Présentations des auteurs et résumés
- Type de publication : Article de revue
- Revue : Cahiers de recherches médiévales et humanistes / Journal of Medieval and Humanistic Studies
2016 – 1, n° 31. varia - Pages : 409 à 420
- Revue : Cahiers de recherches médiévales et humanistes - Journal of Medieval and Humanistic Studies
- Thème CLIL : 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
- EAN : 9782406060673
- ISBN : 978-2-406-06067-3
- ISSN : 2273-0893
- DOI : 10.15122/isbn.978-2-406-06067-3.p.0409
- Éditeur : Classiques Garnier
- Mise en ligne : 25/07/2016
- Périodicité : Semestrielle
- Langue : Français
Présentations des auteurs
et résumés
Olivier Canteaut et Xavier Hélary, « Introduction »
Olivier Canteaut est maître de conférences à l’École nationale des chartes. Il s’intéresse au fonctionnement des institutions centrales capétiennes au début du xive siècle et aux mécanismes de la décision politique. Il s’attache notamment à cerner les groupes humains qui peuplent l’appareil d’État et mène des travaux relatifs à la production et à l’utilisation de l’écrit dans l’administration royale.
Xavier Hélary est professeur d’histoire médiévale à l’université Lyon III – Jean-Moulin et spécialiste d’histoire politique et militaire. Avec É. Lalou, il s’occupe du Corpus philippicum, un fonds rassemblant la documentation liée au règne de Philippe le Bel et déposé à l’Institut de recherche et d’histoire des textes. Il a publié Courtrai. 11 juillet 1302 (Paris, 2012), et L’Armée du roi de France (Paris, 2012).
Caroline Decoster, « L’usage de la plena potestas dans les assemblées médiévales. Autour d’une controverse »
Caroline Decoster est maître de conférences en histoire du droit à l’université de Franche-Comté, après avoir soutenu sous la direction de Guillaume Leyte une thèse de doctorat consacrée aux assemblées politiques sous le règne de Philippe le Bel. Elle oriente désormais ses recherches sur le gouvernement des ducs de Bourgogne (xive-xve siècles).
La plena postestas et son usage par les gouvernants ont été l’objet d’une controverse entre Elizabeth Brown et Gaines Post. G. Post en a montré tout le potentiel en matière de droit public et le large usage que les gouvernants purent en faire. E. Brown s’est elle tournée vers les sources de la pratique, mettant en lumière la maîtrise des techniques de représentation par les gouvernés. Elle a ainsi permis de renouveler la manière d’appréhender les assemblées médiévales.
The plena postestas and its use by governments have been the subject of a controversy between Elizabeth Brown and Gaines Post. Post has shown its full potential in terms of
public law and the broad use that governments were able to make of it. Brown focuses on the sources of the practice, highlighting the mastery of techniques of representation by the government. She has also provided a fresh way of understanding medieval assemblies.
Olivier Canteaut, « Louis X en majesté. Du royaume de Navarre au trône de France (1309-1315) »
Suite à son avènement en 1314, Louis X tarda à recourir à deux des principaux symboles de la légitimité royale : le sceau de majesté et le sacre. Ce délai participe d’un projet concerté, visant à affirmer l’autorité et les intentions réformatrices du souverain face à l’agitation du royaume. Louis X développe une iconographie sigillaire innovante, puis met en scène son sacre, son pouvoir thaumaturgique et la levée de l’ost. Ces innovations se heurtent cependant à l’échec de l’ost.
Following his accession in 1314, Louis X took his time before availing himself of two of the main symbols of royal legitimacy : the seal of majesty and the coronation. This delay was part of a concerted plan aimed at affirming the authority and reformist intentions of the sovereign in the face of national turmoil. Louis X developed an innovative sigillary iconography before staging his coronation, manifesting his miracle-working power and implementing military service. However, these innovations came up against the failure of military service.
