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Classiques Garnier

Un confesseur de mauvaise foi Notes sur les exactions financières de l’empereur Léon III en Italie du Sud

  • Publication type: Journal article
  • Journal: Cahiers de recherches médiévales et humanistes / Journal of Medieval and Humanistic Studies
    2014 – 2, n° 28
    . varia
  • Author: Prigent (Vivien)
  • Abstract: This paper discusses the (in)famous passage of ­Theophanes’ Chronographia dedicated to the fiscal policy of Emperor Leo III in Southern Italy, focusing on the vexata quaestio of the global or partial increase of the taxes demanded from Sicily and Calabria. Having examined both the chronology of the measures and previous theories that have been put forward to explain this passage, highlighting their limitations and/or incompatibility with what we know of the Byzantine tax system, the author proposes a new hypothesis, stressing the administrative ­consequences of Leo ­III’s simultaneous monetary reform. The alleged increase of the tax burden was nothing more than the result of paperwork, as the same taxes were simply labelled in a new currency of lesser value, hence leading to a nominal increase in the dues.
  • Pages: 279 to 304
  • Journal: Journal of Medieval and Humanistic Studies
  • CLIL theme: 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
  • EAN: 9782812445682
  • ISBN: 978-2-8124-4568-2
  • ISSN: 2273-0893
  • DOI: 10.15122/isbn.978-2-8124-4568-2.p.0279
  • Publisher: Classiques Garnier
  • Online publication: 04-29-2015
  • Periodicity: Biannual
  • Language: French
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Un confesseur de mauvaise foi

Notes sur les exactions financières de lempereur Léon III en Italie du Sud

Il nest guère fréquent que la numismatique, aride source auxiliaire sil en est, puisse contribuer à éclairer la signification dune source littéraire objet de polémiques. Cest pourtant à mon sens de létude de la monnaie que doit venir, contre toute attente, la lumière sur un passage aussi fameux que controversé de la chronique de Théophane le Confesseur.

Le passage en question nest autre que celui dans lequel cet ardent défenseur de lOrthodoxie décrit les réformes fiscales édictées par lempereur Léon III en Sicile et en Calabre. Le ton en est très clairement polémique, lempereur étant comparé aux pharaons, tyrans bibliques par excellence. Pour plus de clarté, je reproduis ici le texte de lextrait1 :

Τότε θεομάχος ἐπὶ πλεῖον ἐκμανεὶς, Ἀραβικῷ τε φρονήματι κρατυνόμενος, φόρους κεφαλικοὺς τῷ τρίτῳ μέρει Σικελίας καὶ Καλαβρίας τοῦ λαοῦ ἐπέθηκεν. Τὰ δὲ λεγόμενα πατριμόνια τῶν ἁγίων καὶ κορυφαίων ἀποστόλων τῶν ἐν τῇ πρεσβυτέρᾳ Ῥώμῃ τιμωμένων, ταῖς ἐκκλησίαις κπαλαι τελούμενα χρυσίου τάλαντα τρία ἥμισυ τῷ δημοσίῳ λόγῳ τελεῖσθαι προσέταξεν, ἐποπτεύειν τε καὶ ἀναγράφεσθαι τὰ τικτόμενα κελεύσας ἅρρενα βρέφη, ώς Φαραώ ποτε τὰ τῶν Ἐβραίων : ὅπερ οὐδαὐτο ποτε οἱ διδάσκαλοι αὐτοῦ Ἄραβες ἐποησαν εἰς τοὺς κατὰ τῆν ἐώαν Χριστιανούς.

Cyril Mango en a donné la traduction suivante qui permet de bien en mettre en valeur les difficultés :

Then Gods enemy became even more furious: possessed by his Arab mentality, he imposed a capitation tax on one third of the people of Sicily and Calabria. As for the so-called Patrimonies of the holy chief apostles who are honoured in the Elder Rome (these, amounting to three and a half talents of gold, had been from olden times paid to the churches), he ordered them

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to be paid to the Public Treasury. He also decreed that watch should be kept to have new-born male infants entered in a register as the Pharaoh had aforetime done in the case of the Jews-something that not even his mentors the Arabs have ever done to the Christians in the East2.

On distingue en fait dans le passage trois mesures distinctes, lesquelles naffectent en revanche quune seule et même circonscription administrative, Calabre et Sicile relevant dun thème unifié3 :

1. Un accroissement de la fiscalité individuelle4.

2. Lordre de verser dorénavant les taxes des patrimoines de lÉglise de Rome au Trésor impérial.

3. La réalisation de recensements, touchant au moins les personnes, notamment les nouveaux-nés, et peut-être également les biens.

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La date des mesures

Le premier problème est chronologique. Cette section du texte est placée sous lannée du monde 6224, selon lère alexandrine, soit 731-732. Cette information est accompagnée de cinq datations « régnales5 ».

Personnage

Date de « mandat »

Année de règne

An du monde

Léon III

25 III 717-18 VI 741

16e année

25 III 732-24 III 733

Hisham, calife

724-6 II 743

9e année

732-733

Grégoire, pape

X

8e année

X

Anastase, patriarche de Constantinople

22 I 730-I 754

3e année

22 I 732-21 I 733

Jean, patriarche de Jérusalem

705-735

27e année

731-732

La référence au pontificat de Grégoire est la seule à ne pas offrir le moindre point de recoupement avec les autres données chronologiques. De fait, la connaissance de Théophane de la succession des pontifes est plus que lacunaire. Le pape Grégoire est le premier à lui servir de référence chronologique depuis Benoît Ier (575-579). Malheureusement, la succession sur le trône de saint Pierre de deux homonymes, Grégoire II (19 V 715-11 II 731) et Grégoire III (18 III 731-XI 741) a totalement perturbé le système de références, Théophane fusionnant les deux homonymes. Lerreur était sans doute dautant plus facile que les deux pontificats durèrent au-delà des années, un même nombre de mois et de jours, une coïncidence assez étonnante pour avoir été source derrements6. Ce détail est à mon sens dautant plus important que Théophane attribue au pontificat de ce pape Grégoire un nombre dannées, neuf, qui ne correspond à aucun des deux papes quil confond. Lorigine de lerreur est malheureusement impossible à établir. Pour le reste, les cadres chronologiques offerts, même sils ne se recoupent naturellement pas parfaitement, sont cohérents avec lan du monde.

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Toutefois, on a voulu remettre en cause cette datation7. Théophane placerait de façon arbitraire les décisions impériales qui nous intéressent ici sous cette année, car les réformes décrites seraient la cause de la révolte orchestrée par les pontifes en Italie. Or, cette révolte intervint à lévidence à la fin des années 720, sous le pontificat de Grégoire II, comme latteste clairement le Liber pontificalis8. Ainsi, cest parce quil faut trouver à cette révolte une explication que la crise iconoclaste, qui na pas encore éclaté, ne peut fournir9, que lon propose de déplacer les réformes fiscales de lempereur dans les années 720.

Toutefois, ces décisions ne constituèrent pas lunique volet de la politique réformatrice quorchestra Léon III au détriment de la papauté10. Lempereur frappa également la puissance pontificale en opérant la fameuse modification des juridictions ecclésiastiques en faveur du patriarcat de Constantinople11. Or, un tel coup de force était parfaitement de nature à provoquer une levée de boucliers à Rome. Les sources contemporaines sont, on le sait, étrangement muettes et deux positions sopposent traditionnellement sur la question de la chronologie de la mesure. Venance Grumel place en effet le transfert sous le pontificat dÉtienne II (752-757), y voyant une mesure de rétorsion suite à lalliance franque12. Inversement, Milton V. Anastos rattache précisément la décision aux réformes financières de Léon III qui nous intéressent13. Dans lun et lautre cas, les deux auteurs font

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reposer leur argumentation sur lévolution de la loyauté des papes envers lempire, sans résultats définitifs14. Seules les réclamations pontificales dHadrien Ier15 puis de Nicolas Ier16 évoquent la mesure, mais le lien quelles stipulent avec le déclenchement de lIconoclasme est évidemment trop commode pour être pris pour argent comptant17. En outre, dans le second cas, le lien est patent avec la lutte opposant alors Rome et Constantinople pour le contrôle des nouvelles chrétientés slaves, puisque la modification des juridictions concerna également lIllyricum18.

Véra von Falkenhausen a été la première à mettre en valeur un passage essentiel des Gesta Episcoporum Neapolitanorum19. Lauteur de la chronique indique en effet que lévêque Sergius se serait vu proposer par

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le Graecorum pontifex le titre darchevêque20. Que la manœuvre nait ici pas abouti nenlève rien au fait que lon assiste à un empiètement inouï sur les prérogatives pontificales, inexplicable en dehors du contexte de la réforme des juridictions ecclésiastiques21. Lextraordinaire durée de lépiscopat de Sergius (720 à 74822) compromettrait lutilité du passage, si lon ne pouvait le rapprocher dun extrait du récit du pèlerinage de saint Willibald sur lequel F. Burgarella a attiré lattention. Le titulaire du siège de Naples y est en effet expressément identifié à un archevêque (Ibi est sedes archiepiscopi, et magna dignitas eius illic habetur) lorsque le pèlerin anglais débarque dans la ville en 72823. Or, le pape étant traditionnellement métropolite dItalie péninsulaire, ce titre archiépiscopal ne peut que refléter une rupture du statu quo ante vers le milieu des années 720.

