Aller au contenu

Classiques Garnier

L’Ovide moralisé à l’aube de la Renaissance De la prose brugeoise à la Bible des poëtes

  • Type de publication : Article de revue
  • Revue : Cahiers de recherches médiévales et humanistes / Journal of Medieval and Humanistic Studies
    2015 – 2, n° 30
    . varia
  • Auteur : Cerrito (Stefania)
  • Résumé : ­L’article ­compare ­l’illustration des mss de ­l’Ovide moralisé en prose Paris, BNF fr.137 ; St. Pétersbourg, Bib. nat. F.v.XIV.1 ; Londres, BL, Royal 17.E.IV ; Cambridge, Magdalene College, Old Library, F.4.34 et Pepys Collection, 2124 ; et les incunables de Mansion (Bruges, 1484) et Vérard (Paris, 1493), spécialement les luxueuses copies Londres BL IC41148 et Paris, BnF vél.559, peintes par Jacques de Besançon. ­L’illustration est fortement rattachée au texte et à sa signification allégorique.
  • Pages : 197 à 219
  • Revue : Cahiers de recherches médiévales et humanistes - Journal of Medieval and Humanistic Studies
  • Thème CLIL : 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
  • EAN : 9782812460982
  • ISBN : 978-2-8124-6098-2
  • ISSN : 2273-0893
  • DOI : 10.15122/isbn.978-2-8124-6098-2.p.0197
  • Éditeur : Classiques Garnier
  • Mise en ligne : 04/04/2016
  • Périodicité : Semestrielle
  • Langue : Français
197

LOvide moralisé
à laube de la Renaissance

De la prose brugeoise à la Bible des poëtes

Dans les années qui préludent à la Renaissance, les beaux livres illustrés racontant les fables dOvide sont surtout de nouvelles éditions de lOvide moralisé, qui redessinent avec soin la forme et le sens du majestueux poème en vers1. Malgré le retentissement que ces réécritures eurent entre la fin du xve siècle et le début du xviie siècle, elles ne sont encore aujourdhui que peu connues, ou décrites de manière imprécise. Dans la continuité du projet que je poursuis depuis quelques années pour sortir ces textes de lombre2, je mattacherai aujourdhui à faire quelques remarques sur les jeux de sens qui se créent entre texte et image au sein des exemplaires suivants : dune part les manuscrits conservés à Paris (BnF, manuscrit français 137), Saint-Pétersbourg (Bibliothèque nationale de Russie, manuscrit F.v.XIV.1), Londres (British Library, manuscrit Royal 17.E.IV) et Cambridge (Magdalene College, Old Library, manuscrit F.4.34 et Pepys Collection, manuscrit 2124), et dautre part les incunables imprimés par Colard Mansion à Bruges en 1484 (par exemple lexemplaire de Lille, Bibliothèque municipale, incunable F5) et par Antoine Vérard à Paris, spécialement les versions sur vélin illustrées par Jacques de Besançon (Londres, British Library, IC41148 et Paris, BnF, vélin 559).

198

Les éditions brugeoises
de lOvide moralisé en prose

Si limportance de lOvide moralisé dans la réception des Métamorphoses en France au Moyen Âge et à la Renaissance est désormais une évidence, les contours de sa circulation, quon peut estimer de grande ampleur, ne sont encore que vagues. Il est en revanche certain que la Bourgogne des ducs montra un vif intérêt pour ce gros recueil de gestes des héros de lAntiquité incarnant les idéaux de lOrdre de la Toison dor, que Philippe le Bon fonda en 1430, lors de ses noces avec Isabelle du Portugal. Les Métamorphoses en français figurent dans les riches bibliothèques des nobles de Bourgogne, et une branche de leur tradition manuscrite, dont la langue se colore fortement de picard, témoigne dune importante circulation de ce texte dans le Nord-Est de la France3. LOvide moralisé était un instrument narratif et conceptuel de ce raccord entre lAntiquité et la Chrétienté dont se nourrissait la symbolique de lOrdre, et surtout le rêve de Croisade contre les Turcs que Philippe cultiva toute sa vie.

Quand le Moyen Âge finissant imposait un rajeunissement des fables ovidiennes en français, ce fut un noble et savant chevalier de la Toison dor, Louis de Bruges, qui donna un nouvel élan à leur tradition. La mise en prose de lOvide moralisé quil commandita fut loccasion dune réflexion approfondie sur les aspects formels et sur les enjeux philosophiques de ce texte, encore profondément ancré dans une atmosphère culturelle désormais vieillie. Transformation des vers en prose, réécriture des gloses, rédaction dun apparat préfaciel et enfin passage du manuscrit à limprimé, tels sont les éléments qui, différemment combinés, intervinrent dans la création des nouvelles éditions brugeoises des Métamorphoses.

199

La deuxième mise en prose de lOvide moralisé4, qui est à lorigine de ce renouveau, fut composée autour de 1470. Très fidèle aux vers, la prose brugeoise en transforme radicalement la perspective exégétique : selon sa glose, débarrassée de la typologie et de lanagogie, la fable raconte lhistoire antique, explique le fonctionnement du monde et de la nature, ou se revêt dune valeur exemplaire, en accord avec une perspective évhémériste qui nest pas sans influence sur son illustration. Son expression la plus somptueuse et accomplie est sans aucun doute lexemplaire ayant appartenu à Louis de Bruges, aujourdhui conservé à la BnF, sous la cote français 1375. Le maître de Marguerite dYork conçut pour le manuscrit du noble de Gruuthuse un système dillustration en cent dix-neuf images, où les miniatures alternent avec des lettrines historiées en semi-grisaille dune extraordinaire expressivité. Les quinze livres souvrent sur un grand tableau qui introduit au premier mythe, en une synthèse illustrée de ses éléments cruciaux ; la narration est ensuite scandée par de petites miniatures, larges dune colonne et hautes de 8-9 lignes, et par des lettrines historiées en grisaille de 6-7 lignes de haut6.

200

Chargé également de lillustration dun manuscrit jumeau du parisien, destiné à la bibliothèque du beau-frère de Louis, Wolfart de Borssele – aujourdhui à Saint-Pétersbourg, Bibliothèque nationale de Russie, manuscrit. F.v.XIV.1 –, lartiste nen exécuta que le beau frontispice, tandis que les espaces destinés aux cent-vingt images qui auraient dû le décorer – deux de plus que le manuscrit de Louis – sont restés vierges. Le troisième exemplaire, composé pour Édouard IV et aujourdhui conservé à Londres, British Library, manuscrit Royal 17.E.IV, est un recueil volumineux, dont lOvide est illustré de quinze miniatures introduisant aux quinze livres des Métamorphoses. Sans atteindre la beauté de celles du manuscrit parisien, ces miniatures racontent néanmoins le mythe de manière agréable et efficace.

Libraire et traducteur spécialement sensible aux succès littéraires de la cour ducale, William Caxton voulut traduire la prose brugeoise en anglais, et acheva son entreprise le 22 avril 1480, comme on le lit dans le colophon du manuscrit unique en deux volumes, aujourdhui enfin rappariés, conservé à la Bibliothèque du Magdalene College de Cambridge sous la double cote Old Library, F.4.34 et Pepys Collection, 21247. Nombreuses sont les interrogations qui accompagnent ce beau manuscrit8, et lhistoire de son illustration nest pas sans quelques points obscurs. Confiée initialement au maître de Caxton, qui est sans doute lauteur du frontispice et des deux miniatures qui suivent – dont une belle image de la chute de Phaéton en introduction du livre II (fig. 82) –, lœuvre fut continuée par un autre artiste, qui nexécuta que lillustration de Pyrame et Thysbé au livre IV. Les frontispices des onze livres restants ne furent jamais peints9.

