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Classiques Garnier

Comptes rendus

  • Type de publication : Article de revue
  • Revue : Cahiers de lexicologie
    1974 – 1, n° 24
    . varia
  • Auteurs : Mounin (Georges), Quemada (Bernard), Q. (J.)
  • Pages : 121 à 128
  • Réimpression de l’édition de : 1974
  • Revue : Cahiers de lexicologie
  • Thème CLIL : 3147 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Linguistique, Sciences du langage
  • EAN : 9782812442773
  • ISBN : 978-2-8124-4277-3
  • ISSN : 2262-0346
  • DOI : 10.15122/isbn.978-2-8124-4277-3.p.0123
  • Éditeur : Classiques Garnier
  • Mise en ligne : 09/11/2012
  • Périodicité : Semestrielle
  • Langue : Français
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COMPTES RENDUS



Jean-Louis FossnT, LA FORMATION DU VOCABULAIRE DE LA BOUCHERIE ET DE LA CHARCUTERIE, $TUDE DE LEXICOLOGIE HISTORIQUE ET DESCRIPTIVE, s.n.e., s.n.l., [Toulouse, imprimerie
Ménard], i97i, 387 pages zt x z7 cm.

L'ouvrage est important, sans doute pour le dialectologue, mais aussi pour le sémanticien, et c'est de ce point de vue qu'on l'examinera ici.
Disons d'abord, pour n'y plus revenir, qu'il souffre dans sa présentation de sérieuses imperfections, dues aux conditions matérielles de la recherche en sciences humaines, mais aussi au tempérament du chercheur. Le plan du livre, très clair dans la table, apparaît mal typographiquement dans le texte. L'auteur a cédé à la vogue des références et renvois non pas aux pages mais aux sections numérotées à l'américaine on perd beaucoup de temps à rechercher, par exemple, rouelle qui est en a.4.ia (5). Ce système oublie qu'un livre n'est pas fait pour l'auteur et le typographe mais pour le lecteur. Surtout, rédacteur au style trop personnel, l'auteur emploie et forge une ter- minologie pittoresque, exubérante, sur-expressive, qu'il définit peu ou pas. On souhaiterait une autre rédaction, plus pédagogique ; ou un glossaire des termes spécifiques, qui sont nombreux. Certes, Fossat doit beaucoup à Jean Séguy, déjà très ongmal dans son ton, mais qqui écrit clairement et définit suffisamment. Si l'on ajoute à cela qu'il hérite de la tradition des philologues et des dialectologues, qui n'ont que trop tendance à publier de véritables fiches en style télégraphique, bourrées d'abréviations, c'est-à-dire à écrire comme sur les atlas ou comme dans les notes infra-paginales, on comprendra que le livre est d'une consultation ardue, et défie presque la lecture suivie. On insiste sur ce point pour attirer l'attention des chercheurs, remarquables comme c'est le cas ici, qqui perdent de vue qu'avec l'extension de la curiosité linguistique et le développement de l'enseignement linguistique universi- taire (peut-être plus de dix mille étudiants actuellement), le public potentiel d'un tel livre ne peut plus être restreint à quelques dizaines de spécialistes habitués à se décrypter mutuellement. Ce serait nuire à sa propre discipline que de n'avoir pas ce fait nouveau toujours présent à l'esprit.
Ajoutons aussi que l'auteur semble conditionné par les terminologies actuellement prestigieuses, au point que son livre mériterait presque une étude stylistique à cet égard. Tous les mots de passe actuels apparaissent, mais réemployés dans des acceptions éloignées de leur origine, et souvent diffi- ciles àdéterminer. Les organigrammes (p. 57) ne sont que des tableaux ; l'ordi- nation linguistique (p. 3i) n est qu un classement; le terminal (pp. 53~ 55~ 97~ 99) n'est qu'un pomt d'arrivée  ; le programme sémantique d'un mot,
124 c'est son évolution. L'analyse ensembliste (pp. 51, 218, 300) ne doit pas toujours se référer à la théorie des ensembles si l'on en juge par une «  conceptuali- sation emboîtante, c'est-à-dire ensembliste  » (p. 273). Les nucléus sont des noyaux (p. 63). Performance est nettement détourné de son sens chomskyen
P•  ?98~ 309 323) 3 compétence aussi (p. 223). La double articulation et le oncuonnallsme ne sont pas mieux traités (pp. 301, 315). Bayonne, Lectoure et Dax sont des métropoles (p. 74). Stochastique siglufie tout simplement au hasard (p. 348). Il s'agit là d'une pétulance terminologique irrépressible, pré- judiciable au livre, au sujet, voire à la discipline qu'il représente.
