphes. Si dans le second, Adélard présente déjà, à deux reprises, le DEED comme une oratio, dans le premier, il en parle en employant une expression plus ambitieuse, qui vise sans doute à élever son texte dans la hiérarchie des écrits pour le mettre au niveau où se trouve socialement le dignitaire ainsi sollicité : cest « un ouvrage scientifique », « disciplinare opus ». Adélard précise aussitôt quy ayant « entremêlé les descriptions des sept arts libéraux dans leur ensemble », il le dédie à l« un de ceux qui se sont abreuvés aux sept bras du fleuve de la philosophie », afin quil « léclaire par sa critique ». Ces « sept bras » désignent évidemment les sept arts libéraux, identifiés par conséquent à la philosophie. Et ce sont bien ces sept arts qui, matières de lenseignement dispensé en « Gaule », sont le sujet du DEED – non, certes, le mobile

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de louvrage, mais le thème qui y est le plus longuement « traité ». Plus encore : la formation quils assurent est jugée fondamentale au cours de louvrage puisquelle est réputée combattre les égarements dans la diversité mondaine, très précisément inventoriés. Ce sont les séductions exercées successivement par la richesse, la puissance, la dignité, la renommée et la volupté. Or, pour lhistorien contemporain qui sest spécialisé dans létude des Italies normandes des xie et xiie siècles, ces « égarements » ont motivé le départ de leur région natale des cadets de famille, que le droit daînesse excluait de lhéritage9. Adélard ne sinterroge pas sur les raisons de cette expatriation, dont il a vraisemblablement croisé maints exemples lors de son voyage ; pleinement clerc, il ne prête pas attention à ces donnée socio-politiques. Il nest donc pas en mesure de démêler lenchevêtrement des mobiles qui, en jetant les exclus normands sur les routes, les condamnent à se faire une place au soleil à la pointe de lépée et en convolant en justes noces. Il choisit de sen tenir frileusement aux mérites des seuls arts libéraux. Ils permettent à ceux qui les pratiquent détablir lunité de leur âme, ce but ultime de la philosophie, pour peu quils tournent le dos aux cinq égarements inventoriés. Le statut social du dédicataire confirme les orientations intellectuelles de lauteur.

Ainsi, à loccasion dune épître dédicatoire et dune introduction, Adélard place le DEED au croisement de deux antinomies. Celles-ci sincarnent dans les deux personnages, lévêque de Syracuse et son propre neveu, avec lesquels il entretient des rapports certes privilégiés, mais très différents. Dune part, Adélard expose le savoir dans lequel il a été élevé, en le soumettant avec déférence au contrôle dun docte, Guillaume, récemment rencontré dans une région où ce savoir est, à lentendre, en train de devenir quelque peu désuet. Dautre part, il cherche à préserver la longue complicité qui lunit à son neveu, tout en le persuadant quun savoir quil esquisse mais qui, à lentendre, est enseigné au sud de lEurope latine, est supérieur à celui qui les a lun et lautre formés à quelques années de distance, en Europe septentrionale.

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Un double paradoxe plane sur louvrage : Guillaume, présenté comme un spécialiste des arts libéraux, est professionnellement intégré à une région où ces arts seraient dépassés, tandis que lexcellence de ces arts est vantée à celui quil faut convaincre de leur insuffisance.

Le DEED est écrit à la fin de lannée 1110, au début dun siècle au cours duquel la langue grecque est peu à peu redécouverte par les Latins10. À défaut dêtre un helléniste, Adélard est un grécophile. Son voyage en Italie du sud et en Sicile a pu, sinon susciter, du moins nourrir chez lui cette disposition11. Lui, excellent latiniste12, prend plaisir à rappeler lorigine grecque dun mot. Il se risque avec des bonheurs divers à des étymologies grecques. Il agrémente même son texte de quelques mots grecs écrits dans leur alphabet dorigine13. Il faudra sen souvenir lorsque, dans les QN, il parlera des magistri arabici. Pour lheure, sa grécophilie est manifeste, alors même quelle ne fait lobjet daucune déclaration de sa part. Quen est-il du savoir dont il gratifie lévêque de Syracuse ?

Lenquête documentaire le montre14 : Guillaume de Syracuse na laissé à la postérité ni un traité sur les arts libéraux, ni de témoignages indirects sur les compétences quil aurait acquises en ces matières, en dehors évidemment de lépître dédicatoire, dont il convient justement dévaluer la pertinence15. Et alors que lauteur du DEED a par la suite persévéré dans

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sa quête savante, aucun document natteste quil ait entretenu ni même noué des rapports détude avec cet ecclésiastique au savoir prétendument si remarquable. Les seules traces conservées montrent Guillaume dans laccomplissement de ses fonctions épiscopales16, assurément prenantes : lors du passage dAdélard dans lîle, lévêché où il exerce son ministère nexiste que depuis une vingtaine dannées et occupe un territoire qui a été sous domination musulmane pendant les deux siècles précédents17. Le Syracusain nappartient manifestement pas à cette catégorie dévêques savants ou lettrés, nombreux au Moyen Âge, comme Gerbert dAurillac, Fulbert de Chartres, Lanfranc du Bec, Anselme de Cantorbéry, Marbode de Rennes, Hildebert de Lavardin, Gilbert de la Porée…, pour sen tenir à quelques grandes figures antérieures à, ou contemporaines dAdélard. Tout porte à penser que Guillaume a été davantage un homme daction quun homme détude et quen cela il incarne le modèle épiscopal promu par les nouveaux maîtres de la Sicile18. La culture quAdélard lui attribue relève de cette rhétorique à laquelle fait appel un clerc au début de sa carrière, alors que, soucieux de son avenir, il est en quête de protecteurs. Dans cette perspective, un évêque puissant vaut mieux quun évêque savant, même si la réalité de sa puissance est masquée par léloge enthousiaste de son supposé savoir.

