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Classiques Garnier

« Démonstrer à l’œil » l’ombre d’une dissection L’illusion théâtrale du corps humain selon Charles Estienne (1545, 1546)

  • Type de publication : Article de revue
  • Revue : Cahiers de recherches médiévales et humanistes / Journal of Medieval and Humanistic Studies
    2015 – 1, n° 29
    . varia
  • Auteur : Cazes (Hélène)
  • Résumé : Dans La Dissection des parties du corps humain, Charles Estienne (1504-1564), veut ­composer « ­l’umbre » ­d’une dissection dans ­l’espace du livre. La valeur épistémologique du spectacle donne lieu à la fiction ­d’un théâtre anatomique, tandis que les bois gravés, souvent empiécés, travaillent la perspective pour faire naître une illusion de profondeur. Vitruve et Serlio donnent ­l’alphabet de cette illusion théâtrale.
  • Pages : 305 à 343
  • Revue : Cahiers de recherches médiévales et humanistes - Journal of Medieval and Humanistic Studies
  • Thème CLIL : 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
  • EAN : 9782812448041
  • ISBN : 978-2-8124-4804-1
  • ISSN : 2273-0893
  • DOI : 10.15122/isbn.978-2-8124-4804-1.p.0305
  • Éditeur : Classiques Garnier
  • Mise en ligne : 30/07/2015
  • Périodicité : Semestrielle
  • Langue : Français
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« Démonstrer à lœil »
lombre dune dissection

Lillusion théâtrale du corps humain
selon Charles Estienne (1545, 1546)

Homme de théâtre et homme de savoirs, anatomiste et écrivain pour les jeunes comme pour les grands, Charles Estienne publia, en deux versions, chez Simon de Colines, un bel in-folio danatomie, pour lequel il revendiqua en préface une antériorité (1539) sur la fameuse Fabrique du Corps Humain dAndré Vésale (1543)1 : La Dissection des parties du corps humain2, qui parut en latin en 1545 puis en français en 1546. Docteur régent à la Faculté de Médecine de Paris depuis 15423, après des études à Padoue (1536) et Paris (1538-1542), il participera comme lecteur ordinaire aux réunions de la Faculté de Médecine de Paris entre 1544 et 15474. Le traité danatomie, paru en 1545, parachève et démontre lautorité scientifique, en format in-folio, avec 62 gravures sur bois en pleine page, dun écrivain connu par ses petits livres pour la jeunesse et pour ses traductions de comédies classiques ; chef dœuvre typographique, louvrage est également le chef dœuvre intellectuel du fils Estienne le plus atypique, inscrit en droit, puis en médecine,

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précepteur de Charles-Antoine de Baïf, auteur de livrets de vulgarisation, philologue, traducteur, éditeur et amateur de théâtre classique et italien5. Or, le titre même de ce grandiose traité danatomie composé par un polymathe, Dissection, ouvre, comme en perspective, un discours en plusieurs dimensions : outre le savoir anatomique sur le corps, le livre traite de la forme et du procès de ce savoir.

Dans la tradition de Galien et de ses Procédures Anatomiques6, La Dissection propose non seulement un tableau (en images et chapitres) mais également, et plus particulièrement dans son tiers livre, une méthode et une démonstration sur lélaboration de ce savoir. Il ne sagit pas seulement dinformations sur lanatomie, il faut quégalement soit traitée la manière de découvrir et faire voir lanatomie du corps humain. Dans cette perspective, le geste premier de lexpérience – louverture du corps et lidentification de ses parties par lanatomiste – devient une fondation que répèteraient lexpérience de lécriture et celle de la lecture. Description, transcription, démonstration, Charles Estienne ne cesse de « montrer » le spectacle absent dune dissection idéale, laquelle mettrait « sous les yeux », presque sans discours, lanatomie du corps humain7. Le théâtre est ainsi, avant tout, un théâtre littéral : celui du spectacle8. Et cest dabord ce théâtre, encore à construire, mais bien concret dans sa définition, que lanatomiste présente dans son troisième livre, sur la manière de procéder lors dune dissection : un lieu où le corps est donné à voir. Or ce théâtre, construit dans un livre, est aussi montré

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dans le livre, où « protraicts » et « parolles » remplacent, pauvrement mais fidèlement, lexpérience9. Loin des métaphores, donc, mais dans labstraction et la substitution, le théâtre de Charles Estienne est un espace de démonstration et appartient au livre. Il est « lombre » du spectacle du savoir : la démonstration anatomique, geste qui à la fois montre et nomme, fait voir et fait savoir.

La référence à la scène prend alors, à proprement parler, une autre dimension : elle assure le relief du plan de la page, elle reproduit la profondeur de lexamen anatomique et met en perspective le plat discours de la description. En convoquant le lieu du théâtre classique par un chapitre sur le théâtre à construire mais également en inscrivant le spectacle du corps au devant de décors de scène, ou murailles, formant le fond des gravures, Charles Estienne introduit non pas une comparaison mais une poétique fondée sur la représentation, ses procédés, et la reconnaissance de ces procédés. Ainsi, les références textuelles et visuelles désignent les emprunts à la scène pour mieux affirmer le projet même du livre. En une remarquable cohérence épistémologique et poétique, se rencontrent en effet un savoir fondé sur le regard et un partage construit comme un spectacle.

« Aultrement [] fauldrait toute jour
avoir le rasoer a la main »

Le premier discours de lanatomiste en son traité est de rapporter la connaissance du corps au geste de la dissection mais également au support de la transmission de ce savoir, en loccurrence, le livre imprimé. La « démonstration » dEstienne se dit et sillustre : elle dit et illustre également sa manière de dire et dillustrer. Le support du livre, ainsi, est commenté dans son incomplétude et ses limitations : dès la préface, Charles Estienne présente le livre encore à lire et regarder comme un

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substitut, imparfait, de lexpérience que donnerait une séance de dissection. « Historien » du corps, Charles Estienne se présente dentrée de texte comme un laborieux ouvrier de la vérité, soucieux de ne rien ajouter ni transformer lors de la transcription du spectacle de la dissection en traité danatomie.

Et ou loccasion desdictz corps si tost ne soffreroit, en ce cas, doibt le medecin ou chirurgien avoir son recours aux escriptz de ceulx quil jugera avoir bien et duement traicte ceste matiere : en attendant la commodite dung corps laquelle par quelque occasion souvent peult echeoir10.

Pis-aller de la participation « en chair et en os » à la dissection, le livre est une solution dattente, qui promet une expérience sans médiation. En ouverture et fermeture de cette clausule de lavant-propos, Charles Estienne place loccasion : fortune dun corps disponible, « commodité » dune exécution ou dun décès. Au centre, dans la position de la lecture et de la médiation, le « recours aux escriptz », situé hors de la contingence, placé dans le domaine du jugement, mais privé de lexpérience.

Plus loin, dans les premières pages du traité, en un chapitre intitulé « De la maniere de faire et descripre lanatomie », Charles Estienne continue la topologie des valeurs épistémologiques qui se partagent entre le livre et la séance de dissection : second, intermédiaire, défectueux sans possible remède, le volume imprimé est un outil de familiarisation (en attente de lexpérience) et de mémoire (pour retrouver et garder en lesprit noms, arrangements et formes des parties du corps). Pour ce, lécriture doit être description, idéalement neutre. Dans cette transparence imaginée, qui efface la médiation, le livre dispense dêtre, « toute jour le rasoer a la main ».

Et ne sauroit on estimer le proffit et utilite quont faict aux estudians et professeurs de cest art, ceulx qui avec grand labeur et industrie (joint lexercitation et diligente administration) ont traicte par escript les matieres anatomiques. Car la chose qui le plus soullaige le curieux esprit du diligent medicin est de veoir souvent par escript louvraige si divin et mesle de tant de diversitez de parties : aultrement luy fauldrait toute jour avoir le rasoer a la main. Et sil est ainsy que les escriptz de ceste matiere soyent tant utiles et necessaires a la memoire et certitude des choses, pourquoy ne seroyent aussy tresutiles les demonstrations par figures de matieres escriptes et proposees par lectre ?

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Cest dans le cadre de la transcription, par écrit dabord, que les illustrations prennent sens : elles complètent le texte en composant une illusion de présence. Elles ne sauraient néanmoins remplacer la présence. Elles sont le substitut de la « chose » comme les écrits sont le substitut de la leçon. « Umbre » du corps, la représentation par les gravures occupe cet entre-deux du savoir et de lexpérience : le texte rappelle et explique, limage propose une autre mémoire, celle de « lœil », une perception idéalement immédiate et transparente. Là encore, l« opportunité » et l« occasion » caractérisent lexpérience. Dans la virtualité de la lecture, le livre propose une répétition à la fois abstraite et véridique. Il est la représentation du corps, terme de théâtre ici fort bienvenu pour ce quil inclut le spectacle, sa reprise, et sa construction imaginaire.

Car si les escriptz contentent lesprit et la memoire, aussy pouvons nous dire que la peinture contentera loeil et la veue de la chose absente, aultant ou a peu pres comme si elle estoit presente. Les escriptz supplient la parolle : et les protraicts (combien que muets) portent la forme et facon des choses devant les yeulx, en sorte quilz nont aultre mestier de parolle. Parquoy pour plus commodement satisfaire a lœil et a la memoire, avons conjoint lanatomie paincte a la description des parties du corps humain : affin que quand naurez le corps en main, pour vous contenter de quelque doubte, puissiez avoir recours a ceste umbre : attendant (comme dict a este) lopportunite et meilleure occasion. Pourquoy plus commodement mectre a execution, avons delibere densuyvre lordre de nature, comme si nous avions a composer un corps.