Mais ceux qui résisteront à ces premières impressions de lecture défa- vorables seront récompensés. C'est sans doute la première fois qu'un champ sémantique est décrit dans toute la complexité de son usage sociolinguistique. La même zone de référence au monde non linguistique, l'anatomie des bêtes de boucherie, fait apparaître ce que Gilles Granger avait bien dénommé
le caractère de «  quasi-structures  », ou de « structures labiles  »par quoi le lexique se distingue des autres parties structurées de la langue — ce qui permet de bien saisir quelques-unes des raisons intrinsèquement lingmstiques de cette labilité, que Granger posait et constatait pour des raisons théoriques. A travers les analyses de Fossat, ce qui transparaît, c'est non pas un champ lexical, mais cinq ou six, en interaction constante, sur le même territoire géo- graphique  : le lexique des vétérinaires, qui fournit un cadre des «  realia  » du domaine, cadre non contraignant d'ailleurs vis-à-vis de l'analyse lexicogra- phique (pp. 30, 58) ; celui des chevillards, lié essentiellement à la découpe des carcasses en abattoir, qui a sa spécificité, et « qui joue un rôle crucial [actuellement] dans la diffusion et la fixation des termes  » (p. 29S) ; celui des éleveurs, qui ne coïncide avec celui des bouchers que dans la boucherie communale agricole du xlxe siècle ou ce qu'il en reste (p. 86)  ; celui des bouchers eux-mêmes, qui sont par leur vie socio professionnelle à la croisée des différents dialectes sociaux qu'on inventorie ici, c~ui les connaissent passi- vement tous peu ou prou, et qui en pratiquent activement deus au moins (~p. 86, 271, 298) ; celui des clients enfin, c~ui n'adoptent pas purement et sunplement la terminologie des bouchers, mais la maintiennent ou l'altèrent, selon leurs besoins propres de communication  : ce qui n'est pas vendable n'a pas de nom, le pancréas devient «  le morceau du chat  », les distinctions inutiles sont neutralisées («  le morceau du boucher  »), les termes techniques sont altérés (l'onglet > le longuet) etc. (p. 62, 271). L'enquête de Fossat lui fait même mettre au jour, et de façon convaincante, un lexique spécifique des «  cuisinières bourgeoises  », des « vieilles cuisinières  » et des « belles-mères  », dont le vocabulaire reflète — et surtout reflétait —leur propre pratique culi- naire («  la pièce grasse  » ~.. «  la pièce maigre  », «  la pièce blanche  » ,..~ «  la pièce noire  » ; «  la pièce de la belle-mère  », «  la pièce de la casserole  »etc., pp. 62, 69~ 295 334 335)• On se trouve donc en présence, dans une zone de pratique linguistique bien délimitée, non pas d'une langue technique commune comme on l'imagine vue de loin et de haut, mais devant un véritable multilinguisme lexical, avec les synonymies, les polysémies, les redondances, et l'intercompré- hension plus ou moins assurée entre dialectes sociaux superposés.
Cette labilité se complique encore pour des raisons historiques. Malgré la pénétration continue, dans la profession, du français technique standard (pénétration déclenchée par la guerre de 1914, et surtout l'extension de la découpe nationale, à des fins de contrôle, par le gouvernement de Vichy), les tendances à la normalisation —linguistiquement économique —sont contrées par le prestige du français régional des métropoles (Toulouse et Bordeaux), lequel n'est pas encore parvenu lui-même à effacer les usages particuliers de zones rurales dont le cloisonnement se montre persistant dans l'histoire (pp. 32, 55, 60, 61, 181, 299 306).