Est-ce quil est possible de cerner la réalité du neveu quAdélard met en scène ? La documentation confirme lexistence de différents Adélard dans le milieu dont lauteur du DEED est issu19, sans quil soit possible

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de savoir si lun deux est son frère (tous sont des hommes) et père dun fils. Une seule certitude : Adélard gratifie son neveu de ses faveurs littéraires en le prenant pour interlocuteur dans trois de ses textes : le DEED, donc ; les QN, auxquelles il a été fait allusion plus haut, où le neveu intervient cette fois directement pour contredire son oncle et lobliger à des précisions, surtout dans les premières questions, avant que, peu à peu, sinstaure entre eux une communauté de pensée ; et, enfin, un De avibus tractatus (DAT), un traité qui a également la forme dun dialogue, cette fois entre un fauconnier et son élève, incarnés respectivement par Adélard et son neveu, le texte portant sur le dressage des autours (un falconidé utilisé pour la chasse) et les soins vétérinaires quils réclament. Une présence aussi continue justifie linitiative de Charles Burnett déditer ces trois œuvres dans un seul volume au titre factice mais pertinent : Adelard of Bath, Conversations with his Nephew20.

Il est bien difficile, à partir de la lecture des trois textes qui viennent dêtre cités, desquisser un portrait cohérent du neveu en question. Même sil a existé, tout se passe comme si Adélard le réduisait à un rôle de faire-valoir et que ce rôle variait selon la perspective adoptée dans les textes successifs où il apparaît. Il est muet dans le premier, à la demande expresse de son oncle : « Surveille si je tisse correctement mes propos, avec le silence et la réserve qui te sont habituels21. » Ce mutisme est bien commode. Il peut être celui quadopte une personne attentive aux propos qui lui sont adressés. Il peut être aussi celui auquel lauteur réduit son « interlocuteur » pour faciliter le déroulement de son discours. Mais pour muet quil soit, le neveu nen est pas moins omniprésent par lincompréhension que suscitent chez lui les nouvelles orientations intellectuelles de son oncle et par la volonté de ce dernier de les lui faire partager. Dans le deuxième texte, le neveu commence par résister habilement à ces nouvelles orientations, avant de se laisser peu à peu convaincre de leur bien fondé. Il rejoint finalement son oncle et communie même avec lui en énonçant que Dieu est « le Père de tout22 ». Le troisième texte souvre par une inversion des rôles : cest le neveu qui

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prend linitiative den finir momentanément avec la difficile recherche « des causes des choses » – une expression qui résume remarquablement bien le point de vue adopté et défendu tout au long des QN ; et, à titre de délassement, il propose dinterroger son oncle sur lautourserie23. Adélard conserve donc malgré tout son statut de mentor. Or le neveu se montre si attentif à lenseignement cynégétique prodigué par son parent, que ses questions devancent les réponses en salignant judicieusement sur les étapes dune formation progressive aux activités en cause : léduqué sy révèle un excellent éducateur avant même davoir été formé. Cest donc dans le DAT que la figure du neveu devient le plus franchement artificielle. La remarquable plasticité dont ce jeune homme fait preuve dans ces trois textes invite lhistorien à sinterroger sur le statut littéraire dun personnage aussi caméléon.

Les historiens de la littérature médiévale ont mis en lumière un motif qui permet dapprocher le statut de cette créature adélardienne aussi présente quanonyme, changeante et insaisissable. Dans les œuvres médiévales dimagination, le nombre des neveux est étonnamment élevé : comparé à celui des fils, il y est bien plus grand que dans la vie courante24. Yves Roguet explique un tel déséquilibre en avançant que : « cette parenté semble un commode compromis entre “fils” et “étranger”25. » Pareille thématique dun moyen terme situé entre deux modalités aussi différentes des rapports humains, la filiation directe et lallochtonie, sapplique au neveu des trois textes, pour peu que soit prise en compte la tournure autobiographique quAdélard leur a donnée. En prenant la peine de mettre en scène un désaccord dans les deux premiers, il incite son lecteur à voir dans ces textes les déchirements quil a lui-même vécus, peut-être dans ses rapports avec un possible neveu, mais à coup sûr dans son histoire intellectuelle. Dans le DEED et à un moindre degré dans les QN, son instance à rappeler sa proximité avec ce parent est si grande et les affinités qui les lient si idéalisées, du moins

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avant leur désaccord momentané, que la réalité dun tel personnage en devient suspecte.

