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Classiques Garnier

Modèle ou faire-valoir ? Guillaume l’Anglais et quelques-uns de ses épigones

  • Type de publication : Article de revue
  • Revue : Cahiers de recherches médiévales et humanistes / Journal of Medieval and Humanistic Studies
    2014 – 1, n° 27
    . varia
  • Auteur : Moulinier-Brogi (Laurence)
  • Résumé : Cet article ­s’attache au cas ­d’un texte animé par deux principales intentions, secouer un certain ordre établi et passer à la postérité ­comme objet ­d’étude et de mémoire, le De urina non visa ­composé en 1220 par Guillaume ­l’Anglais, un médecin établi à Marseille. Ce singulier traité ­d’astrologie médicale entendait faire ­l’apologie de la supériorité de ­l’astrologie sur la médecine et proposait aux praticiens de se dispenser de tout élément ­d’examen clinique, en particulier de ­l’analyse des urines, en se fondant uniquement sur ­l’examen du ciel. Le nombre de témoins ­connus ou ­conservés plaide en faveur ­d’une grande fortune de ce texte, qui fut non seulement beaucoup copié et diffusé, mais également démarqué et imité. On étudie donc ici plus précisément les modalités selon lesquelles Guillaume ­l’Anglais put dans certains cas devenir un modèle, implicite ou assumé, voire une auctoritas.
  • Pages : 39 à 58
  • Revue : Cahiers de recherches médiévales et humanistes - Journal of Medieval and Humanistic Studies
  • Thème CLIL : 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
  • EAN : 9782812435164
  • ISBN : 978-2-8124-3516-4
  • ISSN : 2273-0893
  • DOI : 10.15122/isbn.978-2-8124-3516-4.p.0039
  • Éditeur : Classiques Garnier
  • Mise en ligne : 02/03/2015
  • Périodicité : Semestrielle
  • Langue : Français
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Modèle ou faire-valoir ?

Guillaume lAnglais et quelques-uns de ses épigones

En 1220, un Anglais du nom de Guillaume établi à Marseille, professant la médecine mais prisant par dessus tout la science des astres, composa un traité baptisé De urina non visa, littéralement De lurine non vue, avec lequel il entendait à la fois jeter un pavé dans la mare dune pratique médicale alors dominante, luroscopie ou examen des urines des patients, et léguer aux anonymes quil désignait comme ses condisciples un véritable mémorial. Guillaume lAnglais fut manifestement un auteur et un traducteur fécond1, mais cest de loin son De urina non visa qui assura sa mémoire2. Une rapide revue de la tradition manuscrite de ce singulier opuscule montre que ses vœux ne furent pas vains : le nombre de témoins connus ou conservés plaide en faveur dune grande fortune de ce texte, notamment auprès des universitaires et surtout des membres des universités les plus récemment créées en Occident. Cerise sur le gâteau, le De urina non visa figure même, après le Quadripartitus (sic !) de Ptolémée, parmi les textes au programme de la quatrième année des étudiants de la faculté des arts et médecine à Bologne dans les statuts de 1405, qui devaient eux-mêmes entériner une situation antérieure3.

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Malgré sa pose de provocateur, Guillaume accéda donc au statut dauctoritas, rencontrant dans certains milieux universitaires non seulement un écho favorable mais aussi une officialisation dont il nosait peut-être même pas rêver en écrivant dans son prologue :

Pour la grâce de toi et des autres étudiants aspirant à cette science, je livre à la postérité, pour ainsi dire en mémoire de moi, le traité que tu avais tant de fois appelé de tes vœux et qui na été spécialement édité ou inventé par aucun des anciens, et il contient le jugement de lurine, même non vue, selon les forces des signes et des étoiles, avec la nature du mal et lissue de la maladie4.

Or, à y regarder dun peu plus près, il savère que le succès de Guillaume lAnglais fut plus vif encore dans des milieux périphériques de luniversité, si lon en croit lintérêt que lui portèrent sinon des demi-savants, du moins des hommes de science ou de savoir extérieurs à toute académie, qui le prirent pour modèle. Si lon retient de ce dernier mot sa définition la plus simple comme dun « objet dimitation5 », nul doute que le De urina non visa le fut, et cest ce dont nous voulons donner un aperçu hors du cadre strictement scolastique. Selon les auteurs qui sinspirèrent, étroitement ou non, de ce petit traité, le degré de conscience de leur liberté par rapport à cette auctoritas dun nouveau genre varie en effet de manière significative : certains taisent purement et simplement son nom, tandis que lanonyme Recommendatio astronomie, un éloge de lastrologie composé à une date inconnue, mais après 1346, le présente comme egregius, « remarquable », et flanqué de la formule tirée du prologue qui constitue pour ainsi dire lidentifiant de Guillaume6.

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On tâchera donc ici de traquer les marqueurs de lécart que certains imitateurs de Guillaume lAnglais ménagèrent ou non par rapport à leur source dinspiration ou dinformation. Car a priori, un moderne ne pouvait être un auctor, il était forcément un nain sur les épaules dun géant, à savoir une auctoritas quil commentait et continuait ; et pourtant, dès le xie siècle, dans la préface de sa traduction latine de lencyclopédie médicale dHaly Abbas sous le titre de Liber Pantegni, Constantin lAfricain avait ces mots : « Il est utile de savoir le nom de lauteur pour que le livre en tire une plus grande autorité. Lauteur est donc Constantin lAfricain, puisquil la composé à partir de nombreux livres7. » Où il prétendait à une qualité supérieure à celle de traducteur, faisait du nom de lauteur une garantie dautorité plus grande, et de son rôle de rassembleur, compilateur, un synonyme dauteur. En cela, il se comportait en auteur-pilleur, selon le mot de Brigitte Roux à propos des encyclopédistes qui, par leur geste anthologique, se muaient en véritable auteur8.

Mais si lon excepte le cas de Constantin, traducteur désireux de laisser à tout prix davantage que le souvenir dun simple passeur culturel9 (ce qui lui fut reproché10), il ny a guère de doute que la notion dauteur émerge dès le xiiie siècle : elle est repérable à de très nombreux indices, de lessor des instruments du travail intellectuel11 à la composition doriginalia, ces

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recueils de textes dévolus à un seul et même auteur, dont lautorité ne cesse de croître précisément à partir de cette époque12. Dans le domaine non pas scientifique mais littéraire, par exemple, le manuscrit Paris, BnF, fr. 25566, un des premiers manuscrits qui contienne les œuvres dun seul et même écrivain, le trouvère artésien Adam de la Halle, est parfois cité comme une des marques de lémergence au Moyen Âge dune conscience auctoriale « moderne13 ». En privilégiant ici quelques observatoires de la fortune du De urina non visa, on cherchera donc à savoir non pas si Guillaume lAnglais sest voulu auteur, mais sil a été perçu et traité par la postérité comme une auctoritas, un modèle, ou encore un repoussoir.

