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Classiques Garnier

Avant-propos

  • Type de publication : Article de revue
  • Revue : Cahiers Alexandre Dumas
    2001, n° 28
    . Christine à Fontainebleau
  • Auteur : Schopp (Claude)
  • Pages : 7 à 12
  • Réimpression de l’édition de : 2001
  • Revue : Cahiers Alexandre Dumas
  • Thème CLIL : 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
  • EAN : 9782406094937
  • ISBN : 978-2-406-09493-7
  • ISSN : 2275-2986
  • DOI : 10.48611/isbn.978-2-406-09493-7.p.0011
  • Éditeur : Classiques Garnier
  • Mise en ligne : 07/02/2020
  • Périodicité : Annuelle
  • Langue : Français
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Avant-propos

par Claude Schopp

Le 20 mars 1828, le Comité d'administration de la Comédie- Française, représenté par Armand, Devigny, Monrose, Grand- ville, Menjaud, Saint-Aulaire et Samson, recevait « à correc- tions » une tragédie en cinq actes intitulée Christine de Suède. Le jeune auteur, Alexandre Dumas, employé dans les bureaux du duc d'Orléans, n'avait produit jusque-là que des poèmes de circonstances {Elégie sur la mort du général Foy, Canaris, Galerie lithographiée de Mgr le Duc d'Orléans^ ou des vers fugitifs de keepsakes (L'Almanach dédié aux demoiselles, Le Petit Porte- feuille des Dames, Le Chansonnier des Grâces, L'Almanach des Dames, La Psyché), deux vaudevilles (La Chasse et l'Amour, La Noce et l'enterrement), trois nouvelles (Nouvelles contempo- raines), une adaptation de Schiller, Fiesque, qui sera refusée le 14 mai 1828 et de la critique littéraire'. 11 n'appartenait donc qu'à la roture des Lettres Cette réception au Théâtre-Français lui confère ses lettres de noblesse, confirmées par la réception définitive à l'unanimité de la tragédie, le 30 avril 1828. Aussi n'est-il pas surprenant qu'Alexandre Dumas, dans ses écrits autobiographiques, revienne réitérativement sur cet épi- sode capital de sa vie littéraire, le soumettant aux anamor- phoses qu'exigeait le récit du moment. De « Comment je devins auteur dramatique », inséré dans la Revue des deux mondes du 1®·· décembre 1833^, à « Nos Grands hommes en robe de cham- bre. Frédéric Soulié », inséré dans Le Mousquetaire du 26 dé- cembre 1866 au 5 janvier 1867, en passant par sa lettre à Matha-