Le désaccord, on la vu, se manifeste à loccasion des leçons que laîné tire de son séjour dans la « Grande-Grèce26 » : les deux hommes cessent soudain dêtre le double lun de lautre et se figent dans une attitude dincompréhension mutuelle. Le sésame du renouvellement de leur accord est intérieur. Il vise certes deux individus, mais deux individus qui sont eux-mêmes personnellement divisés entre un passé damitié complice et un présent marqué par un antagonisme intellectuel. Si loncle se désole de cet état de choses, les sentiments du neveu ne sont pas précisés. Il reste que tous les deux doivent retrouver un nouvel équilibre en établissant une harmonie entre « celui que je suis devenu en suivant lenseignement en usage dans la culture où je suis né et ai grandi », dune part ; et, de dautre part, « celui que je voudrais devenir (pour loncle, qui en est convaincu), ou que je pourrais devenir (pour le neveu, qui, en écoutant son oncle, rend possible son ralliement), en mouvrant à un enseignement dispensé dans une culture allogène ».

Le neveu est loccasion pour lauteur de rédiger successivement trois textes qui diffèrent par leur thème et par leur forme, mais non par leur problématique autobiographique. Quelle que soit sa réalité, le neveu sinscrit dans chacun de ces textes dans une perspective identique, bien quil sy manifeste différemment. Grâce à lui, Adélard révèle à lui-même et à son lecteur soit ses propres orientations intellectuelles discordantes quil cherche à harmoniser, soit des curiosités ludiques qui léloignent de son milieu dorigine, auquel il reste lié – la chasse, et notamment lautourserie, étant une activité réservée à la noblesse27.

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Sans cet attachement à son état de clerc, il aurait sans doute écrit un ouvrage sur la chasse au vol plus proche dun traité dogmatique que dun faux dialogue didactique. Pour rendre manifeste à lui-même sa propre évolution, Adélard éprouve le besoin den appeler à un neveu, fictif ou effectif, à chacune des étapes de son parcours personnel – un parcours qui, par ce subterfuge, se transmue en parcours dauteur. Il reste attaché aux arts libéraux, sans quoi, il ne prendrait pas la peine den faire une présentation aussi élogieuse. Il est aussi attiré par la médecine et la physique que les QN mettent en avant, bien quelles soient contestées par un interlocuteur qui est la voix du passé adélardien. Il est intéressé par lautourserie et, reconnaissant les lacunes de son éducation de clerc, il a suffisamment de ressources pour se former lui-même aux principes de cette activité de chevalier et rédige sur cet art, et sur la médecine vétérinaire que celui-ci exige, un texte dinitiation maîtrisé : il exprime cette fois lunité retrouvée des deux hommes, sûrement en eux-mêmes, peut-être entre eux, en y étant conjointement, et chacun de son côté, mais davantage pour loncle que pour le neveu, son propre maître et son propre élève. Dans cette troisième et dernière étape, les deux hommes scellent leur accord en éprouvant le même vif intérêt pour la même activité – qui nest toutefois pas celle caractéristique de leur milieu social. Chacun deux est redevenu, et publiquement, lalter ego de lautre. À supposer, ce qui est loin dêtre invraisemblable, que le neveu soit un être de fiction, lauteur a lui-même et par lui-même, et grâce à subterfuge littéraire, rétabli lunité de son ego. Ces trois textes réunis font penser à autant détapes dun roman dapprentissage, chaque étape étant loccasion dune nouvelle maturité.

La souplesse littéraire dAdélard est remarquable. On en trouve un nouveau témoignage en comparant la dédicace du DEED à celle des QN. Le rapprochement est dautant plus révélateur quen dépit de leurs différences de perspective et de ton, ces deux hommages ont un point

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commun : ils sadressent au titulaire dun siège épiscopal. Lhomme de lettres nest pas totalement insensible aux réalités sociales.

La dédicace du DEED sorganise autour dun thème, lopposition des Anciens et des Modernes : « les premiers ne savaient pas tout et les seconds nignorent pas tout28. » Pour « éviter que les Modernes [] nencourent laccusation dignorance », Adélard, on la vu, juge nécessaire de rédiger ce traité « en réponse à une accusation injuste » proférée par son neveu à son encontre. Pour sassurer du bien-fondé de sa riposte, il prend la précaution de la soumettre préventivement au jugement dun sage, lévêque de Syracuse, présenté dans un style fleuri comme un modèle de science. Il conclut, à ladresse de celui-ci : « Il te reviendra de retrancher [de mon écrit] le superflu et d[y] organiser ce qui est désordonné. »

La dédicace des QN est plus circonstancielle : elle retrace la suite des événements qui a conduit Adélard à en entreprendre la rédaction. Au retour dun long voyage détude, il a retrouvé son pays natal sous le règne de Henri Ier et a renoué avec ses amis. Ceux-ci lui brossent le tableau dune Angleterre en proie à la violence et à la corruption. Il prend le parti de tourner le dos à cette « dépravation morale » et, avec lapprobation des amis retrouvés, il choisit de dissiper les inquiétudes que « les études des Arabes » ont provoquées chez son neveu. Il en résulte ces QN, quil dédicace à Richard, évêque de Bayeux, en le priant de contrôler « la justesse de [ses] propos29 ». Dans ces préliminaires, Adélard esquisse une séquence dévénements qui porte lempreinte dune certaine authenticité ; et, surtout, il y fond les deux thèmes quil avait disjoints dans le DEED, en les présentant successivement : dabord la dédicace, en une quarantaine de lignes ; puis ladresse au neveu, en une vingtaine de lignes30. La quête dun protecteur est maintenant intégrée au cours ordinaire de son existence ; le désaccord avec son neveu est révélé à un cercle damis et, directement, au dédicataire. Comparé au début du DEED, celui des QN élargit le domaine de la vie privée de lauteur, dont lune des difficultés nourrit lurbanité. Tout se passe comme si Adélard avait gagné en maturité et en aisance sociale, sans rien céder de son appétit de savoir.

