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Classiques Garnier

Comptes rendus

  • Type de publication : Article de revue
  • Revue : Cahiers de lexicologie
    2011 – 2, n° 99
    . Lexique et philosophie
  • Auteurs : Balibar-Mrabti (Antoinette), Komur-Thilloy (Greta), Grezka (Aude)
  • Pages : 265 à 274
  • Revue : Cahiers de lexicologie
  • Thème CLIL : 3147 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Linguistique, Sciences du langage
  • EAN : 9782812441462
  • ISBN : 978-2-8124-4146-2
  • ISSN : 2262-0346
  • DOI : 10.15122/isbn.978-2-8124-4146-2.p.0265
  • Éditeur : Classiques Garnier
  • Mise en ligne : 05/01/2012
  • Périodicité : Semestrielle
  • Langue : Français
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COMPTES RENDUS




AN5COMBRE Jean-Claude et MEJRI 5a1ah (dir.), Le figement linguistique la parole entravée, Paris, Honoré Champion, 2011, 484 p. (coll. « LEXICA, Mots et Dictionnaires  »; 18) — ISBN 978-2-7453-2187-9.
C'est une réunion de textes particulièrement utile à consulter qui vient d'être mise à notre disposition avec la parution au premier semestre 2011 de l'ouvrage collectif dirigé et présenté par Jean-Claude Anscombre et Salah Mejri, Le figement linguistique  : la parole entravée. Les linguistes savent que le phénomène du figement est une évidence dans les conditions de la parole la plus ordinaire mais qu'il a en même temps pour contrepartie d'être particulièrement ardu à caractériser scientifiquement en tant que « parole entravée  ». Pour en « explorer les multiples aspects, pratiques et théoriques, en diachronie et en synchro- nie  » , un large éventail de spécialistes (vingt-six pour six pays et dix-sept universités) est mis à contribution.
Soit, dans l'ordre donné par l'ouvrage, pour les aspects théoriques  : J.-C. Anscombre, I. Mel'cuk, S. Mejri ; pour les aspects sémantiques  : L. Perrin, G. Gross et T. Massoussi, I. Tamba, M. Garcia-Page, S. Palma, B. Bosredon, C. Foullioux, J. R. Klein et B. Lamiroy; pour les aspects syntaxiques  : P. Mogorr6n Huerta., P : A. Buvet, E. T. Montoro Del Arco,
A. Balibar-Mrabti ; pour la dimension diachronique  : P. Blumenthal, J.-M. Fournier,
B. Lépinette ;pour le traitement lexicographique  : J. Pruvost, A. Polguère ;pour les dimen- sions appliquées  : X. Blanco, F. Issac, C. Vaguer; pour les références bibliographiques regroupées et classées et précédant les index  : S. Ben Hariz Ouenniche.
Regardons en parallèle Le figement linguistique et un ouvrage antérieur qu'il est appelé à remplacer, coordonné par Michel Martius-Baltar, La locution entre langue et usage (1994-1997, ENS éditions Fontenay-St Cloud). Les questions traitées se recoupent, l'entreprise de Martius-Baltar reposant elle-même sur une vaste récollection d'articles à visée exhaustive. Le rapprochement des deux publications est révélateur. L'évolution des recherches, sur un sujet d'études rémanent, voire classique, transparaît immédiatement. À l'évidence, elles ont gagné en précision, en ampleur, en rigueur. Trois constats permettront d'en préciser les raisons essentielles.
Premier constat. La grammaire comparée est plus que jamais une nécessité débor- dant largement les applications en didactique des langues. Autant le dialogue entre le français et l'anglais a pu nourrir la théorie grammaticale dans les années 1970-1980, autour
Cah. Lexicol. 99, 2011-2, p. 265-274
266 de la grammaire générative et transformationnelle, àpartir de l'étude des phrases dites « libres  », autant ici ce sont les va-et-vient entre l'espagnol et le français qui sont les plus porteurs. Nous sommes amenés à réfléchir une fois de plus sur la fonction des groupes de langues et leur impact pour la construction des données d'observation et leur ordonnance- ment dans des mises en forme théoriques. Ce point de vue, qu'il est habituel de mettre en avant quand on fait l'histoire des idées linguistiques et qu'on cerne le rôle joué par le latin dans la tradition grammaticale, s'enrichit ici sur un terrain encore à explorer.