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rel de Fiennes sur Soulié (Le Siècle, 28 septembre 1847, repro- duit dans La Presse, 29 septembre 1847), « Mon Odyssée au Théâtre-Français », écrit en 1855 pour Paris et les Parisiens au XIX^ siècle ou encore « Alfredo di Vigny », imprimé dans L'Indi- pendente du 29 septembre au 14 octobre 1863·^, sans oublier bien sûr les nombreux chapitres de Mes Mémoires qui lui sont consa- crés (CIX, CXIV, CXVll, CXXV, CXXXlll, CXXXVI, CXXXVlP). L'épisode s'y décompose en séquences récurrentes et va- riables, menant de l'idée première de la tragédie à la représen- tation de Stockholm, Fontainebleau et Rome, qui en est une pro- fonde refonte, selon l'esthétique romantique (30 mars 1830) : 1° Découverte au Salon en novembre 1827 de Y Assassinat de Monaldeschi, bas-relief de Mlle de Fauveau® et/ou lecture de l'ar- tide Christine de Suède dans la Biographie universelle de Mi- chaud (Comment..., Matharel, Mes Mémoires, CIX). Refus de Sou- lié de composer une pièce sur le sujet (Matharel, Mes Mémoires, CIX) 2°. Achèvement de Christine de Suède. Sur les conseils de Fir- min (Odyssée, II) et par l'entremise de Nodier, lecture officieuse de la tragédie au baron Taylor, puis, devant le comité de la Co- médie-Française, lecture et réception « par acclamation » (20 mars 1828), cependant il est demandé à l'auteur de communi- quer le manuscrit à un auteur que la Comédie désignera (Com- ment. Mes Mémoires, CXIV ; Odyssée, 111). Sur le chemin du re- tour, perte du manuscrit que Dumas recompose de mémoire. Réaction des chefs et employés des bureaux du duc d'Orléans, suppression de ses gratifications (Comment, Mes Mémoires, CXIV). L'avis négatif de l'auteur dramatique Picard sur la pièce (Mes Mémoires, CXIV ; Odyssée, IV). La déclaration louangeuse de Nodier. Lafon demande un rôle de « chevalier français » (Odyssée, V, VI). Seconde lecture et réception définitive de la pièce (Mes Mémoires, CXIV). 3°. Visite de Mlle Mars, critiquant la distribution (Mlle Mars : Christine ; Firmin : Monaldeschi ; Perrier : Sentinelli ; Samson : La Calprenède) et conseillant des modifications ; son refus de prononcer certains vers aux répétitions auxquelles elle ne vient bientôt plus (Odyssée, VII, Vlll). Refroidissement des comédiens vis-à-vis de la pièce (Mes Mémoires, CXVll). Pressions pour que Dumas cède son tour à une autre Christine, celle de Louis Brault mourant, reçue à la Comédie le 4 août 1828, en particulier me-

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naces d'Evariste Dumoulin du Constitionnel, amant de Mme Val- monzey, distribuée dans la tragédie de Brault. Dumas finit par s'exécuter après que le théâtre lui a promis de ie jouer à sa pre- mière réquisition (Mes Mémoires, CXVll). 4° Refonte de la pièce (et invention du personnage de Paula) au cours d'un voyage au Havre, en diligence (fin juillet/début août 1829. Mes Mémoires, CXXV ; Odyssée, IX). 5° Après la chute de la Christine de Soulié à l'Odéon, Harel, di- recteur de ce théâtre, demande à Dumas de lui confier sa pièce, qui, avec l'aval de Soulié, est lue à l'Odéon. Harel demande à l'auteur de la mettre en prose (Mes Mémoires, CXXXlll ; Matha- ret). 6° Première représentation de Stockholm, Fontainebleau et Rome. La pièce rendue par la censure. Négociations pour que le duc de Chartres et ses deux frères assistent à la représentation^ (Mes Mémoires, CXXXVl). Soulié offre ses cinquante ouvriers en guise de claqueurs. Nouvelle bataille romantique. Au cours d'un souper qui suit la représentation, Vigny et Hugo corrigent les vers empoignés (Mes Mémoires, CXXXVll). Quelques-unes de ces séquences ont été élevées par Dumas au rang de légendes littéraires, comme la scène où le baron Tay- lor subit dans sa baignoire la lecture d'une interminable tragé- die, et surtout les exemplaires témoignages de fraternité litté- raire que proposent Soulié d'une part, Vigny et Hugo de l'autre, lors de la première représentation de Stockholm, Fontainebleau et Rome. Or, cet enchâssement profusément renouvelé ne sertissait jusqu'à ce jour que du vide : Christine à Fontainebleau, premier ouvrage dramatique d'Alexandre Dumas à être reçu à la Comé- die-Française, n'avait jamais été publié. C'est cette lacune que cette livraison des Cahiers a d'abord voulu combler en éditant le texte du manuscrit conservé à la Bibliothèque nationale® — en indiquant les modifications et coupures exigées par la cen- sure, ainsi que les variantes introduites par un manuscrit posté- rieur, conservé à la Pierpont Morgan Library de New York®. Nous avons retenu, entre crochets, de ce manuscrit les indications di- dascaliques qui permettent au lecteur une meilleure mise en es- pace de la tragédie. Ainsi est enfin mise au jour "une chose im- portante dans l'histoire littéraire » d'A. Dumas'®.