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Le choix des dédicataires de ces deux textes conduit du monde méditerranéen au monde atlantique, mais sans quitter laire dexpansion normande. Pour différents que soient les deux voyages dAdélard, ils confirment le rattachement du voyageur au même milieu, si dynamique aux xie et xiie siècles. Il est remarquable quil nait pas séjourné dans cette terre ignorée des aventuriers normands, lEspagne, alors que la Péninsule allait jouer tout au long du xiie siècle un rôle essentiel dans la transmission des savoirs arabes. Il reste que cest lEspagne qui est venue à lui en la personne de Pierre Alphonse31.

Lévêque auquel Adélard dédie les QN est Richard, sans autre précision que le nom de son diocèse, Bayeux. Or deux Richard se sont succédé sur ce siège épiscopal durant les années au cours desquelles les QN ont pu être écrites pour certains : Richard de Douvres32 (de 1107 à 1133), et le neveu de celui-ci, Richard de Gloucester (de 1135 à 1142)33. Une telle homonymie rend délicate lidentification du dédicataire34. Or la réunion de deux faits, lun daté, lautre à la durée définie, permet de lever

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lincertitude en toute clarté. Le tremblement de terre dont Adélard a été le témoin au cours de son voyage proche-oriental, alors quil traversait le pont de la ville de Mamistra (lactuel Yakapinar, en Turquie)35, ne peut correspondre quà celui que la recherche vulcanologique fixe en 111436, tandis que la durée de ce voyage, toujours selon Adélard, sélève à sept ans37. Il nest possible de concilier ces deux données numériques quau cours de lépiscopat de Richard de Douvres ; cest donc lui le dédicataire des QN. Argument subsidiaire : sadressant au premier Richard ès qualités, Adélard navait pas à le différencier de celui qui allait lui succéder sur le siège épiscopal de Bayeux, alors quil aurait pu être tenté de le faire sil sétait adressé au second.

Le prédécesseur de Richard de Douvres, Turold de Brémoy, navait pas montré de grandes qualités administratives38. Il avait été nommé à lévêché de Bayeux grâce à lappui du duc de Normandie, Robert Courteheuse. Il avait par la suite soutenu son protecteur en prenant son parti dans la lutte fratricide qui opposait Robert à son cadet, Henri39. Le sort des armes ayant été défavorable au duc de Normandie, la cathédrale dont Turold avait la charge fut gravement endommagée en 1105 « pour lexemple », en même temps que la ville dont elle était le joyau. Il ne

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restait plus à lévêque quà se démettre de ses fonctions et à se retirer à labbaye du Bec, où il mourut trente ans plus tard. Recevoir la crosse et la mitre dans de telles conditions nétait pas une sinécure. En dépit dun début difficile, lentregent et le dynamisme Richard de Douvres, plus grand seigneur que vénérable pasteur, firent merveille40. Les vingt-six ans de son épiscopat furent bénéfiques pour le redressement et le rayonnement du diocèse de Bayeux. Bien quHenri ait préféré faire de Caen la seconde capitale du duché, après Rouen41, il nen finança pas moins la restauration de la cathédrale bayeusaine42.

Le statut du dédicataire des QN ne va pas sans poser des problèmes. Même sil ne fait que reprendre les dénonciations sans nuance proférées par ses amis, comment Adélard peut-il, dans la même page, dépeindre sous un jour aussi sombre le personnel politique et lencadrement administratif du royaume et, dautre part, solliciter lappui dun membre éminent dune hiérarchie ecclésiastique étroitement liée au roi dAngleterre, duc de Normandie ? Richard de Douvres est le fils de Samson, évêque de Worcester (1096-1112) et le frère de Thomas, archevêque de York (1109-1114), lequel a succédé à son oncle sur ce même siège, de sorte que sa famille est présentée comme lincarnation de ce népotisme et de cette simonie que les réformateurs grégoriens combattent au sein de lÉglise aux xie et xiie siècles43. Est-ce quAdélard na pas été conscient de linconvenance de sa démarche : rechercher les faveurs dun de ces notables quil fustige tout de go ? Aurait-il agi par manque de discernement ? Ou par la volonté naïve dessayer de concilier ce quen son fond il sait être inconciliable : conserver son âme tout en obtenant lappui dun de ces hommes de pouvoir quil dénonce sans faire de distinction ?