201

Si la tradition manuscrite est relativement mince, ce fut à limprimerie dassurer une diffusion très ample de la mise en prose, qui constitue la pièce maîtresse de leditio princeps que Colard Mansion imprima en 148410. Entièrement et fidèlement recopiée dans lincunable, mais non sans quelques retouches à la langue et au style, la prose de Louis sy enrichit de nouvelles gloses, savamment construites par une sélection de brefs passages dallégories, tirées de la rédaction avignonnaise de lOvidius moralizatus de Pierre Bersuire11. Ce magnifique exemplaire de la prototypographie flamande est illustré de trente-quatre gravures sur bois, dont seize images des dieux antiques et quinze grandes images en introduction des livres des Métamorphoses12.

Si les lourdes dettes accumulées par Mansion pour imprimer son magnifique Ovide marquèrent la fin de sa brillante carrière de libraire, ce furent les éditeurs parisiens qui tirèrent profit de ce bel ouvrage : en allégeant lapparat préfaciel, Antoine Vérard en imprima, à partir de 1493, trois nouvelles éditions ; puis Philippe Le Noir en tira deux impressions ultérieures13. Lillustrateur de ces nouveaux imprimés reproduit, non sans quelques variantes, trente-et-une gravures de Mansion. Mais cest dans les exemplaires de luxe imprimés par Vérard sur vélin que Jacques de Besançon conçut un richissime cycle iconographique, lequel se répète, pour ses lignes essentielles, dans les quatre exemplaires qui nous en sont parvenus : une copie, destinée au roi Henri VII, est aujourdhui conservée à la British Library sous la cote IC41148 ; deux

202

autres sont conservées à la BnF, sous les cotes vélin 559 (lexemplaire qui appartint probablement à Charles VIII) et vélin 560 (celui de Charles dAngoulême) ; une quatrième est à la Bibliothèque municipale de Grenoble (cote I 57). Dans ces tirages de luxe, les gravures sont peintes, et de nombreuses miniatures sinsèrent à la place des rubriques, recopiées à la main en marge du feuillet.

Les dieux antiques

Référence obligée dans la représentation picturale des dieux antiques, le De formis figurisque deorum, premier chapitre de lOvidius moralizatus de Pierre Bersuire14, ne tardera pas à exercer son influence sur lOvide moralisé. Le lien entre ces deux lectures de lœuvre ovidienne, différentes mais épistémologiquement similaires, sétait manifesté, avant que dans le texte, dans les images : un artiste que François Avril identifie avec le maître du Rational des divins offices, plutôt que se conformer à la tradition iconographique ovidienne, crée lintertextualité par limage, en renvoyant de manière explicite au traité berchorien15. Dans les manuscrits Reg. lat. 1480 de la Bibliothèque apostolique vaticane et 176 de la Bibliothèque de Genève, qui appartinrent tous deux au duc de Berry, quinze dieux païens, choisis sur la base des liens quils tissent avec leur contenu, introduisent aux quinze livres de lOvide moralisé. Ces mêmes dieux figurent dans la table des rubriques de lOvide moralisé qui sinsère dans le recueil dexcerpta conservé à la British Library, sous la cote Cotton Julius F.VII16.

Environ un siècle plus tard, lOvidius moralizatus et lOvide moralisé croiseront leurs traditions textuelles. Lintégration de Bersuire dans lOvide en français se fait progressivement, et la première étape senregistre dans la mise en prose. Un bref choix de passages du De formis, abrégés,

203

traduits en français et dépouillés de lallégorie, sinsère, sans en briser la cohérence, au livre XII17, dans la richissime ekphrasis des nouvelles armes dAchille que Thétis fit forger par Vulcain, les dieux figurant dans la ciselure du bouclier destiné au héros grec18. Linterpolation est ainsi annoncée :

En cellui escu estoient paints et figurez par distinction et ordonnance IX personnaiges et ymaiges des dieux paÿens moult noblement, assavoir le vigoreux Herculés, et les autres ensieuvant… (Ovide moralisé en prose, XII, 10, BnF fr. 137, fol. 182v)

Sont ensuite décrits les caractères des dieux antiques, qui sont mis en images dans huit lettrines en grisaille. Une savante fidélité aux indications de Bersuire se traduit, par le dessin rapide à la plume noire, en de jolis portraits dune expressivité extraordinaire mêlée, non sans ironie, de traits discrètement caricaturaux. Hercule et Bacchus figurent en exergue, en se côtoyant dans la première lettrine (fol. 182v, fig. 73) : Hercule, couronné, brandit une masse de la main gauche et montre une pomme dorée de la droite ; Bacchus y apparaît à cheval, avec ses pommes et ses grappes de raisins. Les raisons de ce changement dans la hiérarchie traditionnelle, qui place Hercule, et non plus Saturne, en tête du catalogue des dieux, résident dans lhistoire symbolique des ducs, qui fait de ce dieu le fondateur de la dynastie des Valois de Bourgogne, comme le raconte Olivier de la Marche19.

Suivent les sept dieux planétaires, selon lordre traditionnel : Saturne, Jupiter, Mars, Apollon, Vénus avec Cupidon, Mercure et enfin Diane. Si liconographie berchorienne sest rapidement standardisée, le maître de Marguerite dYork révèle toute sa créativité par une réinterprétation originale des indications contraignantes de Bersuire. Ses extraordinaires grisailles sont dailleurs le lieu où sexprime le mieux lécart par rapport

204

à la tradition iconographique, dont lartiste ne sinspire que pour mieux montrer son désir de jouer avec la norme et de créer du nouveau. Le dragon qui orne la faucille de Saturne se détache alors de la poignée et regarde dun air menaçant lenfant que le vieux dieu porte à sa bouche (fol. 182v, fig. 74). Lartiste sinspire de la comparaison berchorienne du dragon avec le basilic, qui tue par son regard, et dont il fait le complice du mauvais roi Saturne qui dévore ses sujets, représentés par Jupiter20. Plus proches de la tradition, mais non sans originalité, les représentations des autres dieux se succèdent à un rythme serré dans les trois feuillets qui suivent, de 183r à 184r. Jupiter sur son trône divoire domine par la foudre les Géants qui veulent semparer de lOlympe, sur fond de ciel bleu clair où un aigle enlève lenfant Ganymède (fol. 183r, fig. 75). Limage dApollon montre le dieu, avec sa lyre et son arc, qui écrase du pied un serpent tricéphale (fol. 183r, fig. 76). Une gracieuse Diane bandant son arc clôt la description de ce panthéon, puis le De formis se raccroche à lekphrasis du bouclier, et après en avoir décrit les nymphes, les sept arts libéraux et les neuf Muses, la narration reprend par le don des armes à Achille. Tel un commentaire sarticulant entre texte et image sur les dieux qui sont les protagonistes des fables, cette digression renforce la cohésion de louvrage par les liens quelle crée avec la matière des différents livres, et tout dabord avec la naissance de Jupiter et la castration de Saturne, qui figurent en introduction du livre I. Une belle miniature au fol. 3v représente une séduisante Cybèle aux seins nus qui vient daccoucher de Jupiter (fig. 79), la grisaille qui suit au fol. 4v (fig. 78) raconte la castration de Saturne et la naissance de Vénus.

Un tableau de la naissance de Jupiter ouvre également les Métamorphoses dans le manuscrit londonien (Royal 17.E.IV, fol. 13r, fig. 80). Lartiste reprend et amplifie le schéma de la miniature du BnF fr. 137 (fig. 79) : Saturne et la nourrice, aux deux côtés du baldaquin où Cybèle vient daccoucher, tendent les mains vers le petit Jupiter. À lextérieur, Saturne montre le faux nouveau-né, en fait la pierre qui lui a été donnée à la place de lenfant. Sur la gauche, une vieille femme qui sort de la salle allégorise le temps qui passe, et annonce ainsi le déclin du vieux Saturne.

Dans le superbe frontispice du manuscrit de Saint-Pétersbourg (fol. 1r), les sept dieux planétaires, peints sur un ciel bleu vu par une

205

grande fenêtre rectangulaire, servent darrière-plan à Ovide installé à son écritoire et montrant lœuf orphique. Dans une astucieuse glose par limage, les dieux antiques constituent ainsi la toile de fond de la création du poème21.