Élisabeth Lalou, « Les testaments des rois capétiens. Perspectives et problématiques »
Élisabeth Lalou est professeur d’histoire médiévale à l’université de Rouen et spécialiste du règne de Philippe le Bel. Elle a notamment publié l’Itinéraire de Philippe IV le Bel (Paris, 2007), ainsi que de nombreuses études sur l’hôtel du roi. Depuis 1981, elle s’occupe du Corpus philippicum, fonds documentaire déposé à l’Institut de recherche et d’histoire des textes.
Elizabeth Brown s’attache depuis longtemps à l’étude des testaments royaux. Elle travaille encore aujourd’hui à la mise en ligne de ces textes importants. C’est pourquoi sera d’abord rappelée ici la place éminente jouée par E. Brown depuis les années quatre-vingt. Les travaux récents sur ce sujet formeront ensuite une brève introduction à l’exposé des problématiques auxquelles permet de répondre ce type de documents.
Elizabeth Brown has long been engaged in the study of royal testaments. Today she is still at work, making these important texts available online, which is why her
eminent role in this field since the 1980s is first recalled here, followed by recent works on the subject. The latter form a brief introduction to a presentation of problems that this kind of documents can help to address.
Murielle Gaude-Ferragu, « “Le corps du roi”. Autour des travaux d’Elizabeth Brown sur la mort et les funérailles royales (France, xive-xve siècle) »
Murielle Gaude-Ferragu est spécialiste d’histoire politique et maître de conférences à l’université Paris 13 Nord. Elle a consacré ses recherches au pouvoir et à ses représentations à la fin du Moyen Âge, tant d’un point de vue cérémoniel en publiant D’or et de cendres (Villeneuve d’Ascq, 2005), qu’à travers l’histoire du genre avec La Reine de France. Le pouvoir au féminin (Paris, 2014).
E. Brown a questionné la mort et ses rituels sous toutes leurs formes. Au-delà du cérémonial, son immense culture lui fait embrasser toutes les dimensions du sujet, dans des domaines aussi variés que la spiritualité, l’anthropologie ou la psychologie. Sous sa plume, selon ses articles, le corps du roi est envisagé sous sa forme purement mortelle – découpé et inhumé dans de grands sanctuaires, au gré des dévotions du défunt – ou sous une forme plus politique, servant la communication du pouvoir.
Elizabeth Brown has questioned death and its rituals in all their forms. Beyond the merely ceremonial, her vast learning has led her to embrace all dimensions of the subject, in fields as varied as spirituality, anthropology and psychology. In her writing, as depicted in her articles, the king’s body is considered in its purely mortal form : divided up and buried in large sanctuaries, according to the deceased’s devotional practices ; or in a more political form, as serving the transmission of power.
Damien Berné, « L’art d’interroger un lieu par ses fonctions et ses représentations. Une herméneutique de Saint-Denis au temps des derniers Capétiens selon Elizabeth Brown »
Damien Berné est conservateur du patrimoine au musée de Cluny – musée national du Moyen Âge, où il est en charge des sculptures médiévales. Archiviste paléographe, il a consacré sa thèse d’École des chartes à l’étude des interactions entre l’espace architectural de l’abbaye de Saint-Denis et les pratiques liturgiques et commémoratives qui y sont à l’œuvre entre l’abbatiat de Suger et la fin du Moyen Âge.
L’abbaye de Saint-Denis est l’un des sujets qui traverse l’ensemble de l’œuvre d’E. Brown. L’abbaye est devenue un sujet d’étude autonome. Elle est
attentive aux points de vue des différents acteurs de la vie dionysienne : non seulement le souverain, qu’il entende modeler la disposition des tombeaux de ses prédécesseurs ou organiser à son profit le culte qui est rendu à saint Louis, mais aussi la communauté monastique, dont les positions sont éclairées par les productions historiographiques dionysiennes.
The abbey of Saint-Denis appears throughout the work of Elizabeth Brown, and it became an independent subject of study. She is attentive to the points of view of different actors in the life of Saint-Denis, not only the sovereign’s, who wished to model the arrangement of his predecessors’ tombs or organize to his own advantage the worship accorded to saint Louis, but also the point of view of the monastic community, whose positions are made clear by works of historiography on Saint-Denis.