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Une chose est sûre : au-delà de sa moralité, douteuse au regard des préceptes évangéliques, Richard na laissé aucune trace qui dénoterait une formation de lettré, à linverse de son second successeur sur le siège de Bayeux, Philippe dHarcourt44. En admettant que cette absence révèle un réel manque dintérêt pour les études en usage au début du xiie siècle, on est porté à penser que faire de lui le dédicataire dun ouvrage savant relève de cet opportunisme à lœuvre déjà dans la dédicace du DEED. Cette fois, lauteur demande à celui quil présente comme un spécialiste des arts libéraux, donc des Gallica studia, de se porter garant des Arabica studia, alors quil se plaît à opposer ces deux formations. Sil fallait prendre au pied de la lettre la dédicace des QN, la conclusion simposerait : lauteur na pas tiré les leçons que lui-même administrait quelques années plus tôt dans le DEED. Mais Adélard est moins un écrivain inconséquent quun homme habile. Le recte dictum45 quil attribue à Richard de Douvres peut sentendre, « selon les règles de la bonne rhétorique ». Il est possible queu égard à ses réalisations, lévêque de Bayeux ait été un meneur dhommes à la parole convaincante. La maîtrise des arts libéraux quAdélard lui prête se réduirait à une capacité dentraînement acquise sur le terrain à force dexpérience. Ce quAdélard lui demande au-delà des fleurs de rhétorique auxquels il recourt, cest de bien vouloir veiller à ce que les QN rencontrent plus facilement un large public. Quoiquil dise, il ne le sollicite pas pour mieux asseoir le discours de vérité quil entend tenir ; il sadresse à lui pour donner à son écrit le plus de retentissement possible. Il ne sinterdit pas de rendre séduisant son cheminement vers le vrai avec laide éventuelle dun évêque sans grande culture assurée, mais entreprenant et peut-être beau parleur.

Un autre aspect ne doit pas être négligé. Dans les premières décennies du xiie siècle, un Anglo-saxon natif de Wells et habitant Bath a plus de raisons de solliciter la bienveillance de lévêque de Bayeux que celle de lévêque de Syracuse, celui-là entretenant avec la monarchie

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anglo-normande une proximité qui manque à celui-ci. La dédicace des QN savère globalement mieux ajustée à sa finalité que celle du DEED. En quelques années, et au retour de son voyage au Proche-Orient, Adélard a acquis une meilleure connaissance des réalités sociales et a appris à en jouer avec plus dopportunité. Il lui restait à gagner en assurance en saffranchissant du recours à un protecteur, lui qui ne pouvait pas sempêcher de dénoncer les abus des puissants, au moment même où, dans la dédicace des QN, il sollicitait lappui de lun deux. Il franchit le pas avec son traité dautourserie : il ne le dote pas dune dédicace. Certes, il aurait été malséant de sadresser une nouvelle fois à un évêque : les conciles nont pas cessé dinterdire aux ecclésiastiques les activités cynégétiques46. Peut-on penser que le clerc Adélard aurait trouvé inconvenant de solliciter la protection dun laïc ? Ou est-ce quil a estimé que le temps était venu pour lui daffronter le public en ne comptant que sur son talent ? Il nest guère possible dobtenir des réponses assurées à ces questions. Tout au plus peut-on observer quil acquiert une plus grande autonomie peu après avoir rétabli, à la fin des QN, des relations harmonieuses avec son neveu et sans doute, et plus profondément, après en avoir établies avec lui-même. Ses écrits ultérieurs ne portent aucune trace du personnage qui lui a été si utile dans trois de ses entreprises décriture les plus anciennes. Nest-ce pas reconnaître quil na été à ses yeux quune béquille littéraire ? Il nest pas impossible que ce neveu caméléon ait été la figure idéalisée dun neveu au sens propre, et quAdélard sen soit servi pour mieux se comprendre et mieux assumer ses intérêts intellectuels – dans le même temps où la nécessité de demander la caution scientifique dun évêque disparaît.

Max Lejbowicz

Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne

1 DEED, II, 2. Les références de nos citations renvoient à Adélard de Bath, LUn et le Divers, Questions sur la nature (Les causes des choses), avec le pseudépigraphe Comme latteste Ergaphalau, éd. C. Burnett, trad. et com. M. Lejbowicz, E. Ndiaye, C. Dussourt, Paris, Les Belles Lettres, 2015.

2 J.-P. Martin, Italies Normandes, xie-xiie siècles, Paris, Hachette, 1994, p. 90-91, utilise une fois, et alors en toute rigueur, lexpression de Grande-Grèce : lorsquil évoque la fondation, à partir du viiie siècle av. J.-C., de colonies grecques en Sicile orientale et sur les côtes méridionales de lItalie. La désignation utilisée par Adélard relève probablement dune hellénophilie de lettré (voir infra). Elle peut aussi dénoter un certain embarras. Au début des années 1110, laventure normande en Méditerranée occidentale, pour bien avancée quelle fût, navait pas atteint son seuil critique : laccession à la royauté de la lignée des Hauteville et lunification politique de la Sicile, de la Calabre et de lApulie quelle implique. Cet événement-avènement se produit avec Roger II (1095-1154), et, preuve de la complexité des enjeux régionaux, à deux reprises (bulle de lantipape Anaclet II, Bénévent, 27 septembre 1130 ; bulle du pape Innocent II, Mignano, 27 juillet 1139 ; sur tout cela, voir P. Aubé, Roger II de Sicile. Un Normand en Méditerranée, Paris, Payot & Rivages, 2001, chap. 9, 17 et 18. Sans doute sensible à la diversité politique de cet ensemble géographique mais jugeant superflu ou inutile dy faire allusion, Adélard puise dans sa culture de quoi le désigner, voire le magnifier.

