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Classiques Garnier

Pratique juridique grecque et économie dans la Calabre post-byzantine (xiie-xiiie siècle)

  • Publication type: Journal article
  • Journal: Cahiers de recherches médiévales et humanistes / Journal of Medieval and Humanistic Studies
    2014 – 2, n° 28
    . varia
  • Author: Rognoni (Cristina)
  • Abstract: Based on new sources, which have become available thanks to the publication of private Greek legal documents from the Archivo Ducal de Medinaceli (Toledo), this essay aims to study the rural society of hellenophone Southern Calabria – in particular, the region of the Straits, with the insular town of Messina at its centre – in the form in which it appears at the end of the 12th century. Being both significant and performative, the practice document records a wealth of data as rich and varied as the body of social and economic relationships that it attemps to formalize. The specialized language of the juridical act and its formulary, which does not avoid the use of stereotypes but rather exploits the possibilities of stereotypes and their variants, allows us to examine the impact of Norman power and its administration on a ­community based on Byzantine rite and private law whose language remained Greek during the whole of the 12th century. Estate transactions, agreements and exchanges, platee, cognomina, titles and functions, all of which were expressions of a new way of organising society, invite us to investigate the relations between the agents ­concerned – the former owners, belonging to the italo-Greek élite, the peasants, the ‘­men’ of the monastery, the archimandrite and the central power. What was the land tenure, what rural habitat did the definitions of boundaries outline, and, above all, what kind of dominion did the monastic institution exercise over its lands? These are some of the questions that this essay will seek to answer by widening out its scope to encompass the region of Messina that was under the economic sphere of influence of the Archimandritate, this later being renowned as one of the wealthiest lords of the Kingdom of Sicily in the Norman period.
  • Pages: 409 to 430
  • Journal: Journal of Medieval and Humanistic Studies
  • CLIL theme: 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
  • EAN: 9782812445682
  • ISBN: 978-2-8124-4568-2
  • ISSN: 2273-0893
  • DOI: 10.15122/isbn.978-2-8124-4568-2.p.0409
  • Publisher: Classiques Garnier
  • Online publication: 04-29-2015
  • Periodicity: Biannual
  • Language: French
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Pratique juridique grecque
et économie dans la Calabre
post-byzantine (XIIe-xiiie siècle)

La documentation en langue grecque produite dans la Calabre post-byzantine qui nous a été conservée est assez copieuse comparée à dautres régions de lItalie méridionale mais aussi, pour ce qui concerne les actes privés, par rapport aux territoires restés sous légide impériale. On doit certes déplorer la perte de cet immense dépôt que fut lArchivio di Stato di Napoli, et plaindre la disparition et/ou la dispersion quont connues dautres fonds darchives. Néanmoins, grâce aux transcriptions anciennes de ces originaux perdus – notamment lœuvre de Francesco Trinchera1 – et aux éditions diplomatiques modernes des documents inédits, tel le travail mené par André Guillou2, la pratique juridique grecque peut être à juste titre considérée comme une source essentielle pour lhistoire économique, sociale et culturelle de cette région.

Dans le cadre du xxe Congrès International dÉtudes Byzantines, à loccasion de la table ronde dédiée à LItalie byzantine, notre contribution a porté sur une microrégion de la Calabre méridionale – la Vallée du Tuccio – quatteste la documentation conservée dans le fonds « Messine » de lArchivo Ducal de la Fondación Medinaceli, à Tolède3. Cette chôra, connue dans les sources dépoque byzantine, dans les années 40 du xiie siècle fut en effet rattachée, par concession royale, au domaine de

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larchimandritat de Messine qui en conserva les titres de propriétés. Nous ne reviendrons pas ici sur lhistoire du Saint-Sauveur, basilikè monè fondée en 1131 par Roger II – bien connue depuis que les archives de Tolède, rendues accessibles aux chercheurs, ont permis de mieux en saisir les tenants et les aboutissants –, ni sur lensemble de la documentation qui le concerne, dont celle relative à la Vallée du Tuccio qui occupe une place quantitativement et qualitativement importante. Sous presse lors du Congrès de Sofia, lédition diplomatique des 53 documents privés qui y ont été émis est sortie en novembre 2011 : nous nous permettons donc ici dy renvoyer le lecteur, concentrant lattention sur certains aspects qui ont trait à la gestion du domaine de larchimandrite et par là, plus largement, à léconomie de la région4.

Les lieux

Suivant la côte calabraise depuis Reggio vers lEst, là où la mer ionienne déverse ses eaux dans le détroit à quelques kilomètres des Saline Ioniche, et laissant à lOuest le rocher avec le château de Pentedattilo, on parvient à Melito di Porto Salvo, centre urbain qui tire son nom de la rivière Melito, le « fleuve du miel » cité par Idrîsî, qui débouche ici dans la mer 5. La vallée formée par cette rivière qui prend sa source dans lAspromonte est toutefois connue, aujourdhui encore, comme Valletuccio, Tuccio étant le nom qui désigne la rivière dont le Melito nest que le cours inférieur. Perpendiculaire

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à la mer et accueillant dautres cours deau qui sy jettent en biais, il sagit aujourdhui moins dun fleuve que dune fiumara ; néanmoins, hormis durant les longues saisons estivales, le Tuccio ne manque pas deau : la terre alentour est assez fertile et aujourdhui exploitée notamment en oliviers, vignobles et mûriers. Le paysage y est très vallonné, présentant au Nord une montagne, le mont Peripoli qui atteint 1300 m de hauteur, ainsi que des collines et de cols ouvrant des passages de la vallée du Tuccio à celle de lAmendolea, vers lEst et à celle de Montebello vers lOuest. Nous sommes au cœur de cette Calabre grecanica dont les centres les plus importants – Roghudi, Condofuri, Gallicianò, Roccaforte del Greco, Bova, Palizzi et jusquà Gerace – vantent leurs origines grecques en gardant, entre autres, une langue, le grecanico, que les enfants apprennent et les adultes maintiennent avec orgueil. Les noms de famille, tout comme les toponymes, ont souvent une origine grecque, et lon y rencontre encore parfois un individu capable darpenter les chemins champêtres et dy localiser nombre danciens lieux-dits, vestiges de pierres ou mémoires du culte dun saint.

Lidentification du site qui fut le centre administratif de cette région dont jusquau xiiie siècle on sait les stratègoi, ce Tuccio connu, en 1154 ca, par Idrîsî qui le cite parmi les « villes » (madina) de Calabre, avec Reggio, al-Masya, Gerace et SantEufemia, demeure cependant incertaine. Larchéologie étant muette à ce sujet, lon doit se remettre uniquement aux sources écrites pour cerner la place occupée par cette chôra, peuplée en majorité par une population de rite, langue et droit byzantin, dans léconomie dune region qui, au xiie siècle, était investie par une domination nouvelle.

Les temps : origine et évolution dune seigneurie

La chôra tôn Toukkôn fut concédée par le roi Roger II à larchimandrite du monastère du Saint-Sauveur de Messine, Luc, en 1142-1143 par un sigillion, qui est conservé en original6. La teneur de lacte est un rappel à

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lordre de notre problématique. Alors que, dès 1134 le roi avait promis à larchimandritat – érigé depuis à peu près trois ans sur la pointe du Phare de Messine – une fourniture annuelle en huile, vin et sel ainsi que des sommes dargent, aussitôt les fonctionnaires royaux avaient tout fait pour entraver lenvoi de ces ressources7. Cest pourquoi le roi, décidé à résoudre une fois pour toute le conflit, pour garantir au monastère son autonomie économique, lui concède une terre productive adéquate, à savoir τὴν ἠμέτεραν χώραν Τούκκων ἐν τῆ διοικήσει τῆς ἐκκλησίας Ῥηγίου dont sont indiqués les confins8. Par ce sigillion, qui fut confirmé deux fois en novembre 11449, cette chôra alla donc sajouter aux domaines calabrais de larchimandritat concédés par le roi lors de la fondation par un chrysoboullon sigillion daté de 1133, à savoir les métoques de Saint-Nicolas-des-Drosi, Saint-Pancrace de Briatico, Saint-vie de Buzzano, Sainte-Jérusalem de Mesai10.