Marie-Noëlle Baudoin-Matuszek, « Elizabeth Brown et le xvie siècle »
Marie-Noëlle Baudouin-Matuszek est ingénieur de recherche affectée à la commission des ordonnances des rois de France. Elle a collaboré à la publication de sept des volumes du Catalogue des actes de Henri II (1547-1553) (Paris) et à la préparation des volumes suivants (1554-1559). Elle a également publié plusieurs articles sur l’histoire politique et institutionnelle des xvie et xviie siècles.
Dans sa quête des sources de la monarchie médiévale, E. Brown rencontre Jean Du Tillet, greffier civil du parlement de Paris. Pénétrée de la pensée de l’école des cérémonialistes américains, elle reprend la question du lit de justice que Du Tillet rapporte dans les registres du Parlement. Elle observe son zèle monarchiste dans le Grand recueil des roys, ainsi que dans sa présentation de l’ordo du couronnement, son côté polémiste et gallican. Elle met ainsi en lumière des aspects importants du xvie siècle.
In her quest for sources of the medieval monarchy, Elizabeth Brown encounters Jean Du Tillet, clerk of the Paris parliament. Immersed in the thinking of the American ceremonialists, she revives the question of the lit de justice (bed of justice) that Du Tillet records in the parliamentary registers. She observes his monarchist zeal in the Grand recueil des roys, in his presentation of the ordo of the coronation, and in his polemical and Gallican leanings. She also brings to light important aspects of the sixteenth century.
Elizabeth A. R. Brown, « An American in Paris »
Elizabeth A. R. Brown est professeur émérite d’histoire de The City University of New York. Elle a présidé The Medieval Academy of America en 2010-2011. Elle est
correspondante associée honoraire de la Société nationale des antiquaires de France et correspondante associée étrangère de la Société de l’histoire de France. Elle a reçu la médaille de la ville de Tours en 2013.
Elizabeth Brown témoigne dans ce texte du souvenir inoubliable de la journée du 15 juin 2013 organisée à l’université Paris-Sorbonne dans le cadre des activités du groupe de travail « Les Capétiens et leur royaume (987-1328) ». Elle remercie les chercheurs, les professeurs, les historiens qui ont soutenu et accompagné ses recherches tout au long de son parcours et en profite pour brièvement revenir sur ses cinquante-sept années de carrière.
In this unforgettable account, Elizabeth Brown records a meeting held on 15th June 2013, at the Paris-Sorbonne University, as part of the activities of of the work group “Les Capétiens et leur royaume (987-1328)”. She thanks the researchers, the lecturers, and the historians who have supported and accompanied her research throughout her professional life and takes the opportunity to briefly review her fifty-seven-year career.
Patricia Victorin, « Introduction »
Patricia Victorin est professeur de langue et de littérature médiévales à l’université de Bretagne-Sud (Lorient). Elle a consacré une partie de ses travaux aux romans arthuriens du Moyen Âge tardif et oriente ses recherches vers la réception de Froissart au cours des siècles.
Earl Jeffrey Richards (avec la collaboration de Liliane Dulac), « The Legal, Rhetorical, and Iconographic Aspects of the Concept of the accessoire in Christine de Pizan »
Earl Jeffrey Richards a notamment travaillé sur Dante, Le Roman de la Rose, Christine de Pizan, mais aussi sur la réception de l’œuvre d’Ernst Robert Curtius et d’Erich Auerbach et sur la continuité intellectuelle entre le Troisième Reich et la République fédérale d’Allemagne. Depuis 1995, il est professeur des littératures romanes à la Bergische Universität Wuppertal.
L’article explore l’usage que fait Christine de Pizan du mot accessoire et souligne comment son vocabulaire fait littéralement écho à sa situation linguistique, au carrefour de la langue vernaculaire et du latin en usage dans les cercles curiaux parisiens qu’elle fréquentait. Les deux premières parties, plus nettement philologiques, offrent une contextualisation des emplois que
Christine fait du mot accessoire, alors que la troisième partie examine le concept d’accessoire dans le cadre de la pratique iconographique.
