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Classiques Garnier

Précisions

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Le Théâtre-Historique d'Alexandre Dumas II

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Précisions Un article de Georges Huard, intitulé «Anatole France et le Ve arrondissement. Isabelle Constant » et imprimé dans le Bulletin de la Société historique du sixième arrondissement de Paris (1926, p. 36-38) permet de rectifier et de préciser la notice biographique publiée dans Le Théâtre-Historique d'Alexandre Dumas, I, p. 193. CONSTANT, Marie Guindé, dite Isabelle, surnommée Zirza par A. Dumas (Excideuil, 25 janvier 1834-Paris, 23 octobre 1900). Fille de Philippe Guindé, cordonnier de trente-deux ans, demeurant à Tourtarac, lors de la naissance de sa fille, et de Marie Robertie (1808-18 septembre 1863), elle est la fille ou la fille adoptive de Joseph Victor Constant (Excideuil, 7 septembre 1809-Paris, 10 mai 1888), perruquier établi 62, rue de Vaugirard OÙ Marie Guindé et sa fille le rejoignent vers 1844. Blonde aux grands yeux bleus et doux, elle débute, sous le nom de son père adoptif, après avoir reçu les leçons de Mlle George et de Samson, au Théâtre de Montmartre, En août 1850, Dumas cherchant une interprète pour le rôle d'Hélène dans Le Capitaine Lajonquière, pièce sur laquelle il compte pour sauver le Théâtre-Historique, Mlle George lui présente une de ses élèves, Isabelle Constant: «Elle venait d'avoir quinze ans, elle était un peu plus grande que ne le comportait son âge, mince, flexible et gracieuse comme un roseau [ ]. Je n'ai jamais rien vu et n'avais jamais rien rêvé de plus léger, de plus aérien, de plus angélique que cette apparition. » (A. Dumas, «Isabelle Constant», Nouvelle Galerie des artistes drama- tiques de Paris, 1855). Dumas, séduit par cette enfant, l'engage aussitôt et la fait répéter. Lors de la représentation, le 23 sep- tembre 1850, on reconnaît à Isabelle des «qualités de simplicité, de vérité et de sentiment» {L'Événement, octobre); elle reprend Marguerite dans Le Capitaine Paul·, juste avant la fermeture du Théâtre-Historique (16 octobre), Dumas impose ensuite sa jeune maîtresse dans les pièces qu'il confie à d'autres théâtres, elle tient le rôle de France dans La Barrière de Clichy (Théâtre-Natio-

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Cahiers Alexandre Dumas n°36

nal, 21 avril 1851); celui de Mélusine dans Le Vampire (Ambigu- Comique, 20 décembre), rôles modestes dans lesquels le talent d'Isabelle s'aguerrit. 11 loue pour sa maîtresse, qui souffre de la poitrine, un joli appartement exposé au midi, 96, rue Beaumar- chais, et il se fait son garde-malade. Après son départ précipité pour Bruxelles (10 décembre 1851), Isabelle, retenue à Paris par Le Vampire, puis par ses débuts à l'Odéon (Andromaque), ne lui rend visite que le 11 février 1852, puis de loin en loin. 11 l'impose dans le rôle de Colombe dans Benvenuto Cellini qui, le V avril 1852, remporte un grand succès, auquel il est venu assister. Les représentations terminées, il lui fait découvrir Rome et l'Italie (du 17 août au 3 octobre 1852). En 1853, elle ne peut remonter sur scène, à cause de son état de santé. À Pâques, Dumas se rend à son chevet, rue de Laval, où elle loge: «Je l'ai trouvée avec quinze sangsues au côté, un médecin qui aimait mieux lui brûler les plaies avec la pierre infernale que lui arrêter le sang avec l'eau de Boquery. » (à Marie, 28-29 mars 1853). Malgré la haine qu'éprouve sa fille pour sa maîtresse, Isabelle effectue quelques séjours à Bruxelles au 73, boulevard Waterloo. À la fin de 1853, elle est engagée au théâtre de la Gaîté où elle reprend le rôle de Marie dans Le Comte Hermarnn puis crée Les Cosaques d'A. F. Arnault et Judicis (24 novembre). En 1854, elle crée au Vaudeville La Vie en rose de Barrière et Koch QV avril). Elle règne alors sans partage sur le cœur et les sens de Dumas, qui lui offre le rôle de la comtesse Louise dans La Conscience (4 novembre) et lui consacre un portrait de quatre pages dans la Nouvelle gale- rie des artistes dramatiques vivants contenant 40 portraits en pied des principaux artistes dramatiques de Paris... peints et gravés sur acier par Ch Geoffroy, chaque portrait est accompa- gné d'une notice biographique et d'une appréciation sur la vie de l'artiste (À la Librairie théâtrale, 1855: le portrait représente Isabelle Constant). Épris d'Emma Mannoury-Lacour, il tente de faire admettre à sa nouvelle maîtresse son ancienne liaison: «Je veux que tu aimes cette enfant, c'est avec toi le seul être qui m'aime au monde, seulement elle m'aime comme une fille, seule- ment et toi. Dieu soit béni! tu m'aimes de tous les amours.» Cet amour devenu filial ne semble pas une fiction, car, en avril 1856, Dumas précise pour Hugo, après qu'Isabelle a perdu un enfant nouveau-né: «Je n'étais rien pour elle qu'un ami. » (24 avril 1856), propos confirmés par Delacroix dans son Journal. En 1855, Isa- belle, engagée à l'Ambigu-Comique, elle reprend, aux côtés de

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Frédérick Lemaître et dans le rôle d'Anna Dumby, Kean (24 mai) et crée Blanche, sœur et pupille de Robert, comte de Sullauze (Dumaine) dans Frère et sœur àe Méry et Lopez (14 juin), Térésa, auprès de Dumaine (César Borgia) dans César Borgia, de Cri- safulli et Devicque (11 décembre), Laurence, jeune premier rôle, dans La Servante, de Brisebarre et Nus (17 janvier 1856), Le Fléau des mers de Nus et Laurençot (14 juillet). Elle disparaît ensuite de la scène, qu'elle retrouve le 8 septembre 1859, pour interpréter, à la Porte-Saint-Jean, le rôle de Marguerite dans La Jeunesse de Louis XI de Jules Lacroix. Au cours d'une des représentations, un jeune spectateur, Anatole Thibault, qui se fera connaître sous le pseudonyme d'Anatole France, succombe à son charme : « Quand parut Marguerite d'Ecosse, un trouble extraordinaire s'empara de moi, je me sentis brûlant et glacé et fus près de défaillir, je l'aimai. Elle était belle. Je n'aurais jamais cru qu'une femme pût l'être autant. [ ] Je vis sur le programme que le rôle de Margue- rite d'Ecosse était tenu par Mlle Isabelle Constant, et ce nom se grava dans mon cœur en traits de feu très doux. » (Anatole France, La Vie en fleur, IX). Zirza, comme la surnommait Dumas, vit ensuite loin de la scène, contrairement à ce qu'affirme Porel dans Ce dont je me souviens (chapitre XX) affirmant qu'« Isabelle Constant meurt folle de lui [Alexandre Dumas] en pleine jeunesse après des débuts brillants» Elle épouse vers 1890 le dramaturge Eugène Bourgeois, et meurt le 23 octobre 1900, enterrée avec sa mère, son père adoptif et son mari au cimetière Montparnasse.