Quil sagisse dune concession denvergure, dont la ratio dépasse la logique du rapport de la dépendance économique, qui sétablit doffice

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entre métoques et maison-mère, sappliquant ici à un territoire assez vaste – environ 70 km –, fertile et ayant accès à la mer, qui abrite des couvents grecs mais encore des chôria et leurs structures productives, cela reste fort clair par les passages du sigillion cité. Y sont énumérés tous les droits dont jouira larchimandrite : droits sur les bois, les vignes et les moulins à eaux ; sur les oliviers, les vergers et les roseaux ; sur les champs et les pâtures ; sur les bellanoi et les douleiai que ceux-ci doivent. Il était concédé également à larchimandrite le droit à la jouissance des eaux et sur les animaux, ainsi que les droits maritimes et lexousia sur les monastères de la vallée et sur les hommes qui y habitent. Dès lors, ceux-ci étaient déclarés exempts de toute autre autorité, ecclésiastique ou baronale, libres dangaria et de parangaria, de toute dôma, ne devant de la douleia quauprès du Saint-Sauveur. Sur cette chôra, le monastère était aussi libre daccueillir les anthrôpoi eleutheroi, soit ceux qui ne relevaient ni de lautorité du roi, ni de celle de lÉglise, ni de celles des barons11.

Toujours durant lannée 1144, à la demande de larchimandrite, le roi renouvelle une platéia des vilains que lui-même, en 1124-1125, avait donnée à Barthélemy et Démétrius – deux personnages qui ne sont pas connus par ailleurs –, faisant transcrire, dans un autre sigillion qui est conservé en original, la liste de leurs noms. Sur ces hommes, à savoir οἱ βελλάνοι οἱ κατοικοῦντες εἰς τὴν αὐτὴν βαθείαν τῶν Τούκκων καὶ εἰς τὰ ἐξωτικὰ τοῦ Ῥηγίου, et sur leurs biens, larchimandrite pourra exercer sa δεσποτεία et en exiger τὰ ὀφειλόμενα sans avoir à subir de contraintes de quiconque12.

Ces privilèges nallaient pas en effet sans contestation. Ainsi, nous continuons dignorer les destinataires du premier sigillion, κοινῆ διαλέκτω λέγεται πλατεία τῶν βελλάνων, datant de 1125, mais on sait quune telle concession dont, vingt ans plus tard, larchimandrite pouvait se réclamer était disputée par les fonctionnaires (exousiastai)

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calabrais du roi. Le sigillion de 1144 (ADM 1247) confirmant les confins de la chôra pour la garantie de larchimandrite contre toute réclamation nous informe aussi sur la procédure qui avait été suivie lors de lassignation du domaine : les indications cadastrales sen trouvaient précisées « dans les cahiers du palais » et étaient supportées par les renseignements portés de vive voix « par les fonctionnaires en charge du sekreton » (τῶν ἐν τῷ παλατίῳ τετραδίων καὶ ζώσης φωνῆς τῶν κατὰ τὸν καιρὸν σεκρετικῶν)13.

Tout en montrant quà lépoque de la réorganisation des bureaux de ladministration centrale (1140-1145), qui abouti à la création du diwan al-mamur, « cœur de ladministration financière en Sicile14 », la terre de la vallée du Tuccio était inscrite sur les registres du domaine royal, ces informations posent également la question de la genèse et de la nature de la seigneurie du Saint-Sauveur de Messine. Par décision royale, celle-ci sexerça, durant des siècles, de part et dautre du Détroit, mais dès le début, elle avait dans cette chôra calabraise son véritable centre économique et territorial15. Il convient par conséquent de remonter le temps et de revenir sur les quelques notices concernant la vallée du Tuccio datées de lépoque byzantine et comtale.

À la veille de la conquête normande, larchevêché de Reggio possédait des domaines dans la vallée : des terrains sis eis ta Toukia ou eis ton potamon tôn Toukkôn sont en effet inscrits dans le Brébion de la métropole, et ta Toukia est mis en relation avec le kastron de Bova16. Les sources grecques dépoque comtale parlent de ce territoire comme dune chôra, la déterminant le plus souvent au génitif pluriel tôn Toukkôn, et cela perdurera jusquau xive siècle. En latin on utilise les termes terra ou tenimento, comme, par exemple, dans la première mention connue, remontant à lannée 1090, lorsque le comte Roger concède au monastère de Sainte-Marie-de-Terreti, sis sur les hauteurs près de

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Reggio, au Nord-Est, des terres sises in tenimento Tuchij17. En 1094, avec la création de lévêché de Bova, suffragant de Reggio et régi par Luc, le futur saint Luc de Bova, la Vallée du Tuccio sera prise entre les aires dinfluence tant de celui-ci que de larchevêque de Reggio, seigneur du territoire de Bova18. Quelques années plus tard, en 1131, deux documents de Maximilla, à qui le roi Roger son frère avait octroyé lexousia et la despoteia sur la terre de Oppido, attestent que la dame peut disposer aussi des biens fonciers eis Toukkas, quelle est prête à donner aux sujets grecs les plus proches de son entourage19. Il sagit des membres de lélite locale – le stratège, le notarios et leurs familles – récompensés de leurs services par lattribution de terrains en pleine propriété.

De telles donations, tout en étant modestes en termes économiques, allaient néanmoins renforcer tant le lien de fidélité entre les bénéficiaires et le seigneur que lalleu, bien attesté sur le terroir depuis lépoque byzantine. De la part du pouvoir normand, il sagissait, comme il a été largement démontré, de sassurer la non-hostilité, sinon lappui, de la population locale à prédominance italo-grecque pour garantir le contrôle de la région20.

Le milieu social

Les actes privés datés entre la deuxième moitié du xiie et le xiiie siècle – au nombre de 42 – par lesquels des particuliers cèdent au monastère

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du Saint-Sauveur la despoteia, lexousia et le kyros, ou la kuriotès, sur leur bien-fonds attestent lexistence dune petite voire moyenne propriété paysanne aux mains des Italo-grecs locaux. Les auteurs juridiques de ces actes, les témoins, les personnes cités, les périorismoi des terrains – quils en soient les propriétaires, les tenanciers, ou les paysans dépendants qui les cultivent – sappellent en effet Constantin, Basile, Théodore, Oulô, Règala et ils ont pour noms de famille Strobilès, Chalkéopoullos, Rodokallos, etc. Les noms qui renvoient à un métier – Raptès (le tailleur), Kellaris (le cellier), Chalkeus (le forgeron), Pélékanè (la bûcheronne), Tzukalas (le potier), Tzangkarès (le cordonnier), Bardouchos (le massier), Ampélourgos (le vigneron), etc. – illustrent un milieu rural où lartisanat était également exercé. Aussi, la transformation de termes désignant à lorigine des titres ou des fonctions administratives byzantines et normandes (Spatharios, Kouratôr, mais aussi Logothètès, Kaballarès et Stratiotès) en cognomina est bien attestée. On rencontre certes des noms comme Moulès, de dérivation arabe tout comme Bagalas, des Robert, Roger ou Hugues, qui sont latins, mais il sagit là dune minorité. La présence des femmes est bien attestée par le signon quelles portent en début du document en tant quayants droit. Dans cinq cas, cest une femme qui établit le document : il sagit des filles de la couche la plus aisée de la société rurale, celles qui, ayant pleine personnalité juridique, gèrent leurs biens propres selon les normes du droit byzantin.

Au sein de cette communauté, il est possible de distinguer une élite assez restreinte, composée dun archonte, qui est sans doute un latin, dun kritès, de quelques kyr et de plusieurs notarioi. Comme on pouvait sy attendre, les prêtres et les moines aussi sont nombreux : le credo religieux, lobéissance au rite et aux normes de lÉglise grecque et lattachement que cela impliquait à la tradition culturelle byzantine signale lappartenance à une communauté qui avait vu reconnaître par la législation normande son propre régime de droit21.