Deuxième constat Les données du figement mettent enjeu des associations conven- tionnelles de mots peu prévisibles. Elles nécessitent des listages. Ces listages, dès lors qu'ils sont pris en taille dite « réelle  », se traitent à l'échelle des lexicographes. La confection de classifications, ordonnant de très grands nombres d'entrées lexicales, nécessite beaucoup de temps et de moyens. Ces contraintes expliquent directement les progressions dans les résultats que Le figement linguistique soumet maintenant à notre examen critique.
Troisième constat. Nous avons assisté ces dernières années à une spectaculaire montée en puissance des dictionnaires de toute forme et de tout contenu. La lecture des contributions présentées ici est la démonstration du rôle décisif joué par les recherches portant sur le figement. Celles-ci ont très exactement initié une dynamique maintenant incontournable, centrée sur l'abolition des frontières disciplinaires entre syntaxe et lexique, autour des grammaires électroniques dites « lexicalisées  ». Devenues interchangeables avec les dictionnaires électroniques, ces grammaires d'aujourd'hui n'ont plus aucune différence de contenus de connaissances, pour une langue donnée, avec leurs dictionnaires con espon- dants. Quand elles traitent du figement, elles se donnent à voir comme une simple variante de présentation.
Le figement linguistique est un « ouvrage de consultation  », à lire auteur par auteur. Écrits par des linguistes qui font le point sur des résultats émanant de laboratoires connus, qu'ils ont souvent dirigés eux-mêmes et sur plusieurs décennies de recherches coordonnées, un grand nombre des textes réunis ici dépassent les limites habituelles d'une réflexion ponctuelle et, dans leur domaine propre, font autorité et référence. Insistons sur le fait qu'ils reflètent des travaux d'équipe. Conduits à maturité dans des cheminements exigeants, ils sont riches de percées originales, notamment sur les questions de sémantique auxquelles l'avancée des caractérisations morphosyntaxiques (et celles des phénomènes rythmiques pour les textes parémiques) donne une assise de plus en plus solide.
On trouvera en fin de volume une précieuse « Bibliographie récapitulative et raison- née du figement  ». Développée sur trente-huit pages, elle vient étayer les divisions en chapitres que complètent deux index pour les mots et les concepts, les noms propres et les titres. Avec cette palette de moyens, des rapprochements multiples naissent du libre enchaînement entre contributions à lire et à relire. Ces virtualités de lecture, qui sont un atout pour le futur des recherches, sont le propre, on le sait, de ce genre de livres, sérieux et élégants dans leurs synthèses prudentes, dont relève à l'évidence Le figement linguistique.
Antoinette BALIBAR-MRABTI
Modyco (UMR 7114)
abalibarmrabti@yahoo.fr

267 DUTKA-MANKOW5KA Anna et GIERMAK-ZIELIN5KA Teresa (dir.), Des mots et du texte aux conceptions de la description linguistique, Warszawa (Pologne), Wydawnictwa Uniwersytetu Warszawskiego, 2010. — ISBN 978-83-
235-0691-1.
La thématique du présent ouvrage, fort bien représentée par le titre Des mots et du texte aux conceptions de la description linguistique, couvre un vaste champ des investiga- tions actuelles au sein des sciences du langage en Europe. En déclinant, d'une façon détail- lée et approfondie, des points de vue théoriques variés ainsi que leurs applications pratiques engagées actuellement non seulement en France, mais aussi en Pologne, en République Tchèque ou en Hongrie, le volume rassemble des réflexions qui font débat sur la langue dans sa conception générale (langue comprise comme système de signes), ainsi que sur son rapport avec les langues artificielles. Plus particulièrement, le volume fait apparaître des questions qui se situent à l'intersection de plusieurs domaines ayant trait aux notions de mot, texte ou conception.
Quarante-neuf contributions rédigées en langue française, soumises par des chercheurs de différents pays, témoignent d'une grande diversité dans les approches propo- sées. Les auteurs y abordent des questions relevant du lexique dans ses relations avec la phonologie, la morphologie, la syntaxe, la sémantique et le discours. L'ouverture au traitement informatique de la langue mérite d'être soulignée. La diversité des contribu- tions réunies dans ce volume de 482 pages trouve une réelle cohérence à travers toutes les questions soulevées par le titre.
Les limites imposées au compte rendu ne nous permettent pas de faire un inventaire complet du contenu de l'ouvrage. Nous nous bornerons, par conséquent, à proposer une présentation générale des contributions —classées dans le volume selon l'ordre alphabétique des auteurs — en les inscrivant, pour faciliter la lecture, dans les axes thématiques que nous avons dégagés.
Après le rappel par Alain Kihm de l'origine de la morphologie dans des langues naturelles, Ildik6 Szilàgyi illustre l'importance de certains critères linguistiques, et tout particulièrement le rôle des données phonologiques et morphologiques dans l'étude de la versification française. À travers des exemples tirés de poèmes modernes, il montre que l'analyse métrique n'exclut pas la prise en considération des effets de sens.
