Aller au contenu

Classiques Garnier

Chroniques et comptes rendus

  • Type de publication : Article de revue
  • Revue : Cahiers de lexicologie
    1991 – 2, n° 59
    . varia
  • Auteur : Béjoint (Henri)
  • Pages : 169 à 171
  • Réimpression de l’édition de : 1991
  • Revue : Cahiers de lexicologie
  • Thème CLIL : 3147 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Linguistique, Sciences du langage
  • EAN : 9782812443114
  • ISBN : 978-2-8124-4311-4
  • ISSN : 2262-0346
  • DOI : 10.15122/isbn.978-2-8124-4311-4.p.0169
  • Éditeur : Classiques Garnier
  • Mise en ligne : 09/11/2012
  • Périodicité : Semestrielle
  • Langue : Français
169
CHRONIQUES ET COMPTES RENDUS


STARK, M. P., 1990, Dictionary Workbooks, A Critical Evaluation of
Dictionary Workbooks for the Foreign Language Learner,
Exeter Linguistic Studies Volume 16, Exeter,

University of Exeter Press, 215 p.



L'intérêt que portent certains métalexicographes et lexicographes au "point de vue de l'utili- sateur" des dictionnaires depuis quelques années est manifeste si l'on considère l'ampleur de la bibliographie de Dictionary Workbooks (DW)t  :celle-ci comporte plus de cinquante titres, dont la quasi-totalité a été publiée après 1980 - et encore est-elle bien loin d'être complète (il y manque, par exemple, ce qui a été fait en France, en Israël, en Inde, etc.). Il n ést pas étonnant que le DW ait été publié à Exeter, le point de vue de l'utilisateur étant depuis quelques années le principal cheval de bataille du Directeur du Dictionary Research Centre de l'Université de cette ville, Reinhard HARTMANN. D'une façon générale, d'ailleurs, cette perspective de recherche semble intéresser beaucoup plus les anglophones (singulièrement les Britanniques) que les autres communautés linguistiques.
Mais de quoi parle-t-on quand on parle du "point de vue de l'utilisateur"  ? Il s'agit d'abord de constater qii il existe un décalage entre ce que veut faire le lexicographe quand il conçoit et réalise un dictionnaire e[ ce qu'en font réellement les utilisateurs lorsque ce dictionnaire est devenu disponible sur le marché. Les dictionnaires sont toujours plus ou moins sous-utilisés, ou mal utilisés, à des degrés divers selon les ouvrages, les types de dictionnaires et les utilisateurs. Ceux qui se préoccupent du point de vue de l'utilisateur entendent améliorer cette situation, en faisant en sorte qu'il y ait une meilleure adéquation entre les objectifs des lexicographes et les utilisations réelles. On veut donc étudier comment le message lexicographique est reçu par celui ou celle qui ouvre un dictionnaire pour y chercher une information. On veut éventuellement -mais ceci suppose que les premières questions aient déjà reçu ne serait-ce que des ébauches de
1. Il s'agit du dernier rejeton de la lignée des "Exeter Linguistic Studies", dans laquelle figurent des titres intéressants  : D. CONNOR FERRIS, Understanding Semantics, par exemple, des ouvrages consacrés à des traditions lexicographiques lointaines, et d'autres encore.
170