Rappelons très brièvement de quoi est composé le De urina non visa : en neuf chapitres, ce court traité qui relevait de lastrologie judiciaire, en particulier du genre des interrogations, se proposait de prouver que le pronostic dune maladie par lastrologue, se fondant sur les conjonctions astrales, pouvait être au moins aussi valide que celui dun médecin ayant pu observer directement les symptômes du patient. Et il culminait sur le récit dune de ces interrogationes, en dautres termes de la consultation dun patient marseillais qui, à la fin de lannée 1219, serait venu consulter son médecin traitant, féru dastrologie. Celui-ci, après avoir observé les astres, aurait déclaré que le malade était hémoptysique et phtisique et quil ne lui restait que deux mois et huit jours à vivre. Il avait vu juste, ce qui naurait rien de remarquable si, pour établir son diagnostic-pronostic, le médecin ne sétait pas fondé sur le seul examen du ciel en se dispensant de tout élément dexamen clinique, en particulier de lanalyse des urines. Et cest ainsi que ce récit de cas, immortalisé post eventum à la fin du De urina non visa, passa à la postérité comme un exemple, presque un exemplum, de la supériorité de lastrologie sur la médecine.

Ce traité fut sans conteste repris par maint auteur, et par endroits verbatim, ce qui fait de lui plus encore quune source, un modèle, susceptible de copie pure et simple. Mais on remarque aussi que le nom de

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lauteur du De urina non visa napparaît pas forcément sous la plume de ceux qui le reprennent et il convient de se demander pourquoi ; en outre, certains de ses sectateurs ont introduit dans son texte des formules soit personnelles soit édulcorantes et il faut tâcher de lexpliquer à laune des contextes et des intentions de lauteur.

Le premier, Léopold dAutriche donna un abrégé du De urina non visa au livre VIII de sa Compilatio de astrorum scientia, composée peu après 127814. Lauteur se présente comme un astronome expérimenté, mais il se veut moins un auteur quun compilateur désireux de condenser en un seul volume lessentiel de la science des étoiles. Il ne nomme toutefois pas Guillaume, et introduit la version abrégée de son traité par la formule De urina similiter non visa judicat sapiens et per cause naturam et exitum morbi, dans laquelle le syntagme constituant le titre du traité de Guillaume est à la fois conservé et réagencé, donc pas forcément identifiable comme titre. Léopold ignorait-il le nom de lauteur quil démarquait ? Voulait-il sapproprier ce nouveau type de jugement astrologique dont il proposait un condensé à ses lecteurs ? Il nous est impossible de le dire ; mais il est en revanche certain que la grande diffusion manuscrite de la Compilatio de astrorum scientia contribua à la diffusion des idées et de la méthode prônées par Guillaume lAnglais, bien que sans titre et sans nom.

On peut sarrêter un peu plus longuement sur la reprise quen donna Geoffroy de Meaux, un auteur sur lequel planent encore de nombreux nuages dopacité15. La première trace de ce personnage dans la documentation remonte à 1310, époque à laquelle il fit partie dune commission de luniversité chargée dexaminer lArs Brevis de Raymond Lulle. Il figure ensuite en 1322 dans un compte de lhôtel du roi, comme lun des six physiciens royaux, et il assista la même année au couronnement de Charles IV le Bel. Enseigna-t-il ? La leçon fournie par un des témoins de son Totius astronomie iudicialis compendium incite à penser quil nignorait rien des exercices scolaires pratiqués à luniversité comme la questio ou la responsio :

et note bien [dit-il] quen cela consiste tout le secret des jugements astrologiques, et je vous lexpliquerai entièrement de manière sensible par une leçon

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(legendo) et vous pourrez alors avoir matière à émettre des doutes, poser des questions, et même donner des réponses16.

Mais son nom napparaît dans aucun document universitaire, ce qui aurait été le cas sil avait été maître régent. On a émis lhypothèse quil aurait pu être à lorigine, comme Dominicus de Martiniaco, du Compendium de luniversité de Paris sur la peste17 ; quoi quil en soit, on lui doit un Super coniunctione Saturni et Iovis anno Christi 134518 conservé à Oxford, présentation générale des causes de lépidémie de 1348, et 1348 constitue donc la dernière date de sa biographie.

Dans son Totius astronomie iudicialis compendium, après des généralités préliminaires, il sintéresse au primum mobile puis à la signification des planètes, et consacre ensuite les dernières parties du traité à trois domaines : la détermination astrologique des moments de crise, le moment de lhoroscope, et le moment dadministration des médicaments.

Son traité reprend très largement, et par pans entiers, textuellement, celui de Guillaume, mais sans le nommer, alors quil cite par exemple à sa suite explicitement Ptolémée et le Centiloquium qui lui était alors attribué19, pour justifier ce quil dit de la voûte céleste. Geoffroy de Meaux prend par ailleurs très souvent la parole, parsemant son texte de dico et de verbes à la première personne. Cest clair et attendu dans le prologue, où il dit avoir collecté ses informations dans les livres de différents auteurs :

Jai rassemblé ce compendium de toute lastrologie judiciaire à partir de tous les livres des auteurs, aussi bien que jai pu les compiler, pour quà travers lui notre appétit soit pleinement rassasié grâce à Dieu20.

Mais ces prises de parole ne se limitent pas au prologue, ainsi lorsquil explique linfluence des douze signes du zodiaque21 ou lorsquun peu plus

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loin, il assume lénoncé selon lequel si un signe est chaud, de même que son terme, sa chaleur augmentera, et vice versa :

[] et donc je dis que si le signe est chaud et le terme chaud, sa chaleur augmentera, mais si le terme est froid, alors cette chaleur sera mitigée22.

Geoffroy sexprime en son nom propre pour éclairer le lecteur quant à sa méthode et à ses intentions23, mais il multiplie aussi les énoncés à la première personne à propos dun certain nombre de lois de lastronomie-astrologie24. On relève aussi que, sil reprend textuellement la liste des parties du corps que Guillaume lAnglais mettait en correspondance avec les planètes dans un long passage sur la mélothésie zodiacale25, il énumère pour sa part non des planètes mais neuf « parties du ciel » représentant autant de sphères célestes26 – et il faut sans doute voir ici une influence du De sphera de Jean de Sacrobosco, cette compilation de lastronomie de Ptolémée vouée à lenseignement, qui avait introduit neuf sphères là où lastronome alexandrin en retenait huit27 : outre les sphères respectives des sept planètes, la huitième était celle des étoiles fixes, et la neuvième celle du « premier moteur », primum mobile qui, aux yeux de Sacrobosco, entraînait les autres dans un mouvement de rotation dOrient en Occident. Mais Geoffroy de Meaux ne semble pas attribuer les mêmes sphères aux planètes que Sacrobosco et sécarte donc là aussi de son modèle supposé.

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Enfin, notre auteur supprime le récit de consultation, lexemplum sur lequel sachève le De urina non visa, au profit dun exposé plus général, quoique ayant pour but lutilité pratique comme lexprime bien cette phrase : « et si tu veux appliquer cela aux malades, il faut procéder ainsi28 ». Et les deux derniers folios du Compendium abordent des thèmes que ne traitait pas Guillaume, à savoir les élections des heures propices à la prise de tels ou tels médicaments contre des affections variées29.