À partir des années 1480, la complémentarité des deux textes devint indissoluble, et cest dans ces Métamorphoses de la Renaissance que nous lisons la seule traduction en français, bien que partielle, de lOvidius moralizatus. Dans lapparat liminaire que, selon la tradition de laccessus, Colard Mansion créa pour son Ovide, le De formis devient un préambule exégétique aux anciens mythes. Le premier des trois prohemes de lincunable – le seul quAntoine Vérard et Philippe Le Noir garderont dans leurs rééditions parisiennes – est une traduction fidèle du traité berchorien, qui oriente la lecture de lOvide moralisé en expliquant les dieux antiques selon les analogies établies dans la tradition exégétique chrétienne. Ce De formis en français est également lintroduction à lOvide moralisé en vers dans son témoin le plus tardif, le somptueux manuscrit conservé aujourdhui à la Bibliothèque royale de Copenhague sous la cote Thott 39922 et dont on a souvent souligné les liens avec lOvide de Mansion23, sans pouvoir cependant en préciser la nature. Composé selon toute probabilité à Bruges24 comme nos autres témoins, ce manuscrit partage avec lincunable la traduction du traité de Bersuire, avec des variantes qui semblent montrer que, plutôt que dêtre la copie lun de lautre, comme J. Engels en avait fait lhypothèse, les deux exemplaires eurent un modèle commun. Mais ce lien se montre surtout dans lillustration, car les images peintes par le maître de Rambures et les gravures sur bois exécutées pour Mansion par un maître de Gouda se

206

font souvent écho. La datation du manuscrit nétant quapproximative, il est impossible détablir la chronologie des deux livres, mais il est évident quils furent confectionnés dans un même milieu culturel, quils puisèrent aux mêmes sources et quils sinfluencèrent mutuellement.

Un superbe frontispice imagé représentant Saturne et ses enfants est posé en ouverture des deux volumes. Le concepteur de limage du Thott 399 (page 1, fig. 7) représente le vieux dieu avec sa faucille ornée dun dragon se mordant la queue, qui dévore un de ses enfants. Autour de lui figurent cinq dieux issus de sa généalogie : Junon sur la gauche, plus en arrière Neptune au bord de la mer, sur le côté droit Pluton qui sort des Enfers, et Vénus qui, un miroir dans la main gauche, surgit des eaux ; au premier plan, Jupiter mutile le vieux dieu.

Bien plus synthétique que le frontispice du manuscrit, limage de lincunable de Mansion nen reprend que la partie centrale, avec des variantes mineures (fol. 1r25, fig. 88)26. Comme dans le manuscrit, seize images des dieux ornent les différents chapitres du De formis. Jupiter écrase les Géants, et par une fenêtre on aperçoit sa métamorphose en aigle, subterfuge pour enlever Ganymède (fol. 6v, fig. 96)27 ; Junon est accompagnée de deux gros paons (fol. 22r, fig. 95). Au folio 28v se trouve une image de Pluton (fig. 86) : la porte des Enfers, en forme de gueule grande ouverte, peut être assimilée au monstre Léviathan28. Pluton figure sur un trône avec Proserpine. À ses pieds un Cerbère tricéphale, sur la gauche les trois Furies, nues, et sur la droite les trois Parques complètent ce tableau de la bouche dEnfer.

207

Des dieux païens au Dieu chrétien

Comme la glose, limage montre que cest à Dieu que lauteur veut adresser son poème. Si les illustrations à contenu explicitement chrétien sont rares, elles se chargent en revanche dune valeur exégétique majeure. Placées aux seuils de lœuvre, elles affirment avec force en introduction ou en clôture du livre la conformité à la théologie chrétienne de la lecture des Métamorphoses qui y est proposée. Que le mythe soit la déformation fabuleuse de la réalité, comme dans la mise en prose, ou quil soit integumentum, comme dans les vers puis dans les imprimés, cest à la parole de Dieu que ces seuils imagés en confient la narration.

Genèse du poème et genèse du monde sont mises en parallèle dans le frontispice du manuscrit BnF fr.137, fol. 1r (fig. 13). Créateur, dans ses fables, dun système cosmogonique païen, le poète renvoie par son index pointé au Dieu créateur, qui apparaît au centre dun univers en quatre éléments : leau, le feu, le ciel et enfin la terre, avec Adam et Ève agenouillés en prière.

Le rapport privilégié entre le poète et Dieu samplifie dans la belle miniature qui introduit à lOvide moralisé en prose dans sa version anglaise (Magdalene College, Old Library, manuscrit F.4.34, fol. 16r, fig. 81). Accompagnée de la rubrique « How Ouyde at tje begynnyng of this booke maketh invocacion for helpe & dyvyne ayde », traduction fidèle de « Comment Ovide au commencement de ce livre invocque layde divine » (BnF fr. 137, fol. 1v, fig. 13), limage conçue par le maître de Caxton représente une grande salle gothique où Ovide, agenouillé en prière, invoque linspiration divine. Dieu, en accueillant son invocation, se montre à la fenêtre et fait apparaître les deux volumes de louvrage. Lartiste met ainsi en image la solution de lOvide moralisé à la question épineuse de linvocation adressée par Ovide (Mét. I, 2-4) au panthéon des dieux qui sont les protagonistes de ses histoires29 : Ovide sadressait non pas à une pluralité de dieux, mais à un Dieu pluriel, ce pluriel se justifiant par la trinité divine. Limage renforce donc cette glose, qui était indispensable pour faire dOvide un poète chrétien30.

208

Les artistes qui illustrèrent les témoins imprimés plus tardifs sinspirèrent du schème bipartite du BnF fr. 137. Ovide, dans un édifice gothique, occupe désormais le registre de gauche, tandis que le registre de droite sera consacré au mythe et à son interprétation. Dans le bois gravé de Mansion (fol. 48v, fig. 89), Ovide, tenant lœuf dans la main gauche, se montre à une fenêtre qui souvre sur le monde du mythe. À lextérieur, plutôt que la Genèse selon la Bible, lartiste représente la régénération de lhumanité selon le mythe de Deucalion et Pyrrha, en raccordant ainsi limage au contenu du premier livre : les deux époux, nouveaux Adam et Ève, lancent des cailloux qui se transforment en êtres humains. Mais cest la partie supérieure de limage qui simpose au regard du lecteur : larchange Michel, avec son glaive et son bouclier, plonge dans le feu infernal les anges rebelles, qui se transforment en êtres monstrueux31. Lintertextualité qui relie lOvide de Mansion au Speculum humanae salvationis affleure ici et là dans le volume, et se montre bien dans ce tableau liminaire : la chute de Lucifer et des anges rebelles est une citation claire et explicite du frontispice du Miroir, qui souvre sur Lucifer, « jecté par son orgueil de la haultesse du ciel ou parfond de lEnfer32 ». Poser le seuil imagé du Speculum dans le frontispice des Métamorphoses, cest dire que les deux textes ont une même approche exégétique, cest assimiler la lecture des mythes dOvide à la lecture vétérotestamentaire du Speculum, cest enfin affirmer que, comme le dit le Speculum, la genèse de lhomme fut la conséquence de la chute de Lucifer et des anges rebelles :

[] Pour quoy Dieu nostre createur le dejecta de la haultesse de Paradis au parfont dEnfer avec les anges qui a lui estoient adherans et accordans, et pour la reparation de la dicte ruine, Dieu nostre createur, par son ineffable providence, crea nature humaine… (Miroir de la salvation humaine, BnF, vél. 906, fol. 2r)

Le texte dApocalypse 12 sert ainsi de prémisse dabord au récit de la Genèse, qui samplifie dans lincunable de Mansion, et ensuite à la

209

narration des fables dOvide33, ce qui renforce par limage lanalogie entre le Speculum et les Métamorphoses de Mansion. Ce fut également le choix du maître de Rambures pour lOvide moralisé en vers, mais il voulut ajouter un Dieu magnifique dans une mandorle en or, pour dominer une scène entièrement consacrée à la chute des anges (Copenhague, Bibliothèque royale, Thott 399, fol. 1r, fig. 8).