Le traité apparaît, au terme de la dissection des parties du livres, comme une « exécution », autre mot emprunté au spectacle et aux représentations : objet créé par lanatomiste, il est le sujet-même du livre, « composé » par lauteur à limage dun homme « composé » par le Créateur. Lordre de nature, traditionnel depuis Galien, est celui de la structure : le discours anatomique re-compose le corps défait par lexploration de ses parties. Ainsi, le livre ne narre pas la dissection (qui défait et ne compose pas) mais donne à lire la construction abstraite dune unité découverte par lexpérience et la science : en suivant lordre des structures, le traité dépasse la circonstance (et, en loccurrence, la mort des sujets) pour la conception intellectuelle dune unité recomposée. Du coup, cest en fin de volume que se trouvera le manuel du dissecteur : lorsque le corps conceptuel sera achevé et que le geste de découverte deviendra spectacle.

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« Comme si nous avions a composer un corps » :
naissances du troisième livre

Ce qui est donné à lire est ainsi la composition du corps et se termine, au dernier livre, par… une naissance. Après la fragmentation (et la décomposition), le premier chapitre du troisième livre est consacré à « La maniere de tirer lenfant vivant, la mere estant desia morte » (p. 284-285) tandis que la vie reprend dès le second chapitre montrant « la mere encore en vie » (p. 286-288) et le quatrième traitant de la « Description particuliere de la matrice » (p. 288-315). Ce troisième livre ne continue pas les deux premiers : il les met en perspective, sattachant à des parties du corps commentées pour leur usage (la matrice, lœil, le cerveau), pour la difficulté de leur démonstration par la dissection (lœil, les mains) ou pour leur mystère. Il se continue par la construction du théâtre encore à bâtir. Pareillement, il se termine par la construction dun squelette, pour les démonstrations anatomiques, comme si le livre « composait » un corps, reprenant à son début le squelette de sa conclusion, donnant naissance à lenfant « tiré » de la mère morte après avoir exploré le cadavre gisant de ladulte.

Au troisième livre du traité, Charles Estienne reprend en effet son discours sur le corps derechef en un ensemble composite et sans modèle classique. Commencé à la manière galénique selon lordre structurel des os, ligaments, nerfs, membranes, muscles, glandes, veines et organes, le traité change de ton et dorganisation en page 273 (sur 405) avec un nouveau « proesme » et ce livre consacré à lobstétrique, à lœil, à certaines configurations musculaires et, enfin à ladministration anatomique : procédures, outils, appareillage. Dans ce livre, pour les césariennes, comme pour la construction de la scène anatomique, la fiction dun geste premier sans apparat ni médiation cède la place à la description des coulisses du spectacle du corps. Tandis que le premier livre présentait la séance de dissection comme une expérience brute, une découverte « le rasoer a la main » ou dans les rangs de lassistance, ce retour sur la scène du savoir, probablement rédigé après 1539, fait voir les coulisses de la représentation. Avant même la construction du théâtre et son appareillage, cest le corps humain qui est théâtralisé, pour être vu et accessible.

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Il en va ainsi dans la longue partie consacrée à la femme, qui porte uniquement sur la naissance et la grossesse : « la femme grosse denfant (car aultrement ny auroit aucune difference) [davec le corps masculin, pour ce qui concerne la coupe du corps] ». Or le corps de la mère, pour la césarienne qui suivra son dernier soupir, nest plus le corps naturel, exposé « à loccasion » au regard du médecin. Pour la survie de lenfant, cest un corps monté sur la scène, que la sage-femme et le médecin placent en position et ouvrent au regard, maintenant dents et cuisses écartées :

[] adonc te fault, la mere estant a larticle de la mort, et devant quelle iette le dernier souspir, luy tenir la bouche ouverte avec ung petit baillon faict en triangle : duquel le bault soit posé vers les dentz de dessus : et le bas vers celles de dessoubz, a celle fin que lenfant ne soit suffoqué ou estouffé a faulte de pouvoir prendre ou recepvoir vent. En oultre serait necessaire que la sage femme ne bougeast la main de lentrée de la matrice : en retenant et arrestant de tant quil luy serait possible, les cuisses de la patiente separées et courbées []11.

La série de chapitres dédiés à la femme (naissance, matrice, appareil génital) est suivie par une autre série de chapitres, cette fois consacrée à lœil et à la vision (p. 316-333). Loin de constituer un désordre des matières, ce plan des sujets est une installation théâtrale pour la composition du spectacle : la scène est ouverte pour la composition du corps, le spectateur est introduit. Léloge de lœil, continué au chapitre sur « la dignité et excellence de lœil » (p. 319-320) est celui de la vision, qui permet de connaître et qui justifie toute lentreprise anatomique de La Dissection.

Quiconque vouldra diligemment consyderer et entendre lusage, office et action daulcunes parties de ce corps : lesquelles combien que soient petites, ont esté ce néantmoins basties et construictes de trop plus excellent artifice que nulle des aultres : Fauldra necessairement quil confesse le chef dœuvre de ce divin architecteur, estre incredible et passer toute mesure quant a la composition et construction des yeulx : lesquelz a bon droict, tant pour ceste noble composition, comme aussy a cause de lusage susdict, pouvons affermer estre les plus excellentes parties de tout le corps : attendu que par le moyen dicelles, lesprit humain voyt et discerne comme au travers de quelques fenestraiges fermez et bouchez dung beau verre cler et net ou (pour plus vray dire) dun crystal, non seulement toutes choses exterieures (car cela aussy est propre et peculier a toustes bestes desgarnyes de rayson) Mais encor discerne

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et iuge facilement la qualité et quantité desdictes choses. Par le moyen des yeulx comme vrays interpretes et embassadeurs des meilleurs sens naturelz, nous congnoissons les affections et voluntez diverses de lhomme : autour de la rondeur desquelz formée en facon de belles pierres precieuses, sestend lesprit interieur pour veoir les choses qui luy sont offertes, tant de pres que de loing. Et pour ceste cause, a esté fort industrieusement conioincte en un centre la lumiere de tous les deux yeulx, a cause desquelz ont estimé les Philosophes antiques, toute la teste avoir esté entierement composée et constituée12.

Perles de la création, les yeux sont les outils du savoir car ils permettent la contemplation du spectacle de la création. Percevant les choses, ils les jugent également et font la « lumiere » qui permet de voir. Lexposé anatomique fait en ce chapitre une pause philosophique et religieuse : en une forme de prière rendant grâce du miracle de la vision, lauteur célèbre les « vrays interpretes et embassadeurs », tirant les yeux du corps charnel pour les situer dans lentendement comme parties de « lesprit interieur ». Libre adaptation de Cicéron13, ce passage célèbre la possibilité du savoir, par la perception comme par la réflexion, au travers des yeux. Il entre en résonance avec les très nombreux passages de La Dissection où la matière du discours est présentée comme ce qui est vu ou démontré à lœil. Ainsi, dans la préface, Charles Estienne ouvre le traité en affirmant que « est bien necessaire a lhistorien du corps humain, prendre garde que ce dont il doibt escripre, luy soit manifeste et apparent a lœil14 », et que tel fut son principe de description : « En ce principalement avons mis ordre touchant ce quaurions quelquesfois apperceu a lœil15 ». Il répète, en page suivante, cette profession de fidélité à la vision : « Quoy faisans, ne nous pense aulcun avoir rien escript que nayons diligemment apperceu et congneu a lœil par la dissection de

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plusieurs corps16. » Cest pour cette même raison, de la primauté et de la véracité du témoignage des yeux, que les figures complètent le texte de La Dissection, à en croire la présentation de la figure des ligaments :

Combien que les descriptions pussent assez satisfaire a la vraye congnoissance des ligamentz, apres les avoir veus sur les corps, touteffoys pour ceulx qui requierent toutes choses leur estre monstrées a lœil, en avons en ces figures descripts les plus apparents[]17

ou celle des gravures montrant lanatomie féminine :

pour mieulx donc expliquer et demonstrer a lœil les dictes choses, te proposerons par figures tout ce qui est dens le corps de la femme18.

Les exemples sont si nombreux de ces formulations quils sonnent comme des refrains qui scandent les 405 pages du volume19. La gravure est lombre du spectacle, comme le livre est lombre de la séance de dissection. Or jamais, dans ce jeu de copies et de reflets, le corps nest perçu en dehors de sa mise en spectacle et de la présence du spectateur.

« De lappareil du theatre anatomique »

Cest à cet endroit du dernier livre, après la présentation de procédures complexes et de parties difficiles à percevoir, lorsque corps à connaître et yeux du savant sont dans le même espace imaginaire, lorsque les outils de la dissection sont énumérés (dans la version française du traité, seulement), que Charles Estienne construit son théâtre anatomique. En deux chapitres, le médecin bâtit lespace de lobservation ainsi que son appareillage.

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De lappareil du theatre anatomique.

Ce ne sera point du tout hors propos ou loing de nostre deliberation et entreprinse, si premier que venir a la promise dissection nous te divisons ung theatre ou commodite de lieu auquel on puisse ayseement faire anatomie publique : en sorte que chascun des spectateurs puisse egalement veoir a son ayse : et quil ny ait aucune confusion, qui est chose a mon advis assez digne destre traictee, attendu quen ce le plus souvent se face grand faulte par ceulx qui deburoyent plus soingneusement entendre a telles affaires. Car quelquesfois ilz disposent si mal le lieu dedie a ce faict, que tout y est confuz : dont advient grand bruyt et tumulte des spectateurs : par ce que les dissecteurs ne peuvent communement faire leur operation. Car on ne peut rien faire en ce cas qui se puisse appeler bien faict, sil nest commodement administre, cest a dire par belle ordonance. Tout ainsy quen ung spectacle publique, jamais rien ne se trouve parfait si tout ce qui appartient au theatre nest ainsy fait et dispose comme la raison le veult, dont advient que ce qui est propose au dict theatre, semble beaucoup plus excellent et naturel, quand les spectateurs peuvent veoir tous et egalement, et sans fascherie quilz puissent recepvoir du vent, pluye, ou soleil quil face : au moyen desquelles chose pourroyent quelquesfois les administrateurs estre retardez de leur operation. Encore qui plus fait ledict theatre estre commode, cest quand chascun des spectateurs se peult retirer quand il luy plait pour ses affaires et necessitez, sans donner fascherie aux aultres : qui est le principal poinct que lon doibt observer en toutes choses que lon propose au peuple20.

