Résumé : À partir de nouvelles sources, disponibles grâce à la publication des actes privés grecs inédits de l’Archivo Ducal de Medinaceli (Tolède), on tentera de rentrer au cœur de la société rurale de la Calabre méridionale hellénophone – notamment la région du détroit qui a dans la ville insulaire de Messine son centre de gravité – telle qu’elle est attestée au tournant du xiie siècle. Signifiant et performatif, le document de la pratique rend compte à la fois d’un ensemble de données riches et variées et de la somme des rapports sociaux et économiques qu’il est censé formaliser. Par la langue spéciale de l’acte juridique et par son formulaire, non pas au-delà du stéréotype mais à travers le stéréotype et ses variantes, on vérifiera l’impact du pouvoir normand et de son administration sur une communauté qui demeura byzantine – de langue, de rite et de droit privé – tout au long de l’époque considérée. Transactions de biens immeubles, accords et échanges, platee, cognomina, titres et fonctions, expriment une nouvelle organisation de la société et nous amènent à nous interroger sur les relations qui s’instaurent entre ses composantes : les anciens propriétaires, les ressortissants de l’élite italo-grecque, les paysans, les « hommes » du monastère, l’archimandrite et le pouvoir central. Quel était le régime de la terre, quel habitat rural peut-on dessiner à partir de la description de ses confins et surtout, quelle forme de seigneurie l’institution monastique exerçait-elle sur ces terres ? Autant de questions auxquelles on essaiera de répondre en élargissant l’enquête à la région de Messine, également placée sous la sphère d’influence économique de l’Archimandritat, l’un des seigneurs les plus fortunés du Royaume de Sicile durant l’époque normande.