La dimension téléologique que le parcours historique ovidien acquiert dans lOvide moralisé – puisque, au moment de lavènement dAuguste, est célébrée la naissance conjointe de Jésus-Christ – est bien mise en évidence au fol. 235v du BnF fr. 137 (fig. 68) : une dernière grisaille représente une Vierge à lenfant qui trône, adorée par les trois rois mages, et souligne ainsi lachèvement de lhistoire ancienne ovidienne et le début de lère nouvelle.

Dans les exemplaires sur vélin de la Bible des poëtes dAntoine Vérard apparaissent deux miniatures ultérieures à contenu biblique. Dans celui dHenri VII (Londres, Bristish Library, IC 41148), une création de la femme montre Ève qui se détache du flanc dAdam endormi et joint les mains en prière devant le Créateur (fol. 2v, fig. 83). Limage illustre la glose de Colard Mansion qui introduit la création de la femme pour la première fois dans lOvide moralisé :

Adam doncques fut de Dieu fourmé par creacion, mais il se diffourma par pechié. Dieu le reforma par sa grace, il le infourma par sa doctrine, il le conforma par sa similitude et le transforma par contemplacion, si le refourmera par sa gloire. Adam donques ainsi fourmé du Souverain fut transporté en Paradis terrestre où, illec dormant, Dieu de lune de ses costes forma Eve, quil lui donna en commpaigne. Il ne la fist pas de la teste, affin quelle ne dominast Adam, ne du pié, affin quil ne la despitast ne comtempnast, mais la fist de son costé affin quelle lui fust joincte par le loyen amoureux.

(Cy commence Ovide, fol. 49r)

Au feuillet suivant, qui lui fait face, est figuré le péché originel : Adam et Ève qui cachent leur nudité se tiennent de part et dautre de larbre où senroule le serpent (fol. 3r, fig. 84) ; ce serpent doté de grandes ailes de dragon tend le fruit défendu à Ève, qui comme Adam a déjà la pomme en main. La miniature souligne et amplifie le chapitre que

210

Mansion consacre au péché et qui explique en six étapes la tentation, dont Ève est stratégiquement la première victime, comme le souligne la glose :

il [i.e le diable] se mist en espece de dragon, qui lors estoit simple beste, et pensa quil niroit pas premier à lomme, ains au moindre sexe et le plus foible affin quil le vainquist plus legierement. (Cy commence Ovide, fol. 49r)

Et la glose expliquera encore que 

Eve pecha en II manieres, car elle se enorgueillist et menga du fruit deffendu, pour quoy elle encourut en deux maledictions. Cest à savoir quelle seroit serve à lomme quelle avoit deceu, et si enfanteroit ses enfans à doleur. (Cy commence Ovide, fol. 49r)

Les frontispices

Les seuils imagés des livres II à XV représentent souvent le premier mythe. Cest la règle pour le manuscrit BnF fr. 137 – les autres exemplaires y dérogent parfois. Dans ces grandes images, le jeu de réécriture iconographique du modèle, qui est soigneusement reformulé pour sinsérer avec cohérence dans lesprit du nouveau texte, se montre de manière claire. Lartiste qui illustra lincunable de Mansion puisa tantôt au BnF fr. 137, tantôt au manuscrit de Copenhague, mais ses gravures révèlent toujours un travail de recréation de limage à la lumière de la nouvelle lecture allégorique des fables. Quelques exemples pourront montrer comment ces beaux frontispices conjuguent tradition et créativité.

Larrivée de Phaéton au palais du Soleil introduit toujours au livre II. Agenouillé devant son père qui siège sur un trône resplendissant entouré de rayons de soleil, le Phaéton du frontispice du manuscrit BnF fr. 137 (fol. 13r, fig. 69) montre son respect de lautorité paternelle et royale. Son orgueil ne le mène pas à subvertir lautorité, mais à réaliser une entreprise folle, qui nest pas à sa mesure. La glose le sanctionnera comme lhomme qui veut monter plus hault que a lui nappartiengne, ou entreprendre plus quil ne puisse parfaire (BnF fr. 137, fol. 16r). Dans lincunable de Mansion, lattitude fière de Phaéton, debout face au lecteur, ignorant la souveraineté

211

de son père, montre bien que lorgueil du fils de Phébus est dune autre nature, et lartiste tient à souligner, par la chute du char qui apparaît dans le cadre de droite, léchec auquel cet orgueil est condamné (fol. 69r). Peut-être peut-on mettre cette inflexion iconographique en relation avec le climat politique tendu qui règne dans le duché de Bourgogne après la mort de Charles le Téméraire. De fait, la glose allégorique donne du Phébus de lincunable de Mansion une image de mauvais prince, qui ignore les enseignements du bon souverain quétait son père :

Il semble a correction que Ovide sentist aucu[ne]ment le temps de nostre siecle en faignant la cheute de Pheton, filz du Soleil, car a semblable nous pouons dire que nous avons eu et veu en nostre temps deux Phebus qui ont engendré deux Phetons, par lesquelz le monde a esté fort desrochié et brulé, par ce quilz nont sceut mener ne conduire le char du soleil comme firent leurs peres, et nont volu suivir les traches ne les amonnestemens diceulx bons et paciffiques princes… (Cy commence Ovide, fol. 73r)

Cest seulement dans le frontispice conçu par le maître de Caxton que la chute de Phaéton occupe entièrement la scène. Lartiste peint le jeune orgueilleux qui tombe du char, foudroyé par Jupiter, et les quatre chevaux indomptables désormais sans freins34 (fol. 34v, fig. 82).

Le livre IV est introduit dans le manuscrit Bnf fr. 137 par un tableau des Bacchanales (fol. 42v). Dans un château aux tours rondes, les filles de Minée, méprisant Bacchus, continuent de tisser et de se raconter des histoires malgré larrivée du dieu à Thèbes. À lextérieur, un cortège de femmes et denfants sarrête devant le dieu qui, sur la droite, à la porte dune ample salle, se montre à la foule. Couronné de pampres, vêtu dun manteau pourpre, le dieu tient dans la main droite un flambeau, au lieu du thyrse traditionnel ; deux grandes ailes révèlent, selon le code iconographique de ce manuscrit, son appartenance au panthéon païen. Un vol doiseaux décore le ciel bleu, dans le style du maître de Marguerite dYork. Lépilogue du mythe, avec la métamorphose des « demoiselles minediennes » en chauve-souris, est illustré au fol. 50v dans une lettrine historiée marquant la conclusion de ce petit cycle narratif découpé à lintérieur du récit ovidien.

212

Lartiste qui illustra lexemplaire de Londres, comme plus tard celui de Colard Mansion, préfère aux Bacchanales la plus touchante et la plus populaire des histoires racontées par les filles de Minée : celle de Pyrame et Thysbé, dont il raconte la mort dans une miniature très synthétique au fol. 43r. La gravure de Mansion se développe en un tableau plus riche et articulé, où les phases successives du mythe sont représentées sur les différents plans de limage (fol. 113r, fig. 97).

Pièce maîtresse des livres illustrés pour les princes de Bourgogne, le tableau représentant le héros favori de Philippe le Bon à la conquête de la toison dor se conforme à la synthèse de son aventure conçue par Loyset Liédet dans lautographe de lHistoire de Jason par Raoul Lefèvre (Paris, Bibliothèque de lArsenal, manuscrit 5067, fol. 105v), qui fut également reprise, entre autres, par Lieven van Lathem pour la bibliothèque de Louis (BnF fr. 331, fol. 106v)35 et par le maître de Marguerite dYork : ce dernier a illustré les étapes de la conquête sur les différents plans de la miniature du manuscrit français 137, au fol. 86v (fig. 70), autour de la figure de Jason qui, au premier plan, dompte les taureaux grâce à la fiole magique que Médée lui a offerte.