Le doute nest en tout cas pas permis quant à la dette du médecin du roi envers le De urina non visa, par exemple avec ce quil écrit sur la distribution des vertus naturelles parmi les planètes, ou sur la nature, chronique ou neuve, des maladies, selon que la planète est à lest ou à louest30. On relèvera aussi que lun des témoins du Compendium, celui dAvignon, renferme également le traité de Guillaume lAnglais31, et il faut se souvenir que dans un manuscrit malheureusement disparu dans un incendie, feu le ms. Turin, Biblioteca Nazionale, cod. M. IV. 11, se côtoyaient apparemment une version française du De urina non visa et une traduction, sans doute partielle, du traité de Geoffroy, sous le titre de Les jugemens qui appartiennent à medechines (fol. 118-124v)32. En dautres termes, en latin comme en vulgaire, le modèle et lémule sont associés, du moins implicitement, dans lorganisation du codex.

Malgré les inconnues qui demeurent, le Compendium de Geoffroy de Meaux est une des principales sommes astrologico-médicales du xive siècle, avec le Tractatus (ou Compendium) medicinalis astrologiae

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du dominicain Niccolò da Paganica (1330), lui aussi très redevable à Guillaume lAnglais33 bien quissu dun tout autre milieu : Geoffroy de Meaux était un homme de cour, médecin et/ou astrologue, alors que Niccolò da Paganica est un prêcheur, qui ouvre en quelque sorte la série des épigones mendiants de Guillaume lAnglais.

Dans son ouvrage composé de quinze chapitres, le De urina non visa, qui nest jamais cité, est en quelque sorte ventilé ; mais des passages entiers se donnent à reconnaître, déformés ou non, et recouverts ou non dun vernis plus orthodoxe : après avoir mentionné les « docteurs catholiques34 », Niccolò da Paganica cite notamment Thomas dAquin au chapitre 4 : « et donc le vénérable docteur, saint Thomas dAquin, au troisième livre contre les gentils, dit expressément que lhomme est ordonné selon le corps et est soumis aux corps célestes35 ». Quant à sa reprise de lexemplum de Guillaume lAnglais, elle souvre sur une formule pleine de précaution (« bien quil ne nous appartienne pas de connaître les temps ou les moments que le Père a placés en son pouvoir »)36 et sachève sur la prédiction que le malade mourrait « au bout de deux mois et huit jours, si Dieu le voulait », et le constat que cela arriva « avec lapprobation de Dieu », « à qui seul appartient de guérir les maladies et de réveiller les morts37 ».

Ce qui nempêche pas quen maint endroit de son traité, Niccolò démarque purement et simplement le De urina non visa, sans le nommer et en endossant le dixi du traité de Guillaume. Faute de place, on ne citera que deux passages mettant en évidence les rapports unissant limitateur à son modèle, et notamment le récit de cas, la questio dun patient, qui a assuré sans doute une grande partie du succès du traité du Marseillais dadoption.

La comparaison proposée en annexe entre les deux versions du même morceau de bravoure, à savoir lapplication à un cas particulier de la lecture des structures astrologiques, et lexposé dun judicium, met certes

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en évidence des différences : par rapport au texte de Guillaume, exeunt le diagnostic ou la mention dautres patients qui permettaient dinférer que lauteur était bien médecin ; apparaissent en revanche des considérations sur le sexe ou la nature féminin(e) du consultant, du querens, ainsi quun minimum dexplications théoriques sur la méthode suivie38.

Chez Guillaume lAnglais, la consultation du malheureux querens constituait lacmé de son développement, et le traité sachevait sur ce récit ; en revanche, Niccolò, loin de conclure sur cette interrogation en fait son chapitre 11 et dote son Compendium de trois chapitres terminaux portant sur les jours critiques et les élections, notamment celles des heures auxquelles administrer les médicaments et la saignée, comme Geoffroy de Meaux. Même si léconomie du Compendium diverge de celle de son modèle, on reconnaît encore le chapitre 2 de Guillaume dans ce qui constitue le chapitre 12 de Niccolò, De causis crisium et terminis creticorum dierum ac pronosticationibus eorundem. Il suffit de comparer les extraits suivants :

Oportet igitur perfectum medicum non tantum in physica sed etiam in astrologia esse peritum, ut videlicet non tantum per ea signa que sensui sunt subjecta cuiusmodi sunt urina, pulsus, sputum, habitus exterior et similia, verum etiam per causas principales agentes cuiusmodi sunt celestia corpora, previsione provida de effectu atque finali termino, pronosticari fit potens39.

Et :

Et sicut medicus per sua signa que sunt urina, sputum et habitus exterior et id genus de causa conicit et de effectu pronosticat, similiter astrologus per causam moventem previsione coniecturali effectum naturaliter antecedit40.

Contrairement donc à Geoffroy de Meaux qui réduisait à lessentiel lévocation de Dieu de même que la mention du nom de son principal inspirateur, Niccolò, craignant lhétérodoxie de celui quil cite à loisir, prend soin den appeler régulièrement à la volonté divine41.

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Louvrage dastrologie médicale achevé en 1431 par le Franciscain Jean Ganivet se proposait pour sa part de diriger les médecins dans leur pratique, et de permettre aux médecins astrologues, phisici astrologi, de pronostiquer, grâce à linfluence dominante du ciel, les possibilités de guérison ou au contraire la mort du patient42. Le traité fait place à des récits de cas, comme la consultation demandée le 7 août 1431 par un maître ès arts et docteur en médecine originaire de Bruxelles, « Heinricus Amici », ou lexemplum sur lequel sachève le traité de Guillaume lAnglais, présenté comme un exemplum ex alio factum et practicatum, cest-à-dire un exemplum se faisant passer pour un experimentum.

Le nom de Guillaume (assorti, comme dans un des manuscrits du De urina non visa dorigine anglaise43, de la qualification de professor medicine en lieu et place du traditionnel professione medicus) et le titre de son ouvrage apparaissent toutefois dans le carré astrologique lié à cette consultation que Ganivet reproduit ; mais il ne se contente pas de reprendre tel quel le texte du De urina non visa : il procède à un remaniement, pour donner un récit circonstancié et détaillé de ce cas, dans lequel il introduit à la fois des explications, des nuances prudentes, voire des modifications. Jean Ganivet laisse de côté par exemple la notion de pars epatis, « part du foie », une notion forgée par Guillaume à partir du concept astrologique traditionnel de « part44 » ; il tempère en outre mainte affirmation en en appelant prudemment à la volonté divine ; et surtout, il considère que le patient en question était, sinon une femme, du moins un homme de complexion ou de nature féminine45.