125 Le livre fourmille d'autres indications, qui demanderaient à être exploitées moins cursivement que ne le fait l'auteur, à la fois enthousiasmé et débordé par la richesse de ses matériaux. Par exemple, l'importance d'une composante « facétieuse  » ou ludic)ue dans la surabondance des dénominations, liées souvent à des tabous anatomiques, aurait mérité un développement en forme (p. aa3). On peut en dire autant de l'importance d'une composante « affective
— l'expression méliorative ou péjorative traduisant l'attitude du locuteur- consommateur vis-à-vis du morceau (p. 3a5) —bien chue ce facteur soit déjà bien étudié. D'une façon générale, l'auteur, trop pleur de son sujet, passe trop vite, et suppose connues des foules de détails qu'on voudrait voir expli- cités  :par exemple, les glissements de la terminologie bovine à la porcine et vice versa (p, g4) ; ou bien les vestiges de mémorisation rituelle de la termi- nologie des « parties du cochon  » (p. 54)•
Sans doute aussi l'auteur s'est-il vu pressé par la masse de ses matériaux parce que, tiraillé entre sa formation de philologue-dialectologue et la nou- veauté sémantique de sa recherche, il n'a pas su prendre parti. L'étude diachro- nique du système actuel, solide mais classique, occupe 18o pages ;l'analyse synchronique e des mouvements observés dans le vocabulaire gascon de la bou- cherie  » (titre révélateur) en occupe à peine 80, et ne contient pas la belle étude synchronique du ou des systèmes actuels, qui aurait pu être à la fois la base de tout le travail et son apport scientifique le plus neuf.
Malgré toutes ces insatisfactions, dues à la richesse même de l'ouvrage, nous savons qu'il existe à Toulouse un chantier de recherches lexicologiques et sémantiques engagées dans le concret comme aucun autre ne l'a jamais été,
et dont nous allons attendre beaucoup.
Georges Mouivlx (Aix).
Heinrich KUEN, ROMANISTISCHE AUFSAETZE, édité sous les auspices du Romanisches Seminar der L'niversitât Erlangen-Nürnberg. Nürnberg, Hans Carl éd., 1970, 437 p. (Erlanger Beitr~ge zur Sprach- und Kunst- wissenschaft, Band 35)•
Les linguistes ne pourront que se féliciter de voir se développer une nouvelle forme d'hommages scientifiques à laquelle appartient le présent recueil. A la place d'un ensemble de contributions de circonstance trop sou- vent disparate et d'intérêt variable, celle-ci offre un regroupement des articles les plus importants du maître que l'on souhaite honorer, articles devenus souvent bien difficiles, voire impossibles à consulter. C'est ainsi que pour célévrer le 7oe anniversaire de H. Kuen, l'un des philologues les plus éminents de notre temps et dont la compétence couvre l'ensemble de la Romania, ses collègues d'Erlangen-Nuremberg ont réuni, outre deux inédits, vingt-deux de ses articles les plus importants (dont trois comptes rendus) parus dans des revues ou mélanges entre 19x3 et 1968. Elève ou assistant d'E Gamillscheg, de Max-Leo Wagner et de von Wartburg, H. Kuen illustra dans ses travaux les thèmes essentiels et les méthodes avancées de la linguistique historique de la première moitié du siècle. On y trouvera donc principalement, àcôté d'une synthèse remarquable qui clôt le volume  : Versuch Biner vergleichenden Charakteristik der romanischen Schriftsprachen (1958), P• 419-437 des études dialectologiques et géolinguistiques portant sur des parlers romans très divers (latin, trentm, rhétoroman, provençal, catalan, dialectes français, italiens, roumains, etc.). Nous ne donnerons pas ici une recension critique de ces tra- vaux qui reçurent en leur temps un accueil très généralement favorable.Nous nous bornerons à attirer l'attention sur leur intérêt toujours actuel en signa-
126 Tant plus particulièrement ceux qui concernent de près ou de loin les pro- blèmes lexicologiques.
Comme l'on pouvait s'y attendre, ce sont les aspects morpho-phonologiques Pxam;nés dans la double perspective historique et géolinguistique qui occupent une place prédominante. H. Kuen maîtrise une érudition considérable, ce qui lui permet souvent d'aborder des problèmes généraux (en remettant en cause, par exemple, les conclusions pessimistes de Gillieron sur la portée de l'étymo- logie phonétique, cf : p. 70) et de suivre, en y contribuant au fil des années, le développement des nouvelles méthodes de la dialectologie sociolinguistique.