Ce frontispice du livre VII du BnF fr. 137 sera à son tour le modèle de livres postérieurs. Une gravure sur cuivre reproduisant la miniature, aujourdhui conservée au Musée des Beaux-Arts de Boston, fut signalée en 1902 par Max Lehrs36. La souplesse de la technique en taille-douce permet à lartiste, que Max Lehrs appelle « maître de lillustration de Boccace », den reproduire la composition dans les détails les plus fins et même de lenrichir en remplissant tous les espaces, comme mené par une sorte dhorror vacui. Au fond, un paysage urbain avec ses châteaux aux tours rondes et son église, un moulin sur une colline, un petit lac avec des cygnes, ne sont que des exemples de la manière dont lartiste cisèle minutieusement le tableau. Par un jeu de rayures, il emplit dun

213

clair-obscur les larges plages de couleur de la miniature. Les différentes scènes sont mises en relief par des éléments du paysage qui acquièrent une fonction dencadrement : un bosquet touffu délimite le registre inférieur, les sillons creusés par les taureaux découpent la scène centrale de Jason labourant la terre. Le héros, dont le heaume est décoré dun panache flottant, acquiert dans le cuivre une majesté et une expressivité encore plus intenses que dans la miniature, et montre son inégalable vaillance dans la lutte contre les taureaux qui crachent des flammes, puis en labourant la terre, ou enfin lorsquil arrache les dents du dragon qui se tord sous sa main. Lomission de la scène finale de Jason conquérant la toison est surprenante. Dittmar Henkel formule lhypothèse que ce cuivre faisait partie dun cycle que Colard Mansion avait commandé pour ses Métamorphoses à lauteur des gravures au burin de son Boccace de 147637 ; mais ces cuivres ne furent jamais utilisés car, plutôt que dinsérer dans les blancs les gravures tirées à part, limprimeur préféra expérimenter le procédé de la xylographie, qui permettait dimprimer simultanément texte et image. LOvide témoigne ainsi dune évolution dans la technique du livre illustré par rapport au Boccace qui le précéda. Cette hypothèse expliquerait mieux aussi le lourd endettement que la création des Métamorphoses causa à notre imprimeur et qui marqua la fin ruineuse de son activité brugeoise.

Très simplifiée par rapport à la miniature qui est son modèle (le fol. 175r du manuscrit Thott 399 de la Bibliothèque royale de Copenhague), la gravure sur bois qui décore le livre VII au fol. 175r de lincunable se concentre sur la scène de Jason domptant les taureaux terrifiants grâce à la fiole de Médée. En arrière-plan on voit sur la gauche le navire, sur la droite le dragon, et le bélier au sommet dun rocher qui symbolise les difficultés de laventure. Si ce bois gravé natteint pas la perfection du cuivre de Boston, il trouve, dans ses lignes sèches et souvent imparfaites, toute la beauté dun art encore peu expérimenté. Loin de la virtuosité et de la richesse aussi bien de la peinture que du cuivre, limage sur bois décorant lincunable, quoique beaucoup moins explicite, suggère au lecteur la vaillance du héros et les dangers de son aventure en se concentrant sur les traits essentiels. Dans lédition vérardienne, cette image est recopiée avec une technique désormais plus aboutie : les traits

214

sont nets et sûrs, Jason perd sa raideur statique et montre sa vaillance par une attitude plus naturelle, les feuilles et les fleurs aux formes sinueuses décorent le tableau (fol. 69v). Lépilogue retrouve sa place au fond de limage : Jason, la toison dans la main droite, se dirige vers le château. Dans les exemplaires sur vélin, les coloris de Jacques de Besançon en exaltent avec maîtrise la composition.

Lhistoire de Scylla et de Mégare simpose dans les différents exemplaires pour introduire au livre VIII38. Une synthèse efficace du somptueux tableau du BnF fr. 137 (fol. 100v) prend place au folio 118r du manuscrit londonien Royal 17.E.IV (fig. 92). Limage souligne la trahison de la princesse par la démarcation nette de lespace entre assiégés et assiégeants : Scylla sort de la ville fortifiée, en détournant lattention des soldats qui en défendent la porte, pour rejoindre le roi Mynos devant son riche campement. Habillée dune robe dun beau rouge foncé, la princesse sincline en offrant au roi de Crète la tête couronnée de son père Nysus. Le roi, les mains levées, montre son refus de façon hiératique.

Renversée par rapport à son modèle, la gravure de Mansion (fol. 195r) contient beaucoup moins de détails, tout en respectant le schéma en deux scènes du BnF fr. 137. Lartiste reformule limage en transformant lattitude des deux acteurs : Mynos se tourne à peine vers Scylla, qui arrive dans son campement, la tête de son père dans les mains. Limage perd les contours somptueux dun rituel courtois, pour dessiner une Scylla moins obséquieuse, mais plus conforme au portrait de traîtresse sans pitié que la glose mettra en évidence.

Le mythe dOrphée, en ouverture du livre X du manuscrit BnF fr. 137 (fol. 132v, fig. 94)39, se compose de trois tableaux. Sur la gauche, dans une salle ornée dun tapis noir en brocart stylisé, selon le style du Maître de Marguerite dYork, la première scène illustre les noces dEurydice et dOrphée. Les époux sont derrière une table somptueuse, où, la tête basse et les mains cachées dans ses manches, se tient le prêtre qui vient de célébrer les noces. Face au couple est représenté Hyménée, comme lannonce le prologue du mythe :

215

A ces nopces vint Hymen sans boneur aporter, ne signe de joyeuseté, et moult tristement se contint. Il donna signe de doleur et de mescheance que avenir devoit aux espousez. (Ovide moralisé en prose, X, 1, fol. 132v)

Sur la droite, à larrière-plan, Orphée joue de la lyre devant un château doù sortent des flammes et une épaisse fumée noire. Au premier plan, Eurydice, couronnée et vêtue dune belle robe de soie et de velours, fuit devant Aristée, les pieds nus dans lherbe, et se fait mordre au talon par un serpent.

La gravure sur bois de Colard Mansion omet la scène du mariage, pour se concentrer sur les moments les plus dramatiques du mythe (fol. 247r, fig. 87). Au premier plan, Orphée joue de la lyre ; derrière lui, un grand arbre avec un oiseau évoque le pouvoir extraordinaire qua le poète denchanter les arbres et les animaux. Sur la gauche, à larrière-plan, Eurydice, les pieds nus, séloigne vers le fond de limage. Elle soulève élégamment son ample jupe dun côté, laissant entrevoir son pied nu, qui est mordu par un dragon ailé. À la droite de limage, les Enfers sont représentés par un bâtiment en flammes, au seuil duquel un diable attire Eurydice. Lourdement enchaîné, Cerbère, apprivoisé par le chant et par le son de la lyre dOrphée, semble se coucher à ses pieds. À larrière-plan on distingue Ixion attaché à sa roue.