Lorsquon rapproche ces deux passages, il semble possible dadmettre que Sergius se soit un temps laissé séduire par les propositions du

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« pontife grec » au début de son épiscopat. Cest dailleurs à la même époque, vers 726-727, que les Campanie partes, sous la direction du duc Exhilaratus, sopposèrent à Grégoire II en défense de lautorité de Léon III. Le pape fit arrêter et aveugler ce personnage par les « Romains24 ».

Bien que toutes ces données ne soient pas parfaitement claires, il en ressort que les Gesta Episcoporum Neapolitanorum et le récit du pèlerinage de Willibald, deux sources parfaitement indépendantes, saccordent pour placer une rupture, à lévidence éphémère en ce qui concerne Naples, dans lorganisation ecclésiastique de lItalie du Sud dans les années 720. Jajouterai que le plus ancien sceau connu dun archevêque de Syracuse, qui est également le premier des sceaux grecs de titulaire de ce siège, doit également être placé le plus tôt possible dans le viiie siècle : nétait lutilisation du grec dans sa légende, je laurais même daté de la fin du siècle précédent25.

Cette modification des juridictions ecclésiastiques intervenant très certainement au tout début du règne, elle peut parfaitement rendre compte de la révolte des papes, à mon sens davantage même quune éventuelle réforme fiscale. Dans cette optique, il convient en effet de se souvenir que les protestations provoquées par les exigences financières extrêmes de Constant II ne débouchèrent jamais sur rien de semblable à la révolte de Grégoire II. Les mesures draconiennes décrites par Théophane redeviennent ainsi naturellement la conséquence et non la cause de cette opposition frontale : les empereurs réagissent précisément dans le domaine fiscal utilisé comme arme par les pontifes qui avaient refusé de verser les taxes dues26. Ainsi, je ne vois aucune raison pour remettre en cause la chronologie de Théophane. Bien au contraire, lannée 731-732 correspond très exactement à la fin dun cycle indictionnel, particulièrement propice à la mise en œuvre dune réforme fiscale. Je rappellerai enfin que cette dernière intervint en parallèle à une autre réforme dinspiration similaire qui toucha les

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fonctions des commerciaires. Là aussi, lÉtat semble avoir rétabli un contrôle plus étroit sur certaines ressources fiscales27. Les sources sigillographiques permettent ici de dater très précisément la réforme de lannée 730/731 (indiction 14)28. Même sil nest pas absolu, le chevauchement me semble significatif.

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La nature des réformes

Les hypothèses en présence

Jen viens au contenu des réformes. Je me suis déjà exprimé ailleurs sur la seconde décision, dans laquelle je vois le rétablissement de la perception directe sur les biens de Rome après une expérience dautopragie dont témoigne le Liber pontificalis à la fin du viie siècle et dont on perçoit les prémices et la logique dans le registrum de Grégoire le Grand29. Il a été objecté à cette position quil ny avait pour lÉtat aucun intérêt à modifier uniquement le système de perception et à établir un onéreux système de prélèvement direct30. Je maintiens toutefois quau lendemain de la révolte fiscale des papes en Italie, il était au contraire de la plus haute importance que ceux-ci ne puissent pas menacer de la sorte le contrôle des richesses siciliennes31. À mon sens, la clef de lecture de la décision de Léon III nest pas tant économique que politique32.

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La troisième mesure est clairement liée à la précédente : à loccasion du transfert des responsabilités fiscales, la « matière imposable » que représentent les patrimoines est lobjet dune vérification systématique. Dans ce cadre, il me semblerait nécessaire de mieux distinguer deux actions distinctes que la traduction de Mango et Scott fusionne. La formule ἐποπτεύειν τε καὶ ἀναγράφεσθαι τὰ τικτόμενα κελεύσας, malgré le lien fort établi par τε καί entre les deux verbes, me semble indiquer dune part le recensement des personnes (ἀναγράφεσθαι), présenté de façon polémique à travers le cas des enfants, et de lautre une évaluation de la base foncière des patrimoines (ἐποπτεύειν). Il est vrai que lanagrapheus devient à terme un recenseur de terres33, mais ce sens technique nest pas encore en vigueur quand Théophane rédige sa chronique34, et lon comprend que le verbe puisse être utilisé pour un recensement de personnes. En revanche, le premier verbe me semble pouvoir être interprété dans son sens technique, car il renvoie clairement au titre porté par les responsables de la révision du cadastre (époptai) attestés dès le viiie siècle par au moins une bulle et explicitement placés au sein du génikon par le Klètorologion de Philothée35. Cest bien en ce sens quil apparaît ailleurs sous la plume de Théophane pour décrire une opération de ce

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type ordonnée par Nicéphore Ier. Je note dailleurs quil est alors bien utilisé sans complément, comme il le serait dans le passage qui nous intéresse si lon retenait mon hypothèse36. Ainsi, il ne me semble pas assuré que la mesure nait concerné que les personnes37, même si, bien entendu, cest la donnée démographique qui était la plus susceptible de variations dimportance, surtout après les bouleversements démographiques régionaux liés à la conquête de Carthage par les forces de lIslam38. Cette conclusion peut sembler étonnante mais nous verrons que tout le passage joue sur des ambiguïtés du genre de celle soulignée ici.

Ceci étant, je mintéresserai ici au premier volet des réformes décidées par Léon III pour en proposer une interprétation nouvelle, sans réel rapport avec les lectures qui en ont été données jusquici. La difficulté réside dans la référence au tiers (τῷ τρίτῳ μέρει) et dans son rapport éventuel à la zone géographique (Σικελίας καὶ Καλαβρίας) ou à la population (τοῦ λαοῦ) ou encore aux impôts (φόρους κεφαλικούς) eux-mêmes. Le lien que lon établit entre les divers éléments permet la construction de diverses hypothèses.

Selon André Guillou, le tiers se rapporte à la zone géographique. Pour cet auteur, Léon III déciderait de reprendre en mains la perception des domaines pontificaux et le tiers du thème correspondrait au reste du territoire39. Si tel est le cas, la logique du texte échappe un peu car la conséquence de la réforme serait ici énoncée avant la réforme elle-même. Mais surtout, comme le souligne Cyril Mango, cette lecture na pas grand sens puisque si le dernier tiers représente les terres nappartenant pas à Rome, pour quelle raison nétaient-elles pas taxées jusqualors40 ? Même en inversant la proposition et en admettant que le tiers que

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Léon III soumet à perception était les terres pontificales, lhypothèse semble intenable car rien ne permet daffirmer que les biens du pape aient été un temps exempts dimpôts. Ce nest certainement pas le cas au tournant des vie et viie siècles41 et ça ne lest pas davantage à la fin du viie siècle, lorsque le Liber pontificalis enregistre avec reconnaissance les dégrèvements concédés par les empereurs42.

En 1989, F. Burgarella déplaça laxe de la réforme sur la population, Léon III imposant selon lui une « tassa di capitazione alla terza parte della popolazione43 ». Plus récemment, cette ligne a été adoptée par Constantin Zuckerman qui sen sert pour contourner plus efficacement les principaux écueils de la lecture « géographique ». Selon cet auteur, les biens pontificaux représenteraient le tiers du thème et la réforme consisterait dans lintroduction de la capitation sur les dépendants de ces domaines à loccasion de la saisie des patrimoines. Un tiers de la population se verrait ainsi nouvellement soumis à cette taxe44. Dernièrement, cette lecture a été retenue par Leslie Brubaker et John Haldon dans leur synthèse sur liconoclasme45. Elle semble donc destinée à simposer par la double vertu du primat de la langue anglaise et de leur prestige académique.

Enfin, ce τρίτον μέρος peut être directement rattaché à limpôt lui-même et le passage compris comme indiquant un simple accroissement de taxes, quelle quen soit la nature exacte46. Telle était la position dAnastos47, à laquelle se rattache avec prudence Cyril Mango dans son commentaire

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à sa traduction de Théophane48. On retrouve la même opinion dans le récent régeste des actes intéressants lItalie du Sud49. Federico Marazzi y voit également un accroissement du poids de la fiscalité, frappant spécifiquement la capitation50, une ligne qui était également la mienne en 200451. En effet, javais proposé à titre hypothétique que lempereur ait doublé le taux du fouage, le dikératon, celui-ci passant ainsi de 1/6 de nomisma à, précisément, 1/3. La traduction que Wolfram Brandes donne du passage va a priori dans le sens de limposition dune capitation sur un tiers de la population52. Toutefois, lauteur considère que la source de Théophane est corrompue et, soulignant que cet auteur ne fait certainement pas référence à une taxe nouvelle, il se rattache in fine à lidée dun accroissement dun tiers des taxes du thème de Sicile, rejoignant ainsi la ligne dAnastos et de Mango.

Si lon écarte la première, toutes ces positions ont bien évidemment leurs mérites. Je crois toutefois nécessaire de les rejeter.

