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Classiques Garnier

Les poèmes de Philocosmie et de Philosophie dans le De eodem et diverso d’Adélard de Bath (II, 14 et 21) Étude ­comparée

  • Type de publication : Article de revue
  • Revue : Cahiers de recherches médiévales et humanistes / Journal of Medieval and Humanistic Studies
    2016 – 1, n° 31
    . varia
  • Auteur : Ndiaye (Émilia)
  • Résumé : Le De eodem et diverso met en scène deux allégories, Philocosmie et Philosophie, apparues à Adélard dans sa jeunesse. Cette vision s’inscrit dans la tradition du choix de vie à opérer au seuil de l’âge adulte, devenu un topos. L’intertextualité à l’œuvre dans les poèmes de chaque allégorie dépasse le modèle boécien du prosimetrum : l’étude comparée montre comment ils se répondent pour asseoir la victoire de Philosophie, mais une Philosophie annonciatrice des futures options scientifiques de l’auteur.
  • Pages : 307 à 327
  • Revue : Cahiers de recherches médiévales et humanistes - Journal of Medieval and Humanistic Studies
  • Thème CLIL : 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
  • EAN : 9782406060673
  • ISBN : 978-2-406-06067-3
  • ISSN : 2273-0893
  • DOI : 10.15122/isbn.978-2-406-06067-3.p.0307
  • Éditeur : Classiques Garnier
  • Mise en ligne : 25/07/2016
  • Périodicité : Semestrielle
  • Langue : Français
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Les poèmes de Philocosmie
et de Philosophie
Dans le De eodem et diverso
dAdélard de Bath (II, 14 et 21)

Étude comparée

Le traité De eodem et diverso dAdélard de Bath comporte deux « insertions lyriques1 » placées dans la bouche des deux allégories mises en scène dans louvrage, Philocosmie et Philosophie : elles confèrent une dimension littéraire à cet ouvrage « dont lintention est purement philosophique2 ». Ces poèmes ont fait lobjet danalyses, de la part de Jean Jolivet3 et, plus récemment, dArmando Bisanti4, mais nont pas été réellement comparés entre eux. À loccasion de la traduction de cet ouvrage que nous avons entreprise5, Max Lejbowicz, Christiane Dussourt6 et moi-même, nous nous sommes à notre tour penchés sur ces

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deux textes, avec pour objectif de les étudier dans leur rapport plutôt que chacun pris isolément. Après avoir situé le propos de lauteur dans la présentation de ces deux figures allégoriques, nous examinerons les échos et les oppositions qui surgissent entre les deux textes, avec comme axe détude le fait que le poème de Philosophie est une réponse à celui de Philocosmie.

Le De eodem et diverso (DEED), que nous traduisons par LUn et le Divers7, est une œuvre de jeunesse dAdélard de Bath (v. 1080 – ap. 1150) : il a probablement été composé vers la fin de 1110, après un voyage détudes qui la conduit de Tours en Italie du Sud8. Lécrit a une fonction didactique puisquil est destiné à son neveu9 quil cherche à convaincre du bien-fondé de son périple, tout en souhaitant lui communiquer sa passion de létude10.

Louvrage souvre sur le récit dune apparition11 par laquelle le jeune12 Adélard a été « rempli détonnement (ammiratus) » et même « terrifié (perterritus) » (II, 4-5) : environ dix-huit mois plus tôt, sur les rives de la Loire, une nuit, deux créatures surnaturelles, Philocosmie et Philosophie13,

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accompagnées de leurs suivantes, se sont disputé son ralliement. La première, qui représente le Divers du titre14, vantait les satisfactions mondaines en dénigrant les philosophes ; la seconde, allégorie de lUn, lui répliquait par léloge des joies de létude, en particulier celle des sept arts libéraux. Si cet épisode traduit sans doute les incertitudes qui habitent Adélard à ce moment-là de sa vie15, il sinscrit également dans la tradition littéraire des multiples évocations du choix que doit faire un jeune au seuil de lâge adulte, tel Héraclès au carrefour dans lapologue de Prodicos16 – nous y reviendrons. Adélard, comme les autres figures de cette tradition, a opté pour les activités prônées par Philosophie et cherche maintenant, par cet exposé, à convaincre à son tour son neveu.

Cette vision est empruntée explicitement à la Consolation de Philosophie de Boèce17 : elle est loccasion pour lauteur de sinspirer également de la pratique du prosimètre à « vocation philosophique et morale18 » – dont louvrage de Boèce est aussi le modèle – puisque chacune des allégories ponctue son intervention dun poème19. Contrairement à ce qui se passe dans la Consolation où les poèmes alternent systématiquement

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avec les passages en prose et ont des mètres variés20, Adélard ne se sert de ce procédé que ponctuellement21, ce qui donne aux deux poèmes, tous deux en distiques élégiaques, un relief particulier. Il accentue également, par rapport à son prédécesseur, la dimension spectaculaire et quasi théâtrale22 de lapparition en multipliant les personnages : face à Philosophie, la seule qui soit présente chez Boèce – même si, dans une prosopopée, elle fait parler Fortune –, se trouve Philocosmie qui est une figure de son invention ; en outre les suivantes de chacune, bien que simples figurantes muettes, sont présentes en nombre puisquil y en a douze au total.

Les deux figures allégoriques
de Philocosmie et de Philosophie

Philocosmie, après sen être prise aux philosophes quelle accuse de se payer de mots et de se contredire entre eux (II, 9-13), vante les attraits de chacune des cinq jeunes femmes qui laccompagnent : Richesse (II, 7-9), Puissance (II, 15), Dignité (II, 16), Renommée (II, 17-18) et Volupté (II, 19). Sen suit une assez longue réponse de Philosophie (II, 21-37), qui réfute point par point les arguments de Philocosmie. Cette partie du texte sachève sur la prise de parole du jeune Adélard, dans une mise en abyme23 (II, 38-44) : il démontre ainsi sa capacité à assimiler les enseignements quil a reçus de Philosophie en même temps que ses compétences rhétoriques. Sous les coups de son attaque Philocosmie et

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ses suivantes se retirent, toutes penaudes24. Philosophie, comme récompense à son soutien, présente alors à Adélard ses suivantes à elle, personnifications de chacun des arts du septénaire libéral : successivement le trivium, Grammaire (II, 46-49), Rhétorique (II, 50-56), Dialectique (II, 57-61), puis le quadrivium, Arithmétique (II, 62-68), Musique (II, 69-77), Géométrie (II, 78-87), Astronomie (II, 88-89)25 – ce qui constitue la seconde partie de louvrage.

Nous le disions, cette situation qui met face à face deux allégories26 sinscrit dans une tradition bien établie depuis lAntiquité, celle dun choix à faire au carrefour de deux voies. Lapologue de Prodicos, avec la personnification des chemins en deux jeunes femmes, en est la version la plus commune : lorigine de ce « célèbre récit moralisateur27 » remonte à Hésiode28. Ce dernier présente à son frère Persès le sentier « long, ardu, escarpé, difficile » qui sélève vers la vertu (arétè), face à la route « plane », qui « loge tout près de nous » et nous permet d« obtenir facilement le vice (kakotès29) ». Le récit quà partir des vers dHésiode le sophiste Prodicos a mis en forme30 est rapporté par Xénophon (Mémorables, 2, 1, 21-34), dans la bouche de Socrate qui cherche à détourner Aristippe de lhédonisme31. À Héraclès qui, entrant dans ladolescence, « sortit pour sasseoir à lécart, se demandant avec embarras lequel des deux

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chemins il était pour emprunter32 », apparaissent33 « deux grandes femmes ». Chacune sadresse au jeune homme et le discours de la première, appelée par les uns Bonheur (Eudaimonia), par ses ennemis Vice (Kakia34), vante les plaisirs dune vie facile : ce discours soppose en tous points à celui de la seconde, dénommée Vertu (Arétè), qui lui présente les devoirs dune existence qui lélèvera à la condition héroïque et lui assurera limmortalité. Cette version est devenue un topos, comme le montre très précisément Bruno Rochette35.