Comme en réponse à léloge de lœil, qui permet de voir et comprendre, le théâtre anatomique doit permettre à tous de voir, afin de comprendre. Événement public, la dissection demande un lieu public, conçu pour de nombreux spectateurs ; il doit maintenir lordre qui est celui que la nature, dans la perfection, donne à voir. Pour cela, tout comme la dissection, il doit être « administré », cest-à-dire servi selon une parfaite ordonnance. La répétition lexicale entre « administré » (pour lespace public) et « administrateurs » (pour la dissection) martèle la relation de similarité entre lespace théâtral et celui du savoir, entre lorganisation du spectacle et lobjet du spectacle. Voire, la mention des intempéries (« pluye ou soleil quil face »), dont le public est protégé en un théâtre couvert, reprend la vraisemblance scénique qui, bien ordonnée, fait paraître le spectacle « beaucoup plus excellent et naturel ». Lordre du théâtre est ainsi la création dun espace de savoir, défini dabord par la reproduction et par la vision. Représentation au sens propre, le spectacle

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utilise les techniques darrangement de lespace pour composer une image vérace, mais seconde. Le confort des spectateurs est alors un ordre public, qui demande, comme pour le corps observé, ouvertures, échappées, et circulation de lair. Ainsi, Charles Estienne fait de l« ayse » une condition pour le savoir au nom de la « belle ordonance », organisation qui prévient létouffement, la gêne, le dérangement.

La description du bâtiment parfait suit sans transition cette déclaration de principe architecturale : en détail, en chiffres, en formes, mais sans image, lanatomiste compose son lieu.

Passant au futur de la construction imaginaire, Charles Estienne donne à voir le théâtre où sera vu le corps humain. Le public est, ou sera, celui de son livre… « estudians et gens de savoir21 » à qui la préface était adressée, désireux de connaître « la diversité des choses que lhomme peut contempler22 ». De plus, le théâtre est construit comme le livre lui-même :

Se doibt entendre que ladicte description est bastie et construicte comme si lesdictes parties estoyent encor de present exposées devant vos yeulx23.

Cest donc une ekphrasis de théâtre qui, reprenant chaque principe général énoncé en un premier temps, échafaude le lieu, à la fois réaliste et fictif, de lanatomie.

Il nous fauldra donc faindre ou diviser ung theatre construict de boys ou charpenterie, sur lequel pourront estre commodement assiz, non seulement les estudians en Medicine, mais encor ceulx auxquels plaira contempler lexcellent artifice de nature, touchant la composition du corps humain. Le corps dudict theatre sera donc faict en demy cercle, ou demy rond, et a trois estages, ou a deux pour le moins : afin de mieulx recepvoir les spectateurs, ou assis, ou debout, ainsi qui leur plaira. A chascun estage y aura par dehors une galerie, a laquelle de costé et daultre se rendent plusieurs montees pour entrer du dehors au dedens dudict theatre. Desdictes galeries fault quil y a seure voye pour descendre aux degrez des spectacles, esgalement disposez par bon ordre, au devant et fronc dudict theatre. Les degrez seront formez en façon de bancz pour sasseoir, non moins haultz que pied et demy : ne plus bas quun pied et environ dix doigs. La largeur desdictz degrez, sera de deux pieds et demy : afin quau derriere des spectateurs, assis ou debout, reste comme

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une allee, par laquelle lon puisse passer sans difficulté pour se transporter ca et la aux place vuydes. A lentour dudict theatre y aura plusieurs allees grandes et spacieuses : tellement faictes et dressees que celles denhault ne soyent aulcunement conioinctes a celles dembas, mais conduysent de droict fil, depuis le dedens iusques au dehors, sans aulcun retour ou rencontre de lung a lautre : affin que ladministration achevee et quil sera temps de laisser lœuvre, les spectateurs se puissent retirer facilement et sans aucune presse : ce qui se fera par le moyen de diverses yssues separées lune de laultre24.

« Feint » ou « agencé », le bâtiment décrit a pour cause finale laise de ses visiteurs. Ainsi, les deux présentations, abstraite puis concrète, se lisent comme un récit en partie double, qui précise les conditions dune représentation, depuis larrivée de lassistance et la configuration des sièges, jusquau départ du public : en premier, le regret des désordres, qui fait souhaiter une belle ordonnance des lieux afin dassurer une bonne ordonnance de la dissection ; ensuite, au futur simple, les conditions idéales dune représentation, depuis laccueil des spectateurs jusquà leur dispersion. Tout comme lœil, dont la rotondité est elle aussi une cause finale du savoir, le théâtre est fait de demi-cercles. Tout comme le corps, décrit dans le premier livre de haut en bas, et de dessus en dessous, ce théâtre est présenté par ses parties, selon lordre suivi dans La Dissection des parties du corps. Voire, dans la seconde phrase, il devient un « corps ».

Du coup, le lieu reproduit la structure de son objet : la dissection, qui explore lintérieur et les dessous du corps, qui dévoile les dimensions cachées et fait voir ce qui était autrement inconnu. La vision est assurée par la hauteur des gradins et leurs mesures, assez exactement détaillées par des adjectifs numéraux. La circulation des spectateurs est rendue possible par la largeur des gradins, par des ouvertures et par des allées. Surtout, ces mouvements illustrent la profondeur du théâtre : les visiteurs passent sans peine du dehors au dedans, du dessus au dessous.

La construction se termine par la représentation elle-même, où le corps est exposé sur la scène. Une fois encore, les spectateurs sont invoqués et, comme pour clore le jeu de reprises, la description des gradins reprend les complaintes des spectateurs sans théâtre : la pente et la dimension des degrés assure une bonne vision à tous, la toile tendue les protège de la pluie et du soleil, la voix de lanatomiste est audible.

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Comme un acteur, le corps disséqué est visible de toute part, surélevé et mobile à la fois.

Le nombre des degrez sera de quinze ou environ : aux inferieurs desquelz reserverons place pour les professeurs de medicine : et aux aultres ensuyvant seront assis ceulx que lon appelle bacheliers, puis consequemment les estudians en medicine, chirurgiens et aultres, a qui plaira contempler les belles œuvres de nature. Au devant dudict theatre susdict, et au lieu auquel les anciens souloyent appliquer leur scene, sera posee et assise une table, soubstenue dung seul pied de bois : sur lequel elle puisse tourner en tous sens, comme sur un pivot. Sur laquelle table sera posé et estendu le corps que vouldrons dissequer. Car ceulx qui seront assiz auxdictz inferieurs degrez, verront beaucoup mieulx a leur ayse que ceulx denhault. Et ne fault que lesdictz degrez soyent tous droictz ou tous platz, mais en penchant et pendant vers bas. Et sil advient quelque pluye ou incommodité, se pourront lesdictz spectateurs retirer desdictz degrez en dedens, et soubz les galeries susdictes. Et ny aurait rien mal de tendre par dessus ledict theatre, en forme de pavillon, une toille cirée, ou toute simple a faulte de ladicte cirée, pour faire umbre aux spectateurs, et les deffendre du soleil, ou de la pluye : et encore a fin que la voix de celuy qui expliquera les parties du corps que lon dissequera, se puisse plus facilement espandre par ledict theatre, et quelle ne se perde si ayseement en lair25.

Enfin, un appareil spécifiquement conçu pour la représentation de la dissection vient rompre la tradition autrement purement dramatique de ce théâtre imaginé : la table. Brièvement évoquée au passage précédent, elle est au centre de la scène et, une seconde fois, est décrite comme pivotante. Autour delles, comme des semi-spectateurs, sassemblent en bon ordre les administrateurs de la dissection : médecin et dissecteurs. Faisant face au public, ils montrent le corps central. Intermédiaires dans leur rôle comme dans leur place, ils sont les premiers à contempler le corps et ils seffacent pour le faire voir, évitant de gêner la vision des spectateurs et faisant circuler certaines parties, justement celles que décrit ce dernier livre de La Dissection, la matrice et le cœur. Une poulie permet enfin délever ou dabaisser le corps : elle remplit la fonction même du traité, « monstrer lexacte situation et position de chascune des parties ». Ainsi, en un chapitre, le lieu est devenu scène anatomique et sa description se clôt sur le terme évidence, comme sur un emblème de la science par autopsie, où voir mène au savoir.

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Au devant dudict theatre susdict, et au lieu auquel les anciens souloyent appliquer leur scene, sera posee et assise une table, soubtenue dung seul pied de bois : sur lequel elle puisse tourner en tous sens, comme sur un pivot. Sur laquelle table, sera posé et estendu le corps que vouldrons dissequer. Le Medicin qui aura loffice dinterpreter et commander la dissection de ce quil fauldra veoir, sera assis au devant de ladicte table, et fronc a fronc des spectateurs : aupres duquel seront aussi assis les anatomistes ou dissecteurs : semblablement a fronc desdicts spectateurs, et faisans leur operation au devant diceulx : car silz estoyent a lopposite, ilz leur pourroyent faire nuysance. Au milieu de la place dudict theatre, et tout aupres de la susdicte table, fault quil y ait une membreure de bois fichee en terre, au bout denhault de laquelle soit attachee et adioustee une aultre membreure en travers pour eslever le corps, avec des bendes, quand il en sera mestier : cest a scavoir pour monstrer lexacte situation et position de chascune des parties. Ausurplus, sil est mestier proposer particulierement quelque chose tiree hors du corps, comme pourroit estre le cueur, la matrice, et aultres semblables : nous entendons que lesdictes parties soient portées par les degrez du theatre et monstrees a ung chascun pour plus grande evidence.

