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Classiques Garnier

Dictionnaire des caricaturistes

  • Type de publication : Article de revue
  • Revue : Cahiers Alexandre Dumas
    2018, n° 45
    . Dumas en caricatures
  • Pages : 189 à 199
  • Revue : Cahiers Alexandre Dumas
  • Thème CLIL : 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
  • EAN : 9782406090403
  • ISBN : 978-2-406-09040-3
  • ISSN : 2275-2986
  • DOI : 10.15122/isbn.978-2-406-09040-3.p.0189
  • Éditeur : Classiques Garnier
  • Mise en ligne : 09/03/2019
  • Périodicité : Annuelle
  • Langue : Français
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Dictionnaire des caricaturistes1

Ancourt Auguste Edward (Gamache-en-Vexin, 28 août 1841 – ?), lithographe et imprimeur. Il commence à publier sous le Second Empire dans des journaux satiriques tels que Le Bouffon, Le Tintamarre ou le Journal amusant, mais il doit une partie de son succès à ses nombreuses illustrations de partitions dairs populaires, issus de lopéra-comique et du café-concert. Parallèlement, il fait des affiches pour des imprimeurs parisiens, notamment pour les scènes du music-hall, avant douvrir à son compte une imprimerie lithographique au début des années 1880. Il imprime les lithographies de Toulouse Lautrec pour Elle (Jane Avril) et certaines de ses affiches célèbres (Aristide Bruant dans son cabaret, 1892) ; il participe à partir de 1895 à la Revue Blanche (à laquelle contribuent entre autres F. Vallotton, T. Lautrec, Léon Blum, Gide, Apollinaire ou Proust). Outre les dessins pour la scène, il produit des affiches publicitaires. Ancourt publie également des ouvrages destinés à un public de collectionneurs, comme le Voyage dUrien (1893) dAndré Gide, illustré par Maurice Denis, tiré à 300 exemplaires.

Bertall, Charles-Constant-Albert-Nicolas dArnoux de Limoges Saint-Saëns, dit (Paris, 18 décembre 1820 – Soyons, 24 mars 1882), illustrateur, caricaturiste et graveur, lun des plus féconds du xixe siècle. Élève du peintre Martin Drölling, il se consacre exclusivement à lillustration et à la caricature. Illustrateur de Balzac et dautres écrivains contemporains (Romans populaires illustrés), il tient parfois la plume et le crayon (Les Infortunes de Touche-à-Tout, Hurluberlu et ses déplorables aventures). Il dessine aussi pour Le Magasin pittoresque, Le Musée des familles et donne des caricatures à lIllustration, 190au Grelot et à dautres feuilles satiriques. Il fait des dessins dactualité pour La Semaine (1849) et La Revue Comique (1848-1849), ainsi que plusieurs parodies des Salons. Il est aussi, avec Bayard, un pionnier de la photographie.

Bob ou Gyp, Sibylle de Riquetti-Mirabeau, comtesse de Martel de Janville dite (Morbihan, 16 août 1849 – Neuilly-sur-Seine, 28 juin 1932). Romancière, dramaturge, salonnière et satiriste française. Arrière-petite-nièce de Mirabeau, elle commence par publier quelques textes dans La Vie parisienne, à partir de 1877, puis dans la Revue des Deux Mondes. À partir de 1880 elle publie en volume une centaine douvrages sur la société mondaine, quelle illustre elle-même sous le pseudonyme « Petit Bob », daprès le héros de lun de ses premiers livres. Elle met en scène des types : lenfant gâté, la bonne épouse, mais également des caricatures violemment antisémites (La Patrie illustrée, La Libre parole, 1899-1901). Boulangiste, nationaliste, antidreyfusarde, elle collabore également à La Tribune française de Jules Guérin, journal qui se proclame « anti-juif et nationaliste ».

Carjat Étienne (Fareins, 28 mars 1828 – Paris, 9 mars 1906), photographe, journaliste et caricaturiste. Issu dune famille modeste, il découvre le dessin chez un fabricant de soierie où il entre comme apprenti sous les ordres dun dessinateur. Il apprend ensuite la photographie avec Pierre Petit puis ouvre son propre atelier à Paris, rue Laffitte, en 1861. Un de ses portraits les plus célèbres est celui dArthur Rimbaud (1871) : Carjat fréquentait le cercle des Vilains Bonshommes, qui rassemble à partir de 1869 des artistes comme Banville, Fantin-Latour, Verlaine et Rimbaud, avec lequel il se querelle en 1872. Blessé dun coup de canne-épée par le poète, Carjat détruit les négatifs du fameux portrait. Ses portraits comme ses photographies se distinguent par labsence fréquente déléments de décors, mais il y a des exceptions, comme celui de Rossini devant son piano…de cuisine. Proche de G. Courbet, Carjat soutient la Commune ; il publie des poèmes politiques dans le journal La Commune, ainsi quun ouvrage intitulé Artiste et Citoyen (1883). Il fonde la revue Le Boulevard (1861) et un journal, Le Diogène (1869).