réponses -dire au lexicographe quels sont les types d'informations et les modes de présentation qui sont les plus susceptibles de faciliter la tâche de l'utilisateur, aussi bien en ce qui concerne l'acte de consultation lui-même qu'en ce qui concerne la continuation du travail linguistique dans lequel il ou elle est engagé au moment de cette consultation.
La perspective de l'utilisateur a donné naissance à des concepts nouveaux en métalexicogra- phie  :celui de "besoins de l'utilisateur" (en anglais "reference needs"), celui de "compétence de l'utilisateur" (en anglais "reference slàlls"), celui d' "accessibilité" (en anglais "user-friendliness", concept emprunté à d'autres domaines). Elle a également produit, nous l'avons vu, surtout dans les milieux anglophones, et surtout en rapport avec les dictionnaires de langue anglaise, un certain nombre de publications. L'impact sur la production lexicographique proprement dite est cependant plus difficile à discerner. À lire toutes ces publications, qu'apprenons-nous  ? Au mieux, que les modes d'utilisation du dictionnaire sont très variés, que les processus psycholin- guistiques qu'engage l'acte de consultation sont extrëmement complexes, à tel point que nous n'en savons pas grand chose, et qu'il est peu probable que nous en apprenions beaucoup plus dans les années à venir. Le bilan est donc décevant, mais seulement si les illusions du départ étaient trop grandes. Est-ce à dire que toute cette agitation n'a servi, ne sert et ne servira à rien  ? Non, certes. On aura appris, au moins, que des questions se posent, que les choses ne vont pas de soi.
L'un des moyens disponibles pour combler le fossé qui sépaze les objectifs du lexicographe de la réalité de l'utilisation de son dictionnaire est l'initiation systématique des utilisateurs. Ceci est possible surtout quand on dispose d'un "public captif' -comme c'est le cas pour les popula- tions scolarisées - et on peut se servir pour cela de manuels spécialisés. Ces manuels existent depuis longtemps, au moins depuis le début du siècle, en particulier aux États-Unis -dépositaires d'une tradition pédagogique dans tous les domaines qu'il serait intéressant d'examiner de près - et ils sont devenus beaucoup plus nombreux au cours des dernières années. Selon les cas, ce sont de simples brochures distribuées gratuitement par les éditeurs pour accompagner un dictionnaire particulier, des livrets plus importants, ou même de véritables livres destinés à faciliter l'accès à toute une gamme de dictionnaires et laissant une lazge place à la réflexion métalexicographique.
DW est la première tentative de bilan de l'activité dans ce domaine très particulier  : la question que se pose l'auteur est très simple  :qu'y-a-t-il dans ces manuels  ? Il y répond par un examen méticuleux, allant même jusqu'à indiquer le nombre de ces manuels qui traitent de chacun des nombreux aspects qu'il a retenus pour son examen. Ainsi, on apprend que 20 %seulement des manuels qu'il a sélectionnés abordent la question de la présence de cazactères typographiques différents dans les dictionnaires et de leur signification (page 44) ;que 17,1 %parlent des cas où le dictionnaire propose plusieurs prononciations différentes pour un même mot (page 90) ;que 60 %notent la présence de synonymes dans certains dictionnaires (page 152), etc. Les conclusions (page 204) tiennent en quelques lignes  :beaucoup de manuels ne font pas la différence entre acheteurs et utilisateurs des dictionnaires ;dans la plupart des cas, il ne semble
171

pas que les auteurs aient tenté d'étudier avec un peu de rigueur scientifique les besoins et les compétences des urilisateurs ;les manuels sont de bons serviteurs mais de mauvais maîtres, et doivent donc être utilisés avec un minimum de discernement.
Le livre est techniquement impeccable  : je n'ai trouvé qu ûn nombre minime de fautes, pour un texte qui était particulièrement difficile à composer. Sans doute les nombreux extraits de manuels auraient-ils été plus lisibles s'ils avaient été reproduits directement de l'original.
DW sera utile à tous ceux qui, dans les maisons d'édition ou ailleurs, préparent des manuels de ce type. Il permettra sans doute que ces manuels soient désormais de meilleure qualité. On pourra à cet égazd regretter que l'auteur n'ait pas complété son examen paz une étude expérimentale de l'efficacité des manuels d'initiation à l'utilisation des dictionnaires, et qu'il ne pose pas la question de l'importance relative de tel ou tel type d'information pour le public visé par chaque dictionnaire. Il aurait été également intéressant de savoir qui prépare ces manuels, combien sont distribués ou vendus chaque année, comment ils sont utilisés. Mais ce ne sont là que vétilles, qui n'enlèvent rien aux mérites de l'auteur.

H. BÉJOINT
Université Lumière -Lyon 2