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Classiques Garnier

[Information]

  • Type de publication : Article de revue
  • Revue : Cahiers de lexicologie
    2004 – 2, n° 85
    . varia
  • Auteurs : Gross (Gaston), Pruvost (Jean)
  • Pages : 3 à 5
  • Réimpression de l’édition de : 2004
  • Revue : Cahiers de lexicologie
  • Thème CLIL : 3147 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Linguistique, Sciences du langage
  • EAN : 9782812443374
  • ISBN : 978-2-8124-4337-4
  • ISSN : 2262-0346
  • DOI : 10.15122/isbn.978-2-8124-4337-4.p.0007
  • Éditeur : Classiques Garnier
  • Mise en ligne : 09/11/2012
  • Périodicité : Semestrielle
  • Langue : Français
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Les Cahiers de Lexicologie changent de pilote mais ils gardent le cap...


Nés en 1959, les Cahiers de Lexicologie ont accompagné l'essentiel de la carrière de leur fondateur, Bernard Quemada, pionnier permanent de notre discipline. Leur création s'inscrit dans un déroulement logique.
En 1950, Bernard Quemada, nommé assistant à la Faculté des Lettres de Besançon, venait de soutenir une thèse sur le lexique du Commerce amoureux dans les romans mondains (1640-1670). Sa carrière de philologue et de lexicologue commençait. Peu après, il publiait son Introduction à l'étude du vocabulaire médical (1600-171 S) où il confirme l'importance qu'il accordera toujours à la documentation dans les travaux socio-historiques sur les mots et les vocabulaires. Sous son impulsion, et avec de nombreux concours extérieurs, la faculté de Besançon allait vite devenir le lieu du renouveau des études lexicologiques et lexicographiques. Il y créait successivement l'Institut de Langue et civilisation françaises, le Centre de linguistique appliquée qu'il a dotés des premiers laboratoires de langue, et le Centre d'étude du Vocabulaire français où il a mis au point l'utilisation des cartes perforées et des machines mécanographiques pour analyser les textes. Reconnu comme le pionnier incontesté en la matière, le laboratoire bisontin devient à partir de 1958 un des hauts lieux de la lexicologie et de la lexicographie de pointe et gagne une réputation mondiale.
Lorsqu'en novembre 1957, Paul Imbs organise à Strasbourg le colloque « Lexicologie et lexicographie françaises et romanes, exigences et orientations actuelles  », B. Quemada, qui incarnait la nouvelle génération, y représente d'emblée l`homme des ressources pour l'avenir. Le programme d'un Trésor général du vocabulaire français qu'il présentera peu après, mettra son savoir et son expérience des nouvelles technologies au service de la lexicologie moderne et, en particulier, de la documentation nécessaire au grand projet mis en chantier à Nancy en 1964 et qui deviendra le Trésor de la langue française. Pour cela, il fallait dépouiller de très nombreux textes anciens et modernes, mais aussi répertorier les travaux de lexicographie inédits ou dispersés dans diverses revues et normaliser les inventaires existants. C'est dans cette dynamique que prennent place les Cahiers de Lexicologie, créés et publiés par B. Quemada à partir du deuxième trimestre de 1959. Demeurés pendant dix ans le premier et le seul périodique européen spécialisé dans les sciences des mots, ils attestent l'avance de la lexicologie
8 qui, en France, a ouvert la voie au renouveau de la linguistique française moderne.