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La présence massive sur ce territoire calabrais dune population de langue et de culture grecque justifie donc la décision de Roger II den concéder la despoteia à larchimandrite de Messine, tout en sassurant un très bon allié. Seigneur rural, larchimandrite y exerçait également des pouvoirs publics. Ainsi, la juridiction civile sur les habitants de la chôra sera la cause de troubles et de différends tant avec les fonctionnaires royaux de Reggio quavec ceux des barons de la région : en 1151, Roger II, face aux prétentions de ces derniers dinstaurer une bajulatio sur la terre de larchimandrite, réaffirmera les prérogatives du monastère telles quénoncées dans les premiers sigillia, tout comme le fera plus tard Guillaume II, en 117722. De son coté larchimandrite, qui au moins en deux occasions sera choisi dans la personne de léconome de Tuccio23, tirait grand profit de ses privilèges : au début du xiiie, sa fortune était telle quil pouvait fournir à la cour un prêt important, récompensé ensuite par le roi Fréderic II justement par la donation, entre autres, de totum quod curia nostra habebat in terra supradicti monasterii Tuchi []24. Un tel dispositif politico-administratif qui voit dans larchimandrite lacteur éminent du contrôle et de lencadrement des habitants de la région, perdura de façon quasi inaltérée, du milieu du xiie jusquau xve siècle25.

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Lexpansion du monastère du Saint-Sauveur
dans la vallée du Tuccio

Tout au long du xiie siècle, à coté du domaine de larchimandrite sont attestées, à Tuccio, tant la petite et moyenne propriété laïque que dautres domaines ecclésiastiques. Sur cette aire géographique, relativement limitée, existaient en effet des couvents grecs, qui étaient et restèrent indépendants de larchimandritat de Messine, comme par exemple le monastère de Sainte-Marie-de-Terreti, également dotés en terre par le pouvoir normand, ou le monastère de lArchistratège, Saint-Michel-Archange, connu dans le Brébion et attesté dans les documents du dossier de Medinaceli26. Dautres couvents, qui grâce à une condition économique favorable avaient pu garder leur autonomie sans être compris au nombre des couvents dont le Saint-Sauveur avait lexousia, furent tôt ou tard intégrés avec leurs biens dans les possessions de larchimandrite et placés à leur tour sous sa juridiction. Tel sort toucha le monastère de Saint-Georges, qui fut probablement le siège de léconome de Tuccio – représentant sur place de larchimandrite – célèbre pour son patrimoine de 35 livres manuscrits qui firent lobjet dun vol en 118427 ; tel aussi le destin du monastère de Saint-Barthélemy tou Silipingou, une fondation privée remontant vraisemblablement à lépoque byzantine, qui comptera parmi les métochia de larchimandritat en 122928.

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Depuis la concession royale de 1144, tous ont dû compter avec la politique dexpansion de larchimandrite. Durant la période couverte par les actes du dossier de Medinaceli – soit de la moitié du xiie à la moitié du xiiie siècle – la documentation, constituée principalement dactes de ventes, atteste que le monastère du Saint-Sauveur ne cessa de défendre et délargir ses intérêts sur la chôra. Même les quelques transactions qui se passent entre des personnes privées concernent, dune manière ou dune autre, le Saint-Sauveur : la charge de rédiger lacte de vente est normalement dévolue au notarios de la cour de larchimandrite et larrivée du document dans ses archives atteste sans faute de la destination ultime du bien. Il sagit dailleurs de la première évidence quon tire de la lecture des documents : les particuliers ayant gardé leur droit de propriété sur un bien foncier cèdent au cours du temps ce droit par des actes qui ont des effets tant sur le bien en question – qui est parcellisé et/ou absorbé dans une nouvelle unité patrimoniale bénéficiant dune exemption fiscale et relevant de larchimandritat – que sur les personnes impliquées dans la transaction.

En effet, la question de la propriété est évidemment liée à une autre, la plus délicate posée par ce dossier, à savoir le régime de la terre et le statut des hommes qui la cultivent. On reviendra plus bas sur cette question, mais déjà on peut avancer que les investissements successifs de larchimandritat, sils témoignent de lappauvrissement des cultivateurs amenés à vendre leurs biens-fonds pour des sommes souvent risibles, passant ainsi sans doute de la condition de petit propriétaire à celle de paysans dépendants, nexclurent pas complètement les indigènes de la propriété foncière dans la région29. Leurs exploitations pouvaient aller du petit chôraphion au plus vaste proasteion et la famille, souvent non nucléaire mais élargie, est le cadre sur plusieurs générations de la conservation et de la transmission de ce patrimoine30.

Les transactions en faveur de larchimandrite se font par un acte de vente dont les clauses suivent le formulaire de lacte de la pratique

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juridique byzantine, même si le lexique est parfois chargé de significations différentes. Dans ces documents, les termes les plus courants pour indiquer la condition patrimoniale dun bien, sont les verbes κτάομαι et ἔχω, mais le simple adjectif possessif signale aussi de la possession du bien : ἡμῶν χωράφιον. Lorigine dun tel droit est souvent précisée et il en résulte que les terres cédées, si parfois elles ont été achétées, représentent le plus souvent la part dhéritage, paternelle ou maternelle, du vendeur, une klèronomia qui, dailleurs, sétait parfois constituée suite à un achat ou à une donation précédents. Aussi, bien que la transaction attestée par le document soit, en soi, la preuve dune dévolution du patrimoine dorigine, on saperçoit quune même famille est en mesure de garder les droits sur une portion de ce dernier, et cela sur une longue durée.

À cet égard la platéia transmise par le sigillion du roi de 1144 est très éloquente : on y trouve enregistrées des personnes qui sont identifiées soit par leur patronyme (x tou y), soit par un pluriel qui fait allusion à leur ascendance (oi Logothétai), etc. ou encore à la famille (ai eponimuiai autôn) et aux fils. Ces béllanoi sont parfois les mêmes personnes qui, des années plus tard, vendent leur bien au monastère, ou qui sont attestés dans les documents comme étant en possession de terrains avoisinants ceux du couvent. Parmi eux on reconnaît les membres des familles illustres – tels les Xéroi ou les Logothètai – plusieurs notarioi, un ampélourgos ; se remarquent aussi le fils du prôtopapas et un Nicolas tou Prete. Sen tenant à la lettre du sigillion, on y lira par conséquent la liste des hommes (to katonoma) habitant la chôra du Tuccio, soit les membres dune communauté rurale dont la juridiction relève désormais de larchimandritat auquel ils doivent les revenus (ta opheilomena) sur les biens (ta prosonta autôn) dont ils disposent librement31. Ils ne sont pas tous forcément des paysans et ils ont dans le prôtopapas leur chef de léglise.

On ne conserve malheureusement aucun document qui atteste le montant du prélèvement pesant sur les béllanoi de Tuccio, mais lexistence

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au xiie siècle dune telle platéia est confirmée par un document qui en est un extrait. Il sagit de la liste τῶν ἐξοτικῶν ἀνθρώπων ἀπὸ τῆς πλατείας Τούκκων, les « hommes » donc qui, tout en devant leur impôt au monastère navaient pas été enregistré sur la platéia de Tuccio. Ils sont en effet installés sur dautres terroirs – ici Saint-Nicétas (SantAniceto, à louest de Reggio) et dans les alentours de Reggio32. À côté des leurs noms, il est indiqué lemplacement du bien-fonds correspondant et le montant quils doivent au sakkélion de Tuccio, une somme modeste qui varie entre un demi et 3 taria. Comme ces noms se retrouvent, dans certains cas, dans la platéia conservée par le sigillion de 1144, ceci atteste, pour lépoque, tant la parcellisation des possessions paysannes que la mobilité des hommes.