Recréations et théâtres

Parfaitement et poétiquement cohérente avec lautopsie de La Dissection des parties du corps, la description du théâtre de la dissection reprend, de fait, un sujet cher à Charles Estienne, depuis ses années comme précepteur de Charles-Antoine de Baïf (1536-1539) : éditeur, traducteur, annotateur de lAndria de Térence à plusieurs reprises26, il publie en 1542 un petit traité sur les jeux des Anciens27. En 1540, il fait paraître la traduction française dune comédie italienne, qui connaît un durable succès de

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réédition et fonde la comédie humaniste en France28. Fort attentif aux conditions de représentation des textes, Charles Estienne consacre un long passage au bâtiment du théâtre dans sa préface aux Abusés (1540) :

Et pour vous donner à entendre, Monseigneur, lapareil et aornement qui se faisoit en telles recreations, il vous convient sçavoir que le lieu auquel les spectateurs des Comedies anciennes estoient commodement assiz sappelait theatre. Et estoit fait à demy rond, en pendant, avecq trois ordres de galeries par hault pour retirer les auditeurs en temps de pluye : au bas desquelles y avoit vn eschaffault en pente, pour le moins hault eslevé de quinze grandz degrez, selon le long diceluy étenduz : sur lesquelz estoit le peuple assiz chacun selon sa dignité, à sçavoir aux degrez plus pres de la Scene (et au lieu ou les plus anciens Grecz souloient faire leur orchestrac, qui estoit lieu dédié aux sauteurs et danceurs) estoient assiz les Senateurs, un peu plus hault que les autres officiers du Senat, et ainsi jusques au reste des degrez, chacun selon sa qualité. Pour quoi faire plus commodement et sans tumulte, y avoit certains Bedeaux ou Huyssiers deputez à faire place et ordonner chacun en son lieu. Et estoient tellement construitz et bastiz lesdits degretz, aussi les portes du theatre, que chacun y pouvoit facilement entrer et sortir, sans presse et fort commodement, sans aucune grevance ni discorde. Car par dessouz, et aussi par dehors y avoit plusieurs petitz eschaliers conduysans dun degré à lautre, par lesquelz le peuple pouvoit courir ça et la à son plaisir. Mesmement les serviteurs, sans fascherie du peuple, pouvoient facilement venir chercher leurs maistres estans aux jeux, et parler à eux sans riens destourber ne fascher, qui estoit une fort grand commodité29.

Demi-rond, en pendant, trois galeries, quinze degrés, un placement hiérarchique, des portes, des allées, une protection contre la pluie, la prévention des fâcheries… Dans le même ordre et avec les mêmes termes, lanatomiste cite le dramaturge et traducteur Charles Estienne. Or ce transfert dun genre à lautre peut également se lire comme le transfert dune culture lautre : adapté de Vitruve, le théâtre de Charles Estienne

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est un espace de vision et de mouvement, lorsque le traité antique faisait du théâtre un espace pour le son et lharmonie. Ainsi, Charles Estienne fait servir à la circulation des personnes et au dégagement de la vue les procédés architecturaux que Vitruve recommandait pour lacoustique.

Au dessus de ces fondements sera requis lever les degrés pour asseoir le peuple, et les faire de pierre, ou de marbre : puis tenir les Pælliers de hauteur correspondante à lequipolent du Theatre, et prendre garde à ne faire les elevations diceux degreés plus hautes que lesdits Pælliers auront de largeur pour servir de passage : car si elles excedoyent celà, les voix en seroyent poussees contremont, et si ne sçauroyent distinctement arriver aux oreilles de ceux qui seroyent aux plus hauts degrés, outre le dernier ordre. Parquoy en somme lArchitecte se doit conduire en cest endroit de sorte questant une ligne ou cordelette estendues depuis le plus bas degré jusquau plus haut, elle vienne à toucher toutes les arestes des sieges : ce faisant, les voix ne trouveront chose qui les empesche.

Davantage est besoin quil y ait plusieurs entrees et saillies assez spacieuses : mais que celles de dessus ne se rencontrent avec celles de dessous, ains que de tous costés y ayt montees droites, sans contournement ny destour, a fin que le peuple à lissue des jeux, ne soit foulé par trop grande presse, ains ayt de toutes parts ses eschapatoires separés, et sans porter nuisance les uns aux autres30.

Pareille fidélité littérale à Vitruve se retrouve dans la protection contre les intempéries, avisée par le maître par les termes :

Lon doit toujours faire un portique derrière la scène, à celle fin que si une soudaine pluie vient à troubler les jeux, le Peuple ait lieu pour se retirer à couvert31.

et reprise par la toile cirée jetée sur le théâtre danatomie. En ces années 1540 en France, les traités et les réalisations darchitecture se multiplient et le bâtiment théâtral est à lhonneur32 : le traité de Leo Battista Alberti De Re Aedificatoria, rédigé en 1452, est plusieurs fois édité après la première publication, posthume, de 148533 ; notamment, il est donné

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à Paris, en 1512, par Geoffroy Tory, imprimeur et graveur qui travaille à partir de 1522 pour Simon de Colines et signe cinq planches du traité sur La Dissection des parties du corps humain34. La traduction française de ce traité paraît en 1553 chez Jacques Kerver, sous le titre Larchitecture et art de bien bastir… et inspire de nombreux passages du Prædium Rusticum, compilation de Charles Estienne reprise par Jean Liebault en 1563 sous le titre La Maison Rustique, sans cesse rééditée et augmentée à partir de 155335. Il ny a pas de théâtre dans la maison moderne que compose Charles Estienne pour ce dernier ouvrage, mais un jardin, fait pour contempler la nature et accueillir les visiteurs.

Les points de rencontre entre les traités darchitecture et la fiction du théâtre anatomique sinscrivent ainsi dans une fascination largement partagée pour les bâtiments italiens et pour le retour à la source antique. Néanmoins, cette inspiration ne mène pas à une répétition, ni même une imitation : la source ici est un matériau travaillé jusquà la dépossession des sens originels, ainsi que le montre le déplacement de la voix vers le regard. La désinvolture quant au nombre de galeries du théâtre chez Estienne – trois, ou deux –, labsence de proportions de lensemble – pas de ligne joignant léquipollent… – marquent la distance que lhumaniste souhaite maintenir entre le modèle des concerts anciens et son cercle savant moderne. Cette réserve se lit dans la mise en scène textuelle de la table danatomie, qui rompt avec la tradition, par son existence et par le démarquage intertextuel, pour occuper le centre de lédifice. Sur cette table, où se rencontreront plus tard, en dautres poétiques, un parapluie et une machine à coudre, se joue la découverte de linvisible : profondeurs et révélations des parties du corps. Le théâtre introduit ainsi la troisième dimension du « dedans », et le mouvement des spectateurs, qui entrent et sortent, fait écho au regard et aux manipulations de lanatomiste, qui découpe,

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sépare, met au jour les secrets du corps. La scène ouvre cette dimension de la profondeur, qui est au cœur de linvestigation anatomique et de lépistémologie du regard.

Lombre dun théâtre :
scène et perspectives de lillusion

Or, pour narrer et donner à voir cette expérience de lépaisseur, La Dissection des parties du corps humain, ainsi que le rappelle « lhistorien du corps humain » en sa préface et à de nombreuses reprises, est un livre, une succession de doubles pages, de plans en deux dimensions : le fil du discours y est linéaire, les illustrations tabulaires. Par le jeu constant de va-et-vient entre texte et image, sinstaure un dialogue entre la narration ordonnée (de haut en bas, partie par partie) et les gravures. Là, souvre justement la scène imaginaire de la séance de dissection. Certains critiques ont reproché au traité de Charles Estienne lécart entre les planches, maniéristes, complexes, énigmatiques et le propos scientifique. Selon les promesses liminaires, « chacune partie du corps nous sera proposee devant les yeux par description et figure avec la dissection et administration dicelle36. » Or les planches ne montrent jamais une table de dissection dans un théâtre, même imaginaire, danatomie. Au contraire, elles mettent en scène, au centre de limage, un empiècement dans le bois gravé (et parfois, une insertion seconde dans lempiècement) qui constitue le seul élément danatomie de la planche. Autour, le corps en son entier, fictivement vivant, habillé, affectant des poses non réalistes et symboliques, de riches décors et de nombreuses allusions à des œuvres dart existantes37.

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Or, loin de digresser hors du sujet scientifique, les décors et thèmes des planches créent lespace du regard au sein du livre ; par linterruption de la succession linéaire des pages, mais aussi par lécart marqué entre matière anatomique et scène (personnage et décor), par la distance quinsèrent des références picturales à des motifs communs (Narcisse, Suzanne au bain etc., motifs connus et reconnaissables des lecteurs), les gravures composées par Mercure Jollat et Geoffroy Tory introduisent la profondeur de la scène. Du coup, le décor ny est pas gratuite décoration mais un fond, comme une « muraille » de théâtre, sur lequel se détache le sujet, alors doté de relief. Ainsi, le squelette qui ouvre la danse macabre des dissections, pose debout devant une vue panoramique, probablement de Padoue, qui se continue à la page suivante, sous une autre perspective38 (figures 1 et 2). Cette signature référentielle du décor place le livre dans la ville universitaire où Berengario da Carpi enseigne la dissection humaine, où Charles Estienne, comme André Vésale, sont étudiants en 1536 et où, plus tard, sera construit lun des premiers théâtres anatomiques dEurope.

Le clin dœil est réservé aux initiés, mais point nest besoin de connaître Padoue pour goûter limage et ses multiples effets de profondeur : le socle circulaire, en perspective, sur lequel se tient le squelette ; les plans verticaux, en second, qui projettent le personnage vers lavant du cadre, le paysage qui séloigne en suivant le cours dun chemin dont les arbres raccourcissent, la vue panoramique qui coupe léchappée vers lhorizon, traversée par un fleuve qui joint le ciel. Petits cailloux et brins dherbe accentuent ces effets de distance. Lorsque le squelette se retourne, sur lenvers de la page, le paysage, comme le socle, ont changé pour laisser place à des ruines antiques, des dômes néo-classiques et des petits personnages, placés auprès darbres sélevant vers le bord du cadre à droite. Ici encore, lon croit reconnaître les ruines de lamphithéâtre romain de Padoue, qui fournit plans verticaux et points de fuite pour créer lillusion de la profondeur. Le même procédé se retrouve lors de la

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présentation des nerfs39, tandis que les planches démontrant les muscles40 font poser lécorché devant des portiques antiques et près de la base dune colonne en ruine.