3 DEED, II, 90. Rappelons quà cette époque, Gallia nest quune référence géographique (voir B. Guenée, Histoire et culture historique dans lOccident médiéval, Paris, Aubier, 1980, p. 167-169).

4 Voir J. Flori, Bohémond dAntioche. Chevalier daventure, Paris, Payot, 2007.

5 DEED, I, 3.

6 DEED, II, 91.

7 Voir ibid.

8 DEED, I, 3. Le champ sémantique de mathematica est extrêmement large ; voir M. Teeuwen, The Vocabulary of Intellectual Life in the Middle Ages, Turnhout, Brepols, 2003, p. 355-357. Pour que le paragraphe soit cohérent, il faut prendre ce mot au sens d« arts libéraux » dans un style soutenu. Pour donner à artes mathematicae le sens spécifique de « mathématiques », Adélard aurait dû écrire quelque chose comme : « très compétent dans les arts libéraux et plus spécialement dans le quadrivium ». Les variations lexicales ne doivent pas occulter la cohérence du portrait de lévêque en question, quelle quen soit la crédibilité. Voir p. 295, n. 6.

9 Voir Martin, Italies normandes, p. 35-41, qui conclut : « Les envahisseurs [normands] ont bien obtenu en Italie richesse, pouvoir, ascension sociale », soit quatre des cinq séductions mondaines dénoncées par Adélard, si lon veut bien admettre que lascension sociale réunit la dignité et la renommée. En ce qui concerne « la volupté », il faut en retenir la version édulcorée : ces cadets expatriés ont fait souche dans les régions conquises en sy mariant avec des autochtones, de préférence de rang supérieur au leur : elle nest donc pas étrangère à lascension sociale des intéressés.

10 Voir P. Boulhol, La connaissance de la langue grecque dans la France médiévale, vie-xve siècle, Aix-en-Provence, Publications de lUniversité de Provence, 2008, p. 61-68 : « Le xiie siècle : Épanouissement italien, premières redécouvertes françaises. »

11 Voir A. Peters-Custot, Les Grecs de lItalie méridionale post-byzantine. Une acculturation en douceur, Rome, École française de Rome, 2009, Deuxième partie, « Le passage à la domination normande (milieu du xie-milieu du xiie siècle), p. 223-344.

12 Voir Adélard de Bath, LUn et le Divers, « Traduire le DEED et les QN ».

13 Sur tout cela, voir, dans le présent numéro des CRMH, É. Ndiaye, « Les poèmes de Philocosmie et de Philosophie dans le De eodem et diverso dAdélard de Bath (II, 14 et 21).Étude comparée ».

14 Voir M. Gibson, « Adelard of Bath », Adelard of Bath. An English Scientist and Arabist of the Early Twelfth Century, éd. Ch. Burnett, Londres, The Warburg Institute, 1987, p. 7-16, ici p. 12, n. 43.

15 Il se trouve quun membre de lExchequer, Thurkil, rend un hommage appuyé à son maître « William R. ». Or Ch. H. Haskins, « The Abacus and the Kings Curia », The English Historical Review, 27, 105, 1912, p. 101-106, revu et corrigé « The Abacus and the Exchequers », Studies in the History of Medieval Science, New York, Frederick Ungar, 1960, p. 327-335, ici p. 329, et R. L. Poole, The Exchequer in the Twelfth Century, Oxford, Clarendon Press, 1912, p. 52, ainsi quà leur suite L. Cochrane, Adelard of Bath. The First English Scientist, Londres, British Museum Press, 1994, p. 20, n. 1, ont voulu voir dans ce « William R. » une possible allusion à Guillaume évêque de Syracuse. Ils appuient leur lecture sur omnium mathematicarum artium eruditissime, quils interprètent comme une allusion aux compétences mathématiques de lintéressé. Cette lecture ne tient compte ni du fond de lépître dédicatoire, axée sur lensemble des sept arts libéraux, ni de sa forme, un exercice de captatio benevolentiae saturé de fleurs de rhétorique (voir la n. 8). Les deux historiens essaient de résoudre un problème, lidentité de « William R. », à partir dune lecture trop littérale.

16 Voir Gibson, « Adelard of Bath », p. 12-13.

17 Voir A. Nef, « Géographie religieuse et continuité temporelle dans la Sicile normande (xie-xiie siècle) : le cas des évêchés », Annexes des Cahiers de linguistique et de civilisation hispaniques médiévales, 15, 2003, p. 177-194, avec p. 180 : « Lévêché de Syracuse, dont la fondation remonte probablement à 1092… »

18 En plus de létude citée à la note précédente, voir A. Nef, Conquérir et gouverner la Sicile islamique aux xie et xiie siècles, Rome, École française de Rome, 2011, Troisième partie, chap. 7, III, p. 447-463, « Les concessions au bénéfice des institutions ecclésiastiques », et N. Kamp, « The Bishops of Southern Italy in the Norman and Staufen Periods », The Society of Norman Italy, éd. G. A. Loud, A. Metcalfe, Leiden / Boston, Brill, 2002, p. 185-209, ici p. 193.