The article explores how Christine de Pizan’s use of the term accessoire(s), a special case of “detail” in medieval culture affords a useful example of how her vocabulary literally echoes her linguistic situation at the interface of vernacular and Latin in the Parisian courtly circles which she frequented. The first two philologically oriented sections offer a clear contextualization of Christine’s two uses of this term, while the third, more speculative, section is based her use of the concept of an accessoire in the context of iconographic practice.
Denis Hüe, « Le nez de Guillaume »
Denis Hüe, professeur de littérature du Moyen Âge à l’université Rennes 2, a travaillé sur la poésie lyrique, le théâtre et les encyclopédies médiévales. Son intérêt pour les questions d’oralité croise la littérature épique. Il a publié notamment Rémanences, mémoires de la forme dans la littérature médiévale (Paris, 2010), et dirigé le recueil collectif Lectures du Couronnement de Louis (Rennes, 2013).
L’attribut de Guillaume au cort nes apparaît dans le Couronnement de Louis. Cet article montre comment se met en place le récit étiologique qui transforme le cognomen en épithète homérique, et les inflexions et enjeux qu’il endosse : héros béni, qui expie par cette blessure symbolique sa démesure, Guillaume acquiert au travers d’elle la sagesse et la mesure qui font de lui le chevalier exemplaire par excellence.
The distinctive feature of Guillaume au cort nes appears in the Couronnement de Louis. This article shows how the etiological story was set in motion that transformed the cognomen into a Homeric epithet, and the inflections and issues that arose from it. Guillaume is a holy hero, who atoned for his immoderation with this symbolic wound, through which he acquired the wisdom and moderation that made him the knight exemplar par excellence.
Jean-Marie Fritz, « L’écriture du détail. Empreintes, traces, entailles dans les récits de pèlerinage et les fictions »
Jean-Marie Fritz est professeur de littérature médiévale à l’université de Bourgogne. Après une thèse consacrée à une approche comparée des discours médiévaux sur la folie publiée sous le titre Le Discours du fou au Moyen Âge (Paris, 1992), il a orienté ses recherches vers la question du paysage sonore au Moyen Âge avec Paysages sonores du Moyen Âge (Paris, 2000) et La Cloche et la lyre (Genève, 2011).
Malgré leur côté dérisoire, empreintes et vestiges jouent un rôle important dans les récits de pèlerinage comme dans les fictions. Le récit de pèlerinage multiplie les empreintes du Christ dans la pierre et les constitue en lieux de mémoire qui rappellent l’Écriture. La fiction use avec plus de parcimonie des empreintes, mais leur assigne une extension narrative. Si l’empreinte monumentaire des récits de pèlerinage relève d’une pensée religieuse, la trace indiciaire des fictions ouvre sur la modernité.
Despite their ludicrous side, imprints and remains play an important part in pilgrims’ stories, as they do in works of fiction. Pilgrims’ stories multiply Christ’s imprints in stone and make them a place of memory that recalls Scripture. Fiction uses imprints more sparingly, but gives them a narrative dimension. While the monumental imprint of pilgrims’ stories stems from religious thought, the characteristic track of fictional works opens onto modernity.
Isabelle Fabre, « La maisonnette, le pont et le bois de la lance. La ruine et le détail chez René d’Anjou (1455-1457) »
Isabelle Fabre est professeur de langue et littérature françaises du Moyen Âge à l’université Paul-Valéry – Montpellier III. Auteur d’une thèse sur La Doctrine du chant du cœur de Jean Gerson (Genève, 2005), elle étudie plus particulièrement la littérature religieuse et allégorique, ainsi que les relations entre poésie et musique à la charnière entre Moyen Âge et Renaissance.
Cette contribution envisage l’écriture de René d’Anjou, du Mortifiement de vaine plaisance (1455) au Livre du cœur d’amour épris (1457) et explore le détail relevant de la description topique de la ruine. Le détail contribue non seulement à l’herméneutique de l’œuvre, mais il fonctionne aussi comme une matrice narrative. Par-delà l’écart entre les propos et les registres des deux prosimètres, le détail participe de la « senefiance » d’une œuvre qui multiplie les possibilités de lecture.
