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Classiques Garnier

Introduction

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INTRODUCTION

Pour mieux approcher, cerner et investir dans sa globalité lœuvre de Marie Mennessier-Nodier, usons dune métaphore cosmique. Au sein de limmense galaxie voguant dans linfini de lespace-temps que lon nomme « Littérature du xixe siècle », il est une zone qui a particulièrement intéressé et mobilisé les scientifiques et vers laquelle ils ont braqué leurs télescopes, cest la région du « Romantisme ». Ce secteur est peuplé de puissants soleils qui se nomment Lamartine, Hugo, Dumas, Musset, Vigny, qui ont un éclat et un rayonnement tels quils masquent dautres astres moins puissants, moins prestigieux mais bien réels que lon regroupe sous le terme de « romantiques mineurs ». Cest dans cette nébuleuse un peu négligée des chercheurs et du public quil faut aller à la rencontre de Marie Mennessier-Nodier et de son œuvre qui sorganise comme un système planétaire assez simple.

Au cœur de cette œuvre se trouve en effet une planète centrale, la plus visible, parce quelle est la plus importante et la plus connue : il sagit des mémoires que Marie Mennessier-Nodier a consacrés à son père, Charles Nodier. Épisodes et Souvenirs de sa vie, publiés à Paris, à la librairie Didier, en 1867. Cest tout à la fois un monument et une célébration, un témoignage indispensable pour qui veut connaître Charles Nodier, lhomme et lécrivain, cest une œuvre de référence.

Autour de cette planète centrale gravitent deux satellites de moindre importance. Il sagit de deux œuvres de jeunesse : la première, Mélodies romantiques, signée Mme Jules Mennessier, née Charles Nodier, est publiée à Paris chez Troupenas en 1831, la seconde, La Perce-Neige, anthologie poétique signée Mme Marie Nodier-Mennessier, est publiée à Paris chez Heideloff et Campé en 1836. Ces œuvres, différentes par leur contenu, se rapprochent pourtant par leur conception. Ce sont en effet des œuvres collectives, donc pas des corps monolithiques, mais plutôt des agrégats. Toutes les musiques des Mélodies romantiques ont été composées par Marie Nodier, mais les textes appartiennent à une dizaine de poètes différents : 14Hugo, Amable Tastu, Casimir Delavigne, Marceline Desbordes-Valmore, Fontaney… Chaque mélodie étant illustrée, une demi-douzaine de dessinateurs ont également apporté leur contribution à ce livre dartistes : Devéria, Régnier, Roqueplan, Tony Johannot…

Le recueil de La Perce-Neige ne reprend pas la pratique à la mode du livre illustré de vignettes, mais rassemble sobrement une cinquantaine de signatures, où se trouvent les fidèles du salon de lArsenal qui sont aussi, comme lindique le sous-titre de lanthologie, des représentants de la « poésie moderne ». On y lit des poèmes de Boulay-Paty, Émile Deschamps, Guttinguer, Musset, Rességuier, Sainte-Beuve, Mélanie Waldor…

Enfin, à la périphérie de ces trois astres évolue en orbite un premier anneau composé dastéroïdes de tailles variables : ce sont les contes et les nouvelles, toutes les fictions en prose que Marie Mennessier-Nodier a publiées depuis Laura Murillo (1833) jusquà Une grâce den haut (1856), soit au total treize récits. Cet ensemble de corps célestes indépendants a été regroupé pour la première fois dans le Cahier détudes nodiéristes no 7, Classiques Garnier, 2019. Avaient été joints également à cette édition quelques fragments romanesques jusque-là inconnus.

Le présent numéro des Cahiers détudes nodiéristes va plus loin et poursuit ce travail dexploration et de recensement aux frontières du système, au sein dun second anneau censé renfermer les derniers écrits connus de Marie Mennessier-Nodier. Quy trouve-t-on ? On y découvre des textes déjà connus pour certains, mais surtout un assez grand nombre dinédits. Lensemble a été regroupé sous le titre de Vers et Proses. Les éléments déjà connus sont des poèmes qui furent publiés dans des journaux ou des recueils divers, mais sans jamais avoir été regroupés en œuvre constituée. Nous en restituons une présentation chronologique en fonction des dates disponibles sur les manuscrits ou dans les éditions. La part des inédits, elle, est relativement importante. Nous y trouvons une courte pièce de théâtre, lunique pièce de Marie Mennessier-Nodier, semblerait-il. Il sagit plus exactement dun proverbe, qui est dinspiration tout à fait mussetienne. Les autres manuscrits concernent des souvenirs liés aux soirées de lArsenal et à leurs hôtes. On y lit aussi quelques pages polémiques sur M. Thiers et sur les débuts de la Troisième République.

Au-delà, il ny a plus rien… plus rien qui appartienne à Marie Mennessier-Nodier… à moins dautres découvertes au bout de nos lorgnettes.