Au cours de la très large diffusion de cette fable36, on assiste au « rechargement latin du potentiel de lapologue grec37 », en particulier dans les Punica de Silius Italicus, 15, 18-130. Après la mort de son père et de son oncle au cours de la deuxième guerre punique, le jeune Scipion38 hésite à prendre la relève : alors que, retiré « au fond de sa

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demeure39 » à lombre dun laurier verdoyant il se débat dans ses pensées, lui apparaissent tout à coup, à sa gauche et à sa droite40, sétant « laissé glisser par les airs », Vertu et son ennemie Volupté, visions dune taille plus grande que les mortels. Les deux figures parlent au jeune homme : il « senchante aux exemples proposés » par Vertu qui le gagne à sa cause (« convertit iuvenem ») : il conçoit en son cœur de grands desseins « et senflamme damour pour ces vertus quon lui prescrit (iussaeque calet virtutis amore)41 ».

Si Adélard présente sa vision à lui comme autobiographique, rejoignant sur ce point celle de Boèce, le jeu dune riche intertextualité avec ces textes littéraires de lAntiquité gréco-latine paraît manifeste42. Les frontières entre réalité et fiction littéraire, entre personnages mythologiques et figures historiques, entre poème épique et texte didactique, historique ou philosophique ne sont pas étanches et des chevauchements se produisent. On pourrait même déceler dans la mise en scène dAdélard les échos dun autre apologue, la fable de Philocalie et de Philosophie, esquissée par Augustin dans Contre les Académiciens, 2, 3, 7. Réunis à Cassiciacum, à la campagne43, Augustin et ses deux jeunes disciples44 commencent par définir en quoi consiste

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la vie heureuse et la sagesse humaine ; une fois admis que celle-ci consiste en une recherche de la vérité, doù résulte, avec la sérénité de lâme, la vie heureuse (1, 9, 24), la troisième journée commence par une exhortation dAugustin à Romanianus45 : « aborde avec moi la philosophie » (2, 2, 3). Rappelant à ce dernier le rôle crucial quil a joué dans sa formation, Augustin fait état de la révélation que fut la lecture de Paul :

le visage de la philosophie se découvrit à moi46 avec une telle grandeur (tanta se mihi philosophiae facies aperuit) que, si javais pu la faire voir [] à ton adversaire lui-même47 [], je me demande si rejetant et abandonnant thermes, vergers agréables, festins délicats et raffinés, histrions domestiques, bref tout ce qui le pousse énergiquement vers toutes les jouissances (delicias), il neût pas accouru comme un amant chaste [] vers cette beauté (ad eius pulchritudinem blandus amator). (2, 2, 6)

Sen suit une évocation du « germe de beauté (decoris quasi sementem) sefforçant déclater en vraie beauté (in veram pulchritudinem nitens) » : ce germe est caché chez cet homme parmi « la fange des vices et parmi les épines des opinions fausses (inter scabra vitiorum, et inter opinionum fallacium dumeta) », il explique « ce raffinement suprême en toutes choses (mundissima facies rerum omnium), et partout cette politesse (urbanitas) à la grâce discrète qui recouvre tout48 ». Et Augustin de se qualifier iro

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niquement dÉsope49 en évoquant lallégorie de Philocalie, « lamour de la beauté (amor pulchritudinis) », sœur de Philosophie, toutes deux nées du même père : mais la première est « rabattue loin de son ciel par le gluau de la sensualité et enfermée dans la cage du commun (visco libidinis detracta caelo suo, et inclusa cavea50 populari) », « sans plumes, souillée, nécessiteuse (sine pennis sordidatam et egentem) », alors que Philosophie vole librement.

Cet adversaire, « sil pouvait contempler avec des yeux guéris et sans taie la vraie beauté (veram pulchritudinem), alors quil est épris de la fausse (cuius falsae amator est), avec quel plaisir il se tapirait dans le sein de la philosophie ! ». Lopposition entre les deux « amours » de ces figures est nette : lune aime la fausse beauté du monde51, monde de plaisirs dans lequel elle est engluée, lautre aime la sagesse, capable quelle est de senvoler, libre, vers les hauteurs pour voir la vraie beauté. Le fait quAugustin, dans ses Rétractations, I, 1, 3, qualifie ce « semblant de fable (quasi fabula) » de « ridicule et extravagante (inepta et insulsa)52 », accentue lopposition entre les deux figures. Il conteste la sororité entre Philocalie et Philosophie quil avait indiquée précédemment : ou bien cétait une plaisanterie (« in nugis »), ou bien elles sont identiques (et non pas sœurs) et se trouvent toutes deux dans les choses immatérielles et élevées, car le seul vrai et parfait amour de la beauté est celui quon éprouve pour la beauté de la sagesse53. Plutôt que de faire ainsi disparaître cette parente, Adélard pourrait lavoir renouvelée, en donnant à Philosophie non plus une sœur mais une cousine, Philocosmie.

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La vision relatée par Adélard est donc le fruit dune intertextualité assez remarquable. Lauteur reprend une des figures classiques, Philosophie, dans la plus pure tradition qui en fait un synonyme de Vertu et de Bonheur54, mais lui adjoint une compagne de son invention, Philocosmie, « Amour-du-monde ». Son nom semble calqué sur celui de Philocalie, composé déléments grecs parallèles à ceux de Philosophie. Cosmos nest, en grec classique, pas plus péjoratif que ne lest kallia, mais ici nous sommes du côté du grec patristique et le mot « monde » a « son sens néotestamentaire55 » : cest dans leur opposition avec sophia que les deux mots acquièrent une connotation dévalorisante. Et les caractéristiques de Philocosmie, comme de ses suivantes, rejoignent certains des traits prêtés aux allégories du Vice, à Fortune ou à Philocalie (bien que cette dernière soit à peine esquissée par Augustin) : séductions56 des sens et plaisirs du monde terrestre par opposition à lélévation de lesprit empenné vers les régions éthérées.

Les poèmes de Philocosmie et de Philosophie

Venons-en aux deux poèmes.

Le premier est celui de Philocosmie (PhC, II, 14), qui le profère après sa présentation de Richesse. Comme chez Boèce il se situe à la suite dun développement en prose, mais non pas comme on pourrait sy attendre à la fin de léloge des suivantes. Une seule dentre les cinq a été présentée et Adélard ne propose pas non plus une reformulation de cet éloge sous forme métrique. Le poème reprend plutôt laccusation qui vient dêtre portée contre les philosophes, dans une sorte de digression par rapport à la présentation annoncée des jeunes filles (II, 7) – accusation qui visait

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les Platons et Aristotes de tout acabit, réduits à létat de mendiants, aveugles face à la réalité du monde et se contredisant les uns les autres (II, 9-13)57. PhC lance, sous forme dinvective, une malédiction contre « le premier » dentre eux :

Qui primum dignam docuit vanescere mentem,

Ut rerum falsis credat imaginibus,

Dum quicquid toto iunxit natura favore,

Disiungit, ceci capta furore ducis,

Hec quoque que cernis, cum sint diversa creata,

Contexens, unam colligat in speciem

– Hic, inquam, procul elisus pellatur ab oris,

Atque suos secum sub loca ceca trahat,

In tenebris tenebrosa docens tenebrosus Appollo,

Fictilibus verbis detineat socios,

Nec cuiquam credat, nec ei credatur ab ullo,

Dum verbis rerum tollit ab orbe decus.