This contribution considers the writing of René d’Anjou, from Mortifiement de vaine plaisance (1455) to Livre du cœur d’amour épris (1457) and explores the relevant detail of the ruin’s topical description. The detail contributes to the work’s hermeneutic, but it also works as a narrative matrix. Beyond the gap between the sentiments and registers of two prosimetric forms, the detail shares the signification (senefiance) of a work where the possibilities of multiple readings abound.
Madeleine Jeay, « Les muances du noir. Les inflexions d’un détail dans le récit médiéval »
Madeleine Jeay est professeur émérite à l’université McMaster au Canada, spécialiste de littérature médiévale. Son livre Poétique de la nomination dans la lyrique médiévale (Paris, 2015) s’intéresse à la façon dont le poète est représenté dans les textes et s’inscrit dans la continuité du Commerce des mots (Genève, 2006) qui porte sur la pratique de la liste dans les œuvres littéraires du xiie au xvie siècle.
L’article porte sur la couleur noire et la façon dont elle participe à l’élaboration de l’œuvre. Il s’intéresse aux variations du sens qu’elle prend en fonction des configurations dans lesquelles elle se manifeste, notamment dans le couple qu’elle forme avec le blanc. Généralement considérée comme négative, elle peut s’inverser en signe positif et le blanc prendre une valeur négative. Le jeu avec les autres détails auxquels le noir est corrélé met en œuvres ces bifurcations du sens.
This article looks at the color black and the way it takes part in the shaping of the work. It considers the variations of meaning the color takes on according to the configurations in which it is embodied, especially when paired with white. Generally considered negative, it can convert to a positive sign, while white takes on a negative value. The interplay between black and other details with which it is correlated sets in motion these bifurcations of meaning.
Delphine Burghgraeve, « De l’accident poétique à l’essence allégorique. Le détail gothique dans les portraits de Pasiphaé. De l’Ovide moralisé à la Bouquechardière de Jean de Courcy »
Delphine Burghgraeve consacre ses recherches à la Bouquechardière de Jean de Courcy dans le cadre d’une thèse de doctorat. Elle s’intéresse à la communication littéraire entre l’auteur et le lecteur, leur mise en scène respective, la réception empirique de ce texte. Elle a publié un article sur l’ethos de Laurent de Premierfait, dans la revue Co(n)textes, ainsi qu’un article sur le lecteur-herméneute sur Fabula.
Cet article étudie la valeur accordée à la description physique et morale de Pasiphaé dans deux textes de la fin du Moyen Âge, l’Ovide moralisé et la Bouquechardière de Courcy. L’utilisation du détail paraît aller à l’encontre de la rhétorique de la brièveté et de l’utilitas. Si le détail gothique est au centre d’une défense esthétique de la fable, la reprise des détails du portrait de Pasiphaé par Jean de Courcy permet d’observer le phénomène de microlecture et le changement axiologique opéré par cet herméneute.
This article examines the value given to the physical and moral description of Pasiphaé in two texts from the end of the Middle Ages, Ovide moralisé and Bouquechardière by Courcy. The use of detail seems to be at odds with the rhetoric of brevity and of utilitas. While the gothic detail is at the center of an esthetic defense of the fable, Jean de Courcy’s return to detail in the portrait of Pasiphaé allows us to observe the phenomenon of microlecture and the axiological shift brought about by this hermeneutic.
Jane H. Taylor, « The beauty of Absolom. Manipulation of detail and construction of meaning in two late-medieval mises en prose »
Jane H. M. Taylor est professeur émérite de français médiéval à Durham University. Elle travaille sur la littérature de la fin du Moyen Âge. Elle est l’auteur de The Making of Poetry (Turnhout, 2007) et de Rewriting Arthurian Romance in Renaissance France (Cambridge, 2014). Avec Roberta Krueger, elle a traduit La Sale, Jean de Saintré (Philadelphie, 2014).
Les mises en prose de la fin du Moyen Âge bénéficient désormais d’études portant sur les préoccupations esthétiques et idéologiques des prosateurs et de leurs patrons. On a surtout privilégié les transformations majeures qu’ont subies ces ouvrages : nouveaux épisodes, interpolations, ajouts, excisions. Isoler le menu détail de l’opération traductrice permet pourtant souvent de saisir au vol les transformations et de comprendre leur spécificité. Cet essai se penche sur deux mises en prose bourguignonnes.