Quelques autres contributions relevant d'une approche morphologique mettent l'accent sur les nouveaux outils d'analyse. Elzbieta Jamrozik soulève les questions de la morphologie des formations récentes en italien dans le vocabulaire des techniques. Malgorzata Izert retrace l'origine des débats actuels en morphologie dérivationnelle du français en insistant sur la prise en compte de la connexion entre la morphologie dériva- tionnelle et le traitement automatique des langues. Wanda Fijalkowska entreprend une étude innovatrice sur la formation des mots. Partant de méthodes d'analyse appliquées à des verbes dérivés par préfixation en polonais, elle examine les verbes formés par échange de préfixes en français. Soulignant les rapports constructionnels entre des lexèmes tels que se maquiller, se démaquiller ainsi que les processus observés dans la substitution des préfixes, elle propose d'appliquer ce modèle dérivationnel aux dérivés potentiels. L'existence de paires dénommant des actions nouvelles (se déconnecter, se reconnecter), la facilité de créer des dérivés (recroiser, se remaquiller), leur transparence sémantique ainsi que leur fréquence sur Internet rendent intéressantes ces nouvelles perspectives de recherche.
268 Zlatka Guenchéva étudie les morphèmes dits `visuels' dans le système grammatical de quelques langues amérindiennes. En prolongeant les considérations sur la catégorie grammaticale d'evidentiality, l'auteure note que pour ces morphèmes qui ont pour origine des morphèmes déictiques et aspecto-temporels, l'étiquette `visuel' masque souvent des phénomènes difficiles à interpréter en absence de contexte plus précis. La notion de visuel se présente comme une trace explicite de l'implication de l'énonciateur dans ce qui est exprimé par la relation prédicative.
L'analyse des marqueurs aspecto-temporels est essentielle quand on s'intéresse à des notions telles que celles de mot ou de texte. En montrant que la notion d'aspect s'applique aussi à des textes en ancien français, l'approche d'Eryk Stachurski offre une vision nouvelle sur ce point linguistique et invite à une relecture des récits en ancien et moyen français. Malgorzata Nowakowska débat de ce que les linguistes appellent en français contemporain «  la valeur d'antériorité  » du passé composé. Après avoir mené de fines analyses démontrant que le terme d'antériorité prête à une double confusion, avec la valeur d'accompli et avec celle du passé, l'auteure propose de l'abandonner comme non constant et non opérationnel dans l'analyse du passé composé. L'antériorité désignant seulement une relation temporelle ne peut pas donner une juste interprétation du passé composé qui relève avant tout, toujours selon l'auteure, d'une analyse aspectuelle.
Faisant une analyse comparative des verbes supports en français et en hongrois, Màrton Nàray-Szab6 démontre qu'ils sont porteurs, non seulement d'informations aspec- tuelles, mais aussi d'informations morphologiques, sémantiques et stylistiques, compa- rables àcelles véhiculées par des verbes pleins.
Les questions soulevées par les notions de mot, de texte ou de conception sont étroi- tement liées à l'analyse sémantique abordée ici aussi bien à propos des langues naturelles que des langues artificielles. Nous noterons la contribution de Krzysztof Bogacki, qui présente une analyse détaillée des traits sémantiques dans les langues naturelles standard pour observer le devenir de ces traits lorsque l'on passe aux langues contrôlées.
Ewa Gwiazdecka examine la façon dont des recherches théoriques en sémantique des verbes de mouvement peuvent contribuer au traitement automatique des expressions spatiales. Dans une perspective spatiale et temporelle, Denitsa Daynovska s'intéresse, elle, aux représentations topologiques pour la description de prépositions comme dans en français. Bien que la méthodologie adoptée ne concerne que des significations d'une même unité lexicale (dans) au sein d'une même langue (le français), elle se prête aussi à des études contrastives. Le besoin de comparer des langues afin d'étudier le sens, l'emploi et le fonctionnement du lexique traverse de nombreuses contributions. On peut noter celle d'Anna Bochnakowa, analysant quelques adjectifs en français et en polonais, et plus particu- lièrement le sens et l'emploi des adjectifs de couleur (gris et de szary), ou encore les obser- vations de Paulina Mazurkiewicz sur la terminologie française et polonaise du mariage.