Mais plutôt quà la narration, cest à lexégèse que ce tableau offre un support visuel. Les scènes représentées montrent les tentations de la sensualité, et enseignent à suivre la raison et à fuir le vice et le péché. Cest à lOvide moralisé, et non pas à Pierre Bersuire, que Colard Mansion puise ses commentaires du mythe dOrphée, seul passage exégétique omis dans son modèle quil met en prose lui-même. À la lumière de la glose, limage révèle son enseignement :

Par Orpheüs pouons entendre droittement raisonnable entendement, et par sa femme Erudice lame qui par mariage divin sont en lumain lignage ensemble joinctes. Par le pasteur qui la prie, prenons la vertu de bien vivre. Par la contree de Trace pouons entendre vertuosité. Mais quant la sensualité seslonge de lentendement raisonnable, adont va lame courant par lerbe verde à piez nuds, cest à dire par les malices de ce monde et delices terriennes, dont il sabuse folement. Et aincores, qui pis est, quant il y donne son consentement, lors vient le serpent qui le treuve nud et descouvert de toute vertu, si le mort et aguillonne de la pointure mortele par laquele il le convient descendre en Enfer. (Cy commence Ovide, fol. 249rv)

216

Figure emblématique du pécheur condamné aux peines infernales, Ixion sur sa roue représente lamplificatio de ce message iconographique, en faisant encore écho à lexplication de la fable :

Par le tournoyemens que fait Ixion en la roe infernal pouons noter ceulx qui a maniere de roe vont et chieent de vice en autre, et de pechié en pechié sans eux arrester à aucune vertu, ains se laissent couler et aler selonc ce que Fortune les conduist et maine, sans tenir voye ne sentier où Prudence ait lieu, laquele vie leur est pire de mort. (Cy commence Ovide, fol. 249v)

Lartiste conçoit son image en jouant sur le double plan narratif et exégétique, en parfaite assonance avec les nouvelles Métamorphoses de Mansion.

La narration en image
des autres mythes ovidiens

Une seule gravure sajoute aux grands frontispices dans lincunable de Mansion : au livre XI, fol. 274v (fig. 98), une petite image montre Apollon et Neptune, lun déguisé en maçon et lautre en charpentier ; ayant érigé les murs de Troie, ils réclament la récompense que le roi Laomédon leur avait promise pour ce travail. La fable raconte que Laomédon refuse de les payer. Reproduction assez libre de la miniature peinte au folio 150r du BnF fr. 137, la gravure met en relief un moment de lhistoire de Troie qui revêt une valeur symbolique fondamentale dans sa réception bourguignonne : la fondation de Troie est le résultat dun acte de déloyauté, et le fondateur de la nouvelle Troie nest quun parjure. Par cette petite gravure, lOvide de Mansion se fait porteur dun des messages les plus chers aux nobles de Bourgogne : la croisade contre les Turcs rêvée par les Chevaliers de la Toison dor, nouvelle guerre de Troie, est une guerre sainte contre un ennemi puissant et redoutable, issu dune lignée marquée par la déloyauté et limmoralité.

Si lon excepte cette image isolée, ce nest que dans le BnF fr. 137 et dans les copies sur vélin de la Bible des poëtes que les mythes secondaires, de par leur position ou leur importance, sont mis en image. Avec

217

ses deux cent quarante-trois miniatures, toutes de la main de Jacques de Besançon selon Durrieu40, lexemplaire de Charles VIII présente le programme iconographique le plus riche parmi ces livres illustrés de la fin du xve siècle.

Souvent très narratives et explicites, ces images respectent fidèlement le texte, quelles racontent par une symbolique claire et immédiate. Tirésias prédit ainsi la mort de Narcisse à sa mère Liriope en lui montrant un crâne (fol. 30r). Si ces miniatures manquent parfois dexpressivité ou doriginalité, et relèvent dune production quasi sérielle, elles sont en revanche vives et brillantes, et de beaux jeux de couleurs leur confèrent une certaine suggestivité. Sur des fonds aux teintes très claires qui, en exploitant les nuances de bleu, de violet, de gris, de brun, dépeignent des paysages monochromes – leau de la mer noyée dans le ciel, des villes et châteaux enveloppés de brumes –, des images aux couleurs vives ressortent au premier plan, illustrant les moments les plus significatifs des mythes. Les personnages sont en général stéréotypés, mais dans certaines scènes, et notamment dans laction, ils saniment et se débarrassent de leur raideur pour acquérir des attitudes plus dynamiques, comme dans le meurtre de Pélias (fol. 74r), dans lenlèvement des Sabines (fol. 173r), ou dans les nombreuses scènes de bataille qui acquièrent une vivacité extraordinaire grâce à une multitude de soldats : ainsi, dans la lutte contre les Titans au fol. 52r. Les personnages féminins sont pleins de grâce et les personnages masculins non moins élégants. Les nus ne sont pas rares ; lartiste peint des corps harmonieux, qui cachent souvent leur nudité par pudeur. Sont nus lhomme et la femme qui naissent des pierres lancées par Deucalion et Pyrrha (fol. 7r), Leucothée muée en encens (fol. 39r), la belle statue sculptée par Pygmalion (fol. 111v), Thétis violée par Pélée (fol. 122v), ou encore les Mirmidons issus de la métamorphose des fourmis (fol. 77v). Mais jamais un personnage que la glose rapproche de la Sainte Écriture napparaîtra déshabillé.

Quand les protagonistes des fables sont les dieux antiques, leurs portraits se caractérisent par les traits de lillustration berchorienne du De formis. Junon se plaignant avec Jupiter de la transformation de

218

Callisto en ourse (fol. 16v), ou descendant aux Enfers à la recherche de Tisiphone (fol. 44r), sera reconnaissable à sa chevelure touffue, dun bleu brillant ombré de gris ; Mercure aura toujours des ailes aux pieds et à la tête (fol. 10r, fol. 22r, etc.).

La métamorphose est suggérée par différents procédés. Lorsquelle est en train de saccomplir, elle se traduit généralement par des créatures hybrides qui gardent leur tête humaine sur un corps déjà métamorphosé en animal, en plante ou en un élément inanimé. Byblis en pleurs sallonge par terre, et ses larmes donnent vie à un cours deau (fol. 104r). Parfois lartiste montre la succession chronologique des étapes de la métamorphose : Ésaque qui se transforme en plongeon se lance dans lair encore sous sa forme humaine, et dans sa chute lui poussent deux grandes ailes doiseau.

Un goût marqué pour le merveilleux se manifeste dans les êtres hybrides et dans les animaux monstrueux comme les sirènes, les centaures, le minotaure ou les dragons : les compagnes de Proserpine métamorphosées en sirènes sont pleines de grâce (fol. 57r) ; Phyton (fol. 7v, fol. 25r) ou Cerbère (fol. 75r) montrent toute leur force de créatures terrifiantes.

La comparaison de lillustration de la mise en prose du fr. 137 et de ces témoins en vélin de la Bible des poëtes révèle bien quun esprit différent anime ces deux réécritures dOvide à laube de la Renaissance. Elles sont lexpression de deux approches exégétiques différentes des Métamorphoses, qui coexistèrent à la fin du Moyen Âge et encore à la Renaissance41 : la glose de la mise en prose est de matrice rationaliste et évhémériste, tandis que celle de la Bible des Poëtes est de matrice platonicienne et intégumentaire. Au maître de Marguerite dYork qui peint la glose évhémériste de lenlèvement dEurope (fol. 27v, fig. 71), en soulignant que Jupiter nest en réalité quun roi, et le taureau la simple figure de proue de son navire, Jacques de Besançon répond par une représentation traditionnelle dEurope caressant Jupiter sous la forme dun taureau (fol. 23r), support visuel à lallégorie qui fait dEurope lâme raisonnable, et de Jupiter le Christ incarné (fol. 23v)42. La séduisante Cybèle aux seins nus du BnF

219

fr. 137 (fol. 3r) est pudiquement rhabillée dans la miniature de Jacques de Besançon (fol. 3v) : lallégorie du De formis fera de la déesse limage de Sainte Eglise ou de la religion chrétienne.