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Cham, Amédée de Noé, dit (Paris, 26 janvier 1818 – Paris, 6 septembre 1879), fils du comte Louis de Noé, pair de France. Après un échec à loral à Polytechnique, il fréquente les ateliers de Charlet et de Delaroche, découvre les dessins de Topffer et se spécialise dans la caricature. Il publie dabord des livres illustrés qui mettent en scène des types moraux et sociaux, comme Monsieur Lajaunisse (1839). Sous le pseudonyme de Cham (fils de Noé), il donne pendant trente-six ans lessentiel de sa production au Charivari : une grande lithographie d« Actualités » consacrée aux faits du jour et une page entière de petits croquis gravés sur bois. Il travaille en outre à LIllustration comme illustrateur. Il rédige la plupart du temps ses propres textes. Célèbre pour ses Salons caricaturaux, il y pastiche la critique dart et présente les réactions du public face aux œuvres pour se moquer des avant-gardes2. Il met également en œuvre le principe des séquences dimages pour figurer le changement ou le mouvement, avec un style qualifié de sténographique et nerveux. Dans les années 1852-1866 il est très apprécié du public pour ses scènes légères sur la vie parisienne, que le Second Empire tolérait dautant mieux quelles étaient dépourvues de satire politique dangereuse pour le régime. Il publie aussi dans les principaux journaux illustrés des années 1870-1880 (LUnivers illustré, Le Voleur, Le Petit journal illustré, La France illustrée, Le Monde illustré, La Presse illustrée). Caricaturiste ordinaire dAlexandre Dumas, il multiplie les portraits-charges de lécrivain. Dans Histoire de mes bêtes (chap. xiii), se demandant comment il se fait que son visage, un des moins répandus par la peinture, la gravure ou la lithographie, soit connu aux antipodes, Dumas propose cette explication : « Il est vrai quà défaut de portrait ou de buste, jai grandement été illustré par mes amis Cham et Nadar, et, au lieu de faire ma caricature, cétait donc mon portrait quils faisaient ? ».

Dantan Jean-Pierre, dit le Jeune (Paris, 28 décembre 1800 – Baden-Baden, 6 septembre 1869), frère cadet dAntoine-Laurent Dantan (avec lequel quelques notices lont confondu), il est lélève 192du sculpteur François-Joseph Bosio. Il se spécialise dès 1826 dans la confection de caricatures sculptées de petite taille, éditées en bronze ou en plâtre et commercialisées sous le label Musée Dantan. Il a représenté toutes les célébrités du monde de la politique et des lettres de son temps.

Destouches Pierre, Louis, Hippolyte (Aix, 28 juin 1801 – ?). Il obtient son brevet de lithographe le en 1831 à Marseille, mais il monte à Paris où il est contremaître chez Decan pendant 14 ans avant de lui racheter son atelier. Il est actif de 1853 à 1869. Avec la disparition de limprimerie Aubert, il reprend une importante production de lithographies satiriques en lien avec léquipe de caricaturistes du Charivari (Daumier, Cham, Vernier, Carjat, Durandeau, Darjou, Pelcocq, Grévin). Contraint déviter la politique intérieure, il aborde lactualité au prisme des expéditions militaires, notamment en caricaturant les armées étrangères. Il participe ainsi à des séries quil réunit ensuite en albums (Les Cosaques pour rire ; Nos troupiers en Orient ; Ces bons Autrichiens). Il imprime aussi des caricatures de mœurs (séries de Daumier sur Les Bains de mer ou Les Chemins de fer) et des caricatures de la vie artistique. Parallèlement à lestampe satirique, Destouches se voit commander des illustrations pour des affiches de spectacles ainsi que par de petites revues spécialisées dans le monde du spectacle (Le Théâtre, Le Boulevard) qui proposent des portraits dacteurs (La Galerie dramatique). Il réalise également des portraits de personnalités (lEmpereur, le Prince impérial) et des illustrations de livres pour la jeunesse.