L'intérêt de recourir à plusieurs langues est également évoqué par Klara Ladji et Jean-Pierre Desclés dans le cas de la polysémie verbale  : « Décrire une langue fait voir des choses pour d'autres.  »
Au-delà des dimensions microsémantiques, qui concernent les unités lexicales, Katarzyna Wolowska s'intéresse à la dimension macrosémantique, qui porte sur l'inter- prétationsémantique des textes. Loin de les opposer, l'auteure évoque le rapport réciproque de ces deux dimensions qui s'interpénètrent dans un processus actif de construction et d'interprétation du sens.
269 La « syntaxe dynamique  »décrite par Lucien Tesnière se trouve réinvestie par les structuralistes contemporains s'intéressant au contenu. C'est ce que démontrent Izabella Thomas etAleksandra Dziadkiewicz en présentant la relation entre la syntaxe et la séman- tique chez Tesnière et son reflet dans les écrits d'Igor Mel'cuk.
L'usage de la langue, lieu privilégié de la manifestation de la fonction de médiation du code linguistique, ne peut être abordé par la seule démarche structuro-linguistique et nécessite d'autres approches. Tel, par exemple, le modèle genevois de l'étude de la référence et de l'ordre temporels. Qualifié de procédural et pragmatique, il intègre, dans le traitement interprétatif, des expressions linguistiques comme les temps verbaux et les connecteurs ainsi que des croyances à propos du monde qui entrent enjeu dans la détermination de la référence temporelle. Il s'appuie sur la distinction théorique des usages descriptifs et inter- prétatifs faisant intervenir la notion de point de vue (construit par le destinataire) Joanna Gôrnikiewicz décrit ce modèle procédural afin de souligner qu'il enrichit des approches référentielles des temps verbaux en rendant compte de la multiplicité d'usages temporels.
Les travaux sur les corpus ont, eux aussi, fortement changé nos représentations de la langue. Ils ont en particulier fait apparaître que la séparation entre syntaxe et lexique devait être revue. Mylène Blasco-Dulbecco et Paul Cappeau insistent sur l'intérêt de travailler sur des corpus oraux, qui permettent de saisir la diversité des usages que révèlent les genres.
La prise en compte des genres de textes et de discours nécessite la recherche d'une approche dynamique véhiculée par la fonction subjective, propriété fondamentale de la communication langagière. « Jamais les formes logiques du langage ne sont au premier plan; affectivité et expression, voilà. ce qui domine'.  »Cette fonction subjective est au coeur de la linguistique de l'énonciation. En proposant un retour sur des courants énonciatifs, les uns plus pragmatiques, les autres plus métalinguistiques, Jean-Pierre Desclés présente son programme de recherche qui consiste à « construire un métalangage formel capable de prendre en compte les opérations énonciatives et les autres opérations constitutives des expressions linguistiques des langues  ».
Anna Dolata-Zar6d s'inscrit dans la réflexion sur l'énonciation afin d'observer la façon dont la linguistique peut éclairer la nature d'un discours donné. Prenant l'exemple du discours juridique, l'auteure analyse certaines de ses marques énonciatives, comme des adverbes et des connecteurs arguxnentatifs, et constate que la caractérisation d'un discours ne relève pas tant du vocabulaire que de l'emploi et de l'agencement qui en est fait. Istvàn Csüry revient sur la notion même de connecteur pour rappeler que, dans les termes d'O. Ducrot, le connecteur est un mot du discours. Bien que la notion s'applique à des mots, c'est-à-dire à des unités lexicales, elle désigne aussi une fonction dans la structure du texte sur le plan de la connexité, de la cohésion et de la cohérence. En se situant dans le cadre théorique relevant de la textologie sémiotique, discipline qui semble accueillir des recherches menées dans l'intersection de plusieurs domaines de la linguistique, l'auteur rejoint la proposition de Dolata-Zar6d dans la mesure où il montre que les connecteurs participent au sens et à l'organisation du discours. Mais qu'entend-t-on par texte et par discours ? À la suite de D. Slatka2 et de J.-M. Adami, on admet que le texte et le discours sont complémentaires. S'intéresser au texte, c'est s'intéresser à ce qui fait qu'un discours
1 Charles Bally, Linguistique générale et linguistique française, Paris, Francke Berne, 1932, 4e édition revue et corrigée 1965, p. 22.
2 Denis Slatka, « L'ordre du texte  » ,Études de Linguistique Appliquée, 19, p. 30-42.
3 Jean-Michel Adam, Éléments de linguistique textuelle, Liège, Madraga, 1990.
270 est autre chose qu'une suite d'énoncés et à la manière dont ces énoncés sont agencés et forment une suite organisée et cohérente. Le texte est une composante du discours dont il constitue l'aspect configurationnel.