19 Voir Gibson, « Adelard of Bath », p. 7-8 ; Ch. Burnett, « Bath, Adelard of (b. in or before 1080 ? d. in or after 1150) », Oxford Dictionary of National Biography, Oxford University Press, 2004.

20 Adelard of Bath, Conversations with his Nephew, On the Same and the Different, Questions on Natural Science, and On Birds, éd. Ch. Burnett et alii, Cambridge Cambridge University Press, 2006.

21 DEED, II, 2.

22 QN, 76, 5.

23 Conversations with his nephew, p. 238, 1 (début du DAT).

24 Voir R. R. Bezzola, « Les neveux », Mélanges de langue et de littérature du Moyen Âge et de la Renaissance offerts à Jean Frappier, éd. J.-Ch. Payen et Cl. Régnier, Genève / Paris, Droz / Minard, 1970, t. 1, p. 89-114, et Y. Roguet, « Des Neveux », Lhostellerie de pensée. Études sur lart littéraire au Moyen Age offertes à Daniel Poirion par ses anciens élèves, éd. M. Zink, D. Régnier-Bohler, É. Hicks, M. Python, Paris, Presses de lUniversité de Paris-Sorbonne, 1995, p. 383-390.

25 Roguet, « Des Neveux », p. 383.

26 QN, p. 88-90 et 100-102.

27 Voir L.-J. Bord, J.-P. Mugg, La chasse au Moyen Âge : Occident latin, vie-xve siècle, Paris, Éditions du Gerfaut, 2008, chap. xiii, « La chasse “noble” », 2e partie, « De lart de chasser avec les oiseaux », p. 249-257, et, pour les notes de cette partie, p. 258-261. Ce livre si bien documenté dans lensemble ne lest pas sur Adélard : il ne connaît du DAT quune étude de 1944 portant sur un fragment anglo-normand versifié qui en a été tiré (p. 54) ! Selon B. Van den Abeele, La fauconnerie dans les lettres françaises du xiie au xive siècle, Leuven, Leuven University Press, 1990, p. 21-35, les deux textes latins de fauconnerie les plus anciens datent lun du xe siècle, lautre du xie siècle. Cest au cours du xiie siècle que le genre sépanouit : le clerc Adélard prend sa place dans cette floraison de traités à destination profane. Il reste que les traités les plus célèbres et les plus accomplis dans le genre sont dus à deux grandes figures de la culture aristocratique, Frédéric II au xiiie siècle et Gaston Phébus au xve siècle. Voir aussi J. Broekhoff, « Léducation physique, le sport et les idéaux de la chevalerie », Histoire du sport de lAntiquité au xixe siècle, éd. J.-P. Massicotte, Cl. Lessard, Québec, Presses de lUniversité du Québec, 1984, p. 75-92, et p. 77 : « Les chroniqueurs médiévaux ont souvent décrit les activités de la noblesse comme “les sept arts du chevalier” par contraste avec le curriculum académique des sept arts libéraux ou artes liberales » ; la chasse ny est pas mentionnée mais Broekhoff précise p. 86-87 : « Les pages et les écuyers [] accompagnaient souvent les chevaliers et leurs dames à la chasse au faucon. » Plus généralement, voir M. Aurell, Le Chevalier lettré : Savoir et conduite de laristocratie aux xiie et xiiie siècles, Paris, Fayard, 2011.

28 DEED, I, 1-3, doù proviennent également les autres citations de ce paragraphe.

29 QN, p. 89-90.

30 QN, p. 88-90 et p. 100-102.

31 Voir J. Tolan, Petrus Alfonsi and His Medieval Readers, Gainesville / Jacksonville, University Press of Florida, 1993 ; M. J. Lacarra, Estudios sobre Pedro Alfonso de Huesca, Huesca, Instituto de Estudios Altoaragoneses, 1996.

32 Douvres dans le Calvados, arrondissement de Caen, chef-lieu de canton, aujourdhui : Douvres-la-Délivrande.

33 La vacance entre les deux épiscopats sexplique par la bâtardise du second Richard : elle a suscité les réticences de larchevêque de Rouen, quune intervention papale leva deux ans après la mort du premier, survenue au cours de la semaine pascale de 1133, voir Orderic Vital, Historia ecclesiastica, éd. A. Le Prévost, Paris, Renouard, 1838-1855, vol. 5, liv. XIII, p. 31 : « Eodem anno [1133], Ricardus Baiocasinse urbis episcopus in hebdomada Paschoe obiit, cui post duos annos Ricardus, Rodberti comitis de Gloucestra filii regis filius, successit ; quem, jubente Innocentio papa, Hugo Rotomagensis archiepiscopus consecravit. » La Gallia Christiana, t. XI, 1759, col. 360-361, se contente de reprendre ce passage dOrderic, où le second Richard est identifié avec précision. Aperçus sur ces deux évêques dans P. Bouet et M. Dosdat, « Les évêques normands de 985 à 1150 », Les évêques normands du xie siècle, éd. P. Bouet et Fr. Neveux, Caen, Presses universitaires de Caen, 1995, p. 19-38, ici p. 25-26, étude qui déborde largement le xie siècle annoncé par le titre du volume. Sur le caractère anglo-normand du haut clergé séculier normand de cette époque, voir D. S. Spear, « The Norman Empire and the Secular Clergy, 1066-1204 », Journal of British Studies, 21, 2, 1982, p. 1-10, et sur le socle sur lequel sest reconstruit lépiscopat normand, D. Douglas, « Les évêques de Normandie (1035-1066) », Annales de Normandie, 8, 2, 1958, p. 87-102. Voir la synthèse plus récente dE. U. Crosby, The Kings Bishops. The Politics of Patronage in England and Normandy (1066-1216), New York, Palgrave Macmillan, 2013, p. 55, 172, 179, 211 et 276-277 pour les deux évêques.