Ce quon lit entre les lignes des documents est, de fait, le rôle de dynatos joué par larchimandritat qui sapproprie terres et rentes, en privilégiant lacquisition de biens contigus pour faciliter leur mise en valeur et leur gestion33. Si dans les actes de vente du dossier, comme dans la plus grande partie de la documentation privée de lItalie méridionale, lexercice du droit de protimèsis est souvent sous-entendu – le vendeur et lacquéreur étant mitoyens, ou la souscription dun conjoint et/ou dun voisin laissant entendre son accord vis-à-vis dune aliénation qui lexclut –, un document y fait en revanche une allusion explicite. En 1192, un couple vend ses chôraphia au monastère de Terreti pour la somme de 460 taria. La propriété est par conséquent transférée à larchimandrite Laurent qui est garanti en justice contre toute intervention contraire. Cependant, trois mois plus tard, Laurent, pour la même somme, vend ces terrains à larchimandrite du Saint-Sauveur, Léonce, διὰ τὸ μὴ ἔχειν διαφοράν. En effet, les chôraphia en question confinent dun côté avec ceux du monastère du Saint-Sauveur : pour éviter tout différend, larchimandrite de Terreti, qui pourtant est aussi un propriétaire de biens fonciers dans la région, préfère lui céder son droit34.

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Les biens fonciers et leur mise en valeur

Lobjet des transactions est constitué dans la grande majorité des cas par un ou plusieurs terrains, parfois clos, qui peuvent comporter des arbres fruitiers – poiriers, figuiers, châtaigniers, noyers – ou des vergers (péribolia). De petits jardins (kèparia) sont attestés, notamment près des zones de résidence. Il sagit de champs, chôraphia, le plus souvent cultivés (orge et blé), mais qui peuvent être en friches. Il est explicité, parfois, que ces champs sont potistikà, irrigués, et dautres anydra, soit des cultures pluviales telles quon en trouve encore de nos jours dans les campagnes méridionales. Dans trois cas seulement il sagit dune vigne, ampélon, cependant nous savons soit par les périorismoi décrits dans les actes privés soit par l inventaire des biens fonciers du monastère que la viticulture ainsi que la culture des roseaux (kalamia) et des mûriers (sykamina), précieux pour lélevage du ver à soie, exploités ici de façon intensive depuis lépoque byzantine, étaient répandues ; les deux se trouvent souvent plantés sur un terrain clos, kleisma35. Un document daté de 1180 fait mention aussi de la culture du lin, attestée ailleurs, en Calabre comme en Pouille36. On ne trouve curieusement aucune référence au bétail, mais un acte de 1173 atteste quoffrir des animaux destinés à labattoir pouvait constituer un contre-don apprécié37.

Les documents indiquent rarement la superficie du bien-fonds ; quand cest le cas, le goumarion est la mesure du chôraphion, la vigne est comptée en rizia, les mûriers en podia. Le prix de la vente est par conséquent le seul et peu fiable critère dont on dispose pour estimer sa valeur. Ceci est toujours exprimé en taria, souvent spécifié sous la forme chrysa taria ; en 1156 sur le même site, deux goumaria de terrains valent 7 taria, mais sept en valent 30. En tout cas, au cours du xiie siècle, daprès les actes, la somme moyenne dépasse rarement le 30 taria dor ; les 100 taria

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versés par le monastère en 1153, les 200 de 1187, ou les 660 de 1193 sont des exceptions.

Ces terrains, cultivés et non, de dimensions variées, normalement entourés dautres parcelles, localisés par la référence au lieu-dit où ils se trouvent, côtoient parfois des domaines plus vastes, tel le proasteion de larchonte Kantourès, un latin sans doute, mais aussi celui des italo-grecs Kènnéroi qui ont gardé en indivis durant longtemps leur domaine, pour enfin le partager entre les membres de la famille. Ce partage a conduit, comme il est prévisible, à une diminution du patrimoine car lun des ayants droit a ensuite vendu sa part au monastère38.

À partir des années 1160, des koultourai sont aussi mentionnées dans les périorismoi39. Ce sont des réserves foncières, dont on peut probablement distinguer les antécédents dans les megalai moirai de lépoque byzantine, attestées à Stilo, mais aussi à Oppido, où lexistence du grand domaine de propriétaires ecclésiastiques mais encore laïcs est bien connue40. On sait que ces koultourai étaient normalement des grands champs cultivés à céréales, dont la production, bien connue, est attestée entre autre par un sigillion inédit du roi Roger daté de 1147. Le roi y confirme lexemption de tout impôt aux navires du monastère chargés du transport des biens entre les domaines de Calabre et ceux de Sicile. Les produits énumérés y sont le blé, lorge, les fèves, les légumes, outre le vin, le miel, la cire, le beurre, la laine, le coton et le bois41. Ainsi, les koultourai de Saint-Blaise, de Barichôria et de Mésoponitès, mesurant respectivement 40, 50 et 14 goumaria, qui sont enregistrées dans linventaire des terrains du monastère, daté de la période du règne de Guillaume II, sont très

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probablement des cultures céréalicoles. De même quant à la megalè koultoura attesté par linventaire. Néanmoins à Tuccio est attestée une koultoura des mûriers, Ta Sykamina.

Le régime de la terre et le statut des hommes

Tout comme le chôraphion, la koultoura peut être qualifiée de despotikè : Ta Sykamina est une koultoura despotikè. Lemploi du terme despotikos pour qualifier la terre domaniale, tenue en régie directe et mise en valeur par une main dœuvre salariée, est connu pour Byzance42. Dans nos actes, il semble que le terme soit employé pour désigner ce qui relève du maître du sol, à savoir larchimandrite, despotès étant équivalent de authentès. En effet, des chôraphia despotika tès hagias monès ne sont explicitement mentionnés quen 1227 et en 122943, mais le texte dun acte de 1175-1176 est très clair lorsquil précise quun terrain confinant à un terrain despotikon est vendu au monastère ὡς διαφέροντα ἀληθῶς καὶ συνοροῦν τῆς δεσποτείας, « comme étant vraiment pertinent et confinant à la propriété ». Restent cependant des ambiguïtés : en 1164-1165, Jean Chakès membre dune famille connue, disposant des droits réels sur plusieurs biens-fonds, vend une parcelle de terrain qui se trouve au milieu (méson) de cette koultoura des Mûriers. Celle-ci est constituée de fait par plusieurs chôraphia despotika dont lun que le monastère du Saint-Sauveur tient de (échei ek) Trikakos44. En outre, un document datant de la même année, sur le même site, semble distinguer entre un terrain du monastère et un terrain despotikos. En revanche, sur le site de Lykopholia, « les bois du Loup », le choraphion vendu par plusieurs ayants droit confine à deux autres que le monastère a acheté à des particuliers, les deux indiqués par leurs noms. Lun des deux biens est défini comme un choraphion despotikon.

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Lambiguïté tient en effet à la notion même de la despoteia dans le contexte de la seigneurie rurale. « Despotique » semble qualifier en effet la propriété dun bien par rapport aux obligations fiscales qui en découlent : le transfert de propriété dun terrain despotique transfère en même temps lobligation à verser limpôt correspondant au despotès.

Dautre part, nous navons pas trouvé dans lensemble des actes du monastère du Saint-Sauveur, notamment dans ceux qui ont été émis en Sicile concernant tous le Valdemone, des occurrences analogues à celles répertoriées pour la vallée du Tuccio45.

Notons encore un détail important : vers la fin des années 1160, daprès deux périorismoi ainsi que par linventaire qui dresse la liste des terrains du monastère, est attestée lexistence dune kourtès, située face à la koultoura despotikè des Mûriers, soit aux Sykamina46. Par le même inventaire on sait aussi que celle-ci abritait un kérameion : un four, ou plutôt, un atelier de poterie47. Sagit-il donc dune réserve seigneuriale, constituée par un ensemble des parcelles à culture spécialisée, le siège dune telle exploitation qui nécessite une main dœuvre qualifiée étant la kourtès avec ses annexes ? Ou bien lattribut despotikos indique-il le maintien de la part du roi dun droit fiscal sur une partie de ces réserves si rentables, tels les mûriers et les bois ?