Objections aux interprétations précédentes

La théorie la plus ingénieuse est certainement celle de Constantin Zuckerman car elle est la plus proche du texte et cest donc à cette hypothèse que je mintéresserai spécialement. Lauteur identifie sous Constant II lapparition dune nouvelle taxe de capitation inspirée de la pratique musulmane53. Lexemption dont aurait joui le clergé vis-à-vis de cette taxe aurait été étendue à lensemble des dépendants laïcs de lÉglise, une immunité évidemment perdue lors de lintégration des terres pontificales à la fortune impériale. Plusieurs points me semblent toutefois ici difficiles à retenir. Tout dabord, comme je lai dit, je ne crois absolument pas que Léon III ait saisi les biens des papes, mais il ny a évidemment pas grande gloire à être daccord avec soi-même. Plus cruciale me semble lidée dune exemption fiscale étendue aux dépendants du clergé. Cette

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idée va à lencontre de la règle byzantine qui veut que lexemption fiscale de groupe soit accordée contemplatione dignitatis atque militiae ou laborum contemplatione54. Comme lexplique Nicolas Oikonomidès, « le privilège était valable pour layant-droit et sa famille immédiate, pas pour leurs terres et les paysans y travaillant55 ». Mieux encore, une lettre de Basile de Césarée semble indiquer que lexemption pouvait ne pas bénéficier à lensemble des clercs dun diocèse, mais aux seuls clercs actifs, à lexclusion des surnuméraires, et que son renouvellement de levée fiscale en levée fiscale nallait dailleurs pas de soi56. Constantin Zuckerman cite à lappui de ses positions sur une exemption fiscale générale du clergé face à la capitation le passage du Liber pontificalis Ecclesiae Ravennatis relatif aux concessions fiscales de lempereur Constantin IV au siège de Ravenne. Selon lui, « the emperor granted all Reparatus requests and confirmed ut census nullus sacerdos vel quicumque clericus qualibet censum in publico dedisset. This census could only be the freshly introduced poll-tax, from which the clerics were exempted57 ». Tout dabord, dun simple point de vue général, le Liber pontificalis Ecclesiae Ravennatis nous transmettant le contenu dun privilège, je ne crois pas que lon puisse en tirer une règle valable à léchelle de lempire. Mais surtout, le passage se poursuit par une énumération dimpôts qui précise cette formulation générale et, selon moi, en identifie la portée : non ripaticum neque portaticum vel siliquacio aut teloneum, nullus ab eis exigere debuisset58. Lexemption porterait donc sur les taxes liées à la circulation des marchandises et larticulation de la phrase me semble impliquer que la dispense dimpôt nest pas générale, mais limitée à ces facettes particulières de la fiscalité indirecte59. Rien nindique donc ici que

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les clercs aient disposé dune exemption systématique de la capitation, a fortiori leurs dépendants. Lhypothèse de cette extension considérable du privilège ecclésiastique est basée sur un passage de Théophane relatif au règne réformateur de Nicéphore Ier. Cet empereur aurait ordonné que les parèques des maisons pieuses et de lOrphanotropheion et des xénônes et gérokômeia et des églises et monastères impériaux payent désormais le kapnikon60. On peut demblée objecter que le kapnikon nest pas une capitation mais un fouage61, mais, au-delà, lempereur revenait ici sur une mesure dexemption de limpératrice Irène62 et lune et lautre décision ne concernaient a priori que les fondations pieuses relevant du domaine public63. Rien nindique donc que le clergé et ses dépendants aient bénéficié dune exemption générale du temps de Léon III, exemption sur laquelle on pourrait fonder un raisonnement pour expliciter le mystérieux passage de Théophane.

Enfin, cette position soulève une troisième objection. Si lon considère, à la suite de lauteur, que les patrimoines romains représentaient 1/3 de la population de lîle et donc une proportion équivalente du « territoire utile64 », alors les 25.000 nomismata de revenus fiscaux quils génèreraient représenteraient une part identique du revenu fiscal de lîle, quil faudrait estimer à 75.000 solidi, ce qui est fort peu. On rappellera à ce sujet que vers 700 latelier monétaire insulaire eut une production qui se rapprocha de celle de latelier de Constantinople, ce qui semble incompatible avec une telle faiblesse des revenus fiscaux65. Que lon pense enfin au village égyptien dAphroditô, dont le produit fiscal atteignait environ 1700

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solidi66 : doit-on admettre que la Sicile toute entière nait pas rapporté plus quune petite cinquantaine de villages, fussent-ils très riches ? Cette objection est encore plus forte si lon accepte, à la suite de Constantin Zuckerman, que Léon III, loin de se contenter de modifier le système de perception, ait saisi les patrimoines puisque les 25.000 pièces dor représenteraient alors la somme des impôts et des loyers. Il faudrait en effet dans ce cas réduire les revenus fiscaux siciliens à moins de deux douzaines de villages67. Oliganthropie altomédiévale, certes, mais la levée de limpôt serait dès lors au propre comme au figuré une traversée du désert pour les malheureux agents de lÉtat.

Si lon sintéresse aux modèles théoriques de fonctionnement des exploitations byzantines68, on se rend par ailleurs compte quenviron 80.000 hectares suffisent à produire un revenu fiscal de 25.000 nomismata. Or, même pour le haut Moyen Âge, il me semble difficile dadmettre que la superficie exploitée de la Sicile ait été limitée à 240.000 hectares sur les quelque 2.000.000 aisés à mettre en culture (hors montagne)69. Au-delà, la position exprimée par Zuckerman me semble irrecevable car Ravenne possédait des biens équivalents à plus des deux tiers de ceux de Rome70. Nous aurions donc plus de 50-60% du sol de lîle contrôlé par deux propriétaires, alors même que lîle était réputée pour limportance des biens impériaux et quil faut bien laisser une place à la propriété privée et aux patrimoines des évêchés locaux71. Dans le cas contraire, cest sans doute Prêtre et Empereur quil eût fallu écrire.

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Cette dernière remarque a une portée plus générale : elle incite à renoncer à relier le triton méros avec la superficie ou le poids démographique du patrimoine pontifical. Il ne me semble dailleurs pas de bonne méthode de postuler que la première mesure décrite dans le texte (laccroissement de la fiscalité) soit une conséquence de la seconde (la réforme dans le statut fiscal des patrimoines). Il faut, je crois, chercher ailleurs la solution.

La lecture proposée par Anastos, Mango et Brandes nest pas davantage exempte de problèmes. En effet, il est difficile dadmettre a priori que les impôts aient pu être accrus dun tiers sans provoquer des dommages sérieux à léconomie. Il faut en effet tenir présent à lesprit que les finances siciliennes sont alors fragiles, comme en témoigne le processus de dévaluation qui affecte la monnaie depuis la fin du premier règne de Justinien II72. On y reviendra en conclusion. Il est toutefois possible denvisager que seul un impôt particulier ait été accru, piste que javais initialement suivie avec le kapnikon, mais que je crois à présent nécessaire dabandonner. Ce constat nous amène donc à nous interroger sur le sens à donner à lexpression φόρος κεφαλικός.

La première impulsion est naturellement dy voir une capitation. Toutefois, à ma connaissance, le système fiscal byzantin de lépoque ne prévoit tout simplement pas de capitation, cest-à-dire de taxe forfaitaire par tête. La force de travail du contribuable entre en jeu comme critère destimation de limpôt de base, ce qui nest pas la même chose73. On notera dailleurs quen ce sens le système mésobyzantin nest pas fondamentalement différent de « limpôt à double cédule » du Bas-empire, qui, par le biais de la iugatio sive capitatio établit la responsabilité fiscale du contribuable en tenant en compte tant de la terre quil contrôle que de la force de travail quil représente74. Le terme de capitatio désigne alors

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non pas un impôt en tant que tel, mais le second paramètre de limpôt de base75. Comme lécrit Jean-Michel Carrié, « la capitatio apparaît donc bien comme un impôt de répartition et non pas comme une imposition par tête de taux uniforme76 ». Au-delà, le système mésobyzantin prévoit le versement du kapnikon, mais, comme lindique son nom même, celui-ci pèse sur la maisonnée, le foyer : on a affaire à un fouage, pas à une capitation77.

Resterait donc en lice limpôt de capitation dont le Liber pontificalis attribuerait la création à Constant II selon Constantin Zuckerman. La formule employée, diagrafa seu capita, a permis de tracer un parallèle avec la fiscalité égyptienne, le diagraphon (seu caput) étant identifié avec lancêtre de la djizya78. Toutefois, même si lon laisse de côté le fait quil ne semble pas avoir été imposé de façon mécanique sur les non-musulmans et quil existait peut-être déjà à lépoque byzantine79, les caractéristiques de ce diagraphon ne sont pas celles dune capitation et

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léquivalence avec la djizya simpose dautant moins que cette dernière taxe na pas encore davantage acquis les traits qui seront ultérieurement les siens. Comme le remarque Arietta Papaconstantinou, « in the earliest bilingual documents, jizya corresponds to dēmosion, which simply meant public tax, while diagraphon initially meant supplementary tax80 ». La véritable capitation musulmane, impôt forfaitaire par tête dont le paiement repose sur un discriminant religieux, ne se met sans doute en place que dans les dernières décennies du viie siècle, après la mort de Constant II donc, et ne présente peut-être pas sa forme « classique » avant les Abbassides81. Une étape importante dans cette évolution pourrait être recherchée dans les politiques de « neck-sealing » à grande échelle qui témoignent de laffirmation du caractère vexatoire de cette forme de taxation82. Quant au diagraphon, il est vrai quil ne semble pas directement lié à la propriété foncière, et cest certainement un point fondamental83, mais il est également clair que les sommes dont il implique le versement varient considérablement ce qui irait dans le sens de la prise en compte de la richesse des individus à la façon de lépiképhalaion de lÉgypte protobyzantine84. Ce dernier rapprochement fragilise en outre bien évidemment lidentification du diagraphon avec une capitation sur la foi de la substitution apparente dépiképhalaion à diagraphon dans les papyri de Nessana, à la fin du viie siècle85. Quelle que soit lassiette fiscale de cette taxe, il ne sagit donc pas dune capitation. Quant à léquivalence diagraphon/andrismos, elle nest pas davantage systématique

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puisque landrismos peut cumuler diagraphon et dapanè, ce dernier terme renvoyant à une procédure de coemptio, ou désigner tout simplement le corps des contribuables. Enfin, le terme lui-même napparaît quà la fin du viie siècle86, donc bien après une éventuelle imitation par Constant II des principes supposés de la capitation musulmane.