34 Voir B. Lawn, The Salernitan Questions, Oxford, Clarendon Press, 1963, p. 26-30, et Adelard of Bath, Conversations, p. xiv.

35 QN, L, 1.

36 Voir A. Bieniek, « Natural Phenomena and their Contribution to the Decline and Fall of Damascus in 1154 », Authority, Privacy and Public Order in Islam. Proceedings of the 22d Congress of LUnion Européenne des Arabisants et Islamisants, Cracovie, 2004, éd. B. Michalak-Pikulska, A. Pikulski, Louvain, Peeters, 2006, p. 267-280, ici p. 268, n. 5, qui donne les extraits des chroniques qui évoquent ce tremblement de terre, dont Cl. Cahen, La Syrie du Nord à lépoque des croisades et la principauté franque dAntioche, Paris, Geuthner, 1940, p. 271, et Th. Asbridge, The Creation of the Principality of Antioch (1098-1130), Woodbridge, Boydell, 2000, p. 69, ne donnent que les références ; voir aussi M. R. Sbeinati, R. Darawcheh, M. Mouty « The historical earthquakes of Syria : an analysis of large and moderate earthquakes from 1365 B. C. to 1900 A. D. », Annals of Geophysics, 48, 3, 2005, p. 347-435, ici p. 369-370, 381 et 410, et N. Ambraseys, « The 12th century seismic paroxysm in the Middle East : a historical perspective », Annals of Geophysics, 47, 2004, p. 733-758, ici p. 737-738, 739 et fig. 2.

37 QN, p. 100.

38 Selon Neveux, « Les évêques et les villes de Normandie », p. 209 : « Lors de lavènement de Richard 1er [Richard de Douvres], [] le patrimoine considérable constitué sous Odon [un demi-frère de Guillaume le Conquérant, qui occupa le siège de Bayeux de 1049 à 1097] avait été dispersé par Turold. Aussi le nouvel évêque obtient-il dHenri Ier un acte ordonnant de le mettre en possession de tous les biens, droits et liberté dont léglise de Bayeux jouissait sous Odon. » Voir aussi Crosby, The Kings Bishops, p. 210-211.

39 Voir J. Green, Henry I. King of England and Duke of Normandy, Cambridge, Cambridge University Press, 2006, chap. 4, « The conquest of Normandy, 1104-1107 », et p. 101.

40 Voir M. Baylé, « Bayeux : cathédrale Notre-Dame », Larchitecture normande au Moyen Âge. Actes du colloque de Cerisy-la-Salle, 28 sept-2 oct. 1994, éd. M. Baylé., Caen / Condé-sur-Noireau, Presses Universitaires de Caen / Éditions Charles Corlet, 1997, vol. 2, p. 37-42, et surtout M. Casset, Les évêques aux champs. Châteaux et manoirs des évêques normands au Moyen Âge (xie-xve siècles), Mont-Saint-Aignan / Caen, Publications des Universités de Rouen et du Havre / Presses universitaires de Caen, 2007, p. 235-241, 279-291 et 363-406.

41 Voir Green, Henry I, p. 101.

42 Voir Fr. Neveux, Cl. Ruelle, La cathédrale Notre-Dame de Bayeux, Bayeux, OREP, 2007, p. 4.

43 Voir M. Parisse et J. Kłoczowski, « Les pouvoirs chrétiens face à lÉglise. La querelles des investitures et ses aboutissements », Histoire du christianisme des origines à nos jours, éd. J.-M. Mayeur, Ch. et L. Pietri, A. Vauchez, M. Venard, Paris, Desclée, 1993, t. V (1054-1274), p. 101-139, ici p. 117-118).

44 Voir M. A. Rouse, R. H. Rouse, « “Potens in opere et serrnone” : Philip, Bishop of Bayeux, and His Books », The Classics in the Middle Ages, éd. A. S. Bernardo, S. Levin, Binghamton, Center for Medieval & Early Renaissance Studies, 1990, p. 315-341 ; repris dans Authentic Witnesses : Approaches to Medieval Texts and Manuscripts, éd. A. S. Bernardo, S. Levin, Binghamton, University of Notre Dame Press, 1991, p. 33-59.

45 QN, p. 91 : Nunc vero, quoniam me rogatu amicorum aliquid dicere convenit, utrum id recte dictum sit, tuo examine velim esse securior. Nichil enim in artibus liberalibus tam bene tractatur quod per te non possit luculentius efflorere.

46 Borg et Mugg, La chasse, chap. iv.