Halina Grzmil-Tylutki revient sur la typologie des discours. Peut-on parler du discours politique, du discours nationaliste, du discours persuasif, du discours féministe ? Ces discours relèvent-ils de la même typologie ? Face à la confusion terminologique, et pour éviter des « raccourcis synecdochiques  », l'auteure revoit la typologie discursive existante et propose une typologie s'appuyant sur des relations préfixales mettant en valeur les relations entre les discours Ainsi évoque-t-elle un archi-discours (qui constitue une source transcendante par rapport à tous les discours qui en dérivent), un inter-discours (qui exprime une relation particulière entre les discours co-présents dans une unité de commu- nication, telle que l'introduction du discours scientifique dans le discours éducationnel), un intea-discours (cet afl'ixe permet de prêter attention au discours lui-même  :positionnement, statut de partenaires, temps, lieu, etc.), undia-discours (par référence à la parole configurée en stratégie discursive, par exemple la persuasion dans le discours politique, médiatique), un méta-discours (discours sur le discours, il est autonome et en même temps il devient l'objet d'un autre discours qui le présente, le commente, l'explique).
Ainsi, le discours appelé traditionnellement médiatique qu'analysent Elzbieta Pachocinska et Elzbieta Biardzka dans leurs contributions respectives relève, d'après la typologie de Grzmil-Tylutki, du méta-discours. En observant le dit, ou plutôt le non-dit, dans la presse écrite, Elzbieta Pachocinska arrive à une constatation très précise  : le sens explicite est rejeté au second plan par le journaliste afin de laisser la place au plus perti- nent, c'est-à-dire à ce qui n'est pas dit. Quant au dire dans la presse, il constitue l'objet de quelques autres contributions, parmi lesquelles celle d'Elzbieta Biardzka. En présentant une analyse rigoureuse des didascalies qui accompagnent les citations, l'auteure montre la façon dont les paroles du journaliste précisent le contexte de production des paroles d'origine et orientent l'interprétation du lecteur.
Le dire est également abordé dans les textes littéraires. Ainsi, Joanna Jakubowska- Cichon apporte-t-elle quelques éclairages sur le discours citant du narrateur dans des romans français Anna. Dutka-Mankowska, analysant un corpus de six romans français et leur traduc- tion en polonais, se place, elle, dans une perspective comparatiste. Elle présente une analyse éclairante des verbes introducteurs dans le discours rapporté direct dans les deux langues. Comparant cette fois-ci non pas deux mais quatre langues — le polonais, le français, le tchèque, l'espagnol — Natalia Paprocka, Regina Solovà et Justyna Wesola examinent les tendances observées dans les pratiques textuelles mises en oeuvre dans les recettes de cuisine.
L'ouvrage donne une large place aux recherches pointues et régulières dans le domaine de la traduction et de ses théories.
Slavomira Jezkovà analyse l'héritage des principaux courants linguistiques du xx° siècle et montre l'apport de l'École linguistique de Prague non seulement dans des domaines bien connus de la linguistique ou de l'enseignement des langues étrangères mais aussi dans le domaine de la traductologie. C'est également d'un point de vue théorique que se place Teresa Giermak-Zielinska. Après avoir passé en revue les approches de la traduction inspirées par des concepts qui relèvent de la linguistique et de la pragmatique et celles qui s'inscrivent dans une perspective culturelle, elle exprime son scepticisme en ce qui concerne la possibilité de fonder une théorie globale, universelle de la traduction et soutient une théorie ciblée qui devrait être reliée à un genre textuel précis et fournir des
271 stratégies conformes aux connaissances des lecteurs à un moment et en un lieu donnés. L'importance du genre textuel est également évoquée par Barbara Walkiewicz, qui s'inté- resse à la traduction des textes de spécialité.
D'autres auteurs cernent plus spécifiquement les enjeux d'une analyse linguistique de la traduction. Ainsi, Françoise Doro-Mégy analyse la modalisation en français et en anglais, Ewa Ciszewska s'intéresse aux équivalents polonais de la périphrase française devoir +infinitif et Agnieszka Kulczynska considère l'opposition entre le passé simple et le passé composé dans les textes fonctionnels.
Mais les études traductologiques contemporaines s'éloignent de plus en plus du texte pour se concentrer sur la personne du traducteur. C'est ce qui permet à Malgorzata Tryuk d'envisager le métier de traducteur/interprète comme relevant d'une pratique sociale.