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La Christine à Fontainebleau de Dumas n'est par ailleurs qu'une Illustration de l'extraordinaire fortune artistique de la reine de Suède au XlXème siècle : peintres, sculpteurs et surtout dramaturges l'ont élue comme sujet de leurs ouvrages. Aussi avons-nous répertorié les principales tentatives dramatiques du temps qui prennent pour protagoniste cette figure énlgmatlque de reine Impérieuse abandonnant le pouvoir, de femme s'empa- rant des vertus viriles, qui a fasciné le début du siècle : Chris- tine, ou la Mort de Monaldeschi, tragédie en vers par Alexandre Duval, Christine de Suède, drame historique en cinq actes et en vers par Louis Brault, Christine à Fontainebleau, drame en cinq actes et en vers par Frédéric Soullé, et encore Christine, ou la reine de seize ans, comédie mêlée de vaudevilles, en deux actes par Jean François Alfred Bayard et Christine, roi de Suède, comé- die en trois actes de Paul de Musset. Les tragédies et/ou drames d'A. Dumas, L. Brault et F. Soullé apparaissent concuremment aux rayons crépusculaires de la Restauration : c'est pourquoi nous avons choisi de rassembler les documents, souvent Inédits, les concernant (lettres, rap- ports de censure, registre de la Comédie-Française) dans une même section (« Correspondances »), selon leur ordre chrono- logique, afin d'éclairer plus généralement la vie littéraire de ces années 1828-1830. A cette occasion, 11 a semblé utile de revoir les notices biographiques des comédiens de la Comédle-Fran- çalse et de l'Odéon qui ont créé ces pièces, comme Ils créeront par la suite quelques-uns des drames essentiels du romantisme ; en effet, les annotateurs se contentent habituellement de repro- dulre les articles du vieux Dictionnaire des comédiens français d'Henry Lyonnet (1904), qui, quoique Indispensable, n'est pas dépourvu d'erreurs ou d'Imprécisions. Pièce en main désormais, le lecteur pourra ou non valider les jugements condescendants qu'A. Dumas a portés sur cette tra- gédle qui Inaugure sa véritable entrée dans le monde littéraire : « J'avais fait, comme tout le monde, ma petite tragédie en cinq actes. [...] Ma tragédie s'appelait Christine à Fontainebleau. C'était une tragédie classique ; entendons-nous, classique pas à la manière d'Eschyle et de Sophocle, pas même à la manière de Corneille, qui ne se gênait pas pour mettre dans son Cid des

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changements à vue là où il en avait besoin, mais classique à la manière de Legouvé, de Chénier et de Luce de Lancival. 11 y avait bien par-ci par-là un peu de comédie montrant ses dents blanches, mais enfin c'était par le fond une tragédie clas- sique. » (Odyssée, 11) En effet, le jeune dramaturge fut servi par des circonstances apparemment défavorables. Si la Comédie-Française avait re- présenté Christine à Fontainebleau, il eût probablement été classé parmi les épigones de Casimir Delavigne, alors que le coup d'éclat d'Henri III et sa cour, drame en prose rompant avec l'esthétique classique, le rangea à l'avant-garde des révolution- naires romantiques.