Ainsi, en définitive, je crois devoir me rattacher à lhypothèse défendue par Constantin Zuckerman selon laquelle Constant II établit des diagrapha, mais en rejetant lidée que ceux-ci constituent une capitation. Dans ce passage, seu implique clairement une équivalence87 et les diagrapha ne sont donc a priori que léquivalent des capita, lesquels sont des unités dassiette ne reposant effectivement pas sur la propriété foncière et dont la multiplication accroît mécaniquement le fardeau fiscal sur la population dans son ensemble. On comprendrait ainsi le lien entre caput, diagraphon et épiképhalaion, ce dernier terme nétant jamais que limpôt résultant de lattribution des capita fiscaux. Nul besoin demprunt aux Arabes et nulle capitation ici. Sans doute dailleurs serait-on davantage fondé à sappuyer sur cette équivalence claire entre diagraphon et caput pour comprendre lorigine et la nature du premier terme dans la documentation papyrologique. Mais ce nest pas ici mon propos.

Il ressort de ce qui précède que la « taxe de capitation » dont on prête lintroduction à Léon III ne semble correspondre à aucune réalité au sein du système fiscal byzantin du temps.

Mais, sil en va ainsi, comment lire le passage qui nous intéresse ? On pourrait évidemment envisager tout simplement que Théophane ait eu recours à une source latine mentionnant des capita, au sens de fraction due par chaque contribuable de limpôt exigé de la Sicile-Calabre, auquel cas le problème serait réglé, une traduction malheureuse expliquant le passage de lévocation dun accroissement des quote-parts fiscales

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à celle de la capitation88. Mais malheureusement, nous navons aucun indice permettant de défendre cette hypothèse et, en outre, la question de la nature du « tiers » demeurerait ouverte. Je pense donc plus efficace de sintéresser à la stratégie polémique de lauteur pour expliquer les termes quil emploie. Celle-ci sarticule en deux volets. On remarquera tout dabord les similitudes de stratégie rhétorique dans ce passage et la description de la politique fiscale de Constant II dans le Liber pontificalis. Dans les deux cas, en effet, lauteur attaque sur les taxes personnelles, qui, au-delà des propriétaires, frappent toute la population. Le thème polémique est ici celui de loppression des plus démunis, cher à lÉglise, alors même que, dans le second cas au moins, le pape se plaint évidemment en tant que grand propriétaire. Or il pourrait ne pas être incident que le point central du passage concerne de nouveau une atteinte aux droits anciens des pontifes. Vient ensuite le second volet, plus essentiel pour nous : il convient en effet de rappeler que si le système fiscal général ne prévoit pas de capitation, cette forme dimposition nen est pas pour autant ignorée des Byzantins. Tout simplement, il sagit dun impôt spécifique aux Juifs89. Ceux-ci sont en effet redevables du képhalétion. Or, il est difficile de voir un simple hasard dans le fait que le même passage tout à la fois compare Léon III à Pharaon écrasant les Hébreux et laccuse dexiger un impôt par tête typique de la condition des Juifs. Laspect polémique de la formulation peut également être souligné en rappelant que lempereur est accusé dagir sous linfluence de « pensées arabes » (Ἀραβικῷ τε φρονήματι κρατυνόμενος) et Paul Speck a déjà proposé un parallèle entre la réforme prêté à Léon III et limposition de la djizya.

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Dans ce cadre, on doit souligner que Théophane connaît bien le terme képhalétion et que sa seule occurence dans la Chronographie apparaît précisément pour désigner le tribut infamant de trois nomismata quHaroun al-Rashid imposa en 805/806 à lempereur Nicéphore Ier et à son fils afin de mettre un comble à leur humiliation90. Théophane, ou sa source, redouble ainsi le parallèle établi entre Léon III dune part et les ennemis de Dieu (Pharaon et les Arabes) de lautre. Mais le plus important ici me semble que le Confesseur, qui connaît le terme technique, nen fasse pas usage et choisisse une formulation indirecte, évoquant des φόρους κεφαλικούς, plutôt que des képhalétia. Or, comme latteste le testament du médecin Fl. Phoibammon, en date du 15 novembre 570, κεφαλικός peut parfaitement signifier de façon générale « belonging to an individual91 ». En définitive, la clef de lecture me semble donc celle-ci : Théophane, ou sa source, désigne simplement les impôts individuels, qui nont rien à voir avec une capitation, mais en faisant usage dune formulation évoquant immédiatement cet impôt infamant. En conséquence, la mesure (quelle quait été sa nature réelle, on va y revenir) apparaît comme une mesure discrimante, vexatoire et injuste, et par là-même disqualifiante pour un pouvoir censé déternir de Dieu sa légitimité. Et ce dautant plus quelle est censée frapper prioritairement les faibles. Cette stratégie peut sembler dune subtilité suspecte, mais lanalyse de la nature concrète de la réforme témoignera dune méthode dinspiration similaire.

Ainsi, si établir un lien entre les φόροι κεφαλικοί et une partie de la population ou du ressort fiscal siculo-calabrais ne mène clairement nulle part, rattacher la hausse dimpôt spécifiquement à une capitation narrange pas nos affaires, faute de réelle capitation dans le système fiscal byzantin. À ce stade de lanalyse et au vu de lintention polémique évidente de lauteur et de la possibilité de traduire φόρος κεφαλικός de façon très vague par « taxe individuelle », la position dAnastos, de Mango et Brandes, à savoir une augmentation dun tiers de la fiscalité globale, me semble la meilleure. Reste donc à comprendre en quoi aurait consisté cette augmentation dont on a dit quelle semble étrange dans le contexte des graves difficultés financières que semble alors connaître lîle.

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Tributa volant,
scripta manent

Jen viens donc pour finir à la nouvelle interprétation quil me semble possible de proposer de ce passage. Celle-ci a pour particularité quelle nie tout accroissement réel des impôts, aussi paradoxal que cela puisse paraître. La réforme fiscale de Léon III doit être replacée dans le contexte de la réforme monétaire orchestrée par ce même empereur en Sicile. Dès le règne de Justinien II, le poids légal du solidus sicilien est descendu à 22 carats, sans altération de la qualité de lalliage92. Senclenche ensuite un processus de dévaluation, à mettre en relation avec les progrès des armes musulmanes en Afrique, concrétisés par les deux prises de Carthage, en 695 et 69893. La qualité de lalliage frappé périclite rapidement et, au début du règne de Léon III, certains solidi ne présentent plus que 60% dor environ94. On constate toutefois une amélioration sensible de la qualité de la monnaie sous Léon III et cet empereur établit un nouveau standard de valeur pour la monnaie sicilienne95. Il sagit dune mesure radicale car elle suspend la possibilité déchanges monétaires directs entre Constantinople et lîle, à la différence de la solution retenue trente ans auparavant par Justinien II. En effet, dès lors, les capitaux envoyés de Sicile vers la capitale et inversement ne sont plus utilisables directement ou après

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une simple refrappe. Il faut aux monnayeurs retravailler lalliage avant de pouvoir produire des espèces à même de circuler dans lespace desservi par latelier. Toutefois, lempereur isaurien établit un système assurant une conversion aisée entre espèces orientales et siciliennes, pour des raisons autres que commerciales puisquon vient de le voir les échanges directs sont compromis par sa réforme et quil faut évidemment rechercher dans le domaine fiscal. Ce système joue sur la métrologie du solidus sicilien (3,84 g et 83/84% de fin) pour établir une équivalence de valeur-or entre un solidus constantinopolitain et un solidus plus un trémisse de Sicile, système permettant lapplication sans heurts des barêmes fiscaux décidés dans la capitale. Or, dès lors quelle devenait officielle, cette modification des valeurs monétaires entraînait nécessairement de la part de ladministration sicilienne une reformulation des taxes exigibles de la population dans les nouveaux termes monétaires en vigueur. Or, mécaniquement, la nouvelle formulation résultait en un accroissement des taxes dun tiers en valeur monétaire nominale. En effet, qui devait normalement payer un solidus de 24 carats de taxe payait désormais un solidus et un trémisse, soit 32 carats. Nous avons donc ici très exactement « laccroissement des impôts » décrits par Théophane : plus un tiers. Toutefois, il sagit bien évidemment dune illusion comptable : en valeur-or, le montant de limpôt reste exactement le même et lÉtat ne faisait que rétablir la valeur réelle des taxes exigées avant lépisode de dévaluation incontrôlée. Une parenthèse heureuse se fermait malgré tout pour le contribuable qui avait pu durant des années régler ses impôts en monnaie dévaluée et donc faire un profit sur le dos de lÉtat. Tout lartifice de la source de Théophane est de présenter cette opération comptable comme une hausse réelle dimpôt. Cette réforme na donc aucun lien direct avec celle affectant les patrimoines pontificaux et apparaît logiquement au début du passage avant que la question des patrimoines ne soit abordée. On retrouve bien ici le type de stratégie décrite à propos de la référence indirecte à la capitation vexatoire, voire même dans la formulation ambiguë des procédures dévaluation des composantes humaines et foncières de lassiette fiscale. Ce qui se cache derrière ce passage est tout simplement un accroissement général de la valeur nominale des taxes exigibles de chaque contribuable en raison de la reformulation des documents fiscaux dans une nouvelle unité

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monétaire, sans accroissement de leur valeur réelle96. Cette conclusion, aussi déroutante quelle puisse sembler de prime abord, permet en outre de rendre compte dune dernière difficulté, sur laquelle glissent les commentateurs. Plus avant dans sa chronique, Théophane dénonce les exigences financières de lempereur à lencontre non seulement de la Sicile et de la Calabre, mais encore de la Crète97. Ce dernier passage est fréquemment mis en rapport avec celui que nous venons danalyser. Pourtant, lîle égéenne nest pas mentionnée dans ce passage, et pour cause : le nomisma léger de Syracuse ny avait pas cours.