On se reportera donc toujours utilement,
pour les problèmes relatifs à l'étymologie et à l'histoire des mots à Die Sprachgeographie als Helferin der Étymologie (1958), pp. 185-208 ; Die Sprachgeographie als ii~issenschaft vom Menschen (1962), pp. 209-222,
qui traite des méthodes des nouveaux atlas ;
Methode kontra Zufall in der IVortgeschichte (inédit), pp .49-71 Rückldufige Bewegun en in der Entwicklung der romanischen Sprachen zum
analytuchen (1952~~ PP• 72-92, sur la morphologie des verbes ; Einheit und Mannigfaltigkeit des Riitoromanischen (1966), pp. 355-375 Die sprachlichen Verhdltnisse auf der Pyrenüenhalbinsel (1950), pp. 376-
407
plus spécialement pour les mécanismes des emprunts interdialectaux à
Beobachtungen an einen kranten IVort (1935) PP• 20-48, à propos d'exemple du Tyrol nord-italien ;
Uber einige galloromanische Elemente in katalanischen IVortschatz (1929),
p. 129-139
les lexicologues et les sémanticiens trouveront aussi des illustrations très
intéressantes dans
Verwandtschaftsbegriffe und Zweisprachigkeit (1968), pp. 140-153 et dans deux études du vocabulaire de Dante
Dante in Reimnot (1940), pp. 269-278 ;
Sprachen und Dialekte in der gôttlichen Kombdie (1957) PP• 279-309•

F. CLAES, s.1., LIJST VAN NEDERLANDSE WOORDENLIJSTEN EN WOORDENBOEKEN GEDRUCKT TOT 1600, in De Gulden Passer, Anvers, 1971 498 année, pp. 131-229.
L'histoire des dictionnaires, qui avait connu avant 1940 de brillants débuts, notamment par les travaux des chercheurs belges et hollandais (de Vreese, Riemens, Bourland, Verdeyen, etc.), retrouve depuis quelques années un regain d'intér@t. On ne s'étonnera pas de voir que c'est l'un des plus bril- lants foyers de la lexicographie à ses origines qui abrite aujourd'hui de très importants travaux d'érudition moderne, développés par F. de Tollenaere au Centre de Lexicographie Néerlandaise de Leyde ou par le P. Claes à Louvain.
Ce dernier, que nos lecteurs connaissent déjà par une récente contri- bution àl'étude de l'influence d'Estienne sur Plantin, vient de réunir la plus importante bibliographie de dictionnaires flamands et néerlandais du Xvle siècle. Quand on connaît les difficultés que pose l'identification des réper-
127 foires de cette époque à travers l'extraordinaire imbrication des filiations d'éditions réimprimées, plagiées ou tronquées, les fausses attributions que les catalogues anciens ont aidé à perpétuer, l'impossibilité de retrouver des ouvrages cc consultés  »dont la trace est pourtant perdue depuis près d'un siècle, on ne peut qu'admirer la patiente efficacité avec laquelle le P. Claes a pour- suivi sa quête auprès des bibliothèques européennes. Reprenant les inventaires existants en s'efforçant de confirmer, préciser ou corriger leurs indications lorsqu'elles s'avéraient insuffisantes ou inexactes, il a pu meure ainsi en lumière de nombreux ouvrages peu connus et même inconnus jusque-là.
Sa bibliographie regroupe 355 titres classés par ordre chronologique, parus entre 1477 et i600. Pour chaque ouvrage, une notice signalétique men- tionne, outre les références bibliographiques les plus complètes, trois groupes de données complémentaires
— la ou les sources qui ont permis de repérer l'ouvrage  ;
— la ou les références des principales bibliothèques où l'on peut le consulter ;
— des commentaires facilitant l'identification (édition, hypothèses sur l'auteur d'un anonyme, discussion des amibutions antérieures, etc.).
Elle comprend aussi des tables alphabétiques qui rendent cette liste encore plus maniable  :lieu d'édition, noms d'auteurs, titres des anonymes.