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Vérification faite, tant les prudentes références à la volonté divine46, lomission de la pars epatis ou les conjectures finales sur le sexe du patient paraissent provenir du Compendium medicinalis astrologie composé au siècle précédent par Niccolò da Paganica, quand bien même les voies ayant mené un auteur à lautre nous échappent. On peut en tout cas désormais ajouter un nom à la liste des imitateurs mendiants de Guillaume lAnglais en la personne de Ralph Hoby, un franciscain dHereford, qui, dans son Tractatus phisice astronomice ad magnam securitatem exercitii artis medicine composé en 1437 et encore inédit47, utilise et cite dûment (au milieu de nombreuse autres auctoritates48) son compatriote devenu marseillais.

Ce traité est connu à ce jour par deux témoins, les manuscrits de Londres, British Library, Harley 3542 et Wolfenbüttel 3549 (codex Guelph. 51. 9. Aug. 4), dans lesquels le nom de Guillaume lAnglais apparaît, mais selon des modalités différentes : dans le ms. Harley, son nom est indiqué dans les marges et dans celui de Wolfenbüttel après la rubrique dans une écriture plus grande. Selon les informations que ma aimablement fournies Linda Voigts, au fol. 108v du ms. Harley, le chapitre 15 du Tractatus, Quas partes humani corporis vendicant signa & planete, se présente ainsi : Wyllelmus Anglicus virtutes naturales hominis sic attribuntur planetis Venus gubernat virtutem appetitarum, avec, en marge, la notation : Willelmus Anglicus. Le même chapitre se présente au fol. 131v du manuscrit de Wolfenbüttel, avec, sous la rubrique, dans une écriture de plus grande taille, Willelmus Anglicus. Quant au chapitre 16 du Tractatus, Quas egritudines causant diverse planete in corpore humano, il présente au fol. 109 du manuscrit Harley 3542 lannotation en marge Anglicus, tandis quau fol. 131v du manuscrit de Wolfenbüttel, sous la rubrique et dans

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une textura plus grande et plus formelle, on lit Willelmus Anglicus. Dans tous les cas, lidentité de lauteur démarqué est donc dûment indiquée.

Penchons-nous pour finir sur la fortune du De urina non visa en français. Ce traité, en effet, néchappa pas au mouvement de traduction en langue vernaculaire qui affecta les textes scientifiques à partir du xiiie siècle, y compris les traités duroscopie ; il passa dans plusieurs langues, en allemand, en anglais et en français49, mais on se contentera ici, faute de place, de suivre la piste de sa fortune française.

Le De urina non visa figurait notamment en français aux folios 125r-131v du manuscrit de Turin parti en fumée. Cette traduction nous échappe malheureusement en grande partie, mais la description relativement précise et la transcription de Jules Camus ont sauvé son prologue et son explicit, qui savèrent des traductions fidèles des mêmes passages dans la version latine50.

Est-ce donc en version originale ou traduit que le De urina non visa fut connu de lauteur du Livre des passions astrologiques, un certain Nicolas Mon(n)el, originaire de Blaringhem, dans le diocèse de Thérouanne ? De Nicolas Monnel, on ne savait pas grand chose jusquici, si ce nest quil est sans doute aussi lauteur dune Géomancie transmise aux folios 1-79 du manuscrit de Londres, British Library, Sloane 3810. Or, une nouvelle pièce est à verser au dossier, qui permet de situer notre homme dans la société et dans un siècle. Nicolas Monel apparaît effectivement aussi dans des sources judiciaires ; dans le registre X2a35 des Archives nationales, notamment, il est « noble homme vivant noblement », possédant

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« belle terre et seigneurie » et victime de la « hayne » des médecins de Thérouanne qui lauraient dénoncé à lofficial, le taxant de « devineur » qui « use dart magique » ; et lavocat de lévêque de Thérouanne de renchérir en disant « que est question dart magique et dyabolique dont la connaissance appartient a leglise ». Pour sa défense, Monel affirma que ses livres « ne parlent que de médecine et astrologie » et pour récuser la justice ecclésiastique, se prétendit « pur lay et justiciable du roy », le 22 janvier 146951. Son intérêt conjoint pour la géomancie et lastrologie, illustration supplémentaire dun phénomène analysé par Jean-Patrice Boudet, à savoir que « lastrologie a entraîné dans son sillage des techniques divinatoires plus controversées, comme la géomancie52 », lui coûta donc cher dun point de vue social.

Mais en tout état de cause, le traité de Guillaume lAnglais a beaucoup influencé le Livre des passions astrologiques (alias Traité dastrologie judiciaire ou Traité de linfluence des astres sur les maladies et les médecines) de Nicolas Monel, aujourdhui conservé dans deux témoins du xve siècle, les manuscrits français 2074 (fol. 1-88v) et 1355 (fol. 73-179) de la BnF.

Cet ouvrage souvrant sur les mots « Ou nom de la tres glorieux et tres benoiste Sainte trinité de Paris » se compose de trois parties : la première, qualifiée dintroductoire, porte sur le foie, la couleur et la substance de lurine, ainsi que la nature des maladies, les deux dernières étant plus proprement astrologiques, et lensemble porte la marque de la lecture de Guillaume lAnglais dès lintroduction, comme on en jugera par ces mots liminaires tels quon les lit dans le manuscrit français 1355 de la BnF :

Adfin de plus vraiement et mieulx cognoistre et determiner des malladies et pour entendre a ches inconveniens par lintroduction de reverens maistres, est assavoir Ypocras, Abraham Evenazare et maistre Gallien de Marselle [sic], jay cest present livre composé et fait a mon entendement sur lart dastrologie, lequel mon temps a pratiquié ay este studien. Lequel est tres utile et proufitable a touls signeurs surgiens et a tout lestat de malladie, la fin de la nature, par quelle cause et le jour et le terme que passient sera allegié

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ou que il garira, et quand il empira ou mora moyennant que on sache leure et le jour que le malladie commencha. Et pour ce que toutes maladies qui viennent daventure comme chelles qui viennent par baptures ou nafvreures sont nommees passions, et ainssy que ly malade sont nommes passiens, jay nommé chest present livre Liber passionis (titre rubriqué).

Notre auteur figure aux cotés de deux auctoritates, Hippocrate pour la médecine et Abraham Ibn Ezra pour lastronomie, et il est intéressant de constater que Guillaume est lui aussi considéré comme un de ces révérends maîtres, et quil y est nommé Gallien (mais le copiste du Livre des passions astrologiques cite ensuite correctement « Gwillames » de Marseille aux côtés dHippocrate et Abraham ibn Ezra).

Quoi quil en soit, ce témoin présente de toute évidence une version abrégée du prologue, dont voici des extraits daprès lautre codex, le français 2074 de la BnF, probablement un manuscrit autographe :

Plusieurs maladies sourviennent a maintes creatures esquelles nest point toudis licite de regarder es orines pour plusieurs causes et raisons qui serroiyent longues a declarer et que aussi une maladie poet aucunefois advenir par telle constellation que par lorine on nen poet savoir la verité et nature dicelle, nonobstant que le practicke de lorine est moult belle et bonne et veritable et utille et necessaire au medichin pour du tout savoir la maladie, mais elle ne declare point si bien le jour le terme que le patient garira ou mourra come fait astrologie ; et pour cheste cause, necessaire chose serroit a medichin aveuc le practike de lorine savoir astrologie car je say veritablement que par linfluence des cors celestes sont gouvernés et conduits les cors terriens, et pour cheste raison (fol. 2r) dist Ypocras qui fu le plus excellent maistres en nature qui onques fu que cest un povre et avugle medichin qui ne scet point dastrologie, et ne se deveroit nuls mettre en ses mains qui sages seroit.