Enfin, qui cultivait ces terres, sous quel statut ? La question, essentielle, nest pas simple, dautant que malgré sa richesse la documentation demeure limitée et ce tant par son destinataire – normalement le seul archimandrite – que par sa typologie juridique car, pour la plus grande partie, il sagit dactes de vente aux clauses assez conventionnelles.

Au sujet de la possession et de lexploitation de la terre, tout cas de figure est représenté dans les actes : le paysan qui cultive le champ dont il a hérité ; celui qui tout en ayant son bien propre travaille aussi sur le

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proasteion de son authentès, un laïc, à qui, le moment venu, il vendra sa vigne ; ceux qui détiennent à cens un bien-fonds pour une période limitée (kratoun eis telos) et ceux qui en ont eis emfiteusis. Dautres jouissent du droit de semence sur une parcelle appartenant au monastère et il peut arriver également que le monastère détienne un bien-fonds dautrui, que cela soit des laïcs ou des confrères. Les termes indiquant ces rapports varient et si enéchyriazô signifie toujours avoir ou donner en gage, la valeur de échô, kratô et épikratô ne peuvent sévaluer que dans et par le contexte du discours juridique où ces verbes apparaissent, pouvant indiquer tant la propriété éminente que la propriété utile, notamment les deux derniers. Lorsquon lit, dans linventaire qui fait état des biens oikeia du monastère, que des nonnes kratousin une vigne, il est clair quelles en ont lusufruit, mais cela ne nous dit rien quant à la main-dœuvre qui la cultive. Quand en 1191, Marine, kathigoumène du monastère féminin de Saint-Phantin-et-Balsamion, cède à larchimandrite une partie des biens-fonds de son couvent, elle y ajoute un terrain quelle tient de son héritage maternel. La nonne précise que celui-ci est destiné à la construction dun katoikitirion pour les hommes du Saint-Sauveur : les paysans dépendant du monastère venant donc travailler sur la nouvelle acquisition peuvent y trouver un logement48.

Pour résumer, la difficulté que lon rencontre à définir à travers les actes de la pratiques les modes dappropriation du sol et la mise en valeur des terres, le statut des hommes et les rapports de dépendance qui les lient entre eux et aux institutions tient au changement du régime qui a investi, à Tuccio comme ailleurs, les campagnes du royaume en ce tournant du xiie siècle. Lencadrement juridique et administratif des communautés rurales durant des siècles avait été autre et le lexique des documents, sédiment de pratiques antérieures aux transformations apportées par le pouvoir normand, se charge de significations nouvelles. En même temps, dans le formulaire de lacte, peuvent sinscrire des termes inconnus à la pratique byzantine, et ce moins pour désigner une réalité inédite que pour sadapter, avec un nouveau lexique souvent calqué sur le correspondant latin, à une évolution en cours49.

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Conclusion

La Vallée du Tuccio na pas été le cadre de fouilles. Quelques vestiges encore existants dans la zone de San Lorenzo et de San Giorgio ont été lobjet de travaux menés par Domenico Minuto et Anna Maria Mastelloni, qui évoque dailleurs la « scomparsa totale di emergenze significative50 ». Les documents permettent néanmoins desquisser un profil du territoire, de suivre la distribution et lorganisation spatiale des habitats, denvisager le mode doccupation du sol. Suivre les périorismoi indiqués dans les actes conduit le lecteur par des crêtes et des vallons, à longer le cours des fiumare qui se jettent dans le Tuccio – laxe qui oriente la vallée du Nord au Sud – jusquà des sources, des puits ou des moulins, en remontant des collines boisées parfois mais surtout rocailleuses. Le paysage est parsemé de petites églises et de croix, denceintes et de rochers aux formes bizarres, de grottes, daires à grain, de chemins et de routes qui constituent autant de repères des limites décrites.

Les confins cadastraux de la chôra, indiqués dans le sigillion du roi, laissent envisager un périmètre denviron 70 km. À lépoque de la concession royale, il ny a pas dans la Vallée du Tuccio de site du même nom et le périorismos, partant de la mer près de lembouchure de la rivière Akraba, ne fait mention que dhagiotoponymes où de lieux-dits se trouvant de part et dautre le cours du Tuccio jusquau nord, aux confins de Hagia Agathé de Reggio, et à louest jusquau kastellion de Pentedattilo, pour revenir à la mer. Au sujet de lhabitat, les documents privés ne sont guère plus loquaces : traitant de terres, ils ne font normalement référence quà celles-ci, dont les bornes sont le plus souvent des éléments du paysage rural. Ces terres doivent néanmoins être localisées plus précisément et pour ce faire on recourt aux lieux-dits, soit aux topothésiai (ou topoi) : Lèstè, Agora, Traginaria. Il sagit de toponymes qui correspondent au chôrion dépoque byzantine, habitat ouvert qui peut être défendu par des murs

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ou bien, comme son nom lindique dans un cas, par une tour : Pyrgos. Cependant la référence explicite à un chôrion est très rare dans les actes et cest surtout grâce à linventaire quon en connaît quelques-uns : ce sont les chôria de Saint-Nicolas de Placa, de Pristeo, de Saint-Phantin, et dautres qui sont identifiés par un anthroponyme, p. ex. le chôrion des Kalogérisianoi ou celui de Damaskènos et de Xiléa.

Lon doit attendre 1164-1165 pour quun document mentionne lexistence dun asty tôn Toukkôn et lon reste surpris de trouver cette appellation isolée. Que ce bourg fortifié soit le résultat dune construction nouvelle, à identifier probablement avec le village actuel de San Lorenzo – situé en haut dune colline qui domine la rivière et les vallées autours –, ou bien que celui-ci se soit développé sur le site du kastron byzantin de Gardo – situé en-dessous de San Lorenzo – lasty normand devint le centre du ressort administratif tôn Toukkôn. Cest en effet à cette époque, autour des années 1160, que le terme diakratèsis, alternant avec kratos, se substitue à lappellation jusqualors courante, et plus neutre, de chôra tôn Toukôn, qui reviendra dans les actes de la moitié du xiiie siècle. Lasty est entouré de terres cultivées, sans doute de dimensions modestes, confinant à leur tour avec de plus vastes domaines dexploitations, proasteia, et de plus grandes réserves, koultourai.

Ce paysage rural ne semble pas très différent de celui décrit un siècle plus tôt pour lhabitat de Boutzanon, dans la tourma des Salines51, mais lassise de la terre a changé. Aux particuliers, héritiers des propriétaires et/ou locataires de lépoque byzantine, exploitant sans doute eux-mêmes leurs lopins et relevant du fisc impérial, est venu lentement se substituer le monastère de Saint-Sauveur. Doté par le roi dune vaste portion de terre, des droits sur celle-ci, et dexemptions, larchimandritat, qui perçoit limpôt dû par les bellanoi qui y résident, enrichit son patrimoine foncier tant à leurs dépens quà celui dautres particuliers qui dans cette région jouissent de droits sur la terre. Citons pour tous le camerarius regius du roi Guillaume II, pour la Calabre, Jean Kalouménos (Calomeno), qui, en 1175 pour 120 taria dor vend au Saint-Sauveur deux parcelles dun terrain sis eis to kratos tôn Toukkôn par un acte qui est rédigé par le taboularios de la ville de Reggio52.