Ainsi conçu, l'ensemble constitue un instrument de travail indispensable pour tous ceux qui consultent, à titres divers, les dictionnaires anciens. Ajou- tons que, la lexicographie du xvle siècle étant essentiellement bilingue, les ouvrages recensés intéressent les chercheurs qui étudient les principales langues européennes anciennes. Plus de la moitié des ouvrages cités renferment une partie française, par exemple. Y sont très précisément signalés, à côté des recueils polyglottes de Calepin, de Berlaimont ou de Jonghe (Junius) qui furent diffusés à travers tout le continent, ceux de Meurier, de Sasbout et de Mellema, pour ne citer que les plus célèbres en leur temps et qui occupent une place à part entière dans l'histoire de la lexicographie française.
Il serait souhaitable que cette précieuse contribution, d'une portée qui dépasse de beaucoup le seul cadre de l'histoire de la langue néerlandaise, connaisse rapidement une plus large diffusion auprès des linguistes et des philologues.
B. Q.

ARCHIVES DE LA LINGUISTIQUE FRANÇAISE. Collection de micro-éditions, sous la direction de B. Quemada.
Les difficultés rencontrées par les chercheurs éloignés des grandes biblio- thèques pour la consultation des sources linguistiques anciennes (ou simple- ment des ouvrages épuisés) sont bien connues de nos lecteurs. Cet état de choses n'a pu qu'empirer depuis quinze ans du fait de l'importante augmen- tation de la demande, suscitée par l'intérêt accru pour les études linguistiques ou textuelles et la multiplication des effectifs et des centres universitaires dans le monde entier. La disponibilité des ouvrages anciens, déjà limités en nombre, s'est trouvée réduite de façon très préjudiciable  ; sans parler des restrictions de communication que l'usure même d'éditions irremplaçables a imposées. Ainsi aujourd'hui, ceux-là même qui pouvaient disposer des biblio- thèques les plus riches en viennent souvent à être logés à la même enseigne
128 que leurs collègues des jeunes universités de France et de l'Etranger dont les bibliothèques sont d'une pauvreté exttème.
Bien sûr, le problème n'est pas nouveau. Mais il se pose en termes diffé- rents  :d'une part la situation actuelle lui confère de nouvelles dimensions par le nombre de chercheurs concernés et, d'autre part, les progrès des techniques de reprographie nous proposent aujourd'hui des solutions à notre portée. Ne pas tenter de remédier à cette pénurie paraît injustifiable à tous ceux qui se
sentent concernés par la nécessité de la recherche.
Tous les chercheurs savent qu'il n'a jamais été possible de traiter une question dépassant un cadre smctement local, en un quelconque domaine de la linguistique française, sans recourir aux ressources des bibliothèques parisiennes. Les services de prêt inter-bibliothèques, pour être précieux, n'ont lamais pu couvrir l'ensemble des besoins. L'établissement de photocopies ou de microfilms ne représente qu'une solution ponctuelle et individuelle. Très justifiée sans doute pour reproduire des documents qui sont la base d'une exploitation personnelle détaillée, cette formule ne résout nullement la néces- sité de constituer de larges collections d'ouvrages de référence destinés à la consultation aléatoire. Les réimpressions anastatiques classiques, inspirées à certains éditeurs étrangers par la situation actuelle, séduisent par les avan- tages et le plaisir traditionnel de leur lecture, mais elles s'avèrent beaucoup trop onéreuses pour représenter une solution satisfaisante au niveau de la majorité des chercheurs et même des organismes de recherche. Restait donc le recours à de nouveaux procédés de reproduction, mieux adaptés par leurs caractéristiques et leur prix de revient, et susceptibles, en outre, de permettre la réalisation d'un programme à la mesure des besoins de la communauté
des chercheurs.
C'est ainsi que Bernard Quemada, qui avait expérimenté dès 1966 les avantages de la reproduction sur microfiches (par rapport à celles déjà offertes par les microfilms), soit pour l'essentiel, de plus grandes facilités de manipu- lation, de consultation, d'archivage et de conservation en même temps qu'un moindre prix de revient pour l'établissement des fiches-mères et leur repro- duction (I), s'est tourné vers l'Association des Universités Partiellement ou Totalement de Langue Française (A.U.P.E.L.F.) pour réaliser son projet. Cet organisme bénéficie, en effet, d'une expérience de près de dix ans, puisqu'elle diffuse sous cette forme, avec le concours technique du Laboratoire de repro- graphie du C.N.R.S., les documents que de jeunes universités africaines et américaines lui demandent de reproduire. L'A.U.P.E.L.F. a généreusement mis à sa disposition les moyens matériels qui ont permis de lancer cette entreprise,
à la fois rapidement et sur une assez grande échelle.