Où la référence à lAstrologia Hippocratis saute aux yeux, si lon ose cette expression… Ce texte qui défendait en lastrologie un précieux auxiliaire de la médecine fournissait entre autres, pour qui voulait défendre la possibilité de poser un diagnostic et un pronostic en labsence de signes visibles, une comparaison frappante entre le médecin ignorant lastrologie et un aveugle53, et comme lécrit Danielle Jacquart, ce parallèle

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eut un grand succès auprès des adeptes de lastrologie médicale à partir du moment où ce texte circula en latin54.

Monel poursuit en précisant à quel public il destine son ouvrage et quelle est sa pratique en la matière :

Jay chest present livre chy fait et composé a mon entendement sur lart dastrologie, lequel ai tout mon temps practiqué et estudiet. Et lequel est tres utile et tres pourfitable a tous surgiens et medicins car il demonstre veritablement tout lestat de la maladie et la fin et la nature et par quelle cause et le jour et terme que le patient sera alegiés ou que il en garira et quant il en empirra ou mourra moyennant que on saiche leure et jour que la maladie commencha. Et pour che que toutes maladies, tant chelles qui viennent par batures ou navrures sont nommees passions, je, clay (sic) Monnel dessusdit astrologien ay chest mien livre nommé liber (blanc) chest adire le Livre des passions astrologiques, lequel jay fait et composé en (blanc) traictiés dezquels le premier traitiet est des introductions pour savoir les maladies tant par les infortunacions des planetes comme par les interrogations et aultrement.

De fait, certains chapitres du premier traité sont directement inspirés ou traduits de Guillaume lAnglais : « le 18e chapitre contient le lieu du foie et de son significateur et ses vertus » ; « le 19e chapitre contient de la couleur et substanche de leurine » ; « le 20e chapitre contient pour interrogation dun malade » ; « le 21e chapitre contient se le malade garira de celle maladie » ; « le 22e chapitre contient se le malade morira » ; « le 23e chapitre contient pour savoir la nature de celle maladie » et « le 24e et derrain chapitre de ce premier traitiet contient si un absent est mallade ». On reconnaît ainsi au 23e chapitre, au milieu dautres exemples présentés par Nicolas Mon(n)el, et accompagné dune figura celi comme dans les témoins latins, le fameux exemplum sur lequel se conclut le De urina non visa et sa fatale conclusion : « et ainsi en avint il et estoi emoptoyque et tisicke ».

Récapitulons. On a donné un aperçu des imitations du De urina non visa selon trois observatoires radicalement différents et a priori étanches, la cour du roi de France, les milieux mendiants, et les traductions en français, et on a vu que la fidélité et laveu de la dette variaient dun texte à lautre.

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Les différents héritiers de Guillaume lAnglais ont-ils eu la même marge de manœuvre par rapport à leur modèle selon leur état, leur siècle, voire la langue quils employaient ? Et pour ceux qui ne le nomment pas, sagissait-il dun modèle non assumé, ou lauteur du traité leur était-il inconnu en toute bonne foi ? On a du mal à souscrire à cette dernière hypothèse, létude de la transmission des manuscrits montrant que le nom de Guillaume lAnglais est rarement omis. On serait plus volontiers tenté de dire quil y a deux cas de figure : dans le cas de Geoffroy de Meaux, médecin-astrologue de cour, une volonté de se poser en pionnier peut motiver les omissions ou les réticences par rapport à son modèle inavoué ; dans le cas des mendiants, en revanche, puisque se dessine une sorte de filière mendiante dans la postérité du De urina non visa55, un certain nombre décarts par rapport au modèle, dinterventions sur le texte sont motivés par la prudence et le souci dorthodoxie, particulièrement dans le cas de Niccolò da Paganica qui dut composer son Compendium peu de temps après la condamnation de Cecco dAscoli en 1327. Certes, le traité de Ganivet fut condamné par la Faculté de Théologie de lUniversité de Paris en 1494, mais on ne peut pour autant trancher et dire si, sous sa plume, les précautions sont de son cru ou sil ne fait que reprendre Niccolò.

Voilà, brièvement exposés, quelques aperçus sur les modalités selon lesquelles Guillaume lAnglais a été perçu et traité par certains de ses successeurs, les uns lassumant pleinement comme modèle et les autres prenant leurs distances avec lui, au nom de leur propre fierté dauteur ou du soupçon dhétérodoxie pouvant peser sur lastrologie médicale. Il nous faut aborder pour finir la conscience dun lien entre modèle et sectateurs qui semble commander jusquà lorganisation de certains manuscrits.

On a évoqué plus haut le manuscrit 1022 de la Bibliothèque Municipale dAvignon et feu le manuscrit de Turin, daprès ce quon pouvait en savoir ; on peut également prendre lexemple du manuscrit Londres, British Library, Sloane 1680, un codex copié à la fin du xve siècle56. Les différents textes qui se succèdent sont liés par un même fil rouge,

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lastrologie médicale, et on y trouve dans lordre lAmicus medicorum de Ganivet, le Totius astronomie judicialis compendium de Geoffroy de Meaux (fol. 42-45), puis son De stellis cometis (fol. 45v-46), et enfin les Anaglypharum Astronomicae facultatis libri tres priores composés vers 1456 par le dominicain Nicolas de Dacie (fol. 48-130). Mais il y a plus à dire de ce groupement de textes : le copiste, un certain Petrus Sweydenitz de Flesia, a en effet rassemblé dans un même recueil des écrits ayant non seulement un thème, mais aussi implicitement un même modèle en commun. La logique ayant présidé à leur réunion semble autant intellectuelle que pratique, et il nous semble quil y a encore beaucoup à observer des recueils nous ayant transmis le De urina non visa, en latin comme dans les langues vernaculaires comme lallemand ou langlais que nous avons délibérément laissées de côté dans cette étude : que le copiste soit identifié ou anonyme, unique ou non, les recueils composés par leurs soins sont souvent des complexes textuels signifiants, selon des stratégies qui restent beaucoup à analyser57. Le cas du De urina non visa confirme donc ce que lon sait ou devine de la lucidité de certains copistes, pleinement conscients du potentiel de certains rapprochements textuels.