De fait, les éléments du décor où sinscrit le personnage disséqué, pour fantasmagoriques quils aient pu paraître, proposent constamment une élancée en hauteur au second plan, des éléments variés au sol au premier plan, et des échappées vers lhorizon qui placent en avant, au centre, en légère élévation, le sujet anatomique. Le motif de la ruine et celui du monument alternent pour créer une profondeur de limage, souvent en rappel des ruines du théâtre romain. Ainsi, la démonstration du foie41 fait voir un Prométhée empalé sur un arbuste, tenu sur un pan de mur ou sur les ruines dune ancienne loge, éboulée. Ailleurs, cest une chaire, ou sur une chaise, ou sur table, ou sur une banquette, dans une chambre, ou devant une rivière, ou en ville, ou encore en forêt que se tient le personnage. Meubles et appuis sont repris, ainsi que les lieux : le lecteur reconnaît larbrisseau des empalés, la chaire des disloqués, la table des trépanés, puis le lupanar des femmes du troisième livre42. Les objets et les cadres se retrouvent dune gravure à lautre, parfois à lidentique, souvent avec une variation.

Maniérisme que de faire figurer ces éléments parfois dénoncés comme inutiles au propos scientifique ? Virtuosité, sans aucun doute, et, certainement, humanisme dans le plaisir de la référence. Cependant, les fleurs, herbes, cailloux et parties du corps qui jonchent le sol au premier plan, les carrelages, les fenêtres ouvrant sur des paysages, les rivières fuyant vers lhorizon fournissent lalphabet dune mise en perspective : fragments rappelant les collections dornements des traités darchitecture, ils sagencent dans la reprise, le déplacement, laccumulation, dune gravure lautre jusquà devenir les invisibles procédés dun illusoire relief. Car tous ont pour fonction de creuser et désigner le relief de limage plate.

De fait, tout comme le théâtre imaginaire décrit au troisième livre constitue la scène anatomique, où le regard se fait découverte, les gravures en pleine page transforment lespace du livre en scène de la connaissance.

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Les insertions de fragments anatomiques, bien décrits par George Burris43, se montrent en des empiècements bien visibles au centre des bois : au premier livre, celui des squelettes et systèmes démontrant les structures du corps dans son entier, aucune des dix-sept planches nest composite. Au deuxième livre, en revanche, toutes les planches sont composites sauf deux44, qui représentent le cerveau dun homme debout devant un arbre et assis devant une fenêtre. De plus, sept des planches composites présentent une seconde insertion, plus petite45. Au troisième livre, huit planches ont été empiécées, dont une seconde insertion46. Seules deux des planches de ce dernier livre nont pas été altérées47. De nombreuses planches composites portent des traces visibles de dessins anatomiques originaux48.

On a expliqué ces modifications des bois par des corrections scientifiques de dessins originaux : je propose de lire ces insertions ostentatoires comme la création dun espace scénique au sein de lillustration. Lempiècement participe en effet dun procédé qui dépasse la correction ou le réemploi en ce quil désigne la profondeur de limage, créée par la variété des plans et des éléments. En ce sens, lencart, anatomique, évolue dans le « cadre » qui fait perspective et permet le relief.

Au centre de limage, souvent désignés par la rencontre de ligne de construction de limage (figure 3) et, parfois, par le geste dun personnage (figure 4), les empiècements ouvrent ainsi limage sur la profondeur de la troisième dimension et forment le discours scientifique. Dès lors, la mise en scène, parfois qualifiée de baroque, des parties du corps se comprend comme une théâtralisation de limage. Le décor, les arrière-plans, premiers plans, et même le corps dans son intégrité première servent de « muraille » à la présentation de la partie anatomique.

Tandis que la fiction du bâtiment se donnait pour matériau textuel le traité dAlberti, cette fois, la confection de « décors » se lit par rapport aux textes de Vitruve et Serlio sur le théâtre. Le traité de Vitruve est largement diffusé en France dans les années 1530-1540, connu non

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seulement dans sa version latine mais également par sa présence dans des compilations illustrées servant de vocabulaire architectural – dont la Raison darchitecture, composée par Diego de Sagredo et publiée chez notre Simon de Colines, vraisemblablement en 153649 – puis par une traduction française50 abondamment illustrée par des planches Jean Goujon51, entre autres artistes. Or, le succès du texte de Vitruve croise celui que rencontrent les ouvrages de Sebastiano Serlio sur la perspective52. Les livres I et II Sur la Perspective sont les troisièmes à être publiés53, après le Livre IV (1537) sur les ordres et le Livre III (1540) sur les antiques54 ; ils furent donnés à Paris en 1545 par Jean Barbé dans une édition bilingue (français, italien) illustrée de 132 gravures sur bois, dont 24 en pleine page. Or, si le premier livre traite des formes et ornements, élaborant comme un lexique visuel des fragments trouvés dans nos illustrations (corniches, moulures, cercles, colonnes, chapiteaux, linteaux etc.), la

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troisième partie du second livre est consacrée à la perspective théâtrale55. Continuant le texte de Vitruve sur la construction des théâtres à la fin de son cinquième livre, Serlio propose un dessin en perspective de la « scénographie » plate du traité vitruvien puis une série de gravures sur les murailles de scène, quil lie à son expérience de construction à Vicence56. Les planches de Serlio sont, en 1547, intégrées au texte de Vitruve en un corps de gravures accompagnant les commentaires de Vitruve sur la perspective théâtrale. À partir dune brève mention de la scène chez Vitruve57, Serlio développe un art de créer la perspective au théâtre, art qui sera repris par Jean Martin dans ses traductions de Vitruve58 comme dans celles de Serlio :

Entre les choses faictes par la main des hommes dont lon se peut esmerveiller, et recevoir contentement dœuil, avec satisfaction de pensée, a mon iugement cest lappareil de quelque Scene quand on vient a le descouvrir. La raison est, que lon y voit en peu despace aucuns palais dressez par art de perspective, avec grant Temples, et divers maisonnages proches et loingtains de la veue, places belles et spacieuses decorées de plusieurs edifices, rues longues et droittes, croysées de voyes traversantes, arcz de triumphe, colonnes haultes a merveilles, Pyramides, obelisque, et mille autres singularitez, enrichies de lumieres grandes moyennes et petites, ainsi comme lart le comporte, ordonnées par un tel artifice quelles semblent autant de pierres precieuses rendantes une lueur admirable, comme feroient Rubiz, Dyamans, Saphirs, Esmerauldes, et choses semblables []59.

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Serlio construit alors un système de perspective spécifique à la scène, et plus spécifique encore aux théâtres intérieurs en demi-cercle :

Et combien que le moyen que ie tiendray pour la declarer, soit contraire aux reigles passees qui ne servent que pour placte peinture, et que ceste cy est pour les choses de relief. Il est bien raysonnable de tenir autre voye60.

Suivent les descriptions et gravures des murailles de scène pour la comédie, la tragédie et la satire (figures 6-8)61. Conseillant ouverture et hauteur de lhorizon pour créer une profondeur, usage de carrelages et rayonnages dans les intérieurs, colonnes et parois pour donner lillusion de la grandeur et de la distance, Serlio propose des décors fort comparables à ceux de Mercure Jollat et Geoffroy Tory pour La Dissection. Ainsi les temples et palais urbains, au centre desquels se meurt la première femme du livre trois62 sont une muraille tragique, avec ses colonnades, arches et parois. Larbrisseau, larbre et le pan de mur écroulé du second livre figurent aux arrière-plan et premier plan de la scène satirique. Quant aux maisonnages de la scène comique, elles fournissent le cadre des trépanations63 et de la luxueuse maison des plaisirs du troisième livre. Le frontispice du troisième livre de Serlio, dédié aux Antiquités romaines64 (figure 9) semble labrégé des éléments décoratifs de La Dissection : arcs, colonnes, effondrements pierreux, socles de colonnes, herbes et niches fournissent en effet les fragments imaginaires des décors des planches du second livre mais également des références au théâtre romain de Padoue. Les préceptes comme les détails ornementaux de larchitecte dune illusion sont ici mis en œuvre par larchitecte des gravures, en référence aux murailles du théâtre du livre.

Voire, les perspectives souvent faussées créent le trompe-lœil tout en le désignant au regard. Ainsi, le trépané du second livre (figure 5), se tient sur une table dont les deux pieds avant sont situés sur deux plans différents tout en étant, fictivement, de face. En arrière, à gauche, deux personnages accoudés à un muret percé de deux orifices circulaires, regardent la scène anatomique. La galerie où ils se tiennent est

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hors proportion, leurs corps ne sont pas visibles dans les ouvertures de la paroi. Le plus jeune personnage, qui semble avoir posé pour les démonstrations du foie, quelques gravures plus haut, pointe du doigt la dissection anatomique, pour eux invisible (le corps leur apparaît de dos). La perspective nest pas un réalisme, elle est poétique : elle crée le regard de la profondeur et se dit dans la multiplicité des fenêtres et orifices circulaires qui ornent les gravures comme autant dyeux. La table anatomique est devenue, littéralement, un échafaud.

Fiction dun théâtre à construire et fiction des murailles gravées se répondent comme « protraicts » et « parolles » pour créer lombre de lexpérience : en trompe-lœil, en référence, elles créent la profondeur même de lanatomie, qui ouvre le corps et le démontre dans son épaisseur intérieure. Dès lors, la composition architecturale65 du traité danatomie est une poétique de la connaissance, qui restitue la profondeur de lexpérience et de la vie, non pas en limitant mais en la feignant. Le savoir est une construction, son partage, une représentation : le livre en est le théâtre, espace du regard et du discours.

