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Classiques Garnier

Compte rendu

  • Type de publication : Article de revue
  • Revue : Cahiers de lexicologie
    1985 – 2, n° 47
    . varia
  • Auteur : Vandebeuque (P.)
  • Pages : 139 à 140
  • Réimpression de l’édition de : 1985
  • Revue : Cahiers de lexicologie
  • Thème CLIL : 3147 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Linguistique, Sciences du langage
  • EAN : 9782812443008
  • ISBN : 978-2-8124-4300-8
  • ISSN : 2262-0346
  • DOI : 10.15122/isbn.978-2-8124-4300-8.p.0141
  • Éditeur : Classiques Garnier
  • Mise en ligne : 09/11/2012
  • Périodicité : Semestrielle
  • Langue : Français
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COMPTE RENDU

Daniel DUGAST, Vocabulaire et Stylistique, Théâtre et dialogue, Genève, Ed. Slatkine, 1979, 292 pages.
Tout n'est pas original dans l'ouvrage que D. DUGAST entendait consacrer à une étude stylistique à partir du vocabulaire d'un certain nombre de pièces du répertoire, et on se demandera surtout s'il a bien atteint le but qu'il s'était pro- posé, car nulle part nous n'avons de description de synthèse du vocabulaire qui serait propre au théâtre, ou au dialogue, et permettrait de distinguer celui-ci du roman par exemple, ou de la poésie comme Jean COHEN avait naguère tenté de le faire dans son ouvrage sur la structure du langage poétique par exemple. On ne pourra s'empëcher de le regretter. L'entreprise était probablement trop ambitieu- se, et chacun sait trop bien combien il est difficile de saisir dans leur réalité pro- fonde les faits de style.
Aussi, plutôt que de s'attarder sur les insuffisances de l'ouvrage, il nous pa- rait préférable d'en indiquer le contenu.
Il est présenté en trois parties, précédées d'une introduction qui est elle- même une partie complète. Dans la première partie, l'auteur, qui utilise des don- nées numériques qu'il emprunte à E. BRUNET pour le théâtre de Giraudoux, à Ch. MULLER pour le théâtre de Corneille, et à Ch. BERNET pour le théâtre de Racine, montre comment les variations de la richesse lexicale, c'est-à~iire de l'importance du nombre des mots différents en fonction de la longueur du texte, permettent la distinction des genres (roman/théâtre chez Giraudoux, tragédie/ comédie, jeunesse/maturité/vieillesse chez Corneille). Il ne dit rien d'autre en fait que ce qui avait été dit avant lui, à savoir que la richesse lexicale du roman est plus forte que celle du théâtre, celle de la comédie que celle de la tragédie, et que, chez Corneille, l'âge exerce une influence en faveur de la sobriété lexicale. Mais il le dit à partir d'une analyse pratiquée à l'aide d'une échelle de mesure de la richesse lexicale qui parait séduisante et dont nous reparlerons.
La seconde partie se divise elle-même en trois sous-parties, pour l'étude de l'accroissement du vocabulaire au long de quelques pièces de Corneille et de Ra- cine (a), pour la caractérisation des rôles dans l'Illusion Comique de Corneille, l'Avare de Molière et le Mariage de Figaro de Beaumarchais (b), et l'accroisse- ment du vocabulaire de vers en vers dans les Plaideurs de Racine et Ruy Blas de
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V. Hugo (c). La dernière partie est la plus originale, du moins en ce qui concerne les données numériques qui lui permettent de donner 88 valeurs successives de la variation de la richesse lexicale dans les Plaideurs, et 225 dans Ruy Blas. Les ta- bleaux issus de ces valeurs permettent le dessin de graphiques montrant les varia- tions de la richesse lexicale au long de ces textes.
L'ouvrage comporte un grand nombre de tableaux et de graphiques, et c'est particulièrement le cas de la troisième partie qui présente un tableau de 22 pages, et un graphique de 33  ! Il s'agit de l'analyse, ligne à ligne, d'un entretien entre M. CLAVEL et Ph. SOLLERS, dans laquelle les deux locuteurs s'opposent par leur richesse lexicale mais tendent à se rejoindre ; on suit de bout en bout le discours de chacun vis-à-vis du déroulement de l'entretien complet. Celui-ci fait un peu plus de 5000 mots.
Il faut revenir à l'introduction. Elle comporte elle aussi trois sous-parties. Dans la première, après un survol de l'historique de la recherche de la mesure de la richesse lexicale, l'auteur revient sur la mesure LIBER qu'il a présentée précé- demment (in Vocabulaire et Discours, Genève), pour la comparer aux proposi- tions précédentes. II montre lui-même comment sa mesure est sensible à la lon- gueur du texte, mais aussi comment cette sensibilité est en fait sans importance pour des longueurs très inférieures à la limite de validité de la mesure qu'il situe à environ dix milliards de mots. Il est de fait que la mesure LIBER lui permet de vaquer à l'aise dans les corpus de petites dimensions, et c'est là une des originali- tés de la contribution de l'auteur à une recherche difficile. Il montre également, dans la troisième sous-partie, comment, à l'aide du KHI 2, apprécier les limites de confiance de la mesure, en particulier dans les petites étendues, ce qui est de première nécessité. Enfin, la sous-partie centrale est consacrée à un exposé origi- nal, du moins en ce qui concerne ce type d'analyse, sur la notion de chréode  : en deux mots, il s'agit d'examiner la courbe de l'évolution de la richesse lexicale du texte de bout en bout ;cette courbe constitue la « chréode conditionnelle » de ce texte, qui le distingue d'un autre  ;mais cette courbe n'est pas régulière, et mon- tre ici ou là des ruptures, des « points de catastrophe » ; on détermine ainsi des sous~hréodes à l'intérieur de la chréode principale  ; s'il y a rupture, c'est qu'il se passe quelque chose  : il convient de chercher à savoù quoi, pour donner une des- cription satisfaisante des sous-chréodes successives  : la chréode est, pour l'auteur, un outil d'abord heuristique.
Le corps de l'ouvrage est l'illustration des principes exposés dans l'intro- duction. L'auteur n'en tire malheureusement pas les commentaires qu'on aurait attendus. Il faut admettre que la méthode n'est peut-être pas encore mure pour cela. Force nous est donc de nous contenter de l'exposé d'un travail technique, dont on appréciera la précision et le souci du détail. L'ouvrage se termine par la liste des « sources » auxquelles l'auteur a puisé, en particulier pour les données numériques qu'il utilise. Que d'aussi nombreuses données, de provenances diver- ses, soient rassemblées dans un seul ouvrage est à mettre au crédit de celui-ci. Ouvrage de second rayon peut~tre, mais dont justement les insuffisances de- vraient engager les chercheurs qui souhaitent appliquer les méthodes de l'analyse quantitative à poursuivre leurs efforts. P. VANDEBEUQUE
Toulouse