The mises en prose of the later Middle Ages are at last being explored for what they tell us about the ideological and aesthetic preoccupations of prosateur and patron. To concentrate, however, as has been usual, only on larger transformations can mislead. The study of the detail of mise en prose – at the level of lexis and syntax – reveals conscious and careful textual manœuvres designed to fit the new version to the preconceptions or the preferences of a court. This essay addresses two Burgundian mises en prose.
Pascale Mounier, « L’essentiel et l’accessoire dans l’histoire d’Urbano du xve au xviiie siècle »
Pascale Mounier travaille sur le roman à la Renaissance. Elle a codirigé Le Roman français au xvie siècle (Strasbourg, 2005) et publié Le Roman humaniste : un genre novateur français (Paris, 2007). Elle examine les aspects matériels et stylistiques des éditions de traductions et de nouveaux romans avec les éditions critiques Urbain (Genève, 2013) et Philandre (Paris, 2015).
Urbano est un roman anonyme certainement rédigé à la fin du xive siècle. Il a connu des versions plus ou moins distinctes, en particulier une édition italienne de 1526, une traduction française dans les années 1530 et une adaptation anonyme en 1784. L’enquête sur la réception du texte gagne à être menée à partir de la question du détail : les éléments très secondaires sélectionnés dans l’histoire d’Urbano et la valeur qu’on leur affecte varient d’un écrivain-récepteur à l’autre.
Urbano is an anonymous novel that was undoubtedly written in the late fourteenth century. It has appeared in several more or less different versions, in particular an Italian edition in 1526, a French translation in the 1530s, and an anonymous adaptation in 1784. To find out how the text was received, it is most useful to examine the question of detail : the very minor elements selected in the story of Urbano and the value placed on them vary from one writer-receiver to another.
Peter Ainsworth, « Afterword »
Peter Ainsworth est professeur émérite à l’université de Sheffield. Il a enseigné dans les universités de Manchester, Liverpool, Ottawa et Stockholm. Il a publié de nombreux travaux sur Froissart, notamment les éditions des Chroniques, volumes 1 et 2 (Paris, 2001 et, 2004) et celle du Troisième Livre. MS 865 de la bibliothèque municipale de Besançon (Genève, 2007).
Cet article conclut cette partie en reconnaissant que le détail, dans les textes littéraires, se manifeste sous des formes multiples et variées. La richesse de ce chantier d’exploration et de découvertes, et la variété des fonctions littéraires et poétiques sont souvent et faussement marquées au sceau de l’hebdomadaire et de l’ordinaire.
This article concludes this part by acknowledging that, in literary texts, detail is manifested in multiple and varied forms. The wealth of this site of exploration and discovery, and the variety of literary and poetic functions are often, and falsely, stamped with the seal of the humdrum and the banal.
Max Lejbowicz, « Un neveu entre deux évêques »
Max Lejbowicz était ingénieur d’étude honoraire de l’université Paris-Sorbonne, chercheur associé à l’UMR 8163 « Savoirs, textes, langages ». Titulaire d’un doctorat portant sur l’acculturation des enseignants médiévaux (xe-xiiie siècles), il a publié de nombreux articles sur les savoirs médiévaux (comput, astrologie) ou figures de cette période (Adélard de Bath, Thierry de Chartres, Nicole Oresme).
Pour retracer les débuts du cheminement intellectuel d’Adélard de Bath, on peut s’appuyer sur les évêques dédicataires de ses premières œuvres, Guillaume de Syracuse pour le De eodem et diverso, et Richard de Douvres pour les Questiones naturales. Un troisième personnage, qu’Adélard présente comme son neveu, est son interlocuteur dans ces deux textes et dans le De avibus tractatus. L’enchaînement de ces trois traités se comprend comme les étapes d’une auto-éducation intellectuelle.