André Gill, Louis-Alexandre Gosset de Guines (Paris, 27 octobre 1840 – Charenton, 1er mai 1885), dit. Caricaturiste, peintre et chansonnier, il publie ses premières charges en 1859 dans Le Journal amusant et Le Hanneton. Il collabore aux nombreux journaux satiriques qui fleurissent à lépoque (Le Charivari, La Lune, LEclipse) et fonde ses propres revues (Gill revue, La Parodie, La Lune rousse). Il publie également dans La Rue des dessins de son ami Jules Vallès. Après la chute de la Commune, il défend ardemment les Impressionnistes. Chansonnier à Montmartre, il se produit au Cabaret des Assassins, dont il repeint lenseigne, qui deviendra le célèbre Lapin agile (Lapin à 193Gill). Il a caricaturé tout ce que Paris comptait de célébrités. Georges Courteline disait de lui : « Gill, à soi seul, est toute une époque, comme Hugo tout un siècle. » Atteint de démence, il est interné dans un pavillon de Charenton, où il meurt à lâge de 45 ans.

Giraud Pierre-François-Eugène (Paris, 9 août 1806 – Paris, 28 décembre 1881). Peintre, graveur, caricaturiste et décorateur de théâtre. Admis à lécole des Beaux-Arts en 1821, il reçoit le prix de Rome de gravure en 1826. À partir de 1831, il expose au Salon des portraits et des scènes de genre. En 1834, il part pour Rome, puis voyage en Europe, notamment en Espagne où il accompagne Dumas, Maquet et les peintres Boulanger et Desbarolles. Leur périple se poursuit en Afrique du Nord : Dumas a été missionné par le gouvernement français, pour « faire connaître » lAlgérie aux Français3. À son retour, Giraud a un carnet de dessins à la plume et plusieurs tableaux dinspiration orientaliste, dont certains – Femmes dAlger (1859) par exemple, qui renvoie au célèbre tableau de Delacroix – sont achetés par lÉtat. Protégé de la princesse Mathilde4, quil rencontre en 1847, il brille dans les salons du Second Empire et fait le portrait de plusieurs artistes dont Flaubert et Delacroix. Il a un grand succès avec ses Soirées du Louvre, une série daquarelles peintes entre 1858 et 1870 qui caricaturent hommes de lettres et artistes, classés par ordre alphabétique. Il a formé son frère Charles et son fils Victor à la peinture.

Grandville Jean-Jacques, Jean Ignace Isidore Gérard, dit (Nancy, 13 septembre 1803 – Vanves, 17 mars 1847). Caricaturiste et illustrateur. Issu dune famille dartistes (un père et un oncle miniaturistes, des grands-parents acteurs), il commence le dessin très jeune et monte à Paris en 1825 où il fait un court apprentissage chez le peintre dhistoire et lithographe Hippolyte Lecomte ; mais il rejette lacadémisme traditionnel et collabore à plusieurs publications pour des lithographies (Le Dimanche dun Bourgeois à Paris, ou les Tribulations de la Petite Propriété, 1826). Il se rend célèbre dès 1829 194par un recueil de planches plusieurs fois réédité et augmenté, Les Métamorphoses du jour. Chacune incarne un type social dans un animal travesti en humain. Ce quil appelle lui-même « animalomanie » devient sa spécialité, exploitée en particulier dans lillustration des Fables de La Fontaine (1838). Il est recruté pour La Caricature et La Silhouette par Charles Philipon, qui publie sa série Voyage pour lÉternité. Ses sympathies républicaines le portent à défendre la liberté de la presse, mais lorsque les lois de septembre 1835 entraînent la radicalisation des prises de position de Philippon contre Louis-Philippe, il se met en retrait et se tourne vers dautres journaux tels que Le Magasin pittoresque, et lillustration de livres. Son premier livre illustré est lédition des œuvres complètes de Béranger, en collaboration avec le lithographe Auguste Raffet. Grandville nétait en effet ni lithographe ni graveur. Il donnait ses dessins à graver et préférait, comme Henry Monnier, travailler au crayon, qui se prêtait mieux aux illustrations sur bois que le trait plus marqué de la lithographie satirique des années 1830. Il participe à la série des Français peints par eux-mêmes (1840-1842) publiée par Léon Curmer, où chaque type est décrit conjointement par un écrivain et un illustrateur. Parallèlement, Hetzel lui propose de faire des Scènes de la Vie privée et publique des Animaux, sur le même principe que Curmer, mais en inversant la hiérarchie entre lillustrateur et lhomme de lettres, puisque cest ce dernier qui illustre limage et non linverse. Grandville noue une relation particulière avec Balzac, qui rédige plusieurs textes pour les Scènes de la vie des animaux, bien quelles soient conçues comme une parodie de la Comédie humaine5. À sa mort, Grandville est considéré comme un illustrateur de premier plan, un métier désormais reconnu6.