« Celui qui, le premier, enseigna

À lesprit plein de dignité à sabîmer dans lillusion

Pour croire à des images fausses des choses,

Prisonnier de la folie dun guide aveugle,

Disjoignant58 tout ce que la nature avec satisfaction a joint,

Puis reliant pour les recomposer

En une seule et unique espèce

Les éléments de la création quon voit distincts,

Puisquils le furent à lorigine,

– Cet homme, dis-je, quon le chasse loin de nos rivages,

Quil entraîne ses disciples avec lui vers les régions obscures,

QuApollon ténébreux, enseignant

Dans les ténèbres de ténébreuses doctrines,

Il retienne ses compagnons de ses paroles chimériques59,

Quil ne croie personne, et que personne ne le croie,

Puisque, par ses paroles, il prive le monde

De la beauté des choses60. »

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Le poème, « dune grande densité conceptuelle61 », est très nettement structuré en deux parties égales : les trois premiers distiques sont la reprise des accusations précédemment formulées en prose ; les trois derniers contiennent une malédiction proférée avec virulence contre cet « Apollon ténébreux ». Si le seul manuscrit que nous ayons du DEED62 porte en marginalia du premier vers la mention « Pitagoras », nous rejoignons Armando Bisanti63 qui considère ce personnage comme générique de tout adepte de Philosophie. En ouverture, dans une inversion ironique constitutive du blâme, Philocosmie reprend ladjectif récurrent dans les éloges que fait Lucrèce dÉpicure, « le premier (primus, princeps) » à avoir ouvert les portes des choses de la nature64. Lassimilation opérée par le poète du philosophe épicurien à un dieu65 chassant les ténèbres et apportant la lumière aux hommes, pourrait expliquer la mention dApollon quelques vers plus loin : assimilation également dans un schéma inversé mis en évidence par loxymore, puisque lépithète qui qualifie le dieu est antinomique de celles qui le caractérisent habituellement comme divinité de la lumière66. Dominent ici les lexiques imbriqués de lobscurité (v. 9) et de lillusion (v. 1, 10) qui conduisent à laveuglement (v. 4, 8). Pour Philocosmie, ce sont les paroles mensongères du philosophe (que ce soit Pythagore ou dautres) qui obscurcissent la beauté67 du monde.

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Une fois terminée la présentation par Philocosmie de ses autres suivantes, Philosophie (PhS) lui répond, mais dans un ordre plus logique en reprenant chaque point avant de présenter ses suivantes à elle (II, 21). Elle réfute longuement lattaque contre les philosophes (II, 22-36) : absence de contradiction entre la démarche de Platon et celle dAristote, incapacité des sens à donner une vision juste du réel, éloge de la raison, seul guide sûr – puis complète sa réponse à son tour par un poème (II, 37) :

Quisquis dissimulans oculi lumen melioris,

His que non sentit nescit habere fidem,

Qua precellebat rationis luce relictus,

Det sua fortune colla premenda iugo.

Possideat dum possessis numquam potiatur,

Non alii largus, non sibi proficuus.

Ignoret pariter causas et semina rerum,

Seque simul blandi captus amore mali.

Visibus ignoret nostris cur sidera quedam

Invideant, visus cetera non fugiant,

Cur tellus medium teneat, dum nescia tantis

Rerum ponderibus cedere, pressa iacet,

Ver, autumnus, hiemps, cur pingat, compleat, artet,

Prata, domos, latices, gramine, farre, gelu.

Lumine privatus pro veris falsa requirat,

Dum rerum causas disputat esse – nichil.

« Celui qui, négligeant la lumière dune meilleure vue,

Ne sait faire confiance à ce quil ne perçoit,

De la lumière de la raison en laquelle il excellait

Sil est abandonné,

Au joug pesant de la fortune quil livre son collier68.

Il peut bien posséder, de ses possessions

Il ne sera jamais maître69,

Sans largesses pour autrui, sans profit pour lui-même.

Quil soit ignorant et des causes et des suites des choses,

Et de lui-même en même temps,

Prisonnier de lamour pour un mal séduisant.

Quil ignore pourquoi de nos yeux certains astres

Sécartent

Quand les autres recherchent nos yeux,

Pourquoi la terre occupe le centre,

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Refusant de céder sous le poids de tant de choses,

Sous leur pression demeurant stable70,

Pourquoi le printemps, lautomne, lhiver, peint, emplit, étreint

Dherbe, de blé, de gelées, les prés, les demeures, les eaux.

Que de lumière privé71, au lieu du vrai

À la recherche du faux il parte,

Puisquil soutient que les causes des choses sont

– Néant72 ».

Nous lavons dit, ce poème est une réponse à celui de Philocosmie et cest là-dessus que nous aimerions insister73 : or que constatons-nous ?

Composés de six distiques pour celui de Philocosmie, huit pour celui de Philosophie, ces poèmes sont de la poésie métrique, dans la pure tradition de la poésie antique74. Ils sont construits de manière analogue mais inattendue eu égard aux règles de composition du distique élégiaque, aussi bien en poésie latine classique quà lépoque dAdélard75 : les phrases sont de longues périodes qui enchaînent les distiques les uns aux autres au lieu que chacun deux soit autonome. Cet enchaînement est surtout net dans le texte de PhC qui ne comporte quune seule phrase, relancée en son milieu, après une série de subordonnées qui crée un effet de retardement, par la reprise en parataxe du sujet : « Hic, inquam » (PhC, v. 7). PhS se conforme davantage aux usages, puisque le texte est divisé en plusieurs

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phrases, les distiques v. 5-6 et 6-7 formant des unités autonomes76. Le poème comporte deux distiques supplémentaires, ce qui équivaut à un tiers de plus – cest beaucoup –, tout comme la réfutation en prose des critiques de PhC était plus longue (II, 22-36), surtout si on y ajoute lintervention du jeune Adélard qui va dans le même sens. Adélard privilégie donc les arguments de Philosophie, en leur donnant plus de poids : il les rend également plus convaincants dun autre point de vue.

PhC accuse les philosophes de priver le monde de sa beauté mais elle ne dit pas un mot de cette beauté, au contraire de PhS. Celle-ci donne une vision grandiose de lunivers, qui se déploie de la terre au ciel (v. 9-14), alors que PhC limite lespace à des « rivages » (v. 6) ou de vagues « lieux » sans doute souterrains (v. 7) ; cest encore elle qui brosse un tableau bucolique des saisons qui, pour rapide et banal quil soit77, donne consistance au paysage valorisé par la figure des membres rapportés (rapportatio, v. 13-14)78. Son évocation révèle une conception anthropocentrique du monde, puisque les astres se situent par rapport aux regards humains (v. 9-10), qui donne toute sa place à lhomme : il est présenté comme soccupant des autres autant que de lui-même (v. 6), alors que pour PhC les seuls rapports humains évoqués sont plus distants, concernant la crédibilité (v. 11).

La prosodie confirme la dévalorisation du discours de PhC.

Le schéma rythmique79 dabord :

(PhC) SSDD / SS / SSSS / SS / DSSS / SS / SSDS / DS / DDDD / DS / DSDS / SS

(PhS) SDDS / SS / SSDS / DS / DSSS / DS / SDSS / DS / DSSS / DS / SDDS / SD / SDSS / DD / DSSS / SS80.