Hélène Cazes

University of Victoria

Canada

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Annexe

Table des planches de La Dissection et des éléments de lalphabet théâtral de la perspective :

Planche (page, sujet)

Éléments

remarquables et récurrents

p. 10, le squelette vu de face.

arbrisseau, os de la gorge.

p. 11, le squelette vu de profil gauche.

longue fleur.

p. 12, le squelette vu de trois quarts droit.

base de colonne, grotesque.

p. 13, le squelette vu de profil droit.

fleurs et cailloux.

p. 37, les attaches des ligaments sur le squelette vu de face.

vue de Padoue.

p. 38, les attaches des ligaments sur le squelette vu de dos.

vue de Padoue, les ruines du théâtre.

p. 54, le système nerveux sur le squelette vu de face.

vue panoramique.

p. 63, le système nerveux sur le squelette vu de dos.

fleurs, cailloux, vue panoramique

p. 102, les attaches des muscles sur le squelette vu de face.

image reprise de la page 10.

p. 103, les muscles sur le squelette vu de face.

temple et portique.

p. 115, les attaches des muscles sur le squelette vu de dos.

image reprise de la page 12.

p. 115, <sic pour 116> les muscles sur le squelette vu de dos.

base de colonne, fleur.

p. 135, le système circulatoire vu de face.

paroi aveugle, ornée dune moulure à grotesque.

p. 136, le système circulatoire vu de dos.

paroi aveugle, avec moulure. Au loin, galerie et arcades surélevées en ruine.

p. 151 homme nu, de face.

fleurs et cailloux

p. 152, homme nu, de profil.

fleurs et cailloux, pierre dangle portant la signature de Jollat 1532.

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p. 153 homme nu, de dos.

fleurs et cailloux.

p. 160, homme nu, de face, nomenclature des parties du corps.

fleurs et cailloux.

p. 161, homme nu, de dos, nomenclature des parties du corps.

fleurs et cailloux, souche.

p. 168, homme nu, de face, dissection de labdomen, démonstration des muscles.

vase portant un buisson, fleurs.

p. 171, homme nu, de face, dissection de labdomen.

fleurs, souche reprenant vie.

p. 174, homme nu, de face, adossé à un arbre, dissection de labdomen.

herbes, souche reprenant vie.

p. 175, homme nu, de face, dissection de labdomen.

fleurs, souche reprenant vie, petit talus.

p. 177, homme nu, de face, empalé debout sur un arbre, dissection de labdomen et démonstration de lintestin.

arbre, herbes, cailloux.

p. 179, homme nu, de face, debout.

vase rempli de lambeaux, herbes, jonc, fleurs.

p. 181, homme nu, assis sur un pan de mur en ruine, plus élevé que le précédent, dissection de labdomen et démonstration des organes (rein, foie, rate, vésicule)

pan de mur en ruine.

p. 185, homme nu, de face, soutenu par un arbre devant un pan de mur en ruine, dissection de labdomen et du thorax et démonstration des organes.

pan de mur en ruine, cailloux.

p. 191, homme nu, debout, soutenu par un arbre devant un pan de mur en ruine, dissection du foie.

pan de mur en ruine, fleurs.

p. 202, homme nu, de face, démonstration des organes génitaux.

jonc, fleurs.

p. 203, homme nu, de face, accoudé à un arbuste, assis sur un petit mur en ruine, démonstration des organes génitaux.

arbre, petit mur en ruine.

p. 210, homme nu, de face, soutenu par un pan de mur en ruine, plus élevé, dissection du bas ventre et démonstration des organes (vessie, rectum, colon).

pan de mur en ruine, plan deau, herbes.

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p. 194, [216] homme nu, de face, adossé à un arbre dissection du thorax, démonstration des couches de peau.

arbre, rivière, herbes.

p. 218, homme nu, de face, soutenu par un arbre devant un petit mur en ruine, dissection du thorax, démonstration de la cage thoracique.

arbre, petit mur en ruine.

p. 223, homme nu, de face, assis sur une chaire, dissection du thorax, démonstration des nerfs de la cage thoracique.

chaire, vase contenant des éponges, vase contenant du feu.

p. 225, homme nu, de face, soutenu sur une ruine (élevée), dissection du thorax, démonstration des organes du thorax (poumons, diaphragme).

loge théâtrale en ruine, arcade en ruine.

p. 228, homme nu, de face, assis sur une chaise/ruine, dissection du thorax, démonstration du système circulatoire avec artères pulmonaires et coronaires.

chaire en pierre, avec pan de mur portant une ouverture circulaire.

p. 235, homme nu, de face, assis sur une chaire, dissection du thorax, démonstration des organes (cœur, valves coronaires).

chaire posée sur un caveau.

p. 238, homme nu, de face, soutenu debout sur une chaise, dissection du thorax, démonstration des poumons.

loge théâtrale en ruine.

p. 224, homme nu, de face, tournant la tête vers la droite, assis sur une chaise, dissection du thorax, démonstration de lœsophage et du diaphragme.

chaise, avec ouverture circulaire dans le panneau gauche et pavillon à grotesques.

p. 246, Homme nu, de face, tournant la tête vers la droite, assis sur une chaise, devant décor architectural. Dissection du cou et des maxillaires.

loge théâtrale en ruine, arcades naissant dune des colonnades de la chaise.

p. 247, Homme nu, de face, assis sur un arbre et appuyé sur un arbrisseau. Dissection des amygdales, de la trachée artère, du nerf de la langue, du palais, de la glotte et du larynx.

arbre et arbrisseau.

333

p. 248, Homme nu, de face, assis sur haute chaise faite de ruines. Dissection de lœsophage et de la trachée artère.

loge théâtrale en ruine, niche (hors perspective), cage, colonne brisée.

p. 255, Homme nu, agenouillé, de face, tenant un bâton. Dissection du crâne. Boite crânienne. Calotte pendue à une branche.

Narcisse, cailloux, arbre, fleurs.

p. 256, Homme nu, de face, penché sur le cartouche. Présentation du système circulatoire de la boite crânienne. Calotte pendue à une branche.

arbre (de limage précédente, plan rapproché).

p. 258, Homme nu, de face, assis sur banc ornementé, tenant le cartouche. Présentation du crâne et du cerveau.

banc, boules, vue panoramique.

p. 261, Homme nu, de dos, assis sur une chaise, intérieur et fenêtres. Présentation du crâne et du cerveau en coupe.

Fenêtres à colonnes, sol carrelé, étagères, fenêtre circulaire à droite, plafond à caissons.

p. 262, Homme nu, de face, la tête et le thorax portés par des tréteaux, les bras ballants. Présentation du crâne et du cerveau en coupe.

Portique avec deux ouvertures circulaires, en ruine.

p. 266, Homme nu, allongé, de dos, méditant devant un paysage. Présentation des nerfs du cerveau.

vue panoramique, arbre.

p. 271, Homme nu, de trois quarts, assis sur une banquette-lit, intérieur. Présentation de lintérieur du cerveau.

banquette, muret, coussin, vase.

p. 275, Homme nu, allongé, de face, se mirant. Présentation des nerfs et des veines du cerveau.

tour et galerie en ruine, souche, herbes.

p. 283, la coupe césarienne, femme nue assise sur le socle dune niche, de trois quart.

escaliers, portique à deux arches, colonnes, porte sous lescalier, avec ouverture circulaire.

p. 290, femme nue assise, de face, sur un coffre devant le lit, matrice.

coffre, rideaux, coussin.

p. 293, femme nue assise, de trois quart, sur une banquette décorée (putto versant de leau, fleurs), matrice.

rideaux et tentures à glands, coussins, châle.

334

p. 294, femme couchée sur le dos sur un amas de coussins, matrice.

vase, coussins, griffon, rideaux et tentures.

p. 299, femme de face, visage de profil, devant une miche, entre un palais et une paroi aveugle, matrice.

cailloux, niche, tour circulaire, palais, espinguette, arches.

p. 303, femme assise au bord du lit, les cheveux retenus par un bijou, matrice.

escabeau, coffre, tentures.

p. 305, femme assise, visage de profil, dans une chaise près dune table, le coude appuyé sur des coussins, un griffon (ou un aigle) sous chaque bras, scène extérieure, matrice.

pierre rectangulaire, arbre, coussin, griffons, table.

p. 310, femme soutenue par son lit, sur le dos, matrice.

coffre, grotesque, tenture.

p. 312, femme assise sur un trépied à dossier, à la toilette, parties génitales.

escabeau, cahose, porte ouverte sur la rue, vue de paysage, colonne, banc, sol carrelé.

p. 313-314

reprise des pages 96-97.

335

Fig. 1 – Charles Estienne, La Dissection des parties du corps humain,
Paris, chez Simon de Colines, 1546, p. 37.

Seconde présentation du squelette, avec indications des points dattache des muscles, en une gravure signée Mercure Jollat : le fond de limage se reconnaît au pont, dôme et tour, comme la ville de Padoue. Image gracieusement fournie par la Bibliothèque interuniversitaire de santé. Ce document est accessible en ligne dans Medic@ BIU Santé Paris.

336

Fig. 2 – Charles Estienne, La Dissection des parties du corps humain,
Paris, chez Simon de Colines, 1546, p. 38.

Vu de trois quart de dos du squelette : derrière lui, personnages, vallonnement, arbres et ruines créent un effet de profondeur. Au second plan à droite, les trois arbres de taille décroissante tracent une ligne oblique continuée par la silhouette dun homme, se terminant au creux de deux vallonnements : le premier point de fuite. Le second se trouve à lhorizon, encadré par un clocher et un lointain promontoire : cette multiplication des lignes correspond aux préceptes de Serlio pour la composition de murailles de scène. Image gracieusement fournie par la Bibliothèque interuniversitaire de santé. Ce document est accessible en ligne dans Medic@ BIU Santé Paris.

337

Fig. 3 – Charles Estienne, La Dissection des parties du corps humain,
Paris, chez Simon de Colines, 1546, p. 191.

Prométhée, empalé, démontre le foie. Comme lindique le cartouche, la position de lorgane est « renversée et retournée ». Lexactitude de limage nest pas réaliste mais discursive et référentielle. Image gracieusement fournie par la Bibliothèque interuniversitaire de santé. Ce document est accessible en ligne dans Medic@ BIU Santé Paris.