Laurence Moulinier-Brogi

Université Lumière-Lyon 2 UMR 5648 (CIHAM)

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Annexe :
Guillaume lAnglais,
modèle de Niccolò da Paganica

De urina non visa, cap. 9, de exitu morbi et eius fine, p. 166 :

Et ut totius tractatus series pateat sub exemplo, erat 25 gradus Piscium ascendens, Venus 28 grad. Sagittarii, Sol in 8 grad. Capricorni, Luna 26 Capricorni, Mercurius 2 Aquarii, Mars 28 Geminorum, Saturnus 15 Scorpionis, Jupiter 26 Cancri, pars epatis 30 Scorpionis. Erat igitur hic Venus almubtaz super ascendens, Jupiter almubtaz super locum epatis. Dixi ergo in huiusmodi dispositione presenti flegma sanguineum habundare, et eius dispositionem presentem pre siccitate propter Martem corrumpentem almubtaz esse egram dixi. Et dixi similiter urinam in substantia esse spissam mediocriter propter Martis admixtionem cum ascendente et propter Leonem loco epatis, et quia Mars est corruptor et melius aspicit Arietem quam Scorpionem, dixi caliditatem et siccitatem capitis esse causam egritudinis. Et quia Mars optinet domum quartam que significat pectus et pulmonem et quicquid interius ledit pectora, dixi circa pulmonem pati, et quia Martis est significare rupturam venarum et sanguinis effusionem, dixi patientem spuere sanguinem. Inveni iterum Venerem ingredi radios Solis et comburi a Sole ; unde dixi quod moriretur ad duos menses et 8 dies, quod etiam accidit. Et ego eum cum aliis in cura habui, et erat emoptoicus et ptisicus.

Compendium medicinalis astrologiae, chapitre 11, p. 122-124 :

Et ut totius doctrine series pateat sub exemplo, questio preposita fuit dudum de statu cuiusdam egri, egritudinisque natura, causa, termino atque fine in hora qua talis tunc erat celi existencia et figura. In hac igitur figura cuius vigesimus quintus gradus piscium est afferens, venus eiusdem afferentis obtinet principatum, quamvis nam iuppiter principaliori domus dominio potiatur. Venus tamen exaltationis domina ipsum afferens perspicit efficacius et cum hoc eciam digniorem locum quam iuppiter occupat in figura. Et qui igitur venus, ut dictum est, almuten erat super afferens, rexponsum est personam de qua queritur esse mulierem aut saltem muliebris complexionis seu nature. Et quia iuppiter est almuten quinte domus que locus est epatis, dictum est in ipsius complexione seu dipositione presenti flegma sanguinem habundare et dispositionem ipius presentem

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esse egram propter martem corrumpentem almutez scilicet dominum afferentis ; et quia mars corruptor fortius aspicit ex domibus suis arietem quam scorpione, dixi caliditatem et siccitatem esse causam egritudinis. Et quia mars occupat domam quartam, que habet pectus atque pulmonem, dixi circa pulmonem pati. Et quia martis est significare venarum rupturas et sanguinis effusionem, dixi patientem spernere sanguinem. Inveni demum venerem afferentis scilicte dominum ingredi radios et comburi a sole, ab ipsa combustione distantem duobus gradibus sagittarii, signi videlicet communis et bircorporei, quod significat menses, et octo gradibus capricorni, signi mobilis, quod significat dies, dixi ergo quod morietur ad duso menses et dies octo si deus voluerit, quodquidem sic accidit punctualiter nutu dei cuius solius est langores sanare ac etiam mortuos suscitare et terrena corpora per celestia moderari ac inferiora per media dispensare.

1 Liste indicative de ses autres écrits dans mon mémoire dhabilitation, Autour de Guillaume lAnglais. Recherches sur luroscopie médiévale, Paris, École Pratique des Hautes Études, IVe section, 2008, vol. 2.

2 On me permettra de renvoyer à L. Moulinier-Brogi, Guillaume lAnglais, le frondeur de luroscopie médiévale (xiiie s.). Édition et traduction commentée du De urina non visa, Genève, Droz, 2011.

3 In quarto anno, primo legatur Quadripartitus [Ptolemei] totus quo lecto, liber legatur De urina non visa. Quo lecto, legatur dictio tertia Almagesti [Ptolemei]. Texte édité dans Statuti della Università e dei collegi dello studio bolognese, éd. C. Malagola, Bologne, Zanichelli, 1888, p. 276, et cité ici daprès J.-P. Boudet, Entre science et nigromance. Astrologie, divination et magie dans lOccident médiéval (xiie-xve siècle), Paris, Publications de la Sorbonne, 2006, p. 289. Pour un tableau synoptique des lectures préconisées dans le cadre de lenseignement de la médecine théorique à Bologne, voir D. Jacquart et F. Micheau, La médecine arabe et lOccident médiéval, Paris, Maisonneuve et Larose, 1990, p. 194-195, et P. F. Grendler, The Universities of the Italian Renaissance, Baltimore, Johns Hopkins University Press, 2004, p. 410-411.

4 De lurine non vue, trad. Moulinier-Brogi, Guillaume lAnglais, le frondeur de luroscopie médiévale, p. 171. Il faut bien sûr faire la part du topos dans le prologue et se rappeler combien de livres sont présentés comme la réponse à une requête damis ou de collègues ; songeons entre autres à Pietro dellArgellata et au début de sa Chirurgia : Rogaverunt me socii mei, ut secundum quod eis legerem (pour une vue densemble, voir L. Thorndike et P. Kibre, A Catalogue of Incipits of Medieval Scientific Writings in Latin, Cambridge (Mass.), The Medieval Academy of America, 1963, sous lentrée « rogasti », col. 1362-1363).

5 É. Littré, Dictionnaire de la langue française, Paris, Hachette, 1877, 4 vol., t. III, p. 583.

6 Et egregius Gwillielmus, nacione anglicus, professione medicus, ex sciencia merito astronomus, cité dans P. Lucentini et A. Sannino, « Recommendatio astronomiae : un anonimo trattato del secolo XV in difesa dellastrologia e della magia », Magic and the Classical Tradition, éd. Ch. Burnett, J. Kraye et W. F. Ryan, Londres-Turin, The Warburg Institute / Nino Aragno Editore, 2006, p. 177-198, ici p. 189.

7 Nomen auctoris utile est scitu ut maior auctoritas libro habeatur. Est ergo Constantinus Africanus auctor, quia ex multorum libris coadunatur (voir par exemple le ms. Paris, BnF, lat. 6887, fol. 2v).

8 B. Roux, « Lencyclopédiste à lœuvre : images de la compilation », Le recueil au Moyen Âge, Le Moyen Âge central, éd. Y. Foehr-Janssens et O. Collet, Turnhout, Brepols, 2010, p. 157-181.

9 Voir entre autres D. Jacquart, « Le sens donné par Constantin lAfricain à son œuvre : les chapitres introductifs en arabe et en latin », Constantine the African and Alî ibn al-Abas al-Magusî, The Pantegni and Related Texts, éd. Ch. Burnett et D. Jacquart, Leyde-New York-Cologne, Brill, 1994, p. 72-89, et tout récemment, Ch. Burnett, « The Legend of Constantine the African », The Medieval Legends of Philosophers and Scholars, Micrologus, Nature, Sciences and Medieval Societies, XXI, 2013, p. 277-294.