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La proportion de spondées nest que très légèrement plus forte dans le poème de PhC (ratio de 2 contre 1,9 pour PhS) mais leur répartition est significative. Sur un total de 12 vers, huit, dont les quatre premiers, commencent par des spondées, et même par deux spondées, contre quatre par des dactyles ; alors que dans le texte de PhS, nous avons égalité entre les 8 vers à initiale spondaïque (dont seulement trois avec deux spondées) qui sont répartis dans lensemble des 16 vers, et les 8 dactyliques. Le rythme ainsi plus pompeux de PhC – que confirme le vers 3, le seul à comporter quatre spondées – reflète sa prétention à pontifier sur un sujet que, de fait, elle ne domine pas, celui de la pensée philosophique. Laccélération que lon constate aux vers 8, 9, 10, où les dactyles lemportent (le vers 9 est même entièrement dactylique hormis le spondée final qui fait ressortir « Appollo81 »), coïncide avec lacmé de son imprécation et correspond à son emportement, dominée quelle est par ses sentiments. En revanche, si la réponse de PhS débute également par des spondées à linitiale des trois premiers vers, sans doute par mimétisme ironique, elle prend tout de suite un rythme plus équilibré dans lensemble du texte : cela révèle une meilleure maîtrise de la pensée chez qui a pour guide la raison au lieu des sens. De même, la raison permet une virtuosité technique plus grande : PhC se limite à deux schémas dans les pentamètres (SS et DS), mais les quatre schémas possibles (SS, DS, SD, DD) sont présents chez PhS82.

Les effets de sonorités ensuite : la cacophonie provoquée par lannominatio au v. 5, « hec quoque que83 », et renforcée par lallitération en [k], qui court des vers 4 à 7, rend les propos de PhC désagréables à loreille, que limpression soit celle de bégaiement ou de hoquets colériques. Dans le même passage se trouve une rime, dun hexamètre

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à lautre, entre « Appollo » et « ab ullo » : proche du jeu de mots, cette rime rend grotesque laccusation de PhC84 et la ridiculise.

Le poème de PhC est « perfettamente speculare » comme le dit Armando Bisanti85. Dune part si on le compare au poème de Boèce, Cons., I, m. 286 : « lo scrittore inglese abbia, per così dire, “rovesciato” il tono e anche limpostazione del modello boeziano87 ». Mais lincapacité de Boèce à philosopher résulte de sa situation de prisonnier88, alors que lignorance de qui suit PhC na pas dexcuse conjoncturelle – ignorance dont le champ lexical est fourni (v. 1, 2, 3, 7, 9 et 15) et que soulignent les négations qui ponctuent le poème (v. 2, 5, 6, 16). On nest plus du tout dans le registre de la consolation. Cette symétrie se retrouve dautre part si on met en parallèle les deux poèmes du DEED : cest par une invective que PhS répond à une invective. Dans les deux cas laccusation vise un homme « prisonnier » : PhC parle de « [mens] capta » (v. 4), PhS sadresse à « [quisquis] captus » (v. 8) – bien que lemprisonnement ne soit pas le même, ni non plus de même nature que celui du prisonnier boécien.

Enfin, le poème de PhS reprend la même structure en deux parties que celui de PhC mais de manière plus subtile. Linvective contre ladepte de PhC est présente dès le début du poème et comporte deux temps : jusquau vers 8 des menaces, puis insistance sur son ignorance du pourquoi des choses. Par la reprise dune structure similaire, linversion totale du raisonnement apparaît clairement. La dénonciation que fait PhC de la philosophie comme « illusion » et « ténèbres », est ici dénoncée à son tour : il sagit bien de « vérité » et de « lumière ». Au lexique de lobscurité et de laveuglement (PhC, v. 4, 8, 9) soppose celui de la lumière (PhS, v. 1, 3, 15), des yeux et de la vue (v. 1, 9, 10), de la raison (v. 2) ; à celui de lillusion (PhC, v. 2, 10), celui de la vérité (PhS, v. 15).

Mais Philosophie ne se contente pas de le dire, elle en donne la clé : la vérité se trouve dans les causes des choses qui expliquent la beauté du monde.

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Plusieurs indices stylistiques vont dans ce sens. Dans chaque poème un vers comporte des césures inattendues, ce qui est une façon dattirer lattention sur les vers en question. Pour PhC, il sagit du vers 9 (déjà remarqué, voir supra) :

Īn těně/brīs ׀ těně/brōsǎ ‖ dǒ/cēns ׀ těně/brōsǔs Ǎ/ppōllō.

La césure trochaïque, qui sajoute aux deux autres, fait ressortir lobscurité du philosophe, obscurité déjà soulignée par le polyptote de « tenebrosus » : ce qui fait dire à Jean Jolivet que « les ténèbres sépaississent triplement sur un même vers89 ».

Cest labsence de césure penthémimère dans le vers 5 du poème de PhS qui le distingue :

Pōssǐdě/āt ׀ dūm / pōssēs/sīs ‖ nūm/quām pǒtǐ/ātǔr.

Les seules césures trihémimère et hepthémimère isolent le groupe « dum possessis », et, faisant ainsi ressortir le « numquam », le vers souligne lillusion de posséder ces biens matériels – on relèvera quil comporte également un polyptote, « possideat », « possessis90 ».

On le voit, dans lun et lautre cas, le vers reprend la principale accusation : laveuglement des philosophes pour lune, lillusion de richesse pour lautre. Mais cest le dernier vers de son poème qui révèle la force de la réponse de Philosophie. Il est calqué entièrement sur le dernier de Philocosmie, dans sa structure et sa scansion :

(PhC, v. 12) Dūm vēr/bīs | rē/rūm /ǁ tōllǐt ǎb / ōrbě dě/cǔs. (SSDD)

(PhS, v. 16) Dūm rē/rūm | caū/sās /ǁ dīspǔtt /ēssě – nǐ/chǐl. (SSDD)

Ce vers est la réfutation directe de celui de PhC, il condense la thèse de PhS91. La réfutation dans le vers précédent, « pro veris falsa », était la réponse au deuxième vers de PhC, « rerum falsis imaginibus92 » :

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à lillusion dénoncée par PhC, répondent la dénonciation de son erreur et la recherche de la vérité à la place de lignorance. La conclusion du poème amplifie le raisonnement : la « beauté des choses (rerum) decus », selon PhC93, nest « rien (nichil) », les deux mots situés en fin de vers se font écho. Et le chiasme que le rapprochement des deux vers fait surgir, « verbis rerum » / « rerum causas », souligne lécart entre les « mots (verbis) » et les « causes (causas) », ces dernières prenant la place des premiers : les mots sur les choses nont pas de valeur si on ne sintéresse pas aux causes de ces mêmes choses. Notons que la iunctura « rerum causas » était déjà présente au v. 7, au milieu du poème de PhS, avec le mot causas encadré par les césures.

Et cest bien là le cœur du sujet : Adélard sintéresse davantage aux choses quaux mots, pour lui les mots sont en quelque sorte au service des choses94. Il donne raison à Philocosmie sur un point : les discours peuvent en effet être du verbiage, donner lillusion dun savoir et masquer la beauté des choses, si on sen contente, si on ne cherche pas la vérité dans les causes des choses. La fin du DEED (II, 90-92) donne lavant-goût des conséquences de cette position : comme le suggère la mise en abyme de sa propre parole, Adélard prend ses distances avec sa jeunesse et présente lenseignement des arts libéraux comme une étape préalable vers dautres formes denseignement, de méthodes et de contenus95. Sa position sera développée quelque dix ans plus tard dans ses Questiones naturales, dont le sous-titre est précisément De causis rerum, donnant ainsi un prolongement nouveau à lenseignement du septénaire96.