1. Compte rendu à'Epître sur l'esprit et l'aveuglement du siècle, par Madame la princesse Constance de Salms, La Réunion, 20 avril 1828, p. 2-3 (découvert par J.-P. Galvan). 2. Repris en tête de l'édition du Théâtre complet, Michel Lévy frères, t. 1, 1863, p. 1-34. 3. Morizot 1856, p. 317-402, enregistré dans la Bibliographie de la France le 29 décembre 1855 ; repris, sous le titre « Mon Odyssée à la Comédie-Fran- çaise », dans Souvenirs dramatiques, Michel Lévy, 1868,1.1, 185-225 et 389-421. 4. L'Indipendente, anno 111, n°217-218, 221, 227-228, 230 ; 29-30 septembre, 3, 10,12, 14 octobre 1860. 5. Préoriginale dans La Presse : 11, 17, 20, 24 juillet, 26, 29 août 1852. 6. Les bas-reliefs de Félicie de Fauveau ne figurent pas dans Explication des ouvrages peinture, sculpture, gravure, lithographie et architecture des artistes vl· vants exposés au Musée royal des Arts le 4 novembre 1827. Paris, Mme Vve Bal- lard, 1827 (B.N., Richelieu, Yd2-980-981, microfiche (1827). 7. Les jeunes princes assistent à la représentation du lundi 12 avril, voir Jour- nal intime de Cuvillier-Fleury, Librairie Pion, I, p. 177. 8. Christine à Fontainebleau, tragédie en 5 actes. B.N., n.a.fr. 14821 (microfilm 5271), ms non autographe, 98 f., 355x230 mm, demi-rel. mar. bordeaux avec coins, filets dorés, dos orné de compartiments, filets or, papier blanc non ro- gné. Manuscrit acquis à la vente Moreau-Chaslon (1892) par Charles Glinel, qui le décrit dans là Revue biblio-iconographique, 1899, p. 8-10, puis par Jean Meyer de la Comédie-Française. On y a joint une lettre de Dumas au ministre de l'inté- rieur (fol. 3-4) et les rapports de censure (fol. 5-11). Acheté par la B.N. à la vente de l'Hôtel Drouot des 27 et 28 octobre 1964. Une copie, donnée par Glinel à Frank W. Reed (Christine à Fontainebleau, tragédie en 5 actes en vers) est conservée à Auckland Public Library (Nouvelle-Zélande). 9. Christine à Fontainebleau, drame historique, 5 actes en vers. Pierpont Mor- gan Library, New York, ms. a.s., 92 ff in-fol. et in-4. Dans la reliure sont insérés

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une lettre autographe de Dumas, un portrait de Christine et un portrait de Du- mas. Acheté à Londres chez Pearson en 1907. 10. Expression d'Alexandre Dumas, dans une lettre à Michel Lévy, du 6 juillet [1867], à propos d'un ms. de Fiesque de Lavagna. 11. « Christine n'était point ce qu'elle est aujourd'hui : c'était une simple pièce romantique par la forme, mais classique par le fond. Elle était réduite à cinq actes ; tout se passait à Fontainebleau, et avec l'unité de temps, de lieu et d'action, recommandée par Aristote. Chose plus étrange encore ! Elle ne ren- fermait pas le rôle de Paula, qui est aujourd'hui la meilleure création de l'ou- vrage, et surtout le véritable ressort dramatique. Monaldeschi trahissait l'am- bition, mais non l'amour de Christine. » (Mes mémoires, CXIV) . Stockholm, Fontainebleau et Rome, trilogie dramatique sur la vie de Christine de Suède, en 5 actes et en vers. Pierpont Mer- gan Library, New York, ms. a., sauf les 2® et 5® actes de la main de Mélanie Waldor. On a inclus dans la reliure du ms. les rap- ports des censeurs de 1830. A appartenu à Charles Glinel.

Manuscrits . Christine, ms. a., 70 ff. in-folio. Manuscrit des quatre premiers actes, le troisième étant non autographe. Ce ms a appartenu à Jules Marsan, qui le décrit dans « Sur un manuscrit d'A. Du- mas », Revue d Histoire littéraire de la France, 1927, p. 436-440, puis au colonel Daniel Sickles (17 juin 1876). 11 a été acquis par la Société des amis d'Alexandre Dumas (2000) [Stockholm, Fontainebleau et Rome], B.N., n.a.fr. 24664, 10 ff., ms a. s. du cinquième acte. Au bas de la dernière page :

Fin du 4® acte A mon ami Comte Alex Dumas

26 avril 1830.