338

Fig. 4 – Charles Estienne, La Dissection des parties du corps humain,
Paris, chez Simon de Colines, 1546, p. 261.

Démonstration du cerveau en scène dintérieur. Le sol carrelé, les barreaux de la chaise, les caissons du plafond fournissent lignes de construction et de perspectives à limage. Deux fenêtres doubles et un œil de bœuf ouvrent sur lhorizon et rappellent, comme en de nombreuses gravures du volume, limportance du regard. Les bibelots sur létagère, le plateau médical sur le tabouret, obéissent au précepte de Serlio pour créer lillusion de profondeur : de petite taille, ils donnent limpression de la distance. Image gracieusement fournie par la Bibliothèque interuniversitaire de santé. Ce document est accessible en ligne dans Medic@ BIU Santé Paris.

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Fig. 5 – Charles Estienne, La Dissection des parties du corps humain,
Paris, chez Simon de Colines, 1546, p. 262.

Démonstration du cerveau. Tandis que les nuages en haut à droite semblent sêtre échappés de la boîte crânienne, le trépané est maintenu debout par une table à la perspective impossible : de face, les deux pieds devraient être au même niveau mais celui de gauche a reculé pour faire place au cartouche. Les deux hommes en haut à gauche regardent et montrent lempiècement anatomique. Hors proportion, ils sont accoudés à une improbable terrasse, au dessus dimprobables fenêtres circulaires. La force de la gravure provient de cette énigmatique profondeur, suggérée par lalphabet de la perspective : lignes fuyantes, plans étagés, objets jonchant le sol au premier plan. Image gracieusement fournie par la Bibliothèque Interuniversitaire de Santé. Ce document est accessible en ligne dans Medic@ BIU Santé Paris.

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Fig. 6 – Sebastiano Serlio, Le second livre de perspective… Paris, 1545, fol. 66v (planche reprise dans lédition de Vitruve par Jean Martin en 1547).

La scène comique. On reconnaît tours, tourelles, fenêtres, arcades, galeries, pavés et soupiraux qui forment le décor de La Dissection.

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Fig. 7 – Sebastiano Serlio, Le second livre de perspective… Paris, 1545, fol. 69r (planche reprise dans lédition de Vitruve par Jean Martin en 1547).

La scène tragique. On reconnaît le muret, au premier plan, servant de soutien aux personnages disséqués du second livre de La Dissection. Le soupirail, à droite, est un autre fragment de cet alphabet des murailles de lillusion. Galeries, arches, arc, niches, complètent la panoplie des références.

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Fig. 8 – Sebastiano Serlio, Le second livre de perspective… Paris, 1545,
fol. 70v (planche reprise dans lédition de Vitruve par Jean Martin en 1547). © 2004 – CESR ARCHITECTURA ISSN 2115-8304 Centre détudes supérieures de la Renaissance, Université François-Rabelais de Tours.

La scène satirique. Éboulement au premier plan, sentier, arbres, végétation meublent les scènes extérieures de La Dissection. Néanmoins, cette scène est moins présente : la noblesse du sujet quest lanatomie humaine exclut la familiarité du genre satirique

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Fig. 9 – Sebastiano Serlio, Il Terzo Libro Di Sabastiano Serlio Bolognese,
Nel Qval Si Figvrano, E Descrivono Le Antiqvita Di Roma
, Venise,
Francesco Marcolini, 1544.

Dans la noblesse dantiquités ruinées, se lit à la fois la proportion parfaite de lœuvre et sa destruction par le temps : une thématique que répète et symbolise la végétation qui recouvre les monuments dilapidés. Ce cadre est celui des scènes anatomiques, qui découvrent la perfection et la fragilité du corps humain. Heidelberg University Library C 6339-8-10 FOL RES, page de titre.

1 Pour leurs encouragements, leurs attentives relectures et leurs judicieux conseils, je remercie Bruno Méniel et les deux évaluateurs anonymes de ce texte.

2 Charles Estienne, La Dissection des parties du corps humain, Paris, Simon de Colines, 1546, p. [ii] : « Toutes lesquelles choses estoyent a peu pres parachevees des lan mil cinq cent trenteneuf et ia quasi iusques au milieu du tiers livre imprimees quant a cause dun proces qui survint nous fut force (a vostre grand mecontentement ainsi que ie croy) deporter de cest ouvrage et nous desister du parachevement diceluy : tellement que ce temps pendant a esté loysible a beaucoup daultres [p. 2] inventer nouvelles choses touchant cest affaire et user a leur plaisir de plusieurs cas prins et emblez de noz escriptz, et se les attribuer comme propres. »

3 Commentaires de la Faculté de Médecine de Paris (1516-1560), avec une introd. et des notes par Marie-Louise Concasty, Paris, Imprimerie nationale, 1964 (Collection de documents inédits sur lhistoire de France), t. V, fol. 137-138.

4 Commentaires… t. VI, fol. 14v et 37v.

5 Voir, pour plus de précisions, Pierre Huard et M. D. Grmek, Charles Estienne et lécole de dissection de Paris, Paris, Cercle du Livre Précieux, 1965 et, pour la carrière de Charles Estienne hors lanatomie, un bref aperçu par Hélène Cazes, « Charles Estienne », éd. C. Nativel, Centuriæ Latinæ II, Cent une figures humanistes de la Renaissance aux Lumières, À la mémoire de Marie-Madeleine de la Garanderie, Genève, Droz, 2006, p. 313-318. On trouvera les préfaces de Charles Estienne dans Robert et Charles Estienne, Des imprimeurs pédagogues, éd. B. Boudou et J. Kecskeméti, Turnhout, Brepols, 2010.

6 Galien, De anatomicis Administrationibus, éd. C. G. Kühn, Galeni Pergameni opera omnia, Car. Cnoblochii, 1821-1833, vol. II. Le texte latin de ce traité est publié par Simon de Colines à Paris en 1531, selon lédition de Iohannes Andernacus en 1541 qui sera reprise dans Galeni omnia quae extant opera, Thomas Junta, Venise, 1541 (puis huit rééditions, dont 1565).

7 Voir sur ce point Hélène Cazes, « Le style simple dune écriture de lombre : la poétique de Charles Estienne », éd. V. Giacomotto-Charra et C. Silvi, Lire, Ecrire, Choisir : lécriture de la science au Moyen-Âge et à la Renaissance, 2014, p. 109-131.

8 Voir Louis Van Delft, « Lidée de théâtre (xvie-xviiie siècle) », Revue dHistoire littéraire de la France, 101, 5 (Sept.-oct., 2001), p. 1349-1365 et « Le concept de théâtre dans la culture classique », Cahiers dHistoire des Littératures Romanes, 2001, p. 73-84.

9 Voir Hélène Cazes, « Théâtres imaginaires du livre et de lanatomie : La Dissection des parties du corps humain, Charles Estienne, 1545-1546 », éd. Olivier Guerrier, Fictions du Savoir à la Renaissance, Littératures 47, automne 2002, p. 11-30, accessible en ligne sur le site Fabula.org.

10 La Dissection, p. 6.

11 La Dissection, p. 284.

12 La Dissection, p. 317.

13 Cicéron, De Natura Deorum II, 140 : [140] Ad hanc providentiam naturae tam diligentem tamque sollertem adiungi multa possunt, e quibus intellegatur, quantae res hominibus a dis quamque eximiae tributae sint. Qui primum eos humo excitatos, celsos et erectos constituerunt, ut deorum cognitionem caelum intuentes capere possent. Sunt enim ex terra homines non ut incolae atque habitatores, sed quasi spectatores superarum rerum atque caelestium, quarum spectaculum ad nullum aliud genus animantium pertinet. Sensus autem interpretes ac nuntii rerum in capite tamquam in arce mirifice ad usus necessarios et facti et conlocati sunt. Nam oculi tamquam speculatores altissimum locum optinent, ex quo plurima conspicientes fungantur suo munere. (Texte pris de De natura deorum liber secundus M. Tullii Ciceronis ; texte latin publié par M. C. Thiaucourt, Paris, Hachette, 1897, p. 201-202).

14 La Dissection, p. [i].

15 Ibid.

16 La Dissection, p. 2.

17 La Dissection, p. 37.

18 La Dissection, p. 282.

19 Voir, pour plus de précisions, Hélène Cazes, « Le Cogito de lanatomiste : observation et galénisme dans La Dissection des parties du corps humain par Charles Estienne », Mélanges offerts à Jean Céard, éd. J. Dupèbe, F. Giacone, E. Naya et A.-P. Pouey-Mounou Genève, Droz, 2007, p. 327-341.

20 La Dissection, p. 373.

21 La Dissection, p. [ii].

22 La Dissection, p. 1.

23 La Dissection, p. [ii].

24 La Dissection, p. 373-374.

25 La Dissection, p. 374.

26 P. Terentii Afri Comici, Andria : omni interpretationis genere, in adolescentulorum gratiam facilior effecta, Paris, Simon de Colines et François Estienne, 1541 et 1547 et La premiere comedie de Terence, intitulée lAndrie, nouvellement traduite de latin en français, en faveur des bons esprits, studieux des antiques récréations, Paris, Andry Roffet, 1542 ; Paris, Gilles Corrozet, 1542 ; Paris, Etienne Groulleau, 1552. Voir H. W. Lawton, Térence en France au XVIème siècle, Paris, Jouve, 1926 et « Charles Estienne et le théâtre », Revue du XVIème siècle, 14, 1927, p. 336-347. Voir également M.-M. Fragonard, « La Renaissance ou lapparition du théâtre à texte », éd. A. Viala, Le Théâtre en France des origines à nos jours, Paris, PUF, 1997, p. 101-154.

27 Brief recueil de toutes les sortes de jeux, quavoient les anciens Graecz & Romains /, et comment ilz usoient diceulx, Paris, Andry Roffet, 1542.