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Conclusion

Dans le De eodem et diverso, lutilisation du prosimètre « allégorico-didactique », selon la formule de Nathalie Dauvois97, pour ponctuelle quelle soit, nest pas simplement divertissante. Amplificatio98 de ce quAdélard dit en prose, les deux poèmes proférés par Philocosmie et Philosophie ont une portée qui dépasse la simple illustration de la polémique argumentative. Loin dopposer une prose du côté de la raison à une poésie du côté des passions, le prosimètre permet délargir la palette rhétorique de la persuasion, de jouer sur plusieurs registres, dont lémotion poétique et musicale mise ici au service dun « dialogue des points de vue99 », en un mot duser de toutes les potentialités du langage. Se plaçant dans la lignée de Boèce dont il revendique le modèle – nous avons signalé les nombreux échos entre les poèmes des deux textes –, Adélard accentue la dimension théâtrale et littéraire de son propre traité didactique. Le choix de donner une véritable interlocutrice à Philosophie permet à cette dernière de faire triompher son point de vue de manière plus spectaculaire, tout en élargissant la filiation littéraire et philosophique dans plusieurs directions. Peut-être pour contrer cette dispersion et pour se démarquer de la tradition, Adélard concentre la parole poétique dans deux poèmes uniquement, ce qui leur confère une valeur plus grande : on peut les considérer comme « les pierres angulaires de la démonstration densemble100 ». Preuve de la virtuosité rhétorique de leur auteur101, quand bien même on peut qualifier son style de « sovraccarico » (« surchargé »)102, ils sont ainsi également le vecteur de son idée maîtresse dans cette « vision

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inaugurale103 » : la seule beauté du monde qui soit la vraie est éclairée par la raison et elle nadvient que dans la recherche des causes des choses. Philocosmie pourrait en effet se revendiquer comme « le double de Philosophie104 » et être « Amour-du-monde », mais dans le sens d« amour des choses105 » et à condition den découvrir les causes.

Émilia Ndiaye

Université dOrléans

Polen (EA4710) – Cesfima

1 B. Ribémont, De Natura Rerum. Études sur les encyclopédies médiévales, Orléans, Paradigme, 1995, p. 91-92, les qualifie ainsi, à propos de leur présence dans cet « ouvrage à portée scientifique ».

2 J. Jolivet, « Religions et philosophies dans le christianisme et lislam au Moyen Âge », Annuaire de lÉcole pratique des hautes études, Section des sciences religieuses, 86, 1977-1978, p. 373-386 (consultable sur le site persee.fr), ici p. 379.

3 J. Jolivet, « Adélard et lamour des choses », Métaphysique, histoire de la philosophie : recueil détudes offert à Fernand Bru, éd. D. Christoff, G. Boss, S. Breton, Neuchâtel, La Baconnière, 1981, p. 77-84 (repris dans J. Jolivet, Philosophie médiévale latine, Paris, Vrin, 1995, p. 247-254 – nous renvoyons infra à la pagination de 1981).

4 « Inserti metrici nel De eodem et diverso di Adelardo di Bath », Mediaeval Sophia, Studi e richerche sui saper medievali, E-review semestrale dellOfficia di Studi Medievali, 7, gennaio-giugno 2010, p. 5-32 (consultable sur le site mediaesophia.net). Cet article est très largement, mais pas entièrement, repris dans lédition italienne, Adelardo di Bath, Lidentico e il diverso, De eodem et diverso, éd. A. Bisanti, P. Palmeri, Palerme, Officina di Studi Medievale, 2014 (consultable sur le site academia.edu) : nous privilégions les références à larticle.

5 Adélard de Bath, LUn et le Divers, Questions sur la nature (Les causes des choses), complété par Comme latteste Ergaphalau, éd. C. Burnett, trad. et com. M. Lejbowicz, E. Ndiaye, C. Dussourt, Paris, Les Belles Lettres, 2015.

6 Je les remercie tous deux vivement pour leur relecture active et les compléments quils ont apportés à ces analyses.

7 Voir LUn et le Divers, « La signification des titres », p. xxxi-xxxvii.

8 Voir LUn et le Divers, Introduction, p. xiii-xxi.

9 On ne peut déterminer avec certitude si ce neveu est réel ou fictif : voir ici même M. Lejbowicz, « Un neveu entre deux évêques ». Ce même neveu est présent dans les deux autres dialogues dAdélard, Questiones Naturales et De avibus tractatus, où il joue un rôle plus actif.

10 DEED, I, 1 : toutes les références suivantes à Adélard sont tirées de cet ouvrage, sauf mention contraire.

11 Il sagit dans cette vision comme dans les suivantes évoquées infra, dune apparition qui a lieu en état de veille, et non pas dun songe, même si « les données sont les mêmes : solitude, apparition-vision, dialogue avec une abstraction » : voir N. Dauvois, De la Satura à la Bergerie. Le prosimètre pastoral en France à la Renaissance et ses modèles, Paris, Champion, 1998, p. 43 (où elle cite le DEED), n. 3.

12 Adélard a une trentaine dannées : sa jeunesse sentend eu égard à son statut délève de Philosophie dune part, et au fait de se trouver à choisir sa vie dautre part. Nous distinguons ainsi également lAdélard mis en scène dans le traité (personnage) de lAdélard auteur du traité (narrateur).

13 Sur les origines de ces deux figures, voir Adelard of Bath, Conversations with his Nephew, On the Same and the Different, Questions on Natural Science, and On Birds, éd. C. Burnett, coll. I. Ronca, P. Montas España, B. Van den Abeele, Cambridge, Cambridge University Press, 2006, p. xx-xxi ; sur les influences explicites (Platon, Boèce) et les réminiscences antiques (Xénophon, Sénèque) ou bibliques (Proverbes), voir Jolivet, « Religions et philosophies », p. 380, et P. Courcelle, « Le personnage de Philosophie dans la littérature latine », Journal des savants, 4, 1970, p. 209-252 (consultable sur le site persee.fr), qui reprend les personnifications de Philosophie depuis lAntiquité grecque jusquà Boèce (par exemple avec ses suivantes chez Sénèque, p. 218 et p. 221, avec la raison pour guide chez Augustin, p. 229-230).

14 Voir LUn et le Divers, Introduction, p. xiv.

15 Voir Lidentico e il diverso, p. 21, où Bisanti souligne la dimension autobiographique du traité.

16 Voir Xen., Mem., 2, 1, 21-34, et n. ad loc., Xénophon, Mémorables, L. I-III, éd. M. Bandini, traduit et annoté par L.-A. Dorion, Paris, Les Belles Lettres, 2011.

17 DEED, II, 38 : « je garde à lesprit les arguments très pertinents que tu as développés récemment dans la consolation de ton ami », dit Adélard à Philosophie, la dette est claire. P. Courcelle, « Adélard de Bath et la Consolation de Boèce », Kyriakon. Festschrift Johannes Quasten, éd. P. Grandfield, J. A. Jungmann, Münster, Aschendorff, 1973, p. 572-575, relève en détail les nombreux échos textuels.