(z) Les avantages peuvent étre ainsi schématisés
Une microfiche standard (ISO A 6  : tog x t48 mm), soit l'équivalent approxi- matif de la surface d'une carte postale, peut contenir ttz pages in-8~ ou davantage, suivant un taux de réduction variable en fonction du format de l'original, de la qualité et des normes choisies. Lire l'article galactophage, par exemple, dans zo dictionnaires différents, consiste alors à prendre 20 fiches clairement identifiables par les index prévus à cet effet, et à les passer au lecteur-agrandisseur (certains modèles permettent la lec- ture de deux documents placés c8te à cote et pour certains équipements, d'obtenir direc- tement par photocopie un agrandissement des passages importants).
D'autre part, du fait de la grande facilité de tirage de nouveaux exemplaires à partir des fiches-mères, ceux-ci peuvent être réalisés presque à la demande, évitant ainsi les lourds investissements qui grèvent les impressions classiques, même à tirage réduit, et qui par voie de conséquence limitent les programmes en éliminant de ceux-ci les textes non rentables parfois essentiels à telle ou telle recherche.
129 Il convenait par ailleurs de proposer un programme susceptible de répondre à des demandes nombreuses, mais dispersées dans tous les secteurs de l'étude de la langue et de la linguistique françaises depuis les origines de
l'imprimerie. C'est pourquoi, sous l'intitulé ARCHIVES DE LA LINGUISTIQUE FRANçAISE, B. Quemada a entrepris de réunir une vaste collection d'ouvrages anciens dans laquelle entrent les traités fondamentaux, les dictionnaires les plus importants, les ouvrages de référence les plus souvent cités dans les travaux scientifiques du xxe siècle, relatifs aux divers aspects de la linguis- tique et de la philologie françaises et régionales ou dialectales du monde francophone. Tous ces ouvrages ne sauraient, bien entendu, être d'un intérêt égal pour tous ; mais l'ensemble doit constituer une Somme extensive sur les problèmes et les méthodes linguistiques depuis les origines des sciences du langage en France en même temps qu'il représentera une collection de données irremplaçable.
Les Archives ainsi définies comprendront à leur terme quelque 1 Soo textes, manuels, études, dictionnaires, etc., dont 40o sont déjà réalisés et diffusés. Réparties en trois séries (400-Soo-6o0 ouvrages), leur achèvement
est prévu pour 1977-1978.
C'est la première série, déjà disponible, que nous voudrions signaler à l'attention de nos lecteurs. Elle regroupe des ouvrages imprimés entre ISoo et 190o et concerne les disciplines suivantes (d'après l'Index méthodique du Catalogue imprimé) (2)
1. anthroponymie (I)
2. argots (16)
3. dictionnaires (175)
4. esthétique de la langue (42)
5. étymologie (~)
6. études générales (27)
~. glossaires (3)
8. grammaires (25)
9. grammaire générale et logique linguistique (14)
Io. histoire de la langue (18) 11. langue des écrivains (11) I2. lexicologie (i8)
Les textes retenus ont été sélectionnés après consultation d'un Conseil Scientifique, auquel ont participé MM. Arveiller (Paris), Baldinger (Heidel- berg, Mme Catach (Paris), MM. Dulong (Québec), Goosse (Louvain), Guilbert (Pans), Imbs (Nancy), Le Hir (Grenoble), Leroy (Bruxelles), Morier (Genève), Piron (Liège), Wagner (Paris), Wexler (Essex), etc., et à partir de besoins connus et exprimés par les usagers intéressés.
Les lexicologues, en particulier, trouveront dans cet ensemble un nombre important de documents de référence leur offrant la possibilité de disposer d'une série de dictionnaires et de répertoires de consultation permanente qui leur faisait si souvent défaut.
Dans cette première liste, 175 ouvrages ont été inscrits, soit par exemple parmi les grands répertoires généraux  :les 7 éditions de l'Académie, Furetière,
13. observations normatives et
théorie de l'usage (75)
14. orthographe (31)
15. parémiologie (6)
16. patois et français régio- naux (q.2)
17. pédagogie de la langue (33)
18. prononciation (t8)
t9. rhétorique et style (60) 20. sémantique (9)
2I. théories de la traduction (2)
22. théories sur la langue et le
langage (21)
23. versification et métrique (41).