28 Gli Ingannati. Comédie du sacrifice des Professeurs de lAcadémie vulgaire Senoise, nommez Intronati, célébrée ès jeux dun Karesme prenant, à Senes, traduicte de langue Tuscane par Charles Estienne, [Paris, Pierre Roffet, 1540] Lyon, François Juste et Pierre de Tours, 1543 ; Paris, Estienne Groulleau, 1548, 1549 et 1556. Voir Charles Estienne, LAndrie ; La comédie du sacrifice ou Les Abuses, éd. E. Balmas, M. Dassonville, L. Zilli, Théâtre Français de la Renaissance, première série, vol. 6, La Comédie à lépoque dHenri II et de Charles IX. Paris, PUF, 1990, p. 1-180 et « La commedia GlIngannati e la sua traduzione francese : due comicita a confronto », Studi di Letteratura Francese (Bibliotheca dellArchivum Romanicum, Serie I, Storia, 10, 1983, p. 31-51.

29 Texte cité de Charles Estienne, Les abusez comédie faite à la mode des anciens comiques, Paris, Estienne Groulleau, 1549, fol. Aiij-Aiiij.

30 « Du théâtre » in Architecture ou Art de bien bâtir, de Marc Vitruve Pollion auteur romain antique mis de latin en français, par Jean Martin Secrétaire de Monseigneur le Cardinal de Lenoncourt, pour le Roi très chrétien Henri II (Paris, Jacques Gazeau, 1547), V, 3, Cologny, Jean de Tournes, 1618, p. 137 (édition consultée sur le site Gallica).

31 Ibid., livre V, chapitre 11, p. 160.

32 Sur ce point, on consultera avec plaisir et profit le très beau site du Centre dÉtudes Supérieures de la Renaissance (Université François Rabelais de Tours), Architectura, où figurent bibliographies, notices et exemplaires numériques.

33 Voir Mario Carpo, « La traduction française du De re aedificatoria (1553). Alberti, Martin, Serlio et léchec dun classicisme vulgaire », éd. F. Furlan, P. Laurens et S. Matton, Leon Battista Alberti, Paris-Turin, Vrin-Nino Aragno Editore, 2000 et « Le De Re Aedificatoria de Leon Battista Alberti et sa traduction française par Jean Martin, à Paris chez Jacques Kerver en 1553 », éd. S. Deswarte-Rosa, Sebastiano Serlio à Lyon, Architecture et imprimerie, Lyon, Mémoire Active, 2004, p. 371-372.

34 La Dissection, p. 10, p. 15, p. 151, p. 153 et p. 160.

35 Pour la diffusion et le public de ce texte, voir Hélène Cazes, « Jardins, vergers et maisons-bibliothèques : le grand enfermement du livre imprimé, du Praedium Rusticum de Charles Estienne à la Maison Rustique de Jean Liébault », (dir.) Bertrand Bourgeois et Élise Lepage, La maison et le livre, Voix plurielles, 5, 1, 2008, en ligne sur le site Voix Plurielles de luniversité Brock (Canada).

36 La Dissection, p. 3.

37 Voir, sur ces images, C. E. Kellet, « A note on Rosso and the illustrations to Charles Estiennes De Dissectione », Journal of History of Medicine, 12, 1957, p. 325-336 ; « Perino del Vaga et les illustrations pour lanatomie dEstienne », Aesculape, 37, 1955, p. 74-89 ; Two Anatomies, An occasional lecture on the De dissectione of Charles Estienne, Newcastle, 1958. Voir, plus généralement, Andrea Carlino, Books of the Body : Anatomical Ritual and Renaissance Learning, Chicago, University of Chicago Press, 1999 ; Dominique de Montmollin, Lillustration anatomique de la Renaissance au siècle des Lumières, Neuchâtel, Bibliothèque publique et universitaire, 1999 ; Jonathan Sawday, The Body emblazoned, Dissection and the human body in Renaissance culture, London and New York, Routledge, 1995, ici p. 116-117. Pour les gravures concernant la femme,, on consultera Bette Talvacchia, Taking Positions : On the Erotic in Renaissance Culture, Princeton, Princeton Univ Press, 2001 et David OFrantz, Festum Voluptatis, A study of Renaissance Erotica, Columbus, Ohio, Ohio State University Press, 1989, ici p. 123-124.

38 La Dissection, p. 37-38.

39 La Dissection, p. 54 et 75.

40 La Dissection, p. 97 et 113.

41 La Dissection, p. 191.

42 Voir en annexe la table de ces illustrations avec leurs principaux éléments non anatomiques en fin de cet article.

43 George P. Burris, « Estiennes De Dissectione (1545), an Example of Sixteenth Century Anatomical Illustration », Bios, 37, 4, 1966, p. 147-156.

44 La Dissection, p. 256 et 271.

45 La Dissection, p. 191, 210, 225, 238, 241, 258 et 261.

46 La Dissection, p. 303.

47 La Dissection, p. 310 et 312.

48 La Dissection, p. 177, 185, 191, 210, 223, 225, 275 et 293.

49 Raison darchitecture antique, extraite de Vitruve, Paris, Simon de Colines, sd. Voir Yves Pauwels, Larchitecture au temps de la Pléiade, Paris, Monfort, 2002, (sur Vitruve, p. 35-42). On lira sur ce traité, inspiré des livres III et IV de Vitruve, mais également de Pline, dAlberti et dautres, la notice de Fernando Marías publiée sur le site Architectura, hébergé par le CESR de Tours.

50 Vitruve, Architecture, ou art de bien bastir de Marc Vitruve Pollion Autheur Romain Antique : mis de latin en Francoys, par Jan Martin, Paris, Jacques Gazeau, 1547. Voir Frédérique Lemerle, « Jean Martin et le vocabulaire darchitecture », Jean Martin Un traducteur au temps de François Ier et de Henri II, Cahiers V. L. Saulnier, 16, Paris, PENS, 1999, p. 113-126 et « LArchitecture ou Art de bien bastir de Vitruve, traduit par Jean Martin à Paris chez Jacques Gazeau Françoys, en 1547 », éd. S. Deswarte-Rosa, Sebastiano Serlio à Lyon, p. 418-419.

51 Voir Pierre du Colombier, Jean Goujon, Paris, Albin Michel, 1949, Appendice A, p. 123-128 ; Yves Pauwels, « Jean Goujon, de Sagredo à Serlio : la culture architecturale dun ymaginier-architecteur », Bulletin Monumental, 156, 2, 1998, p. 137-148 ; Toshinori Uétani et Henri Zerner, « Jean Martin et Jean Goujon en 1545. Le manuscrit de présentation du Premier livre dArchitecture de Marc Vitruve Pollion », Revue de lArt, 149, 2005, 3, p. 27-32.

52 Voir Yves Pauwels, « Serlio et le vitruvianisme français de la Renaissance : Goujon, Bullant, De lOrme », éd. S. Deswarte-Rosa, Sebastiano Serlio à Lyon, p. 410-417.

53 Il primo libro dArchitettura, di Sabastiano Serlio, Bolognese. = Le premier livre dArchitecture de Sebastian Serlio, Bolognois, mis en langue francoyse par Iehan Martin… A Paris, s.n. [Jean Barbé], 1545.

54 Voir Myra Nan Rosenfeld, « From Bologna to Venice and Paris : The Evolution and Publication of Sebastiano Serlios Books I and II, On Geometry and On Perspective, for Architects », éd. L. Massey, The Treatise on Perspective : Published and Unpublished, Studies in the History of Art Series, 59, Center for Advanced Study in the Visual Arts, Symposium Papers XXXVI, National Gallery of Art, Washington, 2003, p. 281-321 et P. Roccasecca, « Sebastiano Serlio : la pratique de la perspective au service de larchitecte », éd. F. Lemerle et M. Carpo, Perspective, Projection, Projet. Techniques de la représentation architecturale, Les Cahiers de la recherche architecturale et urbaine, 17, 2005, p. 61-70.

55 Voir Sabine Frommel, « Sebastiano Serlio Prospettico. Stages in his Artistic Itinerary during the 1520s », (éd.) F. Lemerle et M. Carpo, Perspective, Projections & Design. Technologies of architectural Representations, Londres-New York, Routledge, 2008, p. 77-94.

56 Serlio présente son petit traité de perspective théâtrale comme la démonstration de sa méthode pour le projet de théâtre du palais da Porto à Vicence : « cela me succeda si bien que du depuis quand cest venu à faire telles entreprises jai toujours suivi cette voie, laquelle je conseille tenir tous ceux qui se délecteront de choses semblables » (fol. 65r).

57 Vitruve, De Architectura… Paris, J. Gazeau, 1547, traduction par Jean Martin, livre V, 8, fol. 77r-78v : « Or est il trois manieres dicelles Scenes, asavoir Tragique, Comique, et Satyrique : dont les parures sont dissemblables et aussi leurs maisonnages differens. Ceux de la Tragique senrichissent de Colonnes, Frontispices, Statues, et autres appareils sentant leur Royauté ou seigneurie. Ceux de la Comique représentent maisons dhommes particuliers et ont leurs fenestrages et ouvertures faictes a la mode commune. Mais la Satyrique est ornee dArbres, Cavernes, Montagnes, Rochiers et pareilles choses rurales, formees dOzier entrelasse en maniere de paniers ou de clayes, et couvert dessus ainsi quil est requis. »

58 Vitruve, Architecture, ou Art de bien bastir [], par Jan Martin, Paris, Jacques Gazeau, 1547, p. 151-154.

59 Sebastiano Serlio, Second Livre… Jehan Martin… Paris, 1545, fol. 64v.

60 Sebastiano Serlio, Second Livre…, fol. 65 v.

61 Sebastiano Serlio, Second Livre…, fol. 66 r-70 v.

62 La Dissection, p. 282.

63 La Dissection, p. 261 et 271.

64 Il Terzo Libro di Sabastiano Serlio… (1re éd. 1540), Venise, s.n. [Francesco Marcolini], 1544.

65 Sur la conception du livre comme bâtiment, pour dautres auteurs, on lira Yves Pauwels, Larchitecture et le livre en France à la Renaissance : « Une magnifique décadence » ?, Paris, Classiques Garnier, 2013, et en particulier, sur Vitruve, p. 90-100.