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Le phénomène na rien dextraordinaire, surtout lorsquon pense quà son pouvoir seigneurial, rural et banal, larchimandrite pouvait ajouter lemprise venant de sa fonction pastorale auprès des sujets grecs du royaume. Néanmoins, au cours du temps, cela change sans doute le mode de faire-valoir du terroir. Vers la fin du xiie siècle, le domaine dun seul tenant devance les chôraphia qui pendant presque un siècle, depuis larrivée des Normands, navaient cessé dêtre des biens patrimoniaux des indigènes. Ce domaine, cultivé sans doute tant par une main dœuvre salariée que, plus sûrement, par des paysans dépendants, en côtoie dautres également étendus et relevant dautres seigneurs. Il sagit de larchimandrite de Terreti, par exemple, ou de larchevêque de Reggio, de quelques archontes, mais aussi du domaine royal, la royauté ne sétant jamais défaite de ses bona calabraises et des ses revenus. Les possessions paysannes ne résistent quen mesure limitée et sont souvent soumises à des charges diverses qui nécessitent un contrôle et une réglementation adéquats : une gestion complexe quassure la mise à lécrit des différentes contrats. Comme tout grand seigneur, larchimandrite de Messine a en effet ses fonctionnaires, sa cour et des notaires à son service ; il se rend sur ses domaines calabrais pour des visites. Son représentant sur place est léconome, chargé de la gestion des biens, qui en cas de différend peut faire recours aux boni homines. Pour le xiiie siècle, notre documentation est limitée à 8 documents, mais lon voit déjà quil sagit dactes dont la teneur est complexe : un échange de biens avec un particulier, redevable du cens au monastère, un échange-vente, une convention concernant des biens sur lesquelles pèse une hypothèque, une concession dusufruit, un procès-verbal dun différend éclaté à propos des hommes du monastère et concernant son vestiaritès, sans doute ladministrateur des ses biens fonciers53. Lun des plus récents, daté de 1244, rend officielle la concession faite par larchimandrite Paul à Carnélévarius de Pavie, seigneur de la chôra de Sinopoli, concernant leau de la rivière du Tuccio54. Le site étant

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dans la périochè du Tuccio, domaine de larchimandrite, la jouissance des eaux qui y coulent lui revient, selon la lettre du sigillion du roi du 1144. Carnélévarius « ni par la loi ni par coutume juridique, mais par faveur et amitié », demande la concession du droit dirriguer son olivier, ce que larchimandrite accepte en signe « damitié solide ». Les moines du monastère garderont lolivier dans la cheirokratèsis du monastère et les hommes de Carnélévarius pourrons lexploiter sa vie durant.

Cest lhomologia signée par deux dynatoi de la Calabre méridionale devant le juge latin de Messine et rédigée par le basilikos dèmotikos notarios de la ville, un grec sans doute, en deux exemplaires. La langue écrite reste le grec, mais le contexte et la procédure, tout comme le formulaire qui les traduit, reflètent une réalité fort lointaine de celle de lépoque byzantine.

Cristina Rognoni

Université de Palerme

1 F. Trinchera, Syllabus graecarum membranarum, Naples, 1865.

2 A. Guillou, Corpus des Actes Grecs dItalie du Sud et de Sicile. Recherches dhistoire et de géographie, 1-6, Cité du Vatican, 1970-2006.

3 Sur lhistoire mouvementée de ce fonds darchives, voir A. Sparti, « Il fondo Messina nellArchivio della Casa Ducal Medinaceli a Siviglia », Messina. Il ritorno della memoria, Palerme, 1994, p. 119-127 ; A. Sanchez Gonzales, « De Messina a Sevilla. El largo peregrinar de un archivo siciliano por tierras españolas », Messina. Il ritorno della memoria, p. 129-141 ; C. Rognoni, Les actes privés grecs de lArchivo Ducal de Medinaceli (Tolède). I, Les monastères de Saint-Pancrace de Briatico, de Saint-Philippe-de-Bojôannès et de Saint-Nicolas-des-Drosi (Calabre, xie-xiie siècles), Paris, 2004, p. 9-12.

4 La bibliographie à ce sujet est assez vaste, cependant létude la plus complète concernant lhistoire de larchimandritat de Messine, notamment dans le cadre de la politique religieuse des Normands, reste celle de M. Scaduto, Il monachesimo basiliano nella Sicilia medievale. Rinascita e decadenza. Secoli XI-XIV, Rome, 1947, à compléter avec V. von Falkenhausen, « Larchimandritato del S. Salvatore in lingua phari di Messina e il monachesimo italo-greco nel regno normanno-svevo (secoli XI-XIII) », dans Messina. Il ritorno della memoria, p. 41-52, qui tient compte de la découverte du fonds « Messine ». Voir C. Rognoni, Les actes privés grecs de lArchivo Ducal de Medinaceli (Tolède). II, La Vallée du Tuccio (Calabre, xiie-xiiie siècles), Paris, 2011.

5 H. Bresc et A. Nef, La première géographie de lOccident, Paris, 1999, IV, 3, p. 341. Voir G. Alessio, Saggio di toponomastica calabrese, Florence, 1939, s.v. ; F. Mosino, « Attività agricola e apicoltura », dans Mestieri, lavoro e professioni nella Calabria medievale: tecniche, organizzazioni, linguaggi. Atti del VIII Congresso storico calabrese, Palmi (RC), 19-22 novembre 1987, Soveria Mannelli, 1993, p. 175-181, ici p. 180.

6 ADM 1283, inédit, voir ms. Vat. lat. 8201, fol. 73r-v. Voir V. von Falkenhausen, « I documenti greci del fondo Messina dellArchivo General de la Fundación Casa Ducal de Medinaceli (Toledo). Progetto di edizione », dans Vie per Bisanzio. VII Congresso Nazionale dellAssociazione Italiana di Studi Bizantini. Venezia, 25-28 novembre 2009, éd. A. Rigo, A. Babuin et M. Trizio, Bari (Due punti, 25), 2013, p. 665-687. Larticle comporte les regestes des actes toujours inédits des souverains normands que nous citons dans les pages qui suivent ; voir Scaduto, Il monachesimo basiliano, p. 189-192.

7 Le codex Vat. lat. 8201, copié au xviie siècle, transmet le texte de plusieurs documents grecs du fonds « Messina », souvent accompagnés dune traduction latine permettant dintégrer les lacunes de la documentation originale. Ainsi le sigillion de 1134 dont se réclame larchimandrite en 1142-1143 est perdu, mais on en conserve la transcription aux fol. 133r-134r, tr. lat. fol. 274-275 ; voir R. Pirri, Sicilia sacra, disquisitionibus et notitiis illustrata, Palerme, 1733, I, p. 590, II, p. 1155-1156 ; un regeste du doc. dans E. Caspar, Roger II (1101-1134) und die Gründung der normannisch-sizilischen Monarchie, Innsbruck, 1904, no 98, p. 523.

8 ADM 1283, l. xy. La datatio du sigillion, mai 6650, ind. VI, soit 1142-1143, nest pas sûre, lindiction ne correspondant pas à lannée du monde, cependant V. von Falkenhausen ne doute pas de lauthenticité du document.

9 ADM 1253, inédit, une copie dans ms. Vat. lat. 8201, fol. 71v-73r, 146r-147r (tr. lat. fol. 4r-5v, 171v-172r), voir Caspar, no 180, p. 557-558 ; ADM 1247, inédit, deux copies dans ms. Vat. lat. 8201, fol. 64r-66v, 152r-153v (tr. lat. aux fol. 278-279) : suite à des contestations et à la demande de larchimandrite, le roi lui confirme les possessions en Calabre concédées par le sigillion daté de 1133, indiquant entre autres leurs confins, dont ceux de la chôra de Tuccio. Un regeste du document a été publié en annexe au premier tome de lédition des documents privés grecs de Medinaceli par V. von Falkenhausen dans Rognoni, Les actes privés grecs, I, p. 248-249.

10 ADM 529, inédit ; regeste par V. von Falkenhausen dans Rognoni, Les actes privés grecs, I, p. 247. Le sigillion comporte la liste des monastères placés sous la tutelle de larchimandritat, distingués entre métochia et autodespota.