In tracing the beginnings of Adelard of Bath’s intellectual journey, it is useful to consider the bishops to whom he dedicated his first works : Guillaume de Syracuse in the case of De eodem et diverso, and Richard de Douvres in the case of Questiones naturales. A third individual, whom Adelard introduces as his nephew, is his interlocutor in these two texts and in De avibus tractatus. The sequence of these three treatises can be seen as the steps in an intellectual self-education.
Émilia Ndiaye, « Les poèmes de Philocosmie et de Philosophie dans le De eodem et diverso d’Adélard de Bath (II, 14 et 21). Étude comparée »
Émilia Ndiaye a été maître de conférences de latin à l’université d’Orléans, elle est membre associé au laboratoire « Pouvoirs, lettres et normes ». Après un doctorat sur les valeurs sémiques de barbarus (« l’étranger »), ses travaux portent sur la rhétorique des textes latins comme manifestation du pouvoir ou de résistance aux normes, lieux de diffusion et d’évolution des savoirs et des représentations.
Le De eodem et diverso met en scène deux allégories, Philocosmie et Philosophie, apparues à Adélard dans sa jeunesse. Cette vision s’inscrit dans la tradition du choix de vie à opérer au seuil de l’âge adulte, devenu un topos. L’intertextualité à l’œuvre dans les poèmes de chaque allégorie dépasse le modèle boécien du prosimetrum : l’étude comparée montre comment ils se répondent pour asseoir la victoire de Philosophie, mais une Philosophie annonciatrice des futures options scientifiques de l’auteur.
De eodem et diverso features two allegories, Philocosmia and Philosophia, who appeared to Adelard in his youth. This vision has a place in the tradition, which has become a topos, of the life choices to be made on the threshold of adulthood. The intertextuality at work in the poems of each allegory exceeds the Boethian model of prosimetrum: comparative study shows how they interact to establish the victory of Philosophia – a Philosophia who, however, announces the author’s future scientific options.
Max Lejbowicz, « Adélard citharède et la Reine musicophile »
Dans le De eodem et diverso, Adélard raconte que, scolarisé à Tours, il a joué de la cithare en présence d’une Reine : les historiens l’identifient soit à Mathilde d’Écosse, reine d’Angleterre, soit à Bertrade de Montfort, reine de France. En s’appuyant sur l’une des innovations monastiques qui ont marqué l’Europe grégorienne au tournant des xie et xiie siècles, on peut établir l’identité de cette reine, ce qui précise la chronologie du traité, et expliquer pourquoi l’auteur ne l’a pas nommée.
In De eodem et diverso, Adelard tells us that while at school in Tours he played the zither before a queen. Historians identify her as either Matilda of Scotland, queen of England, or Bertrade de Montfort, queen of France. Drawing on one of the monastic innovations that marked Gregorian Europe at the turn of the eleventh and twelfth centuries, it is possible to establish the queen’s identity, which clarifies the treatise’s chronology and explains why the author did not name her.
Patrick Gilli, « La méthodologie historiographique des humanistes italiens du xve siècle. À la recherche du paradigme perdu »
Patrick Gilli est professeur d’histoire médiévale à l’université Paul-Valéry – Montpellier III. Il s’occupe d’histoire culturelle et politique à la fin du Moyen Âge, particulièrement en Italie. Son dernier ouvrage s’intitule La Pathologie du pouvoir. Vices, crimes et délits des gouvernants (Leyde, 2015). Actuellement, il s’intéresse aux techniques de la diplomatie tardo-médiévale.
L’article examine les discours théoriques qui fondent l’ars historica du Quattrocento et les confronte à quelques productions historiques pour mesurer les effets d’un double phénomène : l’intégration de connaissances issues des traductions des historiens grecs d’une part et la rhétorisation poussée de la narration historique d’autre part. S’y révèlent les contradictions d’une historiographie en mal de légitimité théorique et académique.
The article examines the theoretical discourses that underlie the ars historica of the Quattrocento and juxtaposes them with certain historical productions in order to measure the effects of a dual phenomenon : the integration of knowledge gained from translations of Greek historians on the one hand, and the increased rhetoricization of historical narration on the other. The contradictions inherent in a historiography lacking theoretical and academic legitimacy are thus revealed.