Gripp Carlo, Charles Tronsens dit (Tarbes 1830-1901 ?). Dessinateur et caricaturiste. Fondateur de LImage, journal hebdomadaire satirique, il caricature la vie courante et les « actualités de la semaine ». Certaines de ses planches présentent plusieurs dessins, un peu comme de courtes 195bandes dessinées – par exemple ses Scènes de la vie conjugale. Il collabore à plusieurs publications illustrées parisiennes entre 1850 et 1870 (Album du Journal pour rire), ainsi quà des planches publicitaires : il illustre dans le journal La Lune les qualités de Bénédictine à travers de petites scènes de la vie quotidienne autour dune imposante bouteille. Il participe de lantisémitisme virulent de la fin du siècle, comme en témoigne une caricature de 1899 légendée « Attention mes amis, voilà des Juifs ! Tenez-bien vos mains dans vos poches ! ».

Lemot Achille, Désiré Achille Valentin dit, (Reims, 31 décembre 1846 – Asnières, 20 septembre 1909). Caricaturiste, illustrateur et vignettiste. Il a également pour pseudonymes Uzès et Lilio. Élève dAndré Gill, il collabore à plusieurs journaux (notamment Le Pèlerin7, dont il sert la rhétorique antirépublicaine et antisémite) ainsi quà des revues pour la jeunesse éditées par la Maison de la bonne presse (ancêtre des éditions Bayard, fondée en 1873). Il illustre également des ouvrages de lhumoriste – et beau-frère dAlphonse Allais – Charles Leroy, créateur du Colonel Ramollot (1885), type du militaire sot et ridicule. Parmi ses dessins célèbres, une caricature de Flaubert disséquant Madame Bovary (1869).

Le Petit Alfred (Aumale, 8 juin 1841 – Levallois-Perret, 15 novembre 1909), dessinateur, caricaturiste et photographe. Il fait ses débuts à Rouen, puis à Paris, et collabore à LEclipse. En 1870, il fonde un journal satirique hebdomadaire, intitulé La Charge, où il sattaque essentiellement à Napoléon III. Républicain convaincu, anticlérical, il fonde plusieurs feuilles satiriques. Boulangiste et antidreyfusard, il se tourne vers la peinture académique, sans succès. Il termine sa vie misérablement en faisant des caricatures de touristes à la Tour Eiffel, ou en chantant dans des cabarets.

Mailly Hippolyte (Villers-Cotterêts, 13 mars 1829 – Bazancourt, 16 septembre 1888). Dessinateur, caricaturiste, lithographe et 196photographe. Sous le Second Empire, il collabore aux journaux satiriques Le Bouffon et Le Hanneton. En 1868 il publie la série de portraits 36 binettes contemporaines. Parmi ses cibles, les compositeurs Rossini et Offenbach, lacteur Frédérick Lemaître, le caricaturiste Charles Philippon, mais aussi Louis-Napoléon Bonaparte, quil représente dans sa série Le Pilori.

Marcelin, Émile Marcelin Isidore Planat, dit (Paris, 16 juillet 1829 – Paris, 24 décembre 1887). Caricaturiste, lithographe et illustrateur. Après avoir travaillé comme dessinateur au sein de divers journaux (Le Journal amusant, Le Journal pour rire, LIllustration, Le Rire) et maisons dédition, il fonde La Vie parisienne en 1862. Si Pierre Larousse lui reproche davoir « trop souvent reproduit les mêmes types de convention8 », Hyppolite Taine, qui a collaboré au journal, lui rend hommage : « Il allait chercher des gens du monde, un diplomate, un officier, un peintre, un maître des requêtes, un membre du Jockey-Club, des femmes, qui savaient causer et navaient jamais songé à écrire ; il leur prouvait que lun nest pas plus difficile que lautre, à condition décrire comme on cause, [] cest-à-dire vivement, librement, parfois trop librement, sans prétention dauteur, sans autre objet que damuser, pendant un quart dheure, des gens prompts à sennuyer, à bâiller et à sen aller. La Vie parisienne, surtout dans les premières années, fut une causerie de ce genre []9. » Comme dessinateur, Marcelin ne manquait pas non plus de talent, mais il a trop souvent reproduit les mêmes types de convention, fixés à lavance, de lofficier, du diplomate, de la femme du monde, et dans lesquels il nintroduisait guère de variété. 