11 Ces dispositions royales se lisent à quelques différences près tant dans le sigillion daté de 1144 (ADM 1247) que dans celui de 1142-1143 (ADM 1282). Pour lautorisation faite par lautorité publique aux concessionnaires des terres dinstaller sur celles-ci des hommes libres, voir en dernier lieu É. Patlagean, « Les “hommes” (anthrôpoi) dans les documents grecs du Mezzogiorno normand », Puer Apuliae. Mélanges offerts à Jean-Marie Martin, éd. E. Cuozzo, V. Déroche, A. Peters-Custot, V. Prigent, Paris (Centre de recherche dhistoire et civilisation de Byzance. Monographies, 30), 2009, II, p. 529-536, ici p. 533-535.

12 ADM 1360, inédit, une copie dans ms. Vat. lat. 8201, fol. 67r-69r, 189r-191v ; voir Caspar, Roger II, no 182, p. 558 ; Scaduto, Il monachesimo basiliano, p. 191, 421-422. La liste des noms est reproduite dans Rognoni, La Vallée du Tuccio, p. 263-266.

13 ADM 1247, l. 23-34.

14 A. Nef, Conquérir et gouverner la Sicile islamique aux xie et xiie siècles, Paris, 2011, p. 256-257, et passim pour un point sur ladministration centrale du royaume, ses organes et leurs compétences.

15 La terre dAgrò, en Sicile, fut également concédée à larchimandrite, en 1133 ; son étendue et son poids économique sont toutefois plus modestes par rapport à la terre du Tuccio.

16 A. Guillou, Le brébion de la métropole byzantine de Règion (vers 1050), Cité du Vatican (Corpus des Actes Grecs dItalie du Sud et de Sicile. Recherches dhistoire et de géographie, 4), 1974, p. 130, 243, 334.

17 Caspar, Roger II, p. 489 (no 28), p. 491 (no 41).

18 G. C. Mor, « Riflessi bizantini nellorganizzazione calabrese », Atti del IV Congresso Storico Calabrese, Naples, 1969, p. 369-391, ici 384 ; P. Joannou, « La personalità storica di Luca di Bova attraverso i suoi scritti inediti. Con testo greco e con traduzione a cura di M. Isnardi », Archivio Storico per la Calabria e la Lucania, 29, 1960, p. 175-237, ici 222-237. Voir A. Peters-Custot, Les Grecs de lItalie méridionale post-byzantine. Une acculturation en douceur (ixe-xive siècles) (Collection de lÉcole française de Rome, 420), Rome, 2009, p. 367-368.

19 ADM 1370, éd. V. von Falkenhausen, « Maximilla regina, soror Rogerius rex », Italia et Germania. Liber Amicorum Arnold Esch, éd. H. Keller, W. Paravicini, W. Schieder, Tübingen, 2001, p. 361-376.

20 Voir Peters-Custot, Les Grecs de lItalie méridionale post-byzantine, p. 367-368, avec la bibliographie précédente ; voir aussi Nef, Conquérir et gouverner la Sicile islamique, p. 456-463, pour les concessions royales au bénéfice des évêques auxquelles celles octroyées à larchimandrite, titulaire dun monastère royal, peuvent être en partie assimilées.

21 Lapplication des normes du ius proprium des sujets du royaume, à condition quelles ne contredisent pas le ius regium, est affirmée tant dans les Assises dAriano, en 1140, que dans les Constitutions de Frédéric II, en 1231 ; F. Calasso, Il Medioevo del diritto. I, Le Fonti, Milan, 1954, p. 459-466 ; M. Caravale, « Giustizia e legislazione nelle Assise di Ariano », Le Assise di Ariano 1140-1990. Atti del convegno internazionale di studio a 850 anni dalla promulgazione. Ariano Irpino, 26-28 ottobre 1990, éd. O. Zecchino, Ariano Irpino, 1994, p. 3-21 ; O. Zecchino, Les Assises de Roger II (1140), dans Les Normands en Méditerranée dans le sillage de Tancrède. Actes du colloque de Cerisy-la-Salle, 24-27 septembre 1992, éd. P. Bouet, F. Neveux, Caen, 1994, p. 143-149 ; H. Houben, Ruggero II di Sicilia. Un sovrano tra Oriente e Occidente, Rome-Bari (Centro Europeo di Studi Normanni, Fonti e Studi, 8), 1999, p. 172-188.

22 Loriginal du document daté de 1151 est perdu, mais ADM 262, inédit, en conserve une traduction latine, datée de 1386, apud casalem Calogerisiani pertinentia vallis Tucchii, faite par le juge de la chora du Tuccio, Benencasa Pancaldo, et par le notaire publique, Basile Mustoxidi, à la demande de larchimandrite Paul. Il sagit de la seule mention explicite à la juridiction de larchimandrite pourtant sous-entendue par la teneur des privilèges précédents.

23 Il sagit de Léonce, économe entre 1172-1173 et 1187, qui fut archimandrite entre juin 1191 et août 1200, et de Luc, son successeur à Tuccio et troisième archimandrite de ce nom, à la tête du Saint-Sauveur entre 1202 et 1218.

24 ADM 122, éd. W. Koch, Die Urkunden Friedrichs II. 1198-1212, Hanovre (Monumenta Germaniae Historica. Die Urkunden der deutschen Könige und Kaiser, 14, 1), 2002, no 42, p. 85-87.

25 Rappelons que larchimandrite du Saint-Sauveur, tout en devant fidélité à larchevêque de Messine, demeura exempt de lautorité de celui-ci jusquà la moitié du xiiie siècle, ce qui, par la suite, causa plusieurs conflits entre les deux institutions : W. Holtzmann, « Papsttum, Normannen und griechische Kirche », Miscellanea Bibliothecae Hertzianae, éd. L. Bruhns, F. Graf, W. Metternich, L. Schudt, Munich, 1961, p. 69-76 ; Scaduto, Il monachesimo basiliano, p. 280-284 ; H. Enzensberger, « Der Archimandritat zwischen Papst und Erzbishof : der Fall Messina », Bollettino della Badia greca di Grottaferrata, 54, 2000, p. 209-225.

26 Guillou, Le brébion, p. 189, 375-382 ; M.-H. Laurent-A. Guillou, Le « Liber visitationis » dAthanase Chalkéopoulos (1457-1458). Contribution à lhistoire du monachisme grec en Italie méridionale, Cité du Vatican, 1960, p. 258-259, 299 ; D. Minuto, Catalogo dei monasteri e dei luoghi di culto tra Reggio e Locri, Rome, 1977, p. 135-144 ; D. Minuto, « Spigolature a Valletuccio », Νέα Ῥώμη, 3, 2006, p. 250 ; S. Lucà, « Una nota inedita del cod. Messan. gr. 98 sulla chiesa di S. Giorgio di Tuccio », Bollettino della Badia greca di Grottaferrata, 31, 1977, p. 34-35 et n. 22. Voir Rognoni, La Vallée du Tuccio, p. 24-25.

27 Sur ce couvent, ou ekklèsia daprès les sources, voir Minuto, Catalogo, p. 153-157 ; Minuto, Spigolature a Valletuccio, p. 250 ; Lucà, Una nota inedita, p. 31-40 ; S. Lucà, « Linventario di libri e suppellettili della chiesa di S. Giorgio di Tuccio (dalle cc. 276v-277r del cod. Messan. gr. 98) », Scritti in onore di Salvatore Pugliatti, V, Milan, 1978, p. 511-521 ; voir G. Mercati, Per la storia dei manoscritti greci di Genova, di varie badie basiliane dItalia e di Patmo, Cité du Vatican, 1935, p. 170-171.

28 C. Rognoni, « Il monastero di San Bartolomeo tou Silipingou in Valle Tuccio (secolo XII) : due documenti inediti dallArchivo Ducal de Medinaceli », Archivio Storico per la Calabria e la Lucania, 75, 2008-2009, p. 69-87.