18 Dauvois, De la Satura, p. 20.

19 Voir E. R. Curtius, traduit de lallemand par J. Bréjoux, La Littérature européenne et le Moyen Âge latin, I, Paris, Pocket, 1986, p. 248-258, pour la définition du terme (« textes où la prose alterne avec les vers », p. 254) et la complexité du rapport prose/poésie ; également P. Dronke, Verse with Prose From Petronius to Dante. The Art and Scope of the Mixed Form, Cambridge / Londres, Havard University Press, 1994, p. 27-52 (DEED cité p. 46-47) ; Dauvois, De la Satura, p. 43-66, pour le lien entre prosimètre et allégorie et le développement de cette forme à partir de Martianus Capella et Boèce ; pour le prosimètre et la tradition classique et haut-médiévale, K. Hanson, P. Kiparsky, « The Nature of Verse and its Consequences for the Mixed Form », et J. Ziolkowski, « The Prosimetrum in the Classical Tradition », Prosimetrum : Cross-cultural Perspectives, éd. J. Harris, K. Riechl, Cambridge, Brewer, 1997, respectivement p. 17-43 et p. 45-65, avec mention de ces deux poèmes p. 54.

20 Sur le prosimètre avant Boèce, les influences dont ce dernier témoigne, et la manière dont il a renouvelé sa fonction, voir G. ODaly, The Poetry of Boethius, Londres, Duckworth, 1991, p. 15-23, et tout le chap. 2, p. 30-73 (en particulier p. 44-60) ; Dauvois, De la Satura, p. 46-57, pour son influence.

21 On pourrait parler de « prosimètre occasionnel », selon la définition de P. Zumthor, Le masque et la lumière. La poétique des grands rhétoriqueurs, Paris, Seuil, 1978, p. 242-243.

22 La présence de textes poétiques, liés à la profération, participe de cette théâtralisation : voir N. Dauvois, « Conclusion », Le prosimètre à la Renaissance, Cahiers V. L. Saulnier, 22, 2005, p. 155-161, ici p. 159, n. 19 (à propos du prosimètre de la Consolation).

23 La mise en abyme crée une distance entre lAdélard auteur du DEED et lAdélard étudiant, peut-être dans le souci de se démarquer du Boèce de la Consolation qui, lui, a encore besoin de laide de Philosophie, étant dans une situation autrement dramatique (voir également infra).

24 II, 45 : « interdite et prise dune sorte de honte, [elle] se voila le visage de son vêtement et se retira pas à pas, à reculons, avec ses suivantes » (« illa quodam pudore stupida, veste vultui preposita, simul cum suis paulatim retrograda cessit »).

25 Sur lordre des disciplines, voir LUn et le Divers, n. ad loc.

26 Ou, pour reprendre la terminologie de Zumthor, Le masque, p. 78-84, « allégorèses », soit personnifications dans lécriture, « allégorie » désignant un mode de lecture.

27 C. Picard, « Représentations antiques de lApologue dit de Prodicos », Comptes rendus des séances de lAcadémie des Inscriptions et Belles-Lettres, 3, 1951, p. 310-322, ici p. 315 ; il signale, p. 311, que lapologue « a cheminé à la fin hors des voies du paganisme, par lintermédiaire du judaïsme hellénisé, et des premiers écrivains chrétiens ».

28 Trav., 287-292 : « du vice, on en gagne tant quon veut, et sans peine : la route est plane, et elle loge tout près de nous. Mais devant la vertu, les dieux immortels ont mis la sueur. Long, ardu est le sentier qui y mène, et escarpé tout dabord. Mais atteins seulement la cime, et le voici dès lors aisé, pour difficile quil soit » (trad. P. Mazon, CUF, 1951, modifiée).

29 Nous traduisons par « vice » plutôt que par « misère » choisi par Mazon, étant donné lambiguïté de ce dernier terme.

30 Pour la part dinvention dans le logos sokratikos, voir Mémorables, t. 1, p. cv-cxii, et pour la part respective de Prodicos et de Xénophon dans lécriture de cet apologue devenu un topos, Mémorables, t. 2 (1re partie), p. 11, n. 2 et 3.

31 Sur la fonction delenchos-blâme de ce discours didactique, voir Mémorables, t. 1, Introduction, p. cxlv-cxlvii.

32 Trad. L.-A. Dorion, CUF, 2011 – pour les citations dauteurs antiques grecs et latins, nous reprenons les traductions de la CUF, sauf indication contraire.

33 Les verbes qui signalent les apparitions sont en rapport avec la vue – « aspexi » (DEED, II, 4), « phanênai » (Xen., Mem., 2, 1, 22), « astitisse [] uisa est » (Boet., Cons., 1, pr. 1) – ou une arrivée soudaine – « subito assistunt » (Sil., 15, 20). Lenjeu de la vue est fondamental, comme il sera dit dans les deux poèmes.

34 Sur la traduction par Cicéron, dans son adaptation des Mémorables, de Kakia par Voluptas, voir B. Rochette, « Héraclès à la croisée des chemins. Un topos dans la littérature gréco-latine », Les Études Classiques, 66, 1998, p. 105-114, ici p. 109-110.

35 Rochette, « Héraclès à la croisée des chemins », p. 107, n. 17 et 18, pour les références grecques et latines, quelles soient allusions explicites ou récits analogues. Pour compléter ces références, précisons que la pièce de Sophocle Les Crétois (citée par Athénée, Banquet des sophistes, 15, 35, 687c) présente Aphrodite se mirant dans un miroir, emblème de la Volupté (hèdonè), et Athèna emblème de la Vertu avec ses exercices de gymnastique ; et ajoutons la version parodique dAristophane, Nub., 880-1105, dans lagôn à propos de léducation entre le Juste (qui présente Héraclès comme un parangon de vertu, v. 1050) et lInjuste : cest lui qui sort vainqueur de la confrontation.

36 Pour les origines sacrées dune telle triade en Grèce préhellénique et son caractère méditerranéen, sa présence en Étrurie et sa diffusion à Alexandrie ou à Carthage, voir Picard, « Représentations antiques », p. 312-317, et M. Détienne, « Héraclès, héros pythagoricien », Revue dHistoire des Religions, 158-1, 1960, p. 19-53 (consultable sur le site persee.fr), ici p. 38, n. 2, qui récapitule sur ces représentations. Sur lautonomie acquise par la fable de Prodicos, par rapport à lensemble des Mémorables, et son succès, voir M. Bandini, « I manoscritti della fabula Prodici », Scritti in memoria di Dino Pieraccini, éd. M. Bandini, F. G. Pericoli, Firenze, Tipografia Giuntina, 1993, p. 39-45 ; Senofonte, Tutti gli scritti socratici : Apologica di Socrate, Memorabili, Economico, Simposio, éd. L. De Martinis, Milan, Bompiani, 2013, p. 195-197, et n. ad loc.

37 Picard, « Représentations antiques », p. 318 – il cite aussi Cic., Off., 1, 33 (118).

38 Le futur Africain a alors 24 ans, voir M. Martin, G. Devallet, CUF, 1992, t. 4, n. ad loc., et p. 35, n. 3, sur les liens entre ce passage et lapologue de Prodicos, entre Scipion et Hercule.

39 On notera que lapparition se fait à un Adélard également retiré dans un lieu solitaire, « quam quietissimum extra civitatem » (II, 4), et que Philosophie précise (II, 35) : « Toutes les fois que nous sommes appelés à prendre une décision importante nous choisissons un lieu isolé (locum solitarium) ». Au « laurier verdoyant » de Scipion, Adélard substitue « les parfums des fleurs et le clapotis de la Loire » (II, 4) : à chaque région ses spécificités…

40 Même remarque pour Adélard, II, 4. Plusieurs échos du texte de Silius Italicus se trouvent dans les propos de Philocosmie : apostrophe initiale du jeune homme (15, 33-34 et II, 6) – comme celle de Vertu (15, 69-70) et de Philosophie (II, 21) –, défense de lépicurisme (15, 53-56 et II, 20), évocation des « folles promesses » de Philosophie (15, 42 et II, 6), des ombres auxquelles elle aboutit (15, 45 et II, 6).