Soutenus à leur naissance par la Faculté bisontine, les Cahiers ont vite trouvé le support de deux éditeurs nationaux, Didier et Larousse, séduits par leur nouveauté. La préface du premier numéro en situait bien l'objectif créer un organe de liaison et de coordination, un « instrument de travail actuel, permettant de faire le point des problèmes, des méthodes, des informations, des travaux en cours  ». Au cceur de cette introduction apparaît de manière significative la missive que R.-L. Wagner adressait au jeune directeur pour souhaiter plein succès à cette initiative comblant «  un vide que beaucoup d'entre nous ressentent péniblement  ». Ce numéro commençait par un article initiateur de B. Quemada sur la mécanisation des recherches lexicologiques avec, déjà évoquées, les perspectives d'avenir fondées sur les moyens électroniques. A. J. Greimas et P. J. Wexler apportaient également leur contribution scientifique à ce numéro historique. P.Imbs, G. Gougenheim, J. Dubois animeront le deuxième numéro et le ton était désormais donné  : en rien l'apanage d'une école, les Cahiers de lexicologie allaient se révéler au fil des numéros ouverts à tous les courants, à toutes les générations. Compte tenu de la qualité des articles, une telle orientation leur a assuré un succès jamais démenti. De fait, B. Quemada s'est toujours tenu à l'écart des différents dogmatismes de telle ou telle période, n'obéissant qu'à un seul souci  :enrichir et actualiser la lexicologie. « Je m'y suis appliqué pendant plus de quarante ans, sans céder aux fortes pressions de la mode en linguistique qui ont nui à bien des recherches, à beaucoup d'enseignants- chercheurs et, par voie de conséquence, à plusieurs promotions d'étudiants  » déclarait-il à l'occasion de la première Journée des dictionnaires (1994). C'est cette ouverture, avec cette information précise et de pointe, qui ont fait des Cahiers de lexicologie le lieu de rassemblement de nombreux chercheurs de notre spécialité, dans le respect de toutes les générations et de toutes les voies de recherche. B. Quemada a bel et bien su construire un réseau international garantissant la légitimité et l'avenir d'une discipline.
Après 1975, les Cahiers ont été publiés par les nouveaux laboratoires du CNRS que B. Quemada a créés et dirigés, Didier-Érudition assurant leur diffusion. Depuis 2001, la revue a été reprise par les éditions Champion réputées pour leurs publications érudites, qui accueillent aussi la collection Lexica dirigée par B. Quemada. Véritables références et témoignages de l'évolution constante de la lexicologie, les Cahiers allaient ainsi entrer dans
9 le troisième millénaire. Si en 1959, B. Quemada s'était imposé parmi les premiers promoteurs de la lexicologie nouvelle, en 1967, avec Les Dictionnaires du français moderne (1539-1863) « synthèse magistrale des problèmes théoriques de structure et des questions pratiques de confection qu'ont eus successivement à résoudre les auteurs de dictionnaires monolingues français  » (R.-L. Wagner), il s'affirmait aussi comme le premier des «  métalexicographes  ». De fait, tous les linguistes travaillant sur les mots et les dictionnaires, respectueux de l'ceuvre accomplie et des initiatives prises pour la communauté scientifique, ont bien compris quelle était la qualité première du fondateur des Cahiers de lexicologie  : ne jamais confisquer le savoir et les pouvoirs qui s'y rattachent. Et au contraire, à la manière de l'Institut National de la Langue Française que B. Quemada créait en 1977, fédérer ,partager, déléguer, insuffler, faire confiance et, du même coup, responsabiliser et stimuler les chercheurs qui font tout pour être dignes de cette confiance.
Ce numéro en est une nouvelle illustration  : Bernard Quemada a souhaité en effet confier désormais le pilotage des Cahiers de Lexicologie à deux de ses collaborateurs qui, du même coup, mettront en oeuvre toute leur énergie pour essayer d'être à la hauteur de la confiance faite. Dans leur nouvelle tâche qu'ils s'engagent à conduire dans la même dynamique, ils ne manqueront pas de solliciter les conseils du fondateur (même si celui-ci les incite à prendre pleinement leurs responsabilités  !). Et ce, en comptant sur l'aide précieuse du Comité de patronage, du Conseil scientifique et du Conseil de lecture, du secrétariat de rédaction, et aussi sur celui, nourricier et premier, de tous les lexicologues qui proposent leurs contributions vivifiantes. Parce que cette revue est la leur  : c'est le credo constant de B. Quemada, ce sera le nôtre.

Gaston Gross et Jean Pruvost