29 Ceux qui vendaient leur bien, disposant de liquidité, pouvaient certes acheter dautres terres. Nous navons pas de preuves, mais il est possible quils allaient également migrer ailleurs.

30 Sur ce sujet, voir La transmission du patrimoine à Byzance et laire méditerranéenne, éd. J. Beaucamp et G. Dagron, Paris (Centre de recherche dhistoire et civilisation de Byzance. Monographies, 11), 1998.

31 Le document ne fait pas mention de la juridiction qui est cependant évoquée dans un document de 1151, voir supra, n. 22. Sur la typologie documentaire de la plateia dépoque normande voir J.-M. Martin, « Le platee calabresi », Studi in margine alledizione della Platea di Luca arcivescivo di Cosenza (1203-1227), éd. E. Cuozzo, J.-M. Martin, Avellino, 2009, p. 113-121 ; A. Peters-Custot, « Gli elenchi di uomini », Studi in margine, p. 141-158 ; A. Peters-Custot, « Brébion, kodex et plateae : petite enquête sur les instruments de la propriété monastique dans la Calabre méridionale aux époques byzantine et normande », Puer Apuliae, II, p. 537-552.

32 ADM 1416 : Rognoni, La Vallée du Tuccio, doc. 52, p. 252-254.

33 Une telle pratique est bien connue : pour tous, voir J. Lefort, « Léconomie rurale à Byzance (viie-xiie siècle) », dans Id., Société rurale et histoire du paysage à Byzance, Paris (Bilans de Recherche, 1), 2006, p. 395-478, ici p. 456.

34 ADM 1368 : Rognoni, La Vallée du Tuccio, doc. 42, p. 203-206 ; voir M. Re et C. Rognoni, « Gestione della terra ed esercizio del potere in Valle Tuccio (fine secolo XII): due casi esemplari. Edizione, commento dati prosopografici e analisi paleografica di ADM 1324, 1368, 1333 », Jahrbuch der Österreichischen Byzantinistik, 58, 2008, p. 131-146.

35 Rognoni, La Vallée du Tuccio, s.v. ; pour la culture des mûriers, voir A. Guillou, « La soie du katépanat dItalie », Travaux et Mémoires, 6, 1976, p. 69-84.

36 J.-M. Martin et G. Noyé, « Les campagnes de lItalie méridionale byzantine (xe-xie siècles) », Mélanges de lÉcole Française de Rome. Moyen Âge, 101, 1998, p. 559-596, ici p. 580.

37 ADM 1334 : Rognoni, La Vallée du Tuccio, doc. 23, p. 137-141.

38 ADM 1306 : Rognoni, La Vallée du Tuccio, doc. 43, p. 207-211.

39 Sur la valeur du mot koultoura, emprunté au latin, et plus en général pour la présence en Calabre de ces « vastes réserves foncières », voir J.-M. Martin, « Centri fortificati, potere feudale ed organizzazione dello spazio », La Calabria, I quadri generali, 1, éd. A. Placanica, Reggio de Calabre, 2001, p. 485-522 ; J.-M. Martin, « Les thèmes italiens : territoire, administration, population », Histoire et culture dans lItalie byzantine. Acquis et nouvelles recherches, éd. A. Jacob, J.-M. Martin, GNoyé, Rome (Collection de lÉcole française de Rome, 363), 2006, p. 517-558, ici p. 552-553.

40 S. G. Mercati, C. Giannelli, A. Guillou, Saint-Jean-Théristès (1054-1264), Cité du Vatican (Corpus des actes grecs dItalie du Sud et de Sicile. Recherches dhistoire et de géographie, 5), 1980, p. 31-42 ; A. Guillou, La Théotokos de Hagia Agathè (Oppido) (1050-1064/1065), Cité du Vatican (Corpus des actes grecs dItalie du Sud et de Sicile. Recherches dhistoire et de géographie, 3), 1972, p. 24-26.

41 ADM 1260, original, inédit ; voir von Falkenhausen, I documenti greci, p. 677.

42 Pour les terres despotiques à Byzance : M. Kaplan, Les hommes et la terre à Byzance du vie au xie siècle. Propriété et exploitation du sol, Paris (Byzantina Sorbonensia, 10), 1992, p. 348, 350-352 ; Lefort, « Léconomie rurale », p. 406-407.

43 ADM 1240 et ADM 1367 : Rognoni, La Vallée du Tuccio, doc. 45, p. 218-223 ; doc. 47, p. 228-232.

44 ADM 1381 : Rognoni, La Vallée du Tuccio, doc. 40, p. 104-106.

45 La seule occurence du terme despotikos concerne des ergastèria à Messine que le fonctionnaire du sékréton est autorisé à donner en location à un privé. Il sagit évidemment dun bien domanial.

46 ADM 1269 et ADM 1364 : Rognoni, La Vallée du Tuccio, doc. 16, p. 114-117 ; doc. 17, p. 118-120.

47 Pour la production céramique dans la zone du Détroit à cette époque voir C. Capelli et C. M. Lebole, « Il materiale da trasporto in Calabria tra tardoantico e bassomedioevo », Atti del XXX Convegno Internazionale della Ceramica, Albisola 16-18 maggio 1997, Florence, 1999, p. 67-77 ; voir aussi G. Di Gangi-C. M. Lebole, « La Calabria bizantina (VI-XIV secolo). Un evento di lunga durata », Histoire et Culture dans lItalie byzantine, p. 471-487, avec bibliographie.

48 ADM 1329 : Rognoni, La Vallée du Tuccio, doc. 40, p. 195-198.

49 Cest le cas, per exemple, des chôraphia qui dans linventaire des terrains du monastère sont définis oikeia et aporia. Les deux emplois ne se rencontrent pas dans les documents de lEmpire, où le second terme notamment est inconnu. La signification généralement acceptée daporion, « terrain cultivé en propre par le vilain », est à réviser. Voir, pour un premier abord de la question, Rognoni, La Vallée du Tuccio, p. 36-40 ; doc. 53, p. 255-257.

50 Minuto, Catalogo ; Minuto, Spigolature a Valletuccio, p. 245-265 ; A.-M. Mastelloni, « Terre, casali e kastra nella zona del Tuccio », Messina e la Calabria dal Basso Medioevo allEtà contemporanea, Atti del I Colloquio calabro-siculo 21-23 novembre 1986, Messine, 1988, p. 209.

51 Guillou, La Théotokos de Hagia-Agathè, p. 24-25.

52 ADM 1239 : Rognoni, La Vallée du Tuccio, doc. 26, p. 149-152.

53 ADM 1380 (a. 1287) : Rognoni, La Vallée du Tuccio, doc. 51, p. 247-251. La charge de vestiaritès est rarement attestée dans la hiérarchie de larchimandritat de Messine et nous nen avons pas su définir exactement le rôle. Probablement, comme en Orient, il assure le contrôle des biens fonciers du couvent : M. Kaplan, « Léconomie du monastère de la Kosmosôteira fondé par Isaac Comnène daprès le typikon (1152) », Travaux et Mémoires, 16, 2010 (= Mélanges Cécile Morrisson), p. 455-483.

54 ADM 1399 : Rognoni, La Vallée du Tuccio, doc. 50, p. 242-246. Carnélévarius de Pavie, mentionné parmi les barons du justicierat de Calabre en 1234, est fidelis du roi Frédéric II, custos falconum de la cour, seigneur de la terra de Sinopoli dont héritera sa fille Marguerite, femme de Folco Ruffo. Par la dot de Marguerite de Pavie la famille Ruffo devient feudataire de Sinopoli et ce jusquau début du xixe siècle. Voir La Platea della contea di Sinopoli (sec. XII-XIV), éd. P. De Leo, Soveria Mannelli (Codice Diplomatico della Calabria. Serie I, III), 2006, p. VI-VII ; S. Pollastri, « Les Ruffo de Calabre sous les Angevins. Le contrôle lignager (1268-1435) », Mélanges de lÉcole française de Rome. Moyen Âge, 113-1, 2001, p. 543-577.