Ainsi, au terme de cette étude, le Confesseur apparaît de bien mauvaise foi. Derrière une description des décisions de Léon III qui donne à croire à limposition dune hausse dun impôt infamant pesant sur les plus faibles, à une atteinte aux biens de Rome, patrimonium pauperum, et à lenregistrement fiscal des enfants, on ne distingue en réalité que la restauration des prérogatives fiscales de lÉtat par le calcul des charges fiscales dans un nouvel étalon monétaire et la perception directe sur les domaines pontificaux, le tout saccompagnant dun travail de vérification des données de lassiette fiscale : les terres et les personnes.

Pour en revenir là où nous avions débuté, il mapparaît important de souligner que puisquil ny eu pas de réelles hausses dimpôts, il ny a aucune raison de rechercher dans une décision de ce genre lorigine de la rebellion des papes, ce qui, en retour, conforte lhypothèse que celle-ci tire son origine de la réforme des juridictions ecclésiastiques98. Mais au-delà, un dernier point me semble devoir être souligné qui présente un intérêt certain. Il est en effet légitime de sinterroger sur le sens à

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donner à la dévaluation que connaît la monnaie sicilienne entre la fin du premier règne de Justinien II et la réforme de Léon III. Reflète-t-elle des difficultés économiques structurelles de lîle ou plus directement un excès de dépenses publiques ? La question est évidemment dimportance pour évaluer limpact immédiat de la conquête musulmane de lAfrique sur la prospérité de lîle et, au-delà, du bassin central de la Méditerranée. Or, dans ce cadre, il convient de souligner que le monnayage sicilien de Léon III fut, quantitativement, extrêmement conséquent. En létat actuel de mon étude des coins de latelier de Syracuse, et même sil sagit encore de résultats préliminaires, il apparaît clairement que le rétablissement de la qualité des frappes ne sopéra nullement au détriment des quantités émises, bien au contraire. Lampleur des frappes doit dailleurs refléter le souci de retirer de la circulation les espèces postérieures à la réfome de Justinien II. En effet, le système détalonnage direct des émissions syracusaines sur le nomisma de 24 carats dor pur de Constantinople permettait également de maintenir en circulation les frappes siciliennes antérieures au passage au standard pondéral de 22 carats, doù la fréquence bien supérieure des monnaies de Constant II et Constantin IV, alors même que leurs émissions ne furent pas nécessairement supérieures à celles des années 695-730. Mais, au-delà, la possibilité daccroître simultanément la qualité et la quantité des émissions plaide très fortement en faveur dune dévaluation antérieure provoquée davantage par une dépense publique excessive que par une crise économique structurelle. En revanche, bien évidemment, la réforme, en mettant fin à la possibilité pour le contribuable de sacquitter de ses taxes en monnaies dévaluées, ne pouvait quentraîner une dégradation de sa situation économique préjudiciable à terme à lensemble de lîle. Mais ce renversement de conjoncture nintervint que dans la seconde moitité du viiie siècle, lorsque la Sicile perdit en outre ses marchés traditionnels.

Vivien Prigent

CNRS – UMR 8167 Orient et Méditerranée, Paris

Newton International fellowship Alumnus (British Academy)

1 Théophane le Confesseur, Chronographie, éd. Ch. De Boor, I, Leipzig, 1883, p. 410.

2 The Chronicle of Theophanes Confessor. Byzantine and Near Eastern History AD 284-813, trad. C. Mango et R. Scott, Oxford, 1997, p. 568 et n. 3-5.

3 Jutilise « thème » par commodité de langage ; je ne souhaite pas prendre ici parti sur la question de la pertinence relative des termes thema/stratègia (sur ce débat, voir lessentiel C. Zuckerman, « Learning from the Enemy and More: Studies in “Dark Centuries” Byzantium », Millenium, 1, 2006, p. 125-134). On trouve une affirmation claire de la dépendance originelle de la Calabre vis-à-vis de la Sicile sous la plume de Constantin VI : Constantine Porphyrogenitus, De Administrando Imperio, éd. G. Moravcsik (éd.), trad. R. J. H. Jenkins, Washington DC (Dumbarton Oaks Texts, 1), 1967, 50, p. 236, l. 88-89. Le rattachement intervint à mon sens dès la création du thème, V. Prigent, La Sicile byzantine (vie-xe siècle), Thèse de lUniversité Paris IV-La Sorbonne, Paris, 2006, p. 1131-1135. Pour la période antérieure, le statut subalterne du duc de Calabre est attesté par le Taktikon Uspenskij qui mentionne ce fonctionnaire après les tourmarques des kaballarika et avant ceux des ploïmata (N. Oikonomidès, Les listes de préséance byzantines des ixe et xe siècles [Le monde Byzantin, 4], Paris, 1972, p. 57, l. 14 et p. 55, l. 16-p. 57, l. 3). Je continue à préférer la date de 842-843 pour cet ouvrage contra T. Živkovič, « Uspenskijs Taktikon and the Theme of Dalmatia », Σύμμεικτα, 17, 2008, p. 50-87, bien que ses positions soient à la base de bien des points de la récente synthèse L. Brubaker et J. Haldon, Byzantium in the Iconoclast Era c. 680-850: A History, Cambridge, 2011. Pour lévolution complexe des rapports administratifs entre Calabre et Sicile au xe siècle, voir V. Prigent, « La politique sicilienne de Romain Ier Lécapène », Guerre et société en Méditerranée (viiie-xiiie siècle), éd. D. Barthélémy et J.-C. Cheynet, Paris (Centre de recherche dhistoire et civilisation de Byzance. Monographies, 31), 2008, p. 63-84.

4 Jinterprète ainsi pour linstant, au sens le plus large, lépithète κεφαλικός ; voir infra.

5 Les dates du tableau sont issues de V. Grumel, La chronologie, Paris (Bibliothèque byzantine. Traité détudes byzantines, 1), 1959.

6 Respectivement, 15 ans, 8 mois et 24 jours et 10 ans, 8 mois et 24 jours.

7 W. Brandes, Finanzverwaltung in Krisenzeiten. Untersuchungen zur byzantinischen Administration im 6.-9. Jahrhundert, Francfort-sur-le-Main (Forschungen zur byzantinischen Rechtsgeschichte, 25), 2002, p. 368 ; S. Cosentino, « Politica e fiscalità nellItalia bizantina (secc. vi-viii) », Le città italiane tra la tarda Antichità e lalto Medioevo, Atti del convegno, Ravenna, 26-28 febbraio 2004, éd. A. Augenti, Florence (Biblioteca di archeologia medievale), 2006, p. 49 ; Brubaker et Haldon, Byzantium in the Iconoclast Era, p. 81 et n. 44, où lon lit « it is generally agreed that the events are certainly mis-dated and refer to the mid-720s ».

8 Liber Pontificalis, L. Duchesne (éd.), I-II, Paris, 1886-1892, 91.

9 On peut en placer le début officiel à loccasion du silention du 7 janvier 730. Sur cette question, voir Brubaker et Haldon, Byzantium in the Iconoclast Era, p. 119-127.

10 Et ce sans préjuger dune éventuelle volonté délibérée de lempereur de mettre alors un frein à lautorité pontificale. Je ne suis pas du tout certain que tel ait été le cas.

11 Voir larticle classique qui donne les éléments de base du problème : V. Grumel, « Lannexion de lIllyricum oriental, de la Sicile et de la Calabre au patriarcat de Constantinople », Recherches de sciences religieuses, 40, 1951-1952, p. 191-200.

12 Ibidem.

13 M. V. Anastos, « The Transfer of Illirycum, Calabria and Sicily to the Juridiction of the Patriarchate of Constantinople in 732-733 », Rivista di studi bizantini e neoellenici, 9, 1957, p. 14-31.

14 Ainsi, M. V. Anastos insiste sur lopposition des papes à lempereur jusquà la réconciliation devant Rome en 728, alors que V. Grumel préfère mettre en valeur les preuves de loyauté postérieures. Sur cet événement, J. T. Hallenbeck, « The Roman-Byzantine Reconciliation of 728: Genesis and Significance », Byzantinische Zeitschrift, 74, 1981, p. 29-41. Le problème de lattitude des papes est presque insoluble en raison du fait que ni Constantinople, ni Rome ne voulaient poser la question de façon claire se complaisant dans une ambiguïté qui évitait davoir à assumer des choix trop tranchés. Lexistence de deux rédactions de la Vita de Grégoire II dans le Liber pontificalis présentant sous des jours nettement distincts lattitude du pontife envers Léon III est symptomatique de cet état de fait.

15 Epistulae Hadriani I. papae, éd. K. Hamp, dans Epistulae Karoli Aevi, III, Berlin (Monumenta Germaniae Historiae, Epistulae, 5), 1899, p. 57: Dudum quippe, quando eos pro sacris imaginibus erectione adortavimus, simili modo et de diocesi tam archiepiscoporum, quam et episcoporum sanctae Romanae ecclesiae, quae tunc cum patrimoniis nostris abstulerunt, commonentes, restituere eidem sanctae et apostolicae ecclesiae.