(a) Nous donnons entre parenthèses, à la suite de l'intitulé, le nombre d'ouvrages concernés.
130 1690, ]tichelet, 1680 et sa réédition enrichie de 1732 ;les principales éditions du Trévoux (1704, 1721, 1732, 1752 -pour son supplément si commode, l'édition de 1743 a été reportée à la 2e série -, 1771)  ;les deux éditions du Manuel Lexique de l'abbé Prévost, 17So-1755, Féraud, 1787, Gattel, 1787, et les grands compilateurs du xlxe siècle  :Boiste, 1834, Raymond, 1835 et 1836, Barré, 1842, Dochez, 1859, Poitevin, 1856, Bescherelle, 1887, etc.
Des dictionnaires bilingues ou multilingues anciens, parmi les plus importants  : Garbini, 1487, Estienne, 1539 1544 1549~.Dupuys, 1573, Nicot, 16oG, Monet, 1636 et Hulsrus, 1596, Mellema, 1602, Victor, 1606, Cotgrave, 1611, C. Oudin, 1627, A. Oudin, 1640, Duez, 1669, Miège, 1677; au xxe siècle, Mozin, 1842 et 1858.
Des dictionnaires de l'ancienne langue, comme le Trésor de Borel, 1655 et 1750, le La Curne, de 1875, le Godefroy, 1880.
Des dictionnaires techniques, tels que La Chesnaye des Bois (agri- culture, etc.), 1751, d'Aviler (architecture civile), 1755, Block ( olitique),1863- 1864, Th. Corneille (arts et sciences), 1694, Dangeau (blason, 1715, Diderot (encyclopédie), 1751-1765, l'Encyclopédie Méthodique (littérature et gram- maire), 1783-1786, Felibien (architecture), 1676, Ragueau (droit), revu par Laurière, 1704-1882, Valmont de Bomare (histoire naturelle), 1764.
Des dictionnaires spéciaux comme par exemple  :Allez (néologismes), 1770, Belèze (prénoms), 1863, Boinvilliers (correctif), 1829, Boissière (ana- logique), 1862, Callières (mots à la mode), 1693, Carpentier (langue poétique, 1822, Chereau (argot), 1660, Delvau (langue verte), 1866 et 1883, Du Marsais (tropes), 1730 et 1818, Girard (synonymes), 1736 et 1769, d'Hautel (bas langage), 1808, Larchey (argot), 1859-1889, Lefèvre (rimes), 1588, Leroux (pop.), 1786, Leroy (orthographe), 1747, La Madeleine (homonymes), 1799 La Noue (rimes), 1596 et 1623, La Porte (épithètes), 1571, Mercier (néologie), ISoI, A. Oudin (pop.), 1640, Quitard (proverbes), 1842, Richelet (rimes), 1671, 1692, 1751 et 1799, Trippault (étymologie), 1580.
Des dictionnaires de régionalismes et de patois, comme par exemple Boissier de Sauvages (Languedoc), 1785, Mme Brun (Franche-Comté), 1753 Carpentier (Belgique), 1860, Desgrouais (Gascogne), 1766, d'Hauteville (Alsace), 1852, Dory (Wallonie), 1877, Dunn (Canada), 1880, Gabrielli (Pro- vence), 1832, Glossaire genevois, 1827 et Humbert, 1852, Lascoux (Gascogne), 1818 et 1823, Michel (Lorrain), 1807, Molard (Lyon), 1803 et 1810, Potier Québec), 1904-1906, Poyart (Belgique), 1806, Rinfret (Canada), 1896, aubinet (Reims), 1845, Sauger-Preneuf (méridionalismes), 1825 et 1838, Sigart (Be gique), 1866.
Ces exemples renvoient au Catalogue de la première série. Celui de la seconde est annoncé pour le début de 1975. II est possible de s'informer dès maintenant auprès de l'A.U.P.E.L.F., Secrétariat européen, 173, boulevard Saint-Germain, 75006 Paris et pour tout ce qui concerne plus spécialement les commandes, auprès des éditions France-Expansion, 336, rue Samt-Honoré, 75ooI Pans (tél. : 260.32.09), qui sont chargées de la diffusion.
J• Q•