10 Voir les critiques dÉtienne dAntioche qui, au xiie siècle, reprit à nouveaux frais la traduction du Liber Pantegni sous le titre de Liber regalis dispositionis : Nomen etenim auctoris titulumque subtraxerat, seque qui interpres extiterat et inventorem libri posuit, et suo nomine titulavit (cité par Ch. Burnett, « Translating from Arabic into Latin in the Middle Ages : Theory, Practice, and Criticism », Éditer, traduire, interpréter : essais de méthodologie philosophique, éd. S. G. Lofts et P. W. Rosemann, Louvain-la-Neuve, Peeters / Éditions de lInstitut Supérieur de Philosophie, 1997, p. 55-78, ici p. 77).

11 Voir entre autres à ce sujet R. H. Rouse, « La diffusion en Occident au xiiisiècle des outils de travail facilitant laccès aux textes auctoritatifs », Revue des études islamiques, 44, 1966, p. 115-147, et Id., « Lévolution des attitudes envers lautorité écrite : le développement des instruments de travail au xiiie siècle », Culture et travail intellectuel dans lOccident médiéval. Colloques dhumanisme médiéval 1960-1980, Paris, Éditions du CNRS, 1981, p. 115-144.

12 Voir D. Nebbiai, « Loriginale et les originalia dans les bibliothèques médiévales », Auctor et auctoritas. Invention et conformisme dans lécriture médiévale, éd. M. Zimmermann, Paris, École des Chartes, 2001, p. 487-505.

13 Voir notamment A. S. Heneveld, Entre recueil et texte composite : penser lauteur au xiiie siècle dans le manuscrit BNF fr. 25566, thèse de doctorat, Genève, 1978. Sans oublier larticle important de G. Hasenohr, « Les recueils littéraires français du xiiie siècle : public et finalité », Archives et bibliothèques de Belgique, 60, 1999, p. 37-50.

14 Sur cet auteur, voir entre autres Boudet, Entre science et nigromance, p. 85-86.

15 Sur ce personnage, voir D. Jacquart, La médecine médiévale dans le cadre parisien, Paris, Fayard, 1998, p. 235 et 461-462, et Ead., « Médecine et astrologie à Paris dans la première moitié du xive siècle », Filosofia, scienza e astrologia nel Trecento europeo, éd. G. Federici Vescovini et F. Barocelli, Padoue, Il Poligrafo, 1992, p. 121-134.

16 Ms. Londres, British Library, Sloane 1680, fol. 42r-45v : Et nota quod in istis constitit totum secretum iudiciorum astronomie, et hoc totum vobis exponam sensibiliter in legendo et tunc poteritis habere causam dubitandi et querendi et etiam respondendi.

17 Sur la réponse de la Faculté à lépidémie, voir en particulier Jacquart, La médecine médiévale dans le cadre parisien, p. 232-235.

18 Ms. Oxford, Bodleian Library, Digby 176, fol. 26r-29r.

19 Voir le ms. Avignon, B.M., 1022, fol. 203v.

20 Ibid. : [T]otius astronomie judicialis compendium ex omnibus libris actorum collectum melius quam potui compilare per quod appetitus noster erit Dei gratia plenarie satiatus.

21 Ibid., fol. 203v : Ista autem signa 12 regunt 4 elementa, 4 humores, 4 complexiones et omnia ex eis constituta, unde dico quod illa signa que fortius influunt in revolutionibus annorum mundi et in nativitatibus puerorum et in interrogationibus infirmorum fortius imprimunt suas qualitates quam ea que debilius.

22 Ibid. : Unde dico quod si signum fuerit calidum et terminus calidus, augmentabitur eius calor, sed si terminus est frigidus, tunc mitigabitur illa caliditas.

23 Ibid., fol. 204r : Et omnia ista que iam dixi et que aduc dicam velis exponam sensibiliter in legendo. Voir aussi fol. 204v : Et licet in istis verbis consistat scientia valde grandis, dico quod sensibilius videbis in legendo, quia exponam quicquid fuerit exponendum.

24 Ibid. : Dico tamen quod sol in temporum mutationibus optinet principatum ou modo dico quod quicumque ex planetis fuerit dominus alicuius, istarum domorum accidentalium ille erit dominus accidentalis illorum membrorum et illarum egritudinum que significantur (?) per illam domum.

25 Voir Guillaume lAnglais, De urina non visa, cap. 5, p. 151-152.

26 Ms. Avignon, B.M., 1022, fol. 203v-204r, par exemple : 5a pars celi est spera martis, sexta pars celi est spera solis, 7a pars celi est spera veneris, 8a pars celi est spera mercurii, nona pars celi et ultima est spera lune.

27 Voir G. Federici Vescovini, « I programmi degli insegnamenti del collegio di medicina, filosofia e astrologia, dello statuto dell’Università di Bologna del 1405 », Roma, magistra mundi. Itineraria culturae medievalis, Mélanges offerts au Père L. E. Boyle pour son 75e anniversaire, éd. J. Hamesse, Louvain-la-Neuve, FIDEM, 1998, p. 193-223, ici p. 208.

28 Ms. Avignon, B.M., 1022, fol. 204v : Si volueris ad infirmos applicare, sic est procedendum.

29 Par exemple fol. 205v : Et si volueris eligere horam ad capiendum medicamina ad dolorem ventris.

30 Comparer les passages édités par L. Thorndike, A History of Magic and Experimental Science During the First Thirteen Centuries of our Era, New York, Columbia University Press, 1923-1958, 8 vol., II, p. 292, et Guillaume lAnglais, De urina non visa, cap. 7, p. 167 : Virtutes naturales hominis sic planetis attribuntur, ut Venus gubernat virtutem appetivam, Saturnus retentivam, Jovis digestivam et immutativam, Luna expulsivam gubernat, ou Thorndike, A History, p. 293, et De urina non visa, cap. 3, p. 155-156 : Et nota quod dux orientalis precipue in gradibus azemene signat egritudines cronicas ; orientalis in gradibus lucidis recentes et manifestas nunciat.

31 Ms. Avignon, B.M., 1022, fol. 29v-32v.

32 « Jugement dastronomie sur maladies et sur orines. Compendium de toute astronomie judiciable cueillit de tous les livres des aucteurs, le mieulx que je ai peut compiler » (titre cité par J. Camus, « Un manuscrit namurois du xve siècle », Revue des langues romanes, 4e s., 8, 1895, p. 27-43, ici p. 31). Comparer avec lincipit fol. 203v dans le ms. Avignon, B.M., 1022 : Totius astronomie judicialis compendium ex omnibus libris actorum collectum melius quam potui compilare.

33 Voir par exemple la table des matières de ce Compendium reproduite par Thorndike, A History of Magic, III, p. 698, et surtout Nicolaus de Paganica, Compendium medicinalis astrologiae, éd. G. DellAnna, Galatina, Congedo Editore, 1990.

34 Nicolaus de Paganica, Compendium medicinalis astrologiae, p. 77 : Constat secundum omnes philosophos ac etiam doctores catholicos.

35 Ibid., p. 77 : Unde et doctor venerabilis sanctus Thomas de Aquino tercio libro contra gentiles dicit expresse quod homo secundum corpus ordinatur et subicitur sub corporibus celestibus.