16 Nicolai I. papae epistulae, éd. E. Perels, dans Epistolae Karolini Aevi, IV, Berlin (Monumenta Germaniae Historiae, Epistulae, 6), 1925, p. 439.

17 Voir sur ces points, V. Prigent, « Les empereurs isauriens et la confiscation des patrimoines pontificaux dItalie du Sud », Mélanges de lÉcole française de Rome. Moyen Âge, 116-2, 2004, p. 557-594.

18 G. Dagron, « LÉglise et lÉtat (milieu ixe-fin xe siècle) », Évêques, moines et empereurs (610-1054), éd. J.-M. Mayeur, Ch. et L. Pietri, A. Vauchez, M. Vénard, Paris (Histoire du Christianisme des origines à nos jours, 4), 1993, p. 174-176. Il me semble possible que lauteur de la notice épiscopale 4 se fasse lécho indirectement des arguments pontificaux quand il place le transfert de lIllyricum sous juridiction constantinopolitaine lorsque Rome était sous la domination des Barbares. Évidemment, la fiabilité de cette notice pour lOccident est plus que douteuse et lon ne peut en tirer argument plus que de raison (J. Darrouzès, Notitiae Episcopatuum Ecclesiae Constantinopolitanae, texte critique, introduction et notes, Paris [Géographie ecclésiastique de lempire byzantin, 1], 1981, p. 43-44).

19 V. von Falkenhausen, Chiesa greca e chiesa latina in Sicilia prima della conquista arabe, Archivio Storico Siracusano, n.s., 5, 1978-1979, p. 154.

20 Gesta episcoporum Neapolitanorum, éd. G. Waitz, dans Scriptores Rerum Longobardorum Saec. VI-IX., Hanovre (Monumenta Germaniae Historica), 1878, p. 422, l. 8-9 : Hic dum a Graecorum pontifice archiepiscopatum nancisceretur, ab antistite romano correptus, venium impetravit. Voir V. Grumel, Les régestes des actes du patriarcat de Constantinople. I. Les actes des patriarches. II-III. Les régestes de 715 à 1206, (2e éd. J. Darrouzès), Paris, 1989, no 325b, qui souligne que lon doit envisager que cette faveur ait été reçue au début de lépiscopat de Sergius.

21 Je nentre pas dans le débat de savoir sil faut comprendre ici un titre métropolitain ou la dignité darchevêque autocéphale. Pour cette dernière solution se sont prononcés F. Burgarella, « Bisanzio in Sicilia e nellItalia meridionale: I riflessi politici », Storia dItalia. III. Il Mezzogiorno dai Bizantini a Federico II, Turin, 1983, p. 201, et J.-M. Martin, « Hellénisme politique, hellénisme religieux et pseudo-hellénisme à Naples (viie-xiie siècles) », Ἀμπελοκήπιον, Studi di amici e colleghi in onore di Vera von Falkenhausen, Νέα Ῥώμη, 2, 2005, p. 62. Toutefois, la solution me semble peu pratique et en Calabre et Sicile au moins les autorités impériales constituèrent une structure métropolitaine. Mais il est évident quen Campanie la manœuvre fit long feu.

22 Le rédacteur de la notice relative à Sergius indique un pontificat de 38 ans mais une telle durée est impossible, amenant Falkenhausen, Chiesa greca e Chiesa latina, p. 154, n. 101, à proposer la correction de 28 ans. Lauteur livre également deux informations difficilement conciliables puisquil place lévénement sous les papes Grégoire et Zacharie et sous Léon et Constantin. On ne peut être davantage certain quil distingue parfaitement les deux papes homonymes qui se succédèrent.

23 Itinera et descriptiones Terrae Sanctae, éd. T. Tobler et A. Molinier, Genève, 1877, I, p. 273. Willibald arrive à Constantinople une semaine avant Pâques 726 et repart deux ans après. On trouvera une analyse claire des voyages dans R. Aist, The Christian Topography of Early Islamic Jerusalem. The Evidence of Willibald of Eichstätt (700-787 CE), Turnhout (Studia Traditionis Theologiae), 2009, notamment p. 34-35. Voir également, Burgarella, « Bisanzio in Sicilia », p. 200, n. 3, lauteur, qui adopte la théorie dun lien chronologique entre saisie des patrimoines, déclenchement de liconoclasme et modification des juridictions, ne tire pas du passage les conclusions qui me semblent simposer dès lors que le contexte chronologique a été éclairé.

24 Liber pontificalis, 91, 18, p. 405.

25 Ce sceau a été édité sans photographie par V. Laurent, Le corpus des sceaux de lempire byzantin. V, 1-3, LÉglise, Paris, 1963-1972, no 885 ; jai pu létudier directement et en assurer la datation en travaillant au musée Paolo Orsi de Syracuse où il est conservé sous le numéro dinventaire 6886.

26 Voir Théophane le Confesseur, p. 404.

27 Je nentre pas ici dans le débat sur la nature des commerciaires. Je me suis exprimé sur ce point à plusieurs reprises, la dernière fois dans V. Prigent, « La circulation monétaire en Sicile (vie-viie siècle) », The Insular System of the Early Byzantine Mediterranean, éd. E. Zanini, Oxford (BAR Int. Ser., 2523), 2013, p. 139-160, et plus récemment, avec davantage de précision, dans V. Prigent, « The Mobilisation of Tax Resources in the Byzantine Empire (Eighth to Eleventh Centuries) », éd. J. Hudson et A. Rodriguez, Diverging Paths? The Shapes of Power and Institutions in the Medieval Christian and Islamic Worlds, Leyde, 2014, p. 182-229. Outre la fondamentale mise au point de Brandes, Finanzverwaltung in Krisenzeiten, p. 239-418, on consultera avec profit les mises à jour offertes dans F. Montinaro, « Les premiers commerciaires byzantins », dans Constructing the Seventh Century, éd. C. Zuckerman, Travaux et Mémoires, 17, 2013, p. 351-538, dont lauteur offre également bien des pistes de réflexion nouvelles. Javoue avoir du mal à le suivre dans son analyse du glossaire gréco-latin (p. 392-393), même si au final, je serais daccord pour dire que les commerciaires seraient des « marchands en gros » (p. 417) ; toutefois, je replace lactivité des commerciaires dans un cadre monétaire totalement différent, ce qui mamène à préciser que jentends par « marchand en gros » des individus effectuant des achats pour le compte de lÉtat. En revanche, selon moi, la redatation proposée des bulles de Justinien II (p. 424-426) doit être abandonnée car elle ne tient pas compte du témoignage du monnayage lombard qui imite le monnayage au Christ de Justinien II avant la date à laquelle lauteur souhaite le voir introduit à Constantinople. Voir sur ce point, C. Morrisson et V. Prigent, « Lempereur et le calife (690-695). Réflexions à propos des monnayages de Justinien II et dAbd al-Malik », dans Hommages à Georges Tate, Lyon (Supplément à Topoi), 2013, p. 571-592. Par ailleurs, pour une période antérieure, C. Zuckerman, « Silk “Made in Byzantium”: A Study of Economics Policies of Emperor Justinian », dans Constructing the Seventh Century, p. 323-350, notamment p. 344-346, lanalyse tout à fait révolutionnaire et pleinement convaincante que donne lauteur dune pièce pourtant très connue sur laquelle il faudra maintenant lire la mention dune femme commerciaire. Je ne suis pas certain toutefois que le modèle mis en lumière pour la fin du vie siècle puisse être projeté sur la fin du viie siècle.

28 Date du premier sceau de βασιλικὰ κομμέρκια (Brandes, Finanzverwaltung in Krisenzeiten, nos 211 et 212), le dernier sceau mentionnant une apothèque datant de lindiction précédente (ibidem, no 203a).

29 Prigent, « Les empereurs isauriens et la confiscation des patrimoines pontificaux », p. 571-573. Pour le système fiscal, A. Nef et V. Prigent, « Contrôle et exploitation des campagnes en Sicile : le rôle du grand domaine et son évolution du vie siècle au xie siècle », Late Antiquity and Early Islam: Continuity and Change in the Mediterranean and Arabia. I, Authority and Control in the Countryside, éd. P. Sijpejstein, Leyde (à paraître chez Brill).

30 Zuckerman, « Learning from the Enemy », p. 97.

31 Pour une présentation du système de pouvoir des papes en Sicile et de la place qui tient lintervention dans le système de la perception des taxes, voir V. Prigent, « La Sicile byzantine, entre papes et empereurs (6e-8e siècle) », Zwischen Ideal und Wirklichkeit: Herrschaft auf Sizilien von der Antike bis zur Frühen Neuzeit, éd. D. Engels, L. Geis et M. Kleu, Stuttgart, 2009, p. 201-230.

32 Dans ce cadre, je reconnais avec empressement le bien-fondé de la remarque de Constantin Zuckerman selon laquelle il aurait été absurde pour lÉtat de laisser les revenus des patrimoines siciliens alimenter les caisses des papes lorsque ceux-ci étaient en rébellion ouverte (Zuckerman, « Learning from the Enemy », p. 97). Toutefois, bloquer ponctuellement des revenus nest pas saisir des biens et lon peut parfaitement admettre que tel fut le cas. Mais, plus largement, conforter la chronologie de Théophane nous ramène à une période de rapprochement entre lempire et la papauté car Grégoire II tenta à la fin de son pontificat de restaurer de bonnes relations avec lempire comme en témoigne son attitude face au soulèvement de Tibère Pétasios. Que les actes du synode romain de 732 ne mentionnent pas le nom des empereurs ne pose pas problème puisque nous sommes au lendemain des mesures qui réactivèrent certainement lhostilité des pontifes romains à légard de Constantinople.