Meyer Henri, dit Reyem (Mulhouse, 1844 – Paris, 1899). Caricaturiste et illustrateur. Il réalise notamment plusieurs illustrations pour les romans de Jules Verne publiés par Hetzel (Un Capitaine de quinze ans), ainsi que pour dautres auteurs (La Frontière indienne de Lucien Biart). Il dessine également beaucoup pour la presse ; on lui doit par exemple le célèbre dessin qui représente les puissances européennes 197se partageant le gâteau chinois10 (Le Petit Journal, 16 janvier 1898) en collaboration avec le graveur Fortuné Méaulle, il réalise de nombreuses couvertures pour le Supplément illustré du Petit Journal. Son fils Jean, dit Jan-Méjan, est également dessinateur et illustrateur.

Nadar, Gaspard Félix Tournachon, dit (Paris, 6 avril 1820 – Paris, 21 mars 1910). Fils dun imprimeur lyonnais, installé à Paris. Orphelin en 1837, après avoir abandonné ses études en médecine, il fonde avec Polydore Millaud le journal judiciaire LAudience, fréquentant la bohème, où il reçoit le surnom de Tournadar, puis de Nadar. Il vit dexpédients, écrivant des romans, dessinant des caricatures. En 1839, il lance une revue prestigieuse, dont il est le rédacteur en chef : Le Livre dOr, « keepsake hebdomadaire », qui après avoir bénéficié des promesses de collaboration de Balzac, Alexandre Dumas, Théophile Gautier, Gérard de Nerval, doit interrompre sa publication à sa neuvième livraison. Il reprend sa plume de caricaturiste au Corsaire-Satan, obtenant à la veille de 1848 la consécration avec son premier portrait-charge au crayon lithographique, imprimé dans Le Charivari. Combattant auprès des Polonais, fait prisonnier, agent secret de Jules Hetzel, chef de cabinet du ministre des Affaires étrangères du gouvernement provisoire, il fonde en novembre 1848 la Revue comique. En 1851, il entreprend lœuvre immense du Musée des Gloires contemporaines, comptant plus de trois cents personnages illustres (Dumas, no 22, domine de sa haute taille ses confrères), connu sous le nom de Panthéon de Nadar. Dans Histoire de mes bêtes, Dumas évoque ses caricatures et celles de Cham. Nadar se consacre à partir de 1853 à la photographie, dabord au 113 rue Saint-Lazare, où, disposant de lumière naturelle, il réalise une série dadmirables portraits, dont, en novembre 1855, le beau portrait de Dumas, assis, les mains croisées appuyées sur une canne, regardant lobjectif avec naturel, ainsi quun autre portrait, bras croisés sur un prie-Dieu (avec ou sans sa fille Marie) en 1869. En 1860, il sinstalle au 35 boulevard des Capucines, continuant ses défis techniques, comme laérostation. Après avoir réalisé en 1858, depuis un ballon, une première vue 198aérienne au-dessus du Petit-Clamart, il photographie à la lumière électrique les catacombes (1862) puis les égouts de Paris (1864-1865). En 1886, il réalise, en collaboration avec son fils Paul, le premier entretien accompagné de photographies, celui dEugène Chevreul, à loccasion du centenaire du chimiste, imprimé dans Le Journal illustré. Les quelques billets de Dumas conservés dans le fonds Nadar (BnF, n.a.fr. 24269), par le tutoiement utilisé, témoignent dune longue et grande familiarité entre les deux hommes.

Philipon Charles (1800-1862). Considéré comme le père fondateur du genre en France. En 1830 il fonde La Caricature morale, religieuse, littéraire et scénique. Dans le numéro du 28 avril 1831, il réfléchit à linfluence de la caricature anglaise (dont lâge dor sachève vers 1800) sur la France et aux visées de son journal : « La puissance de ce genre dopposition était inconnue avant la révolution de Juillet, parce que la censure, abolie pour la presse typographique, existait toujours pour les estampes et les lithographies. Nous avons donc révélé ce pouvoir en frappant dune arme jusqualors ignorée les ennemis de nos libertés ou les déserteurs et les traînards de notre camp. ».