41 15, 129-130 : dès les deux vers suivants, il se rend aux rostres et « réclame le lourd fardeau des combats » – « très à la manière latine » selon Picard, « Représentations antiques », p. 318.

42 Voir P. Zumthor, La poésie et la voix dans la civilisation médiévale, Paris, PUF, 1984, p. 112 : « le courant intertextuel passe partout. » Concernant les visions, voir P. Zumthor, Essai de poétique médiévale, Paris, Seuil, 1972, p. 106-119, la notion de « type-cadre » (héritière des topoi) avec ses réinterprétations.

43 On est ici « in agro » (1, 1, 4), comme Adélard se trouve « extra civitatem » ; sur les conditions de la retraite dAugustin, voir J.-L. Dumas, « Notice », dans Saint Augustin, Les Confessions, précédées de Dialogues philosophiques, Œuvres, I, trad. L. Jerphagnon et al., Gallimard, 1998, p. 1127-1129 – pour les passages cités ici, nous reprenons la traduction de J.-L. Dumas de cette édition.

44 Lun est Licentius, converti à la philosophie, « loin des séductions et des plaisirs de la jeunesse (a iuvenilibus illecebris voluptatibusque) », au point dêtre proposé comme exemple à son père (1, 1, 4).

45 Romanianus est le bienfaiteur dAugustin, dédicataire du dialogue, dont la vie fastueuse, soumise aux tribulations et tempêtes de la Fortune, est évoquée dans la dédicace (1, 1, 1-4) – ce qui nest pas, bien que dans un contexte moins dramatique, sans point commun avec la consolation de Philosophie à Boèce.

46 On retrouve le lexique de la vue : si Augustin névoque pas à proprement parler une vision, la philosophie lui a découvert son visage (« facies aperuit », Acad., 2, 2, 6), que lamant de Philocalie pourrait voir (tueri), une fois ses yeux guéris (Acad., 2, 3, 7) : sur cette expression, voir P. Courcelle, « La Figure de Philosophie (Augustin, Contra Academicos, II, 5-7) », Comptes rendus des séances de lAcadémie des Inscriptions et Belles-Lettres, 2, 1968, p. 141-143 (consultable sur le site persee.fr).

47 Il sagit de ladversaire des procès intentés à Romanianus, cause de son départ pour Milan ; voir A. Gabillon, « Romanianus alias Cornelius. Du nouveau sur le bienfaiteur et lami de saint Augustin », Revue des Études Augustiniennes, 24 (1-2), 1978, p. 58-70 (consultable sur le site documents.irevues), ici p. 61.

48 Voir J. Doignon, « Lapologue de Philocalie et de Philosophie chez saint Augustin (C. Acad. 2, 3, 7) », Revue des Études Augustiniennes, 30, 1984, p. 100-106, qui souligne lopposition du philosophe « détaché de léloquence dapparat » (p. 106) vis-à-vis de « lamateur dart » philokalos, incarnation de Philocalie, quest le brillant avocat adversaire de Romanianus ici évoqué.

49 Pour Doignon, « Lapologue », p. 106, Augustin « philosophe » sest « détaché des séductions de léloquence dapparat ». Il vient de renoncer à son métier de professeur de rhétorique, mais, selon Dumas, Les Confessions, p. 1127-1128, « il ne se débarrasse pas encore de la rhétorique » et lœuvre garde « un ton encore très littéraire » ; cest à Licentius quAugustin confie le soin den faire un poème.

50 Doignon, « Lapologue », p. 103-105, insiste à juste titre sur la valeur théâtrale de ce terme, Philocalie étant « livrée au goût du spectacle et à la louange » (p. 104), et renvoie aux artes ludicrae dénoncés par Sénèque (Ep., 88, 21).

51 De même que Fortune ou Philocosmie vante les faux biens. Voir aussi Doignon, « Lapologue », p. 102-103, pour le problème des rapports entre les Beaux Arts et la sagesse : à notre avis, il est restrictif de limiter le sens de « beauté » ici à celle des objets dart.

52 Voir M.-A. Saint-Paul, « Philosopher en chrétien : la question du sens de la philosophie chez saint Augustin », Camenulae, 11, 2014, 1-8, ici p. 6.

53 « Est vera ac summa sapientiae pulchritudo, eadem ipsa est in rebus incorporalibus atque summis philocalia quae philosophia, neque ullo modo sunt quasi sorores duae ». Pour le Beau selon Augustin, voir Les Confessions, 4, 13-15, et n. ad loc., ainsi que la notice de P. Cambronne, « Beau », Les Confessions, p. 1461-1462.

54 Les deux seules occurrences de beatitudo, beatus, dans le DEED sont dans la bouche de lélève Adélard, en conclusion de son intervention (II, 44), pour souligner le bonheur qui résulte de létude des enseignements de Philosophie.

55 Jolivet, « Religions et philosophies », p. 380.

56 À propos de la vie sans philosophie ou des attraits du monde, les termes illecebrosus, illecebrae se retrouvent chez Augustin, Acad., 1, 1, 1 (« illecebrosis gurgitibus »), 1, 1, 4 (« illecebris voluptatibusque »), Boèce, Cons., 2, pr. 1, 10 (« falsae illecebris felicitatis »), et Adélard, DEED, II, 19, 24, 38 et 92 (« mundanas illecebras » – également en QN, 28, 1) – voir n. ad loc.

57 Il paraît difficile de dire que Philocosmie sen prend aux faux philosophes, « filosofastri », comme le fait Bisanti, « Inserti metrici », p. 21 : elle attaque également Platon, Aristote, Épicure, Ptolémée et, ici, Pythagore.

58 Est noté en marge « materiam et formam individuam » : voir Jolivet, « Religions et philosophies », p. 382-383.

59 Bisanti, dans Lidentico e il diverso, p. 26, donne à « fictilibus » le double sens de « faites dargile » et de « mensongères » ; cest ce dernier que nous avons privilégié.

60 Nous avons fait dans notre traduction le choix de nous affranchir de la régularité des vers latins pour privilégier les ruptures de rythme, que restitue la disposition des vers. On peut également se reporter à la traduction, particulièrement heureuse, de ce poème comme du suivant proposée par Jolivet, « Adélard de Bath », p. 79 (citée dans LUn et le Divers, n. 5, p. 14, et n. 4, p. 34).

61 Jolivet, « Religions et philosophies », p. 381.

62 Le manuscrit est consultable sur le site de la BnF : les poèmes se trouvent respectivement aux fol. 84r et 86r, où ils sont mis en évidence (initiales en couleurs).

63 Lidentico e il diverso, p. 26.

64 Lucr., 1, 66, 67 et 71 ; 3, 2 ; 5, 9 ; 6, 1 et 4 (de la même manière, lemploi dimagines, synonyme de simulacra). ODaly, The poetry, p. 42, relève une inversion similaire de la conquête dÉpicure sur la superstition en Boet., Cons., 1, m. 2, 6-7, où la formule est appliquée au prisonnier déchu.

65 Lucr., 5, 8, 19 et 51 ; 6, 7.

66 Ces épithètes sont expliquées par Macr., Sat., 1, 17 : Delius (32), Phoebus (33), Phanès (34), Lycien (36-41), Delphien (65), « quod quae obscura sunt claritudine lucis ostendit » (« parce quil révèle par la clarté de sa lumière les choses qui sont obscures ») – sans compter les étymologies de son nom qui le rattachent au Soleil (7-22). Peut-être a-t-on ici aussi le contrepied de la dimension solaire du dieu dans Martianus Capella, 1, 12-13, et J.-F. Chevalier, CUF, 2014, n. ad loc., ou du « spectacle » dApollon dispensator du monde à partir de ses quatre urnes contenant « les principes et éléments du monde (rerum [] semina elementaque) », 1, 16-19, et la n. 263.