33 Voir N. Oikonomidès, Fiscalité et exemption fiscale à Byzance (ixe-xie s.), Athènes (Fondation Nationale de la Recherche Scientifique. Institut de Recherches Byzantines. Monographies, 2), 1996.

34 Ainsi, on cherchera en vain une référence à cette fonction dans le portrait densemble du système financier byzantin des « siècles obscurs » que dresse Brandes, Finanzverwaltung in Krisenzeiten. Parmi les sceaux les plus anciens, toutefois, G. Zacos et A. Veglery, Byzantine Lead Seals, Bâle, 1972, 2341, pourrait être contemporain de la rédaction de Théophane. En revanche, la pièce 3220 (= Catalogue of Byzantine Seals at Dumbarton Oaks and in the Fogg Museum of Art. II, South of the Balkans, the Islands, South of Asia Minor, éd. J. Nesbitt et N. Oikonomidès, Washington DC, 1993, 22.1), dont la lecture me semble dailleurs mal assurée, date sans doute de lépoque amorienne. Je ne métends pas sur G. Schlumberger, Sigillographie de lempire byzantin, Paris, 1884, p. 181, no 6, en labsence de photographie pour assurer la datation proposée (ixe siècle).

35 Brandes, Finanzverwaltung in Krisenzeiten, p. 198-205 ; Oikonomidès, Les listes de préséance, p. 313 ; G. Zacos et A. Veglery, Byzantine Lead Seals, 2241. Mieux vaut toutefois ne pas tirer argument, comme F. Marazzi, « Il conflitto fra Leone III Isaurico e il papato fra il 725 e il 723, e il “definitivo” inizio del medioevo a Roma: unipotesi in discussione », Papers of the British School at Rome, 59, 1991, p. 233, n. 3, de lusage de ces verbes pour affirmer une simple opération de récupération des prérogatives fiscales de lÉtat, car J. Gascou, « Les grands domaines, la cité et létat en Égypte byzantine (recherches dhistoire agraire, fiscale et administrative) », Travaux et Mémoires, 9, 1985, p. 14-19, a bien illustré la récupération du vocabulaire fiscal par les gestionnaires des domaines privés.

36 Théophane le Confesseur, p. 486 : lempereur ordonne dἐποπτεύεσθαι πάντας (les propriétaires).

37 Le Confesseur met volontairement laccent sur cet aspect des choses pour sa valeur polémique. On reviendra plus tard sur ce point.

38 Rappelons quau ixe siècle encore lune des justifications données à linvasion de la Sicile par les forces aghlabides fut de poursuivre les Africains qui sétaient réfugiés dans lîle ; voir al-Mâlikî, trad. M. Amari, Biblioteca arabo-sicula, testi, Leipzig, 1857, réed. 1982, XXVIII, p. 307.

39 A. Guillou, « Transformations des structures socio-économiques dans le monde byzantin du vie au viiie siècle », Zbornik radova vizantološkog instituta, 19, 1980, p. 75 ; voir également A. Guillou, Economia e società. La civiltà bizantina dal iv al ix secolo. Aspetti e problemi, Bari (Corsi di studi del Centro di studi bizantini del Università di Bari, 1), 1977, p. 403.

40 The Chronicle of Theophanes, p. 568, n. 3.

41 Voir Prigent, « La Sicile byzantine, entre papes et empereurs ».

42 Vie de Jean V (23 juillet 685-2 août 686) : alias divales iussiones relevans annonocapita patrimoniorum Siciliae et Calabriae non parva, sed et coemptum frumenti similiter vel alia diversa quae ecclesia Romana annue minime exurgebat persolvere (Liber pontificalis, 84, 2, p. 366) ; Vie de Conon (21 octobre 686-21 septembre 687) : Justinien II relevavit per sacram iussionem suam ducenta annonocapita a quas patrimonius Brittius et Lucaniae annue persolvebat (ibidem, 85, 3, p. 369).

43 Son explication des événements est assez complexe, voir F. Burgarella, « Le terre bizantine (Calabria, Basilicata e Puglia) », Storia del Mezzogiomo, 2-2, Naples, 1989, p. 438-446.

44 Zuckerman, « Learning from the Enemy », p. 85-86.

45 Brubaker et Haldon, Byzantium in the Iconoclast Era, p. 81 et n. 44.

46 Cosentino, « Politica e fiscalità nellItalia bizantina », p. 87, préfère prudemment ne pas prendre parti, envisageant « che Leone impose o innalzò la tassa di capitazione in Calabria e Sicilia ». Javoue en revanche ne pas bien comprendre la phrase « oppure, che la [la capitation] innalzasse da un rapporto da 1 a 4 a un rapporto da 1 a 3 ».

47 M. V. Anastos, « Leo IIIs Edict against the Images in the Year 726-727 and Italo-Byzantine Relations between 726 and 730 », Byzantinische Forschungen, 3, 1968, p. 38.

48 The Chronicle of Theophanes, p. 568, n. 3.

49 J.-M. Martin, E. Cuozzo, S. Gasparri et M. Villani, Regesti dei documenti dellItalia meridionale 570-899, Rome (Sources et documents dhistoire du moyen âge, 5), 2002, no 250, p. 151.

50 Marazzi, Il conflitto fra Leone III Isaurico e il papato, p. 232.

51 Prigent, « Les empereurs isauriens et la confiscation des patrimoines pontificaux », p. 569.

52 Brandes, Finanzverwaltung in Krisenzeiten, p. 377 : « Er belegte ein Drittel der Bevölkerung von Sizilien und Kalabrien mit einer Kopfsteuer ».

53 Zuckerman, « Learning from the Enemy », p. 80-84.

54 Oikonomidès, Fiscalité et exemption fiscale, p. 158.

55 Ibidem, p. 157.

56 J. Gascou, « Les privilèges du clergé daprès la Lettre 104 de S. Basile », Revue des sciences religieuses, 71, 1997, p. 189-204.

57 Zuckerman, « Learning from the Enemy », p. 84. Je note toutefois que le sens de census au ive siècle peut soutenir cette position (J.-M. Carrié, « Dioclétien et la fiscalité », Antiquité tardive, 2, 1994, p. 38-39), mais la distance chronologique est considérable et ce constat ne change rien aux objections qui vont suivre.

58 Agnellus von Ravenna. Liber Pontificalis, éd. et trad. CNauerth, Fribourg-en-Brisgau (Fontes christiani, 21, 1), 1996, 115, p. 426, l. 13-16.

59 En ce sens, je ne serais pas prêt à suivre Cosentino, « Politica e fiscalità nellItalia bizantina », p. 49, qui préfère voir dans le censum les impôts personnels et, donc, se rapproche de lopinion formulée par Constantin Zuckerman, même sil ne défend pas lidée dune exemption générale du clergé. On pourrait à la limite envisager une solution acrobatique : que lexemption porte bien sur la capitation et que le privilège tienne à son extension à lensemble du clergé, actif ou non. Mais comme on va le voir, une réflexion plus générale nous dispense de cet exercice périlleux.

60 Théophane le Confesseur, p. 486, l. 29-487, l. 2.

61 On reviendra plus avant sur cette distinction.

62 Voir lanalyse de ce passage dans N. Oikonomidès, « De limpôt de distribution à limpôt de quotité à propos du premier cadastre byzantin », Zbornik radova vizantološkog instituta, 26, 1987, p. 14-16.

63 M. Kaplan, Les hommes et la terre à Byzance du vie au xie siècle. Propriété et exploitation du sol, Paris (Byzantina Sorbonensia, 10), 1992, p. 291-292 et p. 547, « [] les mesures imaginées par Nicéphore doivent être prises pour ce quelles sont : une opération interne aux finances et aux terres publiques » (citation p. 292).

64 Puisque bien évidemment, il y a une corrélation stricte entre la valeur dune terre et la densité de peuplement, selon le principe qui veut quil ny ait de richesse que dhommes.

65 On revient plus bas sur cette question, voir pour lestimation, D. M. Metcalf, « Monetary Recession in the Middle Byzantine Period: The Numismatic Evidence », Numismatic Chronicle, 161, 2001, p. 119.

66 On considérant lensemble des kômètika, astika et de lousia de lex éparque Julianos, C. Zuckerman, Du village à lempire. Autour du registre fiscal dAphroditô (525/526), Paris (Centre de recherche dhistoire et civilisation de Byzance. Monographies, 16), 2004, p. 222.

67 En considérant que lÉtat prélève une somme globalement égale à la rente du propriétaire ce qui est bien attesté pour Ravenne dans la seconde moitié du viie siècle et devient la norme à léchelle de lempire à lépoque mésobyzantine.

68 Voir sur ce point, J. Lefort, « The Rural Economy, Seventh-Twelfth Centuries », The Economic History of Byzantium: From the Seventh through the Fifteenth Century, éd. A. E. Laiou, Washington DC (Dumbarton Oaks Studies, 39), 2001, p. 300-305.

69 Sur une superficie de 25.000 km², on compte en Sicile 15% de plaines et 60% de collines pour 25% de montagne, soit une superficie utilisable de 1,8 millions dhectares. Au début du xxe siècle, les superficies effectivement en culture étaient de 1,5 millions dhectares.