Les questions posées par la traduction automatique sont également largement évoquées ici. Notons la contribution innovatrice d'Aleksandra Chnzpala et Daniel Slapek, qui esquissent un grand projet de recherche mené à l'Université de Silésie (Pologne) se donnant pour objectif la construction de bases de données lexicales électroniques capables de coopé- rer avec des logiciels informatiques en vue de la traduction assistée par ordinateur. Quant à Aleksandra Dziadkiewicz, elle présente quelques observations pertinentes préalables à la construction d'un dictionnaire pragmatique informatisé franco-polonais et polono-français.
Pour appréhender les notions de mot, de texte et de conception, d'autres contribu- tions mettent en valeur le lien entre la linguistique et la psychologie  :ainsi, celle de Jadwiga Linde-Usiekniewicz qui, outre les points communs entre la linguistique structurale saussu- rienne et la grammaire générative, évoque avec finesse les similitudes entre l'élaboration des idées saussuriennes par Hjelmslev et la grammaire cognitive de Langacker.
Ce lien entre la linguistique et la psychologie est devenu fondamental et s'impose comme fil conducteur de recherches cognitives. C'est ce que soulignent les trois contri- butions d'Ewa Pilecka, de Marcela Swigtkowska et de Katarzyna Kwapisz-Osadnik. E. Pilecka mène une réflexion sur la façon dont la métonymie et la métaphore sont utilisées en français pour exprimer l'intensité. M. Swigtkowska oriente ses analyses vers la verbali- sation des émotions dans une perspective de description linguistique. Quant à K. Kwapisz- Osadnik, elle s'intéresse à l'emploi du participe présent et du gérondif en français. Ces études révèlent des aspects nouveaux, particulièrement intéressants, du fonctionnement cognitif et communicatif de l'homme. Mais la communication humaine est aussi très liée à la sociologie. C'est justement ce lien qui est abordé dans le texte de Krystyna Wr6blewska- Pawlak, qui s'interroge sur le statut problématique de la sociolinguistique en France. Philippe Caron prolonge ces réflexions en évoquant notamment l'accueil réticent fait aux travaux de Labov en France. Présentant sa recherche monographique effectuée dans le cadre d'un vaste projet pluri-annuel relevant du domaine socio-historique, l'auteur présente quelques résultats concernant la diction haute du français vers 1700 et plus particulièrement la prononciation des infinitifs en —er. Son étude trouve également un intérêt indéniable dans le milieu artistique, notamment chez les acteurs et les chanteurs soucieux de la juste oralisation d'un texte selon son registre. L'approche sociolinguistique, dans sa version « urbaine  », est exploitée par Monika Kostro, à travers l'examen des pratiques dénomina- tives en promotion immobilière dans les grandes villes de Pologne.
L'idée d'identité européenne, associée à un fort intérêt pour la comparaison des langues, est un autre thème transversal du présent volume. Évoquons le texte de Teresa
272 Maria Wlosowicz qui s'intéresse aux questions méthodologiques importantes pour l'inves- tigation du plurilinguisme. Dans le contexte européen du plurilinguisme, les réflexions portant sur la didactique et l'apprentissage des langues étrangères préoccupent tout parti- culièrement Jolanta Zajqc et Agnieszka Kulczynska. Alina Kreisberg, prolongeant les réflexions sur la didactique des langues, s'interroge sur certains usages « inexplicables  » de l'article en italien moderne.
Il n'en reste pas moins que dans le cadre des études sur l'analyse des langues, leur apprentissage, leur didactique ou leur traduction, il est nécessaire de réfléchir à la question évoquée par Anne-Marie Houdebine-Gravaud, à savoir celle de l'imaginaire culturel, ce mystérieux lien entre l'individuel et le collectif, entre l'individuel et le culturel, qui, à l'ère de la mondialisation, est plus que jamais d'actualité.
À la lecture des contributions dont nous avons tenté de faire émerger les idées dominantes, nous pouvons constater que l'ouvrage présenté souligne pleinement la complexité de la problématique posée par les notions de mot, de texte et de conception. Il en présente une vision large, permettant de mettre en relation des approches diverses provenant de chercheurs d'origines et d'horizons différents. Essayant de proposer quelques solutions, ce volume établit des passerelles et invite au dialogue sur des notions qui se situent au croisement de différents domaines. Ceci devrait permettre de lui accorder une place privilégiée dans la recherche en sciences du langage menée actuellement en Europe.
Enfin, cet ouvrage témoigne d'une qualité scientifique réelle, non seulement par le niveau théorique de ses contributions mais aussi par la clarté de leur présentation et la rigueur des argumentations assortie d'une riche exemplification.