36 Ibid., p. 121 : Quamquam autem non sit nostrum scire tempora vel momenta que Pater posuit in sua potestate.

37 Ibid., p. 124 : Dixi ergo quod morietur ad duos menses et dies octo si Deus voluerit, quodquidem sic accidit punctualiter nutu Dei cuius solius est langores sanare ac etiam mortuos suscitare.

38 Explications largement fondées, selon G. dellAnna, sur les Amphorismi Almansoris, chapitre 41, Cum significator erit in ascendens et Xm erunt dies et hore, cum vero fuerit inter 10 et 7 erunt septimane et menses, inter 7 et 4 erunt anni ; voir Nicolaus de Paganica, Compendium medicinalis astrologiae, p. 129.

39 Nicolaus de Paganica, Compendium medicinalis astrologiae, p. 131.

40 De urina non visa, cap. 5, p. 152.

41 On nous permettra de renvoyer à L. Moulinier-Brogi, « Un aspect particulier de la médecine des religieux après le xiie siècle : lattrait pour lastrologie médicale », Médecine et religion : compétitions, collaborations, conflits ?(xiie-xxe siècles), études réunies par L. Berlivet, S. Cabibbo, M. Pia Donato, R. Michetti et M. Nicoud, Rome, École française de Rome, 2012, p. 65-92.

42 Jean Ganivet, Amicus medicorum, Prologus, Lyon, J. Treschel, 1496, fol. 2r : Incipit quidam brevis tractatus ad dirigendum phisicos in practica medicine, et secundo compositus est presens tractatus ut possint ipsi phisici astrologi pronosticare pro egro mortem vel sanitatem possibilem per influentiam celi dominantem.

43 Ms. Cambridge, Trinity College Library, O. 8. 31 (1406), xve siècle, fol. 173-176 (176-179) : Incipit Liber urinarum mag. Guilelmi astronomici Anglici civis Massiliensis medicine professoris.

44 La part peut être définie comme « un point virtuel que lon calcule en ajoutant à la longitude dun point important du ciel lécart angulaire séparant deux planètes ou deux autres points ; la plus importante est la part de fortune, qui représente la chance du sujet, et dont la position est mentionnée dans la plupart des horoscopes de naissance » : voir Le Recueil des plus celebres astrologues de Simon de Phares, éd. J.-P. Boudet, Paris, Honoré Champion, 1997-1999, 2 vols, t. II, p. 32 et p. 382).

45 Jean Ganivet, Amicus medicorum, fol. 5v : Responsum est personam de qua quesitum est mulierem esse vel saltem muliebris complexionis seu nature.

46 Nicolaus de Paganica, Compendium medicinalis astrologiae, p. 124 : Dixi ergo quod morietur ad duos menses et dies octo si deus voluerit, quodquidem sic accidit punctualiter.

47 Voir le récent article de L. Ehrsam Voigts, que je remercie encore chaudement : « The Medical Astrology of Ralph Hoby, Fifteenth-Century Franciscan », The Friars in Medieval Britain, éd. N. Rogers, Donington, Shaun Tyas, 2010, p. 152-68. Voir aussi Ead., « Wolfenbüttel HAB Cod. Guelf. 51. 9. Aug. 4º and BL, Harley MS 3542 : Complementary Witnesses to Ralph Hobys 1437 Treatise on Astronomical Medicine », The Electronic British Library Journal 2008.

48 Notamment Adomar, Albumasar, Al Kindi, Aristote, Pseudo-Aristote, Roger Bacon, Dorotheus, Gergis, Grosseteste, Haly Abenragel, Henry (sans doute de Huntingdon), Ptolémée et le Centiloquium ; voir la description du ms. Harley sur le catalogue en ligne de la British Library.

49 Voir linventaire des manuscrits répertoriés à ce jour dans Moulinier-Brogi, Guillaume lAnglais, le frondeur, p. 185-245.

50 Camus, « Un manuscrit namurois du xve siècle », p. 31-32 : « Le traictié Guilleame Lenglois, De lorine », Inc. : « Affin que je ne soie redargué pour cause dignorance, ou pour cause denvie, mon germain cousin, qui aulcunes fois a estudiiet avec moy a Marseille, je baille a cheulx qui apres moy vendront, pour la grace de toy et des aultres estudians appetens ceste science, ung trattié, lequel tu avoies tant de fois désiré, ainsi come en perpetuele memore de moy, lequel ne fut edit ne trouvé especialment daulcun anchiens ; ou quel, selonc la force des estoilles et des signes, le jugement de lorine non veue, avec la nature de lenfermeté et lissude de la maladie, est contenu. Pour la quele cause, je, Guilleame de la nacion dAngleterre, medechin par profession, pour raison de la science de medechine astronomien, maintenant citoyen de la dicte cité de Marselle, ai jugié à imposer mon nom ad ce present traictiet, et affin que lordonnance des choses viegne a lencontre, jai presigné les capitles de ce present livret : Le premier capitle, de la quadruple voie de la speculacion dastronomie. Le seconc, de lascension des effectz des souveraines influences en cascune des choses basses []. »

51 Cité par Cl. Gauvard, « La violence des usagers contre les sorciers daprès la lettre de rémission pour Jean Lutier à la fin du xve siècle », Entre France et Italie. Mélanges offerts à Pierrette Paravy, Vitalité et rayonnement dune rencontre, éd. L. Ciavialdini Rivière, A. Lemonde-Santamaria et I. Taddei, Grenoble, Presses universitaires de Grenoble, 2009, p. 291-299, n. 22, ici p. 296.

52 Voir Boudet, Entre science et nigromance, p. 340.

53 Non est medicus qui astronomiam ignorat, nemo quidem in manus illius se committere debet, quia imperfectus est ut cecus, et ideo non merito talis medicus reputatur, cité par D. Jacquart, « Lopuscule sur le jugement des urines attribué à Hermès », Hermetism from Late Antiquity to Humanism. La tradizione ermetica dal mondo tardo-antico allumanesimo, Atti del Convegno internazionale, Napoli, 20-24 novembre 2001, éd. P. Lucentini, I. Parri et V. Perrone Compagni, Turnhout, Brepols, 2003, p. 461-475, ici p. 478.

54 Jacquart, « Lopuscule sur le jugement des urines attribué à Hermès », p. 471.

55 Voir N. Weill-Parot, Les « images astrologiques » au Moyen Âge et à la Renaissance. Spéculations intellectuelles et pratiques magiques (xiie-xve siècle), Paris, Honoré Champion, 2002, p. 447.

56 Scriptus per me Petrum Sweydenitz de Flesia dyocesis Wratislaviensis, anno Domini Millesimo quadragintesimo septuagesimo sexto.

57 Sur ce champ de recherches, voir notamment X. Leroux (dir.), La mise en recueil des textes médiévaux, Babel, 16, 2007, et tout récemment le collectif déjà cité Le recueil au Moyen Âge. Le Moyen Âge central.