Stepanov Nicolaï (Kalouga, 21 avril 1807 – Moscou, 23 novembre 1877). Caricaturiste russe. Après des études à Moscou, il obtient un poste administratif en Sibérie orientale. Il commence à dessiner des caricatures et veut fonder une revue. Au tournant de 1829-1830, il fonde avec des amis un cercle littéraire à Krasnoïarsk, mais ils mettent fin rapidement à ces « conversations littéraires » afin de ne pas éveiller les soupçons de la police du Tsar. Stepanov poursuit sa carrière administrative et prend sa retraite en 1843 avec le grade de conseiller dÉtat. Il dessine des caricatures pour les revues Le Fils de la Patrie et LAlmanach illustré. Il réalise également des bustes caricaturaux. Dans les années 1840, il publie avec son beau-frère un album de musique illustré. Entre 1859 et 1864, il fonde avec le poète Vassili Kourotchkine lIskra (LÉtincelle), une revue satirique dans laquelle il publie plus de 1600 caricatures. Après la disparition de lIskra il fonde Le Réveille-Matin.

Telory, Henry Emy, dit (1820-1874). Dessinateur, illustrateur, caricaturiste et lithographe. Il a illustré de nombreux Contes, dont 199ceux de Boccace. Il a consacré de nombreuses lithographies à des représentations théâtrales, notamment à lOpéra et lOpéra-comique : scènes, décors, artistes en costume. En 1840 il publie sous son vrai nom un « Album comique », Les Gaietés parisiennes. Cest un collaborateur habituel du Voleur illustré, où il partage, avec Bertall et Marcelin, la rubrique de la « Revue drolatique du mois ».

Thomassin Jeanne (1873-l9 ?). Artiste lyrique, elle joue dans des pièces de boulevard du début du xxe siècle (S. Guitry, Tristan Bernard, Paul Ferrier). Le Grain de Sel est un hebdomadaire bordelais qui paraît en 1867-1868.

1 Source importante des informations qui suivent : Dictionnaire des imprimeurs lithographes du xixe siècle, Éditions de lÉcole des Chartes en ligne, http://elec.enc.sorbonne.fr/imprimeurs/node/21547

2 Marie-Luise Buchinger-Früh, « La peinture du Second Empire dans les caricatures du Charivari » in La Caricature entre République et censure. Limagerie satirique en France de 1830 à 1880 : Un discours de résistance ?, éd. Ph. Régnier, Presses universitaires de Lyon, 1998, p. 338-44.

3 Lexpédition est relatée par Dumas dans ses Impressions de voyage : De Paris à Cadix (1847) et Le Véloce ou Tanger, Alger et Tunis (1846).

4 Elle lui consacre une biographie publiée en 1884.

5 Pourtant il ne participe pas à lillustration des Œuvres complètes publiées du vivant de Balzac, auxquelles collaborent Daumier, Monnier, Johannot et Gavarni.

6 Sur Grandville, voir Keri Yousif, Balzac, Grandville and the Rise of Book illustration, Surrey, Ashgate publishing, 2012 ; Ségolène Le Men et Jan Ceuleers, Grandville. Un autre monde. Les dessins et les secrets, Pandora Publishers / Éditions de lAmateur, 2011.

7 Voir Guillaume Doizy et Jean-Luc Jarnier, « Une rhétorique caricaturale originale au service de lidéologie catholique : Achille Lemot au journal Le Pèlerin », sur le site Caricatures et Caricature. Recherche sur lhistoire de la caricature et du dessin de presse, http://www.caricaturesetcaricature.com/2017/07/une-rhetorique-caricaturale-originale-au-service-de-l-ideologie-catholique-achille-lemot-au-journal-le-pelerin.html

8 Pierre Larousse, Grand Dictionnaire universel du xixe siècle : français, historique, géographique, mythologique, bibliographique, t. 17 supplément 2, Paris, Administration du grand Dictionnaire universel, 1866-1877, p. 1563-1564.

9 Hippolyte Taine, Souvenirs de la Vie parisienne, Paris, Victor-Havard, 1888.

10 Autour de la table, on voit de gauche à droite la reine Victoria, lempereur Guillaume II plantant son couteau dans le gâteau, Nicolas II de Russie. La France, représentée par Marianne, se tient diplomatiquement en retrait et lempereur du Japon hésite. Derrière eux, un Chinois aux traits stéréotypés lève les bras au ciel.