Greta KOMUR-THILLOY
II,LE, Université de Haute-Alsace
greta.komur@gmail.com


FLOREA Ligia-5tela et FUCH5 Catherine, avec la collaboration de Frédérique MÉLANIE-BECQUET, Dictionnaire des verbes du frappais actuel : Constructions, emplois, synonymes, Paris, Ophrys, 2010, XXIII + 269 p. (coll. « L'Essentiel français  »). — ISBN 978-2-7080-1245-5.
Les mots isolés sont presque tous polysémiques, ils prennent leur sens en contexte. Cette observation exclut qu'on puisse étudier le lexique indépendamment de la syntaxe. C'est ce qui avait conduit Maurice Gross à parler de lexique-grammaire. Les mots prennent leur sens dans le cadre de la phrase. Le verbe est l'élément dont dépend principalement l'organisation de cette unité syntaxique qu'est la phrase  :par son rôle cohésif, il constitue le noyau syntactico-sémantique de toute phrase.
Ainsi, le Dictionnaire des verbes du français actuel  : constructions, emplois, synonymes propose, comme le signalent les auteurs, une sorte de « monographie du lexème verbal » (p. XI) par le biais d'une nomenclature limitée à une sélection des 2500 verbes les plus courants du français actuel. Le lecteur y trouvera de nombreuses informations non seulement sur la prononciation et l'auxiliaire, mais surtout sur sa combinatoire, ses
273 emplois en discours et ses synonymes. Les articles illustrent la construction même du sens à travers les variations que subit le schéma valenciel et argumentai du verbe. Le sens est en effet considéré comme un processus dont il convient de retracer la dynamique à partir des structures minimales construites par le verbe et à partir des contextes qui actualisent ces structures dans le discours.
Les 269 pages du dictionnaire sont précédées d'une vingtaine de pages, très utiles, portant sur le fonctionnement du dictionnaire et sur la présentation du projet; les choix méthodologiques des auteurs y sont clairement exposés. Ainsi, de nombreuses simplifica- tions ont été décidées afin de régler les problèmes didactiques et de faciliter l'accès à « un lecteur non spécialiste  » (p. XII). Contrairement aux dictionnaires de verbes élaborés le plus souvent à des fins de recherche et difficilement accessibles au grand public, cet ouvrage, insistent les auteurs, ne cherche ni l'exhaustivité des données ni celle des descriptions syntaxiques. Chaque article est construit de manière relativement homogène. Le lexème verbal, donné à l'infinitif, est suivi de sa transcription phonétique et de son auxiliaire. Les différentes constructions syntaxiques du verbe sont indiquées en caractères gras. Les contextes minimaux, donnés sous forme d'exemples, servent à illustrer la manière dont peuvent se réaliser en contexte les différentes structures syntaxiques.
Nous retiendrons ici quelques spécificités de ce dictionnaire. Tout d'abord, en s'ins- pirant de l'approche adoptée dans l'ouvrage Le verbe français  :catégories, conjugaisons, constructions (1996) et du dictionnaire bilingue de verbes (2003) de L. S. Florea, le lexème verbal y est traité à quatre niveaux  : morphophonologique, syntaxique, lexical et stylistique, sémantique. Les auteurs ont également préféré retenir l'option qu'un verbe hors contexte n'est ni transitif ni intransitif. Il comporte simplement un schéma valenciel et arguxnental qui le prédispose à varier en fonction du sens. Autre spécificité  : en choisissant de s'appuyer sur les catégories de la grammaire structurale, les auteurs ont ainsi fait l'économie des notions de complément et de fonction syntaxique en général afin d'avoir une présentation plus explicite et pertinente de la combinatoire verbale. Par ailleurs, les aptitudes combina- toires du verbe sont décrites en tenues de traits contextuels et de catégories syntagmatiques (en utilisant des symboles catégoriels tels que SN, Adj, SAdj, etc.). De même, la forme passive n'est prise en compte que lorsque le participe présente une construction différente et/ou un sens différent de ceux de la forme active. Quant au factitif et aupronominal-factitif, ils sont traités, avec leurs constructions respectives, sous l'entrée des verbes « faire  » et « laisser  ». Enfin, le problème soulevé parla forme pronominale, qui ne pouvait échapper à l'analyse des auteurs, a été réglé d'une manière «  opérationnelle à usage lexicographique  ». Lorsque la forme pronominale est le résultat de la diathèse réflexive, le pronom réfléchi constitue avec le verbe un syntagme binaire «  se V  » à sens réfléchi, réciproque ou à sens passif. Quand la forme pronominale est soit l'unique forme du verbe (essentiellement pronominal), soit un doublet lexical de la forme active ayant un sens et une construction spécifique (un pronominal subjectif j, le pronom réfléchi s'intègre au lexème verbal.