Le cycle iconographique conçu pour illustrer la Bible des poëtes repose sur une approche exégétique qui assimile le monde antique au monde chrétien, lun étant le voile de lautre. Dans la représentation de ses héros et de ses héroïnes, lartiste ne pourra pas ignorer quils ne sont que lexpression typologique des figures de lhistoire sainte. La glose rationaliste de la mise en prose permet au contraire à lartiste de prendre ses distances avec ce monde antique, avec ces dieux et ces héros dont la vaillance se mêle souvent au vice, et de sexprimer ainsi dans limage en pleine liberté. Plutôt que de lassimiler au monde qui lui est contemporain, lartiste veut souligner combien ce monde antique diffère du monde médiéval. Voici labsence de pudeur, laudace sexuelle, laspect caricatural de ces faux dieux aux grandes ailes disproportionnées qui caractérisent lillustration du maître de Marguerite dYork dans le manuscrit BnF fr. 137. Mais sil montre lécart entre ce monde antique et le sien, il nen célèbre pas moins la vaillance de ses héros et de ses dieux, sans jamais en sanctionner les vices et les excès, qui sont dailleurs les vices et les excès de lêtre humain. Son regard sur lAntiquité et sur lhomme est indulgent, souvent souriant et amusé. Ses images représentent un monde lointain, déréglé et sans morale, qui attend lavènement du Christ rédempteur – lequel pourra seul marquer une nouvelle ère de lhistoire humaine. Parmi ces exemplaires des Métamorphoses illustrées qui rivalisent en beauté, son cycle dillustrations, moderne et novateur, qui fut un modèle inégalable pour dautres artistes, est sans doute le plus grand chef-dœuvre de la miniature ovidienne de ce Moyen Âge finissant.

Stefania Cerrito

Università degli studi internazionali di Roma

1 Un seul témoin illustré du xve siècle des Métamorphoses latines, le manuscrit BnF, latin 8016, figure dans le recensement de C. Rabel, « Ovidio Nasone, Publio », Enciclopedia dellarte medievale, Rome, Istituto dellEnciclopedia Italiana, 1998, p. 38-41.

2 À lédition de la mise en prose sur la base du manuscrit BnF, fr. 137, succédera celle de lincunable de Colard Mansion. Une édition partielle de la prose a été lobjet de ma thèse de doctorat de luniversité de Vérone, dirigée par A. M. Babbi : Les traductions dOvide entre Moyen Âge et Renaissance : lOvide moralisé en prose (ms. BnF fr. 137). Édition partielle avec études linguistique et littéraire, 2010. Les citations de lOvide moralisé en prose qui figurent dans cet article sont tirées du manuscrit BnF, fr. 137 ; celles de lincunable de Mansion sont tirées de lexemplaire conservé à la BnF, Rés. G YC 1002.

3 Les manuscrits D1 (Bruxelles, Bibliothèque royale, manuscrit 9639), D2 (Cambrai, Bibliothèque municipale, manuscrit 973), D3 (Paris, BnF, français 24306), D4 (New York, Pierpont Morgan Library, manuscrit M. 443 ; ancien Fairfax Murray), D5 (Paris, BnF, français 24305, livres I-VII). Voir, entre autres, M.-R. Jung, « Les éditions manuscrites de lOvide moralisé », Cahiers dHistoire des Littératures Romanes / Romanische Zeitschrift für Literaturgeschichte, 20, 1996, p. 251-274.

4 La première fut commanditée par René dAnjou et composée entre 1466 et 1467, selon le colophon de lunique manuscrit qui nous la transmet, le Reginense Latino 1686 de la Bibliothèque apostolique vaticane. Sur cette prose, voir, entre autres, F. Mora-Lebrun, « Deux réceptions des Métamorphoses au xive et au xve siècle. Quelques remarques sur le traitement de la fable et de son exégèse dans lOvide moralisé en vers et sa première mise en prose », Lectures et usages dOvide (xiiie-xve siècles), éd. E. Baumgartner, Cahiers de recherches médiévales, 9, 2002, consultable sur le site des CRMH. Lédition de C. De Boer, Ovide moralisé en prose (texte du quinzième siècle), Amsterdam, North-Holland Publishing Company, 1954, serait à réviser.

5 Voir W. van Emden, « Lhistoire de Pyrame et Thisbé dans la mise en prose de lOvide moralisé : texte du manuscrit Paris, BnF, fr. 137, avec variantes et commentaires », Romania, 94, 1973, p. 29-56 ; M.-R. Jung, « Ovide Metamorphose en prose (Bruges, vers 1475) », « A lheure encore de mon escrire ». Aspects de la littérature de Bourgogne sous Philippe le Bon et Charles le Téméraire, éd. C. Thiry, Lettres Romanes, numéro hors-série, 1997, p. 99-115 ; S. Cerrito, « LOvide moralisé mis en prose à la cour de Bourgogne », Mettre en prose aux xive-xvie siècles, éd. M. Colombo Timelli, B. Ferrari et A. Schoysman, Turnhout, Brepols, 2010, p. 109-117.

6 Sur liconographie, voir I. Hans-Collas et P. Schandel, Manuscrits enluminés des anciens Pays-Bas méridionaux. I. Manuscrits de Louis de Bruges, Paris, Bibliothèque nationale de France, 2009, p. 113-120, pl. 69-74 ; S. Cerrito, « LOvide moralisé en prose entre texte et image : un livre illustré de la bibliothèque de Louis de Bruges (ms. Paris, BnF, fr. 137) », Quand limage relit le texte. Regards croisés sur les manuscrits médiévaux, éd. S. Hériché-Pradeau et M. Pérez-Simon, Paris, Presses Sorbonne Nouvelle, 2013, p. 41-57, planches p. ii-iii, et dans le présent volume, les pages de L. Harf-Lancner et M. Pérez-Simon, « Une lecture profane de lOvide moralisé. Le manuscrit BnF, français 137 : une mythologie illustrée », que je remercie de mavoir permis de les lire avant publication.

7 Voir R. McKitterick et R. Beadle, Catalogue of the Pepys Library at Magdalene College Cambridge, vol. V.1, Medieval manuscripts, Cambridge, Boydell and Brewer, 1993, p. 51-54 ; The Metamorphoses of Ovid translated by William Caxton, 1480, éd. D. Bush, New York – Cambridge, Braziller – Magdalene College, 1968 ; Ovyde. His Book of Methamorphose, éd. S. Gaselee et H.F.B. Brett-Smith, Oxford, Blackwell, 1924 ; William Caxton, The Booke of Ovyde named Methamorphose, éd. R. Moll, Toronto – Oxford, Pontifical Institute of Medieval Studies – Bodleian Library, 2013.

8 On se demande surtout pourquoi cette traduction ne fut jamais imprimée : cest le seul exemple connu de traduction de Caxton restée manuscrite. Si la question est destinée à rester un mystère, je formule quand même une nouvelle hypothèse dans « William Caxton traduttore di Ovidio », Dis/affinità elettive. Studi per Matilde De Pasquale, éd. N. Novelli, M. Freschi et A. Iacovella, Rome, Empiria, 2013, p. 43-56.

9 Voir K.L. Scott, The Caxton Master and his patrons, Cambridge, Cambridge Bibliographical Society, 1976, p. 3-23.

10 Voir J. van Praet, Notice sur Colard Mansion, Paris, 1829 ; C.L. Carton, Colard Mansion et les imprimeurs brugeois du xve siècle, Bruges, 1844 ; J.-Cl. Moisan et S. Vervacke, « Les Métamorphoses dOvide et le monde de limprimé : la Bible des poëtes, Bruges, Colard Mansion, 1484 », Lectures dOvide, publiées à la mémoire de Jean-Pierre Néraudau, éd. E. Bury, Paris, Les Belles Lettres, 2003, p. 217-237 ; « Colard Mansion », Cinquième Centenaire de limprimerie dans les Pays-Bas, Bruxelles, Bibliothèque Royale, 1973, p. 212-238 ; S. Cerrito, « Colard Mansion relit les Métamorphoses : une nouvelle version brugeoise de lOvide moralisé », Pour un nouveau répertoire des mises en prose, éd. M. Colombo, A. Schoysman et B. Ferrari, Paris, Classiques Garnier, 2014, p. 85-99.

11 Transmise par une trentaine de manuscrits, puis par lédition Josse Bade de 1509, la première rédaction de lOvidius moralizatus fut composée entre 1320 et 1342.

12 Sur lillustration de lOvide de Mansion, voir M.D. Henkel, De Houtsneden van Mansions Ovide moralisé. Bruges 1484, Amsterdam, 1922.