67 La mention de la beauté, decus, peut rappeler Philocalie.

68 Sur le joug de la Fortune auquel on accepte de soumettre son collier, voir Boet., Cons., 2, pr. 1, 16, et 3, m. 1, 12.

69 Voir Boet., Cons., 2, m. 2, 19 et 3, pr. 3 et m. 3.

70 Voir Boet., Cons., 3, m. 9, 12 et 4, m. 6, 24.

71 Après Jolivet, « Adélard de Bath », p. 83, n. 11, P. Mantas España, « El diálogo poético del De eodem et diverso de Adelardo de Bath : Un elogio al conocimiento en el “Renacimiento del siglo xii” », Alfinge : revista de filologià, 8, 1997, p. 177-188, ici p. 185, précise : « La luz a que los poemas hacen referencia puede ser la luz de los ojos y, también, la luz del cielo » – voir le début du poème, v. 1-3, et v. 14.

72 On retrouve un nihil comme dernier mot du poème sur lagitation du monde, Boet., Cons., 2, m. 3, 18. Ce poème est tout entier démarqué de ceux de Boet., Cons., 1, m. 2, 6-23 ; 1, m. 6 ; 3, m. 9 et 4, m. 6, auxquels il emprunte les diverses manifestations de lharmonie du monde, du certus ordo (saisons, ordre des astres, place de la terre), dinspiration stoïcienne : voir Boèce, La Consolation de Philosophie, éd. J.-Y. Guillaumin, Paris, Les Belles Lettres, 2002, p. 155, n. 64 ; voir aussi ODaly, The poetry, p. 104-177, pour la nature dans la poésie de Boèce ; Jolivet, « Religions et philosophies », p. 383, rapproche de Lucr., 1, 150 et 174-176.

73 Nous renvoyons à nouveau à Jolivet et Bisanti ; voir supra p. 307, n. 3 et 4, pour le détail de chaque texte pris isolément.

74 Sur la poésie métrique et la poésie rythmée qui naît vers le ve siècle, voir P. Bourgain, Poésie lyrique latine du Moyen Âge, Paris, Bourgois, 1989, p. 7-16, et P. Bourgain, coll. M.-C. Hubert, Le latin médiéval, Turnhout, Brepols, 2005, p. 420-424.

75 Voir Bisanti, « Inserti metrici », p. 22-23.

76 Voir ibid. Pourtant cest dans son poème que se trouve le seul enjambement, v. 9-10, figure normalement proscrite dans le distique élégiaque : il se justifie par le sens, puisquil y est question de lécart de certains astres.

77 Voir supra p. 319, n. 2.

78 Cette figure, dite aussi énumération distributive, que nous avons gardée dans la traduction, est rare en rhétorique classique mais fréquente au Moyen Âge : voir Jolivet, « Adélard de Bath », p. 82, n. 5 ; Bourgain, Le latin, p. 424, précise que « les arts poétiques les citent sans les recommander, comme des curiosités ou des expériences exceptionnelles ».

79 Voir Bisanti, « Inserti metrici », p. 24 et 30 : il signale les effets stylistiques qui ne respectent pas les règles en vigueur concernant le distique élégiaque (clausules tri-, quadri – et pentasyllabiques, ainsi que lenjambement, PhS, v. 9-10).

80 Nous notons les mètres complets : ni les dactyles constitutifs de lhexamètre et du pentamètre dactyliques ni les syllabes anceps qui précèdent la césure des pentamètres.

81 Voir infra pour limportance de ce vers.

82 Bisanti, « Inserti metrici », p. 24 et 30. La remarque de Jolivet, « Adélard de Bath », p. 80 : « Mais pourtant, comme ici il la fait bien parler ! », à propos de Philocosmie, ne prend pas en compte le déséquilibre que nous soulignons en faveur de PhS ; il semble par ailleurs logique de rendre attrayants les propos de PhC, comme le sont les séductions de ses suivantes ou des biens de Fortune.

83 Cest le seul exemple dun procédé largement utilisé de la littérature médio-latine des xiie et xiiie siècles ; voir Bisanti, « Inserti metrici », p. 25-26 et n. 91, et p. 30, avec de nombreux exemples. Ni élision ni hiatus dans ces distiques ; nous ninsistons pas sur les nombreux effets de sonorités, allitérations et assonances, amplement détaillés par Bisanti, « Inserti metrici », p. 24-25 et 32.

84 Sur lémergence de ce genre de rime dite leonitas, voir Curtius, La Littérature européenne, I, p. 254-256 ; Bourgain, Le latin, p. 423-424.

85 Bisanti, « Inserti metrici », p. 26.

86 Voir Jolivet, « Adélard de Bath », p. 80, et Bisanti, « Inserti metrici », p. 28-30.

87 Bisanti, « Inserti metrici », p. 29-30.

88 Voir Boèce, La Consolation, éd. Guillaumin, n. 15 ad loc., pour le rapprochement avec la caverne platonicienne.

89 Jolivet, « Adélard de Bath », p. 80 ; voir aussi pour le « thème de laveuglement et des ténèbres », Jolivet, « Religions et philosophies », p. 381.

90 La clausule quadrisyllabique nest pas non plus régulière et met ainsi également ce vers en évidence.

91 De manière générale, Bisanti, « Inserti metrici », p. 29, parle de la manière « contratta » dAdélard par rapport à Boèce.

92 Signalons que la clausule de ce vers, « imaginibus », est pentasyllabique et donc contraire aux règles, ce qui fait ressortir le mot qui précisément résume laccusation.

93 Il sagit, comme le dit Bisanti, « Inserti metrici », p. 22, de « la dignità della sua evidenza sensoriale ».

94 Sa prédilection pour le détail concret apparaît aussi bien dans le DEED (e. g. lexposé sur Musique ou Géométrie) que dans les QN, comme Jolivet, « Adélard de Bath », p. 81, le souligne : « le réseau de concepts quAdélard y jette sur les choses les laisse à leur libre existence et nefface pas leurs couleurs. »

95 Voir LUn et le Divers, Introduction, p. xvi-xxi.

96 La célèbre contestation de lautorité par Adélard nen est pas le moindre aspect : voir QN, 6, 3-6. J. Jolivet, « Religions et philosophies », p. 367, parle à ce propos du goût dAdélard, voire de son « snobisme, pour le savoir exotique » ; voir aussi p. 368-369.

97 Dauvois, De la Satura, p. 287 ; Dronke, Verse with Prose, p. 46, parle également de « philosophical-allegorical prosimetra », à propos des auteurs du xie siècle, dont Adélard.

98 Selon Bisanti, « Inserti metrici », p. 22. Pour leur part, Hanson, Kiparsky, « The Nature of Verse », p. 38, parlent de « shifts of perspective », entre la prose et les vers, ce qui convient à ces passages.

99 Voir Dauvois, De la Satura, p. 54.

100 Formule que Dauvois, De la Satura, p. 55, applique aux poèmes de la Consolation.

101 Les effets stylistiques qui ne respectent pas les règles en vigueur (voir supra) témoignent tout autant de la maîtrise dAdélard.

102 Bisanti, « Inserti metrici », p. 24. Voir Curtius, La Littérature européenne et le Moyen Âge latin, II, « La concision, idéal de style », p. 305-316.

103 Jolivet, « Adélard de Bath », p. 82.

104 Ibid.

105 Pour reprendre le titre de Jolivet, « Adélard de Bath ». Elle pourrait même être une nouvelle Philocalie, loin du christianisme augustinien.