On l'aura compris, l'objectif de ce dictionnaire de verbes est donc la mise en contexte des entrées. On apprécie la composition claire des articles, qui réussissent, malgré l'espace plutôt limité imposé par la collection, à réunir un grand nombre d'informations. Malgré tout, le fait de grouper sous chaque entrée verbale des constructions syntactico- sémantiques très variées peut poser quelques inconvénients. Par exemple, il peut paraître un peu déroutant pour l'utilisateur, non spécialiste, de trouver sous une même construction des sens très différents. On trouve ainsi pour le verbe emballer (p. 93), sous la construction V + SN, les emplois emballer des cadeaux (= empaqueter), cette idée ne nous emballe pas
274 (= enchanter) mais également Ce don Juan emballe toutes les filles (= faire tourner la tête à). Au lieu de dégrouper au niveau des emplois, les auteurs ont préféré dégrouper au niveau des constructions, mais il est difficile d'établir un rapport sémantique entre ces énoncés illustrant une même structure syntaxique. Les emplois sont mis les uns à la suite des autres au sein d'une même construction. Une construction se réalise en autant de séquences que les types lexicaux peuvent entralner des variations importantes de sens, et non l'inverse. Mais nous sommes avertis  :les auteurs signalent que « pour des raisons d'économie, les homonymes (lexèmes de forme identique mais de sens totalement disjoints) sont traités sous une entrée unique » (p. XIX).
Toujours pour des raisons d'économie, les auteurs ne donnent qu'une seule infor- mation morphologique  :l'auxiliaire que le verbe sélectionne (avoir ou être ou les deux). L'information morphologique dans le dictionnaire est donc assez réduite puisqu'on n'y trouve aucun tableau de conjugaison, aucune indication sur la base de chaque verbe, etc. On sait que la conjugaison des verbes est plus complexe que ne le disent les grammaires scolaires. Mais la réalité est encore plus compliquée. La conjugaison n'est pas fonction du verbe mais des emplois verbaux. Or ce type d'information manque dans l'ouvrage pour des verbes comme pleuvoir (p. 195). Ce verbe est défini traditionnellement comme défectif (il a plu toute la nuit). Cela est vrai du verbe météorologique mais non d'un autre emploi, comme dans Hier soir, les coups pleuvaient au sortir du match de foot. De même, on a tendance àsous-estimer la défectivité des verbes  :une même forme verbale peut avoir plusieurs conjugaisons différentes. Dans Bescherelle, le verbe regarder a une seule conju- gaison, sans restriction de temps ni de mode. Or, plusieurs de ses emplois sont défectifs. Dans son sens statique, synonyme de concerner, il n'a pas de passé composé  :Cette affaire ne nous regarde pas ; *Cette affaire ne nous a pas regardés. L'exemple fourni en page 219 illustre bien l'emploi, mais l'information sur la défectivité n'apparaît pas ; pourtant, elle pourrait être utile pour n'importe quel usager de la langue. Ces restrictions ne sont ici pas prises en compte, vraisemblablement parce qu'elles sont difficiles à mettre en évidence, du fait qu'elles présupposent la description de tous les emplois des verbes. Or, comme les auteurs l'ontprécisé dans l'introduction (p. XII), « le présent ouvrage ne vise ni à l'exhaus- tivité des données ni à celle des descriptions syntaxiques  ».
Cet ouvrage offre aux lecteurs une vraie monographie des verbes sélectionnés, dressant l'inventaire des structures fondamentales dans lesquelles ceux-ci fonctionnent habituellement. L'ouvrage permet au lecteur non seulement de se renseigner sur telle ou telle particularité syntaxique des verbes français, mals aussi de produire des énoncés à l'aide des structures de phrase, des synonymes et des paraphrases. Cet ouvrage est à la fois un dictionnaire de constructions verbales, de contextes et un dictionnaire explicatif des sens des verbes recensés. Il ne nécessite pas une connaissance préalable du fonctionnement de la langue. Il présente, d'une façon méthodique et claire, les mécanismes qui sont en jeu, en évitant toute terminologie inutilement obscure et en gardant, autant qu'il est possible, la métalangue habituelle. C'est un outil efficace à l'usage des publics ciblés, pour les apprenants et les enseignants de français (langue maternelle ou étrangère). Ce dictionnaire se veut homogène sur le plan théorique, avec le souci constant de rendre les descriptions explicites, conditions nécessaires pour la génération de phrases.

Aude GREZKA
LDI, Université Paris 13 Nord —CNRS (UMR 7187)