13 Les éditions suivantes, sans date, se situent environ en 1498 et en 1507. Les éditions Le Noir datent de 1523 et 1531. Voir J. Mac Farlane, Antoine Vérard, Londres, The Bibliographical Society, 1900, p. 15-16 ; M.B. Winn, Anthoine Vérard. Parisian publisher (1485-1512), Genève, Droz, 1997, p. 269-278 ; S. Cerrito, « À propos de la Bible des poëtes », Antoine Vérard, Le Moyen Français, 69, 2011, p. 1-14.

14 Voir F. Ghisalberti, « LOvidius moralizatus di Pierre Bersuire », Studi romanzi, 23, 1933, p. 74-75 ; M.-H. Tesnière, « Pierre Bersuire », Translations médiévales, éd. C. Galderisi, Turnhout, Brepols, 2011, vol. II, t. II, p. 739-741. Sur limage, voir E. Panofsky, Renaissance and Renascences in Western Art, Stockholm, 1960.

15 Voir F. Manzari, « Ovidio, Metamorphoses », Vedere i Classici, Rome, Palombi, 1996, p. 289-294, ici p. 289.

16 Ibid.

17 Voir Ovide moralisé, éd. De Boer, livre XII, v. 3741.

18 Les liens entre lOvide moralisé en prose et la réduction sans moralisations du De formis quon lit dans lAlbricus sive Libellus de imaginibus deorum sont à approfondir. Voir Panofsky, Renaissance and Renascences.

19 Un phénomène similaire sobserve dans les Chroniques de Hainaut (Bruxelles, Bibliothèque royale, manuscrit 9242), où Baal, brandissant une masse comme Hercule, et Bacchus précèdent Saturne. Voir. J. Leclerc-Marx, « La représentation des dieux antiques dans le premier volume des Chroniques de Hainaut », Aspects de la vie culturelle dans les Pays-Bas méridionaux (xive-xviiie siècle). Miscellanea in memoriam Pierre Cockshaw, éd. F. Daelemans et A. Kelders, Bruxelles, Bibliothèque Royale de Belgique, 2009, p. 243-279.

20 Voir De Saturno, fol. 3r, Metamorphosis Ovidiana moraliter a magistro Thoma Walley [] explanata, éd. Josse Bade, Paris, 1509.

21 Voir T. Voronova et A. Sterligov, Manuscrits enluminés occidentaux du viiie au xvie siècle à la Bibliothèque nationale de Russie de Saint-Pétersbourg, Bournemouth – Saint-Pétersbourg, Parkstone – Éditions dart Aurora, 1996, no 374, p. 285-286, qui contient aussi la reproduction de limage.

22 Fol. 1r-50r, sans numérotation. Sur ce manuscrit, voir, entre autres, Le Commentaire de Copenhague de lOvide moralisé, éd. J.Th.M. vant Sant, Amsterdam, 1929 ; H. Nørgaard, « Sankt Ovid », Fund og Forskning, 10, 1963, p. 7-26 ; N. Koble, « Les dieux dOvide dans un manuscrit du xve siècle de lOvide moralisé en vers (Copenhague, Kongelige Bibl., Thott 399) », Lectures et usages dOvide, éd. Baumgartner, p. 157-175.

23 Voir J. Engels, Études sur 1Ovide moralisé, Groningen, Wolters, 1943, p. 70.

24 S. McKendrick insiste sur les liens du maître de Rambures avec Bruges ; voir S. McKendrick, « Painting in Manuscripts of Vernacular Texts, circa 1467-1485 », The Renaissance. The Triumph of Flemish Manuscript, éd. Th. Kren et S. McKendrick, Los Angeles – Londres, The J. Paul Getty Museum – Royal Academy of Arts, 1950, p. 255-256.

25 Jutilise dans cet article la foliotation de lexemplaire en ligne du Musée historique de Bruges, qui a appartenu à Charles de Croÿ.

26 Voir aussi le frontispice de lédition Vérard (British Library, incunable IC 41148, fig. 85).

27 Voir aussi le frontispice de lédition Vérard (British Library, incunable IC 41148, fig. 90).

28 Voir J. Baschet, « Inferno », Enciclopedia dellarte medievale, Rome, Istituto dellenciclopedia italiana, 1998 ; Les Justices de lau-delà. Les représentations de lenfer en France et en Italie (xiie-xve siècle), Rome, Bibliothèque des écoles françaises dAthènes et de Rome, 1993.

29 Le problème que ce pluriel pose pour une lecture chrétienne du poème fut mis en évidence par Giovanni del Virgilio ; voir Engels, Études sur 1Ovide moralisé, p. 88.

30 Voir Scott, The Caxton Master and his patrons.

31 Voir aussi limage de lédition Vérard (British Library, incunable IC 41148, fig. 91).

32 Je crois avoir montré ces liens dans Cerrito, « Colard Mansion relit les Métamorphoses ». Sur le frontispice du Speculum, voir, entre autres, A. et J.L. Wilson, A Medieval Mirror : Speculum Humanae Salvationis 1324-1500, Berkeley – Los Angeles Oxford, University of California Press, 1985, p. 142.

33 Dans laccumulation de sens qui est typique des apparats de gloses, cette image suggère probablement aussi lassimilation des anges déchus aux faux dieux, quon lit souvent dans lexégèse chrétienne.

34 K. L. Scott estime que, si lon reconnaît la main du maître de Caxton dans le dessin de cette miniature, la technique dapplication des couleurs nest pas la sienne. Voir Scott, The Caxton Master and his patrons, p. 3-24.

35 Sur ces manuscrits, voir, entre autres, M. Smeyers, LArt de la miniature flamande du viiie au xvie siècle, Tournai, La Renaissance du Livre, 1998, p. 405 et p. 416, n. 96 ; McKendrick, « Painting in manuscripts of vernacular texts », p. 243-244 ; Hans-Collas et Schandel, Manuscrits enluminés des anciens Pays-Bas méridionaux, vol. I, p. 79-82.

36 Image numérisée consultable sur le site du Museum of Fine Arts de Boston, avec le numéro de référence P14506. Les dimensions : 178x134 mm. Je tiens à remercier Stephanie Stepanek du Musée des Beaux-Arts de Boston pour sa collaboration chaleureuse. Voir M. Lehrs, « Der Meister der Boccaccio-Bilder », Jahrbuch der K. Preussischen Kunstsammlungen, 23, 1902, p. 124-141 ; M. D. Henkel, « Engravings and Woodcuts after Flemish Miniatures », The Burlington Magazine for Connoisseurs, 51/296, 1927, p. 209-215.

37 Sur le Boccace de Mansion, voir, entre autres, H. Michel, LImprimeur Colard Mansion et le Boccace de la bibliothèque dAmiens, Paris, 1925.

38 Dans le manuscrit de Copenhague, cest le mythe dIcare qui ouvre le livre VIII, au fol. 196v.

39 Au fol. 155r du manuscrit Royal 17.E.IV (fig. 93), la miniature montre un diable tirant franchement Eurydice contre lui.

40 Voir P. Durrieu, Jacques de Besançon et son œuvre, Paris, Champion, 1892, p. 90, notice xliv. Voir aussi F. Avril et N. Reynaud, Les Manuscrits à peintures en France (1440-1520), Paris, Flammarion, 1993. Une reproduction en couleur de lexemplaire BnF, Rés. vél. 599 est consultable sur Gallica.

41 Voir, entre autres, J. Seznec, La Survivance des dieux antiques, Londres, The Warburg Institute, 1940 ; G. C. Alessio, « La letteratura latina medievale. Gli dèi nel Medioevo fra evemerismo e allegoria », Il mito nella letteratura italiana, vol. I, Dal Medioevo al Rinascimento, Brescia, Morcelliana, 2005, p. 59-96.

42 Une représentation similaire du mythe dEurope apparaît dans les Cleres femmes de Boccace, mss BnF, fr. 598, fol. 18r, et BnF, fr. 599, fol. 11v.