70 Voir le classique G. Fasoli, « Sul Patrimonio della Chiesa di Ravenna in Sicilia », Felix Ravenna, 4e série, 117, 1, 1979, p. 69-75.

71 Jai abordé de façon plus approfondie ces problèmes dans Prigent, La Sicile byzantine (vie-xe siècle), p. 346-512.

72 C. Morrisson, J.-N. Barrandon et J. Poirier, « Nouvelles recherches sur lhistoire monétaire byzantine : évolution comparée de la monnaie dor à Constantinople et dans les provinces dAfrique et de Sicile », Jahrbuch der Österreichischen Byzantinistik, 33, 1983, p. 267-286 et mes remarques dans V. Prigent, « Monnaie et circulation monétaire en Sicile du viiie siècle à lavènement de la domination musulmane », Lhéritage byzantin en Italie. II, Les cadres juridiques et sociaux et les institutions publiques, éd. J.-M. Martin, A. Peters-Custot et V. Prigent, Rome, 2012 (Collection de lÉcole française de Rome, 461), p. 404-407.

73 Voir la description du système dévaluation de la « valeur fiscale » de chaque contribuable dans Oikonomidès, Fiscalité et exemption fiscale, p. 67-72.

74 Pour une présentation du système, Carrié, « Dioclétien et la fiscalité », p. 37-47.

75 Et ce quand bien même, il peut être perçu à part, avec donc une plus grande autonomie. Le rapport entre les deux éléments du système varie selon les provinces, voir Carrié, « Dioclétien et la fiscalité ».

76 Carrié, « Dioclétien et la fiscalité », p. 41 ; voir également p. 44 les réflexions sur CTh XI.16.4.

77 Oikonomidès, Fiscalité et exemption fiscale, p. 72.

78 Zuckerman, « Learning from the Enemy », p. 83-84. Lauteur me semble également glisser un peu rapidement sur une difficulté. En effet, seu est ici entendu comme indiquant une équivalence, alors même que plus bas dans le même article il insiste que le fait que ce terme implique une juxtaposition déléments distincts (p. 118 n. 123 : à propos de linterprétation à donner de la liste des commandements de la iussio de Justinien II, « Antoniadis-Bibicou believes, moreover, that the conjunction seu introduces an alternative description of the previously named formations: “ex Cabarisianis et Septensianis, seu de Sardinia atque de Africano exercitu, deux expressions qui définissent parallèlement la même chose, dune part daprès le siège, bien déterminé, et, dautrepart, daprès la circonscription géographique plus large, p. 67”. Yet this figure of style would be out of place in the context, and it seems to me obvious that the conjunction seu is here part of a straightforward enumeration (cf. the laconic entry in the new Niermeyer, Leiden/Boston 2002, p. 1263 : “seu : et – and – und”). ». Pourtant, lauteur semble bien voir dans le terme lindication dune équivalence dans le passage du Liber pontificalis et ce choix me semble en effet simposer puisque que lon trouve dans le membre de phrase précédent lexpression tales afflictiones posuit populo seu habitatoribus vel possessoribus provinciarum qui ne peut se comprendre que dans ce sens. Le point nest pas que de détail comme on va le voir.

79 Voir les importantes remarques sur les origines de la capitation musulmane formulées par A. Papaconstantinou, « Administering the Early Arab Empire: Insights from the Papyri », Money, Exchange and the Economy in the First Century of Islam, éd. J. Haldon, Aldershot, 2008, p. 58-64.

80 Ibidem, p. 63.

81 Ibidem, p. 64.

82 Lexpression renvoie à lobligation de porter autour du cou un cordon scellé, Ch. F. Robinson, « Neck-Sealing in Early Islam », Journal of the Economic and Social History of the Orient, 48, 3, 2005, p. 401-441.

83 Un point très important qui justifie pleinement le rapprochement essentiel établi par Zuckeman entre le Liber pontificalis et la documentation papyrologique.

84 Voir les listes dattestations établies par I. Poll, « Die διάγραφον-Steuer im spätbyzantinischen und früharabischen Ägypteni », Tyche, 14, 1999, p. 237-274, qui ne lui permettent en fin de compte de repérer aucune tendance nette, signe probable dune réalité fiscale en phase de transition. Pour lépiképhalaion protobyzantine, voir Carrié, « Dioclétien et la fiscalité », p. 51-55, « lépikephalaion, plus quun impôt, est un type dassiette » (citation p. 51). Les unités de répartition sont redevables de sommes identiques, mais les contributions de chaque individu à la somme due par lunité dont il relève varient. Seule la version urbaine – du moins à Oxyrhinchos – résulte en des paiements identiques pour des raisons qui ne tiennent pas directement à la logique fiscale.

85 Carrié, « Dioclétien et la fiscalité », p. 51-52.

86 Voir les remarques de N. Gonis, « Two Poll-Tax Receipts from Early Islamic Egypt », Zeitschrift für Papyrologie und Epigraphik, 131, 2000, p. 150-151 pour la date : « Although none of them carries an exact date [they are dated by the indiction and they may all be assigned to the late seventh or, more likely, early eighth century on paleographical grounds] » ; et p. 152 : « Its earliest occurrence in a papyrus so far is possibly P.Apoll. 24.6, which may well date from 680 or 695 », et pour le sens p. 152, commentaire à la ligne 4 ; léquivalence entre dapanè et coemptio dans les documents arabes a été présentée par Ruey-Lin Chang (voir Papaconstantinou, « Administering the Early Arab Empire », n. 35). Or, la procédure de coemption, pour peu quon la connaisse, suppose une répartition des exigences au prorata de limpôt foncier, cest-à-dire de la richesse des contribuables.

87 Voir p. 296, n. 4.

88 On sexpliquerait dailleurs ainsi au mieux le pluriel utilisé pour évoquer la capitation.

89 Il demeure tel même si lon ignore dans quel mesure il fut levé de façon régulière à la période mésobyzantine : voir la présentation du débat dans J. Starr, The Jews in the Byzantine Empire (641-1204), New York, 1970, p. 11-18. Je dois dire que je ne peux me rallier à son interprétation du passage de Grégoire Abestas vantant la situation du Juif converti et par là-même libéré des taxes. Il est inimaginable que la conversion ait permis déchapper à la taxation commune, faisant des néo-convertis des citoyens extraordinairement privilégiés, sans même évoquer lidée déraisonnable que Basile Ier ait fait de tous les convertis des membres « of the priviledged class which drew an income from the state and paid no taxes » (p. 13). De même, le passage dIbn Khordadhbey mentionné ne fait pas référence au kapnikon mais à la strateia (H. Ahrweiler, « Recherches sur ladministration de lempire byzantin aux ixe-xie siècle. Index », Bulletin de correspondance hellénique, 84, 1960 [repris dans Eadem, Recherches sur les structures administratives et sociales de Byzance, Londres, 1971, VIII], p. 18 et n. 3) et dès lors lopposition se comprend avec la taxe payée par les Juifs qui nayant pas accès au service public ne pouvait être astreint à la strateia.

90 Théophane le Confesseur, p. 482.

91 J. Maspéro, Catalogue général des antiquités égyptiennes du musée du Caire. Papyrus grecs dépoque byzantine, Le Caire, 1913, no 151.89.

92 Pour tout ce qui va suivre, on trouvera les données de base dans Morrisson, Barrandon et Poirier, « Nouvelles recherches ». Jai expliqué cette modification métrologique par le double souhait dassurer létalonnage du solidus sicilien sur les monnaies dor de même valeur nominale émises en Italie sans pour autant altérer lalliage qui assure la commode refrappe en Orient du produit des impôts siciliens : Prigent, « Monnaie et circulation monétaire en Sicile », p. 394.

93 Pour lhistoire de la conquête musulmane de lAfrique byzantine, on consultera désormais, avec prudence, W. E. Kaegi, Muslim Expansion and Byzantine Collapse in North Africa, Cambridge-New York, 2010.

94 Lanalyse de la monnaie de Léon III a été effectuée par W. Oddy qui malheureusement nidentifie pas la pièce : W. A. Oddy, « The Debasement of the Provincial Byzantine Gold Coinage from the Seventh to the Ninth Century », Studies in Early Byzantine Gold Coinage, éd. W. Hahn et W. E. Metcalf, New York (Numismatic Studies, 17), 1988, p. 140. Étant donné que la gravité spécifique postule un alliage bimétallique, ce qui nétait certainement pas le cas, laloi devait être encore un peu inférieur.

95 Prigent, « Monnaie et circulation monétaire en Sicile », p. 404-407.

96 Ceci bien entendu sans préjuger de la façon dont la reformulation de la documentation fiscale sarticula avec le mouvement général des prix. Il sagit là dun problème parallèle qui nentre pas en ligne de compte pour juger des objectifs et des moyens de la réforme décidée par Léon III.

97 Théophane le Confesseur, p. 413, sous lannée 6232 (739/740). La dureté de lempereur envers la Crète me semble répondre à la révolte des Helladikoi que je pense liée au démembrement du commandement du stratège des Carabisiens dont le nouveau ressort mapparaît se recentrer sur cette île. Voir V. Prigent, « Notes sur lévolution de ladministration byzantine en Adriatique (viiie-ixe siècle) », Mélanges de lÉcole française de Rome. Moyen Âge, 120, 2, 2008, p. 394-398.

98 Le raisonnement nest nullement circulaire puisque nous navons pas jusquici tiré argument de la réforme monétaire pour dater la modification des juridictions et que celle-ci na aucune incidence sur la démonstration de la réalité de la modification de létalon monétaire.